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FRANCOPHONIE ENTRETIENS JACQUES CARTIER CAHIER SPÉCIAL K L E D E VO I R , L E S SA M E D I 1 9 E T D I M A N C H E 2 0 N OV E M B R E 2 01 6 Mobilité Lyon expérimente une navette sans pilote Page K 4 La médecine personnalisée gagne des adeptes Page K 3 PHOTOS VISUCREA Le quartier Confluence se situe sur la presqu’île de Lyon (France), proche de la confluence du Rhône et de la Saône. Voué depuis toujours aux activités industrielles, portuaires et au marché de gros, ce quartier a radicalement avec l’ouverture d’un musée, la construction d’immeubles d’habitation et le prolongement des lignes de transport en commun. Le monde change, les Entretiens aussi Entrevue avec le président du Centre Jacques Cartier, Pierre Marc Johnson HÉLÈNE ROULOT-GANZMANN Collaboration spéciale «L e monde dans lequel nous vivons a beaucoup changé, les problématiques sociales ont évolué, de nouveaux modes culturels ont émergé, principalement du fait de la nouvelle écono- mie, explique M e Johnson. Les Entretiens Jacques Cartier se devaient d’en tenir compte pour rester pertinents. C’est pourquoi nous avons plus de conférences qui traitent des nou- velles technologies, du numérique, de l’entre- preneuriat, de l’économie. Avec une présence toujours très grande des acteurs universitaires, mais une présence aussi de plus en plus grande des acteurs institutionnels et des acteurs du privé. » Changer de cap Pierre Marc Johnson admet bien vo- lontiers que durant leurs vingt-sept pre- mières années, les Entretiens Jacques Cartier ont toujours été de très haute facture, avec aussi de grandes réunions, de grandes réceptions. Mais il assume que le moment était venu de changer de cap afin d’aller chercher des intervenants et un public ailleurs que parmi l’élite universitaire. Et ce, afin de pouvoir débattre de manière moins théorique, avec un meilleur ancrage sur le terrain. « Il est très important que l’université demeure un espace de recherche fondamentale avec une par- tie des chercheurs qui n’auraient d’autre mission que de faire avancer la connaissance, convient l’ex- premier ministre du Québec. Mais nous vivons une époque de transformation radicale de l’écono- mie et de nos modes de vie. Ces changements sur- viennent avec une rapidité déconcertante. Le numé- rique, les mégadonnées, les algorithmes envahissent nos vies. Les universités peuvent contribuer à trou- ver des solutions, mais elles ne peuvent le faire seules. C’est pourquoi il nous apparaît important que toutes les sphères de la société se rencontrent pour échanger leurs points de vue. » S’ancrer dans le réel Premier exemple, la santé. Les prochains En- tretiens consacreront de nombreux colloques à ce secteur. L’innovation sera au cœur des débats, mais sans jamais perdre de vue la relation avec le patient. « On va discuter de la manière dont les hôpitaux peuvent et doivent s’adapter à l’avènement de la santé personnalisée, explique M e Jonhson. Il sera question de la problématique des territoires dans le domaine de la santé publique. Quelles sont les réorientations des systèmes de santé publique en fonction de ce qui se passe dans les différents territoires ? Nous allons aussi parler de l’utilisation du numé- rique, de la réalité virtuelle, qu’elle soit cognitive ou motrice, et des “jeux sérieux” comme outil de réadaptation. On voit qu’on reste dans des sujets de pointe et, qu’en même temps, on répond à des besoins qui sont nouveaux. » Besoins nouveaux, réponses nouvelles, donc. Comme ce marathon de programmation (hackathon) en santé, qui permettra à des cher- cheurs à la fois au Québec et en Auvergne- Rhône-Alpes de réfléchir, via Internet, à des problèmes qui leur seront soumis en direct. « Quelqu’un qui gère une urgence et qui a des problèmes particuliers pourra soumettre son pro- blème, les chercheurs de part et d’autre de l’At- lantique pourront réfléchir ensemble à des solu- tions, explique M e Johnson. Ce n’est pas une conférence, c’est une réunion d’experts à travers le monde. » Cette volonté d’ancrer les discussions dans le réel, dans le quotidien des gens, traversera tous les événements de ces 29 e Entretiens Jacques Cartier. Dans le domaine de l’urbanisme, il sera question de villes intelligentes. La laïcité sera au cœur d’un colloque, mais on se questionnera VOIR PAGE K 5 : MONDE Pierre Marc Johnson Jusque-là très centrée sur les échanges entre chercheurs, la mission des Entretiens Jacques Cartier s’est transformée ces deux dernières années afin de répondre plus concrètement aux grandes problématiques qui traversent aujourd’hui la société. Selon l’ex-premier ministre du Québec Pierre Marc Johnson, aujourd’hui président du Centre Jacques Cartier, il s’agit tout simplement de gagner en pertinence. JACQUES NADEAU LE DEVOIR Les entretiens Jacques Cartier sont organisés alternativement au Québec et en région Auvergne — Rhônes-Alpes depuis 1987.

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FRANCOPHONIEENTRETIENS JACQUES CARTIER

C A H I E R S P É C I A L K › L E D E V O I R , L E S S A M E D I 1 9 E T D I M A N C H E 2 0 N O V E M B R E 2 0 1 6

Mobilité Lyonexpérimente unenavette sans pilotePage K 4

La médecinepersonnalisée gagnedes adeptes Page K 3

PHOTOS VISUCREA

Le quartier Confluence se situe sur la presqu’île de Lyon (France), proche de la confluence du Rhône et de la Saône. Voué depuis toujours aux activités industrielles, portuaires et au marché de gros, cequartier a radicalement avec l’ouverture d’un musée, la construction d’immeubles d’habitation et le prolongement des lignes de transport en commun.

Le monde change, les Entretiens aussiEntrevue avec le président du Centre Jacques Cartier, Pierre Marc Johnson

H É L È N E R O U L O T - G A N Z M A N N

Collaboration spéciale

« L e monde dans lequel nousvivons a beaucoup changé,les problématiques socialesont évolué, de nouveauxmodes culturels ont émergé,

principalement du fait de la nouvelle écono-mie, explique Me Johnson. Les EntretiensJacques Cartier se devaient d’en tenir comptepour rester per tinents. C’est pourquoi nousavons plus de conférences qui traitent des nou-velles technologies, du numérique, de l’entre-preneuriat, de l’économie. Avec une présencetoujours très grande des acteurs universitaires,mais une présence aussi de plus en plusgrande des acteurs institutionnels etdes acteurs du privé. »

Changer de capPierre Marc Johnson admet bien vo-

lontiers que durant leurs vingt-sept pre-mières années, les Entretiens JacquesCartier ont toujours été de très hautefacture, avec aussi de grandes réunions,de grandes réceptions. Mais il assumeque le moment était venu de changerde cap afin d’aller chercher des intervenants etun public ailleurs que parmi l’élite universitaire.Et ce, afin de pouvoir débattre de manièremoins théorique, avec un meilleur ancrage surle terrain.

«Il est très important que l’université demeureun espace de recherche fondamentale avec une par-tie des chercheurs qui n’auraient d’autre missionque de faire avancer la connaissance, convient l’ex-premier ministre du Québec. Mais nous vivonsune époque de transformation radicale de l’écono-mie et de nos modes de vie. Ces changements sur-viennent avec une rapidité déconcertante. Le numé-rique, les mégadonnées, les algorithmes envahissentnos vies. Les universités peuvent contribuer à trou-ver des solutions, mais elles ne peuvent le faireseules. C’est pourquoi il nous apparaît importantque toutes les sphères de la société se rencontrentpour échanger leurs points de vue.»

S’ancrer dans le réelPremier exemple, la santé. Les prochains En-

tretiens consacreront de nombreux colloques àce secteur. L’innovation sera au cœurdes débats, mais sans jamais perdre devue la relation avec le patient.

«On va discuter de la manière dont leshôpitaux peuvent et doivent s’adapter àl’avènement de la santé personnalisée,explique Me Jonhson. Il sera question dela problématique des territoires dans ledomaine de la santé publique. Quellessont les réorientations des systèmes desanté publique en fonction de ce qui sepasse dans les dif férents territoires ?

Nous allons aussi parler de l’utilisation du numé-rique, de la réalité virtuelle, qu’elle soit cognitiveou motrice, et des “jeux sérieux” comme outil deréadaptation. On voit qu’on reste dans des sujetsde pointe et, qu’en même temps, on répond à des

besoins qui sont nouveaux. »Besoins nouveaux, réponses nouvelles, donc.

Comme ce marathon de programmation(hackathon) en santé, qui permettra à des cher-cheurs à la fois au Québec et en Auvergne-Rhône-Alpes de réfléchir, via Internet, à desproblèmes qui leur seront soumis en direct.

«Quelqu’un qui gère une urgence et qui a desproblèmes particuliers pourra soumettre son pro-blème, les chercheurs de part et d’autre de l’At-lantique pourront réfléchir ensemble à des solu-

tions, explique Me Johnson. Ce n’est pas uneconférence, c’est une réunion d’experts à traversle monde. »

Cette volonté d’ancrer les discussions dans leréel, dans le quotidien des gens, traversera tousles événements de ces 29e Entretiens JacquesCartier. Dans le domaine de l’urbanisme, il seraquestion de villes intelligentes. La laïcité sera aucœur d’un colloque, mais on se questionnera

VOIR PAGE K 5 : MONDE

Pierre MarcJohnson

Jusque-là très centrée sur les échanges entre chercheurs, la mission des Entretiens JacquesCartier s’est transformée ces deux dernières années afin de répondre plus concrètement auxgrandes problématiques qui traversent aujourd’hui la société. Selon l’ex-premier ministre duQuébec Pierre Marc Johnson, aujourd’hui président du Centre Jacques Cartier, il s’agit toutsimplement de gagner en pertinence.

JACQUES NADEAU LE DEVOIR

Les entretiens Jacques Cartier sont organisés alternativement au Québec et en région Auvergne —Rhônes-Alpes depuis 1987.

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Ce cahier spécial a été produit par l’équipe des publications spéciales du Devoir en collaboration avec le Centre Jacques Cartier. Ce dernier n’a cependant pas eu de droit de regard sur les textes. Pour toute demande d’information quant au contenu de ce cahier, vous pouvez contacter par courriel Loïc Hamon, directeur des publications spéciales, à [email protected].

Pour vos projets de cahiers ou toute autre information au sujet de la publicité, vous pouvez contacter Lise Millette, vice-présidente des ventes publicitaires, à l’adresse courriel [email protected].

Lyon accueillera du 21 au 23 novembre lesEntretiens Jacques Cartier, qui réunissentchaque année des acteurs stratégiques desmilieux de la recherche, des af faires et de laculture du Québec et de la région Auvergne-Rhône-Alpes. En poste depuis deux ans, Fré-déric Bove, directeur général du CentreJacques Cartier, a eu comme mission de repo-sitionner les Entretiens. Entrevue.

M A R T I N E L E T A R T E

Collaboration spéciale

M ontréal rayonne en matière de numé-rique, de mégadonnées, d’intelligence

artificielle, de recherche en santé et d’éner-gie électrique. Lyon se démarque aussi dansle domaine de la santé et du numérique avecles villes de Saint-Étienne et de Clermont-Ferrand, toutes des « French Tech » très ac-tives dans le démarrage d’entreprises tech-nologiques. Des secteurs de pointe où sontmis à profit des chercheurs et des entre-prises qui doivent de plus en plus travailler

ensemble, avec les instanceslocales et les investisseurs,pour créer des territoires in-novants et attirants.

« Montréal et Lyon sont trèsbien armées pour relever lesdéfis liés à l’innovation et montravail a été de repérer les sec-teurs les plus stratégiques oùon peut accélérer la créationde valeur au sens large », ex-

plique Frédéric Bove, Lyonnais d’origine etMontréalais d’adoption, bien heureux de pou-voir travailler à tisser des liens entre cesdeux territoires.

Nouveaux thèmesFrédéric Bove a fouillé et a fait des choix,

puis des regroupements, pour arriver à uneprogrammation resserrée. Celle-ci se déclineen huit thèmes récurrents : Santé et sciencesde la vie, Énergie et développement durable,Mobilité, territoires et villes intelligentes(smart cities), Enjeux sociaux et économiques,Finances et affaires juridiques, Numérique ettechnologies, Entrepreneuriat, puis Culture, artet performance.

« Je souhaitais choisir des secteurs où des ac-teurs importants pourront se rencontrer, échan-ger sur des enjeux importants actuellement etpourront collaborer pour trouver des solutions »,explique M. Bove.

En plus des écosystèmes du numérique, il y

aura une première rencontre entre les milieuxde la finance.

«Montréal devient un lieu important de la fin-tech [technologie financière] et je crois que Fi-nance Montréal et Lyon Place Financière et Ter-tiaire auront bien des choses à se dire », affirmeFrédéric Bove.

En plus de permettre aux écosystèmes finan-ciers des deux régions de mieux se connaître, ilsera question de développement de fintech etd’occasions d’investissement de part et d’autre.

L’entrepreneuriat, notamment à saveur fémi-nine, sera aussi à l’honneur avec la présence del’entrepreneuse québécoise et « ex-dragonne »Danièle Henkel.

«Ce sera la première fois que le réseau de l’en-trepreneuriat féminin du Québec rencontrera ce-

lui de Grenoble et de Lyon», se réjouit le direc-teur général.

Séduire la relèveDepuis l’an dernier, les Entretiens Jacques

Cartier tiennent aussi des classes de maître(master class). Cette année, Éric Fournier, l’undes patrons de Moment Factory, en donneraune.

« Ces master class se veulent des momentstrès inspirants, où on a la chance d’avoir despersonnalités intéressantes qui viennent parta-ger leur vision, leurs expériences, leur parcours,leurs valeurs, et je suis vraiment très heureux depouvoir rendre la chose possible », indique Fré-déric Bove, d’ailleurs un ex-cadre de MomentFactory.

Cette nouvelle formule permet aussi d’allerchercher un nouveau public.

«Les master class attirent beaucoup de jeuneset d’étudiants, qui seront les futurs conférenciersdes Entretiens, ajoute-t-il. C’est un élément im-portant pour le renouveau de notre public et denotre projection dans le futur. »

Les Entretiens Jacques Cartier organisentaussi la table ronde« Lorsque l’entrepreneurs’engage dans la cité : le cas de Montréal». Lesconférenciers seront Alexandre Taillefer, parte-naire du fonds d’investissement XPND Capitalet fondateur du service de taxi électrique TéoTaxi, Stephen Bronfman, président du fondsd’investissement privé Claridge, et BertrandCesvet, président du conseil et associé principalde l’agence de créativité commerciale Sid Lee.

« Ce sera intéressant de voir comment ces en-trepreneurs s’investissent dans la ville personnel-lement et professionnellement, puis de mieuxcomprendre leur volonté de faire en sor te queleurs actions profitent à la ville », explique Fré-déric Bove, également chargé de cours à HECMontréal en management, entrepreneuriat, in-novation et créativité.

Retombées souhaitéesEn plus d’inspirer et de susciter des rencon-

tres pour élargir les réseaux des participants, leCentre Jacques Cartier souhaite amener desretombées concrètes au Québec comme enFrance.

Pour la première fois cette année d’ailleurs,les Entretiens organisent une soirée de réseau-tage pour les entrepreneurs et les conféren-ciers du monde des affaires.

Puis, la Chambre de commerce du Montréalmétropolitain tient une mission commerciale àLyon et dans sa région tout de suite après lesEntretiens.

Plusieurs accords de partenariat sont aussisignés entre universités québécoises et fran-çaises grâce aux Entretiens.

« Cette année, ce sera l’Université de Lyon etl’Université de Sherbrooke qui signeront un ac-cord sur l’entrepreneuriat, indique M. Bove.L’Agence pour le développement économique dela région lyonnaise (ADERLY) signera un ac-cord avec Montréal International, Montréal In-Vivo et la Cité de la biotech. Chaque année, nousdécouvrons que des entreprises ont rencontré denouveaux partenaires aux Entretiens, ou encorequ’une université a trouvé de nouveaux collabo-rateurs de recherche. Les Entretiens sont un outilprivilégié pour accélérer le développement de dif-férents types de collaboration. »

La programmation des Entretiens Jacques Cartier 2016 :www.centrejacquescartier.com/les-entretiens

LES ENTRETIENS JACQUES CARTIER 2.0

Convergence stratégique entre Montréal et Lyon

JACQUES NADEAU LE DEVOIR

Les Entretiens Jacques Cartier organisent aussi la table ronde «Lorsque l’entrepreneur s’engagedans la cité : le cas de Montréal ». Un des conférenciers sera Alexandre Taillefer, fondateur du taxiélectrique Téo.

Frédéric Bove

DE MÉGANTIC À LYON

Innover pour réenchanter la ville

R É G I N A L D H A R V E Y

Collaboration spéciale

C e concept même de réen-chantement urbain émane

de Thierry Roche, architectelyonnais qui figure comme par-tenaire dans l’application duPlan d’action 2015-2020 à Lac-Mégantic. Une population por-tant toujours les stigmates dudrame qui s’est déroulé en sesmurs le 6 juillet 2013 assisteprésentement à l’applicationde ce plan qui vise à « réinven-ter la ville », à la faire renaîtrelittéralement de ses cendres.

Stéphane Lavallée, le direc-teur du Bureau de reconstruc-tion du centre-ville de cettemunicipalité de près de 6000habitants, gère les opérations.C’est à ce titre qu’il participeauxEntretiens Jacques Cartier,qui se tiennent cette année àL yon du 21 au 23 novembre.Voici ce qui se dégagera deses propos : « J’explique com-ment notre démarche de parti-cipation citoyenne se situe aucœur du processus de recons-truction. Non seulement elle estpor teuse d’un plan qui estconsensuel, mais elle sert aussià développer une communautéet des individus plus résilients. »

Il apporte l’éclairage suivantsur la notion de résilience :« On doit s’y intéresser parceque nous sommes soumis au-jourd’hui de plus en plus à desrisques technologiques, commecela s’est produit à Lac-Mégan-tic, ou à des risques clima-tiques, comme on l’a vu à Fort

McMurray. Comme individu,non seulement on se doit de pas-ser à travers ces épreuves-là,mais on doit en faire des trem-plins pour se développer mieuxet davantage. » Sur le plan col-lectif, ajoute-t-il, cette rési-lience veut dire chez nous « re-bondir plus loin et reconstruireen mieux ». Il résume sa pen-sée par ce questionnement :« Comment des événements dela vie, d’ordre personnel ou col-lectif, qui sont troublants à labase, qui sont bouleversants etqui sont des tragédies, peuvent-ils devenir des occasions de sepropulser et d’aller plus loin enavant?»

L’implication citoyenneEn fait, il s’agissait au départ

de reconstruire le cœur histo-rique d’une ville et, en mêmetemps, de retrouver des re-pères, «parce qu’on a perdu lesprincipaux qu’on avait, sou-ligne-t-il, sur le plan social en-tre autres ».

Face à un événement excep-tionnel, un projet se met alorsen branle, comme le démontrele directeur : «On a très vite dé-cidé qu’on n’allait pas vers uneconsultation citoyenne, maisvers une par ticipation ci-toyenne. » À la suite de quoi ons’est retrouvé dans une entre-prise de cocréation, de cocon-ception. « Tout est sur la table,mais en même temps rien ne setrouve sur celle-ci, la page estblanche : et maintenant, com-ment reconstruiriez-vous lecœur de votre ville si on vous en

donnait les moyens?»La réponse à cette question

apparaît maintenant commesuit : « Tout cela s’est “cocons-truit” petit à petit, dans unegrande par tie en continuitéavec ce qui existait auparavant,mais également en apportantpour beaucoup de l’innovationsociale et de nouvelles perspec-tives de développement. » Il enrésulte que Lac-Mégantic dis-pose d’un plan d’action quin-quennal de reconstr uctioncomportant des projets priori-taires identifiés et portés parles citoyens.

La prison devenue université

Recteur de l’Université ca-tholique de Lyon, un établisse-ment de quelque 11 500 étu-diants, Thierry Magnin figurelui aussi comme un des invitéslors du colloque Innover pourréenchanter la ville. Il fait partdu témoignage qu’il appor-tera : « Mon intervention vised’abord à raconter des élémentsclés de cette métamorphose quenous avons accomplie en trans-formant une ancienne prison,qui est devenue un campus uni-versitaire de 36 000 mètres car-rés en plein cœur de la ville deLyon. Elle se situe au début dunouveau grand quartier d’af-faires de Confluence, qui est endéveloppement et qui est situéau centre-ville. »

Il fait appel à un impact ar-chitectural et à un symbole ex-trêmement fort pour décrirecette transformation d’une pri-son obsolète au caractère si-nistre en campus modernebien de son temps : «C’est à lafois un enracinement dans latradition et une étape complète-ment nouvelle pour cet établis-sement. L’impact que cette réali-sation a pu avoir sur nous etsur l’ensemble de la métropole

lyonnaise est déjà très fort. »Il se penchera sur le volet ar-

chitectural du projet achevé :«L’architecture qui a été choisiepour ce campus dit quelquechose car nous avons voulu à lafois garder une tradition des an-ciens murs complètement réno-vés et une ouver ture sur leXXIe siècle avec des salles et desamphithéâtres propres aux in-novations pédagogiques qui sedémarquent de nos jours. »

Le recteur se tournera par lasuite vers un espace de travailpar tagé qui a nouvellementpris forme. Il en vante les mé-rites : «La salle est d’une dimen-sion de 400 mètres carrés. Onpeut y rassembler un nombretrès variable (2, 10, 20, 100,150) d’étudiants, avec une utili-sation très forte du numérique.»Il fait obser ver « qu’on y tra-vaille en intelligence artificielleet l’un des objectifs, c’est de pou-voir s’ouvrir au dernier cri desinnovations dans ce domaine,en les croisant avec une visiondes [sciences humaines] ditesnumériques».

Retombées urbaines élargies

Thierr y Magnin rappor teque cette transformation « aévidemment eu un impact trèspuissant dans l’ensemble de laville ». Il en est allé de la sortesur le plan des concours tenusdans le but de retenir des en-treprises susceptibles d’acqué-rir les ter rains devenus va-cants pour y construire des ha-bitations neuves.

En fin de compte, deux pro-jets ont pris forme dans ceslieux : un à caractère éducatif,soit le campus, et un à carac-tère social, soit des logements.« Il existe une résidence étu-diante de mixité sociale, avecdes étudiants et des personnesen précarité de santé. »

Il dépeint plus en détail ceque sont devenus ces lieux :« Nous avons repris la prisonSaint-Paul, qui est devenu lecampus et, à côté, il y avait laprison Saint-Joseph, qui estmaintenant occupée par des loge-ments sociaux et dont fait partiecette résidence mixte.» Se retrou-

vent également dans les envi-rons des immeubles de bu-reaux dont les espaces sontconsacrés aux industries à lafine pointe de la technologie :«De plus, nous avons fondé les“Ateliers de l’entrepreneuriat hu-maniste”, dont le quartier géné-ral est situé dans ces bâtiments.»

Au Québec, il y a le centre-ville ravagé de Lac-Mégantic enphase de reconstruction et de revitalisation. En France, àLyon, il y a la reconfiguration d’un tissu urbain occasionnéepar la conversion d’une ancienne prison en campus universi-taire. Dans un cas comme dans l’autre, le colloque Innoverpour réenchanter la ville traitera de ces expériences vécues.

BUREAU DE RECONSTRUCTION LAC-MÉGANTIC

La culture est au cœur du projet de reconstruction du centre-villede Lac-Mégantic. Ici, deux des 47 sculptures monumentalesréalisées après la tragédie de juillet 2013.

JEFF PACHOUD AGENCE FRANCE-PRESSE

Une des anciennes prisons de Lyon a été achetée par l’Universitécatholique de Lyon pour agrandir son établissement.

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FRANCOPHONIEL E D E V O I R , L E S S A M E D I 1 9 E T D I M A N C H E 2 0 N O V E M B R E 2 0 1 6 K 3

JACQUES NADEAU LE DEVOIR

Le Dr Fabrice Brunet explique que nos systèmes de soins actuels ont été construits au fur et à mesure du temps pour répondre auxbesoins d’une époque.

Les liens entre l’aménagement urbain et la santé publiquesont multiples et complexes. Le 21 novembre prochain, à l’oc-casion d’une journée d’étude intitulée Ter ritoires ensanté/Santé des territoires, plusieurs chercheurs et acteursde dif férents milieux de pratique québécois et rhônalpins seréuniront au Centre hospitalier Lyon-Sud pour réfléchir auximpacts des politiques d’urbanisme sur le bien-être des popu-lations. Tenue dans le cadre des Entretiens Jacques Cartier,cette journée d’étude permettra notamment à ses participantsd’échanger sur les enjeux de santé actuels et de tenter de ci-bler des pratiques et des stratégies pour une meilleure priseen compte de la santé des populations dans l’action publique.

TERRITOIRES EN SANTÉ

L’impact des politiquespubliques sur la santéde la population

Pour le Dr Fabrice Brunet,p.-d.g. du CHUM à Mont-réal, ainsi que pour Guil -laume Couillard, directeurgénéral adjoint des Hospicescivils de Lyon, aucun doutepossible ; ce n’est pas le pa-tient qui doit s’adapter auréseau hospital ier, maisbien l’inverse.

M A R I E - H É L È N E A L A R I E

Collaboration spéciale

L e 21 novembre, premièrejournée des Entretiens

Jacques Car tier à L yon, laconférence Nouvelles ap-proches de soins et santé per-sonnalisée : rôles des hôpitauxréunira des experts de dif fé-rents centres hospitaliers.L’objectif de cette journée estde comparer les évolutions dessystèmes de santé. Le Dr Fa-brice Brunet prononcera, en-tre autres, la conférence d’ou-verture alors que GuillaumeCouillard participera à une ta-ble ronde. Nous leur avonsparlé afin de mieux compren-dre cette notion de médecinepersonnalisée.

«Je suis un directeur d’établis-sement, mais je suis avant toutun médecin. Tout ce que nousfaisons, que ce soit en soins, enorganisation, en gestion, en en-seignement ou en recherche, atoujours comme objectif d’amé-liorer ce que nous of frons à lapopulation, que ce soit lorsquenous guérissons les maladies, lesprévenons ou gardons les gensen bonne santé. Ça fait partie dece que j’ai fait toute ma vie et lasanté personnalisée va danscette direction », raconte d’en-trée de jeu le Dr Fabrice Bru-net, p.-d.g. du CHUM et duCHU Sainte-Justine.

«La médecine a toujours étépersonnalisée! C’est un colloquesingulier, entre un patient et unmédecin ou une équipe médi-cale. Aujourd’hui, nous sommesdans une vision où nous adop-tons une approche qui permet dedéfinir la prise en charge, qu’ellesoit diagnostique ou thérapeu-tique, sur les données indivi-duelles du patient», explique leDr Brunet. On met de côté lesstatistiques et, de plus en plus,dans l’approche personnalisée,on va vers des indicateurs pré-cis de la maladie et du patient.Notamment avec des mar-queurs génétiques qui permet-tent de mieux définir quellesera la sensibilité des traite-ments en fonction du patient.«C’est une nouvelle façon de tra-vailler qui nécessite des change-ments de pratiques, et donc deschangements de culture, deschangements de modèles d’orga-nisation, de prescription et decontrôle des ef fets de cette pres-cription», poursuit-il.

Construction temporelleLe Dr Brunet rappelle que

nos systèmes de soins actuelsont été construits au fur et àmesure du temps pour répon-dre aux besoins d’une époque.

« Quand on a mis en place lespremiers hospices, c’était pourque les indigents puissent êtreabrités lorsqu’ils étaient ma-lades et soient traités. Ces hos-pices sont devenus des hôpitauxlorsque les traitements sont de-venus de plus en plus ef ficaces.Il n’y avait plus seulement l’ac-cueil et l’hébergement, il y avaitaussi le traitement des mala-dies aiguës, comme les infec-tions. Le problème est que cesbesoins, avec les progrès de lamédecine, ont donné naissanceà de plus en plus de maladieschroniques ou de maladiescomplexes. Dans ces deux cas,les hôpitaux doivent s’adapter àde nouveaux besoins de patientsqui autrefois, soit guérissaientsoit mouraient. » Ces maladieschroniques nécessitent quenos systèmes s’adaptent. « Ilspeuvent s’adapter defaçon rapide ou de fa-çon lente en fonctionde la rigidité desstructures et des chan-gements culturels né-cessaires », poursuit leDr Br unet, qui pré-cise que les Entre-tiens Jacques Cartiervont se pencher surd e s q u e s t i o n scomme : « Commentpeut-on changer laculture ? Peut-on faci-liter, dans les struc-tures organisation-nelles, en les rendantplus agiles, plus adap-tatives et plus évolu-tives, une transforma-tion rapide du systèmepour que la popula-tion y trouve une ré-ponse homogène etnon pas morcelée enpetits endroits et enpetites réponses à cha-cun de leurs petitsproblèmes?»

D’un côté ou del’autre de l’Atlantique,le concept est assezsemblable. Au Qué-bec, les initiatives etles réalisations nemanquent pas. Nousavons voulu aller voirailleurs ce qu’il enest. À Lyon, aux Hos-pices civils, secondcentre hospitalier uni-versitaire de France,le mouvement estdéjà en marche.

« Les soins de santé person-nalisés, c’est la conjonction dedéterminants : l’évolution de lascience, des techniques et despatients. À partir de là, il y acertaines implications, dont lanécessité d’évoluer pour chacundes acteurs du système desanté, en par ticulier pour leshôpitaux. Évoluer dans leurfonctionnement et dans leur or-ganisation dans un systèmeélargi au-delà du seul systèmede santé. C’est quelque chosequi est très profond, qui inter-roge des habitudes très ancrées.Néanmoins, depuis plusieursannées, on essaie de sortir dusystème hospitalo-centré. Beau-coup d’ef forts ont été faits pourmieux intégrer l’hôpital dans le

parcours du patient. C’est uneidée maintenant assez bien ac-ceptée. Après, dans les faits, çareste quand même assez com-pliqué », explique GuillaumeCouillard, faisant écho auxpropos du Dr Brunet. Et juste-ment, dans la réalité, à quoicela ressemble-t-il ? Le direc-teur général adjoint des Hos-pices civils de Lyon donne desexemples concrets de nou-veaux modes de fonctionne-ment instaurés dans les ser-vices du centre hospitalier.

Exemples significatifsEn gériatrie, «depuis les cinq

dernières années, des équipesmobiles ont été mises en place,des médecins hospitaliers qui sedéplacent chez les gens, dans lesmaisons de retraite ou auprèsdes médecins généralistes pour

aider à faciliter laprise en charge de ma-lades âgés et ainsi évi-ter leur hospitalisa-tion, favoriser leurmaintien à domicile etretarder éventuelle-m e n t l e u r d é p e n -dance», précise Guil-l a u m e C o u i l l a r d .Cette action fait sortirl’hôpital de ses murset favorise la coordi-nation entre les diffé-rents professionnelsqui interviennent surla prise en charged’un patient. «La mis-sion de ces équipes estjustement d’éviter lespassages aux urgenceset la dégradation de lasanté liés à ces épi-sodes aigus», poursuit-il. Aujourd’hui géné-ralisée à l’ensemblede la population âgée,cette approche avaitd’abord été mise enplace il y a quelquesannées auprès de pa-tients atteints d’Alz-heimer. « On essaied’avoir cette logique deparcours de raisonnerun peu moins commeof freur de soins, maiscomme patient.»

Un autre exemple,qui est un des mar-queurs forts de cettemédecine personnali-sée, c’est qu’on tentede plus en plus defaire des patients des

acteurs de leur prise en charge.« Un rôle qu’il souhaite jouerd’ailleurs. C’est très vrai dans lesmaladies chroniques comme lediabète ou des maladies au longcours, où on va essayer de déve-lopper des stratégies avec les-quelles le patient est réellementacteur de sa pathologie », af-firme M. Couillard. Aux Hos-p ices , par l ’ en tr emise deMyHCL, un portail Web et uneapplication, le patient peuttransmettre un certain nombrede données au service qui lesuit. Par exemple, un patient at-teint de diabète acheminera ré-gulièrement son taux de glycé-mie. Si on constate un écart, leservice prendra contact avec lepatient. Cet outil permet aussi

des échanges sous forme deconversations SMS avec le ser-vice. « C’est dif férent d’uneconsultation et, surtout, ça évitede se rendre à l’hôpital. On leteste maintenant sur une cen-taine de patients du service dediabétologie. C’est très bienperçu par le service qui a unmeilleur suivi de ses patientsparce qu’il recueille de l’infor-mation en continu. » Et Guil-laume Couillard ajoute quec’est aussi très apprécié par lespatients.

Un troisième exemple deschangements appor tés auxHospices civils de Lyon est lamise en place depuis trois ansd’un « supercarnet de santé »destiné aux parents d’enfantshandicapés, qui nécessitentparfois des prises en chargetrès compliquées où de nom-breux professionnels sont ap-pelés à inter venir, expliqueGuillaume Couillard : « C’estsouvent un casse-tête pour lesparents qui doivent, chaque foisqu’un nouveau professionnelintervient, expliquer tout ce quis’est passé avant. » Ce nouveaucarnet de santé électronique,on l’appelle Compilio. « C’estun dossier par tagé entre lesprofessionnels, une plateformeaccessible qui facilite et amé-liore beaucoup la coordinationet la continuité des prises encharge sans avoir besoin d’hos-pitalisation », poursuit-il. LesHospices viennent tout justed’obtenir le feu vert pour la gé-néralisation du projet.

Guillaume Couillard estaussi très préoccupé par l’or-ganisation générale d’un hôpi-tal : « Aujourd’hui, on est tou-jours organisé par spécialités.Ici, on a un service de cardiolo-gie, de pneumologie… Et jepense que dans le monde entier,la plupart des hôpitaux sont en-core organisés de cette manière.Pourtant, cette organisation neva pas nécessairement de soi »,lance-t-il en précisant qu’onpourrait imaginer d’autres fa-çons de s’orienter par rapportaux pathologies du patient.Par exemple, un patient qui seprésente à l’hôpital avec unmal de dos peut nécessiter denombreuses compétences, larhumatologie peut intervenir,mais aussi l’orthopédie, la neu-rologie… Et dans l’état actuel,cette organisation n’est pas fa-cile. « Notre organisation enservices fait qu’il peut être com-pliqué pour le patient d’aller deservice en service. Il doit finale-ment faire le lien alors que cen’est pas nécessairement à luide le faire, explique le direc-teur adjoint. Pour le moment,la réponse qu’on commence àapporter, c’est ce qu’on appelleles chemins cliniques : on se metd’accord sur un cer tain modede prise en charge et on définitdes protocoles interservices, etdonc interspécialités. »

«En prolongeant ces pistes eten en inventant d’autres, pro-gressivement on fait évoluerl’organisation et je pense qu’onrépond mieux aux besoins denos patients », conclut Guil-laume Couillard.

La médecine personnalisée gagne des adeptes

Dr FabriceBrunet

Aujourd’hui,nous sommesdans unevision où nousadoptons uneapproche quipermet dedéfinir la priseen charge,qu’elle soitdiagnostiqueouthérapeutique,sur lesdonnéesindividuellesdu patient

É M I L I E C O R R I V E A U

Collaboration spéciale

O rganisé conjointement parl’Institut national de la re-

cherche scientifique (INRS),l’Université de Lyon et l’Écolenationale des travaux publicsde l’État (ENTPE), le colloqueTerritoires en santé/Santé desterritoires sera l’un des quatreévénements consacrés aux en-jeux sanitaires lors des Entre-tiens Jacques Cartier.

«Mais notre colloque ne serapas un événement où seuls desgens du milieu de la santé in-terviendront. En fait, il y aurades intervenants de dif férentsréseaux», note d’emblée ClairePoitras, directrice du CentreUrbanisation Culture Sociétéde l’INRS et coorganisatricede la journée Territoires ensanté/Santé des territoires.

Regroupant des chercheurs,des professeurs, des praticiensdes sciences sociales et dessciences de la santé ainsi quedes militants, le colloque trai-tera de questions aussi diversi-fiées que l’appor t des trans-ports actifs dans le bien-êtredes citadins, l’équité environ-nementale en milieu urbain etles inégalités en santé.

« L’idée, c’est d’aborder desquestions de santé en les appro-chant par l’angle de l’urba-nisme » , indique Anaïk Pu-renne, sociologue, chargée derecherche à l’ENTPE et coor-ganisatrice de l’événement.

«Nous avons conçu le colloquecomme un parcours-découverte,ajoute-t-elle. Comme les cher-cheurs et intervenants viennentd’horizons dif férents, ils auronttous à découvrir quelque chosedes autres présentations.»

Une journée en deux temps

Débutant par une confé-rence introductive qui porterasur le poids croissant des en-jeux de santé dans les socié-tés contemporaines et quisera of fer te par Nina Le -maire, chercheuse à l’Écoledes hautes études en santépublique, le colloque s’articu-lera autour de deux sous-thé-matiques principales.

En matinée, quatre mini-conférences seront tenues surle thème Promouvoir la santéenvironnementale et les trans-ports actifs : à quelles condi-tions? Il sera notamment ques-tion des nuisances auxquellespeuvent se heurter les piétonset les cyclistes en milieu urbainlorsque l’aménagement n’estpas conçu pour permettre unecirculation saine et sécuritaire.

«C’est certainement une trèsbonne idée de mieux articuler lesquestions de santé et d’urba-nisme, d’utiliser des politiquesd’urbanisme pour développer unmieux-être des populations, maisça prend quand même des condi-tions de possibilité, relèveMme Purenne. Par exemple, si onpromeut le vélo et la marche, c’estsûr que théoriquement, c’est bonpour la santé. Mais ça, c’est si lesgens ne sont pas plus à risque dese faire renverser par des voituresou d’inhaler plus de C02 que lesautres usagers de la route! C’estle genre de choses auxquelles nousréfléchirons ensemble.»

Les présentations mati -nales seront suivies de dis-cussions en sous-groupes,puis d’échanges avec la salle.

En après-midi, quatre autresmini-conférences seront pré-sentées sur le thème Terri-toires en santé : tous acteurs.Cette fois, il sera davantagequestion de cohésion sociale,d ’ i n é g a l i t é s e n s a n t é e td’équité environnementale enmilieu urbain.

« On sait que les milieux lesplus défavorisés sont souventceux qui subissent le plus deconséquences des maux de laville. Les présentations del’après-midi vont nous permet-tre de comprendre un peumieux ces enjeux » , préciseMme Poitras.

Notamment, trois présenta-tions porteront sur la questiondu non-recours aux soins. « Ilfaut bien comprendre qu’onn’est pas tous égaux par rapportà la santé, souligne Mme Pu-renne. Dans l’action publique,il faut prendre en compte lesfacteurs qui font obstacle entrele système de santé — notam-ment le système de soins — etcer taines populations. Sinon,on entretient le phénomène deportes tournantes ou de non-re-cours aux soins. […] Pour enparler, nous avons notammentchoisi d’inviter une militanted’ATD Quart Monde, puisquec’est un mouvement qui a beau-coup travaillé sur la questionde l’accès aux soins et del’équité en matière de santé. »

Au terme de ces mini-confé-rences, les participants serontà nouveau invités à prendrepart à des discussions en sous-groupes, puis à échanger avecla salle. La journée se conclurapar une présentation synthèseet un mot de clôture des orga-nisatrices du colloque.

Un événement pertinentBien que bon nombre de

congrès scientifiques se tien-nent chaque année en françaisà travers la planète, Mme Poitrascomme Mme Purenne considè-rent les Entretiens Jacques Car-tier comme un événement per-tinent pour leur communauté.

« L’aspect le plus intéressantdes Entretiens, c’est l’interdisci-plinarité, souligne Mme Poi-tras. C’est un événement quipermet aux chercheurs d’échan-ger sur leurs propres projets etd’éventuellement développer descollaborations. C’est un desrares colloques où on retrouvedes gens d’une variété de disci-plines avec une diversité depoints de vue qui sont là pouréchanger sur une thématiquequi les concerne tous. »

« C’est un événement qui ré-sonne complètement avec cequ’on essaie de faire à la ChaireUNESCO dans laquelle je tra-vaille [Chaire UNESCO Poli-tiques urbaines et citoyenneté],af firme pour sa part Mme Pu-renne. Dans cette chaire-là, onessaie vraiment de tisser desliens, de développer des échangesentre le monde universitaire etla société civile. L’idée derrièrecette démarche est que si le sa-voir des chercheurs reste en-fermé dans leur monde, leur im-pact est limité. Il faut donc lepartager avec des acteurs d’au-tres milieux. Malheureusement,ce n’est pas une pratique trèscourante en France.»

Pour consulter le programmecomplet du colloque : www.centrejacquescartier.com/les-entretiens/details/entretien/territoires-en-sante-la-sante-des-territoires

PEDRO RUIZ LE DEVOIR

Quatre miniconférences seronttenues sur le thème Promouvoirla santé environnementale et lestransports actifs

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FRANCOPHONIEL E D E V O I R , L E S S A M E D I 1 9 E T D I M A N C H E 2 0 N O V E M B R E 2 0 1 6K 4

Lyon expérimente des mini-bus autonomes pour bonifierson of fre de transpor t encommun. À quand un dé-ploiement à large échelle decette technologie ?

E T I E N N E P L A M O N D O N E M O N D

Collaboration spéciale

E lles n’ont ni volant ni pé-dales et pourtant elles rou-

lent, freinent et contournentles obstacles. Depuis le 2 sep-tembre dernier, deux navettesélectriques autonomes circu-lent sur les voies piétonnes duquartier Confluence de Lyon,en France.

Ces minibus sans chauffeursont dotés de capteurs qui leurpermettent de réagir et de sepositionner selon l’environne-ment et les obstacles du che-min sans l’aide d’une infrastruc-ture vouée à les guider. Ils peu-vent accueillir jusqu’à 15 passa-gers à la fois. Leur trajet, sur lesberges de la Saône, s’étale sur1350 mètres et comporte cinqar rêts, avec des passagestoutes les dix minutes en pé-riode de pointe. Le point de dé-part se fait à la sortie du tram-way pour réaliser le dernier ki-lomètre à l’intérieur d’une zone,où travaillent près de 7000 sala-riés, jusqu’ici non desservie parle transport en commun.

Depuis près de deux ans,

Keolis, l’exploitant du réseaude transport public dans la ré-gion lyonnaise, était en discus-sion avec Navya, une jeunepousse qui a conçu le minibusautonome en question. Lesdeux entreprises ont créé enmars 2016 une nouvelle entité,Navly. Ils ont ensuite collaboréavec la Métropole de Lyon etle Sytral, l’autorité organisa-trice de transport en commundans l’agglomération, afin demettre sur pied le projet-piloted’une durée d’un an, amorcé ily a un peu plus de deux mois.

« Pour nous, c’est vraimentune expérimentation, indique àl’autre bout du fil Marc Ber-thod, directeur des relationsavec les clients et des commu-nications pour Keolis Lyon. Oncons idè re que t ou t c e qu iconcerne les véhicules automa-tiques, c’est un mouvement irré-versible.» L’entreprise voit d’ail-leurs de possibles débouchésdans des lieux comme les hôpi-taux, les aéroports, les parcsd’attractions ou les sites indus-triels relativement vastes.

Quelques ajustements ontdéjà été apportés depuis le lan-cement du ser vice lyonnais.«Quand il y avait un pigeon de-vant elle, la navette s’arrêtait.Maintenant, soit elle freine, soitelle peut le contourner», donneen exemple M. Berthod.

SécuritéQui dit véhicule autonome

dit nécessairement préoccupa-

tion pour la sécurité. Certainesmesures ont été prises pourcette première tentative. Si leminibus construit par Navyapeut atteindre une vitesse de45km/h, les navettes de Lyonsont pour l’instant restreintes à20 km/h. Aucun chauffeur neconduit le véhicule,mais un opérateurrestera présent pourla durée du projet-pi-lote. « C’est juste pourla phase d’expérimen-tation, à la fois pourrassurer le public etdonner des explica-tions à bord de la na-vette, précise M. Ber-thod. Il y a des ajuste-ments auxquels il fautprocéder sur le plantechnologique. Doncl’opérateur est là pourcorriger en cas de besoin. Maisil intervient très rarement.»

Les navettes sont aussi sui-v i e s d e p u i s u n e s a l l e d econtrôle et un mode d’opéra-tion a été prévu en cas d’inci-dent majeur, af firme M. Ber-thod. Pour l’instant, aucun évé-nement déplorable n’a été si-gnalé, si ce n’est que de «petitssoucis » techniques à améliorerà travers la démarche.

Encore loin d’un déploiement

Selon Denis Gingras, direc-teur du Laboratoire sur l’intelli-gence véhiculaire (LIV), lié à lafaculté de génie de l’Université

de Sherbrooke, la route à par-courir reste encore longueavant d’en arriver à un déploie-ment à grande échelle des véhi-cules autonomes dans le traficautomobile. C’est l’observationqu’il étayera les 22 et 23 novem-bre prochains lors d’un colloque

sur la sécurité rou-tière et les nouvellestechnologies prévudans le cadre des En-tretiens Jacques Car-tier, à Lyon. Un pre-mier accident mortelavec le système Auto-pilot d’une Tesla s’estproduit en mai der-nier, en Floride, avantd’être annoncé en juil-let. «C’est un exempletypique qui montre quela technologie n’est pass u f f i s a m m e n t

mature», souligne-t-il.Uber a bien lancé dans les

dernières semaines un serviceavec des voitures munies decaméras et de capteurs à Pitts-burgh, aux États-Unis, mais untechnicien demeure assis surle siège du conducteur pours’assurer que la course se dé-roule sans pépin.

M. Gingras remarque que,dans les dernières années, lesconstructeurs concernés ontsurtout concentré leurs effortsdans le perfectionnement decapteurs, radars, systèmes devision et outils de télédétec-tion par laser. « Mais les don-nées obtenues, lorsqu’on a des

données de très bonne qualité— ce qui n’est pas encore tou-jours le cas —, il va ensuite fal-loir être capable de les traiteravec un système d’intelligenceartificielle d’une grande robus-tesse, avec des capacités cogni-tives de raisonnement, de syn-thèse et de traitement de l’infor-mation extrêmement grandes. »

L’automobile constitue l’undes appareils fabriqués pourune production de masseparmi les plus complexespuisqu’elles comportent plusde 40 000 pièces, rappelle-t-il.Les voitures contemporaines etleurs dif férentes commandesélectroniques fonctionnent déjàavec près de 100 millions delignes de code, soit beaucoupplus que les 6,5 millions utili-sées pour faire fonctionner unBoeing 787. « La probabilitéqu’une pièce tombe en panne ouque quelque chose soit défec-tueux, tant dans la conceptionque dans la fabrication, est éle-vée», dit M. Gingras.

Il évoque aussi l’évaluationde la qualité de tels systèmes,encore loin d’être mesurable.«Les procédures de test pour cesvéhicules ne sont pas encore aupoint, soulève-t-il. Mais avantde mettre ces voitures sur lesroutes, il faut être capable deles tester, de les valider, de lescer tifier. Ça va prendre énor-mément de temps. »

À l’instar de tous les autresobjets connectés, les voituresne sont pas sans soulever des

craintes en lien avec le piratageinformatique. Un journaliste dumagazine Wired a raconté, dansun article publié en juillet 2015,que deux experts en informa-tique avaient réussi à prendre lecontrôle à distance d’un JeepCherokee au volant duquel il setrouvait. M. Gingras précisenéanmoins que des communi-cations et des échanges d’infor-mations avec l’extérieur ne sontpas obligatoires pour faire fonc-tionner une voiture autonome.

Lorsque les systèmes serontsuf fisamment perfectionnés,M. Gingras voit tout de mêmedans les véhicules autonomesun moyen de réduire drasti-quement les accidents de laroute et les collisions mor-telles, en majeur partie provo-qués par des er reurs hu -maines. De plus, ils permet-traient selon lui de réduirel’achalandage sur les routes etle nombre de stationnements.

Au-delà des enjeux technolo-giques, M. Gingras constate unautre obstacle de taille : l’indus-trie automobile. Selon lui, l’in-troduction massive de voituresautonomes engendrerait unmarché articulé autour d’uneoffre de service similaire auxforfaits pour téléphones cellu-laires, plutôt que basée sur lapropriété. « Cela implique unchangement radical du modèled’affaires et les constructeurs nesont pas prêts à faire ça avec leréseau de distribution et devente», souligne-t-il.

MOBILITÉ

Lyon expérimente une navette sans pilote

PIERRE SALOME ́ AISHUU

Depuis le 2 septembre dernier, deux navettes électriques autonomes circulent sur les voies piétonnes du quartier Confluence de Lyon. Ces minibus sans chauffeur sont dotés de capteurs qui leurpermettent de réagir et de se positionner selon l’environnement et les obstacles du chemin sans l’aide d’une infrastructure vouée à les guider. Ils peuvent accueillir jusqu’à 15 passagers à la fois. Leurtrajet, sur les berges de la Saône, s’étale sur 1350 mètres et comporte cinq arrêts, avec des passages toutes les dix minutes en période de pointe.

C A T H E R I N E G I R O U A R D

Collaboration spéciale

E n plus de partager la même langue et plu-sieurs réseaux d’affaires, Montréal et Lyon

ont un autre atome crochu de taille : leursmaires voient tous deux très grand quant au dé-veloppement de la ville intelligente. Car pouvoircapter et partager une multitude de données demasse comme on peut maintenant le faire ou-vre la porte à l’innovation et à l’amélioration deplusieurs services… ainsi qu’à un lot de ques-tions d’éthique et de sécurité non négligeable.

Un panel regroupant des experts des deuxcôtés de l’Atlantique se penchera sur la ques-tion des données de masse durant le colloqueDes données et des hommes. Usages et ave-nirs des données massives : risques et opportu-nités, organisé par les Entretiens Jacques Car-tier. Alors que Lyon a été désignée comme « laville la plus intelligente de France » après uneétude de m2ocity et que le maire Denis Co-derre s’est engagé à faire de Montréal la villela plus intelligente du monde d’ici 2017, ce su-jet est des plus pertinents pour les deux villesparticipantes.

Un marché d’avenirVilles intelligentes, intelligence des objets,

maisons intelligentes, santé personnalisée àdistance… Si ces nouvelles technologies exis-tent déjà, il est à prévoir qu’elles se développe-ront beaucoup plus encore au cours des pro-chaines années. « Les analystes prévoient unecroissance de 25 à 30 % par année du marchédes données massives jusqu’en 2020, et ça de-vrait s’accélérer encore par la suite », fait valoirCédric Combey, vice-président ventes et mar-keting pour le Canada et les États-Unis chezOVH, une compagnie de solution infonua-gique française qui a pignon sur rue à Mont-réal depuis 2012.

« On est de plus en plus nombreux dans lesvilles ; qu’elles deviennent plus intelligentes estcrucial pour leur bon fonctionnement et laqualité de vie des citoyens », continue M. Com-

bey, parlant, entre autres, des possibilitésd’améliorer la gestion de la circulation et dudéneigement des rues.

Les données massives peuvent aussi appor-ter des solutions intéressantes à des enjeux desociété comme l’accès aux soins de santé,ajoute Cédric Combey. Des outils comme l’ap-plication PetalMD voient par exemple le jour.Ce client d’OVH offre un outil de gestion d’ho-raires, d’échanges de tâches et de messageriesécurisée aux médecins et aux établissementsde santé. «La plateforme permet une mise à jouren temps réel des horaires, des échanges entre lespraticiens et une prise de rendez-vous par l’appli-cation, diminuant ainsi les pertes de temps», ex-plique Cédric Combey, qui ajoute que 30 000médecins utilisent déjà l’application au Québecet en Ontario.

De nouveaux enjeux de sécurité« Il ne faut cependant pas sous-estimer les en-

jeux de sécurité rattachés à ce marché», soulignepour sa part Christophe Villemer, vice-prési-dent à la direction de Savoir-faire Linux, un lea-der en technologie ouverte au Canada.

M. Villemer, qui sera membre d’un panel ducolloque, rappelle la récente controverse au-tour de l’espionnage de journalistes, dont Pa-trick Lagacé. «Cette situation est emblématique,dit-il. L’écoute téléphonique n’a rien à voir avecle numérique et est une méthode vieille comme lemonde, mais ça illustre qu’on communique avecune multitude d’outils sans avoir l’assurance quenotre information n’est pas accessible. »

Selon Christophe Villemer, les gens se sententsouvent peu concernés par ces enjeux de sécu-rité, mais à tort. «Pour citer Edward Snowden,dire qu’on n’a rien à cacher parce que notre vieprivée est sans importance revient à dire que la li-ber té d’expression n’a pas d’importance parcequ’on n’a rien d’intéressant à dire», fait-il valoir.Mais plusieurs données sensibles, comme desrenseignements médicaux et bancaires, circulentde plus en plus et doivent être bien protégées.

Savoir-faire Linux propose alors une ap-proche de sécurité par l’ouverture. « Ce n’est

pas en fermant les systèmes, mais plutôt en tra-vaillant sur l’ouverture du code et le partage deces informations qu’on peut sécuriser davantagenos données. » Ainsi, au lieu de s’en remettre àune boîte de sécurité en qui on doit faire aveu-glément confiance, cette approche d’ouverturetransforme le système en livre ouvert et per-met aux utilisateurs de voir eux-mêmes s’il y ades attaques. L’armée canadienne et l’arméeaméricaine ont d’ailleurs adopté ce genre desystème de sécurité.

De nouveaux outils de communication commeRing, aussi développé par Savoir-faire Linux, per-mettent quant à eux de ne pas passer par un tierscomme Skype, Facetime ou Hangouts, à qui ondoit aussi faire aveuglément confiance. «Avec desoutils comme Ring, on élimine un intermédiaire etla communication est directement établie entredeux personnes ou deux objets, de manière distri-buée», explique M. Villemer.

« En plus de l’aspect sécuritaire, il faut aussipenser au traitement éthique des données ,ajoute Christophe Villemer. Aujourd’hui, lesdonnées de santé sont par exemple par tagéesentre un médecin et l’hôpital, et éventuelle-ment avec le ministère de la Santé, mais de-main, seront-elles aussi par tagées avec lescompagnies d’assurances ? Si oui, quelles in-

formations seront données ? »

Gérer de la quantité et de la qualitéD’autres enjeux plus techniques sont aussi à

considérer. « Le volume des données qu’on col-lecte explose et il faut pouvoir les stocker », af-firme Cédric Combey d’OVH. Selon lui, lenuage informatique (le cloud) correspond toutà fait au stockage de données de masse. «Sa ca-pacité de stockage est très facile à augmenter et lemarché se tourne en bloc vers cette solution »,ajoute-t-il.

La qualité des données recueillies est aussi desplus importantes. «Si on veut en faire un usageutile et intéressant, il faut s’assurer à la base del’intégrité et de la pertinence des données.» Maisaucune solution miracle n’existe. «Il faut que laquestion posée soit la bonne pour s’assurer de laqualité de la réponse reçue», dit M. Combey.

De nouveaux métiers et spécialisations sontd’ailleurs créés autour du marché des donnéesde masse, afin que l’information soit bien col-lectée, stockée et traitée.

« Il y a beaucoup de belles choses qui se fontdéjà dans le domaine et on est encore qu’au dé-but du chemin, s’enthousiasme Cédric Combey.Quand c’est bien fait, l’utilisation de données demasse améliore la vie de tout le monde. »

NUMÉRIQUE ET TECHNOLOGIES

Des données de masse, pour le meilleur et pour le pire

SAVOIR-FAIRE LINUX

Environnement de travail chez Savoir-faire Linux, un leader en technologie ouverte au Canada

Quelquesajustementsont déjà étéapportésdepuis le lancementdu servicelyonnais

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FRANCOPHONIEL E D E V O I R , L E S S A M E D I 1 9 E T D I M A N C H E 2 0 N O V E M B R E 2 0 1 6 K 5

L’un des grands thèmes desEntretiens Jacques Car tier,qui se dérouleront à Lyon du21 au 23 novembre, porterasur les effets de la crise finan-cière survenue en 2007-2008et qui n’a toujours pas finid’ébranler nos sociétés.

C L A U D E L A F L E U R

Collaboration spéciale

I ntitulé Des sociétés face à lacrise : penser les change-

ments politiques dans tous sesespaces , ce colloque rassem-blera des chercheurs universi-taires, des acteurs sociaux etdes décideurs politiques.

« Nous réunirons, non seule-ment des chercheurs des deuxcôtés de l’Atlantique, mais éga-lement plusieurs personnes dela société civile et des milieuxde pratique», précise FrédéricMerand, directeur du Centred’excellence sur l’Union euro-péenne à l’Université de Mont-réal et l’un des organisateursdu colloque.

«Il y a des différences impor-tantes entre l’Europe et l’Amé-rique du Nord, poursuit-il, dontle rôle qu’ont joué les banquescentrales. Ainsi, la banque cen-trale américaine a été beaucoupplus active et vigoureuse que labanque centrale européenne.»

En ef fet, faute de moyens,cette dernière n’a pas pu exer-cer une politique monétaireaussi souple et activiste quecelle des États-Unis, expliqueM. Merand. « Résultat : cela aeu des conséquences très impor-tantes jusqu’en 2011, observe-t-il, conséquences qui ont finale-ment plongé l’Union européennedans une cascade de crises.»

Rayonnement européenFrédéric Merand est profes-

seur de science politique à

l’Université de Montréal. Il estégalement directeur du Cen-tre d’études et de recherchesinternationales de l’UdeM(CERIUM). « Je suis formé ensociologie, en économie et enscience politique, trois disci-plines que je combine toujoursdans mes travaux. » Depuis2013, il dirige également leC e n t r e d ’ e x c e l l e n c e s u rl’Union européenne (CEUE),un centre financé en grandepartie par la Commission eu-ropéenne. « Les Européens fi-nancent partout dans le mondece genre de centres d’excellenceafin de stimuler la connais-sance de l’Union européenne,explique-t-il. Il s’agit essentielle-ment d’assurer le rayonnementde l ’Europe , mais ce l l e - c in’exerce aucun contrôle sur nosrecherches, nos travaux et nospublications », tient à préciserle directeur du CEUE. Il rap-pelle au passage que le Ca-nada, jusqu’aux conser va-teurs, finançait aussi un ré-seau très développé de centresd’études canadiennes dissémi-nés à travers le monde. « Laplupart des grands pays et desgrandes organisations prati-quent ce type de rayonnementen appuyant les recherches uni-versitaires », souligne-t-il.

DifférencesUne autre différence de part

et d’autre de l’Atlantique, rap-porte le chercheur, serait quela crise financière qui s’estamorcée en 2007 a été pluspermanente au sein de l’Unioneuropéenne qu’ici. «Aux États-Unis, il y a eu un moment trèsintense entre 2007 et 2009 en-viron, où on a assisté à un ef-fondrement très inquiétant,rappelle M. Merand. Mais de-puis, les États-Unis sont plutôten mode relance économique. »

Quant au Canada, poursuit-il, on n’a pas connu une crisecomparable puisque notre sec-

teur financier ne s’est pas ef-fondré. « Par contre, en Eu-rope, on assiste à une crise à denombreux niveaux et sans arrêtdepuis 2007 », indique Frédé-ric Merand. Il cite ainsil’exemple de la Grèce — « lecas le plus extrême » —, maiségalement celui de l’Irlande etde l’Espagne. «L’Europe a eu àgérer ces crises auxquelles segref fent à présent la crise desmigrants et celle du Brexit…Les Européens sont donc en ges-tion de crise en permanence. »

Et l’un des objectifs du col-loque sera justement de décor-tiquer ce qui relève véritable-ment de la crise de 2007 puisdes crises qui seraient proba-blement sur venues de toutefaçon. Dans le cas de la Grèce,par exemple, bon nombred’analystes considèrent que lacrise de 2007-2008 est respon-sable de l’ef fondrement del ’ é c o n o m i e d u p a y s . P a rcontre, d’autres estiment quel’effondrement se préparait de-puis longtemps et que la crisede 2007 n’a peut-être fait qu’ac-célérer les choses. De mêmepour la crise des migrants, quin’est évidemment pas due auxtroubles de 2007, mais qui enaccentue cependant les consé-quences sur les sociétés euro-péennes fragilisées.

« On peut ainsi faire l’hypo-thèse que la montée de l’extrêmedroite et des mouvements xéno-phobes auraient été moindre s’iln’y avait pas eu la crise de2007, propose Frédéric Me-rand, puisque plusieurs popula-tions économiquement fragili-sées voient désormais l’arrivéed’immigrants comme une me-nace supplémentaire. »

Et comme pour compliquerles choses, s’ajoutent mainte-nant des crises qui ne décou-lent pas de cel le de 2007.« Pensons au phénomène beau-coup plus profond que représen-tent le mouvement Occupons

Wall Street aux États-Unis etcelui des Indignés en Espagne,illustre M. Merand. Ce sont làdes réactions à l’accroissementdes inégalités… qui ne datentpas de 2007, mais qui remon-tent plutôt aux années 1980.»

Encore là, la situation cana-dienne diffère de celle de nosvoisins : «Au Canada, constatele chercheur, on n’a pas eu unevér i tab le c r i se f inancièrepuisque notre système bancairea tenu le coup. » Par contre,

l’un des effets de la crise finan-cière a été chez nous de met-tre au premier plan la néces-sité d’atteindre l’équilibre bud-gétaire à tout prix. «Or, au Ca-nada, le niveau de dette n’étaitpas si élevé que ça, observe leprofesseur de science écono-mique. De surcroît, la crise de2007 n’a pas obligé nos gouver-nements à s’endetter énormé-ment non plus. »

Tout compte fait, FrédéricMerand constate que nombre

d’économistes estiment qu’onn’a pas tiré toutes les leçons dela crise financière de 2007.«Plusieurs des problèmes struc-turels liés à la financiarisationde l’économie n’ont aucunementété réglés, déplore-t-il. Beau-coup d’experts disent donc queça pourrait se reproduire,puisqu’on n’a pas mis en placetous les garde-fous nécessaires…Voilà donc un aperçu de ce donton parlera lors du colloque desEntretiens Jacques Cartier !»

Comment se porte le monde de l’après-crisefinancière?

LOUISA GOULIAMAKI AGENCE FRANCE-PRESSE

Des retraités grecs tentent de repousser un bus de police qui entrave le chemin vers le bureau dupremier ministre, Alexis Tsipras , durant une manifestation contre les coupes des montants deretraite, en octobre dernier, à Athènes.

P I E R R E V A L L É E

Collaboration spéciale

L es Entretiens Jacques Cartier seront le lieude rencontre de Finance Montréal et de

Lyon Place Financière et Tertiaire. Ces deuxassociations, qui représentent les membres dela communauté financière de Montréal, dans lepremier cas, et de la région Auvergne-Rhône-Alpes, dans le second cas, participeront à uncolloque.

Ce colloque, intitulé Visions croisées desécosystèmes financiers du Québec et d’Au-vergne-Rhône-Alpes, permettra de comparerles deux places financières, de faire le point surl’évolution des technologies de l’informationdans le milieu financier, soit les fintechs, et d’ex-plorer la possibilité d’investissements croisésentre les deux régions.

« Notre place financière a vu le jour il y atrente ans, raconte Jean-Pierre Lac, présidentde Lyon Place Financière et Tertiaire, au mo-ment où Lyon a perdu sa Bourse. L’idée vient deRaymond Barre, qui fut aussi maire de Lyon, etqui ne voulait pas que l’expertise financière ré-gionale regroupée autour de la Bourse dispa-raisse en même temps qu’elle. » Aujourd’hui,Lyon Place Financière et Tertiaire comprendplus de 300 adhérents. «La nature de nos adhé-rents est très variée ; on y trouve des banques etautres institutions financières, des associationsen tout genre, les pouvoirs publics, dont la métro-pole de Lyon, des professionnels financiers,conseillers, avocats, comptables, etc. »

L’un des rôles que s’est donné Lyon Place Fi-nancière et Tertiaire est de soutenir le milieuentrepreneurial. « Nos PME n’ont pas les res-sources internes nécessaires pour aller frapper àla porte des grandes places financières que sontParis, New York et même Montréal. On essaie deles outiller et de les accompagner dans leurs re-cherches de financement. »

De son côté, Finance Montréal, créée en2010, se veut la grappe financière du Québec,dont plusieurs des acteurs principaux se trou-vent précisément à Montréal. L’organisme, toutcomme son confrère lyonnais, comprend plusde 300 membres de nature variée. « La dif fé-rence se situe au niveau de la taille du secteur fi-nancier, souligne Jean-Pierre Lac. Montréal ade grands investisseurs institutionnels, comme laCaisse de dépôt et placement, le Mouvement Des-jardins, les fonds de travailleurs, et vous avezconservé votre Bourse. » Une situation qu’admetMario Alber t, directeur général de FinanceMontréal. «C’est la présence de nos gros joueursinstitutionnels qui constitue la principale dif fé-

rence. Mais je ne crois pas que cette dif férencefasse ombrage à Lyon Place Financière et Ter-tiaire, car il y a plusieurs ressemblances entre lesdeux régions, ce qui autorise les rapprochementsentre nos deux places financières. »

Technologies financièresLes technologies de l’information et des com-

munications (TIC) ont fait leur entrée dans ledomaine financier depuis plusieurs années —les transactions bancaires par Internet en sontun bon exemple — mais les technologies finan-cières, ou fintechs, comme on les appelle main-tenant, ont pris beaucoup d’essor ces dernierstemps. Et Montréal, dans ce secteur, est bienplacée. « Les TIC à Montréal ne sont pas toutesdans le secteur des jeux vidéo et des effets visuels,note Mario Albert. Il se crée de plus en plus dejeunes entreprises à Montréal qui se lancent dansle domaine des fintechs. Et elles couvrent tous lesaspects, allant des solutions entre entreprises, leB to B, ou entre consommateurs et entreprises, leB to C, mais aussi dans des domaines comme lesrobots conseillers pour investisseurs. »

Une situation qui n’est pas du tout la mêmeen Auvergne-Rhône-Alpes. « Chez nous, les fin-

techs aujourd’hui se sont surtout développéesdans le secteur du B to B, souligne Jean-PierreLac. Mais il faudra peu de temps, je crois, pourse rattraper et se mettre au diapason de l’Amé-rique du Nord. Lyon n’est pas en reste. » Affirma-tion à laquelle acquiesce Mario Albert. « LesTIC sont très développées à Lyon. Il ne faut pasoublier que Lyon est le deuxième centre en impor-tance en TIC en France, après Paris. »

Investissements croisésL’un des sujets abordés est la façon de favori-

ser les investissements croisés, c’est-à-dire desinvestisseurs québécois qui investissent dansdes entreprises en Auvergne-Rhône-Alpes, etvice versa. D’ailleurs, c’est déjà une réalité.«Mais ce sont surtout des investisseurs québécoisqui viennent investir chez nous, précise Jean-Pierre Lac. Le Mouvement Desjardins comme leFonds de solidarité sont déjà des investisseurs enAuvergne-Rhône-Alpes. Par contre, le retour dubalancier est plus difficile. »

Ce dernier sera sans doute favorisé par lacréation bientôt d’un nouveau fonds d’investis-sement établi en partenariat avec le Mouve-ment Desjardins et Siparex, un groupe françaisindépendant de capital d’investissement spécia-lisé dans le financement des PME. « C’est unfonds bilatéral venant des deux côtés de l’Atlan-tique et doté d’une cagnotte de 100 millions d’eu-ros », précise Jean-Pierre Lac. Pareille initiativepourrait se répéter, ou, sinon, stimuler l’inves-tissement croisé, croit Jean-Pierre Lac, du faitdes ressemblances entre le Québec et l’Au-vergne-Rhône-Alpes. « Lorsqu’on compare lesdeux régions, poursuit-il, on remarque aussitôtles similitudes. Par exemple, la population desdeux régions est similaire, environ 8 millions depersonnes, le PIB des deux est comparable, letissu entrepreneurial est essentiellement composéde PME. Même les deux régions ont développédes expertises en technologies de l’information etdes communications. Des lieux de rencontre exis-tent donc. »

Montréal Finance pourrait-elle favoriser lesinvestissements croisés ? « Ce n’est pas dans lemandat de Montréal Finance de favoriser les in-vestissements. Notre rôle est plutôt d’attirer àMontréal des institutions financières étrangères.Évidemment, celles de Lyon sont bienvenues àMontréal. Par contre, nous n’hésitons pas à ac-compagner nos membres qui désirent investir enAuvergne-Rhône-Alpes. Les Entretiens JacquesCartier sont une première pour Finance Mont-réal et une occasion de tisser des liens et d’établirde prochaines collaborations avec Lyon Place Fi-nancière et Tertiaire. »

Les places financières de Montréal et de Lyon se rencontrent sur la manière de gérer le fait religieux dans

l’entreprise. On parlera finance, mais plus préci-sément de technologies financières. Les médiaset la culture feront partie des thématiques abor-dées, mais sous l’angle de l’impact des algo-rithmes dans l’économie de cette industrie.

« L’entrepreneuriat sera également au cœurdes préoccupations, souligne le président duCentre Jacques Cartier. Éric Fournier, associéchez Moment Factory, donnera une classe demaître. Alexandre Taillefer sera égalementparmi nous. Car nous souhaitons également queces Entretiens deviennent un lieu incontournablede réseautage. »

Libre-échangeEt au cœur de ce réseautage cette année, on

trouvera le tout nouvel accord de libre-échangeentre l’Europe et le Canada, qui sera finalementapprouvé par le Parlement européen à la mi-dé-cembre. Avec un autre ex-premier ministre duQuébec, Jean Charest, Pierre Marc Johnson ena été l’un des principaux négociateurs pour leCanada, et c’est fort logiquement que plusieursévénements autour de sa mise en œuvre serontorganisés à Lyon.

« Il y a un colloque auquel participeront unequinzaine d’avocats spécialisés en droit com-mercial international, précise-t-il. Mon rôle àmoi sera de situer le contexte de cet accord,mais il y aura des spécialistes de la mobilité dela main-d’œuvre, des spécialistes des règlesd’origine concernant les produits, etc. Et puis,il y a toute la partie investissements. Pour lesgens qui sont intéressés à exporter, à innover ouà trouver des partenariats, il y aura matière àdiscuter à Lyon. Il y aura des oppor tunités àsaisir. »

Me Johnson souligne par ailleurs que le Qué-bec et la région Auvergne-Rhône-Alpes ont desécosystèmes économiques qui se ressemblentà cer tains égards. Il y a notamment à L yoncomme à Montréal une industrie pharmaceu-tique très forte et des éléments importants del’industrie aérospatiale.

« Il y aura d’ailleurs un colloque sur l’aéros-patial, ajoute-t-il. C’est important d’établir lesinnovations en développement parce qu’ellespeuvent mener à des partenariats et parce quedans le cadre de l’accord de libre-échange, desinvestisseurs cherchent des occasions. En réa-lité, cet accord a de grandes chances de ressur-gir dans bien des conférences. Et c’est ce genrede choses que nous cherchons à faire au-jourd’hui avec les Entretiens. La France et leQuébec ont besoin de nouveaux marchés. Nousavons une langue commune, une culture com-mune, des af finités de toutes sor tes. Il est lo-gique qu’un rapprochement s’opère et nous sou-haitons nous y coller le plus possible. »

SUITE DE LA PAGE K 1

MONDE

JACQUES NADEAU LE DEVOIR

Mario Alber t, directeur général de FinanceMontréal

Page 6: FRANCOPHONIE - Le Devoir...FRANCOPHONIE K 2 LE DEVOIR, LES SAMEDI 19 ET DIMANCHE 20 NOVEMBRE 2016 Ce cahier spécial a été produit par l’équipe des publications spéciales du

FRANCOPHONIEL E D E V O I R , L E S S A M E D I 1 9 E T D I M A N C H E 2 0 N O V E M B R E 2 0 1 6K 6

Que peuvent avoir en com-mun les auteurs de bandesdessinées du Québec et de laFrance, et que peuvent-ilsbien se dire ? Deux organisa-teurs de festivals ont posé laquestion à des bédéistes deces contrées, dont le fruit deséchanges étalés sur Internetet sur une année sera publiélors des Entretiens JacquesCartier le 23 novembre 2016.

A R N A U D S T O P A

Collaboration spéciale

P our leurs cinq ans de colla-boration, le festival Lyon

BD et le Festival de la BD fran-cophone de Québec seront àl’honneur lors d’une journéedes Entretiens Jacques Car-tier. L’occasion pour lancerCorrespondances, conçu parhuit auteurs venus de part etd’autre de l’Atlantique.

« C’était comme au tempsdes correspondances par écritavec les Ontariens ou les Fran-çais quand on était enfants ;mais là, on y est allés parplanches de bédé, explique lebédéiste québécois Paul Bor-deleau. Tout le monde a faitdes choses visuelles dif férentesqui donnent des bijoux à cer-tains moments. »

L’objectif de cette collabora-tion transatlantique était uneoccasion pour les bédéistes deconverser sur leur métier,leurs vies, mais aussi sur l’airdu temps. « Les années précé-dentes, c’était plus des collabo-rations scéniques, avec des pro-jets de bédés sur des thèmes pro-jetés, indique Mathieu Diez, di-recteur du festival Lyon BD.Cette année, on voulait vrai-ment faire un échange sous laforme d’un dialogue qui a étédiffusé sur Internet tout au longde sa construction. » L’idéed’immortaliser ces échangessous la forme d’un livre phy-sique arriva assez vite, dansl’optique de le sortir pour lesEntretiens Jacques Cartier.

Dans la forme, Correspon-dances est un jeu de questions

et de réponses, avec commepoint de départ la présentationdes auteurs. « On nous a de-mandé de créer un personnage,son personnage. Je me suis fait,par exemple, plus vieux, plus dé-garni, plus blanc, comme sij’avais plusieurs albums der-rière la cravate. Ma premièreplanche, d’ailleurs, se situe dansle bureau d’un médecin», décritPaul Bordeleau, qui a participéà l’édition aux côtés de JimmyBeaulieu, de Djief et de JulieRocheleau pour le Québec etde Laurent Verron, de MarieAvril, de Chloé Cruchaudet etde Deloupy pour l’outre-mer.

Dans cet album entamé il ya un peu plus d’un an, la pre-mière question reflète l’annéetragique pour les dessinateursqu’a été 2015 en France. « Laquestion posée par Deloupy por-tait sur notre ressentiment vis-à-vis de Charlie Hebdo. On arépondu sur l’impact que cela aeu sur nous ici, continue l’au-teur de la série Faüne. J’aiparlé du 11-Septembre, quandj’étais caricaturiste au Voir,

comment on avait une libertéd’expression. Alors qu’eux, ilssentent plus une menace qu’onn’aura jamais ici. »

L’expérience a permis debousculer les huit auteurs dansleur exercice du neuvième arttout en leur laissant de la li-berté dans les sujets abordés.« Ça m’a permis de créer unstyle totalement à la tablette gra-phique, que je n’utilise pas nor-malement, dit Paul Bordeleau.Chez certains auteurs, commeLaurent Verron [qui a repris lasérie Boule et Bill], qui ne faitjamais des choses aussi sensiblesque cela, et qui en plus parle desa vie d’auteur, j’ai trouvé çatrès beau, très humain.»

Il y a aussi des sujets pluslégers, comme les familiaritésou les coutumes de chacundes deux pays, comme la biseen France, ou notre lien avecla langue. «Notre langage restetoujours une source d’inspira-tion pour eux », admet PaulBordeleau. Mais il y a tout demême des traits communs. « Ily a une vraie diversité de

thèmes, tant graphiques quetraités, décrit Mathieu Diez.Au niveau du graphisme, il y ades choses très dif férentes, maisqui se répondent bien. On voitqu’il n’y a pas de style vraimentgraphique québécois ou fran-çais, mais plutôt des tas destyles graphiques, et qu’il y ades influences et des racinescommunes dans la passion. »

Passerelle atlantiqueLes liens «bédéiques» entre

la France et le Québec sont ré-cents. Mathieu Diez souhaitaitlancer un projet à l’internatio-nale il y a seulement cinq ans.«On voulait trouver une façonde singulariser notre évènement:il y a 400 salons de bande dessi-née par an en France », ex-plique-t-il. Pour aller à contre-courant de la concurrence, il aeu l’idée de collaborer avec laBelle Province sur deux ans.« On s’est assez naturellementtournés vers le Québec, parcequ’on avait remarqué qu’il s’ypassait pas mal de choses. Il y aun foisonnement créatif impor-

tant et intéressant, une patte debédé.» Il s’est tourné alors versle Festival de la BD franco-phone du Québec pour enta-mer son projet. «On leur disaiten gros “on veut faire des chosesavec vous, mais on ne sait pastrop quoi”. Ce à quoi ils nous ontrépondu “nous non plus, mais onest d’accord”.»

Pourtant, après les deux pre-mières années, la collaborationa continué, au grand étonne-ment de Mathieu Diez. « De-puis, on a lancé d’autres pontsde deux ans sur le même modeavec l’Argentine, la Catalogne,la Chine, mais ce qui est intéres-sant, avec le Québec, c ’estqu’après deux ans, les liens sesont auto-entretenus tellementils étaient forts et stables.»

Au total, plus de 60 profes-sionnels de la bande dessinéeont participé à ce projet, avecpour ambition un échange ar-tistique plus que mercantilepu isque les auteurs sontconviés aux deux festivals, qui

ponctuent leur collaboration.« On a rencontré beaucoupd’auteurs, moins d’éditeurs,confesse Paul Bordeleau. Ons’est surtout fait des amis. D’ail-leurs, d’aller à la pêche aux édi-teurs, ç’a été une question dansl’album. Mais quand on a legoût de traverser l’Atlantique,c’est sûr que c’est intéressant[d’aller au festival], mais cen’était pas l’idée de départ. »

Mathieu Diez rappelle tou-tefois que malgré les 580 mil-lions de dollars qu’engrangele marché de la bande dessi-née en France, ce dernier estdéjà saturé. « Il n’a jamais étéaussi facile d’être édité enFrance, mais il n’a jamais étéaussi dif ficile de faire car-rière », prévient-il.

CORRESPONDANCESCollectifLyon BD Éditions2016, 90 pagesDate de sortie au Québec inconnue

Correspondre en bandes dessinées

Extraits de Correspondances des auteurs Laurent Verron (ci-dessus) et Deloupy (ci-contre)

Au Québec comme dans la région d’Auvergne-Rhône-Alpes, il n’y a pas assez d’entrepre-neures dans les instances. Malgré certainesaméliorations, l’équilibre entre la vie person-nelle et la réussite professionnelle reste dif fi-cile à atteindre, et de nombreuses femmesn’osent pas se lancer dans l’entrepreneuriat.

A L I C E M A R I E T T E

Collaboration spéciale

P our toutes ces raisons, les EntretiensJacques Cartier, en collaboration avec les

Réseaux féminins isérois, proposent unéchange sur les « femmes d’af faires au quoti-dien, réseautage, présence dans les instances etdéveloppement des entreprises », le 21 novembre

à l’Institut polytechnique deGrenoble. Un événement lorsduquel onze personnalités qué-bécoises et françaises serontprésentes pour échanger ets’enrichir des bonnes pratiquesde chacune.

« Ce que la majorité des gensne savent pas, c’est que, mon-dialement, les femmes entrepre-neures représentent seulement1% du marché», lance Ruth Va-

chon, présidente-directrice générale du Ré-seau des femmes d’af faires du Québec(RFAQ). Pour elle, dans la province et dans lemonde, la place des femmes dans les instancesest insuffisante.

Même son de cloche du côté français. Cé-

cile Prost, dirigeante d’ABC projets, une so-ciété française spécialisée dans la communica-tion relationnelle d’entreprise qu’elle a elle-même créée, pense qu’il reste encore du che-min à faire pour atteindre la parité. « Un desproblèmes, c’est que les femmes doutent, ellesimaginent que ce n’est pas pour elles, qu’ellesn’ont pas les compétences, note Mme Prost. Si lafemme n’est pas persuadée d’y arriver, c’est en-core plus dif ficile. »

Pour prendre confiance, les femmes ont be-soin de s’identifier à quelqu’un qui les inspire.« Malheureusement, on a moins de modèles àmettre sur la place publique, car pour unefemme, aller se mettre en tribune, c’est presqueimpossible », déplore pour sa part Mme Vachon.Les femmes, plus réservées, ont du mal à ac-cepter de se mettre en avant et de montrer leurréussite. C’est pourquoi, depuis 2001, le prixFemmes d’af faires du Québec, dont la der-nière édition a eu lieu le 10 novembre, récom-pense celles qui se distinguent dans le mondedes affaires.

Un réseau à construirePermettre aux femmes de se créer un réseau

est une des missions du RFAQ. «Quand on estseule, on peut être portée à voir sa petitesse, alorsqu’ensemble, on peut voir sa grandeur», fait va-loir Mme Vachon, en ajoutant qu’elle conseilletoujours aux femmes de venir chercher de laconfiance au Réseau, pour être ensuite meil-leures ailleurs. « Nous devons nous aider, colla-borer, nous donner confiance, prospérerensemble », ajoute-t-elle. Pourtant, malgré l’im-portance du réseau dans la réussite profession-nelle, pour une femme, sortir faire du réseau-

tage ne fait presque jamais partie de ses priori-tés. Le Réseau multiplie chaque année les occa-sions de rencontres et d’échanges, tout en ac-compagnant les femmes dans leur démarche,pour les pousser à revenir. Mme Vachonconstate que de plus en plus, les Québécoisesacceptent de participer à ces événements etprennent le temps de construire leur réseau.

De son côté, Mme Prost souffle que le Québecest en avance sur la façon de faire du réseau-tage au féminin et attend beaucoup del’échange qui va avoir lieu dans le cadre des En-tretiens Jacques Cartier. « Les Françaises nesont pas très à l’aise avec la façon de faire du ré-seau », pense-t-elle. Toutefois, plusieurs orga-nismes français tentent aujourd’hui de facilitercette approche. Elle cite le Réseau entrepren-dre Isère au féminin, qui tente de s’adapter auxbesoins des femmes en proposant du covoitu-rage, des événements le matin ou le midi et del’accompagnement.

Trouver l’équilibre« Je suis de celles qui défendent l’équilibre, car,

oui, le travail, c’est important, mais au-delà, il ya une vie », plaide Mme Vachon. Celle qui a30 ans de «vécu» en entrepreneuriat note qu’auQuébec, des progrès pour offrir l’équilibre tra-vail-famille aux femmes sont existants. La ré-partition des tâches dans un couple, la possibi-lité de faire du télétravail ou d’avoir des congésparentaux sont des avancées qui permettentaux femmes d’oser se lancer en af faire. Deplus, le sujet est très présent actuellement, en-core plus pour les nouvelles générations, pourqui l’équilibre entre vie personnelle et profes-sionnelle est un élément essentiel.

Cécile Prost parle d’un cercle vicieux. « Àpartir du moment où on décide de faire des en-fants, ça devient dif ficile », explique-t-elle. Lessolutions de télétravail restent encore très ti-mides et une femme qui va avoir ou qui a desenfants est encore perçue comme moins renta-ble qu’un homme et se verra confier des mis-sions moins intéressantes. « Et puisque lesfemmes sont moins bien payées que les hommes,c’est souvent elles qui vont arrêter de travaillerpour s’occuper des enfants », explique Mme Prost,faisant référence au mouvement 7 novembre16 h 34, date et heure à partir desquelles lesFrançaises travailleront «bénévolement» jusqu’àla fin de l’année, compte tenu des différencesde salaire entre les sexes. Pour elle, trop sou-vent, les femmes vont se freiner et avoir desprojets moins ambitieux, car elles saventqu’elles n’auront pas beaucoup de temps pourles concrétiser.

Mme Prost a choisi la solution de l’autoentre-preneuriat. Pour elle, il s’agissait de la meil-leure façon d’allier travail et vie de famille, sansfaire trop de concessions. «L’essentiel est de sa-voir où on met les curseurs», lance-t-elle. Malgréla pression constante du chif fre d’af faires, lapossibilité d’avoir vu ses enfants grandir etd’avoir pu composer avec les aléas liés à la viede mère lui a permis de s’épanouir pleinement.

« La situation des femmes dépend aussi desfemmes, avoue Mme Prost. Si on attend qu’il sepasse quelque chose, on va attendre longtemps,notre situation peut évoluer si nous la prenons enmain. » Un point de vue partagé par la prési-dente-directrice générale du RFAQ. « Lesfemmes doivent oser entreprendre leur vie et nepas la subir», conclut Mme Prost.

AFFAIRES

« Les femmes doivent oser entreprendre ! »

Ruth Vachon

ISTOCK

«Ce que la majorité des gens ne savent pas, c’est que, mondialement, les femmes entrepreneures représentent seulement 1% du marché», lance Ruth Vachon, présidente-directrice générale du Réseaudes femmes d’af faires du Québec (RFAQ).