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Chapitre 1 Grammaire universelle et pragmatique du discours Daniel Vanderveken Département de Philosophie université du Québec à Trois-Rivières 3351, boul. des Forges, C.P. 500 Trois-Rivières (QC) G9A 5H7, Canada [email protected] Comme les grammairiens et les philosophes de l’âge classique l’ont souligné, les deux fonctions principales du langage sont de donner aux êtres humains des moyens pour exprimer et communiquer avec clarté et précision leurs pensées conceptuelles à contenu propositionnel. Y-a-t-il des traits transcendants que toute langue naturelle doit posséder pour être capable de remplir ses deux fonctions essentielles d’expression et de communication de nos pensées conceptuelles, et si oui, quelle est leur nature ? En quoi consiste notre compétence linguistique ? Telle sont les questions dont je traiterai dans ce chapitre. Selon la théorie des actes de discours, les unités premières de signification et de communication dans l’usage et la compréhension du langage, sont des actes de discours du genre appelé par Austin (1962) illocutoire. Les locuteurs qui veulent communiquer font plus que représenter des faits du monde en exprimant des propositions ayant des conditions de vérité. Ils relient toujours le contenu propositionnel de leurs pensées au monde avec des forces illocutoires. Ils entendent alors accomplir à un moment d’énonciation des actes illocutoires individuels comme des assertions, questions, promesses, demandes, conseils, déclarations et saluts, qui sont pourvus de conditions de félicité plutôt que de conditions de vérité. Ce faisant, ils manifestent leurs attitudes (croyances, désirs, intentions) à propos des faits représentés. Qui plus est, quand ils poursuivent un discours, les locuteurs entendent en outre y accomplir des interventions comme échanger des salutations, donner des nouvelles, débattre sur une question, raconter une histoire, expliquer et justifier leurs positions, délibérer comment agir, négocier une affaire, régler un différend, faire un rapport, une évaluation, un certificat ou un éloge. Pareilles interventions qui durent un intervalle de moments successifs sont des actes illocutoires de niveau supérieur qui sont conjoints quand plusieurs interlocuteurs les poursuivent (Vanderveken 1997, 2001). Comme les locuteurs expriment et communiquent leurs pensées conceptuelles en tentant d’accomplir des actes illocutoires, la logique des actes de discours contribue à la théorie des universaux langagiers en formulant les lois nécessaires et universelles qui gouvernent la félicité des actes illocutoires dans l’usage et la compréhension du langage. A mes yeux, la forme logique des actes illocutoires (en bref des illocutions)

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Chapitre 1

Grammaire universelle

et pragmatique du discours

Daniel Vanderveken

Département de Philosophie

université du Québec à Trois-Rivières

3351, boul. des Forges, C.P. 500

Trois-Rivières (QC) G9A 5H7, Canada

[email protected]

Comme les grammairiens et les philosophes de l’âge classique l’ont souligné, les deux fonctions

principales du langage sont de donner aux êtres humains des moyens pour exprimer et communiquer avec

clarté et précision leurs pensées conceptuelles à contenu propositionnel. Y-a-t-il des traits transcendants

que toute langue naturelle doit posséder pour être capable de remplir ses deux fonctions essentielles

d’expression et de communication de nos pensées conceptuelles, et si oui, quelle est leur nature ? En quoi

consiste notre compétence linguistique ? Telle sont les questions dont je traiterai dans ce chapitre.

Selon la théorie des actes de discours, les unités premières de signification et de communication dans

l’usage et la compréhension du langage, sont des actes de discours du genre appelé par Austin (1962)

illocutoire. Les locuteurs qui veulent communiquer font plus que représenter des faits du monde en

exprimant des propositions ayant des conditions de vérité. Ils relient toujours le contenu propositionnel de

leurs pensées au monde avec des forces illocutoires. Ils entendent alors accomplir à un moment

d’énonciation des actes illocutoires individuels comme des assertions, questions, promesses, demandes,

conseils, déclarations et saluts, qui sont pourvus de conditions de félicité plutôt que de conditions de vérité.

Ce faisant, ils manifestent leurs attitudes (croyances, désirs, intentions) à propos des faits représentés. Qui

plus est, quand ils poursuivent un discours, les locuteurs entendent en outre y accomplir des interventions

comme échanger des salutations, donner des nouvelles, débattre sur une question, raconter une histoire,

expliquer et justifier leurs positions, délibérer comment agir, négocier une affaire, régler un différend, faire

un rapport, une évaluation, un certificat ou un éloge. Pareilles interventions qui durent un intervalle de

moments successifs sont des actes illocutoires de niveau supérieur qui sont conjoints quand plusieurs

interlocuteurs les poursuivent (Vanderveken 1997, 2001).

Comme les locuteurs expriment et communiquent leurs pensées conceptuelles en tentant d’accomplir

des actes illocutoires, la logique des actes de discours contribue à la théorie des universaux langagiers en

formulant les lois nécessaires et universelles qui gouvernent la félicité des actes illocutoires dans l’usage et

la compréhension du langage. A mes yeux, la forme logique des actes illocutoires (en bref des illocutions)

impose des exigences formelles à la structure profonde de toute langue naturelle possible ainsi qu’à

l’esprit de ses interlocuteurs compétents. Ainsi certains traits syntaxiques, sémantiques et pragmatiques

sont transcendants et universaux car ils sont indispensables. Une langue dépourvue de pareils traits ne

pourrait fournir à sa communauté linguistique des moyens appropriés pour exprimer et communiquer leurs

pensées conceptuelles. Qui plus est, comme la compétence linguistique est avant tout la capacité

d’accomplir et de comprendre des actes illocutoires individuels et conjoints, les interlocuteurs compétents

doivent avoir certaines capacités mentales pour pouvoir pleinement utiliser et comprendre une langue

naturelle. En particulier, ils doivent être capables de faire des actes de référence et de prédication et de

distinguer au niveau propositionnel le vrai du faux, et au niveau illocutoire le succès de l’échec et la

satisfaction de l’insatisfaction. Ils doivent également pouvoir raisonner, faire des inférences valides aussi

bien pratiques que théoriques et coopérer en coordonnant intelligemment leurs contributions dans le

discours. Pareilles capacités exigent d’eux la faculté de raison.

Comme nous le verrons, il y a une relation interne entre les fonctions essentielles et la structure

profonde du langage. Les langues naturelles possèdent un riche vocabulaire et une grammaire puissante,

elles mettent à la disposition de leurs interlocuteurs beaucoup d’énoncés afin d’exprimer et de

communiquer leurs pensées en accomplissant de diverses façons, littéralement, sérieusement ou non, des

actes illocutoires. Elles leur donnent également les moyens de former de nouveaux énoncés et d’enrichir

leurs capacités expressives. La structure de surface des énoncés courants peut induire en erreur.

Néanmoins, les interlocuteurs appréhendent la forme logique des actes illocutoires tentés lorsqu’il y a

signification et compréhension. En outre la forme logique des traits transcendants du discours est celle qui

convient à leurs fonctions.

1.1. Principes de la logique illocutoire

Il existe plusieurs niveaux d’unités de communication dans la poursuite du discours, de même qu’il existe

plusieurs niveaux d’unités syntaxiques en syntaxe logique. Selon la théorie des actes de discours, les unités de

base sont les actes illocutoires élémentaires comme les rappels, les promesses, les questions, les conseils, les

définitions et les compliments qui sont composés d’une force illocutoire F et d’un contenu propositionnel P.

D’un point de vue logique, pareils actes illocutoires sont des actes de discours de premier niveau : des

locuteurs individuels entendent les accomplir à un moment d’énonciation en utilisant des mots en un seul

contexte d’emploi d’une langue.

Comme Searle et moi-même l’avons expliqué dans Foundations of Illocutionary Logic1 chaque acte

illocutoire élémentaire de la forme F(P) est pourvu d’un but illocutoire intrinsèque à la force F qui lui est

propre.

Il y a cinq buts illocutoires que les locuteurs peuvent tenter d’atteindre sur un contenu propositionnel :

– le but assertif (propre aux assertions, conjectures et aveux) qui sert à représenter comment les choses

sont dans le monde ;

– le but engageant (propre aux promesses, menaces et serments) qui sert à engager le locuteur à une

action ;

– le but directif (propre aux demandes, ordres et questions) qui sert à tenter de faire agir l’interlocuteur ;

– le but déclaratoire (propre aux nominations, dons et verdicts) qui sert à faire une action au moment de

l’énonciation par le seul fait de dire qu’on la fait ;

– le but expressif (propre aux saluts, excuses, plaintes et remerciements) qui sert à exprimer des

attitudes du locuteur.

Les énoncés des langues naturelles servant à accomplir littéralement les actes illocutoires élémentaires

sont des énoncés élémentaires pourvus d’un marqueur et d’une clause exprimant respectivement une force

illocutoire et un contenu propositionnel en chaque contexte possible d’énonciation. Les marqueurs de force

les plus courants sont le mode verbal et le type syntaxique de l’énoncé. Ainsi les énoncés déclaratifs

1. Cambridge University Press 1985, 2009.

servent à faire des assertions, les énoncés impératifs à donner des directives et les interrogatifs à poser des

questions. Les énoncés performatifs servent à faire des déclarations et les exclamatifs servent à exprimer

des attitudes du locuteur. Comme nous l’avons montré2, les énonciations performatives réussies sont des

déclarations par lesquelles le locuteur accomplit en parlant l’acte de discours nommé par leur verbe

performatif.

Certains actes illocutoires de premier niveau ont une forme logique plus complexe que les illocutions

élémentaires de la forme F(P). Tels sont les actes de dénégation illocutoire comme les refus qui sont de la

forme F(P) et dont le but est de rendre explicite l’inaccomplissement par le locuteur d’un acte illocutoire

F(P), les actes illocutoires conditionnels comme les offres de la forme (Q F(P)) dont le but est

d’accomplir un acte illocutoire F(P) non pas catégoriquement mais à la condition qu’une proposition Q soit

vraie et enfin les conjonctions illocutoires comme les alertes qui sont de la forme (A et B) et dont le but est

d’accomplir simultanément deux actes illocutoires A et B. Ainsi les refus sont des dénégations

d’acceptations, les offres sont des promesses conditionnelles à leur acceptation par l’interlocuteur, et les

alertes sont des avertissements d’un danger imminent qui sont faites avec la directive d’y prendre garde.

Les interlocuteurs se parlent rarement avec le seul but d’accomplir des actes illocutoires individuels

isolés à un moment d’énonciation. Au contraire, ils sont en interaction dans la poursuite de discours où ils

dialoguent. Ils font la plupart de leurs actes illocutoires individuels momentanés avec l’intention de

contribuer à tour de rôle à des interventions illocutoires plus longues, grâce à leurs échanges verbaux. Ils

entendent, par exemple, se saluer, souhaiter la bienvenue, décrire une situation, dresser un procès-verbal,

argumenter, prendre une décision, faire un plan, un bilan, une entrevue, une consultation, une critique, un

sermon, un éloge, du marchandage ou de la propagande, établir une nomenclature, une classification ou une

évaluation ou procéder à une cérémonie institutionnelle comme une inauguration, un mariage, un baptême.

Pareilles interventions discursives sont des illocutions de niveau supérieur qui durent plusieurs

énonciations successives. Elles ont toutes un but linguistique propre que j’appelle leur but discursif

correspondant à une direction possible d’ajustement entre les mots et les choses. Dans mon optique, il y a

quatre buts discursifs que les interlocuteurs peuvent tenter d’atteindre sur un thème en conversant :

- le but descriptif (propre aux nouvelles, expertises, confidences, diagnostics et explications) qui

consiste à décrire comment les choses sont dans le monde ;

- le but délibératif (propre aux négociations, paris, marchandages et sermons) qui consiste à délibérer

comment agir dans le monde ;

- le but déclaratoire (propre aux nomenclatures, testaments, inaugurations, évaluations et illustrations)

qui consiste à agir dans le monde en faisant des déclarations ;

- le but expressif (propre aux salutations, bienvenues, hommages et protestations) qui consiste à

exprimer leurs attitudes communes.

D’un point de vue logique, les interventions pourvues d’un but discursif propre sont de véritables actes

illocutoires dont la conduite est régie par des règles constitutives : les interlocuteurs peuvent réussir à les

poursuivre en accomplissant successivement des actes illocutoires majeurs de certaines formes logiques en

un arrière-plan conversationnel approprié. Certains peuvent être poursuivis par un seul locuteur. Tels sont

les mémoires, rapports, démonstrations, délibérations et testaments que l’on peut faire en soliloquant.

Beaucoup sont des actes illocutoires conjoints que plusieurs interlocuteurs doivent avoir l’intention

commune de réaliser. Songez aux entrevues, débats, consultations, marchandages, prises de rendez-vous,

examens, paris, enchères, contrats, traités, codes, compromis, permis de conduire, élections, procès,

règlements à l’amiable et délibérations de jury.

Comme Wittgenstein (1956) l’a fort bien souligné, les interlocuteurs sont engagés dans des formes de

vie sociale où ils partagent des fins communes. Le plus souvent, leur objectif est extra-linguistique, par

exemple : fabriquer un produit, nettoyer la maison. Ils pratiquent alors des jeux de langage qui ne sont pas

2. Cambridge University Press 1985, 2009.

purement discursifs. La logique illocutoire n’a pas la tâche de faire une théorie de tous les jeux de langage

possibles. Quand l’objectif poursuivi par les interlocuteurs est extra-linguistique, l’analyse du jeu de

langage pratiqué relève moins de la logique que des sciences humaines et naturelles appliquées et de

techniques. Il faut autre chose que des actions verbales pour réparer une voiture. Comme Wittgenstein et

Searle (1991), je pense qu’une véritable théorie de tous les jeux de langage est impossible. Wittgenstein

(1956) a raison de dire qu’il y a un nombre « incalculable » de jeux de langage possibles. Car le nombre de

nos buts et formes de vie possibles est « illimité ». La logique illocutoire a la tâche restreinte d’analyser la

structure et le dynamisme logiques des seuls jeux de langage à but discursif dont la conduite obéit à des

règles constitutives. Pareille tâche est importante car chaque jeu de langage à but extra-linguistique contient

des parties à but discursif. Des interlocuteurs ayant l’objectif de réparer une voiture devront décrire la

réparation à faire et délibérer qui va faire quoi.

Ainsi il y a une hiérarchie de différents niveaux d’unités de communication dans l’usage et la

compréhension du langage. Chaque jeu de langage que des interlocuteurs pratiquent en échangeant des

mots au sein de formes de vie communes est une suite d’interventions verbales et non-verbales, les

échanges verbaux à but discursif étant quant à eux des suites d’actes illocutoires auxiliaires. Pour faire

pareils échanges, les interlocuteurs doivent coordonner leurs énonciations et accomplir à certains moments

leurs actes illocutoires individuels avec l’intention commune d’atteindre le même but discursif. Pour

exprimer le type d’intervention qu’ils entendent poursuivre, les langues naturelles mettent à leur disposition

des verbes discursifs comme « décrire », « expliquer », « démontrer », « débattre », « délibérer »,

« parier », « négocier », « marchander », « élire », « léguer », « voter » et « protester ».

Des énoncés impératifs comme « Expliquons pourquoi ceci est arrivé ! », « Réglons ceci à l’amiable

! », servent à offrir à d’autres interlocuteurs de poursuivre un certain type de discours. Maints verbes

discursifs ont un usage performatif : « Je vous lègue par la présente tous mes biens ! », « Je vous

exhorte à être brave ». Beaucoup de verbes expositifs d’Austin (1962) sont performatifs notamment :

« illustrer », « argumenter », « récapituler », « répondre », « répliquer », « objecter », « concéder »,

« conclure », « déduire », « analyser », « formuler » et « classifier ».

Les jeux de langage à but discursif ont un thème en plus d’un type discursif. On peut négocier

différentes affaires, raconter différentes histoires et classifier différents domaines. Bien des jeux de langage

ayant le même but discursif ne jouent pas le même rôle dans la poursuite du discours. Chaque langue

distingue naturellement maints types de conversations avec le même but discursif et maintes forces avec le

même but illocutoire. Les promesses, les menaces, les serments et les vœux sont des actes illocutoires

engageants de forces différentes ; il faut les accomplir en obéissant à différentes règles constitutives.

En analysant les forces illocutoires, Searle et moi avons décomposé chaque force en six composantes :

– son but illocutoire propre (la composante principale),

– son mode d’atteinte de but illocutoire,

– ses conditions sur le contenu propositionnel,

– ses conditions préparatoires,

– ses conditions de sincérité,

– et son degré de puissance,

qui déterminent les règles constitutives à suivre.

Pour être identiques, deux forces doivent avoir les mêmes composantes de chaque genre. Autrement,

elles déterminent différentes conditions de félicité lors de l’expression des contenus propositionnels. Il en

va de même au niveau supérieur. Les négociations, les sermons, les marchandages, les tentatives de

règlement à l’amiable, les paris et les contrats sont des interventions délibératives obéissant à différentes

règles constitutives. Outre son but discursif, chaque type de jeu de langage a quatre autres composantes :

son mode d’atteinte de but discursif, ses conditions thématiques, d’arrière-plan et de sincérité qui

déterminent ces règles constitutives. Deux types discursifs avec différentes composantes n’ont pas la même

fonction. Leurs discours avec le même thème n’ont pas les mêmes conditions de félicité.

Les principales conditions de félicité des actes illocutoires sont leurs conditions de succès et de

satisfaction. Par nature les actes illocutoires sont des actions intrinsèquement intentionnelles que les

locuteurs tentent d’accomplir. A la base de pareilles tentatives il y a des croyances, désirs et intentions des

locuteurs, qui sont des attitudes propositionnelles composées d’un mode psychologique M et d’une

proposition P. La logique illocutoire doit traiter des actions et attitudes constitutives des actes illocutoires.

Les actes illocutoires sont logiquement liés aux autres genres d’actes de discours (actes d’énonciation, de

référence et de prédication, actes d’expression de propositions et d’attitudes, actes de tenter un acte

illocutoire et actes perlocutoires). C’est en faisant des énonciations orales ou gestuelles que les locuteurs

tentent d’accomplir leurs actes illocutoires. Pareilles tentatives (dont Austin et Searle ne parlent pas) sont

un nouvel acte de discours important dans notre taxonomie, car elles sont constitutives de la signification.

Un usage langagier est pourvu de signification quand le ou les locuteurs tentent d’accomplir un acte

illocutoire, peu importe s’il y a succès ou échec. Pour réussir, il faut utiliser les mots appropriés dans un

arrière-plan conversationnel adéquat. Ainsi pour se mettre dans l’obligation légale d’agir, un locuteur doit

bien exprimer l’action à laquelle il entend formellement s’engager. Il doit aussi avoir le droit de la faire.

Pour établir un contrat, des interlocuteurs doivent délibérer en se concertant et s’engager

conditionnellement à la fin à des actions réciproques futures.

Les conditions de succès d’un acte illocutoire sont celles qui doivent être remplies pour réussir à

l’accomplir. Certains actes illocutoires réussis en engendrent d’autres (toute requête contient une demande,

certaines requêtes sont des prières) et ont des effets perlocutoires (l’interlocuteur est parfois influencé).

Afin d’expliquer les formes d’engendrement des différents genres d’actes de discours, il convient d’intégrer

la logique illocutoire dans une logique révisée de l’action qui tienne compte de l’intentionnalité des agents

et de leurs attitudes.

Les actes illocutoires sont doublement liés aux attitudes de leurs agents. En leur qualité d’actes

intrinsèquement intentionnels, ils contiennent des croyances, désirs et intentions. Quiconque tente un acte

illocutoire désire et a l’intention de l’accomplir et croit en être capable. Qui plus est, tout agent d’acte

illocutoire exprime des attitudes (en cas d’assertion une croyance, en cas d’engagement une intention, en

cas de directive un désir) qu’on appelle ses conditions de sincérité. Chaque locuteur sincère a les attitudes

qu’il exprime.

En accomplissant les actes illocutoires élémentaires de forme F(P) les agents expriment des attitudes

propositionnelles de forme M(P) sur les faits représentés par leur contenu.

Comme Descartes3, la logique illocutoire utilise les deux catégories de base de cognition et de volition.

Chaque attitude propositionnelle est cognitive ou volitive.

Parmi les cognitives, il y a la croyance, l’assurance, le savoir, la certitude, la conviction, la

confiance, la foi, la présomption, la fierté, la vanité, l’orgueil, la surprise, l’étonnement, la stupéfaction,

la prévision, l’anticipation et l’attente. Toute attitude cognitive contient une croyance en la vérité de son

contenu propositionnel.

Parmi les attitudes volitives, il y a le désir, le vouloir, le souhait, l’intention, l’ambition, le projet,

l’espoir, l’espérance, l’aspiration, la satisfaction, le plaisir, le contentement, la joie, l’amusement, la

jouissance, la concupiscence, la crainte, le regret, la tristesse, la désolation et la terreur. Chacune contient

un désir de l’existence du fait représenté.

3. Voir son traité Les passions de l’âme réédité dans R. Descartes (1953).

Comme Searle, je préconise une catégorie tout à fait générale de volition s’appliquant aussi bien aux

désirs dirigés vers le passé (la honte), vers le présent (la jouissance, l’irritation) ou le futur (l’espérance)

qu’aux désirs que l’agent croit ou sait être satisfaits (l’allégresse) ou insatisfaits (la déception, le regret).

Bien des attitudes individuelles ont une nature plus complexe que les attitudes propositionnelles. En

plus des sommes d’attitudes comme le doute, il y a les dénégations d’attitudes comme le désaccord et

l’incrédulité et les attitudes conditionnelles comme les intentions de se défendre en cas d’attaque. Dans

mon idéographie, M(P) est la dénégation de l’attitude M(P), (Q M(P)) est l’attitude conditionnelle qui

consiste à avoir l’attitude M(P) à la condition que la proposition antécédente Q soit vraie et (M(P) et

M’(P’)) est la conjonction ou la somme des attitudes M(P) et M’(P’). Une incrédulité est la dénégation

d’une croyance et un désaccord la dénégation d’un accord. Comme il faut s’y attendre, quiconque

accomplit la dénégation d’un acte illocutoire exprime ipso facto la dénégation de l’attitude correspondant à

l’acte dénié. Quiconque refuse exprime son désaccord. Comme la dénégation illocutoire, la dénégation

psychologique est irréductible à la négation propositionnelle. Refuser de venir, ce n’est pas accepter de ne

pas venir. De même, être en désaccord avec une offre, ce n’est pas pour autant être en accord avec l’offre

contraire. Avoir une attitude conditionnelle de la forme (Q M(P)) c’est avoir catégoriquement l’attitude

M(P) si et seulement si la proposition antécédente Q est vraie. Quiconque accomplit un acte illocutoire

conditionnel exprime une attitude conditionnelle. Celui qui offre son aide à l’interlocuteur exprime son

intention conditionnelle de l’aider s’il accepte.

Certaines attitudes sont des sommes d’attitudes plus simples. Celui qui doute d’un fait est doublement

incrédule aussi bien de l’existence que de l’inexistence de ce fait et il croit que ce fait est alors possible.

Quiconque accomplit une conjonction d’actes illocutoires exprime la conjonction des attitudes des actes en

question. Celui qui alerte exprime sa croyance en l’imminence d’un danger et son souhait que

l’interlocuteur y réagisse. Les locuteurs poursuivant un type de discours ont des attitudes individuelles qui

durent : ils persévèrent à tenter d’atteindre leur but discursif. Lors d’un dialogue, ils ont en outre l’intention

commune de coopérer afin de l’atteindre. Comme Searle (1990) l’a montré, pareilles intentions communes

sont irréductibles à des sommes d’attitudes individuelles.

Comme les attitudes, les actes illocutoires sont dirigés vers des objets et faits du monde et ils ont pour

cette raison des conditions de satisfaction. Leurs agents sont en effet pourvus d’intentionnalité au sens de

la phénoménologie. La notion de satisfaction est basée sur celle de correspondance. Le plus souvent,

l’agent d’une attitude ou d’un acte illocutoire entend établir une correspondance entre ses idées et les

choses dans le cas psychologique et entre ses mots et les choses dans le cas illocutoire. Son attitude et son

acte illocutoire ont alors des conditions de satisfaction. La notion de satisfaction est une généralisation de la

notion de vérité qui couvre la plupart des attitudes et actes illocutoires. Tout comme les assertions et les

croyances sont satisfaites quand elles sont vraies, les désirs et les souhaits le sont quand ils sont réalisés,

les engagements quand ils sont tenus, les intentions quand elles sont exécutées, les directives et les volontés

quand elles sont suivies.

Les attitudes cognitives comme les illocutions assertives ont la direction d’ajustement qui va de l’esprit

aux choses. Elles sont satisfaites quand leur contenu propositionnel est vrai. Les idées et mots de l’agent

correspondent alors aux choses telles qu’elles sont ou seront dans le monde. Quand l’agent réalise que cela

n’est pas le cas, il change d’office ses idées. Il n’en va pas de même pour les attitudes volitives et les

illocutions engageantes et directives dont la direction d’ajustement va des choses à l’esprit. Pour qu’elles

soient satisfaites, les choses doivent en venir à correspondre aux idées et mots de l’agent. En cas

d’insatisfaction, c’est le monde qui est fautif, pas le locuteur. Souvent ce dernier garde ses désirs et il reste

alors insatisfait.

Contrairement aux états cognitifs et aux illocutions assertives, certains états volitifs comme les

intentions et les volontés et toutes les illocutions engageantes et directives ont des conditions de satisfaction

irréductibles aux conditions de vérité de leur contenu propositionnel. Pour que pareilles attitudes et

illocutions soient satisfaites, il ne suffit pas que leur contenu propositionnel soit ou devienne vrai. Il faut

qu’il le soit ou le devienne à cause d’elles. Pour qu’un agent exécute une intention et tienne une promesse

préalable, il doit faire l’action en question afin d’exécuter cette intention et de tenir cette promesse.

Il y a alors causalité intentionnelle (Searle) : l’attitude ou l’acte illocutoire est une (parfois la) raison

pratique pour laquelle survient l’action représentée par le contenu. Beaucoup d’actes illocutoires réussis et

d’états mentaux exprimés ou possédés sont insatisfaits. Des croyances sont fausses, des souhaits irréalisés

et des intentions préalables révoquées. Il nous arrive aussi de faire des assertions fausses, de violer nos

promesses et de désobéir à des directives. Cependant les conditions de succès et de satisfaction de nos actes

illocutoires sont logiquement liées tout comme les conditions de possession et de satisfaction de nos

attitudes. Tout agent d’une attitude ou d’une illocution est dans un état mental : il représente comment les

choses doivent être dans le monde pour que son attitude ou illocution soit satisfaite. Quiconque ressent un

désir est capable de déterminer ce qui doit se passer dans le monde pour que son désir soit réalisé.

Quiconque donne un ordre sait dans quelles conditions l’interlocuteur obéit à cet ordre. C’est pourquoi les

principaux objectifs de la théorie des actes de discours sont d’élaborer une théorie récursive unifiée de la

félicité et de la vérité4.

Tous les actes illocutoires n’ont pas la même valeur dans la poursuite d’un discours. Certains sont

capitaux. Tout marchandage contient des engagements, directives ou offres d’achat ou de vente. D’autres

sont superflus. Les actes illocutoires superflus peuvent être impertinents et ratés. Ils n’empêchent pas le

discours de continuer. En revanche, la réussite des actes illocutoires capitaux dont la nature est déterminée

par le type et le thème du discours est indispensable. Les interventions à but discursif sont satisfaites quand

leurs actes illocutoires capitaux le sont. Ainsi des parties respectent un contrat quand elles tiennent leurs

engagements réciproques principaux5.

1.2. Logique illocutoire et grammaire universelle

Quelles différentes espèces d’universaux devons-nous étudier en théorie des actes de discours ?

Comment confirmer leur existence en chaque langue naturelle possible ?

A mes yeux, la meilleure façon de découvrir les universaux dans l’usage du langage est d’étudier la

nature de traits transcendants essentiels comme la signification, les types de sens, et de dénotations, les

forces illocutoires, la nature des propositions, les espèces d’actes de discours, d’actes illocutoires et

d’attitudes, leurs conditions de félicité, les contextes possibles d’énonciation et leur arrière-plan

conversationnel, les circonstances possibles, l’engagement illocutoire et psychologique, la vérité, la

nécessité, la cohérence, l’analycité et l’inférence. Pareils traits transcendants sont constitutifs de tout usage

et interprétation possible du langage. Leur étude est donc importante pour toutes les sciences qui traitent du

langage, de l’action et de la pensée. Je considèrerai surtout ici les universaux qui sont de nature logique,

sémantique, pragmatique ou mentale. Faute d’espace, je traiterai peu des universaux ontologiques

(comment l’univers du discours est stratifié en toute langue).

Les langues naturelles mettent à notre disposition un riche vocabulaire pour exprimer les actes

illocutoires, les états psychologiques et les propositions. Mais elles sont ambiguës et leurs conventions

grammaticales sont si compliquées qu’il est fort difficile d’analyser directement la forme logique sous-

jacente des actes illocutoires tentés et des attitudes exprimées.

Premièrement, il n’y a aucune correspondance biunivoque entre les forces illocutoires et les verbes ou

marqueurs de force des langues naturelles. Comme Searle et moi (1985) l’avons remarqué : « Illocutionary

forces are, so to speak, natural kind of language use, but we can no more expect the vernacular expressions

4.Voir mon livre Les actes de discours (1985). 5 Je caractérise la structure et le dynamisme des jeux de langage à but discursif dans mon prochain livre

Communication in Discourse. J’explique les principes de mon approche dans mon article « Principes de pragmatique formelle du discours » en 2007.

to correspond exactly to the natural kinds than we can expect vernacular names of plants and animals to

correspond exactly to the natural kinds » (p. 179).

Ainsi certaines forces illocutoires ne sont pas actuelles en français. On ne peut, en France, ni répudier

sa femme ni casser son mariage en le déclarant, alors qu’on peut le faire ailleurs en suivant la

coutume. Certaines forces actuelles ne sont pas réalisées syntaxiquement ni lexicalisées. Aucun marqueur

français n’exprime de force illocutoire engageante. Nul ne peut donc s’engager directement en français à

une action future. On peut seulement s’y engager indirectement en affirmant qu’on va la faire ou de façon

performative en déclarant qu’on s’y engage. En outre, des verbes performatifs comme « accepter » et

« jurer » sont ambigus quant au but illocutoire. L’acte de jurer que ceci s’est passé est assertif, celui de

jurer d’agir est engageant. Enfin des verbes expositifs comme « répliquer » et « conclure » ne nomment

pas d’interventions à but discursif propre. Il y a des conclusions descriptives, délibératives, déclaratoires et

expressives.

Une seconde raison pour distinguer avec soin les forces illocutoires, d’une part, et les verbes

performatifs et marqueurs de force, d’autre part, tient au fait que les langues naturelles ne sont pas

idéographiques. Beaucoup d’énoncés du même type syntaxique (les énoncés déclaratifs : « Il est mort »,

« Franchement, il est mort », « Hélas, il est mort », « Bien sûr, il est mort ») expriment des actes

illocutoires avec des forces assertives différentes. De même, bien des verbes performatifs au comportement

syntaxique semblable (les verbes « ordonner », « défendre » et « permettre ») n’ont pas la même forme

logique. Seul le premier « ordonner » nomme une force illocutoire directive. Car l’acte de défendre quelque

chose est juste, l’ordre de ne pas la faire et l’acte de permettre la dénégation illocutoire de l’acte de la

défendre. Finalement, des verbes performatifs comme « baptiser », « informer », « présenter », « critiquer »,

« confesser », « témoigner » et « protester » nomment aussi bien une force illocutoire qu’un type discursif.

Comme il faut s’y attendre, la force illocutoire nommée est capitale dans le type discursif correspondant.

Les mêmes considérations valent pour les attitudes que les langues servent à exprimer et nommer. Il n’y

a aucune correspondance biunivoque entre les modes psychologiques et les verbes ou noms d’attitudes

propositionnelles des langues naturelles. Qui plus est, beaucoup de verbes et noms d’attitudes sont ambigus

et n’ont pas la même forme logique. L’état d’être sûr est parfois cognitif, parfois volitif. Une déception

n’est pas une attitude propositionnelle. Etre déçu d’un fait c’est désirer qu’il n’existe pas. Certains termes

nomment en outre des dénégations (mécontentement), des conjonctions (doute) ou des attitudes communes

(consensus).

On ne devrait pas trop se fier à la structure de surface du langage ordinaire. Il vaut mieux, comme

Frege l’a dit, analyser indirectement la structure profonde des énoncés via leur traduction dans une

idéographie formelle désambiguïsée. J’ai utilisé à cette fin dans la sémantique formelle du succès et de la

satisfaction de mon livre Meaning and Speech Acts (1990-91) la langue idéographique d’une logique

illocutoire et intensionnelle unifiée d’ordre supérieur contenant une logique propositionnelle révisée où

des propositions strictement équivalentes sont distinguées. L’utilisation d’une idéographie nous permet de

disposer d’un vocabulaire théorique grâce auquel chaque acte illocutoire exprimable peut en principe être

analysé de façon canonique et lié systématiquement par diagramme aux autres. Car les formes

grammaticales des énoncés de l’idéographie reflètent clairement à la surface la forme logique des

illocutions exprimées. Ainsi l’idéographie permet d’exhiber après traduction la forme logique des actes

illocutoires que les énoncés des langues naturelles servent éventuellement à accomplir.

Toutes les constantes et syncatégorèmes logiques de la logique illocutoire expriment des traits

universaux du langage comme l’identité, les buts illocutoires, leurs modes d’atteinte, conditions sur le

contenu propositionnel, préparatoires et de sincérité et degré de puissance caractéristiques, le succès, la

vérité, l’application fonctionnelle, la -abstraction et l’abstraction sur les circonstances. Comme Montague

(1974) l’a montré, en traduisant les clauses des énoncés ordinaires dans la langue-objet idéographique de la

logique intensionnelle, la sémantique formelle explique rigoureusement la signification des énoncés

déclaratifs en clarifiant la forme logique et les conditions de vérité des propositions. De même, en

traduisant les marqueurs de force et les verbes performatifs ordinaires dans l’idéographie de la logique

illocutoire, la sémantique formelle procède à une meilleure explication de la signification de tous les types

d’énoncés en exhibant la forme logique et les conditions de félicité des actes illocutoires. Selon

Cocchiarella (1997, p. 71) : « This enlarged framework is not at odds with Montague’s intensional logic, it

should be emphasized, but is really a conservative extension of the latter that simply adds a recursive

theory of success and satisfaction to Montague’s theory of truth ».

J’ai récemment élaboré la logique des actions et des attitudes individuelles constitutives des actes

illocutoires de premier niveau (voir Vanderveken, 2005, 2006, 2008) et suis en train d’enrichir

l’idéographie illocutoire en y ajoutant leurs nouvelles constantes logiques6. Contrairement aux philosophes,

les logiciens ont négligé l’intentionnalité propre à l’agir humain. J’ai comblé la lacune en élaborant une

logique de l’action où comme en philosophie, les actions intentionnelles, celles que les agents tentent

d’accomplir, ont la primauté. Dans mon optique, l’agent qui accomplit sans le vouloir une action aurait pu

en principe la tenter. Qui plus est, cette action involontaire est l’effet d’actions intentionnelles de cet agent

à la base desquelles il y a ses tentatives premières. Ma logique de l’action contient une théorie des

tentatives, du succès et des formes d’engendrement d’actions.

La philosophie analytique et la logique contemporaines restent confinées aux attitudes paradigmatiques

de croyance, savoir, désir et intention. J’ai élaboré une théorie plus générale des attitudes. Selon mon

analyse, les modes psychologiques ont d’autres composantes que leur catégorie de base de cognition ou de

volition. Des modes d’attitudes comme l’attente, le savoir et l’intention ont une façon propre de croire ou

de désirer, des conditions propres sur leur contenu propositionnel ou des conditions préparatoires

particulières. Grâce à pareilles composantes j’ai défini récursivement l’ensemble de tous les modes

psychologiques d’attitudes propositionnelles. Comme Descartes l’avait anticipé, les deux modes de

croyance et de désir sont primitifs.

Les autres modes plus complexes sont obtenus en leur ajoutant des composantes nouvelles. Quiconque

a une intention ressent un désir si fort qu’il est disposé à agir tôt ou tard dans le monde afin de satisfaire ce

désir. Il veut rendre existant le fait désiré dans le monde. Cette façon volitive spéciale est propre au mode

psychologique d’intention. Quiconque possède une intention entend alors agir tôt ou tard. Parfois il entend

agir au moment même de l’intention. Il a alors une intention présente d’agir (ce que Searle appelle une

intention en action). Parfois l’agent a l’intention d’agir à un moment ultérieur. Il a alors une intention

préalable. Un agent peut avoir aujourd’hui l’intention de se promener demain. Après-demain, il ne pourra

plus avoir cette intention. Car l’action en question sera alors passée. Le mode psychologique d’intention a

la même condition particulière sur le contenu propositionnel que la force illocutoire d’engagement. Le

contenu des intentions et des engagements de chaque agent à un moment doit représenter une action

présente ou future de cet agent relativement à ce moment. Le mode d’intention comme la force

d’engagement a en outre la condition préparatoire que l’agent est capable de faire l’action. Quand il en est

incapable, l’engagement et l’intention sont défectueux. Dans le cas illocutoire, le locuteur peut sans doute

mentir afin de tromper l’allocutaire. Dans le cas psychologique, en revanche, l’agent ne peut se mentir à

lui-même. Quiconque a une intention croit donc être capable de l’exécuter. Ma logique des attitudes

individuelles contient une théorie récursive de leurs conditions de possession et de satisfaction.

Les agents sont, ou à tout le moins se sentent, libres d’agir. Quoi qu’il en soit, leurs actions et attitudes

ne sont pas déterminées. Quand ils font ou pensent quelque chose, ils auraient pu faire ou penser autre

chose. Ma théorie de l’action et des attitudes admet l’indéterminisme et elle est compatible avec la liberté

des agents. Elle adopte une conception ramifiée du temps (Prior, 1967) et utilise des modalités historiques

(Thomason, 1984). Selon la conception ramifiée du temps, chaque moment représente un état complet

possible du monde actuel à un instant donné. Plusieurs moments incompatibles peuvent succéder à un

moment dans le futur de ce monde. Ce moment appartient alors à plusieurs histoires ayant le même passé et

présent mais différentes continuations historiques. Chaque histoire représente un cours possible d’histoire

du monde actuel.

6. Voir l’idéographie dans mon prochain livre Propositions, Truth and Thought.

Comme Belnap (2001), je pense que les circonstances possibles considérées en théorie de la vérité sont

des paires d’un moment du temps et d’une histoire à laquelle ce moment appartient. Certaines propositions

sont vraies à un moment selon toutes les histoires auxquelles ce moment appartient. Leur vérité est alors

établie peu importe comment le monde continue. Les propositions passées ont une valeur de vérité établie à

chaque moment car le passé est unique. Toutes les histoires auxquelles appartient un moment ont le même

passé à ce moment. Il en va de même pour les propositions qui attribuent des attitudes propositionnelles ou

des actes illocutoires élémentaires aux agents. Quiconque croit ou affirme quelque chose à un moment,

croit ou affirme alors cette chose quelle que soit l’histoire considérée. Contrairement au passé qui est

unique, le futur est ouvert. Le monde peut continuer de plusieurs façons après les moments indéterministes.

Ainsi la vérité des propositions futures dépend de la continuation historique du moment que l’on considère.

Les propositions futures peuvent être vraies à un moment, selon certaines continuations possibles de ce

moment, et fausses à ce moment selon d’autres.

Grâce à sa logique de l’action, du temps, des attitudes et des modalités, la logique illocutoire peut

dorénavant mieux analyser les actes illocutoires individuels et leurs contenus propositionnels. Son

idéographie permet d’exprimer les actions passées, présentes et futures, les capacités et les attitudes des

interlocuteurs. Ainsi en formulant les règles syntaxiques de formation et d’abréviation de la nouvelle

langue-objet idéale, les postulats de signification gouvernant ses interprétations possibles et les axiomes et

règles d’inférences de son système axiomatique, la logique illocutoire formule des lois universelles

gouvernant les actes illocutoires et leurs actions et attitudes constitutives dans toutes les langues naturelles.

Grâce à la logique illocutoire, la sémantique formelle peut dorénavant interpréter indirectement des

fragments plus riches des langues naturelles contenant des énoncés de tous les types syntaxiques (aussi

bien non-déclaratifs que déclaratifs) exprimant des forces quelconques. Il n’est plus nécessaire de réduire

pour des raisons théoriques ad hoc les énoncés non déclaratifs aux énoncés déclaratifs. La sémantique

formelle peut clarifier la signification propre aux verbes illocutoires et marqueurs de force en exhibant les

composantes des forces qu’ils expriment. De même grâce à la logique des attitudes, elle peut mieux

analyser la forme des énoncés exclamatifs et clarifier la signification des verbes et noms d’attitudes

propositionnelles en exhibant les composantes de leurs modes psychologiques et en expliquant leurs

conditions de possession et de satisfaction. Grâce à la logique de l’action, elle peut mieux analyser les buts

illocutoires directif et déclaratoire, la forme des énoncés impératifs et performatifs et clarifier la

signification des verbes et noms d’action. La philosophie de l’esprit à la base de la théorie des actes de

discours distingue les pensées conceptuelles avec différentes directions d’ajustement entre l’esprit et les

choses. Des actes mentaux comme les tentatives et les engagements sont irréductibles à des jugements de

même que les attitudes volitives sont irréductibles à des croyances et les actes illocutoires engageants,

directifs et déclaratoires à des assertions7.

1.3. Les universaux linguistiques

Etant donné la nature de nos pensées conceptuelles, il y a dans toute langue naturelle des universaux

linguistiques du côté des forces illocutoires, des modes psychologiques et des types discursifs comme il y

en a du côté des propositions et des thèmes. Les expressions qui nomment pareils universaux linguistiques

se prêtent à la traduction radicale. Toute lingua philosophica adéquate pour exprimer nos pensées doit

contenir des constantes ou syncatégorèmes logiques représentant pareils universaux.

Les universaux linguistiques matériels

D’un point de vue théorique, les universaux linguistiques matériels sont des éléments de base de la

pensée conceptuelle comme la référence, la prédication, les catégories psychologiques de cognition et de

volition, les buts illocutoires et discursifs qui sont constitutifs de la structure logique profonde du langage.

Ainsi, l’idéographie de la logique illocutoire doit contenir des expressions servant à faire des actes de

7. Voir à ce sujet l’article de Candida de Sousa Melo « Possible Directions of Fit between Language, Mind and the

World », 2001.

référence et de prédication et à atteindre les cinq buts illocutoires assertif, engageant, directif, déclaratoire

et expressif. Les faits atomiques du monde dont nous avons l’expérience existent en une circonstance

quand des objets y ont certaines propriétés ou y entretiennent certaines relations. Pour que nous puissions

représenter pareils faits en parlant une langue, il faut que celle-ci nous donne les moyens de nous référer à

leurs objets et de leur attribuer les propriétés ou les relations qui leur sont propres.

Sans expressions référentielles et prédicatives nous ne pourrions exprimer en parlant les propositions

élémentaires dont la vérité dépend du seul fait que des objets de référence ont certains attributs. Nous ne

pourrions communiquer toutes nos pensées conceptuelles sans avoir des moyens linguistiques d’atteindre

les cinq buts illocutoires. Car nous ne pourrions alors distinguer toutes les directions possibles d’ajustement

entre les mots et les choses. Toute langue naturelle possible doit donc contenir des marqueurs ou des verbes

exprimant des forces assertives, engageantes, directives, déclaratoires et expressives de même qu’elle doit

contenir des clauses exprimant des propositions élémentaires représentant des faits atomiques du monde.

Selon la logique illocutoire, les quatre directions possibles d’ajustement entre les mots et les choses

expliquent les cinq buts illocutoires : assertif, engageant, directif, déclaratoire et expressif des actes

illocutoires élémentaires et les quatre buts discursifs : descriptif, délibératif, déclaratoire et expressif des

jeux de langage.

La direction d’ajustement des mots aux choses

Les actes illocutoires à but assertif (comme les assertions, les conjectures, les prédictions, les

témoignages) ont la direction d’ajustement des mots aux choses. Leur but est de représenter comment les

choses sont dans le monde. Lors des énonciations assertives, les mots utilisés devraient correspondre aux

objets tels qu’ils sont dans le monde. Au niveau du discours, les jeux de langage à but descriptif (comme

les expertises, les rapports, les diagnostics et les explications) ont la même direction d’ajustement des mots

aux choses. Ils servent à décrire ce qui se passe dans le monde. Ainsi, les actes illocutoires capitaux des

discours descriptifs sont assertifs et ces discours sont satisfaits quand ils sont exacts c’est-à-dire quand

leurs énonciations assertives capitales sont vraies.

La direction d’ajustement des choses aux mots

Les actes illocutoires à but engageant ou directif (comme les promesses, les vœux, les acceptations, les

demandes et les ordres) ont la direction d’ajustement des choses aux mots. Leur but est d’assigner au

locuteur (lors des engagements) et à l’interlocuteur (lors des directives) le rôle de transformer le monde

pour qu’il s’ajuste à leur contenu propositionnel. Pour que pareilles illocutions soient satisfaites, l’un des

protagonistes de l’énonciation doit changer les choses représentées pour qu’elles correspondent aux sens

des mots utilisés. Au niveau du discours, les jeux de langage à but délibératif (les sermons, les

négociations, les marchandages, les tentatives de règlement à l’amiable et les exhortations) ont la même

direction d’ajustement des choses aux mots. Ils servent à délibérer comment les interlocuteurs devraient

agir dans le monde. Leurs actes illocutoires capitaux sont engageants ou directifs. Les délibérations servent

autant à engager qu’à tenter d’engager les interlocuteurs à des actions futures réciproques. Les discours

délibératifs sont satisfaits quand ils sont respectés c’est-à-dire quand leurs énonciations engageantes et

directives magistrales sont respectivement tenues et suivies. Chaque interlocuteur est un locuteur potentiel

dans la poursuite du discours. C’est pourquoi un seul but discursif, le but délibératif, correspond à la

direction d’ajustement allant des choses aux mots.

La double direction d’ajustement

Les actes illocutoires à but déclaratoire (comme les définitions, les appellations, les bénédictions, les

condamnations, les dons et les nominations) ont la double direction d’ajustement. Leur but est que le

locuteur transforme en parlant le monde en y faisant l’action qu’il dit faire par le simple fait de le dire. Les

déclarations réussies rendent vraies leur contenu propositionnel ; elles changent les choses représentées en

les faisant correspondre aux sens des mots utilisés lors de l’énonciation.

Les jeux de langage à but déclaratoire (comme les nomenclatures, les classifications, les testaments, les

licences, les diplômes et les discours tenus lors de la promulgation des lois ou dans les cérémonies de

baptême et de mariage) ont la même double direction d’ajustement. Ils servent à transformer le monde (et

parfois même les langues existantes) en faisant des déclarations. Pareils discours sont satisfaits quand ils

sont exécutoires c’est-à-dire. quand leurs déclarations magistrales sont réussies.

La direction vide d’ajustement

Les actes illocutoires élémentaires à but expressif, n’ont pas de véritables conditions de satisfaction. Le

locuteur n’entend pas alors établir de correspondance entre les mots et les choses. Il tient en général pour

acquis la vérité de leur contenu propositionnel. Les actes illocutoires à but expressif (les excuses, les

remerciements, les plaintes, les saluts, les vantardises) ont la direction vide d’ajustement. Leur but est juste

de manifester des états mentaux du locuteur à propos du fait représenté. Ainsi, lors des énonciations

expressives, les locuteurs n’entendent pas représenter comment sont les choses ni les changer. Ils veulent

seulement exprimer ce qu’ils ressentent à leur propos. C’est pourquoi les illocutions expressives ne sont ni

satisfaites ni insatisfaites. Elles sont plutôt appropriées ou inappropriées. Une illocution expressive est

inappropriée quand le genre d’attitude exprimée ne convient pas au fait qui l’inspire ou quand ce fait

n’existe pas. Les jeux de langage dont le but est expressif (les échanges de salutations, les bienvenues, les

hommages, les éloges et les manifestations publiques de croyance et de respect) ont la même direction

d’ajustement vide. Ils servent à exprimer des attitudes communes propres à leurs interlocuteurs. Leurs

actes illocutoires capitaux sont expressifs.

Les universaux linguistiques formels

Contrairement aux universaux linguistiques matériels, les universaux formels ne sont pas des éléments

de base transcendants de la pensée conceptuelle. Ce sont plutôt des opérations universelles sur les traits de

base transcendants. Parmi les universaux linguistiques formels, il y a bien entendu des opérations logiques

sur les propositions comme les fonctions de vérité, la généralisation existentielle et les modalités

historiques ainsi que les opérations qui consistent à ajouter des composantes nouvelles aux forces

illocutoires ou à augmenter ou diminuer leur degré de puissance. Comme le premier Wittgenstein (1961)

l’a souligné, une langue incapable d’exprimer les fonctions de vérité ne pourrait servir à représenter les

faits complexes du monde. Nous représentons des faits atomiques en prédiquant des attributs de certains

objets de référence lors de l’expression de propositions élémentaires. Cependant il y a bien d’autres faits

plus complexes dont l’existence dans le monde est compatible avec l’existence et l’inexistence des faits

atomiques. Il y a les faits négatifs qui existent quand d’autres faits n’existent pas, les faits disjonctifs qui

existent quand deux faits sont tels qu’au moins l’un d’entre eux existe, les faits généraux qui existent quand

tout objet a un certain attribut. Les fonctions de vérité et les opérations de généralisation servent à

représenter pareil faits complexes. C’est pourquoi la plupart des philosophes et logiciens, dont Frege,

Russell, Wittgenstein, Chomsky, Montague et Quine, soutiennent qu’elles sont des universaux

linguistiques.

Sur les plans psychologique et illocutoire, les différentes opérations logiques sur les modes et les forces

permettent aux locuteurs de chaque langue de lier les contenus propositionnels de leur pensée au monde

avec tous les modes psychologiques et toutes les forces illocutoires qui sont linguistiquement significatives

pour leur communauté. Quand une façon cognitive ou volitive, une condition sur le contenu propositionnel

ou une condition préparatoire sont significatives pour une communauté linguistique, ils peuvent toujours

être ajoutés aux modes primitifs de croyance et de désir et être incorporés dans des modes psychologiques

actuels de cette communauté. Ainsi les modes de prévision et de souhait sont universels car dans toute

langue les locuteurs peuvent exprimer des propositions qui sont futures et ressentir des désirs dont la

réalisation est indépendante de leur volonté. De même, quand un mode d’atteinte de but illocutoire, une

condition sur le contenu propositionnel, une condition préparatoire ou une condition de sincérité sont

significatives pour une communauté linguistique, ils peuvent toujours être ajoutés aux forces existantes et

incorporés dans des forces illocutoires actuelles de cette communauté. Ainsi la force de commandement est

actuelle dans toute langue où des locuteurs peuvent invoquer une position d’autorité. Car ce sont des

directives données d’une position d’autorité. De même, les locuteurs peuvent augmenter ou diminuer selon

leurs besoins le degré de puissance des forces actuelles dans toutes les langues naturelles. La force directive

de suggestion est universelle car suggérer à quelqu’un d’agir c’est juste tenter faiblement de le faire agir.

Tout comme chaque langue naturelle doit donner à ses locuteurs les moyens d’exprimer toutes les fonctions

de vérité, temporalisations et généralisations logiques des propositions qu’elle exprime, elle doit également

leur donner les moyens de lier les propositions au monde avec tous les modes psychologiques et les forces

illocutoires complexes ayant des composantes significatives additionnelles aux modes et forces primitifs.

Selon Searle et d’autres philosophes, il y a un principe d’exprimabilité des pensées conceptuelles. Tout

agent d’un état ou acte de pensée conceptuelle peut en principe l’exprimer en tentant d’accomplir un acte

illocutoire. Autrement il ne pourrait déterminer les conditions propres de satisfaction de cette pensée.

Comme l’objectif primordial de la logique illocutoire est de formuler les lois nécessaires et suffisantes qui

gouvernent la félicité des actes illocutoires dans toutes les langues humaines possibles, la logique

illocutoire est transcendantale au sens de Kant (1965) et du premier Wittgenstein (1961). Car sa théorie du

succès fixe des limites à l’usage du langage qui restreignent ce qui peut être pensé, de même que sa théorie

de la satisfaction fixe des limites au monde qui restreignent ce qui peut exister et être l’objet d’expérience.

Nous pouvons représenter les faits dont nous avons l’expérience en y pensant conceptuellement. En

décrivant adéquatement les lois nécessaires et universelles qui gouvernent le succès des actes illocutoires la

logique des actes de discours articule les formes a priori de nos pensées conceptuelles dirigées vers les faits

du monde. Ce qui rend a priori pareilles lois c’est qu’elles sont des conditions de possibilité mêmes de

détermination de la signification. Il nous est impossible de ne jamais avoir de pensée conceptuelle véritable

dont l’expression violerait ces lois.

Bien entendu, comme Wittgenstein l’a remarqué dans le Tractatus, la logique du langage ne délimite

qu’indirectement ce qui peut être pensé. Elle ne fixe des limites qu’aux usages du langage pourvus de

signification servant à exprimer de véritables pensées. Dans notre optique, les limites de la pensée se

montrent elles-mêmes linguistiquement dans le fait que des énoncés de certaines formes logiques sont

illocutoirement incohérents (ils expriment des actes illocutoires imperformables) ou analytiquement ratés

(ils ne peuvent jamais être utilisés littéralement avec succès). Nous pensons certes parfois à des pensées

impossibles. Nous sommes même capables d’en décrire la forme en philosophie analytique. Cependant,

nous n’entretenons jamais à la première personne de pensée impossible, tout comme nous n’utilisons

jamais avec succès des énoncés illocutoirement incohérents sans vouloir dire autre chose que ce que nous

disons. Ainsi la logique illocutoire, en tant qu’elle contribue à la grammaire universelle, fait progresser la

philosophie transcendantale dans la tradition classique de la lingua philosophica (Cocchiarella, 1998, p 71-

72).

1.4. Les universaux logiques de la théorie des actes de discours

L’objectif fondamental de la logique illocutoire est de formuler les lois valides gouvernant la félicité et

la vérité. Dans mon optique, le langage, l’action et la pensée sont inséparables. Les actes illocutoires, qui

sont les unités de signification et de communication, sont des actions intrinsèquement intentionnelles que

les locuteurs tentent toujours d’accomplir. La logique illocutoire fait partie d’une logique générale de

l’action et des attitudes contenant une théorie du succès et des différentes formes d’engendrement

d’actions, qu’elles soient ou non volontaires.

Dans mon approche, à la base de tout agir il y a les tentatives premières des agents qui sont leurs

véritables actions de base engendrant leurs autres actions. D’un point de vue philosophique, les tentatives

sont un genre très spécial d’action. Chaque tentative individuelle est personnelle et subjective. Seul l’agent

lui-même peut faire sa propre tentative. Nul autre ne le peut. Ainsi quand deux locuteurs différents

réussissent à faire publiquement le même acte illocutoire, ils le font grâce à différentes tentatives

personnelles (dans ce cas, de bouger leur corps afin d’émettre des signes). Aucune tentative n’est

déterminée. Quiconque fait une tentative aurait pu tenter autre chose ou ne rien tenter du tout. Les

tentatives sont des actions intrinsèquement intentionnelles. Quiconque fait une tentative la fait

intentionnellement. Aucune tentative n’est involontaire. Qui plus est, il suffit de tenter de faire une tentative

pour la faire ipso facto. Une tentative est essentiellement un acte mental. L’agent qui tente de lever le bras

échoue quand une force externe l’en empêche. Mais il a quand même alors mentalement tenté de lever son

bras en formant consciemment l’intention en action correspondante. Faire une tentative c’est agir

intentionnellement afin d’atteindre un autre objectif. C’est, par exemple, lever volontairement le bras afin

de saluer quelqu’un.

Les intentions et les tentatives ont la même direction d’ajustement qui va du monde à l’esprit et leurs

conditions de satisfaction sont liées. Dans les deux cas, l’agent doit faire en sorte que les choses en

viennent à correspondre à ce qu’il vise. Une intention est satisfaite quand l’agent l’exécute, une tentative

quand il atteint son objectif. Il y a cependant une différence ontologique entre les intentions et les

tentatives. Les intentions sont des états mentaux alors que les tentatives sont des actions mentales. Les

agents ont consciemment ou non leurs intentions, alors qu’ils font consciemment leurs tentatives. Chaque

tentative contient une intention consciente en action. Il convient de distinguer la tentative elle-même de

l’action tentée et l’intention de son exécution. Bien des intentions ne sont pas exécutées et bien des

tentatives ratent. Pour exécuter une intention, il faut tenter de l’exécuter. Il arrive qu’un agent oublie l’une

de ses intentions préalables. Il arrive aussi qu’il ne tente pas de l’exécuter au moment approprié par

faiblesse de volonté ou parce qu’il la révise. Parfois l’agent tente d’exécuter son intention, mais il échoue.

Pour réussir à atteindre son objectif, il faut faire une bonne tentative en une circonstance appropriée. Le

prêtre rate sa tentative de baptiser l’enfant quand il se trompe de nom propre (mauvaise tentative) ou de

bébé (mauvais objet de référence). L’accomplissement des tentatives n’implique pas leur satisfaction.

Reste à expliquer la nature des actions intentionnelles en général. Accomplir intentionnellement une

action c’est juste réussir à l’accomplir. Comme les philosophes de l’action l’ont souligné, pour qu’un agent

réussisse à faire des choses, il ne suffit pas qu’il le tente et qu’elles arrivent. Il faut en outre qu’elles

arrivent à cause de sa propre tentative. L’agent ne réussit pas quand c’est la nature ou quelqu’un d’autre qui

fait les choses en question. Souvent la tentative de l’agent est la cause même des choses tentées. Cependant

il y a parfois surdétermination causale. Les choses tentées arrivent pour différentes raisons et pas seulement

à cause de la tentative de l’agent. D’autres agents l’ont fait également. Dans ce cas, il n’est pas vrai que si

l’agent n’avait pas fait sa tentative, les choses tentées ne seraient pas survenues. La tentative de l’agent est

alors une raison pratique parmi d’autres de l’atteinte de son objectif.

Le plus souvent nous accomplissons intentionnellement une action afin d’en accomplir une autre. Nous

bougeons les cordes vocales afin de proférer des sons et de faire une énonciation orale. Les actions

volontaires sont liées par la relation d’être des moyens de parvenir à des fins (Aristote). Nous utilisons des

énoncés afin de tenter d’accomplir des actes illocutoires. Cependant nos actions intentionnelles ont des

effets involontaires. En faisant un compliment on peut sans le vouloir déplaire à l’allocutaire (acte

perlocutoire involontaire). Certains genres d’actions en contiennent d’autres. Nul ne peut marcher sans

bouger ni implorer sans demander. En accomplissant une action du premier genre on accomplit ipso facto

une action du second. Qui plus est, certaines instances d’actions en engendrent parfois d’autres. Quiconque

affirme une proposition qui est future relativement au moment de l’énonciation fait alors une prédiction.

Quiconque fait une promesse qu’il n’a pas l’intention de tenir ment alors. Notre logique de l’action formule

les lois fondamentales qui gouvernent les différentes espèces d’engendrement d’actions verbales ou non.

Dans ma logique, toutes les actions involontaires des agents sont engendrées par leurs actions

intentionnelles de base qui sont en général des tentatives de bouger des membres de leur corps. Cependant,

tous les effets non voulus des actions intentionnelles ne sont pas des actions, mais seulement ceux qui sont

historiquement contingents et que l’agent aurait pu tenter. En bougeant nous agitons inévitablement des

particules subatomiques. Parfois nous subissons des échecs. Pareils événements nous arrivent. Ce ne sont

pas de véritables actions. Car les agitations de particules sont inévitables et les échecs impossibles à tenter.

Grâce à la logique de l’action, la logique illocutoire explique comment les actes illocutoires sont

engendrés et liés aux autres genres d’actes de discours comme les actes d’énonciation, de référence, de

prédication, les expressions de propositions et d’attitudes, les tentatives d’actes illocutoires et les actes

perlocutoires. Les locuteurs tentent d’accomplir leurs actes illocutoires publics en émettant des signes. Il

convient d’expliquer comment et en quelles conditions ils réussissent et de quelles façons leurs actes

illocutoires réussis en engendrent d’autres (chaque invitation contient une requête) et ont des effets

perlocutoires volontaires ou involontaires (l’auditeur est parfois influencé). A la base de toute

communication, les agents tentent de mouvoir des membres de leur propre corps et cela engendre

(Goldman 1970) de diverses façons leurs actes de langage. Cet engendrement dans la communication est

d’abord physiquement causal (nous utilisons oralement les énoncés en proférant des sons); il est ensuite

conventionnel (la signification des énoncés sert à déterminer la nature des actes illocutoires exprimés).

L’engendrement est parfois simple (les locuteurs réussissent leurs actes illocutoires individuels lorsqu’ils

font une bonne tentative dans un contexte approprié) ou par extension (ils accomplissent parfois

indirectement des actes illocutoires non littéraux et ils réussissent à poursuivre ensemble des dialogues à

but discursif quand ils accomplissent à tour de rôle les actes illocutoires majeurs indispensables).

Quelques lois fondamentales concernant les directions possibles d’ajustement fixent des limites et

imposent un ordre logique aux différentes façons possibles de lier des propositions au monde lors de

l’accomplissement d’actes illocutoires et de la possession d’attitudes. Selon la théorie des actes de

discours, le langage est l’œuvre de la raison et la rationalité est constitutive de la compétence linguistique.

Bien sûr, les locuteurs humains sont imparfaitement rationnels. Il leur arrive d’être incohérents, de croire et

d’affirmer des propositions nécessairement fausses et d’avoir « l’intention et de s’engager » à faire des

actions impossibles. Qui plus est, leurs engagements illocutoires et psychologiques ne sont pas aussi forts

qu’ils devraient l’être d’un point de vue logique. Nous affirmons et croyons des propositions sans pour

autant affirmer et croire toutes leurs conséquences logiques. Cependant, les locuteurs compétents sont

toujours, à tout le moins, minimalement rationnels.

Premièrement, ils sont minimalement cohérents. Ils n’ont pas d’attitudes propositionnelles ni ne tentent

d’accomplir des actes illocutoires élémentaires qu’ils savent a priori insatisfaisables. Ainsi, ils n’ont pas de

croyances ni ne font d’assertions qu’ils savent a priori fausses en vertu de leur compétence. De même, ils

ne font pas des promesses qu’ils savent a priori impossibles à tenir, ni ne donnent de directives qu’ils

savent a priori impossibles à obéir. C’est pourquoi ils ne veulent pas dire ce qu’ils disent quand ils utilisent

des énoncés comme « Je ne suis pas moi-même », « Viens sans bouger ! » et « Je m’engage à ne tenir

aucun engagement », dont la clause exprime une contradiction flagrante. Deuxièmement, ils ne peuvent

avoir certaines attitudes sans en avoir d’autres, ni tenter d’accomplir certains actes illocutoires sans tenter

d’en accomplir d’autres.

La logique illocutoire procède à une analyse prédicative de la forme logique des propositions qui tient

compte du fait qu’elles sont les contenus de nos pensées conceptuelles. Contrairement à la logique

classique, elle n’identifie pas toutes les propositions ayant les mêmes conditions de vérité. Maintes

propositions vraies dans les mêmes circonstances n’ont pas la même valeur cognitive ou volitive. Quand on

tente de mettre un fruit sur la table, on ne tente pas alors de faire en sorte que ce fruit soit sur la table et

dans l’espace. On sait que ce fruit est un objet matériel dans l’espace quoi que l’on fasse. De façon générale

nous savons peu de propositions nécessairement vraies en vertu de notre compétence. Nous apprenons a

posteriori beaucoup de propriétés essentielles des objets du monde. J’entends ici par propriété essentielle

d’un objet une propriété qu’il a réellement en toute circonstance possible. Chaque personne humaine a le

même code génétique et les mêmes parents en toutes circonstances. Autrement ce ne serait pas elle.

Cependant beaucoup ignorent leur code et certains ne connaissent pas leurs parents. Non seulement on a

besoin d’un critère d’identité propositionnelle plus fin en logique de l’action et des attitudes mais il faut en

outre expliquer les possibilités subjectives en plus des objectives. Il nous arrive de croire et de tenter de

faire des choses impossibles. La logique traditionnelle ne traite que des possibilités objectives. Les

propositions objectivement possibles sont celles qui sont vraies en, au moins, une circonstance possible.

Elles représentent des faits qui pourraient exister en un cours possible d’histoire de ce monde. Les

propositions subjectivement possibles en revanche, sont celles qui sont vraies selon au moins un agent en au

moins une circonstance possible. Certains se trompent sur l’identité de leurs parents. Ils croient alors des

propositions objectivement impossibles.

La logique traditionnelle des attitudes, qui ignore les possibilités purement subjectives, est incompatible

avec les données de base de la philosophie du langage. Selon la logique épistémique standard due à

Hintikka (1971), ce sont des circonstances possibles qui sont compatibles avec la vérité des croyances des

agents à un moment. On dit qu’un agent croit une proposition à un moment quand cette proposition est

vraie en toutes les circonstances possibles compatibles avec ce qu’il croit alors. Il en résulte que tous les

agents humains sont censés être logiquement omniscients, c’est-à-dire croire toutes les propositions

nécessairement vraies. En outre quiconque croit une proposition est censé ipso facto croire toutes celles

qu’elle implique logiquement. Enfin les agents sont censés être soit parfaitement rationnels soit totalement

irrationnels. Quand au moins une circonstance possible est compatible avec les croyances d’un agent, ce

dernier ne peut alors croire de proposition nécessairement fausse. Autrement, il est censé croire n’importe

quoi. Cependant, comme les philosophes grecs l’avaient déjà souligné, il est paradoxal de croire que toute

proposition est vraie. Qui plus est, nous devons apprendre bien des propositions nécessairement vraies et il

nous arrive d’être incohérent aussi bien en science que dans la vie courante.

Les problèmes sont bien pires dans le cas de la logique traditionnelle des attitudes volitives qui procède

selon la même approche. Selon elle, un agent désire à un moment le fait représenté par une proposition

quand cette proposition est vraie en toutes les circonstances possibles compatibles avec la réalisation de ses

désirs à ce moment. Or, contrairement à ce qui se passe dans le cas des croyances, il ne suffit pas

d’apprendre qu’une chose est impossible pour cesser alors de la désirer.

On a proposé d’introduire en logique des circonstances impossibles où des propositions nécessairement

fausses seraient vraies. Pareille introduction est très ad hoc et elle n’est ni nécessaire ni suffisante. J’ai

préconisé de garder les seules circonstances possibles et de changer d’approche. Les circonstances

possibles sont des possibilités objectives. Les objets y ont donc réellement toutes leurs propriétés

essentielles. Pour expliquer les possibilités subjectives qui ne sont pas objectives, j’ai proposé une théorie

plus fine du sens et de la vérité qui permet, on le verra, une analyse adéquate des attitudes et tentatives. Ma

logique propositionnelle non classique (Vanderveken 2009) est prédicative en ce sens qu’elle analyse la

forme des propositions en tenant compte des prédications que nous faisons en les comprenant. Voici ses

principes.

Chaque proposition a une structure finie de constituants. En l’exprimant, nous prédiquons des attributs

(des propriétés ou relations) d’objets auxquels nous nous référons via des concepts. Comprendre les

conditions de vérité d’une proposition, c’est comprendre quels attributs les objets de référence doivent

posséder en une circonstance possible pour que cette proposition y soit vraie. Comme Frege l’a souligné,

toute référence est indirecte. Nos illocutions et attitudes sont dirigées vers des objets subsumés sous des

concepts. Pareille analyse rend compte des attitudes dirigées vers aucun objet ou vers des objets inexistants

voire impossibles comme la Fontaine de Jouvence. Elle explique aussi pourquoi certaines attitudes et

tentatives concernent les objets qui tombent sous certains concepts sans pour autant concerner les mêmes

objets sous d’autres concepts. Jocaste est la mère d’Œdipe. En se mariant avec Jocaste, Œdipe a donc

épousé sa propre mère. Il ne soupçonnait pas ce qui les reliait, puisqu’il avait déjà une mère différente de

Jocaste.

En plus de tenir compte de la structure de constituants des propositions, la logique prédicative fournit

une meilleure explication de leurs conditions de vérité. Notre connaissance du monde est incomplète. Nous

ignorons les valeurs de vérité de maintes propositions car nous ignorons les dénotations réelles de la plupart

de leurs concepts et attributs en bien des circonstances passées, présentes et a fortiori dans le futur. Chaque

concept donne des critères d’identité à l’objet de référence. Mais peu de critères d’identité permettent

d’identifier cet objet. Cependant nous pouvons, en principe, penser à des dénotations que les concepts et

attributs que nous avons à l’esprit pourraient avoir. Le chef de police à la recherche d’un voleur pense à

différentes personnes susceptibles d’avoir commis le vol. Outre les dénotations objectives réelles propres à

nos concepts et attributs il y a leurs dénotations subjectivement possibles. Pour cette raison, je préconise de

considérer en tout usage et interprétation du langage d’autres assignations possibles de dénotation aux

attributs et concepts que la seule assignation standard de la dénotation réelle qui associe par hypothèse à

chacun sa dénotation réelle en chaque circonstance. Les assignations possibles de dénotation sont des

fonctions du même type que l’assignation réelle. Chacune associe à tout concept individuel un objet

individuel unique ou rien en chaque circonstance possible. Selon l’assignation réelle, le voleur d’un objet

est le voleur réel quand pareil voleur existe. Selon d’autres assignations, c’est un autre agent voire

personne. Dans le même ordre d’idées, chaque assignation possible de dénotation associe à toute propriété

d’individus en chaque circonstance l’ensemble des individus sous concepts qui possèdent selon elle cette

propriété. Quand nous avons à l’esprit des concepts et propriétés, seules certaines assignations possibles de

dénotations sont alors compatibles avec la vérité de nos croyances. Supposons que, selon le chef de police

au début de son enquête, le voleur est fort petit. Alors toutes les assignations possibles de dénotation selon

lesquelles ce voleur est grand sont incompatibles avec ce que ce policier croit.

Dans mon optique, ce sont des assignations possibles de dénotation aux sens plutôt que des

circonstances possibles qui sont compatibles avec la satisfaction des attitudes et actes illocutoires. Voilà ma

façon de traiter des possibilités subjectives. Les assignations possibles de dénotation dans l’usage et la

compréhension respectent bien entendu les postulats de signification que les agents ont intériorisés en

apprenant le langage. Les mères et les reines sont des femmes selon toute assignation possible de

dénotation. Quand une proposition est vraie en une circonstance selon une assignation possible de

dénotation, sa négation y est fausse selon cette même assignation. Les agents respectent les postulats de

signification gouvernant les mots qu’ils comprennent en parlant et en pensant.

Dans ma logique, les propositions sont d’abord et avant tout vraies ou fausses en des circonstances

possibles selon des assignations possibles de dénotation à leurs concepts et attributs. Celui qui exprime ou

comprend une proposition en un contexte d’énonciation ignore souvent sa valeur de vérité en ce contexte. Il

sait juste en la comprenant que cette proposition y est vraie selon des assignations possibles de dénotations

à ses constituants et fausses selon d’autres. Ainsi chaque proposition élémentaire attribuant une propriété à

un objet sous un concept est vraie en une circonstance selon une assignation possible de dénotation quand,

selon cette assignation, l’individu tombant sous ce concept en cette circonstance y a la propriété prédiquée.

La plupart des propositions ont beaucoup de conditions possibles de vérité. Nous ignorons quelle est

l’assignation réelle de dénotation. Mais pour qu’une proposition soit vraie en une circonstance, il faut bien

entendu qu’elle y soit vraie selon l’assignation réelle de dénotation. La vérité exige la correspondance.

Toute proposition vraie en une circonstance correspond à un fait qui y existe réellement. Ainsi parmi toutes

les conditions de vérité possibles d’une proposition, il y a bien ses conditions de vérité réelles à la Carnap

qui correspondent à l’ensemble des circonstances possibles où cette proposition est vraie selon l’assignation

réelle de dénotation. Ma logique distingue les possibilités subjectives des possibilités objectives. Une

proposition est subjectivement possible quand elle vraie en au moins une circonstance possible selon au

moins une assignation possible de dénotation. Elle pourrait alors être vraie selon un agent. Pour qu’elle soit

objectivement possible, il faut qu’elle soit en plus vraie selon l’assignation réelle de dénotation en au moins

une circonstance possible. Chaque possibilité objective est subjective mais pas l’inverse. Voilà pourquoi

notre rationalité est imparfaite.

Pour que deux propositions soient identiques, il ne suffit pas qu’elles aient les mêmes attributs et

concepts. Il faut qu’elles soient vraies en chaque circonstance selon les mêmes assignations possibles de

dénotation à leurs sens constituants. La logique illocutoire distingue les propositions nécessairement

équivalentes dont l’expression exige des actes de référence et de prédication différents comme la

proposition que Montréal est une ville, et celle que Montréal est une ville et pas une hypoténuse. Elle

distingue également les propositions nécessairement fausses qu’il nous arrive de croire (que les baleines

sont des poissons) des contradictions flagrantes (que les baleines ne sont pas des baleines) que nul ne peut

croire. Les tautologies (et les contradictions) flagrantes sont des cas limites de propositions nécessairement

vraies (et nécessairement fausses). Elles sont respectivement vraies (et fausses) en chaque circonstance

selon toutes les assignations possibles de dénotation et pas seulement selon l’assignation standard réelle de

dénotation. Nul ne peut avoir à l’esprit une tautologie (ou une contradiction) flagrante sans savoir a priori

qu’elle est nécessairement vraie (ou nécessairement fausse).

Dans mon approche, les agents humains représentent les faits vers lesquels leurs attitudes et illocutions

sont dirigées. Quiconque possède une attitude propositionnelle ou tente d’accomplir un acte illocutoire

élémentaire particulier a alors à l’esprit les attributs et concepts de son contenu. Quand il ne les a pas

consciemment, il est à tout le moins capable de les exprimer. Autrement, il serait incapable de déterminer

les conditions de satisfaction de son attitude ou illocution. Une attitude ou illocution avec des conditions de

satisfaction totalement indéterminées serait sans contenu ; ce ne serait pas une véritable attitude ou

illocution. De plus, ce sont des assignations possibles de dénotation aux sens plutôt que des circonstances

possibles qui sont compatibles avec la satisfaction des attitudes, tentatives et illocutions élémentaires des

agents.

A chaque agent « a » et moment « m » du temps, correspondent ainsi :

– premièrement, l’ensemble Croyance des assignations possibles de dénotation aux concepts et

attributs qui sont compatibles avec la vérité des croyances de cet agent à ce moment ;

– deuxièmement, l’ensemble Désir des assignations possibles de dénotation qui sont compatibles

avec la réalisation des désirs de cet agent à ce moment, ainsi que l’ensemble Tentative des assignations

possibles de dénotation compatibles avec l’atteinte des objectifs des tentatives de cet agent à ce moment.

Pareils ensembles ne sont pas vides. Aucun agent ne peut tout croire, ni tout désirer. Dans mon optique,

un agent « a » croit une proposition à un moment « m » (quelle que soit l’histoire considérée) quand il a

alors à l’esprit tous les concepts et attributs de cette proposition et qu’elle est vraie à ce moment dans

l’histoire hm qui lui est propre selon toutes les assignations possibles de Croyance compatibles avec ce

qu’il croit alors.

Nous ignorons ce qui se passera plus tard dans le monde. Cependant, bien de nos croyances sont

dirigées vers le futur. Comme Occam l’a souligné, pour que pareilles croyances soient vraies, il faut que les

choses soient à un moment postérieur comme nous le croyons maintenant dans la continuation historique

actuelle de ce moment, quelle qu’elle soit. Les autres continuations historiques possibles n’importent pas.

Quand un moment a plusieurs continuations historiques possibles, celle qui adviendra est encore

indéterminée à ce moment. Cependant si le monde continue, il continuera d’une seule façon. Chaque agent

est tourné vers le futur réel.

Il y a une différence importante entre le désir et la croyance. Certains faits existent selon nous en toute

circonstance possible. En revanche, nous ne pouvons désirer un fait sans croire que ce fait pourrait ne pas

arriver. Car chaque désir contient une préférence. Quiconque ressent un désir distingue ipso facto deux

façons différentes dont le monde pourrait être : selon la première, les choses qu’il représente sont comme il

le préfère ; selon la seconde, elles ne le sont pas.

Pour qu’un agent désire à un moment m le fait représenté par une proposition, il ne suffit pas qu’il ait à

l’esprit cette proposition et qu’elle soit vraie à ce moment en l’histoire hm selon toutes les assignations

possibles de l’ensemble compatibles avec ce qu’il désire alors. Il faut aussi que cette proposition soit fausse

selon l’agent en une circonstance. Il nous arrive parfois de désirer boire et parfois de désirer ne pas boire.

Mais il ne nous arrive jamais de désirer boire ou ne pas boire.

Les conditions de possession des attitudes propositionnelles sont entièrement déterminées par leur mode

et leur contenu. Chaque composante d’un mode détermine une condition nécessaire particulière de

possession des attitudes ayant pareil mode, toutes les composantes ensemble des conditions de possession à

la fois nécessaires et suffisantes. Ainsi un agent a possède une attitude cognitive (ou volitive) de la forme

M(P) à un moment m quand il croit (ou désire) alors le contenu propositionnel P, il ressent à ce moment sa

croyance (ou son désir) de P de la façon cognitive ou volitive propre à son mode M, la proposition P

satisfait alors les conditions sur le contenu propositionnel de M et enfin cet agent présuppose et croit alors

toutes les propositions déterminées par les conditions préparatoires de son mode M relativement au

contenu P. Par exemple, un agent a l’intention de P à un moment quand le contenu propositionnel P

représente alors une action présente ou future de cet agent, il éprouve alors un tel désir de P qu’il est

disposé à faire cette action et enfin il présuppose et croit alors en être capable.

Les tentatives, qui sont intentionnelles, contiennent les mêmes conditions sur le contenu

propositionnel que les intentions. Pour qu’un agent a tente un objectif P à un moment m, il faut que cet

agent ait alors consciemment l’intention de P (P représente alors une de ses actions présentes ou

futures) et que la proposition P soit alors vraie en l’histoire hm selon toutes les assignations possibles de

dénotation de Tentative compatibles avec la satisfaction de ses tentatives à ce moment.

On peut analyser les conditions d’atteinte des buts illocutoires en s’inspirant de l’analyse des conditions

de possession des croyances et désirs. Certaines assignations possibles de dénotation aux concepts et

attributs sont compatibles avec la vérité des actes assertifs de chaque locuteur à un moment. Certaines (en

général d’autres) assignations possibles de dénotation sont compatibles avec la tenue des engagements du

même agent à ce moment. Certaines sont compatibles avec l’obéissance aux directives données par le

même agent à ce moment. Et ainsi de suite. Un locuteur réussit à atteindre le but illocutoire assertif sur une

proposition à un moment m quand il exprime à ce moment ses concepts et attributs et que cette proposition

est alors vraie en l’histoire hm selon toutes les assignations possibles de dénotation compatibles avec la

vérité de ses actes assertifs à ce moment. Il en va de même pour les autres buts illocutoires quand la

proposition exprimée satisfait leurs conditions sur le contenu propositionnel dans le contexte de

l’énonciation.

Ma logique des attitudes et illocutions tient compte de la réalité psychologique et langagière. Certaines

de nos croyances et assertions sont fausses, certaines de nos tentatives ratent. Dans ce cas, l’assignation

réelle de dénotation aux concepts et attributs est incompatible avec ce que nous croyons, affirmons et

tentons. Notre connaissance et nos capacités sont limitées. Quand nous ignorons la dénotation de certains

sens en certaines circonstances, de nombreuses assignations possibles de dénotation à ces sens en ces

circonstances sont alors compatibles avec nos croyances. Contrairement à l’approche traditionnelle, mon

analyse explique pourquoi nous ne sommes ni logiquement omniscients ni parfaitement rationnels. Nous

n’avons pas à l’esprit tous les attributs. Voilà pourquoi nous ignorons bien des vérités nécessaires.

Enfin, il nous arrive de croire, désirer et tenter des choses impossibles. Dans ce cas, les assignations

possibles de dénotation compatibles avec ce que nous croyons ou désirons ne respectent pas des propriétés

essentielles des objets auxquels nous pensons. Notre code génétique n’est déterminé par aucun postulat de

signification. Nous pouvons croire en avoir un autre. Mon approche résout les paradoxes épistémiques

traditionnels.

Toutefois les agents humains restent minimalement cohérents et rationnels selon ma logique. Ils ne

peuvent croire ni désirer n’importe quoi et leurs croyances et désirs en contiennent d’autres. En effet il y a

toujours des assignations possibles de dénotation aux sens compatibles avec la satisfaction de leurs

attitudes et actes illocutoires, et pareilles assignations et donc leurs attitudes et illocutions elles-mêmes,

obéissent par nature aux postulats de signification. Quiconque comprend une proposition respecte en vertu

de sa compétence les postulats de signification. Quand Œdipe a l’intention et accepte d’épouser Jocaste, la

reine de Thèbes, il a alors l’intention et il accepte d’épouser une femme.

Comme Searle (2005) l’a souligné, la logique des désirs et des intentions est fort différente de celle des

croyances. Les agents peuvent simultanément avoir une intention et croire que l’exécution de cette

intention aura un certain effet sans pour autant désirer ni avoir l’intention de produire cet effet. Celui qui

refuse une offre peut croire qu’il irritera l’interlocuteur sans pour autant désirer ni avoir l’intention de

l’irriter. En pareil cas, il y a un conflit entre les intentions et les croyances de l’agent à un moment.

Certaines assignations possibles de dénotation compatibles avec l’exécution des intentions de cet agent ne

sont pas compatibles avec la vérité de ses croyances au même moment. Car l’effet non voulu de l’action

visée n’a pas lieu selon les premières assignations. Ce conflit entre le volitif et le cognitif arrive quand

l’agent croit que l’effet non voulu est une conséquence inévitable de l’action visée. Une intention préalable

de P et une croyance qui est alors nécessaire que si P alors Q n’engage pas l’agent à avoir l’intention

préalable de faire Q. Chacun sait qu’il peut à tort croire que des effets non voulus sont inévitables. Il serait

plus heureux s’ils ne se produisaient pas. Il convient de réviser le principe de Kant (1965) : quiconque tente

de réaliser une fin veut les moyens nécessaires ou les effets qu’il sait faire partie de la réalisation de cette

fin. Ce principe ne s’applique pas aux intentions préalables. Cependant les agents sont rationnels ; ils

doivent coordonner minimalement leurs attitudes cognitives et volitives en tentant d’agir dans le monde.

Ainsi une forme restreinte du principe de Kant : « Tout agent qui veut la fin est engagé à vouloir les

moyens nécessaires » s’applique aux tentatives comme aux intentions en action (Searle, 2001). Quiconque

tente d’atteindre un objectif et sait que pour l’atteindre il doit faire autre chose, tente alors ipso facto l’autre

chose. Pareille restriction du principe kantien est valide dans ma logique.

Quand les locuteurs savent a priori en vertu de leur compétence qu’un acte illocutoire F(P) de force

primitive ne pourrait être satisfait sans qu’un autre F(Q) le soit, ils ne peuvent alors tenter d’accomplir le

premier F(P) sans tenter d’accomplir le second F(Q). C’est pourquoi nul ne peut affirmer une proposition

sans pour autant affirmer toutes les autres propositions que celle-ci implique fortement. Les engagements

illocutoire et psychologique sont partiellement compatibles avec la relation plus fine d’implication forte de

la logique prédicative. Une proposition en implique fortement une autre quand elle est composée de toutes

ses propositions élémentaires et qu’elle l’implique tautologiquement en ce sens qu’elle ne peut être vraie en

une circonstance selon une assignation possible de dénotation sans que l’autre le soit. Contrairement à

l’implication stricte de Lewis, l’implication forte est cognitive. Quand une proposition en implique

fortement une autre, nous le savons a priori ; nous ne pouvons exprimer la première sans avoir à l’esprit la

seconde et sans savoir qu’elle l’implique. L’implication forte est finie, para-consistante et décidable. Elle

fonde les engagements illocutoires et psychologiques tenant aux conditions de vérité. Certaines lois de la

déduction naturelle comme l’élimination de la disjonction engendrent de l’implication forte. Leurs

prémisses impliquent fortement leur conclusion. Ainsi quiconque désire (ou tente de) boire de l’eau ou du

vin désire (ou tente de) boire. D’autres lois comme celle de l’introduction de la disjonction n’engendrent

pas d’implication forte. On peut désirer boire sans pour autant désirer boire ou souffrir.

Beaucoup de philosophes, dont Searle (2005), sont fort sceptiques à l’égard de la logique de la raison

pratique. Sans doute, le désir et les attitudes volitives ont, à cause de leur direction d’ajustement du monde

à l’esprit, des propriétés (comme l’indétachabilité et l’inévitabilité de l’incohérence) qui compliquent leur

formalisation logique. Cependant pareilles propriétés ne mettent aucunement en question la logique des

attitudes et de l’action. Searle est forcé d’admettre l’existence de relations logiques intériorisées

d’engagement et d’incompatibilité entre attitudes et actions à cause des principes mêmes de sa philosophie.

Selon lui quiconque a une attitude et tente une action a, à l’esprit, les conditions de satisfaction de cette

attitude et les conditions de succès de cette action.

Ce n’est pas parce qu’elles ont la direction d’ajustement du monde à l’esprit qu’il n’y a pas de logique

propre aux attitudes volitives, tout comme ce n’est pas parce qu’ils ont la direction d’ajustement du monde

au langage qu’il n’y a pas de logique des actes illocutoires engageants et directifs. Au contraire, les

attitudes volitives sont logiquement liées entre elles et avec les cognitives en vertu de leurs conditions de

possession et de satisfaction que j’ai définies récursivement. De même les actes intentionnels sont

logiquement liés entre eux et avec des attitudes en vertu des conditions de succès et de satisfaction de leurs

tentatives. Ma logique explique des particularités d’attitudes volitives comme leur indétachabilité et le fait

que l’on puisse désirer des choses que l’on croit impossible. Elle explique les tentatives d’accomplissement

d’actes illocutoires et la nature des buts illocutoires grâce à sa logique de l’action. Ainsi donner une

directive c’est réussir à tenter de faire agir l’interlocuteur en lui adressant une énonciation exprimant

l’action que l’on désire qu’il fasse. Réussir à faire une déclaration c’est faire une action au moment de

l’énonciation en vertu de l’énonciation en affirmant qu’on accomplit alors cette action.

La logique illocutoire définit récursivement, on le verra, les conditions de félicité des actes illocutoires

de toute force. Elle révise la conception courante de la rationalité en expliquant pourquoi les agents

humains sont imparfaitement rationnels et parfois incohérents, Elle reconnaît qu’ils ne sont pas

logiquement omniscients et qu’ils ne font pas toutes les inférences théoriques valides. Cependant elle

explique aussi pourquoi les locuteurs ne sont pas tout à fait irrationnels mais restent minimalement

cohérents et font certaines inférences pratiques ou théoriques valides.

Beaucoup de lois fondamentales gouvernant les buts illocutoires et les catégories de cognition et de

volition sont liés à la rationalité. Ainsi, une limite de la pensée se montre dans la loi selon laquelle la

satisfaction des tentatives et des actes illocutoires avec la direction d’ajustement des choses aux mots exige

la vérité contingente a posteriori de leur contenu propositionnel. Nul ne pourrait transformer le monde en y

rendant existant un fait qui y existe inévitablement quoi que l’on fasse. Nul ne peut même avoir l’intention,

ni tenter, de faire un acte qu’il sait être impossible. C’est pourquoi les énoncés impératifs et performatifs

comme « Viens ou ne viens pas ! » , « Je promets de venir ou de ne pas venir », et « Je vous demande ou ne

vous demande pas votre aide » dont la clause exprime une tautologie flagrante sont illocutoirement

incohérents.

Il y a aussi un ordre logique transcendant qui est imposé par la direction d’ajustement aux actes

illocutoires. D’une part, les déclarations, qui ont la double direction d’ajustement, sont pour cette raison le

type le plus fort d’actes illocutoires élémentaires. Leur accomplissement suffit à rendre vrai leur contenu

propositionnel et à établir une correspondance entre les mots et les choses. C’est pourquoi chaque acte

illocutoire élémentaire réussi pourrait être accompli par déclaration lors d’une énonciation performative. En

revanche, aucune autre espèce d’acte illocutoire n’engage fortement le locuteur à une déclaration. Il est

donc erroné de considérer les déclarations comme étant des actes illocutoires paradigmatiques. Les énoncés

performatifs ne sont pas des formes paradigmatiques d’expression pour illocutions. Seules les déclarations

ont la double direction d’ajustement. D’un autre côté, les actes expressifs, qui ont la direction vide

d’ajustement, sont l’espèce la plus faible d’illocutions. Tout acte illocutoire a des conditions de sincérité.

Par conséquent, chaque espèce d’acte illocutoire engage fortement le locuteur à un expressif. Mais l’espèce

expressive d’acte illocutoire n’engage fortement le locuteur à aucune autre. Bach et Harnish (1979) ont

considéré à tort les illocutions expressives comme des actes illocutoires paradigmatiques.

La définition récursive de l’ensemble des fonctions de vérité décrit des traits transcendants dans la

détermination des conditions de vérité des propositions. Ainsi, les formes logiques des tautologies et des

contradictions flagrantes sont universelles. Et les propositions de certaines formes logiques en impliquent

fortement d’autres dans toute langue naturelle. De même, les définitions récursives de l’ensemble des

modes psychologiques et l’ensemble des forces illocutoires décrivent des traits transcendants dans l’usage

du langage. En particulier, il y a cinq forces illocutoires primitives en chaque langue naturelle. Ce sont les

forces illocutoires les plus simples possibles : elles ont un but illocutoire caractéristique, pas de mode

spécial d’atteinte de ce but, un degré neutre de puissance et seulement les conditions sur le contenu

propositionnel et les conditions préparatoires et de sincérité qui sont déterminées par leur but. Les cinq

forces primitives sont :

(1) la force illocutoire d’assertion qui est nommée par le verbe performatif « affirmer » et réalisée

syntaxiquement dans le type déclaratif d’énoncé ;

(2) la force illocutoire primitive d’engagement qui est nommée par le verbe performatif « s’engager » ;

(3) la force primitive directive qui est réalisée syntaxiquement dans le type impératif d’énoncé ;

(4) la force illocutoire de déclaration qui est nommée par le verbe performatif « déclarer » et exprimée

lors des énonciations performatives ;

(5) la force illocutoire primitive expressive qui est réalisée syntaxiquement dans le type des énoncés

exclamatifs.

Toutes les autres forces illocutoires peuvent être obtenues en leur appliquant des opérations booléennes

qui consistent à ajouter de nouvelles composantes ou des opérations abéliennes qui changent le degré de

puissance.

Ainsi, la force illocutoire de promesse est obtenue à partir de la force primitive d’engagement en

imposant le mode spécial d’atteinte de son but que le locuteur se met alors dans l’obligation d’agir. La

force de renonciation a la condition sur le contenu propositionnel additionnel selon lequel c’est un

engagement négatif. Renoncer à faire quelque chose c’est s’engager à ne plus le faire. La force illocutoire

de menace est obtenue à partir de la force d’engagement en imposant la condition préparatoire spéciale que

l’action à laquelle s’engage le locuteur est mauvaise pour l’interlocuteur.

Nous pouvons faire une analyse lexicale systématique des verbes illocutoires et marqueurs de force des

langues naturelles sur la base de la définition récursive de l’ensemble des forces possible. Certains types

syntaxiques d’énoncés comme les types déclaratif, impératif et exclamatif, expriment des forces primitives.

D’autres, comme les types conditionnels et interrogatifs expriment des forces dérivées. Les énoncés

interrogatifs servent à poser des questions, qui sont des demandes à l’interlocuteur d’une réponse (condition

spéciale sur le contenu propositionnel). Tout énoncé interrogatif (« Est-ce qu’il neige ? « ) est synonyme

avec un énoncé impératif correspondant (« Veuillez me dire si oui ou non il neige ! »).

Les conditions de succès des actes illocutoires élémentaires sont entièrement déterminées par les

composantes de leur force et de leur contenu propositionnel. Un locuteur réussit à accomplir un acte

illocutoire F(P) en un contexte d’énonciation quand, en ce contexte, il réussit à atteindre le but illocutoire

de la force F sur la proposition P avec le mode d’atteinte de F et P y satisfait les conditions sur le contenu

propositionnel de F, deuxièmement, ce locuteur présuppose que les conditions préparatoires de F(P) sont

alors remplies et réussit à exprimer avec le degré de puissance de F les attitudes des modes déterminées

par les conditions de sincérité de F à propos du fait représenté par le contenu propositionnel P. Ainsi pour

qu’un locuteur fasse une promesse en un contexte, il faut qu’il y exprime la proposition qu’il fait ou fera un

acte (condition sur le contenu propositionnel), qu’il s’engage lui-même à cet acte (but illocutoire) en

s’obligeant à le faire (mode d’atteinte), qu’il présuppose que l’acte est bon pour l’interlocuteur et qu’il

manifeste la forte intention de le faire (condition de sincérité et degré de puissance).

Il nous arrive de faire de fausses pré-suppositions et d’exprimer des attitudes que nous n’avons pas. Des

actes illocutoires réussis sont donc défectueux. C’est le cas des promesses qui sont désavantageuses pour

l’interlocuteur ou que le locuteur n’a pas la moindre intention de tenir. Pour qu’un acte illocutoire soit

accompli sans défaut en un contexte d’énonciation, il ne suffit pas qu’il y soit accompli avec succès ; il faut

en outre que ses conditions préparatoires et de sincérité y soient remplies. D’un point de vue logique, les

conditions de félicité des actes illocutoires sont la somme de leurs conditions d’accomplissement sans

défaut et de satisfaction. Bien des actes illocutoires assertifs, engageants, directifs et expressifs réussis sont

défectueux ou insatisfaits. Seuls les déclaratoires, qui ont la double direction d’ajustement, sont tels que

leur succès implique leur félicité. Austin qui a commis l’erreur de considérer les énonciations performatives

comme paradigmatiques a parfois réduit la félicité au succès.

De la définition générale du succès suivent quelques lois fondamentales d’engagement illocutoire fort

qui sont valides pour les forces en chaque langue naturelle. Quand une force illocutoire nouvelle est

obtenue en appliquant une opération à une force, cette nouvelle force est soit plus forte soit plus faible que

la force argument. Une force F est plus forte qu’une autre F’ quand il n’est pas possible d’accomplir une

illocution de la forme F(P) sans pour autant accomplir une autre de la forme F’(P). Les opérations d’ajouter

des composantes et d’augmenter le degré de puissance engendrent des forces plus fortes. Ainsi, toute force,

dont le degré de puissance est positif, est plus forte que la force primitive avec son but illocutoire.

Quiconque jure, promet, fait vœu, accepte ou menace de faire quelque chose s’engage ipso facto à le faire.

Des lois universelles d’engagement psychologique semblables suivent de la définition de la possession

d’attitudes propositionnelles. Comme les opérations sur modes ajoutent des composantes nouvelles (des

façons cognitives ou volitives, des conditions sur le contenu propositionnel ou des conditions

préparatoires), elles engendrent des modes psychologiques plus forts. Quand un mode M a plus de

composantes que M’, chaque attitude de forme M(P) contient une attitude de forme M’(P). Car elle a

davantage de conditions de possession. Quiconque anticipe, sait, est certain, ou convaincu de quelque

chose, y croit. Quiconque espère, est content, joyeux, ravi ou jouit de quelque chose, la désire.

En vertu de sa forme logique, chaque acte illocutoire tenté engage le locuteur à de nombreux autres. Un

acte illocutoire engage fortement le locuteur à un autre quand il ne peut alors accomplir cet acte sans ipso

facto accomplir l’autre. Toutes les supplications et les questions contiennent des demandes mais la

réciproque n’est pas vraie. Les demandes qui sont faites sans prier humblement l’interlocuteur d’agir ne

sont pas des supplications. Celles qui peuvent être accordées sans aucune réponse de l’interlocuteur ne sont

pas des questions. Quiconque entend accomplir un acte illocutoire entend ipso facto accomplir les autres

actes illocutoires ayant moins de conditions de succès. Mais les locuteurs sont aussi parfois engagés à des

actes illocutoires plus forts. Celui qui demande en s’agenouillant humblement et en pleurant fait plus que

demander ; il supplie et même implore l’interlocuteur. Celui qui demande à l’interlocuteur une réponse lui

pose une question. Ma sémantique formelle générale explique par l’engendrement simple pareils

engagements à des actes illocutoires plus forts. Dans les contextes où sont manifestement remplies des

conditions sur le contenu propositionnel, des conditions préparatoires ou de sincérité, spéciales, l’acte

illocutoire littéral réussi engendre alors des actes illocutoires d’une force supérieure. Dans les autres

contextes, il n’y a pas de tel engendrement illocutoire simple.

1.5. Universaux sémantiques dans l’usage du langage

Comme il fait partie de la signification linguistique de tout énoncé qu’il sert à exprimer des actes

illocutoire en chaque contexte possible d’emploi, il y a une ramification générale des notions sémantiques

fondamentales d’analyticité, de cohérence et d’implication logique ainsi qu’une définition récursive d’une

énonciation pleine de félicité dans la sémantique formelle que je préconise pour le langage ordinaire.

Premièrement, il faut distinguer en sémantique les notions de cohérence illocutoire et de cohérence véri-

conditionnelle. Certains énoncés comme « Les baleines sont des poissons » sont illocutoirement cohérents

en ce sens qu’ils expriment des actes illocutoires performables. D’autres sont véri-conditionnellement

cohérents : ils expriment des actes illocutoires satisfaisables.

Il faut aussi distinguer les notions d’analyticité illocutoire et véri-conditionnelle. Des énoncés comme

l’énoncé paradoxal de Moore « Il pleut et je ne le crois pas » ont des énonciations analytiquement ratées :

on ne peut les utiliser littéralement avec succès. D’autres comme « Je n’existe pas » ont des énonciations

analytiquement insatisfaites : on ne peut les utiliser littéralement avec satisfaction. Pareilles notions

sémantiques n’ont pas la même extension. L’énoncé « Les baleines sont des poissons » est illocutoirement

cohérent mais véri-conditionnellement incohérent. Les énonciations de l’énoncé de Moore ne sont pas

analytiquement insatisfaites. Elles sont en outre illocutoirement cohérentes.

Tout comme la réussite ou la satisfaction de certains actes illocutoires entraine la réussite ou la

satisfaction d’autres, certains énoncés en impliquent illocutoirement ou véri-conditionnellement d’autres.

L’énoncé performatif « Je vous demande votre aide » implique illocutoirement l’énoncé impératif

« Veuillez m’aider ! ». Il n’est pas possible d’utiliser littéralement avec succès cet énoncé performatif sans

faire pour autant la demande exprimée par l’énoncé impératif. L’énoncé impératif « Veuillez m’aider ! »

implique véri-conditionnellement l’énoncé déclaratif « Vous pouvez m’aider ». Quiconque accorde la

demande que cet énoncé exprime rend vraie l’assertion exprimée par l’énoncé déclaratif.

Notre analyse sémantique des formes linguistiques d’expression pour les actes illocutoires sert à

distinguer logiquement différentes classes d’énoncés exprimant différentes espèces d’actes illocutoires dans

le langage ordinaire. Il y a des lois universelles d’incohérence illocutoire et véri-conditionnelles pour les

énoncés, de même qu’il y a des lois universelles d’imperformabilité et d’insatisfaisabilité pour les

illocutions. Comme nous l’avons vu, des énoncés de certaines formes logiques (par exemple, les énoncés

déclaratifs, impératifs et performatifs dont la clause exprime une contradiction) expriment des actes

illocutoires à la fois imperformables et insatisfaisables dans tous les langages. De même il y a des lois

sémantiques universelles d’implication illocutoire et véri-conditionnelle entre les énoncés, de même qu’il y

a des lois universelles d’inclusion de conditions de félicité entre les illocutions. Les énoncés performatifs

constituent le type le plus fort d’énoncé car les déclarations sont le type le plus fort d’acte illocutoire. C’est

pourquoi chaque énoncé performatif implique illocutoirement l’énoncé non performatif lui correspondant.

En revanche, parmi les énoncés cohérents, seul un énoncé performatif peut en impliquer illocutoirement un

autre. Pour des raisons semblables, les énoncés exclamatifs sont le type le plus faible d’énoncé. Les

énoncés de tous les types syntaxiques impliquent illocutoirement les énoncés exclamatifs leur

correspondant. Ainsi, l’énoncé déclaratif « Hélas, il est mort » implique illocutoirement l’exclamatif « Quel

malheur qu’il soit mort ! ». Mais aucun énoncé exclamatif cohérent n’implique illocutoirement d’énoncé de

type non-expressif.

Grâce à la logique illocutoire, la sémantique formelle peut dorénavant formuler de nouveaux genres de

lois valides d’implication logique pour les énoncés de tous les types syntaxiques en raison de la forme

logique des actes illocutoires qu’ils servent à accomplir. Qui plus est, elle peut également expliquer et

dériver des principes d’inférence valide aussi bien pratique que théorique. Selon la terminologie de la

théorie des actes du discours, un inférence est valide quand il n’est pas possible que ses prémisses

expriment des actes illocutoires avec une certaine valeur de succès ou de satisfaction sans que sa

conclusion exprime également un acte avec les mêmes ou d’autres valeurs. Certaines inférences sont

pratiques : leur conclusion exprime une illocution avec la direction d’ajustement des choses aux mots.

D’autres inférences sont théoriques : leur conclusion exprime une illocution avec la direction d’ajustement

des mots aux choses.

Jusqu’à présent, la logique contemporaine et la sémantique formelle se sont confinées à l’étude des

formes valides d’inférence théoriques dont les prémisses ne peuvent être vraies sans que leur conclusion le

soit également. Cependant, il est bien clair que nous sommes incapables de faire en vertu de notre seule

compétence linguistique de nombreuses inférences théoriques valides. Car nous comprenons les

propositions sans savoir pour autant toutes leurs conséquences logiques. Nous devons apprendre les

mathématiques.

Qui plus est, il y a quatre autres genres d’inférences valides qui tiennent aux conditions de succès et de

satisfaction ;

– les inférences valides du premier genre sont celles dont les prémisses ne peuvent être réussies (c’est-à-

dire exprimer des illocutions réussies) sans que leur conclusion le soient également. La conjonction des

prémisses de pareilles inférences valides implique illocutoirement leur conclusion ;

– les inférences valides du second genre sont celles dont les prémisses ne peuvent être satisfaites sans

que leur conclusion le soit également. La conjonction de leurs prémisses implique véri-conditionnellement

leur conclusion ;

– les inférences valides du troisième genre ont des prémisses qui ne peuvent être réussies sans que leur

conclusion soit satisfaite ;

– le quatrième genre est la réciproque du troisième. Toutes ces espèces différentes d’inférences valides

existent en chaque langue naturelle et elles n’ont pas la même extension.

Du point de vue de la grammaire universelle, les principes d’inférence valide les plus intéressants sont

ceux que les locuteurs ont intériorisés en apprenant leur langue maternelle, car ils reflètent la nature même

de la raison humaine et constituent la logique naturelle décidable innée de la compétence linguistique.

La sémantique logique de la théorie des actes de discours est capable de formuler pareils principes

innés.

Une découverte importante de la théorie des actes de langage, c’est que les paradoxes sémantiques

comme le paradoxe du menteur n’apparaissent pas vraiment dans l’usage du langage. Certes les langues

naturelles contiennent des énoncés paradoxaux comme « Cette assertion est fausse » et l’on peut ajouter

« Je ne tiendrai pas cette promesse », « Désobéissez à cet ordre ». Comme les philosophes grecs l’avaient

remarqué, les énonciations sui-référentielles de pareils énoncés semblent être satisfaites si et seulement si

elle sont insatisfaites. Contrairement à Russell, Tarski et bien d’autres, je ne pense pas que les langues

naturelles soient pour autant incohérentes. Quand les formes logiques des marqueurs de force et des clauses

de pareils énoncés sont bien analysées, il apparaît que leurs énonciations sui-référentielles ne peuvent être

satisfaites sans qu’elles soient réussies. Or, les actes illocutoires qu’elles expriment ne sont pas

performables à cause de la cohérence minimale des locuteurs compétents. Par conséquent, les énoncés

paradoxaux en question sont plutôt incohérents à la fois illocutoirement et véri-conditionnellement.

Comme Prior (1971) l’a anticipé dans sa discussion de la croyance, le paradoxe du menteur est de la

forme « Il existe une proposition P telle que j’affirme P et il n’est pas vrai que P et P est cette même

proposition (à savoir qu’il existe une proposition P telle que j’affirme P et il n’est pas vrai que P) ». Quand

le paradoxe du menteur est ainsi analysé, il apparaît n’être qu’une assertion fausse qu’aucun locuteur

minimalement rationnel ne pourrait jamais tenter de faire. Son contenu propositionnel est une contradiction

flagrante. C’est donc une erreur que d’exclure la sui-référence de l’idéographie logique et d’empêcher la

formation des énoncés paradoxaux dans les langues-objets de la logique et de la philosophie pour éviter

l’incohérence. Premièrement, cela n’est pas nécessaire car il n’y a pas ici de véritable paradoxe.

Deuxièmement, pareille exclusion restreint beaucoup trop les capacités expressives de l’idéographie

logique. Il y a toute une série d’énoncés sui-référentiels forts intéressants, par exemple : « Cet énoncé sert à

faire une assertioné », le Cogito ergo sum de Descartes. Les énonciations de pareils énoncés sont à la fois

analytiquement réussies et vraies. D’ailleurs certains types d’actes illocutoires, notamment les déclarations,

sont par nature sui-référentiels. Comme Austin l’avait déjà remarqué, les énonciations performatives

explicites contiennent l’adverbe « par la présente » qui en fait des énonciations sui-référentielles.

1.6. Les universaux pragmatiques

Une théorie sémantique du langage traite exclusivement de la signification littérale. Cependant souvent

le locuteur veut dire autre chose ou plus que ce qu’il dit dans la conversation.

Premièrement, l’acte illocutoire principal de l’énonciation est différent de l’acte illocutoire littéral

lorsque le locuteur fait une figure de style comme de la métaphore, de l’ironie ou de l’indirection. Ainsi en

posant la question : « Voulez-vous aider ? », le locuteur peut vouloir d’abord et avant tout demander

indirectement de l’aide.

Deuxièmement, le locuteur entend parfois accomplir implicitement des actes illocutoires non littéraux

secondaires en plus de l’acte illocutoire principal. Si l’on vous demande « où est Paul ? », et que vous

répondez « il est à Paris ou à Londres », vous affirmez implicitement que vous ignorez exactement où. La

capacité de vouloir dire autre chose fait partie de notre compétence linguistique et elle excède notre

capacité de parler littéralement. Tout ce qu’un locuteur veut dire, il ou elle pourrait en principe le dire selon

le principe d’exprimabilité de nos pensées conceptuelles. Cependant la réciproque n’est pas vraie. C’est une

des conséquences du principe de la rationalité minimale du locuteur. Il nous est impossible d’utiliser

littéralement les énoncés illocutoirement incohérents. Celui qui dit « Je ne suis pas identique à moi-même

aujourd’hui » ne comprend pas ce qu’il dit ou bien il veut dire autre chose comme « Je ne me sens pas

aujourd’hui comme je suis d’habitude ».

Les unités de base du discours sont les actes illocutoires que les locuteurs entendent accomplir, peu

importe qu’ils soient littéraux ou non. D’où l’importance d’une théorie générale de la signification capable

d’interpréter les énonciations non littérales en sémiotique. Selon ma conception de la sémiotique

(Vanderveken, 1991, 1997), c’est à la pragmatique que revient la tâche propre d’expliquer notre capacité

d’accomplir et de comprendre les actes illocutoires non littéraux. Jusqu’à présent, il y a eu peu de progrès

dans l’élaboration de la pragmatique théorique. Grice (1975) suivi par Searle (1979), Bach et Harnish,

Récanati et d’autres ont fait des remarques importantes sur la signification non littérale en explorant l’idée

que l’usage du langage est gouverné par des maximes conversationnelles comme la maxime de qualité

« Dites le vrai ! », « Soyez sincère ! », la maxime de quantité « Soyez aussi informatif qu’il le faut ! », la

maxime de manière « Soyez clair ! » et la maxime de relation « Soyez pertinent ! ». Mais leurs analyses de

la signification du locuteur sont restées informelles, partielles et sans contenu théorique précis. Qui plus est,

elles ne s’appliquent qu’aux énonciations assertives faites dans le discours informatif.

Selon Grice, les interlocuteurs comprennent les énonciations non littérales en faisant des inférences sur

la base de l’hypothèse que les locuteurs respectent les maximes conversationnelles. Searle et moi avons

utilisé l’approche déductive de Grice en théorie des actes de discours. Dans notre optique, le locuteur qui

entend accomplir des actes de discours non littéraux s’attend à ce que l’interlocuteur le comprenne en se

fiant : premièrement, à sa connaissance de la signification de l’énoncé utilisé ainsi qu’à sa capacité de

comprendre les conditions de félicité de l’acte illocutoire littéral ; deuxièmement, à leur connaissance

mutuelle de certains faits de l’arrière-plan conversationnel, et troisièmement à la capacité qu’a

l’interlocuteur de faire des inférences sur la base de l’hypothèse qu’il respecte (lui, locuteur) les maximes

conversationnelles. Pour comprendre l’acte illocutoire principal non littéral d’un contexte d’énonciation, il

faut donc identifier l’acte illocutoire littéral et comprendre que cet acte littéral ne peut être l’acte principal

visé si le locuteur respecte les maximes conversationnelles. Selon pareille conception, la pragmatique,

conçue comme la théorie de la signification du locuteur incorpore donc la sémantique conçue comme la

théorie de la signification de l’énoncé ainsi qu’une théorie des maximes conversationnelles et l’analyse des

aspects pertinents de l’arrière-plan conversationnel.

J’ai proposé d’expliquer et de généraliser les deux maximes de qualité et de quantité en utilisant la

logique illocutoire.

La maxime de qualité

D’un point de vue logique, une acte illocutoire est de qualité parfaite quand il est plein de félicité dans

la terminologie d’Austin à savoir à la fois réussi, sans défaut et satisfait. Ainsi la maxime de qualité en

vient à être un principe tout-à-fait général de la logique illocutoire : veillez à ce que l’acte illocutoire que

vous tentez d’accomplir soit approprié, c’est-à-dire plein de félicité ! Il y a une définition inductive des

conditions de félicité en logique illocutoire. Le nouveau principe est donc bien une explication et

généralisation de la maxime de qualité de Grice. Il vaut pour toutes les espèces d’énonciations, qu’elles

soient ou non assertives. Ainsi, il y a la sous-maxime de qualité pour les commandements : Veillez à ce que

votre commandement soit une directive réussie que vous ayez l’autorité de donner, auquel vous voulez que

l’interlocuteur obéisse et auquel il obéira effectivement. De même, il y a la sous-maxime de qualité pour les

assertions : Veillez à ce que votre assertion soit réussie et vraie ! Ayez de l’évidence et croyez ce que vous

affirmez ! Comme il fallait s’y attendre, la formulation de Grice de la maxime de qualité est tout juste le

cas particulier de la qualité pour les assertions.

La maxime de quantité

Chaque acte illocutoire est une espèce naturelle d’usage du langage qui sert à atteindre des buts

linguistique au cours de la conversation. D’un point de vue logique, un acte illocutoire est de quantité

parfaite quand il est aussi fort qu’il le faut (ni trop fort ni trop faible) pour atteindre les buts linguistiques

courants du locuteur. De part leur forme logique, certains actes illocutoires sont plus forts que d’autres, en

ce sens qu’ils ont plus de conditions de félicité qu’eux. Les actes illocutoires plus forts servent à atteindre

des buts linguistiques plus forts. Ainsi un locuteur qui voudrait presser un interlocuteur de le sortir d’une

situation périlleuse et qui lui demanderait seulement de l’aide accomplirait un acte illocutoire trop faible

pour parvenir à ses fins. Sur la base de ces considérations, la maxime de quantité devient : Veillez à ce que

l’acte illocutoire que vous tentez d’accomplir soit aussi fort qu’il le faut (ni trop fort ni trop faible) !

Cette explication de la maxime de quantité vaut pour toutes les espèces d’énonciations. Ainsi, il y a la

sous maxime de quantité particulière pour les directives : « Veillez à ce que votre directive soit aussi forte

que requise ! ». La formulation que Grice fait de la maxime de quantité est le cas spécial de quantité

s’appliquant aux énonciations informatives.

La maxime de quantité impose des conditions sur la force aussi bien que sur le contenu propositionnel

des actes illocutoires tentés. Ainsi, nos directives ne devraient pas être trop fortes. Si nous voulons

demander à quelqu’un un verre de cognac, ne l’implorons pas (cette force directive serait plus forte qu’il ne

le faut). Et ne demandons pas plus que ce que nous voulons (ne demandons pas toute la bouteille si nous

voulons seulement un verre). D’un autre côté, nos directives ne devraient pas non plus être trop faibles. Si

nous voulons invoquer notre position d’autorité, faisons plus que dire à l’interlocuteur d’agir (la force de

notre directive serait trop faible) ; donnons-lui plutôt un commandement. En outre, commandons-lui de

faire tout ce que nous voulons.

Il y a une loi universelle de respect des maximes conversationnelles. Pourquoi les interlocuteurs

doivent-ils respecter autant que possible les maximes conversationnelles ? Comme Grice je pense que le

respect universel des maximes conversationnelles est une conséquence du fait que tout locuteur compétent

est un agent pourvu de raison. Cela est particulièrement clair pour le respect des deux maximes de qualité

et de quantité qui concernent la forme logique même des actes illocutoires. De par sa nature, chaque acte

illocutoire est un moyen d’atteindre des buts langagiers dans la conversation. Selon la raison pratique, un

agent rationnel devrait utiliser en chaque circonstance des moyens qu’il y juge effectifs. Pour cette raison,

un locuteur rationnel désirant parvenir à son but ne devrait pas tenter d’accomplir en un contexte un acte

illocutoire qu’il sait manifestement raté, défectueux ou insatisfait. En outre, un agent rationnel devrait en

chaque circonstance choisir les moyens les plus effectifs pour parvenir à ses fins. D’un point de vue

logique, à chaque but linguistique possible correspond un acte illocutoire unique qui sert le plus

effectivement à atteindre ce but. Car deux actes illocutoires avec les mêmes conditions de félicité sont

identiques. Ainsi, un locuteur ne serait pas rationnel s’il choisissait d’accomplir en un contexte un acte

illocutoire manifestement trop faible ou trop fort pour parvenir à son but. Il n’agirait pas alors de la façon la

plus effective pour l’atteindre.

Grice et Searle n’ont pas tenté d’analyser formellement la nature des inférences à faire pour comprendre

les énonciations non littérales. Cependant, j’ai indiqué comment formaliser leur approche en pragmatique

formelle. Dans mon optique, il y a deux façons principales selon lesquelles un locuteur peut tenter de faire

inférer par l’interlocuteur ce qu’il signifie sur la base de l’hypothèse qu’il respecte les maximes

conversationnelles. Ces deux façons sont l’exploitation et l’usage des maximes.

L’exploitation d’une maxime

Ma notion d’exploitation d’une maxime est plus générale que celle de Grice. Un locuteur exploite une

maxime conversationnelle quand il entend attirer l’attention de l’interlocuteur sur certains faits de l’arrière-

plan conversationnel afin que ce dernier reconnaisse les faits suivants : premièrement, lui, le locuteur, ne

respecterait pas cette maxime conversationnelle si l’acte illocutoire principal était l’acte littéral ; mais il est

capable de respecter la maxime sans violer une autre maxime. Qui plus est, il veut coopérer et continuer la

conversation en cours si bien qu’il entend accomplir un autre acte illocutoire principal. Enfin, le locuteur

entend que l’interlocuteur sache qu’il entend qu’il comprenne tout cela.

Lors de l’exploitation de la maxime de qualité, le locuteur entend que l’interlocuteur reconnaisse qu’il y

a dans l’arrière-plan des faits mutuellement connus incompatibles avec des conditions de félicité de l’acte

illocutoire littéral. Quand l’interlocuteur reconnaît cela, il comprend que le locuteur n’entend pas accomplir

l’acte illocutoire littéral mais un autre acte principal ayant des conditions de félicité différentes de celles qui

sont manifestement violées dans l’arrière-plan. Qui plus est, le locuteur identifie ces autres conditions non-

littérales de succès en les tirant de faits de l’arrière-plan conversationnel mutuellement connus. Supposons

que quelqu’un vous dise « Je vous promets que vous allez regretter ceci » dans un arrière-plan où il entend

vous faire savoir qu’il réagira en faisant une chose très mauvaise pour vous. Ce locuteur exploite alors la

maxime de qualité. Son énonciation n’est pas une promesse. De toute évidence, il ne présuppose pas qu’il

va faire quelque chose bon pour vous, l’interlocuteur (condition préparatoire d’une promesse). Il

présuppose le contraire. En pareille situation, vous comprenez que ce locuteur entend vous menacer

ironiquement. Sa menace diffère seulement de la promesse littérale par le fait qu’elle a la condition

préparatoire opposée, à savoir que l’action à laquelle il s’engage est mauvaise pour vous, l’interlocuteur.

Lors de l’exploitation d’une maxime il y a seulement une violation apparente de cette maxime au niveau

littéral. Car l’acte illocutoire principal non littéral est lui compatible avec l’arrière-plan.

Lors de l’exploitation de la maxime de quantité, le locuteur entend que l’interlocuteur reconnaisse que

l’acte illocutoire littéral est trop faible ou trop fort pour atteindre son but linguistique courant. Ainsi un

locuteur qui vous dit « Votre travail n’est pas mal » exploite la maxime de quantité pour faire une litote

quand il est manifestement fort impressionné par ce que vous avez fait. En pareil contexte, vous devriez

comprendre que ce locuteur entend indirectement faire une assertion plus forte que l’assertion littérale, à

savoir affirmer que votre travail est très bon. Si, au contraire, quelqu’un vous dit « Votre travail est

exceptionnellement bon » en un contexte où il est manifeste que votre travail n’est pas si bon que cela, il

exploite alors la maxime de qualité et de quantité pour faire une hyperbole. Dans ce cas, son assertion

principale est moins forte que la littérale.

L’utilisation d’une maxime

Un locuteur utilise une maxime conversationnelle quand certains faits de l’arrière-plan conversationnel

sont tels qu’il entend que l’interlocuteur reconnaisse qu’il ne respecterait pas cette maxime en

accomplissant l’acte illocutoire principal s’il n’accomplissait pas également un autre acte illocutoire non-

littéral secondaire. Qui plus est, il entend également que l’interlocuteur sache qu’il entend qu’il reconnaisse

tout cela.

Lorsqu’un locuteur utilise la maxime de qualité, il entend que l’interlocuteur fasse un inférence sur la

base de l’hypothèse que son acte illocutoire principal est approprié (plein de félicité). Supposons que

quelqu’un auquel vous avez posé la question : « Est-ce que Jean a une compagne ? », vous réponde : « Il est

homosexuel ». Dans un arrière-plan où il est tenu pour acquis que les homosexuels n’ont pas de compagne,

il utiliserait alors la maxime de qualité pour répondre implicitement par la négative à votre question.

Lorsque, d’autre part, le locuteur utilise la maxime de quantité, il entend que l’interlocuteur fasse alors

une inférence sur la base de l’hypothèse que son acte illocutoire principal est aussi fort qu’il le faut pour

parvenir à son but linguistique courant. Si l’arrière-plan conversationnel est tel que ce locuteur accomplit

cet acte à la place d’autres plus forts qui étaient attendus, il faut comprendre qu’il entend implicitement

s’abstenir de les accomplir. Répondre seulement « J’essaierai » à la question « Promettez-vous de m’aider

? », c’est le plus souvent utiliser la sous-maxime de quantité « Engagez-vous aussi fortement que vous le

voulez ! » afin d’impliciter conversationnellement que l’on n’entend pas promettre.

Comme Grice l’a remarqué, la plupart des actes illocutoires non littéraux ont deux propriétés

importantes :

– premièrement, ils sont annulables contextuellement, en ce sens qu’il y a d’autres contextes possibles

d’énonciation avec d’autres arrière-plans où le même locuteur aurait pu utiliser les mêmes mots sans tenter

de les accomplir. En outre, ils sont aussi indétachables : si le locuteur avait utilisé un autre énoncé

exprimant le même acte illocutoire littéral dans le même arrière-plan conversationnel, il aurait alors

également voulu les accomplir. D’un point de vue théorique, ces deux propriétés des actes illocutoires non

littéraux sont importantes. Leur annulabilité montre que certaines conditions sont nécessaires pour qu’un

locuteur puisse vouloir dire autre chose que ce qu’il dit. Quand pareilles conditions ne sont pas remplies, la

signification du locuteur peut seulement être littérale.

– deuxièmement, leur indétachabilité montre que certaines conditions relatives à la forme de l’acte de

discours littéral et l’arrière-plan conversationnel sont suffisantes pour que la signification du locuteur soit

différente de celle de l’énoncé utilisé. Quand ces conditions sont remplies, la signification du locuteur ne

peut alors être entièrement littérale.

L’une des tâches principales de la pragmatique est de formuler les conditions nécessaires et suffisantes

pour qu’il y ait signification non littérale du locuteur. Sur la base des considérations précédentes, j’ai fait la

conjecture suivante en pragmatique : un locuteur entend accomplir un acte illocutoire non littéral principal

quand il exploite des maximes conversationnelles et, ensuite, il entend impliciter conversationnellement

qu’il accomplit un acte illocutoire non littéral secondaire quand il utilise pareilles maximes dans le

contexte de son énonciation. J’ai ainsi expliqué la nature de certaines figures importantes de style comme

l’ironie, l’indirection, l’hyperbole et les implicitations conversationnelles. J’ai aussi argumenté qu’il y a

une méthode effective de décision pour identifier l’acte illocutoire principal ironique ou indirect à partir de

l’acte illocutoire littéral et des faits pertinents de l’arrière-plan conversationnel, qui sont toujours en

nombre fini. Dans mon optique, notre capacité de faire et de comprendre les énonciations non littérales est

effective et elle fait partie de notre compétence linguistique. Je traite également des énonciations non

sérieuses que nous faisons en jouant une pièce de théâtre ou en racontant un récit de fiction. Pareilles

énonciations ne sont pas littérales car nous faisons alors semblant d’accomplir l’acte littéral. A mes yeux,

les énonciations non sérieuses capitales en fiction sont des déclarations. L’auteur déclare alors que certaines

choses se passent dans son propre récit. En faisant semblant que des personnes existent et font telles et

telles actions dans le monde, l’auteur d’un récit de fiction crée en fait par déclaration ses personnages et

faits fictifs en faisant de véritables énonciations performatives non littérales.

Remarquons qu’une pragmatique formelle intégrée des actes illocutoires non littéraux est nécessaire

pour établir un lien théorique entre la sémantique synchronique et la sémantique diachronique. Car des

significations non littérales récurrentes dans des formes de vies récurrentes de l’arrière-plan tentent à être

lexicalisées ou réalisés syntaxiquement après un certains temps. Ainsi on peut développer une théorie du

changement de signification expliquant comment de nouvelles significations non littérales (par exemple des

métaphores ou actes de discours indirects morts) surviennent dans l’histoire d’une langue.

1.7. Universaux cognitifs dans l’usage du langage

Certaines capacités mentales sont constitutives de la compétence linguistique. Pour être capables

d’accomplir et de comprendre les actes illocutoires, les locuteurs compétents doivent d’abord être

capables d’exprimer des propositions représentant des faits du monde. Ils doivent pour cela pouvoir faire

des actes de référence et de prédication et distinguer le vrai du faux. Ils doivent en plus avoir des

croyances, intentions et désirs et être capables d’atteindre les buts illocutoires et discursifs. Pour cela il

leur faut distinguer les différentes directions possibles d’ajustement entre les mots et les choses ainsi que le

succès de l’échec et la satisfaction de l’insatisfaction. Enfin, ils doivent être capables de reconnaître les

traits contextuels et faits pertinents de l’arrière-plan pertinents et de raisonner en faisant des inférences

pratiques et théoriques valides.

Comme Searle (1984) l’a signalé, les ordinateurs n’ont pas toutes ces capacités mentales. Les

ordinateurs, qui sont des machines de Turing concrètes, sont certes capables de faire des opérations

syntaxiques, de manipuler des mots et des symboles en développant des programmes formels. Mais ils sont

incapables de faire de véritables opérations sémantiques liant des mots du langage avec des choses dans le

monde. C’est pourquoi pareilles machines sont incapables de penser de même qu’elles ne peuvent

pleinement utiliser et comprendre le langage. Les ordinateurs peuvent parfois simuler l’intelligence et la

compréhension dans les interactions verbales avec l’homme. Mais cette simulation ne constitue en aucun

cas une véritable duplication.

Comme Davidson (1984) et Searle, je pense que toute théorie sémantique et pragmatique adéquate de la

signification doit tenir compte du fait que les langues naturelles sont des langues humaines possibles,

qu’elles peuvent être apprises et comprises assez rapidement par des êtres intelligents comme vous et moi

dont les capacités cognitives sont à la fois créatives et restreintes. Ainsi, il y a des universaux cognitifs dans

l’usage du langage. Comme nous ne pouvons accomplir qu’un nombre fini d’actes illocutoires en chaque

contexte, il y a une loi universelle de fondement à la base de l’accomplissement réussi des actes de

discours. Tous les actes illocutoires individuels qu’un locuteur réussit à accomplir en un contexte sont des

actes qu’il accomplit par le fait d’accomplir un acte illocutoire unique plus fort qui engendre tous les autres

en ce contexte. Cet acte est engendré par une tentative de base de mouvement corporel de ce locuteur.

Certains traits logiques, comme l’engagement et l’implication illocutoires forts, l’imperformabilité et

l’incohérence illocutoire, sont innés : nous les savons a priori en vertu de notre compétence linguistique.

Par conséquent, il y a des méthodes effectives universelles de reconnaissance de pareils traits logiques.

Contrairement à Montague qui avait tendance à considérer la sémantique formelle et la grammaire

universelle comme faisant partie des mathématiques, je pense comme Chomsky (1975) que la philosophie

et la psychologie ont un rôle important à jouer dans l’élaboration de la grammaire universelle. Même d’un

point de vue formel, nous avons besoin d’une théorie fort constructive de la signification et de la

compréhension afin d’expliquer les capacités mentales créatives des locuteurs compétents.

Les investigations sur les universaux linguistiques dans la performance sont donc interdisciplinaires. La

théorie des actes de discours doit utiliser les ressources des différentes sciences qui traitent de la

communication et de l’action. Non seulement la logique et la philosophie du langage, de l’action et de

l’esprit, mais également la linguistique, l’anthropologie, la science cognitive, la psychologie, les

mathématiques et l’informatique doivent jouer un rôle important. Pour cette raison, il y a plusieurs façons

de confirmer l’adéquation matérielle et formelle des lois fondamentales préconisées par une grammaire

universelle. Certaines assertions exigent une confirmation empirique de l’observation des données

linguistiques, psychologiques ou anthropologiques. Pour confirmer qu’il y a seulement six composantes

différentes en chaque force illocutoire, il convient d’analyser la structure formelle et l’ensemble des

marqueurs de force et des performatifs dans de nombreuses langues de type différent. Pour étudier la

rationalité minimale des locuteurs compétents, il faut vérifier empiriquement, par des méthodes

psychologiques, le raisonnement actuel des locuteurs dans la conduite des conversations réelles. Qui plus

est, certaines lois exigent une preuve logique. Pour confirmer que la langue engendrée et interprétée selon

un mécanisme est bien humaine, il convient de procéder à une définition récursive de la signification et de

prouver la décidabilité de ce qui est supposé être connu a priori en vertu de la compétence linguistique.

Pour rendre compte de la rapidité du temps réel de la compréhension, il convient de prouver que le temps

de la décision de l’algorithme utilisé a une limite minimale supérieure. Enfin, comme la grammaire

universelle traite des formes a priori de la pensée, certaines de ses lois exigent plus qu’une confirmation

empirique ou une preuve logique. Elles nécessitent ce que Kant a appelé une déduction transcendantale.

Considérons la classification des buts discursifs et illocutoires selon laquelle il y a seulement quatre buts

linguistiques lors de la poursuite d’un discours et cinq façons de lier en parlant un contenu propositionnel

au monde. Il convient, je pense, de faire une déduction transcendantale des différents buts discursifs et

illocutoires en partant des différentes directions possibles d’ajustement entre l’esprit et les choses.

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