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- TECHNOLOGIA SAS - France Telecom AVSCGE - Rapport - Expertise CHSCT - Avril 2010 - 1 France TELECOM / AVSCGE Risques psychosociaux Expertise CHSCT Rapport Nelly Bidot – Chef de mission Spécialiste des organisations du travail et des ressources humaines Audrey Mas – Psychologue du travail, Ergonome Amandine Mathivet – Sociologue Avril 2010

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France TELECOM / AVSCGE

Risques psychosociaux Expertise CHSCT

Rapport

Nelly Bidot – Chef de mission Spécialiste des organisations du travail et des res sources humaines

Audrey Mas – Psychologue du travail, Ergonome Amandine Mathivet – Sociologue

Avril 2010

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Remerciements

Les experts tiennent à remercier les différents interlocuteurs rencontrés lors de cette mission, pour leur disponibilité et pour la confiance qu’ils ont bien voulu leur accorder. Ils remercient vivement :

� les membres de la Direction, � les représentants du personnel au CHSCT, � l’ensemble des salariés qui ont bien voulu s’exprimer, � les médecins du travail pour le temps qu’ils ont bien voulu leur accorder.

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SOMMAIRE

Résumé général .................................... ............................................................................... 4

-I- Introduction de la demande et de sa reformulati on ................................................ ...... 7

I.A- Le contexte .............................................................................................................. 8 I.B- La demande............................................................................................................. 9 I.C- Reformulation de la demande ................................................................................ 11

I.C.1- La mission des experts de Technologia .......................................................... 11 I.C.2- La démarche de l'expertise ............................................................................. 12

I.D- Méthode de travail, déroulement de la mission et équipe d’intervention ................. 13 I.D.1- Principes de travail ......................................................................................... 13

I.E- Sources écrites ...................................................................................................... 15 I.F- Les risques Psychosociaux : des problématiques réelles....................................... 16

I.F.1- Définitions ....................................................................................................... 16 I.F.2- Les symptômes .............................................................................................. 17 I.F.3- Facteurs de risque et troubles psychosociaux : aspects méthodologiques ..... 18 I.F.4- Quelques chiffres et les conséquences pour l’entreprise ................................ 19

I.G- Les entretiens ........................................................................................................ 23 I.G.1- Cadre méthodologique des entretiens ............................................................ 23 I.G.2- Les entretiens menés auprès des salariés de l’AVSCGE ................................ 23 I.G.3- Les observations auprès des salariés du 1014 ............................................... 24 I.G.4- Les acteurs de la régulation ............................................................................ 24

-II- Diagnostic du problème ....................... ........................................................................ 28

II.A- L’analyse des sources écrites ................................................................................ 29 II.B- Des pratiques managériales coercitives sources de conflits et de pressions quotidiennes ..................................................................................................................... 39

II.B.1- Un contrôle permanent de l’activité ................................................................. 39 II.B.2- Un management d’individualisation des rapports salariaux ............................. 44 II.B.3- Le sens du travail et le sentiment d’appartenance en péril .............................. 45

II.C- Une organisation du travail complexe et perturbée ................................................ 48 II.C.1- Lourdeurs et complexité du système d’information : focus sur l’activité du 1014 48 II.C.2- Sentiment de mépris ressenti par des salariés du 1014 travaillant dans un environnement dégradé ................................................................................................ 50

II.D- Une gestion des ressources humaines peu lisible ................................................. 54 II.D.1- La perception négative voire inexistante des Ressources Humaines : focus sur la gestion des restructurations ...................................................................................... 54 Les pertes ressenties dans les changements organisationnels sont facteurs de souffrance au travail. .................................................................................................... 57 II.D.2- Un déficit de formations .................................................................................. 58 II.D.3- Un sentiment d’iniquité dans le système de promotion : opacité des règles .... 61

II.E- Inquiétudes pour l’avenir et conflits de valeurs ....................................................... 62 II.E.1- Sécurité de l’emploi et instabilité des postes ................................................... 62 II.E.2- Un sentiment d’appartenance qui se dégrade ................................................. 63

-III- Tableaux de synthèse ........................ ......................................................................... 65

-IV- Annexes ...................................... ................................................................................. 73

IV.A- Annexe I : Bibliographie ..................................................................................... 74 IV.B- Annexe II : Les effets du stress chronique sur la santé ....................................... 74 IV.C- Rappel de la réglementation et des normes à respecter ..................................... 75

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Résumé général

L’Agence France Telecom Vente Service Client Grand Est (AVSCGE) compte 725 salariés (mais environ 300 sur le périmètre du CHSCT). Son activité principale est la vente et le service pour les clients résidentiels : centre d’appel 1014 (réception des appels clients), vente à distance, administration de ventes résidentielles, réclamations résidentiels, escalades résidentiels, suivi de commande. Suite à la tentative de suicide d’une collaboratrice d’un des sites de l’AVSCGE, le CHSCT Lorraine a souhaité faire procéder à une analyse des risques psychosociaux sur l’ensemble du périmètre (périmètre jusqu’à fin janvier 2010), avec pour objectif d’identifier les conditions de travail présentant des facteurs de risques pour la santé psychique des salariés. Les experts ont réalisé une enquête qualitative par le biais d’une analyse de documents écrits, d’entretiens auprès de la Direction, du Secrétaire du CHSCT, de la médecine du travail et auprès d’un échantillon aléatoire de 25 salariés. Cette évaluation des risques psychosociaux s’inscrit dans le contexte d’une expertise nationale sur le même thème menée au niveau groupe France Telecom par le cabinet Technologia. De nombreux changements intervenus dans le groupe ces dernières années ont eu pour effet de mettre davantage le travail sous tension. A la question « depuis quelques années vos conditions de travail se sont-elles améliorées, restées inchangées ou dégradées ? », 65 % des collaborateurs ont répondu « dégradées », soit 51 % des contractuels et 75 % des fonctionnaires. L’expertise menée localement confirme cet état de fait. Le croisement des informations récoltées montre que globalement les conditions de travail sont clairement porteuses de facteurs de souffrance au travail dont les effets délétères sur la santé des salariés se manifestent depuis plusieurs années. La nature contraignante des activités, la perte du sens au travail, la perte d’autonomie, le manque de considération tant sur le plan humain que sur le plan professionnel, sont les principales sources de la souffrance au travail : de la perte d’efficacité, en passant par la démotivation de certains et son corollaire le désinvestissement, pour aller jusqu’à des troubles du sommeil et du comportement et la prise de médicaments pour d’autres. Au niveau national, 55 % des salariés se disent plutôt insatisfaits de leur situation de travail prise dans sa globalité et les populations les plus concernées par des

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situations de travail tendu (forte charge psychologique associée à une faible autonomie et un faible soutien) sont celles qui exercent un métier lié au service clients et à la distribution. Sur le plan local, le département de la Lorraine est justement de ceux dont les scores sont les plus dégradés au niveau des situations de travail tendu. Globalement la majorité des salariés rencontrés présente un état de stress chronique1 ancien. La première cause de la détérioration des conditions de travail a été identifiée dans des pratiques managériales coercitives : un système de management individualisé, prioritairement centré sur l’atteinte des objectifs, associé à une ultra proximité du management et une absence d’autonomie dans l’exercice des métiers provoquent une perte de sens au travail et ne laissent pas de place au sentiment d’appartenance à un groupe homogène. Cela interdit de tisser un véritable « filet » horizontal qui permettrait de résister à la pression verticale. La deuxième cause majeure identifiée concerne l’organisation du travail. Dans le cadre de l’observation des conditions de travail des téléconseillers du 1014, les experts ont mis en évidence les lourdeurs et la complexité du système d’information induisant des conséquences néfastes sur l’efficacité des salariés. En outre la multiplicité des applications, l’abondance des offres commerciales et leur fréquent renouvellement, nécessitent un sur-investissement des salariés dont les efforts ne sont pas toujours couronnés de succès, affectant ainsi la part variable de leur salaire et provoquant chez certains un sentiment de découragement devant un perpétuel retard à rattraper ; sentiment amplifié lorsqu’il est associé au mépris ressenti par les salariés travaillant dans des locaux dégradés. La troisième cause majeure identifiée concerne la gestion des ressources humaines qui semble peu lisible pour l’ensemble des salariés rencontrés. Dans un contexte de forte mobilité, aussi bien géographique que métier, les salariés n’ont pas perçu le rôle d’accompagnateur, de soutien, de reconnaissance, de fédérateur, de garant du lien social qu’auraient dû jouer les RH. Cette vision représente un handicap majeur à la contribution des RH au bien-être des salariés des différents sites du périmètre ; les salariés évoquent l’inexistence du service RH. La récente nomination de RH de proximité, appelés plus précisément Business Partners Ressources Humaines semble être une mesure a priori bien accueillie mais se heurtant au fort scepticisme des salariés. La méfiance installée peine à faire place à la confiance dans un contexte de désillusion générale. L’appellation « Business Partners » utilisée pour désigner les RH ne peut que

1 L’agence européenne pour la santé et la sécurité au travail, reliée à l’Union Européenne, et chargée de promouvoir la santé et la sécurité au niveau européen, définit le stress de la manière suivante : « Le stress survient lorsqu’il y a un déséquilibre entre la perception qu’une personne a des contraintes que lui impose son environnement et la perception qu’elle a de ses propres ressources pour y faire face. Bien que le processus d’évaluation des contraintes et des ressources soit d’ordre psychologique, les effets du stress ne sont pas uniquement de nature psychologique. Il affecte également la santé physique, le bien être et la productivité. » On distingue des situations de stress aigu (quand une personne doit faire face à un événement ponctuel) et des situations de stress chronique qui ont des conséquences sur la santé des salariés.

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conforter cette vision d’une entité qui est davantage au service de l’entreprise qu’à celui des salariés. Enfin, ces phénomènes sont amplifiés par la perception du déclin du sentiment d’appartenance à un collectif de travail et une peur de l’avenir. L’ensemble de ces constats caractérise un processus bien réel de dégradation des conditions de travail des salariés des différents sites. La situation actuelle nécessite donc de prendre des décisions énergiques et urgentes pour les améliorer et ainsi éviter d’augmenter encore les conséquences négatives prévisibles sur la santé psychique des salariés. Au regard de cette situation, la mission a orienté ses recommandations autour de cinq axes : - diminuer la pression que des pratiques managériales coercitives font peser

sur les salariés ; - soutenir et former les managers ; - permettre aux RH de jouer leur rôle central de garant de bonnes conditions

de travail protectrices de la santé des salariés ; - mettre les RH au centre du dispositif de prévention des risques

psychosociaux en partenariat étroit avec les IRP et la médecine du travail ; - faire évoluer le plan de prévention des risques.

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-I-

Introduction de la demande et de sa reformulation

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I.A- Le contexte

L’Agence France Telecom Vente Service Client Grand Est (AVSCGE) compte 725 salariés (mais environ 300 sur le périmètre du CHSCT). Son activité principale est la vente et le service pour les clients résidentiels : centre d’appel 1014 (réception des appels clients), vente à distance, administration de ventes résidentielles, réclamations résidentiels, escalades résidentiels, suivi de commande. La société a connu de fortes évolutions. Dans ce contexte de fortes mutations, la tentative de suicide d’une des salariés de l’AVSCGE sur son lieu de travail – elle-même s’inscrivant dans une série de suicides, depuis 2008, des salariés de l’entreprise au niveau national – alerte l’ensemble des acteurs de la prévention du périmètre Lorraine de l’AVSCGE, tant du coté de la Direction que du coté des représentants du personnel. Ceux-ci prennent la mesure du risque psychosocial potentiel.

C’est dans ce cadre que se situe la présente proposition du cabinet. L’Agence France Telecom Vente Service Client Grand Est (AVSCGE) se situe au sein de la Direction Territoriale Grand Est qui comprend La Lorraine, l’Alsace, la Bourgogne et la Franche-Comté. Ce territoire compte trois CHSCT : - Le CHSCT Lorraine (demandeur de l’expertise), - Le CHSCT Alsace + territoire de Belfort, - Le CHSCT Bourgogne/Franche-Comté (hors territoire de Belfort). Les établissements lorrains et leurs activités sont répartis de la façon suivante : - Metz Sablons : conseillers clientèle résidentiel (1014), équipe d’environ 170

salariés. - Metz Arsenal : Orange Internet Professionnel (OIP), plate-forme nationale

d’appel pour les professionnels, équipe d’environ 60 salariés. - EPINAL : Administration des Ventes Résidentiel (ADVR) + réclamations,

équipe d’environ 90 salariés. - NANCY : Vente à Distance aux particuliers (VAD), offres spécifiques pour les

particuliers et gestion de l’envoi de matériel au niveau national, équipe d’environ 40 salariés.

- THIONVILLE : Administration des ventes Professionnel (ADV PRO), équipe d’environ 70 salariés.

Le périmètre Une réorganisation a eu lieu en septembre 2009. C’est ainsi que l’OIP Metz et l’ADV PRO situées à Thionville se sont vues rattachées à la direction nationale métier « ventes marketing France ». Néanmoins, lors de cette réorganisation il a

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été décidé que le CHSCT Lorraine conservait ses prérogatives sur l’ensemble du périmètre initial jusqu’aux prochaines élections qui ont eu lieu fin janvier 2010. Lors de la réunion de cadrage, il a donc été accepté que la présente expertise concerne un périmètre de 430 salariés environ et intègre les activités dédiées aux clients professionnels, à savoir l’OIP et l’ADV PRO. A l’issue de l’expertise, il appartiendra aux élus du CHSCT intégrant ces deux entités de décider de l’utilisation qu’ils souhaiteront en faire.

I.B- La demande

Lors de leur réunion du 23 septembre 2009, les membres élus au CHSCT de l’AVSCGE, périmètre Lorraine, ont constaté : « des risques graves pour la santé des salariés. Ils ont été matérialisés, dernièrement, par : � une tentative de suicide d’une salariée sur son lieu de travail, � des plaintes de souffrance au travail par les salariés dans les services, dont

certaines suite à agressions verbales de clients mécontents (Le 28 juillet 2009, un salarié de Nancy CVAD a même déposé plainte au Commissariat, avant de consulter un médecin et d’être mis en arrêt maladie.) et révélés par le rapport d’activités 2007 du médecin du travail Lorraine Nord : « Si nous notons que la santé physique des salariés reste bonne en regard de leur âge, nous restons préoccupés par leur santé mentale , quelle que soit leur place dans l'entreprise. Dans tous les cabinets médicaux, les salariés expriment leur désarroi, leur inquiétude face à l'avenir incertain, leurs difficultés au travail (mal-être, conflit de valeurs, non-reconnaissance, travail de mauvaise qualité...), le ressenti négatif des évolutions de l'entreprise sur leur situation extraprofessionnelle. Les salariés ont le sentiment que les indicateurs chiffrés de production (les "objectifs") ne reflètent pas la complexité de leur travail, qui n'est ni prise en compte, ni reconnue. Les téléconseillers sont particulièrement exposés . »

De même, le rapport d’activités 2008, de ce même médecin a été rappelé : « Au sein de l'entreprise, les modifications incessantes dans l'organisation des services provoquent la perte des repères et des aides et soutiens identifiés jusqu'alors. Enfin l'évolution socio-économique de l'entreprise leur fait craindre la perte de leur "vrai" métier pour des tâches subalternes moins intéressantes où le quantitatif prime sur le qualitatif. » Le CHSCT rappelle que le médecin a alerté oralement ou par courrier les Directeurs et DRH sur des situations individuelles de souffrance (Cf. Courrier du 25 mars 2009) ou pour des équipes . Et qu’il insiste « sur la situation des salariés en missions prolongées , et en particulier sur celle des cadres ; ces situations sont sources d’altération de leur santé mentale. Au cours de notre activité médicale, nous notons une dégradation de la perception des salariés de leur santé , et pour un certain nombre d’entre eux, nous observons un état anxio-dépressif en lien avec leur situation de trav ail et/ou l’incertitude de l’avenir. Nous avons parlé de salariés « usés, fatigués » professionnellement.

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Nous pensons qu’il est nécessaire d’anticiper sur les compétences de chacun, et leurs facultés d’adaptation, face aux transformations encore à venir dans l’entreprise. Nous pensons qu’il est non seulement nécessaire, mais urgent, de prendre en compte ces situations de souffrance au niveau du collectif de travail, d’avoir une démarche de prévention primaire dans la prise en compte des risques psychosociaux. » Le rapport d’activités 2007 du médecin du travail Lorraine Sud a également été cité : « Les réorganisations, les changements d’activité , et plus particulièrement la fermeture des sites des petites villes, provoquent des troubles chez les salariés de type anxiété , de mal-être , de souffrance ou même de détresse avec des répercussions quelquefois importantes sur leur santé physique et mentale . » Lors de cette même réunion, les membres élus au CHSCT rappellent que des situations de souffrance au travail ont fait l’objet de questions des DP depuis avril 2009, certaines n’ayant eu pour réponse qu’elles « ne (relevaient) pas du périmètre de compétence de cette instance ». Rappelant les missions du CHSCT définies par l’article L.4612-1 du Code du travail et que, en vertu de l’article L.4614-12, « le comité HSCT peut faire appel à un expert agréé lorsqu’un risque grave révélé, ou non, par un accident du travail… est constaté dans l’établissement. », le CHSCT du périmètre Lorraine a décidé à l’unanimité de bénéficier de l’appui d’un cabinet d’experts agréé par le Ministère du travail, afin de réaliser une expertise de la situation, sur les plateaux du périmètre lorrain de l’AVSCGE. Selon les termes arrêtés lors de cette réunion, « la mission a pour objet d’accompagner et d’aider le CHSCT sur les axes suivants : a. Proposer des indicateurs pertinents sur l’évaluation des risques

psychosociaux, dont l’analyse du processus de construction de ces indicateurs, et conseiller leur mise en place.

b. Recenser les facteurs organisationnels et psychosociaux susceptibles de générer directement ou indirectement de la souffrance au travail.

c. Analyser précisément sur l’ensemble des plateaux la perception des facteurs de stress et la manière d’y faire face et élaborer une proposition de plan d’actions.

d. Examiner si le programme de formation à la prévention et le programme annuel de prévention des risques professionnels et d’amélioration des conditions de travail, ainsi que l’évaluation des risques (Document Unique) couvrent bien les risques graves évoqués et particulièrement les risques psychosociaux.

e. Analyser de manière approfondie la tentative de suicide de notre collègue afin de déterminer et de comprendre au mieux les facteurs professionnels qui ont pu éventuellement conduire à cet acte.

f. Aider le CHSCT afin qu’il puisse émettre des préconisations précises. » Dans le cadre de ce recours à l’assistance d’un expert, le CHSCT a désigné à l’unanimité le cabinet TECHNOLOGIA, 42 rue de PARADIS 75010 PARIS, agréé par le ministère du travail et compétent pour ce type d’intervention. Le CHSCT a en outre mandaté « M. Muckensturm, Secrétaire du CHSCT, et M. HOUPERT, élu au CHSCT, pour prendre toutes dispositions nécessaires à

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l’exécution de ces décisions, notamment prendre contact avec l’expert désigné, et éventuellement, suivre la mission d’expertise, et éventuellement ester en justice, représenter le CHSCT en première instance, interjeter l’appel, et représenter le CHSCT en appel. Le représentant du CHSCT pourra se faire assister et représenter par l’avocat de son choix. Les membres du CHSCT demandent au Président du CHSCT, M. Aimaretti, de communiquer au cabinet d’expertise, l’ensemble des données et documentations relatives à cette problématique, afin de lui permettre de réaliser au mieux cette mission. »

I.C- Reformulation de la demande

I.C.1- La mission des experts de Technologia

Dans cette perspective, l’approche du risque grave relève dans un premier temps d’une approche globale liée à l’organisation du travail et aux relations entre les individus concernés. Comme dans toute approche des risques psychosociaux professionnels, les composantes organisationnelles et managériales sont prépondérantes. Elle intègre à la fois des notions de charge de travail, d’autonomie, de soutien et de reconnaissance, mais également d’autres notions telles que l’exemplarité managériale, l’équité, l’approche de l’avenir professionnel. L’ensemble de ces éléments expliquent l’approche plurifactorielle nécessaire à la compréhension du risque psychosocial professionnel. Au-delà de cette approche collective viennent se greffer les déviances de certaines relations professionnelles ainsi que les caractéristiques de chaque individu, dans la perspective d’une approche plus individuelle des conséquences du risque psychosocial. De ce fait, l’attente des membres du CHSCT est d’obtenir, à la suite de l’expertise demandée, une démarche structurée sur le risque psychosocial, segmentée en fonction des populations concernées, et permettant ainsi de construire une réflexion partagée afin de garantir les conditions de travail des salariés. La mission de Technologia consistera donc à :

• analyser les facteurs du risque psychosocial ; • analyser précisément les situations de travail concrètes existantes ; • mettre en évidence les facteurs qui génèrent des souffrances et

conduisent à des risques pour la santé des salariés ;

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• apporter tous les éléments utiles à une information autonome et à une bonne compréhension de la situation ;

• aider les représentants du personnel à formuler des propositions de mesures visant à faire disparaître les sources de dysfonctionnement et les risques d’atteinte à la santé ;

• aider à la construction d’un plan d’actions concret, afin de prévenir les risques professionnels.

Cette expertise s’inscrit donc essentiellement dans une démarche de prévention.

I.C.2- La démarche de l'expertise

Le cabinet Technologia aura pour mission d’apporter des éléments d’analyse utiles à la compréhension des situations de travail, en vue d’apprécier les liens possibles entre les conditions de travail et les risques pour la santé du personnel concerné. Les informations utiles seront recensées sur la base des documents fournis, d'entretiens et d’observations. La mission sera réalisée en étroite collaboration avec les différents acteurs concernés par la prévention des risques professionnels, notamment le service santé au travail si sa disponibilité le permet. Seront également rencontrés, si les experts le jugent nécessaire en cours d’expertise, des acteurs extérieurs à l’entreprise comme les inspections du travail et de la CRAM. Pour instruire au mieux les problématiques, la démarche adoptée sera fondée sur une approche qualitative pluridisciplinaire. Il s’agira notamment d’identifier les leviers sur lesquels agir pour réduire le niveau de risque, avec comme principaux déterminants :

• La demande psychologique (charge de travail, charge mentale, relation avec la charge de travail),

• La latitude décisionnelle (mobilisation des compétences, autonomie, marge de manœuvre),

• Le soutien social (des collègues, de la hiérarchie), • La reconnaissance (par rapport aux efforts consentis).

Organisationnelle

Technique

Médicale

Sociologique Ergonomique

Une approche pluridisciplinaire

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D’autres déterminants de la souffrance au travail peuvent être pris en compte comme la vision de l’avenir, l’exemplarité managériale, l’équité managériale, etc. Des entretiens semi-directifs avec un échantillon du personnel permettront de définir, au plus près de la réalité, les déterminants factuels et opérationnels de la souffrance éventuellement détectée. L’ensemble des déterminants repérés sur le terrain lors de l’analyse du travail permettra de qualifier les situations de travail et de cibler les actions à mettre en œuvre.

I.D- Méthode de travail, déroulement de la mission et équipe d’intervention

I.D.1- Principes de travail

Nous précisons qu’en vertu de notre agrément du Ministère du travail, nous sommes astreints à un strict secret professionnel et à un code de déontologie. Cabinet indépendant, Technologia construit ses interventions dans une relation de confiance avec ses clients. La déontologie de Technologia repose sur plusieurs principes. Le premier est la garde des informations confiées par le client à travers le secret professionnel. Ensuite, dans le cadre de sa mission, Technologia garantit l'anonymat des propos tenus par tous les interlocuteurs sur le dossier traité ainsi que l'anonymat des lieux. La déontologie de Technologia est fondée sur le respect des règles suivantes :

• Les salariés concernés par l’expertise sont informés préalablement des objectifs des interventions des consultants et du calendrier de leurs présences.

• Les interventions se font avec l’accord de la hiérarchie et avec le souci de perturber le moins possible le fonctionnement des services.

• Les observations de l’activité et les entretiens ne peuvent se faire qu’avec l’accord des personnes concernées.

• L’anonymat des entretiens et des restitutions est garanti, de même que l’origine des opinions exprimées.

• Les consultants sont tenus, par contrat, au secret professionnel. Ils s’engagent à assurer la confidentialité des informations dont ils ont connaissance au cours de la mission.

• En cas de rétention d’information, le cabinet rédige un constat de carence. Dans ce cas, les honoraires et les frais sont toujours dus.

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Pour assurer la qualité, l’efficacité et la pertinence des missions qui lui sont confiées, les interventions de Technologia sont basées sur les principes suivants : • Nous traitons les problèmes conjointement sous l’angle social et technique,

ce qui permet de mieux mettre en évidence les liens entre ces deux aspects. • Nous nous efforçons d’associer les salariés et les responsables concernés

dans une dynamique commune, ce qui renforce le potentiel de mise en œuvre des actions d’amélioration.

• Nous veillons à définir et à mener nos interventions en fonction des situations réelles de travail, en tenant compte des spécificités et des particularités de nos clients, ce qui permet d’assurer la pertinence et l’adéquation de nos résultats.

Dans le cadre de ses activités, le cabinet Technologia est couvert par un contrat d’assurance en responsabilité civile professionnelle et responsabilité civile d’exploitation. Enfin Technologia, dans le cadre de ses obligations morales qui renvoient à la droiture et à la conscience professionnelle, garantit servir les intérêts de son client.

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I.E- Sources écrites

• Procès-verbal de la réunion du CHSCT du 27/02/2009, • Procès-verbal de la réunion du CHSCT du 24/04/2009, • Procès-verbal de la réunion du CHSCT du 15/05/2009, • Procès-verbal de la réunion du CHSCT du 04/09/2009, • Procès-verbal de la réunion du CHSCT du 23/09/2009, • Bilan Social 2007, Direction territoriale EST • Bilan Social 2008, Direction territoriale EST • Rapport annuel du médecin Lorraine Nord 2007, • Rapport annuel du médecin Lorraine Sud 2007, • Rapport annuel du médecin Lorraine Nord 2008, • Rapport annuel du médecin Lorraine Sud 2008, • Document Unique, • Programme Prévention 2009, • Plan de formation, • Divers contenus de formation, • Fiche entretien de ré-accueil, • Modèle d’entretien annuel conseiller clientèle et responsable d’équipe.

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I.F- Les risques Psychosociaux : des problématiques réelles

I.F.1- Définitions

Nous parlons de risque psychosocial2 pour des salariés lorsqu’il y a des probabilités d’apparition de troubles à effets psychologiques tant individuels que collectifs, ayant pour origine l’environnement professionnel. Le trouble d’origine psychosocial peut être caractérisé par l’apparition, chez une ou plusieurs personnes, de signes plus ou moins perceptibles qui, faute d’attention, peuvent progressivement s’aggraver jusqu’à devenir pathologiques. Il se traduit par des manifestations, telles que :

- stress, anxiété, irritabilité, trouble de l'humeur, trouble du sommeil, mal-être, état dépressif, etc.

- angoisse, détresse, souffrance morale, épuisement, dépression (manifestations plus graves).

La notion de risques psychosociaux est apparue officiellement dans la circulaire DRT 2002-6 du 18 avril 2002 d’évaluation des risques, afin d’ajouter à l’analyse des risques physiques, l’évaluation des risques dont l’atteinte n’était pas directement physique. Dans cette circulaire, les Risques Psychosociaux ont été mis en relation avec l’activité de travail en la qualifiant de « nouveaux risques professionnels ». Le développement de l’utilisation de cette notion est lié à l’apparition de la loi n°2002-73 de Modernisation sociale du 17 janvier 20 02 intégrant le harcèlement moral. Avec la nécessité de catégoriser les risques impliquant une atteinte à la santé mentale. Ces risques ne sont pas encore clairement définis, mais certaines institutions commencent à stabiliser des concepts. Aussi, d’après la Commission Universitaire de la Santé et Sécurité au Travail Romande "les risques liés aux relations humaines au travail sont les risques qui découlent de l’interaction entre des individus et de l’interaction de l’individu avec son travail. Ils sont couramment nommés risques psychosociaux."

2 Sources : Guide ARACT Aquitaine et Rapport de recherche Chaire en gestion de la santé et de la sécurité au travail dans les organisations - Décembre 2002, à l’Université de Laval (Québec).

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D’après l’INSERM, les facteurs psychosociaux au travail désignent un vaste ensemble de variables, à l'intersection des dimensions individuelles, collectives et organisationnelles de l'activité professionnelle, d'où leur complexité et leur caractère souvent composite. D’après le Ministère du Travail, les risques psychosociaux recouvrent des risques professionnels qui portent atteinte à l’intégrité physique et à la santé mentale des salariés : stress, harcèlement, épuisement professionnel, violence au travail...

I.F.2- Les symptômes

Il est possible de considérer qu’il y a troubles psychosociaux lorsqu’un ou plusieurs déséquilibres sont constatés chez les sal ariés qui se traduisent par les manifestations suivantes : stress, mal être, inquiétude. Ces manifestations peuvent se développer sous des formes aggravées : angoisse, souffrance, dépression… Elles peuvent donner lieu à différents types de comportements : agressivité, comportements d’addiction (alcool, prise de médicaments…). Ils peuvent entraîner des pathologies professionnelles telles que des dépressions, des maladies psychosomatiques, des problèmes de sommeil, mais aussi générer des troubles musculo-squelettiques, des maladies cardio-vasculaires voire entraîner des accidents du travail. Il s'agit de tous les signes personnels manifestant des difficultés d'adaptation aux contraintes du travail, quelle que soit la nature de ces contraintes. Il existe trois types d’indicateurs :

� des symptômes physiques : muscles tendus, migraines et maux de tête, digestion difficile, fatigue inexpliquée, malaises…

� des symptômes psychologiques : apparition d’un nombre croissant d’émotions négatives comme l’inquiétude, le découragement, l’agacement, l’énervement, la tension, l’insatisfaction, des problèmes de sommeil, des crises de larmes …

� des symptômes comportementaux : augmentation d'alcool, de tabac ou de café, tendance à la boulimie ou au contraire perte d’appétit, tendance à s’isoler des autres, agressivité…

Les symptômes de stress, harcèlement ou épuisement, expriment tous un mal-être individuel et personnel. Ils constituent donc des facteurs de risques particulièrement complexes qui illustrent toute une gamme possible de réactions personnelles aux contraintes du travail. Ils doivent être examinés avec beaucoup de précaution, en tenant compte de la spécificité de chaque personne. L’ARACT Aquitaine distingue les niveaux de trouble suivants : Stress: "L’état de stress survient lorsque l'individu perçoit que les exigences de son environnement excèdent ses capacités à y faire face et donc que sa stabilité, sa quiétude, son bien être, sont menacés."

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Mal-être (ou mal vivre ensemble): Etat émotionnel en lien avec le contexte organisationnel et relationnel, souvent relié à des modes dégradés de relations de travail, à une perte de repères et des difficultés à faire face à des situations d’instabilité. Souffrance au travail (forme plus aggravée) : Etat dépressif en réaction aux contraintes organisationnelles et sociales, souvent déclenchées suite à des comportements identifiables de collègues ou de supérieurs hiérarchiques. Epuisement professionnel: Syndrome décrit comme un épuisement physique et émotionnel, qui conduit à la dévalorisation de l’image de soi perte d’intérêt au travail.

I.F.3- Facteurs de risque et troubles psychosociaux : aspects méthodologiques

Le modèle multidimensionnel identifie d’une part les facteurs de risques à l’origine du trouble et d’autre part les indicateurs symptomatiques et leurs conséquences en terme de santé. Les facteurs de risques ne jouent pas indépendamment les uns des autres ils se renforcent mutuellement (effets système) il faut les considérer dans leur ensemble. Nous parlons de modèle systémique dans la mesure où causes et effets sont multifactoriels et que leur analyse permet de combiner les approches au niveau des salariés et des équipes avec des approches structurées au niveau de l’organisation. Il faut distinguer les facteurs de risques tels que : � Pression événementielle, forte exigence d’un client, � Difficultés et insatisfactions en rapport avec le contenu du travail, � Surcharges de travail, psychique et cognitive, � Moyens matériels et outils inadaptés, � Conflits et ambiguïtés de rôles et de responsabilités, � Insuffisance de coordination et de coopération, � Faible autonomie d’action, absence de marges de manœuvres, � Insuffisance de consultation, de participation, de communication, � Horaires exigeants, � Forte exigence du management, � Evaluation perçue comme injustifiée sur le résultat d’un travail ou sur la

manière de faire, � Insuffisance de réciprocité entre contribution et rétribution (beaucoup d'efforts

pour peu de récompenses en salaire, primes, avancements…), � Faible autonomie professionnelle, sentiment d’incompétence, � Surqualification, � Sous ou sur promotion, incertitude de carrière, � Manque de reconnaissance des collègues et supérieurs, sentiment d’iniquité, � Insuffisance d'estime de soi, � Tensions et agressions verbales dans les relations interpersonnelles, � Tensions et conflits dans son groupe d’appartenance, � Incertitude sur l'évolution d'une situation, � Peur d'une situation nouvelle, � Difficulté de conciliation travail / famille… Et les manifestations de troubles telles que:

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� Stress, anxiété, irritabilité, trouble de l'humeur, du sommeil, mal-être, état dépressif…

� Angoisse, détresse, souffrance, dépression. � Agressivité, retrait, démotivation. � Problèmes de santé aigus et chroniques… Plusieurs études récentes tendent à confirmer le lien entre l’environnement du travail, notamment les mutations profondes qui le caractérisent, et les manifestations de mal-être des personnes dans l’entreprise. La santé mentale des collaborateurs peut avoir des incidences sur la performance de l’entreprise : déjà en 2004, on estime à 23 % la part des arrêts de travail dus à des troubles anxio-dépressifs (Source : CNAM). L’organisation du travail et le dialogue social sont donc au cœur des mesures de prévention: en effet, une partie de ces risques peuvent être supprimés avec une nouvelle organisation des conditions d'exécution du travail et/ou une gestion du personnel mieux adaptée. Il sera ici conduit une analyse sur des composantes organisationnelles pouvant conduire à l’apparition de risques psychosociaux.

I.F.4- Quelques chiffres et les conséquences pour l ’entreprise

La France ne dispose pas d’enquête nationale spécifique sur le stress au travail mais les enquêtes périodiques « conditions de travail » de la DARES3 donnent des indications portant sur les facteurs de stress au travail :

� Plus d’un travailleur sur deux travaille dans l’urgence, � Plus d’un travailleur sur trois reçoit des ordres ou des indications

contradictoires, � Un tiers des travailleurs déclare vivre des situations de tension dans ses

rapports avec ses collègues ou sa hiérarchie. Par ailleurs, d’après une étude IFOP d’Août 2007,

� 73 % des salariés se disent « stressés » au travail, � 20 % avouent faire du présentéisme, � 29 % seulement estiment que la pénibilité du travail est plutôt physique,

contre 70 % qui pensent qu'elle est davantage psychologique. Les cas de dépression, d’anxiété, de stress liés au travail ont augmenté chez les femmes ces dernières années. C’est une des données relevée par les experts qui travaillent au sein du réseau national de vigilance et de prévention des pathologies professionnelles. Ce réseau constitue une base de données nationale pour repérer les problèmes de santé au travail. Il a été mis sur pied dans le cadre du plan santé au travail (2005-2009) et doit constituer la première pierre du dispositif : mieux connaître les dangers et les risques en milieu professionnel. La Sécurité Sociale a déclaré, en 2006 et 2007, les cas de suicides chez IBM et chez Renault, comme maladie professionnelle. Cette reconnaissance officielle de

3 http://www.travail-solidarite.gouv.fr/rubrique statistiques/conditions de travail

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la souffrance au travail tardait à venir. Au Japon, le karoshi (la mort subite d’un employé par arrêt cardiaque dû à une charge de travail ou à un stress trop important) est reconnu depuis 1970. Les différents acteurs économiques et sociaux reconnaissent maintenant la réalité de ces phénomènes mais il est difficile de mesurer l'ampleur et l'évolution, en l'absence d'indicateurs spécifiques et fiables. L’existence de risques psychosociaux dans l’entreprise se traduit à partir de dysfonctionnements de toutes sortes : Il existe différents indicateurs d’alerte : Au niveau du facteur humain

o Plaintes des personnels o Types de troubles exprimés o Pathologies repérées

Au niveau de l’organisation

o Absentéisme. o Demandes de mobilité professionnelle et turn-over. o Performances. o Qualités des relations. o Incidents et accidents. o Situations de tension de conflit

Absentéisme Un absentéisme en augmentation ou largement supérieur à la moyenne nationale est, la plupart du temps un indicateur de malaise social de l’entreprise. Un absentéisme pratiquement nul doit aussi être interrogé. En France dans le secteur privé, le taux d’absentéisme pour des raisons de santé varie selon les sources entre 5% et 6%. Il est plus élevé dans la fonction publique (7,3% dans la fonction publique d’Etat, 11% dans la fonction publique hospitalière et 11,3% dans la fonction publique territoriale). Les absences régulières, pour raisons de santé, en début ou en fin de semaine, ou lorsque les enfants n’ont pas école, reflètent un désinvestissement du travail au profit de la vie extra-professionnelle. Les bilans sociaux 2007 et 2008 ne permettent pas de procéder à une analyse précise de l’absentéisme de l’AVSC Grand Est car ils concernent l’ensemble de la direction territoriale. Néanmoins ils rendent compte de tendances. A partir des données des bilans sociaux, les experts ont calculé deux indicateurs :

- le nombre de jours d’absence hors longue maladie/ salarié/an ; - le pourcentage global d’absentéisme pour raisons de santé.

Avec comme hypothèse de travail une durée légale annuelle de 217 jours par salarié ETP

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TABLEAU 1 : Nombre de jours d’absence hors longue m aladie / salarié / an

2005 2006 2007 2008 Salariés en longue maladie (>30j)

436

420 412 414

Base ETP (hors salariés en arrêt >30j)

7805 7099 6934 6475

Jours absence/an pour arrêts >30j

52180 48256 46946 45981

Nombre moyen de jours d’absence /salarié/ an

6,69 6,80 6,77 7,10

Le nombre moyen de jours d’absence pour maladie par salarié (avec arrêt inférieur à 30 jours) montre une légère tendance à l’augmentation depuis 2005 : de 6.69 à 7.1 jours. Il serait intéressant de mettre en évidence cet indicateur par type d’activité dans le bilan social afin de pouvoir le comparer à celui d’autres entreprises du même type et surveiller son évolution. TABLEAU 2 : taux d’absentéisme pour raisons de san té

2005 2006 2007 2008 Nombre global de jours d’absence pour maladie

146857 139295 136368 135738

Nombre global de jours d’absence pour accident

7363 4929 7125 6351

total 154220 144224 143493 142089 Nombre de salariés ETPconcernés par absence pour longue maladie

711 665 661 655

Nombre global de salariés ETP concernés par absence avec arrêt < 30 jours

7346 7519 7346 6889

Taux d’absentéisme pour raisons de santé

9.67 % 8.84% 9.00% 9.50%

Si depuis 2005 le taux d’absentéisme pour raisons de santé a diminué de 0.17, il a cependant augmenté de 0.5 entre 2007 et 2008. En outre il est particulièrement élevé si on le compare au taux moyen d’absentéisme des entreprises privées qui est généralement compris entre 5 et 6 %. Il se situe à mi-chemin entre la fonction publique d’état et la fonction publique hospitalière où les conditions de travail sont particulièrement source de stress. Cet indicateur devrait être mis en évidence dans le rapport social et étroitement surveillé.

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Taux de rotation du personnel (turn over) Le statut de fonctionnaire de la plupart des salariés rend cet indicateur non pertinent. Performances Il n’existe pas d’indicateur général; il faut les rechercher entreprise par entreprise. Autres Grèves, mouvements sociaux, procédures judiciaires (pour harcèlement moral par exemple). Actes de malveillance (peu courants) ou de violence au travail : c’est à la fois une cause et une conséquence de problèmes psychosociaux. Un salarié harcelé, stressé, ayant perdu toute confiance en lui, aura des difficultés à prendre des initiatives ou des décisions. La qualité de son travail s'en ressentira. Même s'il met toute son énergie à résister à la pression, à "tenir", un jour ou l'autre, il devra s'arrêter de travailler pour se soigner. Et l'absentéisme et la détérioration du climat de travail ont des conséquences négatives pour l'entreprise. Les coûts directs et indirects d'un mauvais climat de travail peuvent être énormes, non seulement pour l'entreprise, mais également pour toute la société. Il faut, en effet, tenir compte de la prise en charge des victimes de harcèlement par les organismes de Sécurité sociale.

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I.G- Les entretiens

I.G.1- Cadre méthodologique des entretiens

Les entretiens sont semi-directifs, de type compréhensif. Il s’agit, à partir d’une grille d’entretien, de conduire des entretiens assez libres, afin de : • permettre l’émergence de thèmes ou problèmes non anticipés à travers la

grille d’entretien ; • développer une relation de confiance avec l’enquêté, pour instaurer une

véritable écoute ; • passer d’un discours « tout fait » et « prêt à l’emploi » à un discours plus

proche du vécu. Ce type d’entretien ne relève ni de l’improvisation ni du placage d’une grille préétablie. Il représente un outil d’investigation pertinent car la qualité des relances assure l’adaptation d’un corpus d’hypothèses à une situation de travail singulière. Aussi s’agit-il d’un procédé inverse à celui des entretiens qui reviennent à fondre des cas singuliers dans un cadre préfixé. Les entretiens ne servent pas à illustrer un schéma explicatif déjà là, juste pour faire « plus vrai ». Ils servent au contraire à élaborer ces schémas explicatifs. La forme habituelle de ces entretiens est le face-à-face entre le consultant et le salarié, dont la participation est fondée sur le volontariat (après constitution d’échantillon représentatif et de tirage aléatoire). Les entretiens sont menés selon un principe de neutralité bienveillante, sans lien de subordination avec les représentants du personnel ni la Direction.

I.G.2- Les entretiens menés auprès des salariés de l’AVSCGE

Les salariés ont été tirés au sort, après ventilation en services. Les experts du Cabinet ont conduit 25 entretiens formels au mois de janvier sur les sites de Metz, Nancy, Epinal et Thionville. Le déroulement des entretiens a permis de recueillir des informations pertinentes pour l’examen de la souffrance au travail et des risques psychosociaux.

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I.G.3- Les observations auprès des salariés du 1014

Deux demi-journées d’observation ont été réalisées auprès de salariés du 1014. Ces observations ont permis d’appréhender le travail réel des opérateurs et les conditions de réalisation de l’activité

I.G.4- Les acteurs de la régulation

Si les personnes rencontrées ne mettent globalement pas en cause la bonne volonté des différents acteurs quant à leur rôle dans la prévention des RPS, ils ne pensent pas qu’ils puissent réellement agir. Il règne plutôt un sentiment général de désabusement. Les salariés ne croient pas au pouvoir d’action des différentes instances de régulation face au pouvoir de décision détenu par la direction générale nationale.

I.G.4.a- L’Organisation des Ressources Humaines

Il semble que l’organisation actuelle donne peu de marge de manœuvre aux RH en nombre très faible et jusqu’alors pas présentes localement, puisque situées à distance sur des plate-formes téléphoniques. Ce type d’organisation permet davantage une gestion quantitative des RH, de type « gestion du personnel » plutôt qu’une gestion qualitative. A ce jour, il semble que les managers soient considérés comme les relais de première ligne de gestion des Hommes.

Il a été constaté, au vu des perceptions des salariés, que ce mode d’organisation met les RH dans l’impossibilité d’exercer une réelle fonction de régulation et de prévention. Le rôle de support et de coordination qui leur est dévolu ne leur permet pas d’arbitrer au plus près des nécessités du terrain. Par ailleurs, il semble que cette organisation fait porter une responsabilité trop lourde au management. L’évolution des compétences et l’accompagnement des collaborateurs dans le cadre d’un parcours professionnel est un sujet pointu qui nécessite une expertise RH forte. Même si le responsable RH ne l’a jamais évoqué, il semble que l’organisation de sa mission peut être une source de difficulté voire de stress. En effet, on sait qu’à un tel niveau de responsabilité avec des enjeux humains importants, la latitude décisionnelle est indispensable pour faire face aux exigences psychiques de ce métier. Il apparaît que la fonction des RH telle qu’elle est définie par l’organisation empêche une réelle prise d’initiative et génère sans doute un sentiment d’être pris en tenaille entre deux logiques contradictoires : une logique métier centralisée, éloignée des réalités humaines, et une logique terrain au plus près de la prévention et de l’individualisation des plans d’action RH. Il est à noter toutefois que depuis le démarrage de l’expertise Technologia menée au niveau national, des correspondants RH de proximité itinérants ont été nommés. Ce dispositif peut à terme porter ses fruits si les RH disposent d’un véritable pouvoir d’action.

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I.G.4.b- Le Service de Santé au Travail

Dans un contexte national de démissions de nombreux médecins du travail motivées par la perception de leur impuissance à jouer leur rôle d’acteur majeur dans la prévention des RPS, les salariés ne comprennent pas toujours la position des médecins du travail restant et souvent méconnaissent leur rôle. Pourtant le service de santé au Travail local est mobilisé sur le risque santé mentale au travail comme en témoignent les rapports 2007 et 2008 des deux médecins du travail. Ils mettent en évidence plusieurs aspects révélateurs d’un problème de souffrance au travail et de dysfonctionnements internes favorisant l’augmentation des risques de souffrance. Le rapport de 2007 mentionnait déjà « si globalement la santé physique des salariés reste bonne… leur santé mentale est l’une des principales préoccupations du médecin du travail. Lors des visites médicales ils expriment régulièrement leur mal-être au travail, leur inquiétude face à un avenir morose, la dégradation du climat social et relationnel et l’impact des évolutions de l’entreprise sur leur situation extra professionnelle ». Les médecins du travail soulignent également leur difficulté à remplir correctement leur mission. En effet, malgré une diminution des effectifs, la demande des salariés augmente et la durée des consultations est de plus en plus longue. Ceci tend à montrer que la médecine du travail est identifiée comme un lieu ressource par certains salariés, même si les salariés pensent qu’elle n’utilise pas son pouvoir d’action. Les médecins du travail aimeraient travailler davantage en partenariat avec les différents acteurs de la régulation, RH et IRP. Mais cela est souvent empêché par l’éloignement géographique, le changement fréquent des interlocuteurs dû aux changements incessants de l’organisation et l’augmentation importante des réunions CHSCT ainsi que le montre le rapport social. Enfin les dates programmées des assemblées ordinaires des CHSCT peuvent être modifiées dans un délai trop court pour que les médecins du travail se rendent disponibles. En outre, au regard des échanges avec les différents acteurs, les experts ont perçu un manque de maturité dans l’entreprise sur la question de la prévention et du risque. Le médecin du travail est davantage consulté par la Direction sur la prévention tertiaire voire secondaire, mais n’est pas suffisamment positionné comme un partenaire de réflexion à part entière sur la santé mentale au travail. Le médecin du travail est encore prioritairement perçu comme un acteur dédié au traitement des situations individuelles. A ce titre ils ont rappelé dans les rapports 2007 et 2008 l’impérieuse nécessité de mettre en place des actions de prévention primaire et pas seulement secondaire et tertiaire. Il paraît nécessaire de repositionner le SST afin de lui permettre de jouer pleinement son rôle d’acteur de la prévention tel que la réglementation l’exige. Des points réguliers doivent être faits entre la RH, la Direction et le SST sur les situations de travail à risque. Les alertes ou signalements faits par la médecine du travail doivent être traités collégialement (dans le respect du secret professionnel).

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Les projets organisationnels ou RH doivent être étu diés en amont en prenant en compte la composante risque pour la sant é.

I.G.4.c- Les IRP

Les salariés ne mettent pas en doute la bonne volonté des représentants du personnel, mais ne croient pas non plus à leur pouvoir d’action. Là encore, l’analyse des procès-verbaux 2009 des CHSCT montrent bien la mobilisation des élus sur le risque psychosocial et leurs doutes quant à la volonté de la Direction de mettre en place des actions de prévention primaire, seule véritable prévention. Plusieurs déclarations préalables ont été faites pour pointer le non respect de la consultation du CHSCT avant la mise en place de changements organisationnels ou matériels. La situation semble pour le moins tendue entre les élus du CHSCT et les membres de la Direction, les premiers accusant les seconds de non respect de la loi et les seconds accusant les premiers de prises de position rigides de principe. Rappel du rôle du CHSCT4 Le comité contribue à la protection de la santé et de la sécurité des travailleurs de l’établissement et de ceux mis à sa disposition par une entreprise extérieure et à l’amélioration des conditions de travail, notamment par :

- l’analyse des conditions de travail et des risques professionnels auxquels peuvent être exposés les travailleurs et, en particulier, les femmes enceintes ;

- la vérification, par des inspections et des enquêtes, du respect des prescriptions législatives et réglementaires et de la mise en œuvre des mesures de prévention préconisées ;

- le développement de la prévention par des actions de sensibilisation et d’information. Il peut, par exemple, proposer des actions de prévention en matière de harcèlement sexuel ou moral ;

- l’analyse des circonstances et des causes des accidents du travail ou des maladies professionnelles ou à caractère professionnel.

Le CHSCT est notamment consulté avant toute décision d’aménagement important modifiant les conditions d’hygiène et de sécurité ou les conditions de santé et, en particulier :

- avant toute transformation importante des postes de travail découlant de la modification de l’outillage, d’un changement de produit ou de l’organisation du travail ;

- avant toute modification des cadences et des normes de productivité liées ou non à la rémunération du travail ;

- sur le plan d’adaptation lors de la mise en œuvre de mutations technologiques importantes et rapides ;

- sur les mesures prises en vue de faciliter la mise, la remise ou le maintien au travail des accidentés du travail…

Cela montre bien que tout changement tel que l’aménagement ou le réaménagement de locaux, l’augmentation ou la diminution du temps de travail en front office ou en back office, la mise en place de nouveaux outils

4 Source : http://www.travail-solidarite.gouv.fr

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informatiques, etc. doit obligatoirement faire l’objet d’une consultation préalable auprès du CHSCT.

I.G.4.d- La prévention

En 2004, quatre préventeurs intervenaient sur le périmètre. Aujourd’hui seul un préventeur est en charge de ce même périmètre. La diminution importante des effectifs « préventeurs » et RH conforte l’idée qu’il y a un décalage entre le discours de la Direction quant à sa préoccupation des conditions de travail des salariés et la réalité des pratiques.

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-II-

Diagnostic du problème

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La réalisation d’une expertise sur le stress et le risque psychosocial au sein de France Telecom AVSCGE fait suite à une tentative de suicide d’un collaborateur de l’entreprise. Le présent rapport n’a pas pour but d’en rendre compte. Il a pour finalité d’identifier les principaux déterminants du risque psychosocial au sein de l’entreprise sans prétendre pour autant analyser de façon exhaustive une organisation complexe comme celle de France Telecom.

II.A- L’analyse des sources écrites

II.A.1.a- Analyse du Document Unique

Le Document Unique d’évaluation des risques professionnels (version du 18 septembre 2009) se présente sous la forme d’un fichier informatique Word. Il a été plus particulièrement analysé sur le plan des risques psychosociaux. Il rappelle utilement la réglementation (Décret n° 2001-1016 du 5 novembre 2001), les principes généraux de prévention (Loi 91-1414 du 31 Décembre 1991), et la démarche de prévention des risques. Les risques sont déclinés par site et indiquent la catégorie de collaborateurs concernée par les risques afférents et le nombre de salariés concernés par les différents types de risque. Néanmoins un traitement plus précis et donc plus « utile » devrait être fait. Par exemple, l’analyse aurait pu être réalisée par « emplois types » rattachés à chaque unité de travail. Il s’agit alors, à partir de fiches de poste (ou de fonction), de préciser les grandes missions de chaque « emploi type », de les décliner en activités, puis en tâches, et d’identifier les risques auxquels les salariés sont exposés dans ces postes, en fonction de l’unité de travail à laquelle ils appartiennent. Les effectifs concernés par les risques évalués sont bien indiqués. Néanmoins, en ce qui concerne l’exposition aux risques psychosociaux, l’identification est globale, sans aucune précision sur les facteurs de risques. Les conséquences potentielles des risques ne sont pas suffisamment décrites : absentéisme, baisse de l'efficacité, de la productivité, de la créativité, anxiété, état dépressif, surmenage, troubles du sommeil, conduites addictives, alcoolisme… L’analyse des fiches d’évaluation des risques fournies après la présentation du pré-rapport confirme ce diagnostic. Les facteurs de risques n’y sont pas identifiés et l’approche par fonction est beaucoup trop globale : travail en équipe, accueil, sans accueil… Dans la colonne « Eléments de cotation de la gravité (accidentologie, dommage "réaliste") » il est nécessaire d’énumérer ce qui permet d'évaluer la gravité potentielle d'un risque avéré : nombre de cas déjà recensés ? Nombre d'Arrêts de travail. déclarés ? Nombre de maladies professionnelles déclarées ? Rapport du médecin du travail (a-t-il noté des cas) ? Consommation de médicaments psychotropes dans ce service ? Plaintes formulées par les salariés ?

- TECHNOLOGIA SAS - France Telecom AVSCGE - Rapport - Expertise CHSCT - Avril 2010 - 30

Augmentation des visites à la demande des salariés ? Absentéisme ? Turn-over du personnel à ces postes ? Durée des arrêts de travail et augmentation de leur durée totale dans le temps ? Enfin le mode de calcul de la cotation du risque doit apparaître clairement pour être compris par tout le monde. La cotation du risque s’établit en multipliant la cotation de la gravité potentielle par la cotation de la fréquence d’exposition au risque. Le Document Unique devrait être complété par une véritable analyse des risques psychosociaux : la loi fait en effet obligation à l’employeur d’évaluer l’ensemble des risques auxquels sont soumis les salariés de son entreprise, ce qui inclut l’ensemble des risques psychosociaux. L’entreprise devrait être dotée d’un véritable Document Unique pour remplacer le Document qui a été fourni. Le Document Unique est en effet établi avec une visée préventive. L’évaluation des risques professionnels doit consti tuer une étape essentielle de la démarche de prévention pour l’établissement et pour chaque unité de travail. A partir de cette évaluation des risques, des programmes d’actions de prévention destinées à renforcer le niveau de sécurité des salariés, à protéger leur santé, à améliorer leurs conditions de travail, seront définis et déployés. Pour participer à cette étape essentielle de la démarche prévention de l’établissement, le Document Unique, réalisé à partir de l’évaluation des risques, doit donc être à la fois utile et lisible. Il doit constituer, pour les décideurs au niveau de l’unité de travail, au niveau de l’établissement, voire même au niveau du Groupe, un outil d’information et d’aide à la décision pour ce qui concerne les risques professionnels identifiés et hiérarchisés, ainsi que pour améliorer les conditions de travail. Le Document Unique peut aussi être au service de l’information des salariés et de leurs représentants. C’est en tout cas ce que semble penser le législateur qui, par Décret n° 2008-1347 du 17 décembre 2008, a préc isé notamment que le Document Unique d'évaluation des risques est tenu à la disposition des travailleurs et qu’un avis indiquant les modalités d'accès des travailleurs au Document Unique doit être affiché à une place convenable et aisément accessible dans les lieux de travail. Dans les entreprises ou établissements dotés d'un règlement intérieur, cet avis doit être affiché au même emplacement que celui réservé au règlement intérieur. Les priorités à retenir dans les programmes d’actions de prévention seront plus difficilement pertinentes. L’analyse perdant de sa précision, le Document Uniq ue va lui-même perdre de son sens. Il ne sera pas ou peu utilisé par les responsables pour déterminer des priorités d’action . Du fait de cette imprécision, son évolution et donc ses mises à jour seront plus difficiles à repérer.

II.A.1.b- Analyse du plan de prévention des risques

Avec une analyse imprécise des facteurs de risques telle qu’elle apparaît dans le Document Unique, le plan de prévention des risques psychosociaux montre des insuffisances importantes. Sous forme de power point, il est constitué de trois parties :

1. L’évaluation des risques : le document précise que cette évaluation doit être actualisée au fur et à mesure des transformations dans l’unité avec

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une mise à jour minimale une fois par an. Mais les experts rappellent que l’analyse est très incomplète (cf. supra).

2. Le Document Unique : le document indique que des mises à jour sont nécessaires après chaque analyse de risque et que la nouvelle version doit être mise en ligne. Là encore les experts rappellent l’imprécision et donc la difficile exploitation du Document Unique.

3. Le plan d’actions : quatre thèmes figurent dans cette partie, information/sensibilisation, communication, formation et actions internes.

Les experts ont focalisé leur analyse sur le plan d’action concernant les risques psychosociaux. Ces risques ne sont pas pris en compte ni dans la partie information/sensibilisation, ni dans la partie communication. Le plan d’action concernant les risques psychosocia ux est structuré autour de trois « volets » : formation, écoute des salariés et volet soutien externe. Il aurait été plus lisible de faire référence aux trois niveaux de prévention et des actions inhérentes à chaque niveau. 1. La prévention primaire

Par une approche collective et individuelle, elle a pour objectif, au mieux d’éliminer, et a minima de réduire les différents facteurs de risques liés à :

- L’environnement socio-économique ; - la stratégie de l’entreprise : - l’organisation du travail ; - le système de management ; - la gestion des ressources humaines ; - les relations dans le travail.

La prévention primaire est la seule véritable prévention puisqu’elle intervient avant l’apparition de tout symptôme. L’objectif premier est de toujours viser à supprimer tous les facteurs de risques. Mais en pratique cela s’avère souvent impossible au regard des caractéristiques de certains métiers : par exemple il serait irréaliste de penser que les conseillers clientèles ne seront jamais victimes d’agressions verbales de la part des clients. Dans ce cas, il s’agira de mettre en place des mesures avant l’apparition de symptômes de stress aigu. Voici quelques mesures possibles pour minimiser ce facteur de risque : faire une formation approfondie du type « faire face aux incivilités », témoigner d’un soutien sans faille de la hiérarchie (« collaborateur roi » par opposition à « client roi »).

2. La prévention secondaire Elle agit sur les conséquences des risques en accompagnant les salariés. Il s’agit de supprimer ou limiter les conséquences sur la santé des personnes présentant déjà des symptômes liés à un état de stress chronique. Les interventions les plus souvent développées sont des programmes de type « gestion du stress ». Si ce type de formation n’est pas accompagné de mesures de protection, cela revient à faire peser sur le seul salarié l’acte de prévention, alors que le salarié devrait prioritairement être protégé par la structure. On doit aussi agir sur les facteurs de risque à la source dans le cadre d’une prévention secondaire. Une même action peut relever de la prévention primaire pour les salariés ne

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présentant pas de symptômes liés à un stress chronique et de la prévention secondaire pour les salariés montrant déjà ce type de symptôme.

3. La prévention tertiaire Il s'agit d'une réponse d'urgence visant à prendre en charge la souffrance des personnes montrant des troubles anxio-dépressifs dus au stress et qui ne sont plus en mesure de faire face aux contraintes imposées par leur environnement de travail. Par exemple, les cellules d’écoute des salariés relèvent de la prévention tertiaire. Indispensable dans certains cas, ce type de réponse est nettement insuffisant. Il faut procéder à une analyse des conditions de travail afin d’identifier celles ayant éventuellement entraîné cette souffrance et décliner un plan d’action visant à minima à réduire les facteurs de risques et au mieux à les éliminer. Dans le document de prévention, les risques psychosociaux sont abordés comme un seul risque, comme le risque routier ou le risque sonore. Il n’y a aucun élément d’analyse des risques psychosociaux en fonction notamment de leur degré de gravité potentielle Volet formation La formation apparaît comme l’outil central devant résoudre la question des risques psychosociaux. Si la formation peut être un facteur de réduction des RPS dans certains cas, cette réponse est de loin insuffisante. Par cette approche, l’entreprise semble faire porter prioritairement aux salariés la responsabilité d’apparition du stress. Les actions doivent être au moins autant centrées sur les facteurs de risques liés aux conditions de travail pour les diminuer ou les éliminer lorsque cela est possible. Domaines de facteurs de risques: • Les contraintes des environnements, • Le système de production, • L’organisation du travail, • Les règles et dispositifs de GRH, • Les pratiques de management, • Les comportements individuels, • Les mécanismes interpersonnels et de groupes, • Les changements. Formations dispensées dans le cadre de la préventio n des risques psychosociaux : Analyse de leur contenu comme facte ur de réduction d’apparition des risques psychosociaux Que ce soient les formations dispensées aux managers ou aux collaborateurs, la majorité laisse penser que les risques psychosociaux sont prioritairement liés à la question des compétences des collaborateurs. Donc les solutions proposées ont toutes ou presque pour but la montée en compétence. Cela donne le sentiment que seuls les collaborateurs sont responsables de l’apparition des

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risques psychosociaux dont ils peuvent souffrir. « Formons-les et ils iront mieux » apparaît être la solution privilégiée. La question des conditions de travail n’est jamais abordée comme piste prioritaire dont l’analyse serait porteuse de solutions visant à éliminer les facteurs de risques.

Formation des membres du CODIR par un cabinet d’accompagnement au changement L’objectif affiché de cette formation est d’ « intégrer les RPS dans la conduite de changement, les opérations de transformation et de management ». Il ne s’agit pas là de les réduire ou de les éliminer mais de les intégrer à la conduite du changement, un peu comme on intègre la pluie dans le calcul du temps d’un parcours en voiture. 5 Formation des managers à la détection des salariés en difficulté6

L’objectif est de détecter et soutenir les salariés en difficulté. De quelle difficulté parle-t-on ? Soutenir ses collaborateurs est en soi le rôle prioritaire d’un manager. Mais de quel soutien s’agit-il ? De montée en compétence ou d’un soutien « moral » pour faire face aux difficultés inhérentes au métier comme « répondre à une demande urgente d’un client, le soutenir lorsqu’il est agressé par un client… ». S’il s’agit uniquement de le soutenir pour développer ses compétences afin d’atteindre ses objectifs, on peut légitimement se poser la question de la primauté de l’intérêt du collaborateur ou de celui de l’entreprise. La diapositive présentant les sources du bien-être ou du mal-être au travail chez un individu n’aborde pas la question des conditions de travail ; il serait approprié de former les managers à la détection des conditions de travail génératrices de souffrance.

Formation des managers au management collectif : formation MENTOR Objectif : améliorer le soutien et le coaching du manager au service des salariés et travailler sur la motivation et la reconnaissance (salarié en contribution, propositions, acteur de son développement des compétences). Les experts reprennent ici les principales composantes de la méthode de coaching MENTOR et commentent chaque étape en termes de contribution à la diminution des RPS. Le modèle de coaching MENTOR comprend 6 étapes :

• M comme mesurer le décalage : entre le niveau de maîtrise réel et le niveau de maîtrise attendu. Il s’agit bien dès le départ de faire prendre conscience au collaborateur de son niveau insuffisant de compétence. En effet, si ce niveau de compétence est suffisant, les étapes suivantes deviennent inutiles. Cette étape laisse penser que seule la question des compétences est centrale dans le risque d’apparition des problèmes de santé liés aux risques psychosociaux. Il aurait pu être question de mesure de

5 Les experts n’ayant toujours pas à ce jour reçu le document présentant le contenu de cette

formation, ils ne peuvent l’analyser en termes de contribution à la prévention des risques psychosociaux. 6 Idem

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satisfaction du collaborateur, mesure du bien-être au travail, mesure des attentes du collaborateur, etc.

• E comme écouter : recueillir la perception du collaborateur pour

comprendre la nature du décalage. Ce décalage entre le résultat attendu et le résultat réel est-il dû à un problème de compétences, de motivation ou de représentations (du métier supposent les experts) ? Pour mener à bien cette étape, le manager doit chercher à comprendre le point de vue de son collaborateur, mais encore s’agit-il de le prendre en compte car lors de l’étape suivante, le manager doit négocier pour réconcilier les points de vue.N comme négocier : il s’agit de réconcilier les points de vue pour construire un diagnostic et un plan d’action partagés et obtenir l’implication du collaborateur dans son plan de progrès. Que se passe-t-il si le collaborateur ne veut pas construire un plan de progrès car les conditions d’exercice du métier sont source de souffrance pour lui (pression des objectifs, pression du temps, système d’information défaillant…) et si sa demande prioritaire concerne le changement des conditions de travail ?

• T comme tirer compétence et motivation vers le haut : il s’agit d’obtenir

des progrès probants. Le fait de progresser dans ses résultats peut être une source de satisfaction pour le collaborateur (en réduisant son anxiété liée aux résultats par exemple) et de nature à diminuer le risque d’apparition de risques psychosociaux, à condition que la question des compétences et la non atteinte des objectifs aient bien été les seules sources de son stress.

• O comme organiser le suivi : l’objectif de cette étape est d’entretenir

l’envie de progresser. Une personne qui a envie de progresser est effectivement stimulée efficacement. Cela suppose que le collaborateur soit dès le départ en accord avec la nécessité de monter en compétences.

• R comme reconnaître la réussite : il s’agit de créer la dynamique du

succès en reconnaissant les progrès même minimes. La reconnaissance du travail accompli est en effet un élément de nature à réduire les risques d’apparition de problèmes de santé liés au stress. La reconnaissance joue un rôle moteur dans ce que la psychologie du travail appelle « la motivation ». Attention toutefois à ce que la reconnaissance sous forme de félicitations ne soit pas la seule en usage dans la durée car elle se révélerait vite insuffisante. La reconnaissance doit être à la hauteur de l’investissement demandé (contribution/rétribution).

En résumé, la formation « MENTOR » est uniquement axée sur le rôle que doivent jouer les managers dans l’évolution des compétences de leurs collaborateurs. Si la capacité des collaborateurs à faire face aux exigences du métier est un élément important à prendre en compte dans la diminution du risque de l’apparition de problèmes de santé liés au stress, il est de loin insuffisant. Un collaborateur peut se sentir tout à fait compétent mais néanmoins soumis à un stress chronique du fait de la pression constante des objectifs, du sentiment du travail mal fait lié à la pression du temps, d’un conflit entre les objectifs de l’entreprise (toujours faire plus de chiffre) et ses valeurs (apporter un véritable service au client), etc.

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Réunion préparatoire en vue d’une formation sur le pilotage de la performance et de la motivation. Ne disposant d’aucun élément sur cette réunion, les experts ne peuvent dire en quoi cette réunion peut contribuer à l’action globale de diminution ou d’élimination des risques psychosociaux. Le libellé de la réunion les invite à se poser deux questions : de la performance de qui s’agit-il ? Comment piloter la motivation si le travail a perdu son sens ? Formation à la gestion des conflits Cette formation destinée aux conseillers clientèles est dénommée « gestion des situations difficiles » et s’inscrit dans le cursus de formation initiale de 10 jours, parcours proposant une alternance entre la formation en salle et la prise d’appels accompagnée. La partie réservée aux situations difficiles est abordée dans l’atelier 5 et comprend deux demi-journées (théorie et appels accompagnés). Donner aux collaborateurs le moyen de gérer les conflits éventuels avec des clients est bien un élément de nature à réduire les risques psychosociaux. Non seulement le collaborateur peut faire face à une incivilité par exemple, mais en plus il se sent soutenu par sa hiérarchie. Les objectifs poursuivis sont de :

- partager et structurer les pratiques concernant les appels clients difficiles ; - s’approprier et mettre en pratique les attitudes, les comportements, les

techniques permettant de gérer les situations difficiles. L’analyse du contenu de cette formation fait ressortir deux axes essentiels :

- donner les clés aux conseillers pour accompagner le traitement d’une réclamation et faire évoluer positivement le comportement agressif d’un client ;

- savoir s’affirmer et dire non de façon acceptable pour le client. Si l’attitude du conseiller peut être de nature à calmer ou au contraire amplifier le comportement d’un client agressif, il n’en n’est pas pour autant le seul responsable. Une attitude agressive peut être générée par l’exaspération liée au manque de solutions, à une succession « d’erreurs » antérieures, etc. Dans certains cas le savoir-faire du conseiller ne changera rien à l’attitude du client exaspéré, irrespectueux. Même si heureusement ces cas ne sont pas majoritaires, il est indispensable que le collaborateur se sente soutenu par sa hiérarchie dans ce type de situation. A ce titre, la procédure à suivre en cas d’agression répond bien à ce besoin. Des incivilités répétées peuvent en effet avoir des effets délétères sur la santé des salariés. En allant du plus simple au plus grave, on peut observer : une lassitude temporaire, le ressassement, un accès d’anxiété, le « parasitage » de la pensée par un souvenir traumatisant, des troubles du sommeil, des troubles de la concentration, la peur du milieu de travail, la possibilité de rejet du travail, un syndrome dépressif réactionnel, un arrêt de travail, un syndrome post-traumatique.

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Refonte de la formation des conseillers clientèle Dispensée sur une durée de 10 jours, cette formation a pour objectif de permettre aux conseillers de se sentir plus à l’aise sur les composantes de leur métier. Cette formation fait une large part à la pratique de la relation client par l’accompagnement des conseillers lors de prises d’appel réels. Cette méthode pédagogique est tout à fait de nature à bien préparer les collaborateurs. Néanmoins il semble que la formation soit majoritairement centrée sur la relation client et pas suffisamment sur la connaissance des offres et des applications du système d’information. Ce point sera abordé dans la partie diagnostic liée aux entretiens. Volet écoute des salariés Action 1 : Groupe de travail d’expression des salariés Objectif : mettre en œuvre des propositions concrètes sur l’amélioration de leurs conditions de travail, ceci dans le cadre de l’AVSC « plaisir et bien-être au travail ». La présentation de cette action se résume à une diapositive présentant différentes mesures mises en place. Les experts reprennent ici la liste des mesures et les questionnent en termes de contribution ou non à la prévention des risques psychosociaux.

Actions Commentaires Mise en place de groupes de traitement des appels « suivi de commande »

Sans objet : cette expérimentation locale a été interrompue

Interventions de managers du service clients en réunion de plateau pour améliorer les relations inter services

Toute action visant à fluidifier les relations entre différents services contribuent à la prévention des RPS. Elles permettent de créer du lien entre les personnes, de mieux comprendre les difficultés de chacun, de mettre en place des actions devant faciliter le travail de chacun, de redonner un sens collectif à l’action.

Opération « pépites » Journées découvertes d’autres métiers

Ce type d’action est de nature à prévenir les RPS : les salariés, dans le cadre d’une mobilité future, peuvent évaluer a priori l’intérêt ou non pour un autre métier. Cette démarche est notamment indispensable dans le cadre d’un passage éventuel d’une fonction technique à une fonction commerciale.

« trophées de la relation client » Le équipes y sont inscrites sur proposition des managers. Il s’agit d’échanger entre différentes entités sur les bonnes pratiques des métiers de la relation client.

Cette action, outre l’aide concrète qu’elle peut apporter dans la pratique quotidienne de la relation client, permet de (re)créer du lien entre les salariés. Par contre il serait utile de remplacer « trophées » par «échanges» pour gommer toute allusion à une quelconque compétition. Il serait intéressant d’étendre ce type d’échanges à d’autres sujets que celui de la relation client.

Création d’un « espace zen » Cette mesure est de nature à prévenir les RPS

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en permettant aux collaborateurs de se soustraire à la pression permanente des appels téléphoniques. En outre un espace de convivialité permet de (re)créer du lien.

Mise en place de MENTOR Cf. supra Développement d’ateliers usages dans le cadre de la formation

La mise en pratique accompagnée favorise le développement des compétences.

Mise en valeur des réussites et des talents (orange stars, saison des créateurs, orange passion…) Ce type d’action a pour but de valoriser des réussites non liées aux résultats.

Permet de créer du lien social. A ce titre ce type d’action peut-être considéré comme un facteur de prévention des RPS.

Action 2 : plan d’action lié au dispositif écoute salariés Objectif : travailler sur la reconnaissance et la proximité du management. Les points évoqués sur cette diapositive sont trop imprécis pour évaluer leur efficacité en termes de prévention des RPS. Les experts soulignent le fait que la formation MENTOR est ici pour la troisième fois présentée comme un élément de nature à prévenir les RPS. Ils rappellent la nette insuffisance de cette pratique uniquement basée sur la montée en compétence des collaborateurs en vue d’atteindre leurs objectifs (auxquels ils n’adhèrent pas nécessairement). Action 3 : entretien manager/salarié Objectif : le soutien du manager, analyse des progrès Pour la quatrième fois il est fait allusion à la mise en place de MENTOR. La Direction semble fonder tous ses espoirs de réduction des RPS sur ce mode de management. Elle fait ainsi prioritairement peser la prévention des RPS sur les managers de proximité. Action 4 : Entretien de ré-accueil suite absence maladie ou accident du travail ou longue absence Objectif : s’assurer des conditions optimales de retour du salarié après une absence due à un congé de maladie. Cet entretien est consigné sur une fiche « compte-rendu d’entretien de ré-accueil». Les managers doivent mener ces entretiens après une absence minimale de 8 jours pour maladie ou suite à des absences répétées. Si l’intention est louable de se préoccuper de la réintégration d’un salarié après une absence, l’excès de formalisme lié à la nécessité de renseigner un document écrit et signé par le collaborateur et le manager peut susciter la méfiance du salarié quant aux intentions réelles poursuivies à travers cet entretien.

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La conception du document (cf. annexe) laisse davantage penser à un contrôle du manager sur le collaborateur, qu’à une réelle intention d’aider le collaborateur à reprendre son poste. Les experts rappellent la loi : une visite de reprise doit obligatoirement être organisée avec la médecine du travail après une absence de 8 jours suite à un accident de travail ou pour maladie professionnelle et de 21 jours pour cause de maladie ordinaire. C’est le médecin du travail qui décidera de l’adaptation ou non du poste de travail. Ce n’est en aucun cas le rôle du manager. En deçà de ces durées, le manager peut simplement informer le collaborateur des changements éventuels survenus pendant son absence et le former à un nouveau produit, une nouvelle application, un nouveau process… mis en place pendant son absence. Le collaborateur peut de sa propre initiative solliciter un rendez-vous avec le médecin du travail. Humainement le manager peut tout à fait s’inquiéter de savoir si le collaborateur va bien ; mais cela ne nécessite en aucun cas de remplir un document. Cette approche ne s’inscrit donc pas dans le cadre d’une quelconque prévention des RPS. C’est la visite chez le médecin du travail qui joue ce rôle. Volet soutien externe : intervention du SST en CHSC T Objectif : profiter de l’expertise des médecins pour présenter les RPS Cette action permet en effet de mettre tout le monde au même niveau d’information, condition préalable indispensable à la mise en place d’une démarche d’évaluation et de prévention des risques psychosociaux.

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II.B- Des pratiques managériales coercitives source s de conflits et de pressions quotidiennes

Les deux grandes missions du manager sont de faciliter l’obtention de résultats attendus et d’aider ses collaborateurs à monter en compétences en contribuant, par son mode de management, à leur épanouissement, ce qui n’exonère pas l’entreprise de mettre en place les conditions pour le faire. Le rôle du manager est donc de : - contribuer à donner du sens au travail, - optimiser les capacités de travail de son équipe, - décider, - assumer le rôle d’interface entre son service et l’entreprise, - apporter du soutien en cas de difficultés, - faire progresser ses collaborateurs (pas forcément de façon verticale).

II.B.1- Un contrôle permanent de l’activité

Le soutien de la hiérarchie est un facteur important du bien-être au travail, dans la mesure où il permet au collaborateur de diminuer sa charge mentale en étant écouté, et de récupérer du pouvoir d’action par l’aide concrète apportée par la ligne hiérarchique. Ce soutien est indispensable lorsque les exigences du travail dépassent la capacité des salariés à faire face à celles-ci.

II.B.1.a- Un management centré sur le coaching pour atteindre les objectifs

L’ensemble des entretiens réalisés à la fois avec les télé-conseillers et les responsables d’équipe rend compte de la diffusion de pratiques managériales centrées principalement sur l’atteinte d’objectifs chiffrés individuels ou collectifs. Cette forme de management, lorsqu’elle n’est pas accompagnée d’un travail sur la valorisation et la reconnaissance symbolique et financière des collaborateurs, entraîne alors des risques psychosociaux non négligeables. Ces derniers concernent de très près les télé-conseillers, tout particulièrement ceux en front, mais aussi le personnel encadrant. Les premiers subissent une pression permanente des seconds, eux-mêmes assujettis à des objectifs fixés par leur N+1. On assiste alors à une déclinaison d’injonctions à la recherche de résultats chez l’ensemble des collaborateurs. En fonction des services et des métiers, qu’ils soient en front ou en back office, l’ensemble des salariés a des objectifs à réaliser. Ces derniers, spécifiques à chaque métier, portent notamment sur la

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qualité du service, le nombre d’appels réalisés par heure, le pourcentage de clients retenus, le nombre de lignes de commande traitées etc. Concernant l’activité du 1014, les managers reçoivent les objectifs à réaliser pour l’équipe et les attribuent à chaque télé-conseiller. Ils vont les déterminer en fonction de l’ancienneté des personnes et de leurs compétences. Il arrive que les managers rencontrent des problèmes lors de l’absence d’un télé-conseiller. Les objectifs restent les mêmes alors que la composition de l’équipe est modifiée. Cette situation est alors génératrice d’une augmentation de la charge de travail pour l’ensemble de l’équipe. Les critères observés par les responsables d’équipe sont la durée d’attente d’un appel, le nombre de clients en attente et le nombre de collaborateurs logués, c’est-à-dire disponibles pour répondre. Une durée importante peut faire apparaître un sentiment d’anxiété chez les conseillers car un temps d’attente trop long implique généralement un mécontentement chez les clients. Le critère du nombre de clients en attente peut entraîner un sentiment de dépassement et de piétinement chez les opérateurs. Enfin, si le critère du nombre de logués permet aux conseillers de se sentir épaulés lors d’un important flux d’appels clients, il peut également engendrer un sentiment de dépassement lorsqu’il est faible. La pression constante des objectifs peut avoir des effets pervers sur la qualité du service rendu. Pour tenir leur objectifs et ainsi obtenir leur prime, il arrive que des conseillers n’hésitent pas à donner de mauvaises réponses aux clients pour s’en débarrasser, voire aller jusqu’à raccrocher brutalement pour « faire comme si ça coupait ». Cette forme de management focalisée prioritairement sur la réalisation d’objectifs chiffrés est d’autant plus mal vécue par les télé-conseillers, qui les jugent élevés et difficiles à atteindre. Fixer la barre des objectifs à un niveau élevé relève d’une technique managériale dont on peut penser que le but initial est de provoquer la motivation des collaborateurs à travailler et s’investir davantage dans leur poste. Cependant le résultat escompté est plutôt contraire. En effet, les difficultés rencontrées par les télé-conseillers à atteindre leurs objectifs vont plutôt avoir pour conséquences démotivation et stress. Par ailleurs, cette méthode managériale, via l’affichage des résultats, place les télé-conseillers en position inconfortable, notamment lorsque les objectifs ne sont pas atteints. Ce système d’affichage permet également une possibilité de comparasion avec les autres opérateurs, pouvant ainsi détériorer l’ambiance collective de travail même si le but recherché est l’émulation entre les personnes. Les pratiques managériales au sein de l’activité du 1014 prennent la forme de supervisions générales trois fois par semaine et un samedi sur dix par les responsables d’équipe. A l’aide d’un outil de supervision, ils visualisent notamment le nombre de logués et le nombre de conseillers non disponibles pour les appels clients en raison d’un traitement de dossier conseiller. Dans ce dernier cas, lorsque ce temps est long, les managers peuvent ainsi intervenir directement auprès du conseiller afin d’en connaître les raisons. Avec cet outil de supervision, ils peuvent également contrôler les heures de prises de fonction et les temps de pause. Cet outil peut alors être vécu comme un « flicage » par les conseillers. En effet, il arrive que les managers appellent les conseillers lorsque le temps de retrait dépasse trente minutes ou encore qu’un manager se déplace pour chercher les opérateurs en pause afin qu’ils reprennent leur activité. Si ces comportements managériaux ne sont ni systématiques, ni généralisables, ils ont été rapportés aux experts à plusieurs reprises.

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Fiche de l’entretien annuel d’évaluation Les experts ont procédé à une analyse de deux fiches d’évaluation renseignées mais rendues anonymes : d’une part celle d’un télé-conseiller A moyennement noté7 et d’autre part celle d’un télé conseiller B / vendeur leader très bien noté. L’évaluation est constituée de 10 parties :

1. rappel de la description du poste ; 2. évaluation de l’atteinte des objectifs de l’année écoulée (objectifs

commerciaux, productivité, qualité de service, qualité des données, respect des règles métier) ;

3. définition des objectifs de la période à venir ; 4. évaluation des compétences de l’emploi groupe de référence8 ; 5. évaluation d éventuelles compétences additionnelles ; 6. actions de développement9 passées ; 7. actions de développement à venir ; 8. projet professionnel ; 9. espace développement ; 10. appréciation globale avec commentaires du manager et du salarié.

La pression quasi permanente des objectifs ressentie par de nombreux conseillers est d’autant plus amplifiée par leur prolifération. L’analyse d’une fiche d’évaluation révèle un nombre très important d’objectifs chiffrés : neuf concernent l’évaluation de la seule productivité téléphonique, trois concernent la qualité des données saisies Si la définition d’objectifs précis a pour but louable d’éviter les injustices lors de l’évaluation, la surabondance peut entraîner le sentiment d’être contrôlé en permanence, une impression de méfiance et provoquer le découragement. Dans une des deux fiches analysées, l’évaluation globale de la productivité téléphonique est évaluée à 2 pour un seul objectif non atteint sur neuf. Cette exigence absolue d’atteinte de tous les objectifs liés à la productivité téléphonique peut entraîner un sentiment de découragement chez les salariés qui font de réels efforts.

Dans la partie « productivité téléphonique », il apparaît que l’objectif du taux de réitération/ heure (<10 %) peut être atteint et que celui du taux de réitération par jour (<9 %) ne le soit pas. Quels sont les paramètres pris en compte dans la construction de ces deux indicateurs qui permettent d’obtenir des résultats différents pour un même item ? Les compétences requises sont au nombre de treize pour les télé-conseillers et de quatorze pour les télé-conseillers/vendeurs leaders. Dans l’une des deux fiches d’évaluation, les aspects qualitatifs (partie compétences) ne font l’objet d’aucun commentaire de la part du manager alors que la note n’est que de 2/5 sur la quasi totalité des compétences. Les commentaires permettraient de comprendre où se situent les difficultés du collaborateur et faciliter ainsi la mise en œuvre d’un plan d’accompagnement (formation en groupe, aide du manager, soutien métier). En outre, les connaissances requises ne font l’objet d’aucun commentaire lorsqu’elles ne sont pas intégrées par le télé-conseiller. Là encore, le salarié se 7 L’échelle de notation va de 1 à 5 : 1 = objectifs non atteints, 2 = objectifs partiellement atteints, 3 = objectifs atteints, 4 = objectifs dépassés, 5 = exceptionnels 8 8 L’échelle de notation va de 1 à 5 : 1= maîtrise de base, 2 = maîtrise opérationnelle, 3= maîtrise avancée, 4=expert, 5= exceptionnel 9 Actions de développement = actions de formation

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sentirait davantage soutenu si les raisons de ce manque de maîtrise étaient précisées (manque de formation, difficultés d’assimilation, manque d’appétence pour le métier…). Enfin, il n’est prévu aucune formation pour aider le collaborateur dont l’évaluation globale est à deux. Les photos prises par l’expert ergonome mettent en évidence cette constante pression des objectifs ressentie par les collaborateurs.

L’affichage collectif des résultats individuels

Cette méthode de management est source de mal-être au travail pour les moins performants. L’atteinte de leurs objectifs devient d’autant plus difficile qu’ils se sentent « incompétents » et « incapables de rivaliser avec les meilleurs ».

Il y a régulièrement des réunions d’équipe au cours desquelles le manager fait un point sur l’état de réalisation des objectifs.

Dans chaque salle les résultats de l’équipe font l’objet d’un affichage.

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Certains résultats sont également affichés sur les panneaux dans les espaces collectifs.

II.B.1.b- Un management d’ultra proximité et une absence d’autonomie

Une majorité des salariés rencontrés remet ainsi en cause les pratiques managériales, car celles-ci négligent l’écoute et le soutien pour se concentrer principalement sur des pratiques centrées sur l’atteinte des objectifs, vécues comme une surveillance permanente de l’activité. Les entretiens montrent que ces formes de contrôle ne sont pas appréciées, d’autant qu’elles ont tendance à se multiplier. L’exemple de la décision récente, concernant la présence des responsables d’équipe au sein des plate-formes téléphoniques est une bonne illustration de la surveillance accrue de l’activité. Cette proximité physique des managers est une source de stress supplémentaire et participe à réduire l’autonomie des télé-conseillers, d’autant que leur travail est contraint par les procédures et la sollicitation permanente des appels clients. « On nous a enlevé toute initiative, on est devenu des exécutants bêtes et disciplinés. On nous demande toujours plus, sans qu’il y ait d’aménagement de fait, toujours plus en 7h30. Les managers sont obligés d’avoir des résultats mais il y a une manière de faire. »

Lors de la présentation du pré-rapport, les précisions suivantes ont été apportées :

- Les challenges ne sont pas obligatoires. Seuls les salariés volontaires s’y inscrivent : si cette règle du jeu est a priori louable, la peur d’être « montré du doigt » ou mis à l’écart peut inciter certains collaborateurs à s’y inscrire sans réel intérêt pour ce type de compétition. Cela risque alors de développer un sentiment de dévalorisation et de découragement si leurs résultats sont toujours inférieurs à ceux des autres.

- L’affichage présente le résultat des équipes et pas le nom des collaborateurs : c’est effectivement préférable.

- Cette pratique est à la discrétion du manager. Certains n’affichent pas les résultats. Il serait intéressant de demander à ceux qui le font quel but ils poursuivent et de valider si les effets escomptés sont bien au rendez-vous.

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« …Il y a une notion d’enfermement, avec les managers au milieu du plateau. » Ces pratiques managériales axées sur le contrôle et le suivi des objectifs vont avoir des conséquences néfastes sur le sentiment de valorisation des salariés. En faisant sans cesse référence aux résultats à atteindre, les salariés se sentent dévalorisés car ils voient leur activité quotidienne réduite à des considérations strictement financières. « Il n’y a aucune valorisation, du moment que les chiffres sont bons, aucune reconnaissance du travail. » « On fait tout pour dévaloriser les gens, les réunions aujourd’hui c’est les chiffres, les chiffres et rien d’autres. » Le coaching de proximité pratiqué par les responsables d’équipe a tendance à fragiliser le travail collectif et s’inscrit dans un processus d’individualisation des rapports sociaux. En effet, la quasi majorité des personnes rencontrées fait part des effets néfastes du management sur le collectif et l’ambiance générale de travail. Le manque d’autonomie est d’autant plus ressenti par les collaborateurs que leur hiérarchie directe est elle aussi contrainte dans le pilotage de l’activité : les procédures métier sont définies par les Directions métier situées en Ile-de-France, la régulation du flux d’activité est définie par la cellule C3P qui alerte les managers sur la nécessité de mettre plus ou moins de ressources en ligne pour prendre les appels, ce qui incite parfois certains managers à aller chercher des collaborateurs en pause. Si cette démarche reste acceptable lorsqu’un collaborateur déborde largement de son temps de pause, elle est totalement inacceptable et illégale lorsque le temps de pause nécessaire n’est pas terminé.

II.B.2- Un management d’individualisation des rappo rts salariaux

L’environnement collectif est un facteur déterminant de bien-être au travail. Les relations sociales avec les collègues sont gage d’épanouissement du salarié dans son activité et plus largement dans la vie de l’entreprise. Se sentir soutenu par ses collègues, pouvoir échanger sur ses pratiques sont des moments essentiels pour les collaborateurs. Durant les entretiens, ces derniers ont établi une corrélation entre l’accentuation des pratiques de coaching de proximité et la dégradation des relations collectives. Le premier phénomène venant entraîner le second. « Ils n’aiment pas trop quand les gens se connaissent trop dans les services, pas chez nous mais dans les plates-formes. On sépare, on n’aime pas trop quand ça parle, c’est boulot, boulot. Il n’y a plus rien, on vient vous chercher quand vous êtes trop longtemps aux toilettes. » « Un jour on a tous pété un câble, moi j’en avais ras-le-bol, on devait faire des trucs qu’on ne savait pas faire. Ils ont formé des équipes sans demander aux gens avec quelles équipes ils voulaient être. Moi je ne sais pas combien de fois j’ai changé de boulot. J’ai des collègues qui se retrouvent complètement isolés,

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ils cassent tout ça. On ne peut même pas travailler avec des personnes avec qui on s’entend bien. Moi par exemple, je suis resté un an avec un collègue avec qui je m’entends bien, j’ai demandé à rester avec lui quand il y a eu des changements et bien il ne m’a pas remis à côté bien au contraire. » La volonté de réduire les échanges entre collègues a pour conséquence de nuire à l’ambiance positive du groupe de travail en isolant les collaborateurs. Ces effets ne vont pas participer à augmenter l’efficacité des salariés et vont plutôt être facteurs de démotivation. L’extrait d’entretien suivant montre comment les pratiques managériales peuvent conduire les collaborateurs à adopter in fine un comportement de repli. « Les gens sont tellement affaiblis, ils n’ont plus le courage de se battre, il n’y a plus de collectif, c’est très personnel, même moi je vois, je vais avoir tendance à me replier, donc je fais comme tout le monde. » L’isolement des salariés, et notamment des télé-conseillers, s’observe lorsque ces derniers n’ont pas atteint leurs objectifs. L’accompagnement, qui est par définition une des compétences attendues d’un manager ne semble pas être mis en pratique par tous les managers. En effet de nombreux salariés ont fait part aux experts d’un manque de soutien lorsqu’ils peuvent être en difficulté dans leur activité et de facto dans l’atteinte des objectifs demandés. Au lieu de mettre en place un espace de dialogue et d’échange, certains responsables d’équipe vont émettre des critiques à l'encontre de leurs salariés. L’extrait d’entretien suivant montre que l’isolement peut constituer un moyen de sanctionner le salarié, lorsque celui-ci présente des résultats en deçà des objectifs demandés. « Déjà au début des années 1990 quand j’étais à …, on nous a réunis pour nous dire qu’il ne fallait pas dire « abonné » mais « client » et tout est venu autour du client et il n’y a que le client qui compte. Le but du jeu c’est de vendre, le service public a disparu. J’ai jamais été dans des services de vente. Quelqu’un qui n’a plus la pêche, on le met de côté direct, on peut vite être mis de côté surtout dans le commercial. » En termes de risques psychosociaux, cette forme de management, centrée sur la montée en compétences des collaborateurs, avec pour visée unique l’atteinte des objectifs, et occultant ainsi l’écoute et le soutien, va avoir pour conséquences de fragiliser le sens au travail et de nuire au sentiment d’appartenance à l’entreprise. Il va s’en suivre alors démotivation, repli sur soi, voire épuisement professionnel. A long terme, cela peut avoir de graves conséquences sur la santé mentale et physique des salariés. La récente mesure d’allouer un budget mensuel de 50 € par équipe pour recréer de la convivialité et du lien entre les salariés leur semble dérisoire au regard de l’enjeu de la situation.

II.B.3- Le sens du travail et le sentiment d’appart enance en péril

L’ensemble des dysfonctionnements au travail, produits des réorganisations, d’un système d’information défectueux ou inadapté, des exigences de maximisation des profits, des délais réduits, entraîne, en dépit des efforts des salariés pour contrebalancer ces handicaps, une baisse de la qualité des

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services délivrés. Cela peut constituer une source de gêne pour le salarié, affecté dans son identité de « bon travailleur », voire dans sa vision de la finalité de son activité. Les salariés sont ainsi affectés dans leur sens au travail, et ce d’autant plus que les plus anciens s’inscrivent dans une culture service publique qu’ils semblent avoir fortement intériorisée. C’est justement parce qu’ils ont adhéré et adhèrent encore très partiellement à une « culture France Telecom », qu’ils vivent d’autant plus mal les évolutions récentes de leurs conditions de travail, d’emploi, et les transformations du modèle de l’entreprise. Le sentiment de léser le client, est notamment la résultante d’une pression quotidienne subie par les salariés de l’AVSCGE, afin de vendre tel ou tel produit en grande quantité et dans un temps limité. La pression aux objectifs quand celle-ci devient exacerbée, ne va pas avoir comme résultat le développement d’une motivation commune. A contrario cela tend à déconnecter le travailleur de ses compétences de départ, et provoquer chez lui une perte de sens au travail. Ce système d’organisation, où la recherche et le contrôle de la performance dominent, tend par ailleurs à diminuer l’autonomie des salariés. Si le discours s’inscrit dans une démarche de proximité de la clientèle, la réalité vécue par les salariés est toute autre. La plupart des personnes interrogées ont mis en avant que le management par objectifs venait entraver la relation client. Pour bien des collaborateurs, le métier de conseil tend à diminuer devant les impératifs du développement de l’entreprise : vendre plus de produits et à plus de clients. La fidélisation, si elle est présente dans le discours officiel de l'entreprise, elle est de plus en plus difficile à mettre en œuvre, du fait notamment de la pression mise sur les télé-conseillers pour vendre toujours davantage de produits. Les opérateurs du 10 14 se sont plaints des effets négatifs des objectifs sur la qualité du service rendu, en citant par exemple le nombre d’appels minimal exigé par heure. Des opérateurs préfèrent passer plus de temps avec le client afin de s’assurer de sa satisfaction que de favoriser l’atteinte des objectifs à tous prix. C’est là une vision à court terme qui, selon eux, nuit aux intérêts de l’entreprise à moyen et long termes (augmentation de l’insatisfaction des clients, augmentation des réclamations, des souhaits de désabonnement…). Comme en témoignent les extraits d’entretien, la perte de sens dans le travail, s’observe par un sentiment de ne plus servir et conseiller le client sur une offre adaptée à ses besoins, mais plutôt de répondre prioritairement aux objectifs chiffrés en vendant les produits « poussés » par l’entreprise. « Ce qui compte c’est les chiffres, les chiffres du plateau, les chiffres de vente. C’est une grosse boîte et c’est comme ça que ça tourne, mais nous on n’a pas les mêmes valeurs les anciens. Si on prend le temps de traiter quelque chose de bien, le client reviendra. Mais nous c’est pas ce qu’on fait, il faut se poser la question de pourquoi les gens s’en vont. On a le droit à des taux de perte, moralité c’est pas grave si les clients s’en vont, les clients nous le disent tout le temps. » « Avant on avait le souci de la satisfaction client, c’était toujours le travail le mieux possible, souci de bien faire. Au fur et à mesure, le souci c’est surtout celui des bénéfices, tout est calculé en fonction de ça et on oublie du coup le côté humain. » En termes de risques psychosociaux, les exigences accrues de performance peuvent conduire à un état de stress chronique qui est dangereux, car il maintient

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l’organisme en sur-régime. Il s’inscrit dans la durée, et les conséquences pour la santé deviennent de moins en moins réversibles. Nombreux sont les salariés qui ont, ou qui ont eu recours à des antidépresseurs ou des somnifères. C’est un mal-être quotidien qui tend à envahir la vie professionnelle et privée de certains salariés. « Les derniers mois ça s’est empiré, j’ai des angoisses, j’ai tout le temps mal au ventre. Je n’arrive pas à décompresser ou je dors à table, ça ne me ressemble pas, je suis réveillé au moins trois ou quatre fois la nuit et tout est sur le boulot. » « Je viens le matin j’ai la peur au ventre et puis j’ai qu’une hâte c’est quand les congés arrivent, ou le week-end, alors qu’avant j’ai toujours aimé bosser. » Les pratiques managériales observées par les experts ne semblent pas être compensées par un service des ressources humaines proche des salariés. En effet, la quasi totalité des salariés rencontrés ont une vision très négative du volet RH (cf. infra).

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II.C- Une organisation du travail complexe et pertu rbée

L’AVSCGE compte de nombreux métiers qui se concentrent sur la vente et le service pour les clients résidentiels et professionnels : centre d’appel 1014, vente à distance, administrations de vente, réclamations, escalades, suivi de commande. Du fait d’un nombre limité d’entretiens pour cette expertise, les caractéristiques et l’organisation de l’ensemble des services et des métiers ne pourront être décrits. Il a donc été choisi de se concentrer sur l’activité du centre d’appel 1014. Ce service rend compte des dysfonctionnements de l’organisation, facteurs de véritables risques psychosociaux.

II.C.1- Lourdeurs et complexité du système d’inform ation : focus sur l’activité du 1014

L’ensemble des entretiens réalisés par les experts met en avant des dysfonctionnements liés au système d’information. Pour un seul poste, un salarié doit utiliser de nombreuses applications qui se révèlent souvent lentes, en panne voire obsolètes. Ces lourdeurs et ces complexités rendent le travail quotidien des salariés difficile, stressant, et à terme ont des effets contre-productifs.

II.C.1.a- Des conséquences sur l’efficacité des télé-conseillers

L’observation des salariés du 1014 en activité rend compte des dysfonctionnements des applications et des effets néfastes en termes de risques psychosociaux. Ces problèmes sont d’autant plus pesants que les salariés utilisent de nombreuses applications et parallèlement sont en communication téléphonique avec les clients. Il y a donc superposition des tâches. Celle-ci est problématique lorsque l’opérateur est pris entre la nécessité de rechercher les informations afin de répondre à la demande des clients, et l’impossibilité d’effectuer cette recherche en raison des dysfonctionnements liés aux applications. Alors que l’outil devrait faciliter le travail à accomplir, il le contraint et le complique. In fine les effets sont contre-productifs pour l’entreprise et pénalisent les conseillers dans l’atteinte de leurs objectifs. « J’ai déjà du mal à tenir mes objectifs mais alors quand le système d’information marche mal c’est pire. Je me dis que j’aurais du mal à les faire en temps normal, mais qu’en plus si ça ne marche pas je ne les ferai jamais. »

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Le seuil de tolérance aux facteurs perturbateurs du travail et de son bon déroulement s’abaisse d’autant que la pression des objectifs est omniprésente et que leur atteinte conditionne la part variable du salaire des télé-conseillers.

II.C.1.b- Adaptation et investissement des télé-conseillers face à la multiplication des applications et des offres commerciales

Au sein de leur activité, les télé-conseillers manipulent plus de vingt-trois applications. L’intégration du fonctionnement de ces applications et de leur utilisation demande du temps aux opérateurs. Lorsqu’ils n’utilisent pas une application régulièrement, les opérateurs ont besoin d’un temps de réadaptation à chaque utilisation. Les extraits d’entretiens suivants mettent en avant les difficultés quotidiennes rencontrées par les salariés, et le manque de moyens mis en œuvre pour les surmonter, notamment en matière de formation. « On veut faire mais on ne sait pas, on ne nous a pas appris convenablement. Il y a des choses qui sont faites par des gens sans expérience, le technique ça s’apprend. Les applications sont vieilles, les connections sont lentes donc tout ça, c’est pas évident. » « Les procédures chez nous c’est lourd, c’est titanesque. Pour résilier une option, ça prenait trois secondes, maintenant on a une application commune qui s’appelle Mercure, c’est une source d’info mais du coup, il faut manipuler l’application. Il faut mettre le numéro de client, on résilie mais une autre application s’ouvre et du coup ça devient très long. Tout contact avec client doit faire acte d’un traçage avec Mercure. » « On voit le système d’information qui se dégrade et qui se réforme. On a des outils qui aujourd’hui sont incomplets, parfois obsolètes, vieux et complexes. » « On fait remonter des cas, on n’a pas la solution. En plus, les clients nous reprochent de ne pas tenir le même discours, les clients tournent, on n’est plus jamais sûr de ce qu’on dit, on est sur une corde raide. Chez nous les clients ne font que tourner, ils se font balader, du coup ils arrivent excédés, ils n’ont jamais le bon interlocuteur. Le système d’information est lourd, on a une vingtaine d’applications, elles ne sont pas tout le temps mises à jour. » De plus, toutes les six semaines de nouvelles offres apparaissent. Tous les salariés du 1014 doivent donc en prendre connaissance, et mettre à jour leur gamme de produits afin de pouvoir les proposer aux clients. Ces nouveautés nécessitent un investissement et une adaptation importante des télé-conseillers. Ils ont à peine intégré les anciennes offres qu’ils doivent mettre leur énergie dans l’appropriation des nouvelles. Le traitement d’un dossier et la tenue d’une conversation peuvent alors se révéler délicats lorsque le télé-conseiller n’a pas eu suffisamment le temps de les intégrer. Le temps de traitement des dossiers et le risque de commettre des erreurs augmentent. « Les offres se compliquent, les clients sont paumés et nous aussi, c’est la rigueur qui manque aujourd’hui. J’aime bien venir au boulot mais c’est le flou qui me dérange le plus. On a de moins en moins de formations, le système d’information est long, au niveau des applications et au niveau des offres tout est lourd. »

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II.C.1.c- Des conséquences en termes de risques psychosociaux : augmentation du stress

Rappel de la définition du stress « Le stress survient lorsqu'il y a déséquilibre entre la perception qu'une personne a des contraintes que lui impose son environnement et la perception qu'elle a de ses propres ressources pour y faire face. » Vouloir bien faire son travail et rencontrer des obstacles pour y parvenir sont les ingrédients favorisant l’apparition du stress d’autant plus que les salariés ont le sentiment de ne pas maîtriser les leviers pour franchir les obstacles. Le sentiment de mal-être est alors renforcé par le sentiment d’impuissance, par la perte de ce que nous appelons le « pouvoir d’action ». Plus un individu peut faire face aux contraintes de son environnement en mobilisant ses ressources et ses savoir faire, moins il souffre. A l’inverse, l’absence de contrôle, même partiel, de la situation, le caractère vain de son action génèrent une souffrance directement proportionnelle à l’intensité de ses efforts. La répétition de ces phénomènes va favoriser des troubles somatiques : problèmes inflammatoires généraux se manifestant par des troubles musculo-squelettiques (TMS), des maladies digestives, des problèmes de type cardio-vasculaire, etc. L’utilisation de vingt-trois applications, l’abondance et la fréquence des nouvelles offres, le manque de formation et de temps pour se les approprier, illustrent parfaitement cette problématique. Ne percevant pas les ressources comme étant adaptées et suffisantes, un stress apparaît alors chez le conseiller. Afin de pallier ces problèmes, les salariés mettent en place des stratégies opératoires de substitution mais qui ne peuvent en aucun cas être considérées comme des solutions définitives. Les télé-conseillers mettent de côté des dossiers et en reportent le traitement au lendemain. Mais alors ils ne rentrent pas chez eux la conscience tranquille en sachant qu’ils ne sont pas à jour dans leur travail. Le risque d’effets délétères sur la santé est d’autant plus important que les pratiques managériales sont trop souvent centrées sur l’atteinte des objectifs et pas suffisamment sur le soutien des collaborateurs.

II.C.2- Sentiment de mépris ressenti par des salari és du 1014 travaillant dans un environnement dégradé

L’observation des télé-conseillers du 1014 en situation de travail par l’expert ergonome a mis en exergue un sentiment de mépris ressenti par les collaborateurs au regard de leur environnement matériel. Lors des observations et des entretiens les opérateurs se sont exprimés sur l’état global des locaux qu’ils jugent vétustes et non agréables. Ils estiment que le bâtiment est sale, « horrible visuellement », « où il ne fait pas bon vivre ». « Travailler dans de tels locaux est dégradant. » Cette impression fait naître un sentiment de frustration chez les opérateurs qui ne s’estiment pas traités correctement, ni reconnus.

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En outre beaucoup de conseillers se plaignent de la température.

Certains ont mis des chauffages d’appoint.

D’autres opérateurs se protègent de l’air froid de la climatisation par des cartons.

Les jointures entourant les fenêtres sont abîmées voire inexistantes. Les bureaux étant positionnés près des fenêtres, les salariés ont directement les courants d’airs sur la nuque et le dos.

D’autres bricolent eux-mêmes afin de pallier le manque de réactivité des services techniques pour effectuer les réparations. Le bâtiment étant ancien, il nécessite des réparations primordiales pour un confort minimal des salariés.

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« Le service technique ne venant pas réparer on a été obligés d’aller acheter nous-mêmes de quoi réparer et de le poser encore une fois nous-mêmes. » De la même façon d’autres ont scotché des journeaux afin d’endiguer les courants d’airs.

Ces insuffisances liées aux installations entraînent des problèmes de santé chez les opérateurs. Certains parlent de rhume, angine, etc. et d’autres évoquent des problèmes de dos, de torticolis etc. Ces problèmes impactent directement la productivité des salariés. Les objectifs individuels et d’équipe seront donc plus difficilement atteints. Enfin un environnement dégradé génère un mécontentement chez les salariés et « l’impression de ne pas être reconnu et traité comme des êtres humains ». Ils parlent de prise de distance vis-à-vis de leur travail et d’un désinvestissement qui ne les poussent pas à « tout donner » pour leur entreprise « qui de toute façon n’a aucune considération » pour eux. Le manque de sécurité de certaines installations peut être source d’accidents. La veille du passage des experts un accident a eu lieu. Un salarié s’est pris les pieds dans les câbles en se levant précipitamment et est tombé. Cet accident a engendré un arrêt de travail. Installation ayant entraîné l’accident

Cette situation n’est pas une exception. Des gouttières sont bien présentes pour rassembler et cacher les fils, mais elles ne sont pas bien utilisées.

Cette situation se retrouve sur l’ensemble des salles.

Ce problème doit donc être rapidement pris en compte, et traité.

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Les prises électriques : L’état de certaines prises n’est pas conforme aux normes Le poste de travail Certains postes de travail sont placés face aux fenêtres comme le montre la photographie suivante

Ce positionnement peut induire une gêne chez l’opérateur qui sera ébloui avec le reflet du soleil sur l’écran de l’ordinateur. Ceci peut entraîner plusieurs problèmes physiques tels que des maux de tête par exemple.

Devant l’accumulation de situations à risques, les experts rappellent en annexe la réglementation et les normes à respecter en matière de traitement d’air et d’ambiance thermique, mais également d’écl airage, de bruit, d’espacement et d’emplacement des postes de travail ainsi que de positionnement au poste de travail.

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II.D- Une gestion des ressources humaines peu lisib le

Les grandes missions des Ressources Humaines communément admises concernent :

- L’administration du personnel, - Le recrutement, - La formation, - La rémunération, - La gestion des compétences, - Les conditions de travail, - Les relations sociales.

L’ensemble des salariés rencontrés a insisté sur l’inexistence d’un service RH. Cela se traduit à la fois par un manque d’accompagnement des salariés, (les experts prendront comme exemple la manière dont les différentes restructurations se sont déroulées en termes de gestion du personnel), mais aussi par un déficit de formations et un système de promotion souffrant d’arbitraire le rendant alors défaillant.

II.D.1- La perception négative voire inexistante de s Ressources Humaines : focus sur la gestion des restructurations

« Souvent je dis dans RH on a oublié humaine. »

II.D.1.a- Manque d’anticipation et d'accompagnement des mutations mobilité et métier

L’AVSCGE a connu ces dix dernières années de nombreuses restructurations, qui ont fait l’objet de fermetures de sites, de services et de disparition de métiers. Lorsque des changements organisationnels de cette ampleur surviennent, il est nécessaire de communiquer largement sur les raisons objectives de ces mutations, d’anticiper sur le changement des conditions de travail et enfin de mettre en place un processus d’accompagnement individuel et collectif auprès des salariés concernés. Or ces deux points ne semblent pas avoir été suivis par la Direction de France Telecom. En effet, l’ensemble des salariés rencontrés déplore à la fois, l’absence de communication au sujet des restructurations, mais aussi le manque de suivi et d’accompagnement collectif et individuel. « Ça été tellement vite qu’on n’a pas respecté les gens. Quand je vois qu’il y a des gens qu’on a mutés du jour au lendemain. L’accompagnement n’a pas suivi, souvent je dis dans RH, on a oublié humaine. »

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« Quand ils ferment un site, ils disent « ben voilà vous irez là point final ». Dans RH il n’y a plus de H. Il faut remettre un peu d’humain. » « En 2002 je suis rentré de mes congés fin du mois d’août, on est rentré dans une salle et on nous a dit le 12 ferme, ça été brutal, personne ne s’y attendait. A l’époque, ils ont demandé aux gens d’aller dans différents services et les gens devaient se positionner dans des postes. » Les salariés concernés par la fermeture d’un service doivent chercher eux-mêmes un nouvel emploi, via le site Intranet où sont répertoriées des offres ou encore à partir de leurs réseaux de connaissances. En effet, afin de pallier les manques d’informations et d’accompagnement concernant les changements organisationnels, les experts ont observé la mise en place de stratégies individuelles de prospection, de la part des salariés qui doivent changer de poste. C’est à partir de leurs propres carnets d’adresses qu’ils se renseignent sur l’existence de postes à pourvoir dans les services voisins. Il n’y a donc pas de règles définies dans l’attribution des nouveaux postes, ce qui laisse ainsi la place à un flou organisationnel important et déstabilisant pour les salariés. Ce système parallèle est l’illustration d’une défaillance du service RH dans l’organisation et l’accompagnement des salariés face aux restructurations. De plus, une problématique importante s’impose au salarié concerné par la fermeture d’un service, celle de la mutation géographique. En effet lors des différentes restructurations, nombreux sont les salariés qui sont amenés à choisir entre quitter leur région où leur famille est installée, pour obtenir un poste équivalent, ou rester, et ainsi se retrouver sur un poste sans véritables liens avec le précédent. Les salariés sont alors contraints de choisir entre mobilité géographique ou mobilité d’activité. La transition est tout particulièrement mal vécue lorsque les personnes sont amenées à passer du service technique au domaine commercial. Tel est le cas de nombreux salariés du 1014. Pour beaucoup, l’arrivée au 1014 est un choix contraint, fait suite à la fermeture d’un autre service.

II.D.1.b- « On est tous des numéros. »

Ce verbatim illustre la perception des salariés quant au manque de considération de l'entreprise à leur égard. Ce manque d’accompagnement des salariés nécessite qu’ils s’investissent toujours davantage afin de trouver un nouveau poste d’une part, et de s’y adapter d’autre part. Ces fermetures rapides de service, sans accompagnement, provoquent un sentiment de déni de considération de la part de la Direction envers les salariés. Ces derniers estiment que l’investissement qu’ils ont pu avoir tout au long de leur carrière n’est pas du tout pris en compte. Ils se sentent alors dévalorisés et vont avoir tendance à se désinvestir. Les extraits d’entretiens suivants montrent que les restructurations, et surtout leurs modalités de gestion, déstabilisent les salariés, d’autant plus quand la situation se répète, et entraînent aussi un sentiment d’incompréhension générale. « Les changements de poste ça déstabilise, on se sent inutile, surtout quand tout se passe bien. Pourquoi on casse ? Pourquoi on enlève le boulot à n’importe qui ? Il y a des choses qu’on n’arrive pas à comprendre. »

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« Quand t’as changé trois fois de boulot, on se remet en question et on sait plus qui on est. » « A quoi ça sert de s’investir dans son travail, si dans deux ans on nous demande de faire autre chose et il va falloir encore tout réapprendre. » Les salariés ne ressentent ni le soutien, ni l’accompagnement dans la montée en compétences, ni enfin la reconnaissance dont un service RH doit fait preuve dans une entreprise. Les changements sont alors d’autant plus mal vécus par les salariés qu’ils n’ont pas forcément pu suivre à temps les formations concernant les nouveaux postes occupés. Il est utile de rappeler les différences de perception du changement en fonction de la place des acteurs de l’entreprise10.

Les décisionnaires du changement

• Ont eu le temps de réfléchir au changement • Ont une vision conceptuelle du changement • Ne sont pas directement au contact quotidien

avec les collaborateurs • Voient les choses à grande échelle • Voient les choses en fonction d’une stratégie • Ont le sentiment de contrôler la situation • Sont impatients de voir le changement

s'implanter et donner des résultats • Sont surtout sensibles aux gains du

changement

Les managers de proximité

• Sont tiraillés entre leur devoir de loyauté

envers leur entreprise et leur position de proximité envers leurs collaborateurs

• N'ont pas pris part aux décisions clés • Ne sont pas formés pour annoncer le

changement • N'ont pas le droit d'avoir des « états d'âme »

face au changement

Les collaborateurs

• Ont une perception émotionnelle du

changement • Voient les choses à l'échelle individuelle • Sont d'abord sensibles aux aspects à court

terme • N'ont pas de sentiment de contrôle de la

situation • Ont le sentiment de "payer comptant" le

changement • Sont surtout sensibles aux pertes dans le

changement

10 D'après E. ROSKIES "Gérer l'aspect humain du changement"

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Les pertes ressenties dans les changements organisationnels sont facteurs de souffrance au travail.

Le sentiment de perte est d’autant plus profond et durable qu’aucun sentiment de bénéfice ne vient le compenser ou lors que les bénéfices semblent bien inférieurs à la perte subie. La perte génère une souffrance dont l’importance est directement proportionnelle à l’attachement que l’on portait à « l’objet » de la perte : un lieu de travail, des collègues, un hiérarchique, des méthodes de travail qui faisaient partie de notre quotidien... - Perte d’autonomie : être obligé de suivre des procédures très strictes au

détriment de l’initiative individuelle, contrôle permanent des résultats…

- Perte de sécurité : évolution permanente des métiers, remises en cause fréquentes, incertitude quant à son devenir dans l’entreprise, déficit d’explications lors de la mise en place de changements, rumeurs en tous genres...

- Perte d’identité : rachat de l’entreprise elle-même, passage d’une identité de

service public à une identité d’entreprise commerciale, rattachement à un autre service, changement de nom...

- Perte affective : départ d’un collègue, du responsable de l’équipe,

changement de région...

- Perte d’habitudes : changement de bureau, de site, de méthodes de travail...

- Perte de compétence : peur de ne pas être à la hauteur pour une nouvelle activité, se retrouver au même niveau de compétence qu’un débutant…

- Perte de confiance : à l'égard de la hiérarchie, à l'égard de son responsable

hiérarchique direct, à l'égard de l'entreprise. Peur d'être trompé, peur d'être manipulé, peur ne pas être soutenu lors des difficultés…

C’est pour cela que toute restructuration, tout changement d’organisation, quelle que soit son intensité, doit être strictement accompagné par l’entreprise, aussi bien sur le plan individuel que collectif. Les experts attirent ici l’attention sur la crispation existante entre les membres du CHSCT et la Direction. Les procès-verbaux de l’année 2009 font une large part aux divergences de points de vues entre la Direction, qui pense mettre en œuvre tout ce qui est utile à l’accompagnement des personnes, et les membres du CHSCT, qui reprochent à la Direction de ne pas les associer à la mise en place des changements dans l’entreprise : aménagement de locaux, changements d’organisation tel, par exemple, le passage d’une activité 50 % front office (prise d’appels clients) à une activité 100 % front office… Ce type de changement modifie les conditions de travail car il augmente ce que la psychosociologie du travail appelle la demande psychologique.

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Bien que la présente expertise n’ait pas fait l’objet d’une analyse quantitative par le biais d’un questionnaire administré auprès du personnel, il est utile de rappeler les composantes génératrices de stress telles que Karasek11 les a décrites. Les facteurs liés à l’organisation du travail et au management permettent de faire le lien entre un vécu du travail (psychologique et sociologique) et les effets que ces facteurs peuvent avoir sur l’efficacité et la santé du salarié. Ce modèle comporte trois dimensions : - L’autonomie, ou pouvoir de décision (« latitude décisionnelle ») renvoie aux

marges de manœuvre dont le salarié estime disposer pour peser sur les décisions dans son travail, aux possibilités d’utiliser et aussi de développer ses compétences.

- La charge de travail (« demande psychologique ») est évaluée par la quantité

de travail, son intensité et son caractère plus ou moins prévisible, tels qu’ils sont ressentis par les répondants.

- Le soutien social décrit l’aide technique et « émotionnelle » dont peut

bénéficier le salarié, de la part de ses supérieurs hiérarchiques ou de ses collègues.

La plupart des témoignages recueillis par les experts montre que ces trois dimensions sont fortement dégradées pour un grand nombre de collaborateurs et notamment pour ceux qui ont opéré un changement radical de métier. Il est donc important que la Direction travaille davantage en partenariat avec les membres du CHSCT dont le rôle légal est rappelé plus haut.

II.D.2- Un déficit de formations

Un des premiers objectifs de la formation professionnelle est de permettre l’adaptation des salariés aux changements des techniques, des produits, et des conditions de travail en général liées à la pratique de leur métier. En d’autres termes, la formation professionnelle est censée atténuer les déséquilibres entre qualifications acquises et qualifications requises. Si la formation est un dispositif permettant de mettre à jour ses connaissances, elle est également un outil de montée en compétences du personnel. En effet, dans le cadre de la gestion des compétences, mission des services RH, la formation est un moyen d’élargir son champ des connaissances pratiques et théoriques afin de progresser dans l’entreprise. Cependant, il s’avère que les salariés rencontrés ont fait part aux experts d’un véritable manque de formations. Lorsque celles-ci sont organisées, elles concernent surtout le domaine commercial et prennent trop souvent la forme d’informations ponctuelles sur la mise en place de nouveaux produits, plus que de formations en tant que telles sur des savoirs-faire. Les experts ont également entendu qu’il est fréquent que les formations soient repoussées et que les salariés prennent leur poste sans avoir été formés. En effet, les soutiens métiers

11 Le modèle de Karasek est validé en tant que standard scientifique international.

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qui ont pour rôle d’aider les salariés au niveau des problèmes liés au système d’information ont également pour rôle de réaliser les formations. Or plusieurs failles ont été relevées : d’une part les soutiens métiers ont souvent une charge de travail importante et ne sont pas assez nombreux sur les plate-formes pour solutionner individuellement les problèmes des télé-conseillers, et parallèlement organiser les formations. D’autre part, lorsque les soutiens métiers souhaitent mettre en place une formation, il arrive que les responsables d’équipe décalent à plusieurs reprises les créneaux horaires. Il est alors fréquent que les formations soient délivrées a posteriori. Lorsque les salariés suivent une formation, de facto ces derniers ne sont pas sur la plate-forme. C’est notamment la raison pour laquelle les formations prennent fréquemment la forme de diffusion d’informations, dans des délais très courts, afin que les salariés reprennent leur poste rapidement et poursuivent leur activité. De plus les horaires des soutiens ne correspondent pas forcément à la plage horaire des télé-conseillers. En effet la plupart des soutiens quittent le lieu de travail vers 18h30. Or des opérateurs sont présents jusqu’à 20h. « Il y a des tas de trucs à connaître, il faut deux ans pour apprendre, ils font des formations aux rabais. Ils font de l’info, on ne peut pas poser de questions, ils nous balancent les infos comme ça. » Les salariés ont largement fait part aux experts d’un manque de formations sur le fonctionnement des applications, outils pourtant utilisés au quotidien par de nombreux télé-conseillers, qu’ils soient en front ou en back office. Ces derniers qui ne sont pas directement concernés par l’acte de vente, ont le sentiment de ne pas faire partie du personnel à former en priorité. Tout se passe comme s’il y avait une hiérarchisation implicite des métiers, favorisant alors les postes axés sur l’acte de vente, au détriment de ceux se trouvant en back office. Le critère déterminant étant la proximité avec l’acte de vente. « Tout le monde travaille avec les moyens du bord j’ai l’impression. On nous informe plus sur le prix du produit, nous on a besoin de formations techniques sur l’encodage et sur l’utilisation des applications. » Ces salariés qui ne sont pas suffisamment formés sur le système d’information doivent alors s’adapter et tenter d’apprendre au fur et à mesure des difficultés rencontrées. Cela requiert un investissement et une mobilisation importante de leur part, sans qu’ils aient en retour la reconnaissance financière et/ou symbolique de leurs responsables. Cette défaillance au niveau de la formation, fait qu’il n’y pas de règles établies ce qui génère une hétérogénéité dans les pratiques et les procédures à suivre. « Le problème c’est qu’on a plein d’applications informatiques, on doit toujours aller à la pêche aux infos. » « On n’est pas censé connaître le produit pas cœur mais bon on n’a pas de formation, personne ne sait travailler comme il faut, personne ne travaille de la même façon, tout le monde ne connaît pas le métier, il n’y a aucune formation. » « On va nous faire des formations pour répondre avec le sourire et non pas sur les réponses à donner. » « On n’a pas de procédures sur comment on devrait répondre, il y a pas de réponse type sur les mails et on n’a pas de formations. On a un appel sur quatre ou cinq qui correspond à notre compétence. On a l’impression qu’on est le

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numéro poubelle, c’est tuant, un moment on n’a plus rien à dire. On se fait insulter, donc il faut tenir le coup, c’est pas maintenant que je vais craquer, on a l’impression qu’on est là et débrouille-toi. » Ce manque de cohérence lié au déficit de formation crée de l’épuisement professionnel. Les télé-conseillers doivent s’investir davantage afin de pallier l’insuffisance des mises à jour des savoir-faire. A court terme, cela crée du stress qui vient s’ajouter aux exigences managériales et nuit à l’ambiance collective de travail. A long terme, de la démotivation et un mal-être au travail s’installent progressivement, avec des conséquences non négligeables sur la santé physique et psychique des salariés. « On est arrivé en juin et au mois de juillet on a commencé. On n’a fait que du téléphone, moi encore je connaissais un peu les applications mais pas les produits. Il y a plein d’applications qu’on ne connaissait pas, on pétait les plombs, on sortait en pleurs. » Dans le cas où les formations ont lieu, il est fréquent qu’elles se déroulent quelques mois après la prise de poste. Le décalage temporel entre la prise de poste et la formation nécessite alors de s’adapter et d’apprendre sur « le tas ». L’extrait d’entretien réalisé avec un manager est une illustration de cette situation. « On a appris sur le tas, on nous a envoyés un peu comme ça. On a essayé de voir en fonction de notre expérience. Les formations je les ai eues après, une fois que j’ai managé les personnes. C’est des formations sur le coaching, sur la gestion des entretiens. » Les entretiens menés par les experts montrent qu’il y a un réel manque de règles communes qui s’observent au niveau des demandes de formations mais aussi et surtout au niveau du système des promotions. Face à ce manque de formation perçu par les collaborateurs, la Direction pense au contraire que les efforts de formation sont tout à fait adaptés aux besoins. La Direction dit avoir mis en place des parcours de formation de deux semaines à neuf semaines (notamment pour les collaborateurs venant d’un métier technique pour se diriger vers un métier commercial). Les parcours présentés dans le cadre du plan de formation 2009 (Parcours chargé de suivi de commande ADCP, Parcours conseiller client AC Home, DRCF Parcours conseiller client convergence + AC…) vont de deux à cinq semaines en fonction du parcours. Les formations courtes permettant de connaître les nouvelles offres, produits et services, n’ont représenté que deux jours de formation par collaborateur (12 636 heures pour 1 053 collaborateurs). Ces formations sont jugées nettement insuffisantes par les collaborateurs qui les perçoivent davantage comme des séances d’information que comme de véritables formations. Connaître ne veut pas dire être capable d’utiliser. Pour passer de l’un à l’autre, il est nécessaire d’avoir le temps d’intégrer en pratiquant en dehors des situations réelles en ligne avec un client. En outre, les formations du plan 2009 n’ont pas toutes été réalisées car de nombreux changements sont intervenus en cours d’année. Ceci a sûrement accentué d’autant le sentiment d’insuffisance de formation perçu chez les collaborateurs. Enfin, à titre d’exemple, les experts rappellent que la fiche d’évaluation concernant le collaborateur globalement évalué à 2 (objectifs partiellement

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atteints) ne mentionne aucune action de formation future pour l’aider à monter en compétences.

II.D.3- Un sentiment d’iniquité dans le système de promotion : opacité des règles

Lorsqu’un groupe humain est rassemblé pour atteindre un objectif, qu’il soit d’ordre professionnel ou non, la première nécessité est de définir des règles du jeu claires, soit écrites, soit orales, soit acceptées comme telles car coutumières. Dans le cas d’une entreprise, les règles du jeu se matérialisent sur le plan individuel (contrat de travail) et sur le plan collectif (droit du travail, conventions collectives, chartes des valeurs, discours de la Direction…). Les règles du jeu doivent être conçues pour permettre de fonctionner et non pour empêcher le fonctionnement. Elles doivent favoriser la fluidité et l’efficacité des actions individuelles et collectives, dans le respect des individus, et non les contraindre. « L’affichage » de règles du jeu claires et leur respect ont pour effet la confiance, facteur d’équilibre psychologique des personnes. A l’inverse, le flou perçu de certaines règles ou leur non-respect sont source de méfiance, avec pour effet l’incompréhension, la suspicion et leur cortège de comportements révélateurs d’un mal-être psychologique, le désengagement, l’agressivité, ou la soumission. Lors des entretiens, il est apparu clairement que les salariés souffrent d’un manque de transparence des règles de promotion. « Je suis soutien métier donc je devrais avoir une promotion, mais bon avant j’aurais dû en avoir une mais je ne l’ai jamais eue. A France Telecom ils ont une politique de promotion assez particulière : c’est surtout pour les commerciaux. » « Pour les promotions, c’est tout du convenu, c’est incroyable, c’est à celui qui fera de la lèche. Par exemple, il y a plein de personnes qui font le même travail que moi et qui sont en 2.1. Moi je me suis défendu pour passer en 2.2 mais bon c’était pas très clair, c’est un jury, trois personnes pendant une heure, mais bon c’est tout du pipeau. »

Les salariés de France Télécom ont une fois par an un entretien de progrès. Cet exercice est un outil RH d’évaluation de l’activité des collaborateurs. En théorie, c’est un moment d’échange entre le salarié et le N+1. C’est un instant privilégié pour évoquer les possibilités d’évolution salariale que ce soit de façon horizontale ou verticale. Or il s’avère que les salariés rencontrés ont largement critiqué l’usage des entretiens de progrès dans son utilité a posteriori. Cela a pour conséquence de diffuser un sentiment de méfiance envers les responsables d’équipe et plus largement envers la politique de l’entreprise. Par ailleurs, le fait d’attribuer des promotions sans règles établies crée de la crispation, néfaste pour l’ambiance collective de travail, et contribue au processus d’individualisation des rapports salariaux.

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II.E- Inquiétudes pour l’avenir et conflits de vale urs

II.E.1- Sécurité de l’emploi et instabilité des pos tes

Qu’en est-il de la pérennité des postes, des servic es et des sites ? Les salariés rencontrés ont majoritairement fait part de leur inquiétude au niveau de la pérennité de leur poste. Les extraits d’entretien ci-dessous illustrent en effet la position d’incertitude dans laquelle se situe les salariés au sujet de leur avenir professionnel au sein de l’AVSCGE. « L’avenir est flou, c’est sûr que je vais avoir d’autres postes avant ma retraite. S’ils ont besoin de remplir un service de vente, ils sont capables de fermer un petit service. » « La pérennité du service on ne sait pas, depuis octobre on n’a pas eu d’infos sur la pérennité du service. C’est difficile à gérer aussi, on a quand même une incertitude de toute façon. » Si le statut de fonctionnaire les protège professionnellement et les inscrit dans une sécurité de l’emploi, les différentes restructurations de l’entreprise sont sources d’instabilité, à la fois au niveau des postes, des services et des sites. Les salariés ont ainsi la garantie de l’emploi mais pas celle de leur poste actuel. Ils ne sont donc pas assurés de garder la même activité dans les années à venir. Cette situation fait que les salariés ont une lisibilité à très court terme de l’avenir des postes et des services en place aujourd’hui. « Je pense pas trop à l’avenir, je vis plutôt au jour le jour, depuis longtemps, ils disent que notre site va disparaître. »

« Quelque part on a une épée de Damoclès sur notre tête, quand on demandait ‘‘on va fermer quand ?’’, ils nous répondaient, ‘‘ton boulot est garanti jusqu’à la fin de l’année’’ et ils nous ont demandé aussi de refaire nos CV. » « Ici ça fait deux ans, voire plus, que notre plateau a toujours été sur la sellette. Ça continue mais on nous dit ‘‘attention il faut être bon, il faut être performant si vous voulez rester’’. » Ces extraits d’entretien rendent compte du véritable déficit de communication sur la pérennité des postes. L’incertitude est à la fois liée à l’activité mais aussi à la mobilité géographique.

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Des méthodes d’incitations au départ qui ne rassure nt pas les salariés Les méthodes employées afin d’inciter certains salariés à quitter l’entreprise sont l’objet d’incompréhension et d’indignation du personnel. Les différentes propositions de départ rapide faites à certains salariés dits « anciens », c’est-à-dire ceux qui sont susceptibles d’être bientôt en pré-retraite ont été très mal vécues par ceux qui sont restés, mais aussi par les personnes concernées. Les méthodes d’incitations au départ peuvent prendre différentes formes. Le TPS (Temps Partiel Senior) en est un exemple. De plus, les propositions de départ vers d’autres administrations, ou encore les aides et les conseils proposés pour devenir entrepreneurs constituent également des moyens d’inciter les salariés à quitter les effectifs de France Telecom. Au-delà du choc que cela a produit chez les salariés visés par ces incitations, les « restants » ressentent alors de l’inquiétude liée à ces incitations au départ. Par ailleurs, cela crée chez les salariés un sentiment d’inutilité et un manque de considération de la Direction envers leur investissement dans l’entreprise. Lorsqu’un salarié a réalisé l’intégralité de sa carrière au sein de la même entreprise, qu’il a fait preuve d’investissement, la mise en place de méthodes d’incitations au départ, est alors vécue comme une violence symbolique, comme un manque de considération et de reconnaissance.

II.E.2- Un sentiment d’appartenance qui se dégrade

Les difficultés managériales, l’absence des Ressources Humaines et l’inquiétude liée à l’avenir observées par les experts sont autant de dysfonctionnements qui viennent fragiliser le collectif et le sentiment d’appartenance à l’entreprise. La fragilisation est d’autant plus forte que la pyramide des âges à France Telecom est élevée. En effet, la plupart des salariés travaillent chez France Telecom depuis au moins vingt ans et ont ainsi connu les différentes mutations de l’entreprise. « Pour moi il y a deux France Telecom : l’ancien et le nouveau. Nous ici on est dans le vieux, dans la fonction publique, l’administration. Je voudrais que la fin du vieux France Telecom soit moins violente. » Si les salariés ont unanimement fait part d’un attachement dans le passé à l’entreprise, ce sentiment s’est clairement amoindri. Afin de mieux comprendre cette fragilisation du sentiment d’appartenance, les experts ont distingué deux idéaux-types de salariés correspondants à deux types de réactions face aux mutations de l’entreprise. Les experts distinguent ceux dont le sentiment d’appartenance s’est affaibli dès les premières réformes dans le cadre du processus de privatisation, et ceux qui ont, dans un premier temps, accepté ces mutations, mais qui ont été déçus par les différentes restructurations qui ont suivi. Les premiers accordent une grande importance dans le fait de travailler dans le secteur des services publics et dans le fonctionnariat. Les seconds ont tout d’abord justifié et expliqué, par des arguments économiques, la stratégie de l’entreprise au moment de l’ouverture du capital à la concurrence, mais ils sont aujourd’hui fortement déçus par la politique de réduction des effectifs via les différentes restructurations et par l’obligation systématique de rentabilité à court

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terme. Dans les deux cas, les sentiments d’appartenance et de confiance dans l’entreprise sont ébranlés. La nécessité de répondre à des objectifs chiffrés pour des salariés qui ont réalisé une grande partie de leur carrière dans une entreprise de service public, peut alors être vécue comme un véritable conflit de valeurs. Les salariés ont ainsi le sentiment de travailler dans une entreprise qui n’est plus porteuse des valeurs pour lesquelles ils étaient fiers de s’investir. L’investissement dans leur métier, et dans la vie de l’entreprise, est moindre. C’est l’épanouissement et le bien-être au travail des salariés et l’efficacité de l’entreprise qui sont atteints

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-III-

Tableaux de synthèse

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Dans l’organisation complexe de France Telecom, on peut identifier deux grands principes de répartition des pouvoirs de décision :

1. une Direction nationale Groupe abritant différentes directions métiers et directions supports métiers ;

2. des directions territoriales. Le changement de certaines conditions de travail ne peut relever que d’une décision groupe ou métier, notamment celles concernant la pratique des métiers qui font l’objet de mesures transverses dans la totalité du groupe. Lors de la présentation du pré-rapport, les experts ont identifié au niveau local, les leviers d’action suivants : - les outils de pilotage ; - les questions de management ; - la communication interne ; - les actions de formation ; - l’allocation du nombre de personnes ressources en fonction des besoins ; - l’organisation du service santé au travail et l’implication des IRP dans la

prévention des RPS ; - l’amélioration des locaux. Seules figurent dans ce rapport les préconisations d’actions relevant du pouvoir de décision locale. Les experts recommandent néanmoins au CHSCT de se référer aux préconisations qui seront émises au niveau national.

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Constats Risques Préconisations

Pratiques managériales coercitives

���� Management centré sur l’atteinte des objectifs : pression constante d’objectifs amplifiée par la pression de certains managers, objectifs quantitatifs de moyens très nombreux, parfois objectifs maintenus lorsque absents, objectifs jugés difficiles à atteindre par certains conseillers, affichage des résultats…

���� Management d’ultra proximité et absence d’autonomie : surveillance permanente de l’activité, présence des RE au sein des plates-formes, sollicitation permanente des appels, procédures métiers décidées au niveau national, scripts à respecter, flux d’activité géré par la cellule 3P, pauses interrompues…

���� Management d’individualisation des rapports salariaux : horaires décalés, changements fréquents, isolement de certains salariés

� Comportements de contournement

� Anxiété

� Démotivation temporaire ou définitive

� Sentiment de dévalorisation, d’infantilisation

� Réduction des échanges entre collègues : détérioration de l’ambiance collective de travail

� Renoncement

� Perte d’estime de soi

� Etat de stress chronique

� Angoisses

� Troubles du sommeil

� Recours à des antidépresseurs, des somnifères

Objectifs

� Définition des objectifs (nature et quantité)

� Evaluation de l’atteinte des résultats : diminuer l’exigence en nombre d’objectifs atteints. Par exemple évaluer à 3 (objectifs atteints) lorsque 80 % des objectifs de productivité sont remplis.

� Evaluer la progression des résultats pour encourager les efforts des salariés. Par exemple évaluer la progression du nombre d’objectifs atteints ou celle du nombre de produits placés pour les objectifs commerciaux.

� Adapter systématiquement l’exigence de résultats pour l’équipe au nombre de collaborateurs effectivement présents

� Revoir les objectifs en fonction des incidents dus au SI

� Stopper l’affichage des résultats de l’équipe. Transmettre à chaque collaborateur le résultat global de l’équipe

Management

� Mettre en place une charte du comportement des managers précisant leurs différents rôles : - contribuer à donner du sens au travail, - optimiser les capacités de travail de son équipe, - prendre des décisions - assumer le rôle d’interface entre son service et

l’entreprise, - apporter du soutien en cas de difficultés, - faire progresser ses collaborateurs

� Conception de la charte en collaboration avec RH / Managers / collaborateurs / IRP

� Intégrer cette charte au contrat de chaque nouveau

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� Le sens du travail et le sentiment d’appartenance en péril : sentiment de léser le client, perte de qualité du service rendu

manager.

� Une fois par an, faire évaluer anonymement les managers par les collaborateurs dans leurs différents rôles. Construire le questionnaire avec les IRP et les RH.

� Mettre en place une cellule de soutien pour les managers en difficulté.

� Interdire aux managers d’écourter les pauses légales des collaborateurs quelles que soient les injonctions de la C3P.

� Continuer la double écoute uniquement sur demande des collaborateurs pour que cela soit vécu comme une aide et non comme un contrôle.

� Mettre en place un groupe de travail IRP, salariés, RH et managers pour inventer d’autres moyens que la compétition pour stimuler la performance.

� Créer des groupes à l’intérieur des équipes en horaires décalés pour que les membres d’un même groupe travaillent sur les mêmes créneaux horaires s’ils le souhaitent.

� Instaurer des réunions d’équipe (au moins une fois par mois) dans lesquelles ne seront abordées que des questions n’ayant pas trait aux résultats.

� Créer des groupes de managers afin qu’ils puissent échanger sur les bonne pratiques managériales sur le modèle des réunions « relation client » (trophées)

� Mettre en place un dispositif simple de reconnaissance par les N+2

� Critères d’évaluation des managers : cf. préconisations nationales

� Sentiment d’appartenance : communiquer à l’ensemble du personnel le calendrier des actions qui vont être mises en place à l’issue de l’expertise pour prévenir et

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diminuer les RPS.

� Allouer un budget global pour ces actions Une organisation du travail complexe et perturbée Focus sur le 1014

� Lourdeurs et complexité su système d’information : nombreuses applications, lentes, souvent en panne, obsolètes. Effets contre-productifs pour l’entreprise et le salarié. Difficulté à atteindre ses objectifs.

� Multiplicité des offres : difficile de s’y retrouver, temps de formation insuffisant

� Collaborateurs travaillant dans un environnement dégradé

� Surinvestissement des collaborateurs pour pallier les dysfonctionnements du système

� Modes opératoires de substitution

� Culpabilisation

� Sentiment de mal faire son travail

� Sentiment d’impuissance

� Découragement

� Sentiment de frustration

� Sentiment d’injustice

� Sentiment de mépris

� Améliorer le système d’information

� Réguler le rythme d’apparition de nouvelles offres

� Environnement de travail : définir immédiatement avec les IRP et le préventeur un plan de mise aux normes des locaux et des postes de travail. Allouer le budget suffisant.

Une gestion des ressources humaines peu lisible

���� Perception négative voire inexistante des RH : manque d’anticipation et d’accompagnement des mutations mobilité et métier, manque de soutien, flou organisationnel, choix contraint

���� Un déficit de formations : insuffisance, interruption, report, formations

� Incompréhension

� Dévalorisation, sentiment d’inutilité

� Sentiment de solitude

� Déstabilisation

� Perte de compétences

� Perte d’identité professionnelle

� Découragement temporaire

� (Re)définir le rôle des RH et communiquer officiellement dessus

� Intégrer une fiche sur le rôle des RH lors de la signature du contrat de travail

� (Re)préciser à chacun le nom de son référent RH

� Mise en place d’un entretien de régulation tous les trois ans concernant l’évolution des compétences

� Entretien d’évaluation : renseigner obligatoirement la rubrique « formation » nécessaire à la tenue du poste et formations demandées pour acquérir de nouvelles

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incomplètes, nombre insuffisant de soutiens métiers

���� Perception de règles opaques dans le système de promotion

� Surinvestissement de certains salariés pour s’adapter

� Déséquilibre contribution/rétribution

� Perte de confiance

� Déséquilibre qualifications acquises/qualifications requises

� Sentiment d’inégalité de traitement entre fonctions commerciales et non commerciales

compétences (anticipation)

� Faire respecter les formations et les temps de formation prévus quels que soient les flux d’activité

� Nouvelles offres commerciales : à chaque nouvelle offre, mettre en place des ateliers pratiques pour en faciliter l’intégration.

� Vérifier que le collaborateur a intégré les connaissances nécessaires (offres, applications informatiques…) avant de lui demander de traiter des appels ou des dossiers.

� Adapter le nombre de soutiens métier au nombre de collaborateurs présents

� Communiquer sur les règles du jeu liées aux promotions

� Définir clairement les critères d’évolution des salaires et communiquer sur l’enveloppe annuelle allouée aux augmentations de salaire par service

� Demander explicitement aux managers de ne pas mentir sur les raisons d’une non augmentation

� Faire des promesses écrites et les tenir. Si incertitude de la tenir l’écrire explicitement.

Inquiétudes pour l’avenir et conflit de valeurs

���� Sécurité de l’emploi et instabilité des postes : suppression de services, incitation au départ des seniors

���� Sentiment d’appartenance dégradé

� Inquiétude

� Incompréhension

� Sentiment d’inutilité

� Sentiment d’indignation

� Perte de confiance

� Déception

� Démotivation permanente et désinvestissement de sa fonction

� Informer clairement les salariés des orientations stratégiques

� Développer l’employabilité des collaborateurs tout au long de leur carrière

� Lorsque menaces réelles sur leur poste de travail, informer les collaborateurs et anticiper un changement de poste éventuel.

� Apporter le soutien des RH au collaborateur dans sa recherche d’emploi interne (ou externe s’il souhaite quitter le groupe)

� Former tous les managers à l’accompagnement humain du changement

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Santé au travail

���� Indisponibilité des médecins du travail

���� Nombre de préventeurs insuffisant

���� Non respect de la loi quant à la consultation des CHSCT

� Retards de diagnostics individuels et collectifs

� Carences du dispositif de prévention des RPS

� Respecter la législation concernant la consultation du CHSCT quant aux changements des conditions de travail (loi rappelée dans le présent rapport)

� Recruter au minimum un préventeur supplémentaire

� Suivre des indicateurs liés aux RPS pour chaque type de métier dans les différents services : absentéisme, arrêts maladie, etc.

� Mettre en place d’un dispositif de veille à partir de ces indicateurs qui peuvent mettre en évidence une détérioration de la situation dans certains services

� Nommer un interlocuteur Ressources Humaines pour évaluer la situation dans les services identifiés par le dispositif de veille

� Replacer le service RH au centre des processus de la prévention : reconnaître la valeur d’arbitrage RH sur la dimension risque

� Créer un groupe de réflexion Direction/IRP/RH pour trouver des solutions pour salariés en difficulté/dimension commerciale de leur poste.

� Réaffirmer officiellement le rôle de la Médecine du travail, du CHSCT comme acteurs de la prévention

� Informer au moins un mois à l’avance les médecins du travail lorsque les dates des CHSCT sont changées.

� Demander aux médecins du travail d’y être présents sauf cas de force majeure

� Programmer des rencontres bisannuelles RH, SST et management pour entretenir la vigilance face aux RPS

� Compléter le plan de prévention des risques avec les préconisations qui seront retenues par la Direction.

� Classer les actions en place et à venir selon les trois niveaux de prévention : primaire, secondaire et tertiaire

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� Restructurer les fiches d’évaluation des RPS en faisant apparaître les tâches liées aux différents métiers, les facteurs de risques inhérents aux conditions de travail et en explicitant la cotation des risques (cf. analyse du Document Unique)

� Former les managers sur le thème des RPS en mettant en évidence les facteurs de risques : ce rapport peut servir de base à la construction de la formation

� Supprimer le formalisme de l’entretien de ré-accueil. En faire un moment privilégié d’échange et d’évaluation du besoin de formation du collaborateur lorsque des connaissances nouvelles doivent être acquises. La nécessité d’une adaptation éventuelle du poste de travail ne peut être faite que par le médecin du travail.

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-IV-

Annexes

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IV.A- Annexe I : Bibliographie

DEJOURS, C. (2003) : L'évaluation du travail à l'épreuve du réel. Critique des fondements de l'évaluation, INRA Editions. DUBAR, C.; TRIPIER, P. (1998): Sociologie des professions, Armand Colin. GOLLAC, M.; VOLKOFF, S. (2007): Les conditions de travail, La Découverte. BAUDELOT C., GOLLAC M. et al. Travailler pour être heureux, Fayard, 2003. ASKENAZY P., Les désordres du travail : Enquête sur le nouveau productivisme, Paris, Seuil, 2004.

IV.B- Annexe II : Les effets du stress chronique su r la santé

Sur le plan hormonal, le stress chronique provoque une augmentation de synthèse du cortisol. C’est une hormone secrétée par la partie externe d’une glande située au-dessus de chaque rein, les surrénales. Le cortisol a une action maintenant bien connue : il provoque une augmentation des stockages de l’organisme, il modifie notre gestion du sucre, de nos graisses, du sel (et donc de l’eau), il diminue les globules blancs responsables de nos défenses contre les microbes dans le sang, il relève le seuil de perception de la douleur en diminuant les réactions inflammatoires, donc les œdèmes, les douleurs tendineuses…Il est même légèrement euphorisant. Si ces caractéristiques permettent de « tenir le coup » pendant un temps, ces modifications de fonctionnement de notre corps peuvent provoquer des problèmes de santé sévères et parfois mortels : prise de poids par augmentation de la masse graisseuse, diabète par augmentation de sucre dans le sang, hypertension artérielle par rétention d’eau, perte de protéines, avec notamment une destruction du collagène, tissu de soutien de notre corps, apparition d’ostéoporose, fuite de calcium vers les reins, augmentation des infections par baisse des capacités de défense…

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IV.C- Rappel de la réglementation et des normes à respect er

En matière de traitement d’aire et d’ambiance thermique Norme AFNOR X 35-102, INRS ED 718 et Code du travail art. R 235-2-9. - La température ambiante doit être comprise entre 20°C et 24°C. - L’humidité relative doit être comprise entre 40 % et 70 %. - La vitesse de l’air doit être inférieure à 0,25 m/s. Nous rappelons que des températures excessives (trop chaude, trop froide) sont un facteur de risque pour la santé des usagers (malaises, fatigues excessives, perte de performance, dégradation des relations entre salariés, démotivation). En matière de luminosité Article R232-7-1 L'éclairage doit être conçu et réalisé de manière à éviter la fatigue visuelle, ainsi que les affections de la vue qui en résultent, et permettre de déceler les risques perceptibles par la vue. Les locaux de travail doivent autant que possible disposer d'une lumière naturelle suffisante. Article R232-7-2 Pendant la présence du personnel dans les lieux définis à l'article R. 232-7, les niveaux d'éclairement mesurés au plan de travail ou, à défaut, au sol, doivent être au moins égaux aux valeurs indiquées dans le tableau ci-après :

LOCAUX AFFECTES AU TRAVAIL et leurs dépendances

VALEURS MINIMALES d'éclairement

Voies de circulation intérieure

Escaliers et entrepôts

Locaux de travail, vestiaires, sanitaires

Locaux aveugles affectés à un travail permanent

40 lux

60 lux

120 lux

200 lux

ESPACES EXTERIEURS VALEURS MINIMALES d'éclairement

Zones et voies de circulation 10 lux

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extérieures Espaces extérieurs où sont effectués des travaux à caractère permanent

40 lux

En matière de bruit La plupart des salles, n’étant pas vouées à accueillir ce type de métier, ne sont pas équipées de dispositif d’atténuation du bruit. Rappel réglementaire : L’INRS a établi plusieurs constats liés au bruit et notamment les deux suivants :

� Le bruit peut constituer un facteur de stress au travail dans la mesure où il est chronique, imprévisible et incontrôlable. La gêne liée au bruit est aussi associée à l'insatisfaction au travail, à l'irritabilité, à l'anxiété, voire à l'agressivité.

� Le bruit détériore la performance des travailleurs dans les tâches

cognitives, surtout lorsqu'elles sollicitent la mémoire à court terme. On recommande 55 dB(A) maximum pour un travail nécessitant une attention soutenue.

Recommandations concernant l’insonorisation des composants structuraux pour les différentes tâches de bureau et les niveaux de bruit de fond : ISO /DIS 0241-6: 1998(F)

Type d'activité

Exigences acoustiques, insonorisation, restrictions

Type de pièce Niveau de bruit de fond Laeq dB(A)

Tâches demandant une concentration temporaire, tâches occasionnellement répétitives

Bon isolement des bureaux voisins ; très bonne communication orale

Bureau unique avec des exigences habituelles de l'utilisateur

35 à 40

Tâches demandant une concentration temporaire, tâches occasionnellement mécanisées

Bon isolement des espaces de travail voisins et séparation adéquate des postes de travail voisins ; bonne communication orale

Bureaux multiples avec des exigences habituelles de l'utilisateur

35 à 45

Tâches largement mécanisées

Insonorisation adéquate des espaces de travail voisins et faible protection ; confidentialité limitée, bonne communication orale

Bureau multiple avec peu d'exigences de l'utilisateur

40 à 45

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Relation entre le niveau sonore du bruit gênant et la qualité de la communication orale avec des supports acoustiques (par exemple le téléphone) : ISO 9921- 1

Niveau de bruit Laeq dB Qualité de la communication verbale

< 40 40 à 45 45 à 50 50 à 55 55 à 65 65 à 80

> 80

Parfaite Très bonne

Bonne Satisfaisante

Légèrement restreinte Difficile

Insatisfaisante Aménagement du poste de travail La norme AFNOR : X 35 – 102 recommande en matière d’aménagement, une surface minimale de 9,78 m² par personne et par poste de travail, que le bureau soit individuel ou collectif. Le tableau ci-dessous décompose la surface minimale de 9,78 m² et projette les besoins en terme d’espace pour un salarié. Etant donné que les postes de travail des gestionnaires ne sont pas équipés de siège visiteur, nous avons ajouté une colonne au tableau, reprenant les différents calculs sans ce siège.

Norme Afnor

Norme sans siège visiteur

Norme avec deux sièges

visiteurs Bureau Matériel informatique Siège personnel Siège visiteur Armoire rangement Débattement devant l’armoire Débattement pour le siège Plan pour déposer les documents Circulation autour du poste Communication

0,96 m² 0,64 m² 1,00 m² 0,80 m² 0,60 m² 0,60 m²

1,20 m² 0,60 m²

2,88 m² 0,50 m²

x x x x x x x x x

x x x

x 2 x x x x x x

9,78 m² 8,98 m² 10,58 m² Les recommandations et normes sont les suivantes :

� l’INRS préconise 1,20 mètre pour permettre un passage derrière un bureau occupé.

� La Norme Afnor X 35-102, recommande 0,80 mètre pour autoriser le passage d’une personne et 1,50 mètre pour que deux personnes puissent se croiser.

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Le positionnement au poste Pour rappel, une position de travail acceptable doit répondre aux critères suivants :

• l'angle formé par le bras et l'avant-bras doit avoir 90° environ, les mains reposant sur le clavier et les coudes proches du tronc ;

• la position du poignet doit être plus élevée que l'extrémité des doigts (ne pas poser les poignets sur le bord du bureau) : nous recommandons fortement l’utilisation de tapis de souris avec repose poignet ;

• la tête légèrement penchée en avant ; • il faut s'asseoir au fond du siège, les genoux ne doivent pas être plus

hauts que les hanches : l'idéal étant les cuisses horizontales (mettre un repose-pied pour les personnes petites ou en cas de plan de travail trop haut ) ;

• l'espace libre entre les genoux et la table doit être d'au moins 15 cm ; • le dos doit être soutenu sur toute sa longueur, avec une inclinaison de

10°-20° vers l'arrière.

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Les schémas ci-après indiquent les effets d’une mauvaise posture et les caractéristiques d’une posture adéquate.

Le tableau qui suit, élaboré par l’INRS (Institut National de Recherche et de Sécurité), dresse un bilan des principales données à prendre en compte dans l’installation des équipements de travail.

Les formations obligatoires sur le travail sur écran de visualisation pourraient fournir ces données afin de sensibiliser et de responsabiliser chacun des collaborateurs sur leurs propres conditions de travail. L’emplacement du poste de travail L’emplacement du poste au sein de l’espace de travail doit principalement prendre en compte la disposition des fenêtres et des éclairages artificiels pour limiter le risque d’éblouissement.

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L’éblouissement est en effet un facteur fréquent et important d’inconfort. Il est soit direct (source lumineuse dans le champ visuel), soit indirect (réflexion sur des objets, des surfaces et sur le plan de travail). L’éblouissement direct pourra exister par l’apport de la lumière naturelle (soleil), mais pourra être réduit par la présence de stores. Quant à l’éblouissement indirect, l’aspect mat et/ou satiné du mobilier en limitera les effets. De plus, il est recommandé afin de réduire l’éblouissement, d’installer les postes de travail perpendiculairement aux fenêtres ou de privilégier le positionnement le moins éblouissant pour les zones à doubles façades vitrées (coin du bâtiment). Ainsi la Norme AFNOR X35-121 précise que l’écran ne doit jamais être placé face ou dos aux fenêtres, mais perpendiculairement, à une distance d’au moins 1,50m afin de minimiser le risque d’éblouissement ou d’effet de contraste.

Si toutefois, des éblouissements ou gênes oculaires liés à la lumière naturelle subsistaient, il faudra être vigilant de proposer des équipements de protection adaptés. Le protecteur à privilégier étant sans doute le store à lamelles horizontales qui permet d’ajuster l’ouverture en fonction du taux de luminosité et de refléter la lumière au plafond ou au sol.