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6 CONSOM’ACTION beurre, margarine, palme, coco bio ? dossier Gare aux graisses! L es graisses ne sont pas en odeur de sainteté ! Et cer- taines moins que d’autres. Parmi les corps gras solides, mise à part la margarine, que certains consomment de plus ou moins bon gré en pensant ainsi ména- ger leur organisme, beurre, palme et graisses de viande particulièrement sont souvent source de culpabilité. A cause des graisses saturées qu’elles contiennent, et qui sont généralement mises à l’index. Vaudrait-il donc mieux renoncer aux beurre, saindoux, graisse de canard, graisse de palme, margarine, tous ces corps gras, solides à température ambiante ? Nous avons voulu faire le point. Faisant table rase de ce qui semblait acquis, nous sommes allés enquêter du côté des producteurs, des transformateurs, des cuisiniers, mais aussi des chercheurs et des praticiens de santé. Autant l’an- noncer d’emblée : pas facile de s’y retrouver. Raison de plus, pour bien suivre le fil, de lire en préambule le lexique des acides gras, ci-contre. Il y a beurre… et beurre Le beurre a une saveur inimitable ! On le fabrique avec la crème du lait depuis plusieurs milliers d’années : la crème est agitée jusqu’à ce que les molécules grasses s’agglutinent les unes aux autres, et se séparent ainsi du babeurre (le liquide résiduel). L’outil traditionnel pour effectuer cette opé- ration est bien sûr la baratte, désor- mais réservée aux fabrications haut- de-gamme, la grande majorité des beurres étant obtenue dans un appa- reil appelé butyrateur. « Il y a une vraie différence de qualité », explique Patricia Portal, de la société Le Gall, qui fabrique pour Biocoop le beurre sous logo « ensemble pour plus de sens ». «Notre beurre de baratte est sans aucun conservateur. On fait maturer la crème avec des ferments naturels, et au bout de 18 heures, on la transvase dans une baratte en inox. L’opération dure alors entre deux heures et demie et trois heures, ce sont nos maîtres beurriers, des ouvriers hautement qualifiés, qui esti- ment le temps et la vitesse de rotation nécessaires. Dès que les grains de beurre atteignent la taille ad hoc, ils sont tout de suite conditionnés et mis au froid. » Le barattage est « la façon la plus traditionnelle de travailler, avec lenteur, pour que la matière grasse ne soit pas matraquée. On obtient ainsi un beurre beaucoup plus savoureux. » Au butyrateur, « on peut travailler des laits de moindre qualité, explique encore Patricia Portal. La crème n’a pas besoin d’être mise à maturer, on lui injecte un mélange lactique, des arômes, du bétacarotène, et après seulement trois heures, le beurre est prêt. Sa texture est moins fine, son goût moins riche. » Le prix, évidemment, n’est pas le même non plus… Laits vachement bons Outre le mode de transformation, la matière première est bien sûr un fac- teur de qualité essentiel ! « Au prin- temps, lorsque les vaches n’ont mangé que de l’herbe fraîche, le beurre est plus clair, plus tendre, plus savoureux!, explique Patricia Portal. En bio, les L’évocation d’une tartine de pain beurrée fait craquer les uns. Les autres ne jurent que par la margarine au nom de la santé. Et que penser de la graisse de palme pour cuisiner ? Quels impacts sur la santé ? Et l’environnement dans tout cela ? Voyage en terre des graisses…

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Gare aux graisses!

Les graisses ne sont pas enodeur de sainteté ! Et cer-taines moins que d’autres.Parmi les corps gras solides,mise à part la margarine, que

certains consomment de plus oumoins bon gré en pensant ainsi ména-ger leur organisme, beurre, palme etgraisses de viande particulièrementsont souvent source de culpabilité. Acause des graisses saturées qu’ellescontiennent, et qui sont généralementmises à l’index. Vaudrait-il doncmieux renoncer aux beurre, saindoux,graisse de canard, graisse de palme,margarine, tous ces corps gras, solidesà température ambiante ? Nous avonsvoulu faire le point. Faisant table rasede ce qui semblait acquis, noussommes allés enquêter du côté desproducteurs, des transformateurs, descuisiniers, mais aussi des chercheurs etdes praticiens de santé. Autant l’an-noncer d’emblée : pas facile de s’yretrouver. Raison de plus, pour biensuivre le fil, de lire en préambule lelexique des acides gras, ci-contre.

Il y a beurre… et beurre

Le beurre a une saveur inimitable ! Onle fabrique avec la crème du laitdepuis plusieurs milliers d’années : lacrème est agitée jusqu’à ce que lesmolécules grasses s’agglutinent lesunes aux autres, et se séparent ainsi dubabeurre (le liquide résiduel). L’outiltraditionnel pour effectuer cette opé-ration est bien sûr la baratte, désor-mais réservée aux fabrications haut-de-gamme, la grande majorité desbeurres étant obtenue dans un appa-reil appelé butyrateur. « Il y a une vraiedifférence de qualité », explique Patricia

Portal, de la société Le Gall, quifabrique pour Biocoop le beurre souslogo « ensemble pour plus de sens ».«Notre beurre de baratte est sans aucunconservateur. On fait maturer la crèmeavec des ferments naturels, et au bout de18 heures, on la transvase dans unebaratte en inox. L’opération dure alorsentre deux heures et demie et troisheures, ce sont nos maîtres beurriers, desouvriers hautement qualifiés, qui esti-ment le temps et la vitesse de rotationnécessaires. Dès que les grains de beurreatteignent la taille ad hoc, ils sont toutde suite conditionnés et mis au froid. »

Le barattage est « la façon la plustraditionnelle de travailler, avec lenteur,pour que la matière grasse ne soit pasmatraquée. On obtient ainsi un beurrebeaucoup plus savoureux. »

Au butyrateur, « on peut travaillerdes laits de moindre qualité, expliqueencore Patricia Portal. La crème n’a pasbesoin d’être mise à maturer, on luiinjecte un mélange lactique, des arômes,du bétacarotène, et après seulement trois

heures, le beurre est prêt. Sa texture estmoins fine, son goût moins riche. » Leprix, évidemment, n’est pas le mêmenon plus…

Laits vachement bons

Outre le mode de transformation, lamatière première est bien sûr un fac-teur de qualité essentiel ! «Au prin-temps, lorsque les vaches n’ont mangéque de l’herbe fraîche, le beurre est plusclair, plus tendre, plus savoureux !,explique Patricia Portal. En bio, les

L’évocation d’une tartine de pain beurrée fait craquer les uns. Les autres ne jurent que par la margarine au nom de la santé.

Et que penser de la graisse de palme pour cuisiner ? Quels impacts sur la santé ? Et l’environnement dans tout cela ?

Voyage en terre des graisses…

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jours pour un beurre pasteurisé) et lesfaibles quantités dans lesquelles il estproduit le rendent parfois difficile-ment accessible ! Dans chaque région,on peut néanmoins souvent se procu-rer des beurres crus bio locaux, votremagasin a certainement ses proprescircuits d’approvisionnement.

Et la margarine ?

Une margarine est fabriquée grâce àun processus industriel appelé hydro-génation partielle, qui permet de soli-difier artificiellement des huiles végé-tales pourtant liquides à l’état naturel.Cette technique a été découverte à lafin du XIXe siècle, en cherchant unegraisse qui se conserve mieux que lebeurre. Plus tard, lorsque les graissessaturées ont été mises à l’index, lesmargarines hydrogénées, issues uni-quement d’AGPI et d’AGMI, sontapparues comme des graisses saines.

Pourtant, il y a quelques années, ona découvert que les trans, acides grasartificiels qu’elles contiennent (cf.notre lexique), sont responsables entreautres de maladies coronariennes. Orils sont souvent présents en tropgrande quantité dans certaines marga-

vaches ont cette alimentation toute l’an-née : du fourrage essentiellement, peuvoire pas de maïs. La qualité est donctrès régulière. Les beurres bio sont ainsinaturellement plus tendres, mieux tarti-nables que les beurres conventionnels. »

Intrinsèquement, cela fait aussi unegrande différence : «Du beurre, pro-duit à partir de lait de vaches nourries àl’herbe riche, non traitée [ndlr, auxengrais de synthèse], peut contenir desoméga 9 (type huile d’olive) et des acidesgras de type oméga 3 et 6 dans les pro-portions recommandées », écrit TatyLauwers dans son livre Qui a peur dugrand méchant lait ?, « alors que le rap-port est tout à fait disproportionné dansle beurre issu d’élevage intensif. Et depoursuivre : On sait d’autre part quemalheureusement, les laitages, commetoutes les graisses animales, sont l’un desapports les plus riches en résidus de pol-lution (engrais, pesticides, hormones,etc.). D’où l’intérêt de consommer dubeurre biologique, puisqu’il est issu d’éle-vages qui proscrivent l’usage des produitschimiques et qui portent une attentionparticulière à l’environnement. »

La race de la vache influe enfinnotablement sur la composition dulait. Les plus étonnantes d’entre ellessont certainement les jersiaises. L’Ange-vin Bernard Gaborit en est littérale-ment tombé amoureux en 1979. «C’estune petite vache belle et docile, qui trans-forme toute la matière sèche en matièreutile, explique-t-il. Elle a un foie deuxfois plus gros, rumine plus longtemps, etproduit un lait plus riche en matièresgrasses, en calcium (25 %), oligo-élé-ments, et vitamines. Les molécules degras, dix fois plus grosses que dans unautre lait, remontent à la surface trèsvite. Lorsqu’elles sont ingérées, elles nepassent pas directement dans le sang etsont obligées de suivre le transit »… TatyLauwers va jusqu’à affirmer que les

protéines de leur lait, de type bétaca-séine A2, sont les mêmes que celles dulait de brebis et de chèvre, et pas dumême type que celles des autres laits devache (bétacaséine A1) !

La maison Gaborit fabrique dubeurre avec le lait de ses jersiaises.«Une fois refroidi, on le réchauffe à39 °C, on en prélève la crème que l’onmet à mûrir dans une baratte en bois. »Le lait n’étant pas pasteurisé, ilconserve l’intégralité de ses propriétés.Mais ses délais de conservation assezcourts (seulement 21 jours contre 60

Lexique : AGPI, AGMI, AGS, kesaco ?Indispensables à notre alimentation, les graisses sont constituées à 90 ou 95 %d’acides gras, qui, selon leur composition biochimique, ne sont pas assimilés dela même façon par l’organisme.

Acides gras polyinsaturés (AGPI)Appelés aussi vitamine F, les AGPI sont essentiellement d’origine végétale,présents notamment dans le tournesol, le colza, le soja, la noix… Ils sont trèsfragiles et deviennent toxiques soit quand ils sont chauffés, soit quand ils nesont pas sous vide d’air.Deux grandes lignées d’AGPI se distinguent en particulier : celle de l’acidelinoléique, appelé aussi oméga 6, et celle de l’acide alpha-linolénique, lesoméga 3. Ils sont appelés acides gras essentiels, parce qu’ils ne peuvent pasêtre synthétisés par l’organisme, et doivent absolument être apportés parl’alimentation.

Acides gras mono-insaturés (AGMI)Stables, ils se conservent très facilement. Le plus courant est l’acide oléique,appelé aussi oméga 9, que l’on trouve surtout dans l’huile d’olive, ou la graissede canard. Il abaisse le cholestérol total et le mauvais cholestérol.

Acides gras saturés (AGS)Ils sont essentiellement présents dans les produits et graisses d’origine animale(viande, lait, beurre) mais aussi dans l’huile de palme, la noix de coco. Semi-solides, très stables, les graisses contenant des AGS peuvent se conserver facilement, et être pour certaines chauffées jusqu’à 240 °C.

AG transIls se forment naturellement dans les graisses animales, mais sont surtoutfabriqués industriellement. On injecte de l’hydrogène dans une moléculed’AGPI, ce qui modifie la configuration spatiale des chaînes de carbone, maisn’en change pas la composition. Cela permet de rendre ces graisses solidescomme des graisses saturées, et de les conserver plus longtemps.L’indication de la teneur en graisses trans sur les étiquettes est obligatoire aux États-Unis et au Canada.

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rines conventionnelles, bien que,conscients du problème, les industrielsaient, depuis, amélioré leurs processus.

En bio, les margarines ne sont pashydrogénées, ce qui peut être le casdes margarines conventionnelles. Pourrendre la margarine bio solide, lagraisse de palme et la graisse de cocobio, naturellement semi-solides, sontutilisées. On y ajoute aussi, bien sou-vent, un colorant, du jus de carottepar exemple pour la margarine dechez Rapunzel, du jus de citron pourla conservation, de la lécithine de sojagarantie non OGM pour l’homogé-néisation. Selon les huiles utilisées, lesmargarines bio supportent ou non lacuisson, lisez bien les étiquettes.

Palme, palmiste et coco

Il ne faut pas confondre huile depalme, de palmiste, et de coco. Palmeet palmiste sont issues du même arbre,le palmier à huile, sorte de dinosaurevégétal de 70 millions d’années.

Le fruit de cet arbre pousse sur desrégimes d’environ 25 kilos. L’huile depalme est extraite de la pulpe du fruit.L’huile de palmiste provient del’amande du noyau. Elle ressemblebeaucoup à la pulpe de la noix decoco, fruit d’un autre arbre, le cocotier,avec laquelle on fait l’huile de coco.Quant à l’huile de coprah, c’est l’huiletirée de la pulpe de coco séchée.

Palmiste et coco ont des composi-tions presque identiques, notammentleur richesse en acide laurique. «Ellescontiennent 90 % de graisses saturées,

alors qu’il n’y en a que 50 % dans lagraisse de palme », explique Diego Gar-cia, huilier de la société Brochenin, etgrand spécialiste de ce produit.«L’huile de palme est riche en acidespalmitique et oléique. Dans la partielipidique du lait maternel humain, soitpresque 50 % de sa matière sèche, ontrouve presque les mêmes acides gras quedans l’huile de palme. » On y retrouveaussi le même puissant antimicrobien,l’acide laurique.

Les graisses de palme et de cocosont «plus faciles à assimiler que lesautres graisses, explique Taty Lauwers,car comme le beurre de lait cru, elles nedemandent pas la production de sucsdigestifs, on pourrait même dire qu’ellesreposent l’organisme ».

La différence de prix entre coco,palme et palmiste est importante : lapalme est de loin bien meilleur mar-ché car plus facile à fabriquer, parsimple centrifugation de la pulpe du

En résumé■ Choisissez vos graisses de qualitébiologique, car en conventionnel,les graisses animales fixentparticulièrement les polluants, etles graisses végétales sont souventchauffées et dénaturées.

■ Le beurre bio est plus riche envitamines, mieux équilibré engraisses. Lorsqu’il est fait avec dulait cru, il conserve ses nutriments.

■ Les margarines bio, n’étant pashydrogénées, ne contiennent pasd’acides gras trans, trèspréjudiciables à la santé.

■ La graisse de palme bio venduedans les magasins bio français neparticipe pas à la déforestation.

■ Evitez de consommer les graissesen même temps que des sucresrapides, pour qu’ils ne passent pasdirectement dans le sang.

Ci-contre : coupe d’un régime de palme.La pulpe du fruit, rouge orangé, donne l’huilede palme, la plus riche ; l’amande du noyau,blanche, produit l’huile de palmiste.

fruit le jour même de la récolte. Maiselle est aussi neutre en goût.

L’huile de coco est plus compli-quée à produire : il faut ouvrir lesnoix, vider l’eau, sortir la pulpe, lafaire sécher, ne pas la laisser oxyder, lapresser avec soin. Bio-Planète vient demettre sur le marché cette huile, enbio. Elle a, outre ses qualités nutri-tionnelles, un réel intérêt gustatif : elleest idéale pour la création culinaire,les plats exotiques, les pâtisseries oules desserts.

Se pose sur ces produits undilemme éthique et écologique lié à lapression de la demande mondiale et àla production intensive. Heureuse-ment, il existe des alternatives et poursa part, Biocoop distribue des huilesde palme, palmiste et noix de coco bioproduites dans le respect de l’hommeet de l’environnement.

Véronique Bourfe-Rivière

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voir les fruits des nouvellesplantations. Il faut donc êtrecapable d’investir beaucoupde temps et d’argent avantde commencer à toucherquelque chose. » On doitaussi replanterrégulièrement, car au boutde vingt ans, les palmierssont trop hauts et leurproduction diminuedramatiquement.C’est ainsi que legouvernement colombien aaccepté de participer auxplans de développementimpulsés par la familleDavila, « et des sociétés quitravaillent déjà en bio ». Desalliances avec descoopératives de production,l’investissement de l’Etat etle savoir-faire industriel, ladynamique des exportationsdonnent naissance à desprojets à partir de 1995.« L’avantage de la palme,comme l’olive, c’est que leshommes ne peuvent pas êtreremplacés par des machines,explique Diego Garcia, engénéral, un couple depaysans travaille et peutvivre sur quatre hectares. »Les palmiers à huile ont

palme bio. « J’ai commencéà demander si ça existait, enAfrique, en Amérique duSud… A force, je suis tombésur un fou comme moi quiaimait ce qui n’existait pas,le Colombien Manuel JulianDavila. »Il a fallu monter le projet, « il n’y a pas d’aide pendantle temps de la conversion, ilfaut attendre cinq ans pour

Elle a tout pour plaire auxpays tropicaux en voie dedéveloppement : énormerendement à l’hectare,facilité de production,excellente qualité de graisse,d’où le développement de laculture de palmiers à huile.En Indonésie, des forêtsprimaires d’un intérêtécologique capital sont entrain de disparaître, pourfaire de la place à cet orvert, comme l’explique lacampagne d’information desAmis de la Terre jointe dansnotre magazine, à laquelleBiocoop s’associe.Fort heureusement, toutesles huiles de palme neproviennent pas d’Asie duSud-Est. L’huile de palme biola plus vendue dans lesmagasins français estproduite et fabriquée enColombie, et issue d’unprojet initié par DiegoGarcia. Dans les annéesquatre-vingt, ce courtier enhuiles cherche des produitsvierges pour améliorer lavariété et la qualité desproduits bio pour ses clients.Il se rend compte qu’il n’yavait pas de graisse de

besoin de l’humidité et de lachaleur du climat tropical,(conditions favorables aussiaux maladies : les planteursconventionnels traitentbeaucoup!). Tous les joursde l’année, le paysaninspecte sa plantation etrécolte. Un fruit à terreindique que le régime estmûr. Avec un couteau àmanche très long, il coupetoute la journée et livre dansles 24 heures le moulin.« C’est un travail trèsfatigant, assure DiegoGarcia, il fait une chaleurd’enfer là-bas, souvent 45 °Cdans l’huilerie ! » Le fruit estcentrifugé deux fois, puisl’huile est décantée etstockée en cuves,transportée dans un atelieroù sa désodorisation esteffectuée par procédéphysique et non paschimique, avec vapeur d’eausous vide. « L’huile de palmerouge non raffinée peut êtreconsidérée comme lameilleure huile du monde,s’enthousiasme DiegoGarcia, une bombevitaminique par sa teneur entocotriénols etcaroténoïdes. » Pourl’instant, l’huile désodoriséeest la plus utilisée. « De lafaçon dont la récolte estorganisée, il vaut mieuxraffiner, car souvent les fruitssont trop mûrs… Mais ilsuffirait de s’organiser, deconvaincre les planteurs… Çaviendra… ! »

V. B.-R.

■ Or vert et déforestationAvec celle de soja, l’huile de palme est devenue lapremière consommée dans le monde, et sa production necesse d’augmenter, au grand détriment des forêts primairesd’Asie du Sud-Est et de leurs habitants, qui disparaissent au fur et à mesure que croissent les plantations…

Et Biocoop?Pas question de vendre des produits dommageables pourl’environnement ! « On a cherché comment l’huile depalme bio que nous vendons était produite », expliqueSerge Le Heurte, responsable des filières végétales àBiocoop. « Nos blocs proviennent du projet colombienBrochenin. » La garantie bio est apportée par l’organismede contrôle et de certification Ecocert. Les aspectsenvironnementaux liés aux forêts et sociaux sont assuréspar l’organisme anglais Pro Forest. A celà s’ajoute unecertification commerce équitable en cours sur un nouveauréférentiel Ecocert. « Avec ces multiples garanties, noussommes sûrs que l’huile de palme que nous vendons n’arien à voir avec celle produite en Asie. Là où c’est pluscompliqué, c’est pour les produits transformés. Il existe del’huile de palme bio provenant du Ghana, du Nigeria, duBrésil, qui est importée dans certains pays européens.Nous allons demander à tous nos fournisseurs de veiller àce que l’huile de palme utilisée soit bien non seulementbio, mais aussi équitable, et sans déforestation. »

Couverture végétale à base d’une légumineuse (le kudzu) pour l’auto-fertilisation du sol. Ramassage d’un régime de palme d’environ 20 kilos.

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Entre scientifiques etpraticiens, les avis divergentparfois. Sans doute parceque les uns observent lesphénomènes, les causes etleurs effets, et tentent deles expliquerrationnellement. Les autres,sollicités au quotidien, neconsidèrent pasnécessairement commejuste ce qui a été explicité etmis en règle. Allez vous yretrouver quand le seulconsensus qui semble sedégager est que la vérité,en matière de nutrition, esttrès changeante. Et leconstat se vérifie en matièrede graisses saturées.« Le roi est toujours nu »,écrit la conférencière TatyLauwers, répondant auxinterrogations desnombreux visiteurs de sonsite internet, avec l’humourqui la caractérise. « On nepeut appliquer à dessystèmes aussi complexesdes mécanismes physico-chimiques observés encircuit isolé. Il m’a frappé devoir à quel point ce qu’il estrecommandé de mangerdiffère des habitudesancestrales. L’observationpeu efficace de cesprescriptions sur le terrainde la santé m’a confirméedans cette premièreintuition. Les diétocrates quigouvernent nos appétitschangent en plus d’aviscomme de décennie. » Etcette « chercheuse enalimentation », comme elleaime à s’intituler puisqueses connaissances n’ont pasété validées par un diplôme,d’assurer qu’« il n’y a pas debonnes ou de mauvaisesgraisses ». Elle s’attache àleur qualité originelle, etdénonce les « non-graisses[que sont] les acides grastrans artificiels des huilesvégétales rancies par lestraitements industriels ». Ellerecommande (auxpersonnes en bonne santé)de consommer « autant de

graisses saturées que demono-insaturées, etl’équivalent d’une cuillère àsoupe quotidiennemaximum depolyinsaturées ».Denis Lairon, biochimiste,directeur de recherches àl’Inserm de Marseille,spécialiste des lipides, nepartage absolument pas ce

ou le tournesol. Orfinalement ça n’est peut-être pas si bénéfique quecela ! A l’heure actuelle, onrevient aux AG mono-insaturés, qui eux ont deseffets positifs sur la santé ».Il se positionne en farouchepartisan de l’huile d’olive.Brigitte Fichaux, ex-professeur de physique-chimie et diététicienne,auteur de nombreuxouvrages, vient de publierC’est bon ! Pour votrecholestérol ! (éd.Gabriandre). Elle explique

Brigitte Fichaux, « mangerchaque jour 20 g de beurrebio, si possible de lait cru,n’est pas une bêtise : on ytrouvera des oméga 3, desoméga 6, des vitamine D, A,et des facteurs de protectiondes pathologies vasculaireset articulaires. Ce qui mesemble le plus important,c’est de ne pas manger graset sucré en même temps.

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■ La guerre des graisses a tou jFaut-il ou non avoir peur des graissessaturées, beurre, palme…? Points de vue.

qu’elle a réintroduit lebeurre dans l’alimentationqu’elle préconise, au vu deson expérience et d’étudesdont elle a eu connaissance.« Au départ, j’utilisaisbeaucoup de margarine bionon hydrogénée à la placedes graisses animales.Maintenant, je n’en utilisepresque plus, sauf pour lespâtes à tarte. Dans mapratique je constate quec’est à la qualité des graissesqu’il faut surtout faireattention, et que ce sont lesgraisses trans industriellesqu’il faut diaboliser. Ce sontles plus dangereuses pour lasanté, elles sontresponsables despathologiescardiovasculaires, desmaladies inflammatoires, descancers… »Ensuite, bien sûr, tout estquestion de quantité. Pour

Car lorsque l’indexglycémique est élevé, onsuscite de l’insuline qui vafaire entrer en même tempsdans la cellule le glucose… etle gras. Si on ne mange pasde sucres en même temps,le gras reste dans le sang etsera brûlé à un momentdonné. Concrètement, si onmet du beurre sur un paincomplet, donc à l’indexglycémique bas, ça va.Mettre du beurre et de laconfiture sur une tartine depain blanc, là c’est àéviter ! »

point de vue, même s’il sedit lui aussi très conscient deces vérités qui changent :« Des études disent unechose, d’autres le contraire,et ça n’est pas forcément laversion majoritaire, ou laplus récente, qui est labonne… » Pourtant il lui fautbien arrêter une position, ets’appuyant « sur desdécennies de recherches » etsur « le consensus qui sedégage », il assure, lui, que« dans la communautéscientifique, personne nepeut dire que les graissessaturées n’ont pas d’effetnégatif, au moins au plancardiovasculaire, et sur lecholestérol. L’idée, c’est qu’ilvaut mieux consommer deslipides insaturés. Leproblème, c’est que pourbeaucoup de personnes,cela s’est traduit par despolyinsaturés comme le soja

Dans leurs cuisines écoles,Catherine Oudot (à gauche) et la diététicienne Brigitte Fichaux(à droite). L’auteur Taty Lauwers(en haut) et le biochimiste Denis Lairon (en bas).

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Allons voir du côté de cetteautre enseignante de cuisine100 % bio à Pessac (33) etnotamment auteur deTartes d’été, du soleil dansvotre assiette (éd.Anagramme), CatherineOudot. Elle se dit elle aussitrès attentive aux problèmesde santé et à lagastronomie. « Etantd’origine hollandaise, j’aibeaucoup cuisiné avec lesproduits laitiers, le beurre, lacrème fraîche… Maisaujourd’hui, mon corps neles supporte plus, ça

l’utilise telle quelle. Celle dela marque Soma est biensouple, et vraiment j’ai desrésultats excellents, trèsgourmands ! »Evidemment, il s’agit là dutémoignage et de lapratique d’une personne,qui ne valent pas généralité.Gardons à l’esprit que lanocivité de certains alimentsdépend du métabolisme dechacun, de l’ensemble deson régime alimentaire, etde son mode de vie. Ce quiest bien pour l’un ne l’estdonc pas forcément pour

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Fondre de plaisir■ Pour la tartineUne fine couche de beurre, si possible de lait cru, demi-sel oudoux – chacun son goût –, c’est fameux. Ceux qui ne ledigèrent pas peuvent lui préférer la margarine. Mais avez-vous testé aussi le saindoux bio, avec quelques grains depoivre fraîchement moulu et de fleur de sel ? Et la tartineméditerranéenne ? Eventuellement grillée, frottée à l’ailet/ou à la tomate, arrosée d’un filet d’huile d’olive bio depremière pression à froid…

■ Pour les gâteauxOutre le beurre classique, que l’on peut clarifier pour qu’ilsoit plus digeste, pour les cuissons il y a la margarine(choisissez-la bien « spéciale cuisson ») et aussi les huiles,olive, sésame, tournesol, noisette, ou encore la délicieusehuile de coco. La graisse de palme peut être utilisée mais elledonne parfois une texture collante, peu heureuse.

Voici la recette de la pâte à tarte sucrée de Catherine Oudot :100 g de farine de blé ou d’épeautre, 100 g de margarinevégétale non hydrogénée, 2 cuillères à soupe de sucrecomplet, 1/3 de cuillère à café de cannelle, 8 cl d’eau pure.

Mélangez, pétrissez, étalez, garnissez de fruits de saison(pommes, poires, c’est le moment !)… Enfournez la tarte àfour froid pour 30 à 35 minutes de cuisson, thermostat195 °C.

■ Pour les frituresTout le monde s’accorde pour dire que la friture, c’est unefois de temps en temps, mais pas trop souvent ! L’huile depalme convient parfaitement. Comme il s’agit d’une cuissonà très haute température, évitez le beurre, en revanche,pourquoi pas de l’huile d’olive ? Il existe aussi des huiles biospéciale friture, ou de la graisse de canard, pour faire revenirses petites pommes de terre à la poêle. La graisse de cocosera parfaite s’il s’agit d’y faire revenir des légumes, elleapporte un petit parfum exotique vraiment délicieux. Maiselle ferait un « bain » de friture hors de prix !

■ Pour l’innovationPourquoi ne pas essayer le beurre clarifié, le fameux « ghee »(prononcez « gui ») des Indiens ! Cuit à haute température, lebeurre fume très vite, et produit des éléments toxiques… Etpourtant, il a une saveur tellement inimitable ! Demandez àun Breton de faire ses crêpes à l’huile d’olive, il n’est mêmepas sûr que ça le fasse rire ! Alors ? Eh bien il suffit de fairecomme nos grands-mères du temps où elles n’avaient pas deréfrigérateur, comme les grands chefs de la gastronomiefrançaise, comme les adeptes de l’ayurveda : clarifier lebeurre. Car en le chauffant doucement, on arrive à séparerle gras d’avec les résidus de protéines du lait etéventuellement d’eau. D’un côté, on obtient un liquidejaune translucide, de l’autre une sorte de mousse opaquejaune clair. Celle-ci une fois enlevée, la graisse restantesupportera de très hautes températures. Elle aura pris aussiun subtil parfum de noisette plus corsé, pourra se conserverun an dans un bocal à température ! On réconcilie ainsiplaisir gastronomique et santé, à condition bien sûr, une foisencore, de rester modéré.

Pour faire le gheeLaissez fondre 250 à 500 g de beurre doux bio dans unecasserole, à feu très doux (minimum). Au bout de 20 minutes, se forme une mousse, qui va ensuite tomber aufond, brunir, durcir… Arrêtez le feu. En tout, comptez 30 minutes à une heure maximum, laissez tiédir, puis passezle liquide à travers une étamine (ou un filtre à café en papiernon chloré). Conservez dans un bocal, à températureambiante.

m’écœure ! J’ai remarquéque ce sont les protéines etles sucres du lait qui meposent problème, pas legras. Donc j’utilise encoredu beurre, mais clarifié, ildonne un bon petit goût denoisette dans les gâteaux,les crêpes… Je trouve çadélicieux ! Dans la mesure dupossible, je choisis du beurrede lait cru. Et je le clarifiemoi-même » (recette ci-contre).« Globalement, je dois direque je préfère les graissessaturées végétales. Jeréserve la graisse de palmeaux fritures, même si cesdernières sont à limiter leplus possible. Le reste dutemps, j’utilise la margarine,le corps gras solide quim’attire le plus. Ce qui estpratique, c’est qu’on n’a pasbesoin de la chauffer pouravoir la bonne texture, je

l’autre : un ouvrier dechantier en bonne santé quise dépense physiquementtoute la journée supporteplus d’acides gras saturésqu’un citadin sédentaire etaffaibli ! Tout est questionde bon sens, d’écoute ducorps, d’équilibre et, au finalaussi, de plaisir !

■ En savoir plus- C’est bon ! Pour votrecholestérol !, BrigitteFichaux, éd. Gabriandre,24€.- Qui a peur du grandméchant lait ?, TatyLauwers, éd. Aladdin,9,50€.- www.cuisinenature.com - http://www.blogagroalimentaire.com/dotclear/?2007/05/09/595-vos-frites-avec-ou-sans-acides-gras-trans

V. B.-R.