Francophonies du Sud N°25

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mars 2011 Francophonies Numérique L’Afrique fait sa révolution Francophonie Les mots de la territorialité Découverte Un cirque au Burkina Faso Médias Sensibiliser à la diversité

description

Francophonies du Sud s’adresse aux enseignants de français d'Afrique et de l'Océan Indien, et plus généralement à tous les professeurs qui exercent en situation de français langue seconde (FLS). L’actualité pédagogique, culturelle et sociale des pays qui ont la Francophonie en partage.

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mars 2011

Francophonies

NumériqueL’Afrique fait sa révolution

Francophonie Les motsde la territorialité

DécouverteUn cirqueau Burkina Faso

MédiasSensibiliserà la diversité

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JOURNÉE INTERNATIONALEDE LA FRANCOPHONIE

20 MARS 2011

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+ DE CULTURE

+ DE DÉMOCRATIE

+ D’ÉDUCATION

+ DE DÉVELOPPEMENT

20mars.francophonie.org

20 %DU COMMERCE MONDIAL

75ÉTATS ET GOUVERNEMENTS

890MILLIONSDE PERSONNES SUR LES 5 CONTINENTS

220MILLIONSDE LOCUTEURS DE LANGUE FRANÇAISE

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Actualité

Évènements : France, Sud-‐Soudan,Le « tout-‐monde », Union africaine 2À lire 4Écouter, voir 6Découverte : Fasocirque, une école de la vie et des arts 8

Passerelles

Socio-‐éco : Aquaculture : l’Afrique se jette à l’eau 20Marie-‐Christine Simonet

Dossier L’Afrique numérique

Interview : « L’Afrique a une longueur d’avance » 10Propos recueillis par Kidi Bebey

Agir et militer : La démocratie assistée par ordinateur 12Olivier Rogez

Pédagogie

Pédagogie : Sensibiliser à la diversitédans les médias 24Pédagogie : Promenadeen Francophonie 26Fiches pédagogiques :Parle-‐moi d’elle, parle-‐moi de lui 28Savoir analyser une image de révolte 30L’utilisation d’Internetpour faire ses devoirs 32

Partager : La fièvre des réseauxsociaux atteint l’Afrique 14André-‐Michel Essoungou

Soigner : Un coup de fil et… ça va mieux 16Kidi Bebey

Payer : Une banque dans toutes les poches africaines ? 18Mary Kimani

Expérience : Quand la crise économique sape l’enseignement 22Anne Kengne

Franco-‐mots : Les mots de la territorialité 23Chantal Baoutelman

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Francophonies du Sud Supplément au N°374 de (numéro de commission paritaire : 0412T81661)

Directeur de la publication : JEAN-‐PIERRE CUQ – FIPF

Directeur de la rédaction : JACQUES PÉCHEURCoordinatrice de la rédaction : KIDI BEBEYRelations commerciales : SOPHIE FERRANDMaquette : MATHIEU BERTON – MB GRAPHISM

Secrétariat de rédaction : MARIE-‐LOU MORIN

© CLE international 2011Revue de la Fédération internationale des professeurs de français (FIPF), réalisée avec le sou-‐tien de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) et la collaboration de l'Association des professeurs de français d'Afrique et de l'Océan Indien (APFA-‐OI)

LE FRANÇAIS DANS LE MONDE – 9 bis, rue Abel Hovelacque – 75013 ParisRédaction : 33 (0) 1 72 36 30 67 – Fax : 33 (0) 1 45 87 43 18Abonnements : 33 (0) 1 40 94 22 22 – Fax : 33 (0) 1 40 94 22 32 FIPF : Tél. : 33 (0) 1 46 26 53 16 – Fax : 33 (0) 1 46 26 81 69 – Mél : www.fipf.org ; [email protected]

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Pour nous, l’aventure a commencé dans la seconde moitié de la décennie 1990. Cela a débuté avec des mots qui ne nous étaient pas inconnus, mais qui, du jour au lendemain, revêtaient une signification nouvelle. Nous entendions, avec des acceptions nouvelles, des mots comme «!Toile », des expres-sions comme « autoroutes de l’information! », «!université virtuelle ». Très vite, nous avons inté-

gré l’anglicisme « web ». Puis, progressivement, les choses se sont précisées, sont devenues concrètes. La télécopie a été vite dépas-sée, elle qui, de manière aussi fulgurante, avait relégué le télex au rang des oubliettes. L’adresse électronique autorise désormais les échanges de messages écrits en temps réel. Le rêve est devenu réa-lité. Voici l’Afrique au même rythme que le reste du monde avec l’In-ternet installé dans notre quotidien, au bureau comme à domicile, quand le PC permet les déplacements. Ainsi, où que nous soyons, nous sommes connectés.

Mais le merveilleux ne se limite pas au seul fait d’être connecté. L’Internet et, partant, les TIC (Technologies de l’information et de la communication), le numérique, ont révolutionné le domaine qui est le nôtre, nous, enseignants, en général, nous, professeurs de fran-çais, en particulier. Nous restons convaincus, à l’heure actuelle, que rien ne remplace une bibliothèque, ce meuble contenant les livres, cette pièce où est installé ce meuble et où nous sommes réguliers, fréquents, pour préparer nos cours, effectuer nos recherches. En la matière, la révolution a consisté au fait qu’avec les TIC, nous dispo-sons de nouvelles sources de documentation, et de l’enrichissement de notre vocabulaire qui a incorporé des termes comme « méta-chercheurs », « hypertexes », des expressions comme « moteur de recherche », « repertoire de recherche ».

Assurément, la révolution du numérique ne dispense nullement du travail intellectuel, mais les TIC ont considérablement contribué à le faciliter.

Pr Issiaka Ahmadou SingaréPrésident de l’AMAPLAF et de l’APFA-OI

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Page 4: Francophonies du Sud N°25

2Actualité

Après la Tunisie, ce fut l’Algérie, l’Égypte, la Mauritanie et même l’Arabie saoudite. Dans ces pays, l’immolation par le feu est devenue l’ultime geste de protestation d’une jeunesse désespérée. Les martyrs du feu ne sont pas des suicidés comme les autres. Leur geste est fondamentalement politique. À la contestation s’ajoute le sacrifice de soi que l’on donne à voir en exemple, bien souvent en place publique. On s’immole par le feu parce que la société n’offre plus aucun avenir, soit en raison des conditions socio-éco-nomiques difficiles, soit parce qu’elle a ôté à l’individu sa dignité. Ce fut le cas du Tunisien Mohamed Bouazizi, qui s’est immolé après avoir été giflé par une policière municipale qui lui avait confisqué son étalage de fruits et légumes, sa seule source de revenu.

Pour les dirigeants, la crainte est de voir se répandre une idéalisation de ce geste sacrificiel, un romantisme de l’immolation. En Algérie, au mois de janvier dernier, en moins d’une semaine, 25 personnes ont tenté de s’immoler par le feu. À tel point que, dans les manifes-tations, des brigades anti-immolation, dotées d’extinc-teurs, ont été mises en place. Le geste de Mohamed Bouazizi est le point de départ de la révolution tunisienne qui a conduit au renversement du président Ben Ali. Ceux qui, depuis, l’imitent un peu partout visent à reproduire le même effet révolutionnaire. Les dirigeants arabes commencent à le comprendre. Reste à savoir s’ils sauront en tirer les leçons.

Alex Ndiaye

Je brûle donc je suisLe portrait du “martyr” Mohamed Bouazizi brandi lors d’une manifestation à Tunis en janvier 2011

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Le 17 décembre 2010, Mohamed Bouazizi met fin à ses jours devant le siège du gouvernorat de Sidi Bouzid, dans l’Ouest tunisien. Un geste qui ébranle le monde arabe.

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3Brèves

LE « TOUT-‐MONDE »

SUD-‐SOUDAN

FRANCE

Monsieur GlissantIl était l’un des chantres les plus éloquents du métissage. Le poète, essayiste, romancier et dramaturge Édouard Glissant s’est éteint à Paris le 3 février dernier à l’âge de 82 ans. Soucieux de diffuser « l’extraordinaire diversité des imaginaires des peuples », cet intellectuel en révolte permanente contre le racisme et le refus de l’autre avait créé à Paris l’Institut du Tout-Monde. En 1958, son roman La Lézarde obtenait le prix Renaudot.

A.N.

Independance Day Le 9 juillet prochain, l’Afrique comptera un État de plus. Le Sud-Soudan a en effet voté en janvier dernier à 98,8!% en faveur de la séparation d’avec le Nord du pays, en vertu de l’accord de paix de 2005. D’ici juillet, Salva Kiir, le président sudiste, et Omar El-béchir, son homologue nordiste, doivent s’entendre sur le tracé précis de la frontière séparant les deux États, la répartition des revenus du pétrole et le statut futur de la province d’Abyei.

A.N.

L’OIF mise en demeureLa Maison de la Francophonie, nouveau siège de l’OIF, ouvre ses portes à Paris le 20 mars, avenue Bosquet. À l’occasion de la Journée internationale de la Francophonie, le secrétaire général de l’OIF, Abdou Diouf, et le président français Nicolas Sarkozy inaugureront ce lieu. Les services de l’organisation, qui étaient disséminés jusqu’à présent sur plusieurs sites, y seront regroupés.

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Les Sud-‐Soudanais fêtent une électionqui s’apparente pour eux à une libération

Le prestige haussmannien pour accueillir la Francophonie

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Édouard Glissant, un homme dédié à la culture universelle©

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UNION AFRICAINE

Un président contestéLe président équato-guinéen Theodoro Obiang Nguema a été désigné fin janvier président en exercice de l’Union africaine pour un an. Au pouvoir depuis 1979, M. Obiang Nguema dirige son pays d’une main de fer. Les organisations de défense des droits de l’homme n’ont que peu apprécié cette nomination. « Le règne d’Obiang sur la Guinée équa-toriale se caractérise par un bilan désastreux en matière de violation des droits de l’homme et de corruption qui, de fait, incarnent l’exact opposé de ce que l’UA cherche à promouvoir sur le continent », a estimé Aloys Habimana, de Human Rights Watch.

A.N.

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Jeunesse

Femmes et patrimoine au NigerQuatre albums illustrés, réunis en coffret, se proposent d’ouvrir les yeux des jeunes lecteurs sur le patrimoine culturel de la région du fleuve Niger. À travers Katirou, « la femme qui construit en terre », ce personnage imaginé par

l’une des auteurs, Amé-lie Essesse, les jeunes lecteurs découvrent la richesse du patrimoine et l’importance du rôle des femmes dans sa pré-servation.

K.B.

Coffret Femmes et patrimoine au Niger, de Amélie Essesse, Yao Metsoko, Louis Oloa, Cléa Rossi, Véronique Chapre, Joëlle Delaunay (Éditions Ibis Press)

Récit

Tout bouge autour de moiInvité avec plusieurs autres écrivains au festival Étonnants Voyageurs, Dany Laferrière a vécu l’effroyable minute de silence à la fin de laquelle tout a changé en Haïti, le 12 janvier 2010. Il devait à son éditeur un projet déjà commencé. Au lieu de cela, il va débuter, dans les heures suivant le tremblement de terre, un récit, témoignage délicat et sensible sur ce qui se vit alors. Le « juste après!» fait de mille détails tragiques tout autant que merveil-leux. Publié chez son éditeur canadien avant de paraître début 2011 en France, Tout bouge autour de moi est la preuve que l’écriture est l’arme ultime face aux pires épreuves de la vie.

K.B.

Tout bouge autour de moi, Dany Laferrière (Grasset et Mémoire d’Encrier)

4À lire

RécitOù as-‐tu passé la nuit ?

Après s’être fait connaître avec un premier roman audacieux, Demi-‐teinte, qui racontait l’histoire de deux sœurs métisses, l’Américaine Danzy Senna reprend ce fil thématique et peint, cette fois, la grande fresque de sa famille. Une histoire d’audace puisqu’en 1944, à la naissance de son père, métis, en Louisiane, les unions interraciales sont des crimes passibles de prison et plus souvent de lynchage. Pourtant, cet homme, éditeur et écrivain noir, va épouser une jeune femme blanche de la haute société bostonienne. Avec une grande sensibilité, Danzy Senna retrace l’itinéraire fami-‐lial et partage avec le lecteur une émouvante interrogation sur le sens et les implications de la couleur de peau et de l’appartenance sociale.

Kidi Bebey

Où as-‐tu passé la nuit ? Une histoire personnelle, de Danzy Senna (Actes sud)

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Essai

Afrique noire, poudre blancheL’auteur a été longtemps correspondant de RFI en Afrique. Au terme d’une enquête fouillée, il nous livre un constat aussi catastrophique qu’alarmant concernant le trafic de drogue en Afrique. Ici, il n’est pas question de petits trafiquants ou de zones particulières de non-droit, comme au Mexique. Non, ce qu’il relève, c’est une organisation criminelle à grande échelle où des cartels s’achètent des îles au

large de la Guinée-Bissau, y construisent leurs propres aérodromes pour faciliter l’écoulement de la drogue. Christophe Champin s’alarme de l’«!incroyable ruée des cartels sur l’Afrique!», qui s’étend du Cap à Casablanca. Les «!narcos!» latino-américains utilisent les pays africains comme plate-formes pour mieux atteindre l’Europe.L’instabilité politique ouvre un boulevard à tous les trafics!: drogue, armes, êtres humains… À cet égard, la Côte-d’Ivoire laisse craindre le pire et la communauté internationale semble bien désar-mée face à cette menace. De fait, tant que ces pays resteront des zones de gouvernance molle et corrompue et que la pauvreté y sévira, les trafics iront croissant.

Marie-‐Christine Simonet

Afrique noire, poudre blanche, Christophe Champin (André Versaille éditeur)

Essai

La guerre du KivuSeptembre 2008, dans les deux provinces du Kivu. Un Kivu coincé entre deux pays en guerre, le Rwanda et le Congo (RDC). Pour Kigali, écrit l’auteur, «!le Kivu était à la fois une menace permanente et un espace à contrôler, voire à conquérir!». En toile de fond, la guerre du Rwanda de 1994. Des interactions entre pays voisins (Zambie, Zimbabwe, Angola, Ouganda, Burundi). L’exil de deux millions de Rwandais, considérés par Kigali comme des «!génocidaires!» contre lesquels l’armée rwandaise exerçait un «!droit de poursuite!» qui n’était que la «!façade d’un pillage systématique du Kivu, depuis le démontage d’usines jusqu’au contrôle [du] colombo-tantalite (coltan)!».Bref, il s’agissait ni plus ni moins d’une tentative de prise du pouvoir au Congo par les autorités rwandaises. C’est toute cette histoire, cette tragédie, que décrypte Willame. Le système de la véranda, «!où les hommes s’affrontent comme des hommes!», était «!un frein à l’orgueil des grands […] une espérance pour les petits!»!; celui de la salle climatisée, c’est le jeu de dupes des accords de paix, signés dans ces salles.

M.-‐Ch. S.

La Guerre du Kivu. Vues de la salle climatisée et de la véranda, Jean-‐Claude Willame (Grip)

EssaiÉlections et Médias en

Afrique centrale

En dix ans, six pays d’Afrique centrale ont organisé des élections. Des scrutins qui avaient pour point commun d’inter-‐venir après des conflits armés. Ces élections ont servi de laboratoire aux médias. Les journalistes y ont pris une place pré-‐pondérante. À travers les expériences croisées de dizaines de journalistes, le livre de Marie-‐Soleil Frère montre comment les médias ont pu librement ou non couvrir ces scrutins, les difficultés auxquelles ils se sont heurtés, les pres-‐sions qu’ils ont dû affronter et les défis techniques qui se sont posés à eux. Ce livre met aussi en lumière le courage de certains jour-‐nalistes, la solidarité pro-‐fessionnelle, l’inventivité de ces acteurs des situations post-‐conflit. Maire-‐Soleil Frère est chercheuse qua-‐lifiée du Fonds national de la Recherche scientifique et chargée de cours à l’uni-‐versité libre de Bruxelles. Élections et Médias en Afrique centrale est le quatrième ouvrage qu’elle consacre au monde des médias en Afrique.

Alex Ndiaye

Élections et Médias en Afrique centrale. Voie des urnes, voix de la paix ?, Marie-‐Soleil Frère (Karthala, Institut Panos Paris)

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6Écouter, Voir

CD

L’univers singulier de Kareyce FotsoUne guitare, une voix, des paroles en différentes langues (français, anglais, béti)… Kareyce Fotso se présente avec simplicité au public. Pourtant, très vite, sur scène comme dans ce disque, sa voix et ses propos accrochent. Ils racontent les préoccupations d’une jeune femme d’aujourd’hui, émue par les difficultés de la vie quotidienne ou par les grands bouleversements du monde.Originaire du Cameroun, Kareyce Fotso a fait des études de biochimie, puis s’est rapprochée du monde de l’image en obtenant un BTS en audio-visuel et photographie. Mais le mystérieux attrait de la création l’a pous-

sée à s’exprimer, peu à peu. D’abord choriste aux côtés notamment de sa compatriote Sally Niolo, elle est désormais passée sur le devant de la scène. Laissez-vous charmer par son singulier et généreux univers.

K.B.

Kareyce Fotso, Kwegne. Label Contre-‐Jour

CD

Beautiful (im)perfectionAsa récidive. Après un premier disque très remarqué, elle présente aujourd’hui son deuxième opus, Beautiful Imperfection. Elle y interprète ses compositions en yoruba, anglais et fran-çais. Les fans de musique folk, rock et pop se passent déjà largement le mot et la suivent à la trace, en tour-née à travers le monde. À 29 ans, Asa en est déjà à sa septième année sur scène. La critique salue encore ce phénomène de la musique, l’un de ces miracles que sait si bien produire le Nigeria.

K.B.

Beautiful Imperfection, Asa, Naïve

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ExpoAngola, figures du pouvoir

Partir à la rencontre de la création artistique ango-‐laise et des peuples kongo, mwila, chokwe… C’est ce que propose le musée Dapper à Paris durant encore quelques mois. D’un côté, l’art ancien présenté en 140 œuvres : sta-‐tuettes, bas-‐reliefs, masques, emblèmes… De l’autre, l’art contemporain avec le travail de l’un des plus grands artistes angolais, António Ole, dont sept œuvres sont présentées. Une double manière de rendre compte de la richesse de ce pays et de la complexité de ses peuples. Dans le cadre raffiné du musée Dapper, la sélection de la directrice et commis-‐saire d’exposition Christiane Falgayrette-‐Leveau surprend et émerveille les visiteurs. Un choc visuel exceptionnel, à prolonger en feuilletant le catalogue de l’exposition.

Kidi Bebey

Jusqu’au 10 juillet 2011. Renseignements : www.dapper.com

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7Danse

On t’appelle Vénus !« Je présume que tu t’en fous quand tu découvres la brume de Londres ou du Paris des grammairiens qui te veulent nue dans un mauvais poème. (…) Ils t’exposent avec des nains, des géants, des bossus… Appellent le passant (…). Ils sont patrons de cirque, de théâtre, proxénètes, scientifiques… On te mesure. On moulera chaque partie de ton corps, mort ! »Ce texte très fort est déclamé par une danseuse, l’Antillaise Chantal Loïal, qui propose avec sa compagnie Difekako (« quelque chose qui chauffe » en créole) un travail qui relie magnifiquement les continents, ainsi que les grandes aventures humaines comme les grandes tragédies.Seule sur scène, Chantal Loïal rend ainsi hommage à Saartjie Baartman, celle qui au xviiie siècle fut appelée « la Vénus hottentote » et qui fut arra-chée à sa terre natale pour être exhibée, étudiée comme un phénomène et en un mot maltraitée en Europe. « Une histoire qui à elle seule résume tous les abus et les tragédies du colonialisme et de l’affrontement de deux mondes, résume Chantal Loïal. Ce projet se veut donc une ode à la féminité et au-delà l’ode d’une femme noire à toutes les femmes. »Ce solo plein d’émotion et de sensibilité, créé en collaboration avec les cho-régraphes Paco Dècina et Philippe Lafeuille, a été présenté à Fort-de-France au mois de janvier. Gageons qu’il saura toucher les publics métropolitains, puis sud-américains avec la même force.

K.B.

On t’appelle Vénus, Tarmac de la Villette (Paris), du 31 mai au 4 juin, puis à Marseille, Alliances françaises du Venezuela et tournée en préparation en Colombie et en Équateur. Renseignements : http://www.difekako.fr

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DVDAfrique[s], une autre his-‐

toire du xxe siècle

En 1885, les grandes puis-‐sances occidentales se par-‐tagent le territoire africain lors de la très importante Conférence de Berlin. C’est le point de départ qu’ont choisi Elikia M’Bokolo, Philippe Sainteny et Alain Ferrari, les auteurs. Cette série de documentaires retrace l’histoire du conti-‐nent africain. Violentée par l’esclavage, occupée de force par la colonisation puis « in-‐dépendante », mais secouée par des dirigeants politiques totalitaristes, l’Afrique a une histoire longue et com-‐plexe qui, à bien des égards, ressemble à un chemin de croix. Mais cette histoire est également celle, épique, de peuples et de grands acteurs qui ont maintes fois relevé la tête, résisté à l’envahisseur et combattu pour leur liber-‐té. Richement documenté, ponctué d’interventions de nombreux et prestigieux témoins, ce grand documen-‐taire démontre que l’histoire de l’Afrique n’est pas « à part », mais bien aussi l’his-‐toire du monde.

K.B.

Afrique[s], une autre histoire du XXe siècle, d’Elikia M’Bokolo, Philippe Sainteny et Alain Ferrari, coproduction Temps noir, INA, France Télévisions 2010. www.ina.fr

Page 10: Francophonies du Sud N°25

8Découverte

acrobates qui mêlent techniques euro-péennes d’équilibre, au travail avec les échasses, art typiquement africain, ainsi qu’une oreille sur la musique proposée par Diabaté, spécialiste du dum dum et du balafon. Ambiance bon enfant, certes, mais rigueur demandée.Mathias le sait depuis son apprentissage!: «!rigueur », « sérieux », « constance », «!assurance » sont des mots à conjuguer au quotidien au cirque, si l’on veut éviter les pépins et tendre vers la perfection.C’est grâce à l’ONG canadienne Jeunesse du monde, il y a dix ans, qu’il a approché les arts de la piste et a appris à dévelop-per son talent. Depuis l’ONG est partie, mais nombreux sont ces jeunes des rues qui, comme lui, ont repris le flambeau en devenant, à leur tour, moniteurs. Et il y a cinq ans, à l’instar de Circus Baobab, en Guinée-Conakry, précurseur en la matière dès 1998, Fasocirque est né pour aider les

jeunes à s’en sortir, pour montrer qu’une autre voie que celle de la rue ou de la drogue est possible. Pour «!faire » du beau aussi et, ainsi, pouvoir le proposer aux spectateurs du Burkina Faso, bien sûr, mais également de France, du Canada, du Ghana, du Mali, du Niger, de Belgique et, tout récemment, du Bénin. L’ancien royaume du Dahomey a non seulement bénéficié d’une représentation des Miracles du cirque, mais également du savoir-faire de la compagnie qui a dispensé une formation au cirque Tokpa de Cotonou. Aujourd’hui, Fasocirque peaufine sa dernière création, Source de vie, spectacle autour de la problématique de l’eau, et a signé un partenariat d’échange de trois ans avec le Pôle régional des arts du Cirque d’Amiens, qui possède l’un des derniers cirques en dur de France.De représentations en perfectionnements, de formations en créations, parions donc que Fasocirque saura durer et se développer… Pour le bonheur des grands et des petits, d’ici ou d’ailleurs !

Bérénice Balta

Rigueur, sérieux, constance et assurance sont les maîtres mots de l’apprentissage au FasocirqueAu bout d’un chemin caillouteux et malaisé, juste après le goudron, à trente minutes de Ouaga, à Zagtouli, quelle surprise ! Au milieu d’un informel village de terre, une cour et un toit de tôle formant un abri. Des costumes sont étendus sur le muret qui ceint l’endroit, une toute petite bicoque sert de remise à matériel et une estrade en béton, sous le toit de tôle, n’est autre que l’espace de répétition de cette toute jeune troupe de circassiens en devenir. Ce jour-là, il n’y avait que des garçons, mais plusieurs filles évoluent également au sein du groupe.Il fait un soleil de plomb et l’équipement est sommaire, quelques tapis de sol, des quilles de jonglerie, un diabolo, pas d’agrès sophistiqués, encore moins d’accessoires de sécurité.Fillettes et garçonnets des alentours sont tous là, à regarder leurs « grands frères » s’entraîner… Et rient quand une quille tombe !Mathias Nacoulma, responsable de la troupe, nous reçoit avec chaleur tout en gardant un œil sur Joël, qui jongle avec des bols et des bâtons, Edgar et Pascal,

Ils sont jeunes, créatifs et enthousiastes… À eux 16, ils forment Fasocirque, la première troupe des arts de la piste du Burkina. Leur détermination – et leur talent – devraient les emmener un jour là-‐haut, au firmament !

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Fasocirque, une école de la vieet des arts

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L’Afrique numérique

Nous sommes plus d’un milliard d’humains connectés à Internet depuis fin 2007. 600 millions à utiliser le réseau Facebook... Partout dans le monde, depuis plus de dix ans maintenant, les mails, les messageries instantanées (Skype, MSN), les services de Google, les téléphones mobiles font partie du tissu de notre vie professionnelle ou personnelle.L’Afrique occupe une place importante dans ce vaste mouvement. Elle est à la pointe des technologies de l’information et de la commu-‐nication, non pas en tant que productrice de smartphones ou d’ordi-‐nateurs, mais en tant qu’utilisatrice et novatrice dans ses usages. Selon la journaliste et cyberobservatrice Claire Ulrich, « l’Afrique a une longueur d’avance en matière de téléphonie mobile ». Ce dossier permet de voir qu’en matière de services, les Africains s’approprient les outils numériques. Que la Tunisie et l’Égypte ont récemment fait une utilisation citoyenne et politique des réseaux sociaux comme Facebook et Twitter. Que le Kenya, qui connais-‐sait des troubles post-‐électoraux violents début 2008, a ouvert une technopole à Nairobi (iHub) en 2009, voté dans la paix pour un réfé-‐rendum sur la constitution et lancé une plate-‐forme en ligne 1 où le citoyen a pu suivre le parcours de son député et le rappeler à l’ordre sur ses promesses.La révolution numérique à l’africaine signe la fin du désenclave-‐ment : c’est un formidable bond dans l’avenir, qui permet au conti-‐nent de brûler les étapes et de préparer les révolutions économiques de demain.

(1) www.mzalendo.com

Interview « L’Afrique a une longueur

d’avance »

Agir et militer La démocratie assistée

par ordinateur

PartagerLa fièvre des réseaux

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L’Afrique numériqueInterview

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À vos yeux, assiste-t-on à une véritable révolution en Afrique ?

Pour ce qui concerne les usages de la téléphonie mobile, oui. Et ce par-tout sur le continent. Pour Internet via l’ordinateur, beaucoup moins. Peut-être qu’Internet se démocrati-sera vraiment seulement grâce aux mobiles 3G (qui permettent une connection par GSM). On se heurte d’abord au problème du prix des équipements : un ordinateur por-table neuf représente au Mali six mois de salaire d’un enseignant ! C’est par les cybercafés que l’Afrique se connecte à Internet, mais là aussi, à quel prix ? L’heure de connexion peut coûter jusqu’à l’équivalent d’un euro en dehors des grandes villes avec une connexion si faible que cette heure est « mangée!» par le téléchargement d’une photo ou d’un document, sans parler des coupures de courant. Comparez le prix d’un sac de riz et d’une heure de connexion, le choix est vite fait. Cependant, malgré tous ces obs-tacles, une révolution est en marche, au moins dans les villes : la vitesse d’adoption de Facebook, au cours de ces derniers dix-huit mois, est phé-noménale. C’est par ce réseau social que les Africains, qui pratiquaient l’envoi de mails et les recherches sur Google épisodiquement, décou-vrent la puissance du web social.

Pour la spécialiste des nouveaux médias, Claire Ulrich, le téléphone mobile a déjà commencé à révolutionner l’Afrique. Sur le continent, les innovations foisonnent dans l’art et la manière d’utiliser la technologie du mobile. Rencontre avec une cyberobservatrice passionnée.

« L’Afrique a une longueur d’avance »

Ce qui bouleverse les rapports entre eux (familles éloignées à cause des différentes diasporas, entre filles et garçons, dirigeants et citoyens). Depuis que le câble sous-marin est entré en fonction en doublant ou triplant la vitesse de connexion et en démocratisant le coût d’accès en Afrique australe, ces pays décollent vraiment, au point de vue techno-logique, investissement, éducation supérieure.

Certains observateurs estiment que l’Afrique a une longueur d’avance pour l’usage de la téléphonie mobile ?

Oh oui ! Elle n’a de leçon à ap-prendre de personne, au contraire, en matière de téléphonie mobile. Ne parlons d’abord que du simple téléphone mobile premier, des SMS et des communications vocales. C’est grâce à lui que les villageois maintiennent le contact avec les villes, s’informent sur la météo et les prix de vente de leurs produits auprès des grossistes pour éviter les négociants malhonnêtes. C’est par lui qu’ils demandent à un village lointain s’ils peuvent amener leurs troupeaux paître, qu’ils résolvent les conflits, qu’ils s’avertissent de l’avancée d’un feu de brousse, et qu’ils marient parfois leurs filles!! Partout où le transport est long, coûteux, pénible, le mobile a révo-

Selon Claire Ulrich, l’Afrique inventeses propres utilisations de la technologie

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lutionné la vie des villageois. Sur les marchés africains, on voit bien que « la minute téléphone » est deve-nue une monnaie à part entière : on peut acheter un kilo de légumes en échangeant ses minutes de commu-nication prépayées. Depuis un ou deux ans, les innovations pleuvent. Les fabricants de téléphones mobiles ont créé, pour l’Afrique, des por-tables multi-puces : vous choisissez l’opérateur qui offre les prix les plus intéressants pour chaque coup de fil. Ou encore le téléphone mobile collectif : un seul téléphone pour une communauté, mais beaucoup d’utilisateurs qui accèdent à leur crédit et à leurs messages par un code secret sur un seul terminal. Ce sont des innovations qui devraient arriver tôt ou tard en Afrique fran-cophone. Pour l’heure, seul le Niger a autorisé le transfert d’argent par téléphone mobile pour venir en aide aux populations qui souffrent de la famine via une ONG.

L’usage d’Internet ouvre des possibi-lités pour l’enseignement à distance. Les résultats des expériences menées jusque-là vous semblent-ils probants ?

Pas vraiment, sans doute parce que les grands projets qui ont vu le jour, enthousiasmants sur le papier, ne prenaient pas en compte les véri-tables besoins et possibilités locales.

Les équipements technologiques sont une chose, mais la formation est tout, et ce sont les enseignants locaux, qui connaissent le terrain et les contraintes, les mieux pla-cés pour faire cette révolution. C’est dommage que l’on assiste à un éparpillement des politiques, des méthodes d’enseignement au gré des plans de financement de l’aide internationale ou des ONG, et surtout, que l’on pense d’abord technologie avant de penser besoins pédagogiques et réalités humaines.

Quelles réalisations diverses forcent aujourd’hui votre admiration ?

De toutes les initiatives que j’ai vu passer, je remarque que ce sont sou-vent de petites initiatives locales menées avec très peu de moyens par des passionnés qui forment utilement et efficacement les ap-prenants. Je pense par exemple au Bus Internet qui sillonnent les vil-lages de l’Afrique de l’Est, au rôle des Kiosquières Internet qui gèrent l’ordinateur collectif d’une commu-nauté et créent par la même occa-sion leur emploi, aux réunions de blogueurs qui en forment d’autres en Afrique francophone. L’ingéniosité déployée par tous les Africains pour suivre en ligne la dernière Coupe du Monde ! Là encore, avec peu de moyens, parfois pas d’électricité, on

a vu s’établir des chaînes humaines derrière leurs écrans dans le monde entier qui, par téléphone, par SMS, par Internet bricolé, ont réussi à retransmettre, suivre, commenter tous les matchs minute par minute jusqu’au fin fond des villages. Des Africains au Canada passaient les infos et les images par Internet dans les villes africaines, qui les répercu-taient par SMS ou radio locale dans les villages !Sinon, il faut saluer Kiva.org, le site de micro-crédit qui a mis dès 2004 directement en rapport les emprun-teurs et les prêteurs partout dans le monde, grâce à Internet. La micro-fi-nance n’a rien de neuf, mais choisir sur le Net le micro-entrepreneur que l’on veut soutenir et suivre son parcours a été une révolution et a inspiré un mode de dévelop-pement solidaire neuf. La seule et grande révolution de l’Internet, que ce soit en Afrique ou ailleurs, c’est d’abord et avant tout ça : mettre en contact des humains qui sans cette technologie ne se seraient jamais connus, parlés, n’auraient jamais créé de la connaissance ou de la valeur ensemble.

Propos recueillis par Kidi Bebey

Journaliste pour les médias traditionnels et le web, Claire Ulrich est l’une des responsable du site « Global Voices » http://fr.globalvoicesonline.org/

Bien plus que l’ordinateur, le téléphone est devenu l’outil technologique qui change l’Afrique

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L’Afrique numériqueAgir et militer

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La démocratieassistée par ordinateurLa révolution numérique restructure les rapports entre le citoyen africain et son environnement politique. Médias en ligne, blogs, forums, les citoyens investissent de plus en plus le web et font progresser la démocratie.

es sms pour contrôler la régularité d’un scrutin, des blogs où s’expri-ment les opposants, voire les re-belles, des journalistes citoyens qui déjouent la censure, voilà autant de phénomènes qui se répandent à grande vitesse sur le continent. Ces dix dernières années, la révo-lution numérique a sans doute fait davantage progresser la liberté d’ex-pression et la démocratisation des sociétés africaines que les pressions internationales. Quel est aujourd’hui le premier geste d’un opposant africain à l’approche d’une échéance électorale ? Il crée un site web ! Cette plaisanterie qui circulait récemment dans les couloirs des Nations unies traduit une réalité. Le web est devenu un espace d’ex-pression privilégié pour les oppo-sants et toutes les voix discordantes des États où la pluralité n’est pas de mise. Car si dans certains pays le régime en place exerce un contrôle sourcilleux sur les médias publics, notamment en période électorale, la censure d’Internet est, en revanche, quasiment impossible. Ce n’est pas un hasard si en Côte-d’Ivoire, les premiers journaux consultables en ligne au tournant des années 2000 furent ceux de l’opposition.

L’ère des cybercitoyensEspace de refuge pour la presse d’opposition et pour les oppo-sants, le web l’est aussi pour les journalistes d’investigation. Comme le note Jacques Bonjawo1, « ils y publient des informations écrites,

audio ou visuelles qu’ils n’ont pas pu traiter dans d’autres médias ». Ils sont désormais rejoints sur la Toile par une foule de cybercitoyens, blogueurs et activistes de la société civile qui diffusent une information échappant aux canaux traditionnels de contrôle. C’est là où se déve-loppe la cybercitoyenneté africaine. La protestation en ligne, que l’on retrouve de Moscou à Pékin, a fait une apparition spectaculaire lors des crises tunisienne et égyptienne. Les réseaux sociaux comme Facebook et Twitter rendent l’indignation quasi immédiate et démultiplient les capa-cités d’agir pour les citoyens.

Les administrations s’y mettent Mais il ne faut pas résumer l’Internet africain à une lutte de la société contre l’État. Certains dirigeants africains ont compris l’intérêt qu’il y avait à développer la cyberdé-mocratie. Les fichiers électoraux consultables sur Internet, pratique initiée en 2000 par le Sénégal, sont désormais légion. Les dirigeants apportent ainsi aux citoyens une garantie de transparence, les listes d’électeurs pouvant être vérifiées par tout un chacun du début à la fin du processus électoral. Il devient donc plus difficile de faire voter les morts ! Car la révolution numérique améliore aussi la gouvernance et notamment le fonctionnement des administrations. De nombreux pays, du Sénégal à la Côte-d’Ivoire, en pas-sant par la République démocratique

du Congo, ont informatisé tout ou partie de leurs circuits administra-tifs, se rapprochant ainsi des normes en vigueur dans les pays du Nord.

Olivier Rogez

(1) Révolution numérique dans les pays en déve-‐loppement, l’exemple africain, Jacques Bonjawo, (Dunod)

Dans tout le Maghreb, la jeunesse milite et s’exprime grâce à Internet

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Dans tout le Maghreb, la jeunesse milite et s’exprime grâce à Internet

La révolution tunisienne, qui a vu la chute du dictateur Zine el-Abidine Ben Ali après vingt-trois ans de règne, marque un tournant dans l’histoire poli-tique du monde. Pour la première fois, en effet, les internautes ont joué un rôle de premier plan dans les évènements qui ont bouleversé la donne politique. Au point que les jeunes Tunisiens parlent entre eux de révolution Facebook.

C’est une ironie dont les historiens raf-folent. Zine el-Abidine Ben Ali, l’homme qui avait instauré une censure abso-lue en Tunisie, a été la victime du seul espace de liberté que son régime ne parvenait pas à contrôler totalement : le web. Apparus en 2004, les réseaux sociaux prennent rapidement de l’am-pleur dans ce pays où toute autre forme d’expression est étroitement surveillée

par la police. Après 2008, les Tunisiens, frustrés d’informations et dans l’impos-sibilité de se connecter à certains sites de partage en ligne comme YouTube et Dailymotion en raison de la censure, se rabattent sur les réseaux sociaux et en premier lieu sur Facebook. Deux millions de Tunisiens sur les 11 mil-lions d’habitants que compte le pays possèdent un profil Facebook. C’est

dans le cyberespace que les Tunisiens, qui n’évoquaient jamais ouvertement la politique dans leurs discussions publiques, ont désappris la peur. Les langues se sont déliées sur Internet. Lorsque le 17 décembre, un jeune homme de 26 ans s’immole à Sidi Bouzid, dans le centre-ouest du pays, l’information fait le tour du Net tunisien en quelques heures. Et lorsque la protes-

tation populaire s’amorce, elle trouve un relais efficace et rapide grâce à la Toile. Pas une manifestation de rue, pas une information qui ne soit aussitôt réper-cutée sur Twitter ou Facebook. Dans les manifestations, au milieu des nuages de gaz lacrymogène, ou lorsque la police tire à balles réelles sur les manifestants, il se trouve toujours quelqu’un qui filme avec son téléphone portable et diffuse les images sur les réseaux sociaux. La révolution tunisienne est à la fois réelle et virtuelle. Les jeunes sont manifestants le jour et cyber-résistants la nuit.Mais à mesure que la protestation s’amplifie, la police de Ben Ali com-mence à traquer les blogueurs célèbres comme Slim Amamou. Ce jeune entre-preneur dont les commentaires et les mots d’ordre sont lus par des centaines de milliers de Tunisiens est bien plus connu que les opposants politiques, réduits au silence, et donc à l’anony-mat, depuis de longues années. Il est arrêté début janvier. Immédiatement, un collectif international d’activistes baptisé Anonymous lance une contre-attaque sur les sites gouvernementaux tunisiens, bloqués pendant plusieurs jours sous des tonnes de messages. Les censeurs de l’Agence tunisienne d’Internet réagissent en traquant les comptes privés de certains blogueurs. Mais les censeurs du Net ne peuvent rien contre le collectif Anonymous ni surtout contre les millions d’internautes tunisiens.Le 13 janvier, le régime se rend compte de l’impasse. Il tente une ultime parade et annonce la fin de la censure, notam-ment sur Internet, et la libération du blogueur Slim Amamou. Mais il est trop tard, la révolution est en marche et le 14 janvier, Ben Ali s’enfuit. Trois jours plus tard, le blogueur emblématique de la révolution tunisienne accepte le poste de secrétaire d’État à la Jeunesse et aux Sports. Il annonce sa nomination sur le réseau social Twitter et promet d’œuvrer à la disparition de toute forme de censure en Tunisie.

O.R.

Ben Ali contre Facebook

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L’Afrique numériquePartager

La fièvre des réseaux sociaux atteint l’Afrique Grâce à leur téléphone portable, de plus en plus d’Afri-‐cains se connectent aux réseaux sociaux en ligne. Grâce à Facebook, Twitter, LinkedIn, You Tube, tout le monde est « branché » ou cherche à tout prix à l’être.

u milieu des années 1990, au mo-ment où les téléphones portables s’imposent dans le quotidien des pays développés, bien peu voient en l’Afrique un marché potentiel. Au-jourd’hui, avec plus de 400 millions d’abonnés, le marché africain est plus important que le marché nord-américain. Car l’Afrique a précédé le reste du monde dans la substitution de la téléphonie fixe par la télépho-nie mobile, indique un rapport1 de l’Union internationale des Télécom-munications. L’histoire récente offre peu d’exemples d’adoption aussi rapide de la téléphonie mobile et d’innovation aussi profonde.

Des « amis » par milliersÀ l’évidence, un scénario identique est en train de s’écrire. Cette fois, les Africains prouvent leur massive utilisation de téléphones portables afin d’assouvir une passion plus récente… Celle des médias sociaux en ligne – plate-formes en ligne qui encouragent l’interaction – et sont ainsi à l’origine d’une nouvelle tendance : le passage à l’Internet mobile, dont les médias sociaux sont les principaux vecteurs. Mary Meeker, analyste américaine vedette du secteur des nouvelles technolo-gies, a confirmé récemment que l’In-ternet mobile et les médias sociaux enregistraient le développement le plus rapide dans le monde. Ainsi,

selon elle, l’utilisation de l’Internet mobile devrait bientôt dépasser celle de l’Internet fixe.L’Afrique est à l’avant-garde de ces deux tendances. Des études indiquent que lorsque les Africains se connectent sur Internet (prin-cipalement avec leurs téléphones mobiles), ils vont le plus souvent sur les réseaux sociaux (Facebook, Twitter, YouTube…). La boîte mail, la recherche de renseignements et la consultation de sites d’informa-tions sont aujourd’hui devenues des activités secondaires.Facebook, le principal réseau social en ligne, est le site web le plus visité dans la plupart des pays africains. Il a récemment enregistré une crois-sance spectaculaire sur le conti-nent et compte plus de 17 millions d’abonnés. Ils étaient 10 millions en 2009. Plus de 15 % des internautes africains utilisent cette plate-forme, contre 11 % d’internautes asiatiques. Derrière Facebook, Twitter et You-Tube comptent parmi les sites les plus visités dans la majorité des pays africains.De même que les autres Africains, les vedettes, intellectuels, hommes politiques et entreprises sont pré-sents sur ces réseaux. Le footbal-leur ivoirien, par ailleurs ambas-sadeur itinérant de l’ONU, Didier Drogba, a près d’un million de fans sur Facebook. L’économiste zam-

bienne Dambisa Moyo, auteur d’un essai iconoclaste sur l’aide au déve-loppement2, est suivie par 26 000 personnes sur Twitter. Les médias sud-africains et des compagnies comme Kenya Airways utilisent ces plate-formes pour mieux dialoguer avec leur clientèle. Lors des récentes élections en Côte-d’Ivoire, les can-didats ne se sont pas contentés de faire campagne dans les villes et les villages, ils ont transféré leur rivalité en ligne, actualisant fébrilement leurs profils sur Twitter et Facebook.

Contraintes et opportunitésL’utilisation croissante des médias sociaux en Afrique est d’autant plus remarquable que le nombre d’Afri-cains connectés à Internet est faible et que les difficultés d’y accéder sont nombreuses.Les internautes africains (plus de 100 millions à la fin de 2010) re-présentent une infime minorité des deux milliards d’internautes que compte la planète. Le continent a le taux de pénétration le plus faible du monde. En comparaison, aux États-Unis, plus de 220 millions de per-sonnes utilisent Internet. Le piètre bilan de l’Afrique s’explique par la rareté et les coûts exorbitants des connexions à large bande (le moyen le plus rapide d’accès), ainsi que par le nombre limité d’ordinateurs.Ces difficultés contribuent néan-

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moins au développement impres-sionnant de l’Internet mobile en Afrique dont les taux de croissance sont les plus rapides dans le monde. Une situation en passe de devenir banale, affirme Jon von Tetzchner, cofondateur d’Opera, le navigateur Internet pour téléphone portable le plus populaire du monde. Pour lui, « l’accessibilité des téléphones por-tables signifie que l’Internet mobile peut permettre à des dizaines de millions de personnes de se connec-ter ; beaucoup plus que le web par

câble!». M. von Tetzchner estime qu’à l’instar des téléphones mobiles, dont l’utilisation se répand rapi-dement depuis quelques années en Afrique, le « web mobile com-mence à influencer le développement économique, politique et social du continent ».

Bouleversement sismique à prévoirErik Hersman, l’un des blogeurs afri-cains les plus influents et cofonda-teur du site Ushahidi, se montre tout

Les réseaux sociaux, le nouvel « arbre à palabres » africain

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aussi enthousiaste. Il estime qu’une fois « qu’on aura atteint une masse critique d’internautes dans certains pays africains (Kenya, Afrique du Sud, Ghana, Nigeria, Égypte), la forte pénétration de la téléphonie mobile sur le continent entraînera des bouleversements sismiques dans les services et l’information ».Pour l’heure, la perspective d’une croissance soutenue incite les grandes entreprises à s’intéresser davantage au bassin grandissant d’internautes africains. Après avoir lancé en mai 2010 plusieurs versions dans certaines des principales lan-gues africaines (dont le swahili, le haoussa et le zoulou), Facebook a annoncé qu’il offrirait un accès aux utilisateurs de téléphones mobiles dans de nombreux pays. Depuis octobre dernier, Google teste un nouveau service destiné à plusieurs régions du continent. Provisoirement appelé Baraza (« lieu de rencontre » en swahili), il permettra aux inter-nautes de dialoguer à propos de questions d’intérêt local ou régional. Les Africains se préparent donc eux aussi à profiter de la croissance annoncée de l’Internet mobile. En Afrique du Sud, MXit, un service local de messagerie qui compte plus de sept millions d’usagers, est devenu le plus important réseau social en ligne. D’Abidjan à Accra, de Lusaka à Nairobi, des programmeurs africains mettent au point, testent et lancent de nouvelles plate-formes et de nouveaux outils conçus loca-lement pour leurs publics.

André-‐Michel Essoungou(Africa Renewal)

(1) Measuring the Information Society : The ICT De-‐velopment Index, 2009, (Mesurer la société de l’in-‐formation : l’Indice de développement des TIC, 2009)

(2) Dambisa Moyo, L’Aide fatale (Editions J.-‐C. Lat-‐tès, 2009)

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L’Afrique numériqueSoigner

Un coup de fil et…ça va mieuxAujourd’hui, en Afrique, plusieurs expériences d’accompagnement médical s’ap-‐puient sur l’utilisation du téléphone mobile. Qu’en disent les acteurs de terrain ? Le Dr Abdon Goudjo a été l’un des conseillers techniques dans la mise en place de la Ligne jaune Info sida au Congo-‐Brazzaville. Propos d’un homme d’expérience.

Pourquoi avoir mis en place au Congo une ligne téléphonique gratuite pour renseigner le public sur le Sida ?

La réflexion qui a conduit à lancer la Ligne jaune s’appuie sur une histoire de la téléphonie sociale en France, portée par Sida Info Service, une ONG qui a développé le concept de relation d’aide à distance. Cette réflexion a été provoquée par l’évolution des pays d’Afrique où, parmi les instruments modernes de communication, le téléphone mobile occupe une place remarquable. Chaque Congolais ou presque dispose d’un téléphone. La Ligne jaune s’est appuyée sur l’engagement de trois partenaires clés : le Conseil national de Lutte contre le Sida du Congo, Serment Universel, l’association por-teuse du projet, et l’opérateur téléphonique MTN. Enfin et surtout, cette initiative a répondu à un besoin de la population de s’informer et d’échanger librement et discrètement sur une pandémie prompte à faire émerger fantasmes, discrimination et stigmatisation.

Des explications en présence d’un médecin ne valent-elles pas mieux que la distance téléphonique ?

Le téléphone permet de recevoir des informations géné-rales sur l’infection du VIH, des conseils de prévention, des orientations nécessaires vers des lieux de dépistage et/ou de prise en charge des malades. C’est aussi un espace de parole, où l’initiative vient de l’appelant et non du conseiller ou du médecin. Le téléphone, c’est la liberté de l’appelant. Pour autant, la téléphonie sociale ne remplace pas le médecin. Elle vient en complément. Le téléphone ne délivre pas des soins ou des médica-ments et ne réalise pas d’examen clinique, biologique ou morphologique. Le téléphone est le lieu de l’écoute, du conseil, de l’explication, de l’orientation ; il peut apaiser l’âme et aider le corps. Mais le médecin et les soignants restent dans leurs rôles et leurs fonctions.

N’est-il pas délicat de parler du VIH au téléphone ? Et si la distance téléphonique était une chance ? Par-fois, certaines questions sur la sexualité peuvent être si embarrassantes pour des jeunes ou moins jeunes qu’ils préfèrent s’exprimer anonymement, en français ou en langue locale, sans jugement et dans une situation d’empathie, tout en ayant la possibilité de poursuivre l’entretien ou de l’interrompre à tout moment. Plus c’est délicat à aborder, plus le téléphone est l’espace approprié pour l’appelant, pour parler en toute discré-tion. Par expérience, les questions générales ne sont pas le cœur des échanges. Il s’agit plutôt de questions spécifiques qui renvoient à l’intime, à la prise de risque, à la recherche de solutions utiles pour soi ou un tiers. Par contre, il est fondamental que les écoutants soient formés à une écoute attentive et active, et à savoir se servir des techniques de conseil.

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Le Dr Abdon Goudjo est expert technique international en santé publique,ancien conseiller technique de la Coopération française auprès du CNLS(Conseil national de Lutte contre le Sida) du Congo

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Le téléphone mobile devient un allié de plus en plus sophistiquédes professionnels de la santé

Plus d’infos : www.cnls-‐congobrazza.org/Informations-‐sur-‐la-‐Ligne-‐Jaune-‐Info-‐Sida-‐au-‐Congo

Aujourd’hui, grâce à un partenariat novateur entre le gou-vernement, des organisations non gouvernementales et des entreprises privées, le dispensaire de Mayange1 a la possibilité d’utiliser la téléphonie mobile pour fournir un meilleur traitement à ses patients. À l’aide de logiciels mis au point par Ericsson et des portables offerts par MTN, le personnel de santé peut consulter le dossier médical d’une femme enceinte qui a été enregistré dans une base de données disponible en ligne puis, en cas d’urgence, guider ceux qui s’occupent de cette femme. La mémoire de chacun des téléphones inclut un manuel de formation aux soins maternels et infantiles qui comprend des images et des conseils enregistrés pouvant être envoyés aux nou-velles mères et à leur famille. « Ce projet aura des effets très importants, a déclaré le Dr Joseph Ryarasa. Pour réduire la mortalité maternelle et infantile, il faut éduquer les mères et le personnel de santé. Maintenant, nous pouvons leur envoyer des messages éducatifs grâce à leur téléphone ou les informer sur les vaccinations. »

Grâce à un financement du gouvernement rwandais et au soutien du Earth Institute de l’université Columbia à New York, le dispensaire de Mayange a pu être équipé d’un chargeur solaire qui permet d’alimenter 30 téléphones. Il dispose en outre d’une base de données informatiques accessibles par téléphone, qui contient les dossiers médi-caux des familles du village.

Pour Carl-Henric Svanberg, ancien directeur général d’Erics-son, il serait facile et peu coûteux de lancer des projets similaires ailleurs en Afrique. Pour commencer, l’Earth Ins-titut et Ericsson ont l’intention de lancer le projet dans dix autres villages africains. Selon Joanna Rubinstein, du Earth Institute, ces technologies sont un important instrument pour permettre à l’Afrique de faire face à ses problèmes

sociaux. « Nous pensions au départ devoir attendre de faire parvenir l’électricité dans ces endroits pour pouvoir y introduire de telles technologies. Mais grâce aux panneaux solaires, affirme-t-elle, c’est possible immédiatement. »

Mary Kimani(Africa Renewal)

(1) Village à 20 km de Kigali ; 40 lits pour une population locale estimée à 35 000 habitants

Une meilleure santé à portée de « clic »

L’expérience de la Ligne jaune donne-t-elle satisfaction ?Oui, car c’est une ligne d’appel gratuite. Des écou-tants y sont disponibles de 8 heures à 20 heures. Les résultats sont allés au-delà de nos espérances même si l’on peut déplorer des écueils techniques : les réseaux informatiques sont faibles en puissance, les échanges poussifs et, plus généralement, la mauvaise qualité du

courant électrique dans de nombreuses villes africaines gênent les meilleures initiatives en matière de contenus pédagogiques ou didactiques en Afrique. Travailler sur le contenu est une chose passionnante, mais avoir un contenant permettant de le mettre en valeur est une nécessité.

Propos recueillis par Kidi Bebey

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L’Afrique numérique

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Payer

En Afrique du Sud, au Kenya et dans d’autres pays, les téléphones portables permettent d’offrir des services bancaires à des populations qui n’ont pas accès au réseau bancaire classique.

Une banque dans toutes les poches africaines ?

nn Wanjiku se dirige vers un kiosque vert et blanc décoré d’une enseigne : « M-Pesa1 Agent ». Une fois à l’intérieur, elle montre à l’agent sa carte d’identité et son téléphone portable qui affiche un numéro d’identification personnel fourni par un client. Avec ce nu-méro, une minute suffit à l’agent de M-Pesa pour vérifier qu’un client a bien effectué le paiement de 1!000!sculptures de style tradi-tionnel sur le compte de téléphonie mobile de Mme Wanjiku. Celle-ci peut alors retirer ce montant en liquide.Comme 90 % de la population au Kenya, Ann Wanjiku n’a pas de compte en banque ordinaire. En Afrique, selon une enquête de la Banque mondiale, seulement 20!% des ménages en ont un. Mais la prolifération des services de télé-phonie mobile à travers le conti-nent permet d’offrir un nouveau genre de services bancaires. Dans les quelques pays où elles sont im-plantées, des entreprises analogues à M-Pesa peuvent utiliser n’importe quel téléphone ou n’importe quelle

carte téléphonique pour fournir des services à prix abordables à leurs clients dans toutes les zones cou-vertes par un signal de téléphonie mobile.

L’argent sous le matelasLa plupart des banques africaines ont des agences uniquement en milieu urbain. Brian Richardson, directeur général de Wizzit South Africa, une entreprise de services bancaires par téléphone mobile, note que, traditionnellement, étendre l’offre de services aux zones rurales passait par l’ouverture de nouvelles succursales. « Tant que vous raisonnez de cette façon, offrir des services bancaires à un mar-ché de masse est incroyablement coûteux. »En conséquence, les services bancaires plus courants ne sont tout simplement pas disponibles. Exemple flagrant : l’Éthiopie dis-pose d’une seule agence bancaire pour 100 000 personnes alors que l’Espagne en a 96. De plus, le solde minimum étant relativement élevé, de tels services sont trop coûteux

pour la majorité des Africains. Même en Afrique du Sud, pays dont le réseau bancaire est plus développé qu’ailleurs, on estime que la population garde environ 12 millions de rands (1,7 milliard de dollars). « Sous le matelas », souligne Brian Richardson.Lancée en 2004, Wizzit a recruté 50!000 clients sud-africains. La compagnie espère en conquérir 16 millions dans un pays où 60 % de la population n’a pas de compte en banque. Les détenteurs de ces comptes peuvent utiliser n’importe quel téléphone cellulaire. Ils peuvent déposer de l’argent sur leur compte de téléphonie mobile dans n’im-porte quelle poste ou agence des banques Amalgamated Banks ou South Bank of Athens. Les salaires peuvent être payés par voie électro-nique par virement sur un compte Wizzit. Les détenteurs de compte

Transférer de l’argent, c’est simple comme un coup de fil

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reçoivent également une carte de débit acceptée par les distributeurs automatiques et les commerçants. Les utilisateurs payent l’équivalent de 0,15 à 0,78 dollar américain par transaction. Selon Mohsen Khalil, directeur du département TIC de la Banque mondiale, « Wizzit a une approche des plus novatrices car la compagnie s’adresse spécifiquement aux populations défavorisées ».

En quelques clicsDes équivalents de Wizzit sont ap-parus ailleurs en Afrique. Comme Ann Wanjiku, environ un million de Kényans utilisent M-Pesa, une opération conjointe du fournisseur de téléphonie Vodafone/Safaricom, de la Commercial Bank of Africa et de l’organisation de micro-finance Faulu Kenya. Les clients de M-Pesa déposent leur argent auprès d’un agent agréé ou d’un vendeur de télé-

phones cellulaires. Les utilisateurs ont la possibilité de virer entre 100 et 35 000 shillings kényans (de 1,5!à 530 dollars) par message textuel au bénéficiaire de leur choix même s’il est sur un autre réseau de télé-phonie. Des services similaires sont maintenant disponibles en Répu-blique démocratique du Congo et en Zambie. En Afrique du Sud, cette banque travaille aussi en partenariat avec la compagnie de téléphonie mobile MTN qui offre des services aux Sud-Africains ayant déjà un compte en banque, mais désirant recevoir et envoyer de l’argent en utilisant leur portable.À elles deux, les compagnies MTN et Wizzit permettent à 500 000 Sud-Africains sans compte en banque d’envoyer de l’argent à des membres de leur famille ou d’en recevoir, de régler l’achat de produits et de ser-vices, de vérifier le solde de leurs

comptes et de régler leurs factures d’électricité, d’eau et de gaz. Jusqu’à l’arrivée de ces deux services, les Sud-Africains versaient fréquem-ment à des coursiers l’équivalent de 30 à 50 dollars pour livrer de l’argent liquide à leur famille. Aujourd’hui, grâce aux réseaux bancaires de télé-phonie mobile, ces transactions ne leur coûtent plus que 0,50 dollar.

Un vrai atout pour les campagnesC’est dans les zones rurales que l’impact est le plus grand, explique Beyers Coetzee, un responsable du secteur communautés rurales de Wizzit. « Plus de 80% des fermiers n’ont pas de compte en banque. De plus, ajoute-t-il, un compte Wizzit, à la différence d’un compte bancaire traditionnel, n’est pas clos si le client ne l’utilise pas régulièrement, ce qui est très utile pour les travailleurs saisonniers. » Rob Conway, directeur de l’association GSM (Global System for Mobile Communications), un groupe international de fournisseurs de services de téléphonie mobile, explique que ces innovations ont «!changé la vie de millions d’Afri-cains, ont eu un effet de catalyseur sur le développement économique et ont renforcé les liens sociaux ». Lauri Kivinen, directeur des affaires géné-rales pour le réseau Nokia-Siemens, pense aussi que ce développement est important : « Cela représente un changement substantiel et sans précédent pour les gens ordinaires. Ils peuvent notamment élargir leurs relations sociales et leurs relations d’affaires et accroître leur produc-tivité en appuyant simplement sur quelques touches de téléphone. »

Mary Kimani(Africa Renewal)

(1) « M » pour mobile, « Pesa » veut dire argent, en swahili

Transférer de l’argent, c’est simple comme un coup de fil

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Socio-‐Éco

Passerelles

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La pêche joue un rôle fondamental dans la sécurité alimentaire et la lutte contre la pauvreté sur le continent. Selon l’Union africaine, 11 millions d’Africains sont dépendants de ce secteur, auxquels il faut ajouter les membres de leurs familles, soit 34 millions de personnes en plus. Mais les stocks s’épuisent. L’aquaculture peut devenir, au moins partiellement, la solution de rechange. Encore sous-‐utilisée, elle offre pourtant un compromis entre les besoins humains et les impératifs de durabilité.

Aquaculture : l’Afriquese jette à l’eau

vec la hausse de la demande et le déclin des réserves halieutiques dû à la surpêche, la pression s’inten-sifie sur le secteur aquacole. De nombreux écologistes ont tiré la sonnette d’alarme et proposent des solutions afin de réduire l’impact sur l’environnement. L’industrie de l’aquaculture est ainsi en plein essor dans le monde. Afrique comprise. En effet, plus de la moitié des pro-duits de la mer consommés dans le monde – poissons, coquillages, huîtres, crevettes, éponges, algues!– proviennent de l’aquaculture. Pour-tant, si l’on en croit les statistiques d’Eurofish, elle n’occupe qu’à peine 1% de la production mondiale. Mais il ne faut pas se fier à ce faible pourcentage car ce secteur recèle un fort potentiel de croissance sur le continent subsaharien. En effet, les marchés africains représentent un débouché considérable et pour ainsi dire inépuisable

De la bancotière à l’élevage industrielDans tous les pays africains, on a développé depuis longtemps des systèmes traditionnels d’aquaculture villageoise. Des dizaines de milliers d’étangs ou de centres d’élevage

familiaux parsèment aujourd’hui le continent. En Afrique de l’Ouest, par exemple, on a l’habitude de construire des bancotières. En ayant extrait du banco, terre argileuse, pour la construction de leurs habi-tations, les paysans créent des exca-vations qui sont converties en plans d’eau pour la pisciculture. Un mode d’exploitation très artisanal qu’il est largement temps de faire passer en mode industriel. Certes, dans les zones rurales, les bassins familiaux représentent une sécurité alimen-taire et nutritionnelle importante à l’impact écologique quasi nul. Mais il est désormais essentiel pour l’économie africaine de développer des entreprises aquacoles rentables. Ce qui n’est pas si simple.D’après le Comité des pêches conti-nentales et de l’aquaculture pour l’Afrique, organisme de la FAO, «!il faut traiter toute la gamme des pro-blèmes qui se posent si l’on veut mettre en place une aquaculture durable » et considérer l’aquacul-ture « comme une activité commer-ciale, fournissant des possibilités d’investissement intéressantes afin de créer les avantages attendus pour les moyens d’existence et la crois-sance économique ».

Les organismes régionaux et inter-nationaux s’intéressent de près à l’aquaculture. Actuellement, un programme spécial pour le dévelop-pement de l’aquaculture en Afrique (Spada) est mis en œuvre par le Comité des pêches de la FAO en adéquation avec un plan d’action dédié à la pêche et à l’aquaculture que le Nouveau Partenariat pour le Développement de l’Afrique (Nepad) a défini en 2005.

Le Nepad en soutienCe projet vise à l’amélioration de la gestion des stocks naturels de poissons, au développement de la production de l’aquaculture et au renforcement du commerce du pois-son sur les marchés domestiques, régionaux et mondiaux.De même, un investissement de 30 millions de dollars dans le pro-gramme mondial du poisson pour une aquaculture africaine durable!– lancé par le Nepad – pourrait accroître la production aquacole annuelle de l’Afrique de 10 %, à environ trois millions de tonnes dans les quinze prochaines années et gé-nérer une valeur comprise entre un et deux milliards de dollars, comme l’a souligné le directeur général du

Page 23: Francophonies du Sud N°25

Centre mondial du poisson, Stephen Hall. Selon lui, cette activité pourrait créer jusqu’à cinq millions d’emplois d’ici à 2020 et garantir l’alimentation de millions de personnes. Il a estimé à 50 millions de dollars au mini-mum la valeur qu’engendreraient les exportations chaque année à la fin de la décennie. « Un bon retour sur investissement!», s’est-il exclamé.

Les projets s’enchaînentLe 13 décembre 2010, à Dakar, le représentant de la FAO au Sénégal, Amadou Ouattara, a à son tour an-

noncé le lancement prochain d’un programme spécial pour le dévelop-pement de l’aquaculture en Afrique (Spada), en adéquation avec le plan du Nepad de 2005.Objectif : augmenter la production aquacole dans la région subsaha-rienne d’au moins 200% dans les dix ans à venir.Pour ce faire, les pays africains de-vront élaborer et mettre en œuvre des stratégies de développement aquacole. Un code de conduite pour des pêches responsables et un ma-nuel d’aide à la gestion seront créés.

Tandis que le Réseau d’aquacul-ture pour l’Afrique (Anaf) sera ren-forcé pour permettre, notamment, l’échange d’informations, l’assis-tance technique, la coordination de l’éducation et la recherche dans ce domaine. Enfin, ce programme prévoit de simplifier la vie des inves-tisseurs en leur facilitant l’accès à la provende, aux alevins, au capital, à la terre, à l’eau… Tout en assurant la promotion des produits aquacoles sur le marché intrarégional.Également présent dans la capitale sénégalaise, le délégué de l’Agence japonaise de coopération internatio-nale (Jica), Okubo Hisatoshi, a fait savoir que l’agence élaborait une stratégie pour le développement de l’aquaculture spécifique à l’Afrique subsaharienne, dont la finalisation était prévue pour mars 2011.Il a également déclaré que Tokyo s’était engagé sur des projets aqua-coles au Bénin, au Burkina Faso et, prochainement, à Madagascar.Pour M. Hisatoshi, «!c’est un enjeu alimentaire majeur pour le continent africain, le poisson étant la princi-pale source de protéine animale pour les populations africaines ».

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Pêcher la truite devient plus facile dans les fermes aquacoles

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Expérience

Quand la crise économique sape l’enseignementEnseignante au Cameroun, Anne Kengne déplore les dérives du système actuel de recrutement des professeurs de français, qui, de plus en plus, n’ont de professeur que le titre. Ils n’ont pas de formation. Sans parler de la vocation.

ujourd’hui, le chômage est devenu un véritable cancer qui mine la société camerounaise. Chacun fait comme il peut : vente à la sauvette, moto-taxi, call-box téléphonique… Mais pour l’enseignement du fran-çais, il suffit de savoir lire et écrire la langue de Molière pour prétendre l’exercer. À l’aide d’un simple livre de grammaire, vous voilà catapulté prof de français, que vous soyez maçon, menuisier, mathématicien ou historien... Le manque d’ensei-gnants au Cameroun étant criant, le système éducatif a, peu à peu, per-mis de recruter des pseudo-profes-seurs, n’ayant pas suivi la moindre formation d’enseignant.

Nos « profs » ont de plus en plus sou-vent pour préoccupation principale de « pointer », c’est-à-dire de justifier leur salaire par leur seule présence. « L’essentiel est d’être là à son heure dans sa classe… » «!Pourquoi faire

souffrir ses méninges si on peut com-mercialiser les notes pour arrondir les fins de mois ? » « N’importe qui peut corriger mes copies au quartier moyennant quelques pièces de Francs CFA. » Voilà ce qu’il m’est arrivé d’entendre. Et l’ironie est grande à l’égard de ceux qui se préoccupent d’avoir de la conscience profession-nelle. « Le pays est pourri depuis le sommet... Que peut une goutte de bonne eau dans un océan d’eau pol-luée ? » Le résultat, à moyen terme, sera-t-il le sacrifice de l’éducation de toute une génération? À court terme, les notions de déontologie et d’éthique peuvent-elles toujours ani-mer ceux qui embrassent ce métier?

J’ai été formée à l’École normale supérieure de Yaoundé pendant deux ans. Je suivais les cours en auditeur libre, après une licence de lettres modernes françaises, option art théâ-tral. Dans le lycée où j’enseigne, sur

15 enseignants de français, 10 sont des « débrouillards »…Et l’élève dans tout cela ? Pour moi, un enfant a besoin d’amour, d’affection, de sécurité pour son développement et il a besoin du concours de la société en général mais surtout de ses parents et de ses enseignants. En ce qui me concerne, je m’efforce d’arriver en classe toujours avant mes élèves. Je les accueille gen-timent : « Ça va bien, as-tu bien dormi ? » Je commence les cours par l’actualité du jour, ce qui fait que mes élèves sont très cultivés. En 6e, je peux commencer par une chanson et terminer par une chanson. En ce qui concerne les cours proprement dits, je les théâtralise au maximum et le message passe mieux. Les élèves ont l’air de s’amuser. Les progressions n’étant pas toujours respectées, j’évalue personnellement mes élèves toutes les deux semaines (oralement et par écrit) et je prends en considération toutes ces notes en plus des notes des évaluations harmonisées. La grande difficulté réside dans les effectifs pléthoriques, d’autant que la majorité des élèves ne possède pas de livre de français.Je sais qu’il y a encore, comme moi, des passionnés de l’enseignement qui arrivent à l’heure au travail, veulent tirer les élèves vers le haut, évitent les dérives comportemen-tales... Mais jusqu’à quand ?

Anne Kengne Professeur de français au Lycée Nylon

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2323Franco-‐mots

Les mots de la territorialitéVous trouvez que le vocabulaire de la géopo-‐litique est un charabia ? Désormais, district, bureau des échevins, supercanton n’auront plus de secret pour vous.

Village-‐centre, arrière-‐pays, faritanyEn Afrique, il n’y a pas d’organisation géopolitique sans la notion de village, qui désigne en RCA une unité d’habi-tations administratives à grande valeur symbolique. Son dérivé, village-centre, est utilisé pour parler d’un village improvisé regroupant des communautés rurales aupara-vant dispersées. À Bangui, on utilise le mot intérieur pour opposer l’ensemble du pays à la capitale. Par extension, on peut parler du territoire national par rapport au reste du monde, qui est appelé alors extérieur. On retrouve également ce sens au Tchad où « étudier à l’extérieur » signifie « étudier à l’étranger ». La dichotomie capitale-province continue chez les Centrafricains avec le mot arrière-pays, qui représente la province et, par extension, les régions reculées du pays. À Madagascar, c’est faritany qui signifie la même chose.

District, sous-‐région, supercantonDerrière ces appellations, toute l’organisation administra-tive des pays francophones s’offre à vous. Au Congo-Brazza et en RCA, un district est une subdivision administrative immédiatement inférieure à la région. Par extension, il renvoie à l’ensemble des services administratifs, des fonctionnaires et des habitants du district. Au Rwanda, le même mot désigne une entité administrative composée de secteurs. En revanche, une sous-région regroupe des pays géographiquement voisins constituant une entité (écono-mique, par exemple) à l’intérieur d’un ensemble plus vaste. C’est le cas des pays qui forment la Cemac (Communauté économique et monétaire d’Afrique centrale) avec pour monnaie le CFA. La Suisse, qui fonctionne par état, c’est-à-dire par canton ou gouvernement cantonal, utilise le terme de supercanton pour un canton qui regrouperait plusieurs cantons. Au Rwanda, un territoire est une entité administrative qui, du temps colonial, correspondait à ce qu’on appelle province actuellement. À La Réunion, le mot capitale connaît un affaiblissement sémantique pour désigner une préfecture ou sous-préfecture.

Maïeur, chairman, bureau des échevinsAu niveau des titres et fonctions, il existe également une vraie créativité à découvrir. En Belgique, un maïeur est un premier magistrat des communes belges tandis qu’au Cameroun, on préfère l’anglicisme chairman pour désigner le président. Chez les Québécois, l’expression vieillie de bureau des échevins renvoie au conseil muni-cipal lorsqu’au Cameroun, l’Assemblée nationale devient ironiquement la chambre enregistreuse. En Suisse, un conseiller national est un député à la chambre du peuple suisse, un conseiller aux états, un député à la chambre des cantons. Au Congo-Brazza, un agent spécial n’est ni un agent de la CIA ni du FBI mais un fonctionnaire du Trésor public dans les petits centres urbains (chefs-lieux de district par exemple) qui gère les fonds publics.

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Les mots utilisés pour désigner les territoiressont à la fois issus des traditions, du langage technocratique,mais aussi parfois, en Afrique, du passé colonial

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Pédagogie24

Les médias ont un impact significatif sur la représentation publique des minorités. Ils contribuent à rendre certaines populations vulnérables et sujettes à discrimination en fonction-nant comme des miroirs déformants, incapables de refléter avec réalisme la diversité sociale et culturelle. Les actions entreprises par les médias

Ces dernières années, de nombreux pays d’Europe ont fait le constat de la diversité croissante des origines de leur population. Pourtant, les médias peinent à rendre compte de cette évolution, quand ils n’ignorent pas tout bonnement certaines composantes de la société. Journaliste et chercheuse en sciences sociales, Virginie Sassoon montre l’intérêt qu’il y aurait pour tous à changer de « focale ».

Sensibiliser à la diversitédans les médias

sont généralement des mesures «!vi-trines », où la visibilité prime sur les contenus. Face à ce constat, cet article présente des pistes d’actions pour impulser un changement de fond et montre que la question de la représentation de la diversité dans les médias peut offrir de précieux sup-ports de réflexion aux enseignants.

Priorité aux fictions !En France, rares sont les analyses approfondies portant sur les stéréo-types associés aux personnages qui représentent les populations issues de l’immigration et des minorités. Pourtant, ces stéréotypes jouent sur la construction d’un imaginaire col-lectif. Au-delà des enjeux sociaux

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Page 27: Francophonies du Sud N°25

25et symboliques, les diffuseurs, pro-ducteurs et scénaristes européens doivent prendre conscience de l’inté-rêt commercial mais aussi artistique à représenter la rencontre intercultu-relle comme une expérience quoti-dienne et enrichissante. Le succès de la sitcom canadienne La Petite Mos-quée dans la prairie1, qui raconte de façon comique et légère les relations entre la communauté musulmane de la petite ville de Mercy avec les autres habitants, pourrait être une source d’inspiration.Sensibiliser les plus jeunes, nourris de fictions télévisées, représente une action essentielle pour déconstruire les préjugés. Dans cette perspective, des ateliers ludiques et interactifs peuvent être organisés par les ensei-gnants. Les courts-métrages d’ani-mation produits par l’association Les Indivisibles, dont le but est de détruire les clichés par l’humour, peuvent, par exemple, servir d’outils pédagogiques pour organiser un échange autour de la question des préjugés et de leurs impacts dans la vie quotidienne.« N’ayez pas peur du Noir » : http://www.dailymotion.com/video/x27h0o_n-ayez-pas-peur-du-noir-les-indivis_fun« Musique du World » : http://www.dailymotion.com/video/x91k8d_les-indivisibles-musique-du-world_fun

Les médias des diversités : un univers à explorerQue sont les médias des diversités ?2 Créés par et/ou pour les populations issues de l’immigration et des mino-rités, ces médias méconnus du grand public constituent de précieuses sources d’informations, développant d’autres angles et approches sur l’ac-tualité nationale et internationale. En France, on en dénombre prés de 247, encore largement méconnus du grand public, mais aussi du monde de la recherche.3

Au Royaume-Uni, le premier Sommet des médias ethniques a été lancé en septembre 2008 par le quotidien The Guardian. Aux États-Unis, le réseau New America Media (NAM) fonctionne comme

une agence de presse structurée au niveau fédéral et regroupe plus de 3 000 médias « ethniques » ! Sur le plan économique, les médias grand public, notamment de presse écrite, qui ont noué des collaborations avec ce réseau, réussissent à conquérir de nouveaux lecteurs, sans pour autant que ceux-ci délaissent les médias « ethniques ». À ce titre, le réseau NAM constitue une précieuse source d’inspiration pour les médias basés en Europe.Pour les enseignants, les sites Inter-net des médias panafricains fran-cophones (www.africultures.com, www.afrik.com, www.grioo.com, etc.) peuvent servir de supports per-tinents pour ouvrir le regard des plus jeunes sur la richesse d’un paysage médiatique méconnu, qui connecte le local et le global, et montrer le rôle d’Internet comme tisseur de liens entre les diasporas et le continent africain.

Former les futurs journalistes : un enjeu crucialLa formation des journalistes, envi-sagée dans sa dimension initiale comme continue, constitue un axe d’action prioritaire pour faire bouger les représentations. L’homogénéité des profils socioculturels des étu-diants en journalisme, et des profes-sionnels en poste, explique en partie la lenteur des changements observés dans les pratiques journalistiques.L’Institut Panos Paris a développé en 2010 dans ce domaine le projet « Traverses », en partenariat avec l’Institut français de Presse (Uni-versité Paris-II). Ce projet vise à connecter le monde de la formation journalistique à celui des médias des diversités et à favoriser l’échange de compétences entre les journa-listes de ces médias et les étudiants. L’objectif est pluriel : décloisonner les regards des futurs journalistes, renouveler les modalités de trai-tement de l’information, valoriser la compétence interculturelle dans la formation et la pratique profes-sionnelle, et enfin, appuyer le déve-loppement de passerelles entre des

univers qui se rencontrent encore trop rarement…

Paradoxes et perspectivesEn France, le débat sur la diversité dans les médias a fait la une de la presse en juillet 2006 avec l’arrivée de Harry Roselmack, né de parents martiniquais, pour présenter le plus important journal télévisé de TF1. Au même moment, au Royaume-Uni, Trevor McDonald, né à Tri-nidad, prenait sa retraite de jour-naliste-présentateur sur la chaîne commerciale britannique ITN. C’est dire le retard pris par les médias hexagonaux, en termes de visibilité mais aussi de contenus…4

En réalité, les médias ne font que refléter les failles, les tabous, les impensés de la République française et ses rapports avec les populations issues des anciennes colonies. Au-jourd’hui, si la priorité politique donnée à la diversité n’échappe pas à une forme d’instrumentali-sation et peut servir à masquer les défaillances de l’action publique en matière de justice sociale et d’égalité, il n’en reste pas moins qu’elle demeure un enjeu crucial pour la démocratie. Une meilleure représentation de toutes les diver-sités constitue un défi majeur pour l’ensemble de la société.

Virginie SassoonJournaliste et doctorante en sciences

de l’information et de la communication (Institut français de Presse, Paris-‐II)

(1) Par référence au célèbre feuilleton La Petite Mai-‐son dans la prairie qui met en scène une famille de fermiers américains du xixe siècle

(2) « Médias des diversités » est un terme utilisé par l’Institut Panos Paris. D’autres termes existent : « médias ethniques », « multiculturels », des « dias-‐poras minoritaires », « communautaires », etc

(3) MediaDiv, premier répertoire des médias des diversités, publié par l’IPP en 2007 aux Éditions l’Harmattan

(4) Cette phrase est extraite de l’ouvrage collectif publié par l’Institut Panos Paris, dirigé par Claire Frachon et coordonné par Virginie Sassoon, Médias et diversité. De la visibilité aux contenus. Un état des lieux en France, au Royaume-‐Uni, en Allemagne, et aux États-‐Unis, paru en 2008 aux Éditions Karthala. Son adaptation en anglais s’intitule Media and Cultu-‐ral Diversity in Europe and North America et a été publiée en novembre 2009

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26Pédagogie

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Promenadeen FrancophonieVoici un ouvrage de référence sur l’usage du français dans le monde, sa répartition ainsi que les grandes tendances caractérisant l’évolution de la quatrième langue la plus parlée sur la planète. Loin des traditionnelles analyses austères et rébarbatives, La Langue française dans le monde 2010 se veut un outil pédagogique et distrayant, un vadémécum indispensable pour une promenade sur les terres francophones.

resser un état des lieux de la fran-cophonie peut être un exercice passionnant pour les chercheurs, mais ennuyeux pour les lecteurs. Alexandre Wolff, le responsable de l’Observatoire de la Langue française, et Josiane Gonthier ont réussi le tour de force de rendre cet exercice pédagogique intéressant et distrayant.Bien entendu, cet ouvrage a une fonction politique fondamentale. Il s’agit selon les auteurs de définir «!une véritable politique de la langue française établissant des stratégies claires et se dotant de moyens suf-fisants pour les mettre en œuvre ». Et comme « ce qui se conçoit bien s’énonce clairement », ce livre a le mérite d’apporter une grande clarté à propos d’un paysage francophone en constante mutation.

Francophonie africaine en progressionOn apprend ainsi qu’aujourd’hui, 116 millions de personnes sont en train d’apprendre le français, dont la moitié comme langue étrangère. Par rapport à 2007, il y a une progression manifeste qui cache cependant de grandes diversités. Si davantage d’Africains apprennent le français, en revanche, en Europe, c’est un peu la bérézina. Malgré les directives européennes qui recom-

mandent l’enseignement généralisé de deux langues étrangères dès le plus jeune âge, les petits Européens sont menacés d’unilinguisme ou au pire de bilinguisme à forte tendance anglophone, ce qui bien évidement ne saurait entièrement plaire aux francophones.Tout aussi intéressantes sont les motivations des apprenants. Tout d’abord, les dirigeants de l’Organi-sation internationale de la Franco-phonie seront heureux de savoir que le français reste perçu comme une langue de prestige, et que ceux qui l’apprennent ont le souci d’accéder à un univers culturel riche. Mais il y a mieux encore. Dans certains pays, comme l’Égypte et la Syrie, les étudiants voient même la langue française comme un avantage pour leur futur carrière professionnelle.Autre phénomène récurrent, l’inté-gration africaine joue en faveur de l’espace francophone puisque que «!l’on observe une réelle demande de la part de pays non-francophones de la région », selon les auteurs. En clair, les Ghanéens, les Libériens ou les Sierra-Léonais, qui vivent au creux de l’aire francophone, se mettraient presque à déclamer du Césaire ou du Senghor en lieu et place de Ayi Kwei Armah ou de Kwesi Brew ! L’ouvrage d’Alexandre Wolff et

de Josiane Gonthier met aussi en lumière l’action en profondeur de la Francophonie dans le domaine culturel, comme l’implantation des centres de lecture et d’animation culturelle. Il y en a désormais 229 implantés à ce jour dans 19 pays d’Afrique, de l’océan Indien, de la Caraïbe et du Proche-Orient. Des initiatives comme la promotion du slam en tant qu’outil pédagogique à travers le projet Slamophonie per-mettent de comprendre que l’on est loin de la compagnie des vieilles barbes académiques lorsqu’il s’agit de diffuser le français auprès des jeunes.

Bouillonnement médiatiqueAu sujet de la diffusion du français, il est passionnant de voir à quel point le monde médiatique franco-phone est en ébullition. Aux côtés de grands médias comme RFI, TV5 Monde ou l’Agence France-Presse se développent des médias venus du Sud comme Canal+ Overseas, 3A Telesud ou encore les agences de presse Syfia et Panapress. Pour ceux qui voudraient se faire un carnet d’adresses empli de numéros de journalistes, sachez que l’OIF et ses partenaires préparent une banque de données en ligne sur les médias francophones. On saura donc qu’il

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de céder au monolinguisme, ni de baisser pavillon devant les autres grandes aires linguistiques, arabo-phone et sinophone notamment.Enfin, pour que le panorama soit complet, La Langue française dans le monde 2010 se penche aussi sur l’avenir du français et notamment sur les spéculations quant à son évolution. Si certains prédisent à la langue de Voltaire et de Kourouma un avenir comparable à celui du latin, avec l’émergence de nou-velles langues dérivées du français en Afrique et en Asie, d’autres se penchent sur l’enrichissement constant du vocabulaire grâce aux dérivés locaux du français. À titre d’exemple, il est judicieux de

consulter le Dictionnaire universel francophone (Hachette-AUF) qui recense les mots et les néologismes venus de l’espace francophone.Ainsi lors d’un séjour en Afrique de l’Ouest, on ne sera pas perdu si à la question : « Où est la station service la plus proche ? », on vous répondra : « Il n’y a pas d’essencerie dans le coin. » De même si vous avez une bûche à faire scier du côté de Montréal, il faudra vous adresser à la foresterie en envoyant un courriel plutôt qu’un mail.

Alex Ndiaye

La langue française dans le monde 2010, Alexandre Wolf et Josiane Gonthier (Nathan-‐OIF)

existe une chaîne publique chinoise qui émet 24 heures sur 24 en fran-çais et que la célèbre CNN du Golfe, Al-Jazira, s’apprête à lancer une version en français.

Le français enrichi par les apports du SudAu total, sachant que plusieurs mil-liers de langue sont parlées de part le monde, le français n’a pas à rougir de ses 220 millions de locuteurs primaires et de son demi-milliard de locuteurs secondaires. Mais les gardiens du temple de l’Organisation internationale de la Francophonie surveillent de près l’évolution de l’usage du français dans les ins-tances internationales. Pas question

Aujourd’hui, 116 millions de personnes apprennent le français

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Fiche pédagogique28

Parle-‐moi d’elle, parle-‐moi de lui féminin/masculin pour décrire des personnages célèbres

Sensibilisation

« Aujourd’hui, nous allons mettre à l’épreuve votre culture générale ! Je vais vous citer quelques noms, et vous me direz si vous connaissez la personne en question, en m’indiquant si possible sa profession et sa nationalité. »Lisez à voix haute, les noms des célébrités du doc. 1 et laissez le groupe répondre avec le plus de précision pos-‐sible. Les apprenants peuvent bien sûr apporter d’autres éléments d’information que la profession et la nationalité ; au fur et à mesure de leurs réponses, notez les mots cor-‐respondant à ces deux seuls éléments (voir doc. 2). Il se peut que les apprenants ne connaissent pas la nationalité exacte, mais qu’ils identifient le continent d’origine : notez-‐le aussi. Si plusieurs professions ou des synonymes sont cités, incluez-‐les.

Conceptualisation

Distribuez le doc. 2, où les réponses au test de culture générale sont classées par colonnes selon la règle encore non dite de transformation masculin/féminin. Si certaines des réponses apportées par votre groupe n’ont pas été considérées, ajoutez-‐les en demandant aux apprenants de proposer un emplacement. Contentez-‐vous d’accepter les bonnes propositions ou de refuser les mauvaises, l’objectif étant d’encourager implicitement les apprenants à commencer individuellement la formulation d’hypothèses.Demandez au groupe sur quel point de grammaire porte la séquence, puis de compléter les trous des deux dernières colonnes en essayant d’inférer la logique du classement. Une fois que le tableau est rempli, proposez aux appre-‐nants – organisés par équipes de deux ou trois partici-‐pants – de trouver la meilleure formulation orale des règles correspondantes. Puis organisez une mise en commun afin de contraster les points de vue et d’aboutir à une formu-‐lation collective satisfaisante, qui sera ensuite recopiée dans les cases correspondantes de la première colonne du doc. 2. L’objectif n’est pas de retrouver à l’identique une règle préexistante mais bien de construire ensemble une règle opératoire.

Systématisation

Systématisation écrite. Demandez aux apprenants de trouver, pour chacun des mots écrits au tableau, le féminin ou le masculin. Ajoutez des adjectifs et des substantifs ne figurant pas sur la liste initiale mais obéissant aux mêmes règles. Par exemple, incluez (dans le désordre) :

Invariables en –e Asiatiaque. Jeune. Ministre. Scientifique.

+e Anglais. Brillant. Éminent. Grand. Petit.

+[consonne]+e Ancien. Culturel. Européen. Iranien. Semestriel.

–er > –ère Boulanger. Caissier. Conseiller. Étranger. Ouvrier.

–teur > –trice Administrateur. Agriculteur. Compositeur.

–eur > –euse Coiffeur. Danseur. Menteur. Vendeur. Voleur.

–f > –ve Actif. Attentif. Créatif. Positif. Subjectif.

Systématisation orale. Divisez le groupe en équipes. En réutilisant tous les substantifs et tous les adjectifs, pro-‐posez les phrases sur le modèle ci-‐dessous.

« En Égypte, il y a des Égyptiens et des... . » (Égyptiennes) « Il y avait des danseuses et des... ». (danseurs) « J’ai vu des spectateurs et des.... » (spectatrices)

Doc. 1

« Connaissez-vous... ? » Réponse attendueAimé Césaire C’est un écrivain (poète,

dramaturge) et un homme politique martiniquais.

Alain Ducasse C’est un chef (cuisinier) français.

Angela Merkel C’est une femme politique allemande.

Brad Pitt C’est un acteur américain.Ernesto Che Guevara C’est un homme politique

argentin.etc... etc...

Objectifs linguistiques : Maîtriser les règles de base de formation du féminin et du masculin des adjectifs et des substantifs.

Objectifs langagiers :

Production orale : décrire quelqu’un (profession, nationalité). Savoir-‐apprendre : inférer des règles en acceptant de formuler des hypothèses à partir de connaissances partielles. Interculturel : mieux connaître des célébrités francophones et non-‐francophones ; être capable de parler des célébrités nationales.

Public : A1 et plus. Grands adolescents et adultes.

Matériel : Documents fournis ou adaptations ad hoc élaborées par l’enseignant.

Page 31: Francophonies du Sud N°25

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Doc. 2

... ...... ...

BelgeCinéasteEssayiste...PeintrePoète(Homme) politiqueScénariste

Artiste.........GuatémaltèquePeintre...(Femme) politiqueScénariste

... Américain...ArgentinEspagnolFrançaisMartiniquais......SénégalaisSud-africain

...Allemande............MexicaineQuébécoise...Sud-africaine

... ColombienÉgyptien.........Péruvien

Colombienne...GuadéloupéenneIvoirienneMusicienne...

etc... etc... etc...Haydée Silva

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Réinvestissement. Réutilisation libre.

Finalement, faites préparer, individuellement ou par équipes, de courtes énigmes pour présenter un person-‐nage célèbre dont le groupe devra deviner l’identité à partir des indices donnés. Celui qui devine a le droit de proposer à son tour une énigme.Suggérez aux apprenants de conserver leur tableau de synthèse (doc. 3), en y ajoutant le doc. 4 (qui reprend des adjectifs irréguliers courants), puis de compléter leurs listes au fil de leurs découvertes, tout au long de leur apprentissage.

Doc. 3

Masculin FémininInvariables en –e Artiste

BelgeArtisteBelge

+e AllemandFrançais

AllemandeFrançaise

+[consonne]+e ÉgyptienGuadéloupéenIvoirienMusicien

ÉgyptienneGuadéloupéenneIvoirienneMusicienne

–er > –ère CuisinierRomancier

CuisinièreRomancière

–teur > –trice Acteur Actrice

–eur > –euse Chanteur Chanteuse

–f > –ve Sportif Sportive

–x > –se Sérieux Sérieuse

Invariables (autres)1

AuteurChefÉcrivain

Auteur(e)ChefÉcrivain(e)

Doc. 4

Beau Belle

Blanc Blanche

Doux Douce

Fou Folle

Frais Fraîche

Grec Grecque

Long Longue

Nouveau Nouvelle

Sec Sèche

Vieux Vieille

etc... etc...

(1) Pour une liste de règles plus détaillées, consultez votre précis de grammaire ou un site Internet spécialisé, par exemple http://www.parcours.ca/grammaire/feminin.html.

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Fiche pédagogique

Savoir analyserune image de révolte

Objectifs :

À partir des photos et des images diffusées dans les médias, apprendre à décoder le langage du reportage visuel. Savoir appréhender les limites du travail journalistique et décrypter le « discours de l’image ».

Public :

2nde, 1ère, Terminale

Matériel : Photos des révoltes qui secouent le Maghreb, dont la plupart sont disponibles sur les sites d’information en ligne ou sur Google Images.

Pré-‐requis : Définition des mots « révolte », « révolution » et « passionaria ». Rappel des évènements qui ont secoué la Tunisie et l’Égypte ces derniers mois.

Méthodologie : Constituer des groupes de deux personnes et distribuer le matériel photographique. Chaque binôme répond aux questions avant la mise en commun.

Questions :Identifier les éléments saillants qui ressortent de cette image ? Quel genre de révolte suggère-‐t-‐elle ? Quelles sont les qualités et les limites de cette image ?

Réponses :

Les éléments saillants : Une foule de jeunes manifestants. Les cagoules et les mouchoirs sur les visages suggèrent un contexte violent (usage de gaz lacrymogènes), de même

Doc. 1

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Manifestation en Tunisie, contre le régime du Président Ben Ali, le 14 janvier 2011

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Questions :

Quels éléments d’information sont fournis par cette photo ? Quels éléments y relèvent plus particulièrement du registre des émotions ? Quels adjectifs emploieriez-‐vous pour qualifier cette photo ?

Les éléments d’information : Police anti-‐émeute, matraques et boucliers, manifes-‐tante désarmée. Cette photo résume à la fois la détermination du pouvoir égyptien qui déploie des moyens policiers impor-‐tants pour contrer les manifestants et celle des manifestants qui, comme cette jeune femme, continuent de crier victoire même à genoux. La photo ne nous apprend pas en revanche si cette jeune femme a été arrêtée ou si elle s’est elle-‐même postée devant le cordon de police. Le contexte suggéré est celui d’un « face-‐à-‐face tendu ».

Les éléments d’émotion : La détermination, mais aussi la souffrance sont traduits par l’attitude et la posture de cette passiona-‐ria. On note des éléments symboliques très précis. Le rouge du foulard suggère le sang qui n’a pas été encore versé. Le pansement sur la joue de la jeune femme, même s’il n’a peut-‐être rien à voir avec la manifestation, symbolise la violence. Le policier aux yeux fermés semble ne pas vouloir contempler cette scène. L’opposi-‐tion homme-‐femme, répression-‐résistance, mérite d’être soulignée.

Quels mots-‐clés pour définir cette photo ? : tragédie, drame, résistance, répression.

Pour aller plus loin, on peut s’efforcer de trouver plusieurs manières de légender les documents 1 et 2. Analyser ensuite les choix effectués : quels faits sont mis en valeur ? Dans quel registre émotionnel se situe-‐t-‐on ? Peut-‐on réussir à formu-‐

ler des légendes uniquement factuelles ? Faire prendre conscience aux élèves qu’une photo, même si elle paraît « objective » donne, en réalité, toujours un point de vue et que, de même, une légende n’est pas non plus un texte indifférent.

Alex Ndiaye

que les débris et les pierres qui jonchent le sol. Ces jeunes font le « V » de la victoire et applaudissent. Ils viennent donc de remporter une victoire sans que l’on sache laquelle.

Quel genre de révolte ? : L’image suggère une révolte populaire (des jeunes dans la rue), patriotique (l’usage du drapeau comme emblème), mais aussi violente (absence de filles ou de femmes). Elle suggère aussi une occupation de la rue par la population. La violence n’est pas montrée, mais elle est présente à travers les éléments déjà cités (cagoules et débris sur le sol, mouchoirs sur les visages qui suggèrent qu’il y a de la fumée, alors qu’on ne la voit pas).

Qualité et limites de cette image : comme toutes les images d’actualité, celle-‐ci propose un moment particulier d’un récit que le spectateur est invité à reconstituer en imaginant l’avant et l’après. Hors de son contexte, cette image peut donc induire en erreur ou apporter trop peu d’information. On ne sait pas à quel camp appartiennent ces manifestants. Ainsi, une image sans légende ou sans texte reste un vecteur incomplet d’information, même si son pouvoir de suggestion et d’identification (je pourrais être dans cette foule) dépasse de loin celui du texte écrit.

Doc. 2

Réponses :

Pendant les manifestations de janvier 2011 en Égypte

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Fiche pédagogique32

Utiliser Internetpour faire ses devoirsObjectifs : Découvrir les avantages que procure Internet pour l’enseignement et l’apprentissage d’une langue, apprendre à l’utiliser comme outil de travail pédagogique au même titre que les livres.

Public : Enfants, jeunes et adultes.

Niveaux : A1/A2, BI/B2, CI/C2

Avant de commencer

Bien qu’on puisse utiliser cette fiche sans matériel infor-‐matique, il est important de savoir au préalable si l’école possède une salle informatique ou pas, s’il y a un ordinateur par classe ou par élève.Ensuite, selon les publics, les pays et le niveau d’accès à Internet, l’enseignant pourrait introduire le sujet du jour en posant ces questions :

Possédez-‐vous un ordinateur personnel ou familial ?Avez-‐vous une connexion Internet ?Quelles activités faites-‐vous le plus souvent sur Inter-‐

net ? (messagerie Hotmail/Yahoo/Gmail, réseaux sociaux tels que Facebook/Twitter/Myspace, recherches d’ordre général, recherches pour les devoirs, jeux, achats en ligne, téléchargement vidéo, audio, tutoriaux…)

Le jeu de comptabilisation des réponses recueillies per-‐mettra de montrer aux participants qu’ils utilisent peu, souvent ou beaucoup Internet pour leurs devoirs.

Conceptualisation

En vue de vérifier les méthodes de travail de la classe, l’enseignant peut proposer un sujet et demander à ses élèves comment ils procéderaient pour le traiter. On peut prendre l’exemple d’un devoir de rédaction sur la présen-‐tation d’un héros romantique.Certains voudront chercher la définition de cette notion dans un dictionnaire, auprès de leur entourage ou dans n’importe quel autre livre. D’autres iront spontanément sur un moteur de recherche tel que Google et taper les deux, voire trois mots-‐clés, à savoir « héros », « romantique » et dans une moindre importance « présentation », d’autres encore seront plus adeptes de Wikipédia… La meilleure solution étant de compléter les différentes sources car les sites que proposent Google comme Wikipédia comportent parfois des informations erronées.Par la suite, chacun ou chaque groupe sera invité à faire le compte-‐rendu de ses recherches, que ce soit en biblio-‐thèque ou sur le Net. Cette activité favorisera ainsi la production orale et montrera également qu’Internet est un

outil pédagogique comme un autre à utiliser à bon escient en évitant le « copier-‐coller » ou le plagiat.

Réinvestissement

Dans l’enseignement des langues, Internet offre des possibilités inouïes (à la fois pour l’enseignant et pour l’apprenant). Quelques pistes à explorer :

recherche en amont d’une leçon : http://www.google.fr/#hl=fr&q=h%C3%A9ros+romantique&aq=f&aqi=g6&aql=&oq=&fp=c368f4c4e3b73f2e

recherche en aval pour approfondir certains chapitres grâce à des tutoriaux : http://www.toocharger.com/s-‐tutoriel-‐audacity-‐en-‐fran-‐1984.htm

production écrite avec la réalisation d’un journal, d’une brochure avec des images ou des vidéos récupé-‐rées sur la Toile, d’un blog collaboratif à alimenter par toute la classe

suivi individualisé ou personnalisé via les outils de discussion tels que MSN, Yahoo Messenger ou Skype…

téléchargement des chansons à écouter ou vidéos à regarder, idéal pour des exercices de prononciation par exemple : http://www.rfi.fr/lffr/statiques/accueil_ap-‐prendre.asp http://www.tv5.org/cms/chaine-‐franco-‐phone/Langue-‐Francaise/p-‐7174-‐Langue-‐francaise.htm

Dans tous les cas, en cas de recherche d’informations, il ne faut jamais oublier qu’Internet est la porte ouverte au tout et au n’importe quoi. Une information ne doit pas être prise pour argent comptant, sauf lorsque l’on se trouve sur un site officiel. Le mieux est de toujours recroiser les informations (et donc plusieurs sources) afin de vérifier leur véracité.

Chantal Baoutelman

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L’Organisation internationale de la Francophonie s’installe dans ses nouveaux locaux

à partir de février 2011

L’Organisation internationale de la Francophonie est une institution fondée sur le partage d’une langue, le français, et de valeurs communes. Elle rassemble 56 États et gouvernements membres et 19 observateurs, totalisant une population de 890 millions de personnes. On recense 220 millions de locuteurs de français dans le monde.

www.francophonie.org

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Supplément au n°374 de Le français dans le monde. Ne peut être vendu séparément.

ISBN 978-2-09-037209-0ISSN 0015-9395