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FORMATION AUX ENSEIGNANTS-mercredi 11 décembre 2013 La Littérature de jeunesse : présentation d’une sélection d’ouvrages parmi les acquisitions 2012/2013 de la section jeunesse. Dans ce choix de livres, il s’agit de faire émerger les nouveautés les plus i ntéressantes, celles qui reflètent la diversité et la richesse de création, celles qui, loin d’être de simples produits de consommation, savent éveiller la curiosité, l’esprit critique, susciter le rire ou l’émotion, enrichir l’imaginaire… IN : LA REVUE DES LIVRES POUR ENFANTS N° 273. Novembre 2013 Vincent Malone, André Bouchard - Avant quand y avait pas l’école. Le Seuil, 2013 Nous avons fait une sélection autour de quatre thèmes qui reflètent l’édition récente. 1- LE LIVRE ET LA LECTURE . Koen Van Biesen - Le voisin lit un livre. Alice, 2013 . José Jorga Letria et André Letria - Si j’étais un livre. La Joie de lire, 2013 . Valérie Linder Maisons poèmes. Grandir, 2012 . MC Duval et Caroline Dalla - C’est fermé. L’initiale, 2012 . Jesse Klausmeier. Ouvre ce petit livre. Kaléidoscope, 2013 2- LA FAMILLE . Sophie Blackall - Dis, tu dors ? Didier, 2013 . Frédéric Kessler - L’album de famille. Autrement, 2012 . Lane Smith - L’histoire en vert de grand-père. Gallimard, 2012 . Sylvain Victor - La petite fille qui voulait voir des éléphants. L’atelier du poisson soluble, 2013 . Isabelle Simon - Mes vacances d’été. L’initiale, 2013 . Marc Lizano - L’enfant cachée (BD)- Le Lombard, 2012 . Elisabeth Brami, Gilles Rapaport - Le gros ralbum de tous les y’en à marre ! Le Seuil, 2013 3- L’ENFANT VICTIME DE LA GUERRE . Anton Fortes, Joanna Concejo - Fumée. OQO, 2009 . Françoise Legendre, Jean-François Martin - Le soulier noir. Thierry Magnier, 2012 . Iwona Chmieleswska - Le journal de Blumka - Rue du monde, 2012 . Régis Hautière, Hardoc - La guerre des Lulus : La maison des enfants trouvés : 1914. Casterman, 2012 . Rascal, Jean-François Martin - Sans papiers. Escabelle, 2012 Sur le même thème : . Kamel Khelif - Premier hiver. Grandir, 2012 . Rémi Courgeon, Isabelle Simon. Toujours debout. L’Initiale, 2013 4- HYMNE A LA NATURE . Mo Willems, Jon J. Muth - Sam et Pam, le chien des villes et la grenouille des champs. Le Genévrier 2012 . Isabelle Simler - Plume. Editions Courtes et Longues, 2012

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FORMATION AUX ENSEIGNANTS-mercredi 11 décembre 2013 La Littérature de jeunesse : présentation d’une sélection d’ouvrages parmi les acquisitions 2012/2013 de la section jeunesse. Dans ce choix de livres, il s’agit de faire émerger les nouveautés les plus intéressantes, celles qui reflètent la diversité et la richesse de création, celles qui, loin d’être de simples produits de consommation, savent éveiller la curiosité, l’esprit critique, susciter le rire ou l’émotion, enrichir l’imaginaire… IN : LA REVUE DES LIVRES POUR ENFANTS N° 273. Novembre 2013 Vincent Malone, André Bouchard - Avant quand y avait pas l’école. Le Seuil, 2013 Nous avons fait une sélection autour de quatre thèmes qui reflètent l’édition récente. 1- LE LIVRE ET LA LECTURE . Koen Van Biesen - Le voisin lit un livre. Alice, 2013 . José Jorga Letria et André Letria - Si j’étais un livre. La Joie de lire, 2013 . Valérie Linder – Maisons poèmes. Grandir, 2012 . MC Duval et Caroline Dalla - C’est fermé. L’initiale, 2012 . Jesse Klausmeier. Ouvre ce petit livre. Kaléidoscope, 2013 2- LA FAMILLE . Sophie Blackall - Dis, tu dors ? Didier, 2013 . Frédéric Kessler - L’album de famille. Autrement, 2012 . Lane Smith - L’histoire en vert de grand-père. Gallimard, 2012 . Sylvain Victor - La petite fille qui voulait voir des éléphants. L’atelier du poisson soluble, 2013 . Isabelle Simon - Mes vacances d’été. L’initiale, 2013 . Marc Lizano - L’enfant cachée (BD)- Le Lombard, 2012 . Elisabeth Brami, Gilles Rapaport - Le gros ralbum de tous les y’en à marre ! Le Seuil, 2013 3- L’ENFANT VICTIME DE LA GUERRE . Anton Fortes, Joanna Concejo - Fumée. OQO, 2009 . Françoise Legendre, Jean-François Martin - Le soulier noir. Thierry Magnier, 2012 . Iwona Chmieleswska - Le journal de Blumka - Rue du monde, 2012 . Régis Hautière, Hardoc - La guerre des Lulus : La maison des enfants trouvés : 1914. Casterman, 2012 . Rascal, Jean-François Martin - Sans papiers. Escabelle, 2012 Sur le même thème : . Kamel Khelif - Premier hiver. Grandir, 2012 . Rémi Courgeon, Isabelle Simon. Toujours debout. L’Initiale, 2013 4- HYMNE A LA NATURE . Mo Willems, Jon J. Muth - Sam et Pam, le chien des villes et la grenouille des champs. Le Genévrier 2012 . Isabelle Simler - Plume. Editions Courtes et Longues, 2012

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. Gwendal Le Bec - La Plume. Albin Michel jeunesse, 2013

. Judith Nouvion, Florence Guiraud - Dans mon panier. (De) la Martinière jeunesse, 2012

. Frédéric Marais. Ephémère - Les fourmis rouges, 2013

. Matthieu Sylvander, Perceval Barrier - 3 contes cruels. L’école des loisirs, 2013

. Simon Hureau - Ronde de nuit. Didier jeunesse, 2012

5- LIVRES OVNIS . Anthony Browne - Un gorille, un livre à compter. Kaléidoscope, 2012 . Guido Van Genechten - Le cirque 1*2*3. Clavis, 2013 . Edouard Manceau - Fusée. Seuil, 2013 . Jutta Bauer - Dans sa maison un grand cerf. L’école des loisirs, 2012 . Oyvind Torseter - Le trou. La Joie de lire, 2012 . François David - L’homme. Motus, 2013 . Herman Melville - Bartleby le scribe. Sarbacane, 2013 . Irena Tuwim - Pampilio.Hélium, 2013 . Rémi Courgeon - Pieds nus. Seuil, 2013 . François Morel, Martin Jarrie. La vie des gens. Les fourmis rouges, 2013

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Vincent Malone, André Bouchard - Avant quand y avait pas l’école. Le Seuil, 2013 Dans ce livre on retrouve tout l'humour des phrases de Vincent Malone, merveilleusement mises en scène par son acolyte en préhistoire, André Bouchard. Ils avaient déjà créé ensemble « quand papa était petit y avait des dinosaures ». Musicien, chanteur et auteur, Vincent Malone s'est autoproclamé Roi des papas. En attendant, il continue à produire des disques et écrire des livres tout en sillonnant l'hexagone pour ses concerts. Il a récemment sorti « Kiki, king de la banquise ». Ce titre fait partie de la sélection du Prix littéraire jeunesse ROMOT’A MOT. Pour résumer, ce type est un danger public pour notre jeunesse en quête de repères !

Le livre et la lecture

Koen Van Biesen – Le voisin lit un livre. Alice, 2013

Un personnage lit un livre mais sa tranquillité est compromise par sa petite voisine pleine de vitalité, qui joue. Interrompu dans sa lecture, par le bruit de la balle, puis par les chansons, par les roulements de tambour, par le bruit des quilles, par les pas de danse, et le punching- ball, le voisin tape énergiquement la cloison et il se remet à sa lecture. A force de s’énerver, le voisin ne lit plus, il tourne en rond dans sa chambre quand soudain, il a une idée lumineuse : donner un livre à la petite fille (pour enfin obtenir du silence) ! Un livre avec des dessins efficaces qui permettent au lecteur de suivre l’histoire sans avoir besoin de lire le texte et enrichi d’onomatopées. Chaque page est un trésor de détails graphiques, un indice annonce le prochain jeu de la petite fille. Chaque objet a un rôle à jouer. Un album, tout simple, sur la lecture, pour décrire les difficultés que rencontrent une fillette pleine de vie et son voisin désireux de lire dans le calme. Le chien sera la surprise à la fin de l’album.

José Jorga Letria et André Letria - Si j’étais un livre. La Joie de lire, 2013 Et si un livre se mettait à parler ? Ou plutôt, si un homme se mettait à la place d'un livre et s'adressait au lecteur en son nom ? Qu'aurait-il à nous confier ? Voici l'exercice de style auquel se sont livrés José Jorge Letria & André Letria, en nous livrant un petit inventaire de

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toutes sortes de bonnes raisons de fréquenter les livres au quotidien. A chaque page, une seule phrase, qui débute toujours par : « Si j'étais un livre... », à laquelle une illustration, sobre, raffinée, fait magnifiquement bien écho. Dans ce bel album, il y a : De la poésie : « Si j'étais un livre, j'aimerais que les enfants, dans leur chambre magique, n'oublient jamais de me garder une petite place. » Des rappels d'évidence : « Si j'étais un livre, je n'aimerais pas savoir dès le début comment l'histoire va finir. » Un peu de militantisme : « Si j'étais un livre, je voudrais être une arme efficace et douce pour tuer à jamais le désir de guerre. » De l'humour teinté d'ironie : « Si j'étais un livre, ça ne me plairait pas qu'on fasse semblant de m'avoir déjà lu juste pour être bien vu. » Des invitations au voyage : « Si j'étais un livre, j'aimerais être une fenêtre ouverte sur l'immensité de la mer. » Et bien plus encore... Chaque amoureux de la lecture découvrira cet ouvrage avec émotion, en revisitant ce rapport intime, fort, qu'un lecteur peut nouer avec un livre. De surcroît, il est un très bon support à la discussion avec des jeunes en panne ou en souffrance dans leur parcours de lecteur. C'est une belle invitation à oser se laisser surprendre par le monde qui s'ouvre à celui pour qui un livre devient ... un ami !

Valérie Linder - Maisons poèmes. Grandir, 2012

Valérie Linder explore notre rapport à la lecture avec un petit personnage, en robes colorées, pieds nus, qui évolue au fil des pages dans des livres et des maisons de papier. Les livres s’ouvrent, s’agrandissent d’un auvent, d’une porte, d’une fenêtre ou d’un escalier. Les mots et les êtres vont et viennent entre les pages, se rencontrent, se reposent, s’interrogent. Les livres font partie du monde. Les fonds bleu outremer ainsi que les lettres du mot « poème », que l’on retrouve à chaque illustration, constituent un fil rouge dans l’album. En face de chaque dessin, une phrase, parfois seulement un mot, expriment l’imaginaire du lecteur. La lecture est une manière de vivre autrement, dans un monde où tout reste possible, où lenteur et rêverie sont les bienvenues. Un univers de joie légère, comme semble le dire la femme de la couverture, qui court, sourire aux lèvres, sur des montagnes de papier.

MC Duval et Caroline Dalla - C’est fermé - L’initiale, 2012 Un personnage chevelu, style western, libraire ou bibliothécaire, tire un rideau. En arrière-plan, le fond est tapissé par le texte d’un conte traditionnel. Au premier plan, des couvertures de livres, destinés ou non à la jeunesse, sont imprimés : MAX ET LES MAXIMONSTRES ; L’AVARE ; mais aussi LE PETIT PRINCE ; OUI-OUI ; BÉCASSINE et d’autres

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titres. En tirant son rideau, le héros clame « c’est fermé… » Malgré ce virulent rappel à l’ordre, des candidats à la lecture d’histoires se pressent à la porte. Il appelle à la rescousse Tapissouille qui parle un langage étrange, clownesque, « peut-être ils n’ont pas entendu des oreilles ? Peut-être y voient pas des yeux ». Les deux compères appellent la police qui dresse un procès-verbal et pendant ce temps les personnages des contes et récits évoqués se réveillent : la belle au bois dormant, les trois petits cochons, etc… Ce livre sans queue ni tête amuse. La calligraphie, le graphisme des personnages créent un univers décalé qui ne manque pas de sel.

Jesse Klausmeier - Ouvre ce petit livre. Kaléidoscope, 2013 Attention, ce livre cache plein de petits livres et une histoire très simple... On suit les instructions comme ceci : « Ouvre ce petit livre rouge qui parle de coccinelle, qui ouvre un petit livre vert qui parle de grenouille, qui ouvre un petit livre orange qui parle de lapin » et ainsi de suite, jusqu'au livre arc-en-ciel de la géante. Les grandes mains de cette dernière l'empêchent de tourner les pages. Ses amis décident alors de lui faire la lecture « d'une coccinelle, qui lit l'histoire d'une grenouille, qui lit l'histoire d'un lapin… » Et voici l’histoire qui repart à l’envers… un jeu répétitif que les enfants aiment tant. On ouvre les volets et on se laisse surprendre par ces différentes couvertures colorées, de plus en plus petites, imbriquées les unes dans les autres. On entre dans l'univers merveilleux des histoires, dans ce monde imaginaire si vaste et sans fin. Les personnages de Suzy Lee évoluent dans un décor minutieux qui s'apparente un brin à la Mini-Bibliothèque (un recueil de quatre histoires dans un coffret) de Maurice Sendak. Difficile de ne pas penser aux livres de Bruno Munari (de 1945) qui jouaient avec les formats et les volets qu’on soulève.

La famille

Sophie Blackall – Dis tu dors ? Didier jeunesse, 2013 En pleine nuit, un petit garçon qui n’a pas du tout envie de dormir, va réveiller sa maman et lui poser la question lancinante du POURQUOI. « Pourquoi tu dors, pourquoi c’est encore la nuit, pourquoi le soleil n’est pas levé ? ». D’une voix ensommeillée et avec une patience résignée, sa maman lui répond. Un minuscule éléphant est représenté dans le coin gauche de la page, seul dans un coin. C’est le doudou du petit garçon. En intermède, la question sur l’absence de Papa sert de jalon dans le questionnement de l’enfant, la progression de la nuit. Une nuit d’insomnie, c’est long ! La mère se prête au jeu

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du jaune… Le jaune du soleil envahit la chambre et submerge l’enfant endormi. Chaussures à la main, le père rentre et va dormir ! Enfin peut-être. Chaque image est traitée avec beaucoup d’humour et de tendresse dans des teintes gris-bleu. Le hiatus entre la maman qui aimerait tellement une nuit calme et la vitalité de son fils est signifié par de menus détails, la mère est d’abord cachée au fond des couvertures, protégée par son oreiller. Les cabrioles du petit tout en arrondi contrastent avec l’horizontalité maternelle jusqu’à ce que le calme s’installe sous les couvertures à côté de la mère… Album fort où on reconnaîtra des situations criantes de vérité.

Frédéric Kessler – L’album de famille. Autrement, 2012

C’est l’histoire d’un Album de famille déniché dans un grenier par un garçon d’une dizaine d’années. Des parents, des enfants, des grands-parents, des cousins et des cousines, des rencontres, de l'amour, des disputes, des naissances, parfois la tristesse de perdre un être cher... Tout un monde passé et à venir, immortalisé dans les images où l’enfant s’interroge, au gré des photos. Frédéric Kessler dresse le portrait d’une famille conventionnelle et idéale avec émotion et poésie. A l’ère du numérique on feuillette cet objet intime, du passé qui raconte l’histoire d’une famille avec nostalgie : grâce aux clichés sépia, aux photographies des années 60, des photomatons, des photos de Noël en famille, et de soirs d’été ensoleillés… magnifiquement reconstitués. L’illustratrice « Princesse Camcam » a composé ses images à partir de papiers découpés ensuite photographiés. La mise en page ressemble aux albums photos qui dorment dans nos armoires avec les photographies reproduites sur papier glacé.

Lane Smith – L’histoire en vert de grand-père. Gallimard, 2012 Au milieu d’un jardin de buissons taillés, un petit garçon déambule et collecte divers outils laissés ça et là. Puis il ramasse des lunettes et un chapeau de paille. Tout au long du chemin il découvre l'histoire de son grand-père… un passionné d’horticulture qui a construit son jardin à l’image de sa vie. Des arbustes sculptés y représentent son enfance à la ferme, son premier baiser, son départ à la guerre ou la rencontre avec sa femme. Un témoignage d’autant plus important que ce grand-père perd peu à peu la mémoire…. Avec L’histoire en vert de mon grand-père il transforme une histoire somme toute assez classique en un album vraiment splendide. L’idée des arbustes sculptés donne une autre dimension à cette balade dans la mémoire de grand-père. On sent monter au fil des pages tout l’amour et l’admiration de l’enfant. C’est beau et tendre. Lane Smith est un auteur/illustrateur américain dont vous connaissez sans doute un précédent album, C’est un livre, qui a connu un beau succès.

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Sylvain Victor - La petite fille qui voulait voir des éléphants. L’atelier du poisson soluble, 2013 Nina s’envole vers l’Afrique ! Son obsession est de voir des éléphants. En vacances chez sa tante elle demande tout de go « Tantie, où sont les éléphants ? ». Sa tante n’en sait rien. Nina découvre des personnages et des situations caractéristiques des sociétés africaines actuelles. Sylvain Victor nous fait le portrait d’une Afrique moderne, avec les portables, les DVD, les DJ, le Rap, internet, le foot, les jeux de consoles… et pas d’éléphants ! Subtile leçon de découverte du monde, cet album tricolore jaune, vert fluo et brun, au dessin très fin, sans fioritures, installe avec peu de moyens un univers africain à de tout petits détails typiques. La pirouette finale est pleine d’humour ! Associer une structure de conte de randonnée et découverte interculturelle est très pertinent et, sans en avoir l’air, ce petit album donne une grande leçon ! Cette petite fille blanche repart avec son cousin qui espère aussi voir des éléphants en France.

Isabelle Simon - Mes vacances d’été. L’initiale, 2013 L'été sur la plage. Certains lisent, d'autres nagent. Jean-François, le papa de David prend, lui, des photos artistiques. Avec son polaroïd, il mitraille la famille. Il passe en revue la brioche à José, les lunettes de soleil version frimeur de son cousin Philippe, la magnifique poitrine de Lucienne et les pieds qui puent de Bébert. Les clichés sont habilement commentés par David, le fils de « l'artiste ». En quelques lignes, on entre dans un univers familial intime et plutôt sympathique.

Marc Lizano – L’enfant cachée (BD). Le lombard, 2012 Une petite fille qui n’arrive pas à dormir surprend sa grand-mère en train de pleurer devant de vieilles photos. Elle lui raconte son histoire. Mais son histoire est celle d’une petite fille juive dans la France de la Seconde Guerre mondiale, une survivante, avec le lot de souffrances et de souvenirs douloureux qui en découlent. « L’enfant cachée », c'est le récit d’une rescapée des rafles menées par les Allemands et la Milice durant la seconde guerre mondiale, d'une petite fille confrontée à l'humiliation de l’étoile jaune, au regard des autres, à la disparition de ses parents, à la peur, à la solidarité de ses voisins, à la survie, à la mort... Loïc Dauvillier tente là une équation difficile. Poser sur le papier une histoire vécue par une enfant, rapportée par une adulte qui parle à une autre enfant. L’auteur de Ines, dont l’approche est faite d’empathie, fait là encore œuvre sensible. Il réussit à faire passer le message en prenant le point de vue de l’enfant sans jamais omettre la crédibilité du propos,

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ni se soustraire à la réalité de l’Histoire. Les mots sont choisis avec soin pour toucher le lecteur. Il réussit à transmettre à une nouvelle génération la mémoire d’événements dont les protagonistes tendent à disparaître. « L’enfant cachée » est une histoire émouvante et, sous ses atours de livre pour enfants, un véritable acte militant. Le graphisme particulier de Marc Lizano, jamais simpliste, offre une tonalité particulière à cette histoire.

Elisabeth Brami, Gilles Rapaport. Le gros ralbum de tous les y’en à marre ! Le Seuil, 2013 Elisabeth Brami est l’auteur de « Moi j’adore, maman déteste ». Attention, ce petit livre rouge s'adresse à tous les enfants qui en ont « ralbum » des injustices dont ils sont victimes au quotidien ! Ces injonctions anodines, prononcées par les adultes dans un but éducatif ou par volonté de bien faire, tapent sur les nerfs des enfants et s'avèrent finalement contre-productives. Exemples : « Marre qu'on m'envoie aux toilettes quand j'ai pas envie. » ; « Marre qu'on ferme la porte de ma chambre la nuit quand j'ai peur, alors qu'on m'interdit de la fermer le jour, quand je veux être tranquille » ; « Marre que les parents racontent des bobards » aux enfants au sujet de la mort ou de la naissance, comme s'ils n'étaient pas capables d'entendre la vérité ; « Marre d'habiter deux maisons parce que papa et maman ont décidé de divorcer ». Ces vérités qui sortent de la bouche des enfants sont implacables. Elles encouragent les grandes personnes à se remettre en question notamment au niveau de la confiance et du lâcher prise envers leur enfant. Les bambins, eux, prendront du plaisir à se reconnaître dans l'une ou l'autre des situations décrites, ce qui validera leurs pensées. Les illustrations efficaces et plutôt marrantes de Gilles Rapaport accompagnent très bien le propos. Et parce qu'il est très important de crier haut et fort ses ras-le-bol, on vous encourage vivement à la lecture de cet album, source de remise en question et catalyseur de liberté d'expression !

L’enfant victime de la guerre

Anton Fortes, Joanna Concejo. Fumée. OQO, 2009 Fumée retrace la vie dans les camps, à travers les yeux et le cœur d’un enfant. Il évoque l’espoir, inexistant, car il n’a plus sa place là-bas. Il évoque la peur de ceux qui sont encore vivants ; une peur qui disparait petit à petit, pour ne pas montrer à leurs bourreaux l’humanité qu’il leur reste. On se dit que ce livre est un énième texte sur la Shoah et la vie dans les camps de concentration, que tout a été écrit ou presque à ce sujet, et l’on se rend compte à la lecture de celui-là que chaque texte a sa place, qu’il résonne de toutes ses voix « parties en fumée » et que l’on ne doit jamais oublier, pour ne pas voir l’horreur recommencer…

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Les illustrations de Joanna Concejo sont superbes et tout aussi déchirantes. Elles donnent vie à ce texte qui nous dépeint le désespoir, la souffrance, et la nostalgie de souvenirs d’une vie qui leur a été arrachée…

Françoise Legendre, Jean-François Martin - Le soulier noir. Thierry Magnier, 2012 Centrée sur un petit objet du quotidien, un détail que d'aucuns auraient jugé sans importance, c'est une histoire qui donne le frisson. Le père de Simon lui offre des souliers tout neufs, achetés dans la merveilleuse et odorante boutique du cordonnier. Dans le même temps, les clients se raréfient chez le vieil artisan, les adultes chuchotent entre eux avec sérieux. Et puis une nuit, Simon et ses parents doivent brutalement partir. Un soldat presse l'enfant, qui n'a le temps d'enfiler qu'un seul soulier. Un peu plus tard dans la rue, depuis la file des prisonniers, la mère de Simon pousse son fils dans les bras d'une passante. Simon ne reverra jamais sa famille. Mais des années plus tard, le soulier manquant lui reviendra, terrible souvenir. Sur un format carré, la présentation est sobre, avec le texte assez long en fine typographie à gauche et l'image cadrée à droite. Jamais les mots nazisme, déportation, juif ou guerre ne sont employés, ni très clairement montrés en images : nous sommes dans la suggestion presque la plus pure, et la plus cruelle. L'illustration opte pour des couleurs de terre - rouille, beige, noir -, et des points de vue variés, eux aussi souvent concentrés sur un objet, signe de déshumanisation ou bien de panique (on se raccroche à ce que l'on a sous les yeux). Il y a un évident effet d'affiches des années 1930, nouvelle évocation de l'époque glaçante. L'accord est parfait avec le récit factuel et l'histoire coule simplement, gravement, en un drame personnel que rien ne semble avoir pu arrêter et que chacun remettra lui-même en contexte. L'emploi du passé et l'ancrage volontaire de l'album dans l'Histoire (le soulier est supposé être conservé au Mémorial de Caen) finissent de lui donner une profondeur saisissante. A partir de 7/8 ans, et à commenter avec un adulte si besoin.

Iwona Chmieleswska - Le journal de Blumka. Rue du monde, 2012 La petite Blumka raconte la vie ordinaire à l'orphelinat fondé par le docteur Janusz Korczak, à Varsovie en 1912. C'est là que ce médecin génial a inventé des manières originales pour apprendre et mieux vivre ensemble. C'est là qu'ont grandi Blumka et ses amis, là qu'ils ont été aimés, écoutés et toujours respectés. Il y avait : Zygmus, qui a sauvé la vie à un poisson argenté, Pola, qui a voulu faire pousser un petit pois dans son oreille, Chaimek, qu'une affaire de fourmis a conduit devant un tribunal, Caillou, le courageux, qui a transporté du charbon dans un pot de chambre... C'est là aussi qu'un matin de l'été 1942, les nazis ont fait

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monter les 192 enfants, le docteur Korczak et le personnel de l'orphelinat dans un train en direction du camp de Treblinka. ... La préface d’Alain Serres rappelle comment l’œuvre de Janusz Korczak a inspiré la déclaration des Droits de l’Enfant. A Varsovie, avec Korczak, pour la première fois, les enfants sont traités avec respect et apprennent à bien grandir. Une très belle histoire pour faire connaître aux plus jeunes le Docteur Korczak, ses valeurs révolutionnaires. L’album est illustré avec originalité, délicatesse, et recherche à partir de pages de cahier jaunies, et dessins au crayon. C'est le premier album d'Iwona Chmielewska en France. Voir aussi : Korczak, pour que vivent les enfants - Philippe Meirieu et Pef. Rue du monde, 2012

Régis Hautière, Hardoc - La guerre des Lulus : La maison des enfants

trouvés : 1914. Casterman 2012

1914, orphelinat de Valencourt : Ludwig, Lucas, Luigi et Lucien (les 4 Lulus) échappent une nouvelle fois à la surveillance de l’instituteur et des bons pères pour s’enfoncer dans la forêt qui borde l’abbaye. Malgré leurs différences et leurs disputes, les 4 copains de chambrée sont inséparables. Dans les bois, avec leur matériel de fortune, les 4 garçons s’affairent à construire une cabane. Une belle journée d’été, alors que les Lulus ont une nouvelle fois fait le mur, au loin, des grondements sourds résonnent et une fumée noire monte dans le ciel. Pendant ce temps à l’abbaye de Valencourt, une compagnie de soldats français vient évacuer de toute urgence l’orphelinat, avant que le village ne se transforme en un champ de bataille. De retour au bercail, les 4 pensionnaires se retrouvent à nouveau abandonnés, livrés à eux-mêmes sans savoir ce qui se trame alentour. Pendant qu’ils savourent leurs premiers instants de liberté sans les adultes, les bombardements viennent perturber leur insouciance... Au travers du regard de ces enfants, on vit la première année de la Grande Guerre sans verser dans le pathos et en évitant toute description trop crue de ce conflit meurtrier. Les dialogues sont savoureux de naïveté. Ces orphelins sont attachants, le scénario est fluide, le dessin de Hardoc est léger, limpide, d’une grande finesse et les décors sont bien travaillés. Cet ensemble homogène rend très agréable la lecture de cet album.

Rascal, Jean-François Martin - Sans papiers. Escabelle, 2012 Deux silhouettes noires se découpent sur une couverture grise cartonnée. Notre société les appelle les sans-papiers. Fuyant leur pays ravagé par la guerre, un homme et sa fille se

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retrouvent clandestins à Paris. Quatre ans ont passé depuis leur arrivée et leur statut reste inchangé. Au fil des pages, cette écolière nous raconte son quotidien un peu particulier : apprendre à reconnaître les dangers, se rendre invisible... Elle parle français, chante la Marseillaise et récite Prévert. On apprend aussi la mort de sa mère, tuée le premier jour de la guerre. L'atmosphère qui régnait alors était morbide et oppressante. Un beau matin, la police arrête ce père et son enfant. Très bel hommage rendu à tous ces survivants qui vivent clandestinement en « terre d'accueil ». Avec un texte qui va à l'essentiel et des mots soigneusement choisis, les auteurs permettent aux enfants, accompagnés d'un adulte, de découvrir une autre réalité de vie. Les illustrations surprennent par leur diversité, sorte de mélange de photo et de sérigraphie, et accompagnent avec délicatesse ce texte essentiel et malheureusement toujours brûlant d'actualité. Sur le même thème : Kamel Khelif - Premier hiver. Grandir, 2012 Chassés par la misère de la guerre qui a eu lieu là-bas et portés par un désir violent, les familles ont traversé la mer pour trouver une vie meilleure, ailleurs... Un récit autobiographique saisissant relatant l'arrivée en France d'un enfant algérien.

Rémi Courgeon - Toujours debout. L’initiale, 2012 Un chêne prend la parole. Il raconte sa vie depuis sa naissance « petit gland rondouillard » jusqu’à aujourd’hui. Au passage, il évoque son âge : 422 printemps, presque incroyable. Il a survécu à la tempête, en 1927, et révèle son nom : Joseph Lebrun. Mi-homme, l’arbre regarde les hommes vivre autour de lui : la fillette qui grimpe dans ses branches comme son arrière-grand-mère ; l’époque de la guerre ; l’autoroute tout proche qu’il entend ; les amoureux qui s’abritent. Mi-chêne, il confesse son regret de la mer qu’il ne verra jamais et converse avec les oiseaux. Du haut de sa taille, il souligne l’imbrication de sa vie avec les hommes et c’est ainsi que Rémi Courgeon raconte l’histoire de la balle dans le pied qui l’a blessé. Les histoires se mêlent, s’interrompent, reprennent. Plusieurs personnages apparaissent, disparaissent, avec leurs fragments d’histoires sous le regard bienveillant de Joseph Lebrun, Quercus Stellata de son vrai nom. Isabelle Simon illustre l’album de photos de l’arbre, sol, écorce, fragments ou pleine page qui donnent à voir la pleine force du héros, sa sagesse, sa poésie. Elle les associe à de petits personnages en terre comme autant de marionnettes autour de l’arbre sur le grand théâtre du monde. Du contraste entre le « réel » de la photo et la fiction portée par les figurines naît un album sensible et touchant, une leçon de vie pour prendre conscience de notre environnement.

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Hymne à la nature

Mo Willems, Jon J. Muth - Sam et Pam, le chien des villes et la grenouille des champs. Le Genévrier 2012 Que peuvent bien avoir en commun un chien des villes et une grenouille des champs ? Et pourtant, l'amitié qui lie Sam et Pam est indéfectible. Au fil du temps et des saisons, leur relation s'intensifie, se bonifie, jusqu'au moment où Pam, fatiguée, suggère à son ami de jouer à se souvenir. L'hiver arrive, le rocher de sa compagne reste désert. Sam attend, le regard triste et l'âme en peine. Une saison passe, le printemps s'installe. La vie reprend son cours et l'absence fait place à une nouvelle rencontre pleine de promesse... Un récit qui parle du temps qui passe, du cycle de la vie, et du côté très éphémère de notre passage sur terre. D'où l'importance de savourer le moment présent, de vivre pleinement, et de s'entourer d'êtres qui nous sont chers. Avec un texte qui va à l'essentiel, Mo Willems ne dit rien, il suggère, laissant le lecteur libre de son interprétation. Les illustrations à l'aquarelle de Jon J. Muth sont une réussite, tantôt drôles ou tristes, pleines d'humanité, elles parlent d'elles-mêmes. Un album à découvrir absolument et propre à éveiller une émotion chez les lecteurs de tous âges.

Isabelle Simler - Plume. Editions Courtes et Longues, 2012 Plume est un imagier où le portrait des oiseaux, drôle et stylisé, contraste avec le dessin de ses plumes, fouillé et naturaliste. Doux et plein d'humour, cet album ravit aussi par son sens du détail. On se sent déjà collectionneur, tel le matou malicieux, fou amoureux de ses compères à plumes. Plume, chat malicieux, aime les oiseaux... et leurs plumes surtout. Plumes de poule et plumes de chouette... Plumes de mouette et plumes d'hirondelles... Quelle est donc la plus belle ? Isabelle Simler croque les oiseaux en deux temps. Côté face, elle en fait un portrait vif et drôle. Côté pile, elle dessine avec talent et précision leurs plumes chatoyantes et veloutées.

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Gwendal Le Bec - La Plume. Albin Michel jeunesse, 2013 Un matin, le dindon arrive dans la basse-cour avec de drôles de plumes fichées sur la tête. Il se pavane, mais n'obtient d'abord pas le succès escompté. Il fait alors campagne – quasi-politique – et l'ensemble de la basse-cour adopte alors ce nouvel usage : « la Plume » devient un signe distinctif qu'il faut absolument posséder. On en orne même les œufs et les poussins. Ceux qui résistent se voient mis à l'index, entièrement plumés. Arrive un matin un volatile qui a délibérément choisi de fixer sa plume... sous le menton. C'est une petite révolution, chacun choisit son camp et regarde l'autre avec circonspection. Ca cancane et ça caquète. Plus rien n'existe pour les oiseaux trop coquets, tant et si bien qu'un certain carnassier pourrait en profiter ! De la basse-cour considérée comme un microcosme social : ORWELL Y AVAIT PENSÉ (La ferme des animaux), Gwendal Le Bec renouvelle l'idée avec bonheur. Entre cour d'Ancien Régime et dénonciation façon épuration post-Seconde Guerre Mondiale, les clins d'œil historiques sont multiples, visant le caractère fallacieux des apparences. La plume ne fait pas l'oiseau, l'habit ne fait pas le moine... Vivre en se comparant aux autres n'a aucun intérêt ontologique, et peut même ici s'avérer mortel (voir la fin) ! Sur des illustrations façon gravures du XIXe siècle légèrement aquarellisées, avec une mise en page sobrissime, l'auteur s'amuse, se moque, et nous avec lui. La langue châtiée s'autorise quelques écarts pour mieux rire. Avec une réflexion implicite sur l'indépendance de la pensée, La Fontaine n'aurait su dire mieux que cet album délicat et décapant à la fois !

Judith Nouvion, Florence Guiraud - Dans mon panier. La Martinière jeunesse, 2012 Nous avons tous l'habitude d'acheter et de consommer des fruits et des légumes, mais savons-nous vraiment comment ils poussent, à quel moment ils sont apparus sur les étals des marchés et, surtout, qu'ils cachent tous de petits secrets ? Afin que les informations soient exposées de la manière la plus claire possible, chaque végétal est présenté sur une double page. En page de gauche, se trouve une petite fiche technique indiquant le genre, la taille et les périodes de récolte du végétal concerné. Puis la maquette s'articule sous la forme de petits paragraphes présentant son histoire ainsi que des anecdotes et des expressions. Le tout est illustré de dessins alliant le côté documentaire, l'humour et la poésie. En page de droite, un magnifique dessin du végétal en gros plan permet de voir le fruit ou le légume en entier, puis, en soulevant un rabat, de découvrir toutes les richesses qu'il renferme. À la fois moderne et chic, la présentation (page de gauche blanche, page de droite kraft) et le traitement des dessins (à l'acrylique, à la plume et à l'encre) donnent à l'ensemble un style intemporel et élégant.

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Frédéric Marais - Ephémère. Les fourmis rouges, 2013 Insecte fragile et gracieux, l’éphémère n’existe que pour être mangé. Il n’a même pas de bouche : inutile qu’il se nourrisse, juste le temps de se reproduire et c’est l’heure de mourir… Mais l’un d’entre eux, méprisant les prédateurs tapis dans chaque page, veut prendre en main son destin. On suit ce super-héros éphémère qu’on imagine immortel. Las, la fin nous ramène à la dure réalité de tous les êtres vivants. Mais qu’il est bon de savoir qu’on peut avoir une vie riche et bien remplie. Une façon bien joyeuse d’aborder les questions existentielles, chères aux enfants, de la mort et du sens de la vie. Frédéric Marais joue sur l'infiniment grand et l'infiniment petit, multiplie les touches de vert comme pour éterniser le passage de cet animal qui ne sera jamais doué de parole parce qu'il n'a pas de bouche. La mort plane partout, mais le bleu nuit est trop lovant pour que la peur gagne. Au fil des pages, l'éphémère laisse l'empreinte d'une belle créature, et son issue fatale, écrasée avec l'élue de son cœur par une malencontreuse bouse de vache, est d'une beauté shakespearienne !

Matthieu Sylvander, Perceval Barrier - 3 contes cruels. L’école des loisirs, 2013 Passifs et crédules, plantés là, ils fantasment leur vie au lieu de la vivre, rêvent d'évasion, croient le premier beau parleur venu, ont un petit pois à la place du cerveau, et sont prêts à se jeter dans la gueule du loup. Ou du lapin. Ou de la vache déguisée en renne du Père Noël. Bref, ils se font croquer. Ou alors ils s'entretuent au lieu de laisser leurs enfants, Roméo et Julotte, s'aimer en paix. Eux ? Des carottes et des poireaux. Mais peut-être ces contes sont-ils aux légumes ce que les fables de La Fontaine sont aux animaux... Matthieu Sylvander nous entraîne dans trois aventures associées pour une histoire à l’humour mordant. Poireaux, Carottes et Macédoine ! Tout un programme ! Et puis c’est une histoire de jardin, où tous les légumes se côtoient, certains même se fréquentent…

Simon Hureau – Ronde de nuit. Didier jeunesse, 2012 19h55, le jour baisse, on a dîné, on a sommeil. On tire les rideaux, on ferme les volets, on éteint les lumières... Et la lune apparaît. Une fête qui bat son plein, des tourbillons d'insectes éblouis, un renard qui bondit dans la lumière des phares... Il s'en passe des choses la nuit, une fois les enfants au lit ! Avec beaucoup de simplicité Simon Hureau parvient à nous donner le sentiment que la nuit, le temps s'écoule différemment, plus lentement. A travers ce récit sobre et descriptif d'où se dégage une très belle atmosphère, on regarde avec bonheur cette balade nocturne ordinaire, esthétique et rassurante. Un livre sublime et

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apaisé, qui exalte la vie nocturne. D’une beauté graphique absolue, l’illustration représente les paysages aux allures théâtre d'ombres qui se modifient au rythme des pendules différentes à chaque fois.

Les livres ovnis

Anthony Browne - Un gorille, un livre à compter. Kaléidoscope, 2012 Chaque double page de ce livre associe les chiffres de 1 à 10 à un nombre correspondant de singes. Ainsi, on y trouve « 1 gorille », « 2 orangs-outans », « 3 chimpanzés », etc. Les illustrations qui accompagnent les chiffres montrent des singes aux couleurs, aux formes et aux faciès diversifiés, même lorsqu’ils sont issus d'une même espèce. La grande expressivité qui est prêtée à leur face évoque fortement la large palette des émotions humaines. À cet égard, la fin du livre suggère que tous les singes appartiennent à la même famille, celle des primates, qui est aussi celle des humains. Pour bien mettre en évidence ce lien familial, Anthony Browne s’est lui-même représenté en gros plan dans son livre. Et pour appuyer encore davantage le propos de l’auteur-illustrateur, la dernière double page montre des êtres humains de diverses origines, tout aussi différents que peuvent l’être les singes entre eux. La précision du trait, le travail sur la lumière et les nuances de couleurs participent à révéler la beauté et l’étonnante richesse de la grande famille des primates.

Guido Van Genechten – Le cirque 1*2*3. Clavis, 2013 Un album pour apprendre à compter de 1 à 10 tout en découvrant des numéros de cirque. Quarante-six coccinelles de cirque se produisent dans un spectacle, elles font des numéros à vélo, sur une corde tendue, en haut du chapiteau, de l’acrobatie, galopent sur la piste... Une illustration naïve couleur « coccinelle » sur papier sépia, qui ravira les petits.

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Edouard Manceau - Fusée. Seuil, 2013 Paré au décollage ? Le compte à rebours est lancé ! A chaque page, l'on recule d'un chiffre et des éléments correspondant au nombre indiqué viennent compléter la fusée. Ainsi elle se développe sous les yeux du jeune lecteur, comme un jeu de construction. Au moment de la mise à feu, un grand « BOUM » fait exploser l'engin : éclats de rire garantis ! Les différents éléments qui la constituent retombent au sol, bien rangés, parfaitement triés... Un livre à compter, à lire et relire dans les deux sens pour se familiariser avec la comptine numérique, mais également avec les couleurs et les formes. Coloré, ludique, graphique... Ce grand album vertical est une vraie réussite qui ravira sans aucun doute les petits cosmonautes en herbe !

Jutta Bauer - Dans sa maison un grand cerf ! L’école des loisirs, 2012 « Dans sa maison, un grand cerf regardait par la fenêtre un lapin venir à lui, et frapper ainsi : - Cerf, cerf, ouvre-moi! Ou le chasseur me tuera!- Lapin, lapin, entre et viens me serrer la main. » De retour à la fenêtre, le cerf aperçoit un renard affolé qui lui demande asile. Les trois disputent ensuite une partie de cartes et ne voient pas le chasseur approcher. Affamé, celui-ci leur demande l'hospitalité… Jutta Bauer nous offre ici une très belle adaptation de la célèbre comptine « Cerf, cerf, ouvre-moi ! » dans une forêt lumineuse, aux couleurs d’automne, puis d’hiver, puis de printemps, les animaux trouvent refuge l’un après l’autre dans la cabane du cerf. Et quand c’est le chasseur qui vient pleurer misère et crier famine, sans cynisme aucun, sans malice, il est accueilli à son tour.

Oyvind Torseter - Le trou. La Joie de lire, 2012 Percé de part en part d'un petit trou en son centre, cet ouvrage interpelle d'emblée... Le personnage principal, mi-humain mi-animal, emménage dans son nouvel appartement, défait ses cartons et se prépare un repas sans prendre gare à un petit trou situé sur le mur. Lorsqu'enfin il l'aperçoit, il est tout d'abord intrigué. Puis, affolé par cette chose insolite qui a la fâcheuse tendance à se déplacer, il cherche alors un moyen de s'en débarrasser. Oui mais... Comment ? L'auteur a construit l'ensemble de son histoire autour de ce trou, jouant avec lui, et ceci avec brio. Chacune des pages réserve une surprise au lecteur, grâce à un savant jeu de cadrage de l'image autour de cet élément central de la narration. L'humour est

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bien présent dans cette histoire, où le quotidien est grandement perturbé par un petit rien, au demeurant plutôt insignifiant... Les illustrations à la ligne claire, ponctuées de petites touches de couleur, de même que l'usage de phylactères placent cet ouvrage à la frontière de l'album et de la bande dessinée. Insolite et très original !

François David - L’homme. Motus, 2013 L’HOMME est un livre vraiment singulier, tout en hauteur pour faire voir autrement et pour s’amuser des hommes qui se donnent de « grands » airs. Habillé de rouge vif, on ne peut pas le manquer. Son H s’étire en jaune sur toute la hauteur de sa couverture et ses cinq autres lettres, plus rondes, plus ramassées, sont de vert colorées. Des pages éclatantes : du rouge, du jaune, du orange, du vert, du bleu, du violet. L'Homme n’a pas peur des couleurs. Des lettres, colorées aussi, des phrases qui se déploient, des pages pleines à craquer de mots, ou presque vides, mots qui résonnent, se font écho. L'Homme n’a pas peur des contrastes. Pas d’illustrations : c’est la typographie qui fait images. C’est un livre qui se moque en effet gentiment des « grands » et qui rassure les « petits », qui leur donne confiance. Un livre rempli d’humour, mais aussi de tendresse. Un livre plein de surprises et de renversements. Un livre qui joue avec les lettres, les mots et les couleurs. Un livre qui se joue de l’homme qui se la joue ou qui joue au « grand » homme. Un livre à part qui parle aux yeux et au cœur des petits et des grands. Tout simplement.

Herman Melville – Bartleby le scribe. Sarbacane, 2013 Le texte-culte d’Herman Melville (auteur de Moby Dick) illustré pour la première fois à l’attention du jeune public. Le quartier de Wall Street, dans les années 1850. C’est l’histoire d’un juriste qui mène une vie de bureau morne et régulière avec ses deux copistes Dindon et La Pince, et son garçon de courses Gingembre. Un jour, il engage un étrange jeune homme aux allures de spectre, poli, ponctuel, discret et rêveur qui, très vite, refuse de travailler – sans pour autant quitter les lieux. « J’aimerais mieux ne pas », ne cesse-t-il de répondre à son patron, tantôt estomaqué, tantôt furieux, suppliant, en proie à la mauvaise conscience… Comment chasser de ses bureaux – et surtout de ses pensées – cet être apparemment faible et démuni, mais dont la résistance se révèle aussi implacable qu’incompréhensible ? Le juriste va passer par tous les

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sentiments, toutes les émotions de la pitié à la colère, avant de prendre une décision irrévocable. Déménager son bureau et quitter l’immeuble ! Le mystère de ce personnage hante le lecteur jusqu’au bout.

Irena Tuwin - Pampilio. Helium, 2012 Au pays des animaux régnait une grande famine. Un jour, les animaux affamés tombent sur un arbre fruitier fort mystérieux dont ils ignorent tout. Ils décident de partir à tour de rôle, demander son avis au Roi Lion à la Crinière d’or, qui vit très loin de là. Chaque animal emporte avec lui l’un de ces fruits magnifiques, et le Lion explique que l’arbre s’appelle Pampilio et qu’il est comestible. Mais, le voyage de retour est si long que les uns après les autres les animaux vont oublier le nom de l’arbre ! Qui parviendra à s’en souvenir ? Qui empêchera tous les animaux de mourir de faim ? Une petite tortue, grâce à une chanson qu’elle invente pour retenir le nom du fruit.

Une fable enchantée parue en Pologne en 1962, à la fois drôle et poétique, sur la patience et l’imagination des enfants, mise en images avec une grande audace par Monika Hanulak.

Rémi Courgeon – Pieds nus. Seuil, 2013 Un jour, Tim décide qu'il va vivre pieds nus. Et cela va changer sa vie. Le 28 août de cet été-là, Tim décida qu'il ne porterait plus ni chaussettes, ni chaussures de toute sa vie. Ni ses parents inquiets, ni le froid, ni le regard des autres élèves, ni l'achat de tennis dernier cri, ni même les matches de foot à jouer sans crampons ne le firent changer d'avis. Après tout, Tim était bien dans ses baskets sans jamais en porter! À dix-sept ans, le jeune homme passe son bac pieds nus, part à Londres avec trois potes puis se lance dans le design d'escarpins et de bottines pour femmes! Le succès international arrive rapidement mais la belle qu'il a épousée l'abandonne comme une vieille chaussette. La réussite, ce n'est pas toujours le pied ! Rémi Courgeon évoque ici l'un des thèmes qui lui sont chers, la liberté. Pieds nus va bien au-delà de l'exercice de style. Voici quelques questions soulevées par cet album fort à l'humour profond. Affirmer son identité et être accepté comme on est prouve être un choix difficile à assumer dans la vie familiale, professionnelle et amoureuse.

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François Morel, Martin Jarrie - La vie des gens. Les fourmis rouges, 2013 La Vie des gens est un album étrange et même un peu déroutant. Il faut le lire en se laissant aller. Il faut prendre le rythme de cet album « extraordinaire ». Suite à une commande de la ville de Saint Gratien, en banlieue parisienne, Martin Jarrie, illustrateur, propose à quinze habitants de cette ville de se présenter et de choisir leur objet préféré pour illustrer leur propos. Il recueille, écoute et saisit sur le vif les expressions et les émotions de ces habitants. Pour chacun, il compose un portrait, une illustration de son objet fétiche. Martin Jarrie confie alors son travail à François Morel pour mettre en mot et en ton ces histoires denses et profondes afin de créer un album graphique. François Morel s’est saisi et nourri des témoignages pour inventer, densifier, imaginer ou mettre en relation les portraits, les objets et les vies anodines et anonymes des habitants. Cet album propose donc d’entrer dans l’intimité de ces voisins, hommes ou femmes, jeunes ou vieux qui pourraient être chacun d’entre nous. Les récits sont courts et le style est ciselé. Certains donnent envie de retenir son souffle, d’autres font sourire et d’autres font doucement pleurer… Les illustrations sont magnifiques. Les portraits comme les objets représentés sont pleins, francs et semblent figés pour nous permettre de les rencontrer. La Vie des gens est un très bel album à lire et relire quel que soit l’âge du lecteur…