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Gargantua, Chapitre XXVI Support : Chapitre XXVI, Gargantua, Rabelais, 1534

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Gargantua, Chapitre XXVI

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Rabelais est originaire de Chinon en Touraine. François Rabelais naît en 1494 (?) et meurt en 1553. Il est bourgeois aisé (son père est avocat). Il est d’abord moine chez les franciscains puis chez les bénédictins, avant de quitter les ordres et de devenir prêtre séculier. Il étudie la médecine à Montpellier puis est médecin à l’hôtel Dieu de Lyon. On lui attribue quatre romans, qui connurent un grand succès : Pantagruel (1532), Gargantua (1534), Le Tiers Livre (1546) et Le Quart Livre (1548). Ses romans sont célèbres par leurs scandales : ils sont censurés par la Sorbonne. Il propose une critique virulente de la société du Moyen-Âge et ses savoirs, ainsi que la religion. Gargantua et Pantagruel mettent en scène des géants. Le Tiers Livre et le Quart Livre sont la suite des aventures de Pantagruel. Rabelais raconte les aventures sur le ton de l’épopée burlesque. Gargantua (1534) est le deuxième roman de Rabelais mais le premier dans l’ordre chronologique de sa « fiction des géants ». Il raconte la généalogie, la naissance et l’enfance, les études, les exploits guerriers, les voyages et la description de l’abbaye de Thélème. On a ici le plan traditionnel des romans de chevalerie. Rabelais est l’un des plus éminents représentants de l’humanisme au XVI° siècle. Après les chapitres consacrés à l’éducation, Rabelais consacre les chapitre XXV à L (le centre de son œuvre) à la guerre picrocholine, qui va lui permettre d’exprimer ses idées sur la guerre et la politique. Le texte à étudier est le chapitre XXVI, « Comment les habitants de Lerné, sur ordre de Picrochole, leur roi, attaquèrent par surprise les bergers de Gargantua ». A la fin de l’été, des évènements inquiétants se produisent en Touraine (province natale de Rabelais et royaume de Grandgousier) : une querelle a éclaté entre des fouaciers (fabricants de galette) de Lerné et les bergers de Grandgousier. Les fouaciers dépendent de Picrochole. Les bergers, ayant voulu acheter de la fouace, se sont vus insultés et même fouettés par les fouaciers. Les gens de Grandgousier ont riposté en blessant Marquet, chef des fouaciers, et en prenant de force les galettes de leur adversaire, en laissant cependant une compensation en argent. Problématique : Quelles sont les idées d’un humaniste comme Rabelais à propos de la guerre et de la politique ? Axes de lecture : 1. La politique, ennemie des passions 2. Une conception archaïque de la guerre

I- La politique, ennemie des passions 1) Des fouaciers impulsifs et de mauvaise foi

Les fouaciers sont dans l’impulsivité : « sans prendre le temps de boire ni manger », « avec précipitation ». Ces compléments circonstanciels de manière traduisent la trop grande rapidité de réaction. La première phrase, très longue, est la transposition dans l’écriture de Rabelais de la hâte avec laquelle agissent les fouaciers : ils ne font pas de pause. Les fouaciers font un chantage au pathétique en montrant tous les dommages subis qui leur servent de preuves. Mise en scène exprimée par une énumération, une anaphore (« leurs ») et un parallélisme de construction (nom + participe passé employé comme un adjectif). Comble de la mise en scène : « et Marquet surtout énormément blessé » hyperbole Marquet est présenté en dernier ; d’abord les dommages matériels puis les dommages corporels : gradation. Mensonge par omission : ils oublient de dire que ce sont eux qui ont commencé à frapper les bergers de Grandgousier. Pour renforcer cette mise en scène, deux compléments circonstanciels de lieu très précis : ils veulent se faire prendre en pitié. Cela renforce la vraisemblance de leur propos et leur malignité

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2) Tels sujets, tel roi Picrochole signifie, à partir de deux mots grecs, « bile amère ». Il réagit aussi beaucoup trop vite : « immédiatement », « sans s’interroger davantage sur le pourquoi ni le comment ». Même chose que pour les fouaciers, réaction immédiate et aucune enquête de vérification. « plus oulte » est la devise de Charles Quint, qui prétendait à la succession de l’empire romain. Le « Capitole » est ici le siège de Picrochole, mais est aussi là où se trouvait le pouvoir de Rome. Cela montre que Picrochole se prend pour le successeur des empereurs de Rome. Picrochole commet ici, pour Rabelais, la plus grande erreur d’un roi, il réagit de façon passionnelle. Il ne se possède plus : « colère folle ». La passion n’est pas un motif politique valable, pour Rabelais comme pour Erasme, même si les fouaciers avaient réellement été les victimes. Nouvelle phrase longue (l. 12 à 18) : ordre de mobilisation générale, indiqué par « crier » et « ordonner ». Picrochole ne réfléchit pas avant de déclencher une guerre pour un motif futile (galette), ni à la disproportion entre une guerre et ses motifs.

3) Des officiers aux noms inquiétants Le texte nous dit, à deux reprises, que Picrochole prend des décisions importantes au cours de son repas, soulignant toujours l’irréflexion et la précipitation. Le seigneur Trepelu, le grand écuyer Toucquedillon, le duc Raquenarde, le capitaine Engoulevent sont nommés par Picrochole à la tête de son armée en tant qu’officiers. Il se préoccupe plus d’occuper des postes importants à des mercenaires aux noms inquiétants :

Trepelu : le miteux, quelqu’un qui a des vêtements en loques Toucquedillon : touche de loin, lâche, il refuse le corps à corps Racquenarde : racle denier, il ramasse les trainards comme un banquier racle le fond d’un tiroir Engoulevent : gobe le vent, tête sans cervelle

Picrochole veut contenter les personnages importants de sa cour sans savoir s’ils ont les compétences pour conduire une armée. Aucun conseil en stratégie. Picrochole se tient « au plus fort de sa troupe » alors que sa place est à l’avant-garde. Cela montre la lâcheté de Picrochole.

II- Une conception archaïque de la guerre 1) Une mobilisation désordonnée

La menace de la corde est superflue, inutile. Cela montre une autorité qu’il n’a pas. La façon de Picrochole pour convoquer ses troupes est théâtrale et spectaculaire « Il fit battre tambour » pour donner une ampleur maximale à la mobilisation « mettre son artillerie sur affût », « déployer son enseigne et son oriflamme » Il convoque son armée sur la grand place du château, qui compte plus de 50 000 soldats. Cela ne va pas permettre l’ordre. Le réalisme des chiffres se détruit lui-même par la précision bouffonne. La seule précaution que prend Picrochole est de faire reconnaître le pays où son armée va s’engager. Mais cette précaution est inutile car Picrochole déclare la guerre et que Grandgousier ne s’attend à rien. Cette précaution montre la peur de Picrochole de tomber sur un adversaire armé. Rabelais souligne le caractère archaïque et féodal de beaucoup de ces préparatifs :

- « l’oriflamme » n’était plus portée dans les batailles depuis la guerre de Cent Ans (1337-1453) - « le ban et l’arrière-ban » : allusion à la convocation des vassaux selon la féodalité. Ce système

a été remplacé au XVI) siècle par une contribution financière destinée à la solde des troupes - « l’artillerie » : l’énumération des lignes 33 à 36 semble montrer qu’elle est bien fournie mais

cette artillerie est hétéroclite (sans unité) et de nouveau des pièces telles que le bombardes, ne servent plus depuis la guerre de Cent Ans

Rabelais a rassemblé des pièces d’ancienneté, de portées et de calibres différents

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Mélange des équipements pour les armées et des vivres : Picrochole les met sur le même plan alors qu’elles ne devraient pas être mélangées Rabelais juge l’armée de Picrochole dont il a une piètre image : « sommairement équipés de la sorte » (l. 40). Les troupes de Picrochole vont mener une guerre offensive et dévastatrice.

2) Les raisons de la guerre Rabelais fait preuve d’originalité et de courage, qui montre que la guerre fait comme premières victimes des civils. Les scènes que Rabelais décrit sont violentes mais n’ont rien de violent à la différence de ce que fait Voltaire dans son conte philosophie Candide (chapitre III). Deux énumérations (l.61-63)

Les animaux emmenés : grand nombre de noms au pluriel Quatre verbes à l’imparfait : volonté de ne rien laisser et de tout saccager

Ces deux énumérations englobent tous les moyens de subsistance des paysans. Les soldats se comportent tels des mercenaires, des pillards. « Sans ordre ni organisation, « pêle-mêle » : compléments circonstanciels de manière qui montrent l’extraordinaire confusion des troupes de Picrochole. Rabelais soutient ici quelques idées sérieuses : Négations : « n’épargnant ni pauvre ni riche », « sans ordre ni organisation ». La guerre anéantit toutes les valeurs humaines ; toutes les classes sociales sont touchées ; non-respect des lieux sacrés Trois participes présents montrent le saccage : « gâchant », « détruisant », « n’épargnant » Ces idées sont :

L’anéantissement des valeurs religieuses (« lieux saints ni profanes ») L’anéantissement des valeurs humaines : les rapports humains sont niés. En effet, d’anciens

voisins se pillent mutuellement Conclusion : En faisant d’une querelle de clochers une épopée guerrière traitée sur le mode parodique, Rabelais fais allusion à des faits de politique contemporaine. Rabelais raille les ambitions de Charles Quint sur l’Italie et d’opposer le bon droit et la politique de la France, ainsi que son roi François Ier. C’est surtout l’occasion pour Rabelais d’exposer ses idées sur l’évangélisme politique d’Erasme qui mettait la colère parmi les passions les plus coupables pour un roi et y apporter une solution : examiner comme à l’habitude les évènements sans précipitation et même de se montrer plus mesuré et prudent qu’en aucune autre circonstance car il n’y a pire scandale qu’une guerre entre chrétiens. La guerre n’apparaît plus comme l’aventure chevaleresque où l’homme va à la limite de lui-même mais comme un épisode sordide où périssent toutes les valeurs. Cette satire de la guerre, notamment de la guère de conquêtes, est le fruit de la générosité de Rabelais mais surtout la doctrine d’Erasme et de son évangélisme politique.