Fontaine Mallet, mémoire d'un quartier

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Ouvrage mémoire sur la Fontaine Mallet dans le cadre du projet de renouvellement urbain (PRU)

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Fontaine MalletMeMoire d un quartier

a Villepinte, Seine Saint denis

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Sur cette résidence qui fête les 40 ans desa construction, des travaux lourds ont étéinitiés à partir de 2008, année de signa-ture de la convention ANRU avec la collec-tivité et les partenaires.La démolition et reconstruction de 260logements, la rénovation et la remise àneuf des abords de presque 300 loge-ments, signent un changement durable dela résidence.

Dès le début du projet, plus de 50 % d’en-tre vous, habitants de Fontaine Mallet,vous êtes exprimés au travers d’une en-quête lancée avant de commencer les tra-vaux. Vous nous avez fait part notammentde votre insatisfaction concernant la sécu-rité au sein de la résidence et l’anciennetédes immeubles.

Lors du démarrage du processus de reloge-ment, les trois quarts des ménagesconcernés ont souhaité rester à Villepinte,plus d’un tiers à Fontaine Mallet. Noséquipes ont ensuite rencontré les personnesune à une, pour recueillir leurs vœux. Fina-lement, environ un tiers des ménages relo-gés habiteront probablement le quartier à

et difficiles, la résidence Fontaine Malletpeut vivre une nouvelle jeunesse. Par ailleurs, deux nouvelles résidences EFI-DIS sont sorties de terre sur le quartier,les résidences Gauguin et Charles de Gaulle.Elles seront prochainement suivies par deuxautres, parallèlement aux derniers aménage-ments et équipements publics programmés.

Vos témoignages, recueillis dans ce livret,nous disent à quel point vous êtes attachésà votre quartier et combien le fait de sesentir bien dans son cadre de vie est fon-damental. Ce projet ambitieux de rénovationd’un quartier, malgré ses contraintes et sesmoments difficiles, a pu voir le jour grâceaux habitants, aux équipes d’EFIDIS, auxéquipes de la municipalité, à l’ensemble despartenaires dont l’ANRU. Qu’il me soitdonné ici de les remercier tous.

Marie-Claude Touitou, Directrice régionaleEFIDIS

la fin des relogements, et environ 80%seront restés dans la commune.

Nous vous avons ensuite interrogé sur leprojet de résidentialisation, en lien avec lacollectivité. Vous avez alors majoritaire-ment opté pour des aménagements favori-sant le végétal sans négliger la sécurité devotre résidence.

Parallèlement, un groupe d’habitants relaiss’est mobilisé dans la durée, pour travailleravec nous sur différentes thématiquespendant la définition des programmes detravaux, puis durant leur réalisation. Cegroupe fut également associé à la prépara-tion de quelques unes des lettres d’infor-mation publiées au fil des travaux, ainsiqu’au guide Bien vivre dans ma résidence.Différentes réunions, forums d’information,permanences d’accueil, événements festifssont venus ponctuer l’avancement de cetimportant projet, en partenariat avec lamunicipalité.

Aujourd’hui les bâtiments réhabilités of-frent un tout nouveau visage.Après d’importants chantiers souvent longs

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J’ai fait une recherche, unpetit reportage : J’ai appris

qu’il y a des extra-terrestresau loin ! Il n’y a pas que le 93 ! Il y a des extra-terrestres etils parlent à cette heure-ci...

Ils communiquent entre eux etils ont le projet de venir com-

muniquer avec le 93 ! Et vive la tainefon !fontaine, tainefon !

9-3 ! 9-3 !

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Arrivée de Liliane

J’ai signé mon contrat de locationun an après la naissance de mondeuxième fils. Je vivais en cara-vane dans un garage où habitaitma mère et j’ai eu droit à monappartement, j’étais toute fièretoute contente ! Quand je l’ai vu,c’était un F4 ! Hou, moi qui étaishabituée aux tout petitslogements ! Mais jamais je vaisréussir à meubler tout ça moi !

Arrivée de Monsieur Chih

Mes parents se sont installés à laFontaine Mallet un mois d’avril, en75. C’était tout récent, c’était toutpropre, c’était aéré, il y avaitbeaucoup d’espace... Nous on dé-couvrait, il y avait de la verdureun peu partout, il y avait degrandes portes vitrées... Il y avait une assez bonne qualitéde vie, je dis assez bonne parceque quand je me remets en mé-moire les années 65 quand noussommes arrivés à Villepinte, onhabitait au bout d’un petit champ,il n’y avait pas de commodités...

Ca a été ma première inquiétude.On a posé des meubles de guingoiset hop, chacun son carton. J’ai at-tendu d’accoucher de ma fille puisj’y suis entrée le 1er novembre 1971.Ça fait beaucoup... Beaucoupd’amour et beaucoup de soucis,beaucoup d’émotions... J’avais 25ans... J’en ai 65, vous voyez unpetit peu. On n’avait qu’unmatelas ! Vraiment c’était presquele camping. Mais c’était grandiose...Je me suis fait amie avec les voi-sins, enfin les voisines, on avait àpeu près toutes le même âge,alors on allait boire le café lesunes chez les autres, il y avaitune bonne ambiance !

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Arrivée de Zakia

Ma mère, quand elle est arrivéeici, c’était le luxe ! Il y avait une

salle de bains, il y avait l’eau cou-rante, il y avait l’électricité... Mesparents habitaient dans des petits

baraquements à Sevran qui étaientde vrais taudis, là-bas elle n’avaitpas tout ça... J’ai vécu à FontaineMallet depuis février 72, j’avais 3

mois, j’étais la 8e des enfants,c’était un très grand appartement,un F5, ma mère habite toujours là.La tour du milieu était encore en

fin de construction, et tout ce quiétait la mosquée, là où il y a les

pavillons en face de chez nous, cen’était que des champs, des

champs de maïs... Après, ça acommencé à se construire.

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Arrivée de Naïma

Je suis née en 65 et je suis arri-vée en 72 à la Fontaine-Mallet,avec mes parents, au bâtimentSavoie 4. On était dans les pre-miers, on était très peu, donc onse connaissait tous, on était tousamis parce qu’on arrivait tous enmême temps. J’avais sept ansquand je suis arrivée et j’y suisrestée pratiquement tout le temps.Je me suis mariée en 86, je suispartie en 88 - partie sans êtrepartie, parce que j’étais tout letemps chez mes parents. Toutema famille est à la FontaineMallet : mes oncles, mes tantes…

Arrivée de Monsieur Carpentier

On est rentrés en septembre 73, j’ysuis resté jusqu’en avril 77. Dansl’immeuble Poitou, on était les pre-miers, on inaugurait l’immeuble. Lesappartements étaient très bien, maisje ne sais pas comment ça a vieilli.On est restés dans le quartier, on agardé des liens au niveau de l’école.

Arrivée d’Olivier

Je suis arrivé en 76 à la FontaineMallet, moi j’habitais en face de chezJackson, au Touraine, 7e étage ! C’estmon père qui a entraîné la premièreéquipe de jeunes que personne nevoulait entraîner au départ. J’ai toutvu se construire ici. J’ai encore unephoto, il y avait juste un feu rougeau carrefour, il y avait des champsde maïs en face, à la place desécoles.

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Arrivée de Madame Pouchin

J’habite Villepinte depuis 1955, àcôté de la Fontaine. Quand j’étaisenfant, avant que cette citén’existe, c’était un champ depommes de terre. Tous les en-fants, on se retrouvait pour allerglaner les pommes de terre. Uneannée le paysan avait tiré en l’airpour nous faire peur ! Maisquelques minutes après noussommes tous revenus... J’ai vu tous les immeubles seconstruire.

Arrivée de Farid

Je suis arrivé en 72 à la FontaineMallet. Quand je suis arrivé aubâtiment Auvergne, le Poitoun’était pas construit — il y avaiténormément de bâtiments pasencore construits. C’était bienparce que c’était les parents d’iciqui construisaient les bâtiments,énormément de parents qui habi-taient ici et qui travaillaient dansle BTP. Arrivée de Monsieur««Toulouse»«

Je suis arrivé en 79, je ne suis pasd’ici, je suis de Toulouse moi. J’étaisavec mes parents dans uneferme, on était sept en tout.

Arrivée de Madame Passagez

Je suis arrivée en 1985, j’avaistrois enfants, la 4e est née ici.

Arrivée de Monsieur Joao Catanas

Le premier homme qui est entré à Fon-taine Mallet c’est moi, en 71 ! Mais quandje suis arrivé ici il n’y avait rien du tout !Il y avait seulement le bâtiment Bre-tagne, après ils ont commencé à faireles autres. Quand je suis arrivé il n’yavait que des champs de maïs, de blé,des pommes de terre, tout ça ! Avant je vivais à Aubervilliers du côtédu canal, dans les bidonvilles. Là-basc’était dur, mais on connaissait tout lemonde, il y avait du respect : on laissaitla porte ouverte, on n’avait pas de clé,mais personne ne touchait rien. Après jesuis venu ici et j’y suis jusqu’à mainte-nant. J’ai vécu 43 ans dans le premierbâtiment qu’ils ont fait tomber, mainte-nant je suis là-bas par derrière. Ici j’aiencore un ami que je connais depuis 60ans ! On a tout fait ensemble : le Portu-gal, l’Espagne, Aubervilliers... Et quand jeme suis installé ici, il a suivi derrière ! Çac’est des vrais copains, des vrais amis !

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Arrivée de Madame Aous, Zohra

Je suis entrée en France en 1978,je vivais à Paris, et je suis arrivéeici en 1985. On se baladait c’était lacampagne. Puis on a trouvé unShopi, qui est en face du café, unbureau de tabac, une librairie, etune boulangerie, c’est tout.Avant on était mélangés, danschaque bâtiment on trouvait desfamilles de policiers, des gen-darmes, des instituteurs, ceux quitravaillent à la poste… A l’école lesenfants étaient mélangés : il yavait des Portugais, il y avait desEspagnols, il y avait des Français ily avait des arabes il y avait desnoirs... Mais on ne regardait pasd’où est-ce que tu étais, qu’est-ceque tu faisais, on était tous bien.On était bien.

Arrivée de Madame Dutreuil

Ça fait quarante ans au premierjuillet que je suis là. Je suis arrivéele 1er juillet 1971. Dans le bâtiment,j’étais la première. Une chose estsûre je suis du 93 : je suis née auRaincy. Après j’ai été habiter àPavillons-sous-bois, ensuite Bobi-gny, quatre ans à Paris puis jesuis revenue à Villepinte et depuisje suis ici. On a été les premiers àchoisir et je n’ai jamais bougé, j’aieu mes trois gosses, tout, ici. Tout ça là, jusqu’à la grille, jusqu’aubout là-bas, il n’y avait pas deroute, ce n’était que de la FontaineMallet, ce n’était que de l’herbe, ily avait des montagnes, on avaitdes arbres partout, c’était la Fon-taine Mallet.

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Arrivée de madame Tomé

Je suis une des premières loca-taires à Fontaine Mallet, il y a 41ans ! Savez-vous que ici et là oùon était là où c’est détruit, c’étaitdes champs de maïs ! Et je mesouviens avec mon mari on se di-sait tous les deux : Oh tu te rendscompte ce qu’on fait ? Bien sûr onfait rien de mal mais si quelqu’unde la police arrive on va se faireappeler Sidonie les bas bleus !Alors on était dans les champs demaïs, on avait pas le droit, onpique-niquait !

Arrivée de Pascal Bonturi

Fontaine Mallet c’était un superquartier quand on est arrivés, pourautant que je me souvienne. J’étaistout petit. Ce que je retiens cesont les écriteaux ‘‘ Interdit demarcher sur les pelouses ‘’, au-jourd’hui on ne voit plus ça ! Ontrouvait toutes les cultures, onavait un peu tout. Au début elleétait un peu grise, bleutée. Il n’yavait que des champs autour. Toutce qu’il y a là, là où on est, c’étaitdes champs. Champs de maïs,champs de blé, avec des lacs na-turels qui se sont créés à force decreuser.

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Il y avait beaucoup de trembles,des arbres dont les petites feuillestremblent quand il y a du vent,(c’est pour ça que la ville deTremblay s’appelle Tremblay), et ily avait des pins. Essentiellementdes pins, des trembles, un saulepleureur, il y avait beaucoup beau-coup d’arbres.

— Et il y avait une petite rivièrequi passait par ici, oui

— C’était de l’eau propre, hein !De l’eau de source !

Il n’y avait aucun bâtiment, le col-lège n’existait pas, tout ça n’exis-tait pas, ici ce n’était que deschamps, c’est pour ça que ças’appelle la Fontaine Mallet. Il y ades rivières souterraines qui pas-sent en dessous, nous on est surune rivière souterraine ici.

Il y avait de la verdure un peu partout...

La ville de Villepinte était un vastechamp !

Il n’y avait que des champs : maïs,pommes de terres...

La Fontaine Mallet, en 72, etjusque dans les années 80, c’étaitune résidence très propre, trèscalme.

A la base c’était sensé être unerésidence, au fil du temps c’estdevenu une cité.

Moi au début j’étais fière de mar-quer ‘’Résidence’’ sur mes cour-riers, après au fil des années etdes dégradations je ne le mettaisplus ! J’ai vite tombé l’appellationrésidence !

Madame Dutreuil

Madame Passagez

Gwendoline

Liliane

Madame Tomé

Monsieur Chih Joao et son ami

— C’est possible qu’il y ait eu unerivière hein !

Farid

Naïma

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On avait de quoi faire dehors, il yavait de l’herbe partout, il y avaitdes jeux, les gosses pouvaient jouerdehors partout... On avait une es-pèce de muret qui était hautcomme ça, le soir, on s’asseyait là-dessus, on discutait, vraimentc’était impeccable. On allait dehors,on se mettait sur l’herbe…

Madame Dutreuil

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C’était une famille, c’était une fa-mille. Le quartier c’était unegrande famille, c’était ça.

C’était une chic cité en fait.

Au début elle était un peu grise,bleutée.

On jouait à la pétanque ici, aux do-minos, aux cartes… Il y avait unesalle ouverte de l’autre côté, uneautre là-bas, et le samedi di-manche, il y avait la danse !

Les hommes se retrouvaient pourjouer aux boules.

Je préférais nos bâtiments gris,avant.

Avant c’était bien, il y avait dumonde, et tout...

C’était l’époque où les pères étaientau café et puis nous au collège ouà l'école, et les mères... à la mai-son. C'était ça avant.

À cette époque-là a été construitle COSOM, le gymnase où on a faitpas mal de compétitions sportives.Avec à l'époque une grande baievitrée qui donnait sur la cité, quipermettait aussi aux autres habi-tants de voir ce qui se passaitdans le gymnase. Là maintenant,je crois que le mur est borgne,c'est peut-être un peu dommage.

C’était un quartier tranquille, fina-lement, parce que je n’ai pasd’anecdotes, bonnes ou mauvaises...

Les souvenirs, il y en a des bons, ily en a des mauvais... Mais je nesuis pas mécontente, j’aime bien.

C’était autre chose, on se voyaitplus, on s’appelait par la fenêtre...

Fontaine Mallet a une réputationépouvantable à Villepinte, la citételle qu’on en parle, mais nous entant que frontaliers de la cité, onn’a jamais eu de soucis, de pro-blèmes de proximité.

Monsieur Carpentier

Madame Dutreuil

Rosa

Joao

Youssour

Nora

Zakia

Pascal

Mehdi

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‘’ Tous capables ! ‘’ . Moi j’ai été enéchec scolaire, donc je me suistoujours dit qu’il fallait donner leplus et le meilleur. Ce n’est pasparce qu’on était sur une cité qu’ilfallait rabaisser le niveau, aucontraire. Il y a toujours eu untravail d’équipe en avance.L’école a ouvert à 4 classes, puis6, 8, 10... A l’époque c’était 40 en-fants par classe ! C’était difficilemais mélangé : il y avait la zonepavillonnaire, puis ceux qui habi-tents les Merisiers ou les 4 toursqui venaient là.Il y a eu une période où on a faitune soirée dansante au profit dela coopérative à l’école. On l’a faitpendant dix ans, ça devenait unefête de quartier.En tant qu’élue, j’ai célébré desmariages de mes anciens élèves,ça c’est émouvant.

Ce qui m’a fait le plus drôle, c’estde me retrouver institutrice surcette école. Pendant les récréa-tions je me disais : ‘’ Dire qu’avantje glanais les pommes de terre etmantenant je me retrouve à édu-quer les enfants ! ‘’ Le groupescolaire a été construit en 71, et jesuis arrivée comme institutrice àla rentrée scolaire de 73. J’y suisrestée jusqu’en 2006. Les deuxdernières années j’ai assuré leposte de directrice. Autant vousdire que j’y ai passé presque toutema carrière ! Je me suis investisur cette école, j’ai eu le senti-ment d’avoir quelque chose à faire.J’aurais pu partir, mais non, c’étaitVillepinte et Fontaine Mallet.Au fil des années des liens d’amitiése sont tissés avec les familles,c’est devenu ma famille. On estpassés en zep à un momentdonné, et dans mon esprit c’était :

Moi j'étais à l'école avec des per-sonnes dont les enfants étaient àl'école avec les miens, il y a descontinuités... Certains sont partis,revenus...

Moi j'ai connu la maternelle Fon-taine Mallet, la primaire... Au-jourd’hui elle s'appelle Lucie Aubracmais pour moi ça restera toujoursFontaine Mallet, parce que je l'aiconnue comme ça !

Madame Pouchin

Christelle

Rosa

Dans les années 70, 80, je faisaisdes boums et j’invitais les enfants,c’était le bon temps ! Une fois jeme suis retrouvée avec quaranteenfants à la maison !— Est-ce que vous avez gardé vos45 tours ?— Oh, je n’en ai plus beaucoup :Nana Mouskouri : L’amour en héri-tage, Pétula Clarck : C’est l’amour,Johnny Halliday : Pour ceux qui s’ai-ment… Bill Haley... Adriano Celen-tano... Il était jeune à l’époque !Patrick Hernandez, Bananarama...

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On avait des kermesses qui se fai-saient au milieu de la cité.

Il y avait quand même des petitsbals comme on faisait dans letemps, on faisait beaucoup de pe-tites fêtes comme ça.

Il y avait beaucoup de fêtes, on seréunissait, on discutait, il y avaitbeaucoup de choses qui se pas-saient !

Liliane

Madame Dutreuil

Zakia

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Le Franprix c’était toute une am-biance, comme c’était à l’époquedans les magasins, où on faisaitcrédit. Où on pouvait rentrer lecaddie. On prenait le caddie pleinet hop, on allait à la maison avec...Et où les gens ont travaillé : moij’ai travaillé là-bas, d’autres per-sonnes de Fontaine Mallet y onttravaillé.

Qu’est-ce qu’on a eu comme bou-tique, ici ?

Comment s’appelait la boulangère,déjà ?

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On avait une épicerie ambulante,une estafette... Il s’appelait Mon-sieur Dambrune, il passait le midi.On faisait la queue, comme dans letemps. Et quand on a eu le Fran-prix, alors là on était contents.C’était en 73. C'était très familial, ça c'était une

règle générale à l'époque. Le maga-sin, c'était un lien entre les fa-milles. Alors ça a été Franprix,après le Corsaire, ensuite Shoppy...Il y avait beaucoup plus de vie au-tour. Et puis après c'était tout etn'importe quoi... À la fin plus per-sonne n'y allait vraiment.

Là il y avait un parking, et il y aeu une tentative, vers 73, 77, d’end’implanter un marché. Mais çan’a pas fonctionné très très long-temps, et les locaux ont ététransformés en conservatoire demusique. Ma fille a suivi des courslà et passé des bons moments.

Il y avait un commerce qui a prisplusieurs enseignes. La dernièresupérette a fermé il y a cinq sixans, il faudrait vérifier, et depuis iln’y a plus rien.

RosaM. Carpentier

Liliane

Madame Dutreuil

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Monsieur Pons, c’était deux frèresjumeaux. Et quand on avait unfranc ou deux, on achetait notreglace. Tu te rappelles, c’était unRenault trafic. Il ouvrait la vitre,et hop, il nous servait les glaces.

Il y avait le marchand de glaces...Ah, Monsieur Pons, avec un ca-mion jaune... Un petit bonhommetrès gentil, âgé ! Toujours une pe-tite casquette, des cheveux blancs.Je me souviens. C’était de famille,il venait d’Italie apparemment. Onappréciait parce qu’on n’avait passouvent des glaces à l’époque. Nosparents n’avaient pas les moyens…Dès que ma mère nous donnait unfranc, on avait la glace, et si onrajoutait 20 centimes, on avait ensupplément de la chantilly... Il n’yen avait pas souvent de la chan-tilly ! Mais même quand j’achetaisle cornet vide, j’étais contente.

Tous les gosses, quand ils enten-daient la musique du marchand deglaces, tout de suite ils venaient.Mais c’était comme ça avant.C’était comme ça.

Zakia

Mehdi

Liliane

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Il y avait des petites montagnes,quand on était jeunes on bâtissaitdes petites cabanes... On n’avait pasbesoin d’argent, on n’avait besoinde rien ! Deux pommes de terre,du maïs et on faisait nos affaires.

On faisait partie de la bande deschamps, nous ! Tout à côté duCosom, il y avait un champ. Toutgamins on jouait là. Et puis après ily a eu le trou du diable où il yavait la poudrière de l’époque de laseconde guerre mondiale. C’étaitCharlie Ingalls, la petite maisondans la prairie, c’était le top !

Il y avait la marre aux têtardsdans le champ... On allait ramasserles têtards. On prenait des bou-teilles vides, dans la mare on pre-nait tous les têtards et on lesmettait dedans. Après on les reje-tait dans l’eau.

Et puis on allait voler le maïs !Que Dieu nous pardonne !

On ramassait tout ce qu’on trouvait,et on faisait des cabanes là-dedans ! Un jour on a pris des maïsdans un champ près d’Attac, et ona fait un petit feu pour les fairegriller.

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Mehdi

Zakia

Nordine

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Tu te rappelles les égouts, Moha-med ? Les égouts étaient reliés,chaque cave avait un égout, onpassait d’une cave à l’autre, onjouait le rôle des égoutiers, on seretrouvait de l’autre côté là-bas,près du commissariat...

On avait une bande qui s’appelaitles Crapulax, on faisait deschasses à l’homme : on devait secacher dans tous les bâtiments,c’était en été, et les autres de-vaient les trouver dans toute lacité. On avait tous ces jeux-là.

Tu te souviens les radeaux ? Ils ontcommencé à construire, il y avaitde la flotte sur les fondations... Onprenait de gros morceaux de polys-tyrène, l’eau coulait, et on se pous-sait, on se mouillait... Avant, dansles halls, il y avait un tout petit ra-diateur. On se mettait en slip et onmettait le froc dessus ! C’est infai-sable aujourd’hui ! Il fallait que çasoit sec avant qu’on rentre, sinonla mère nous tuait ! On avait lespantalons pleins de terre en bas.

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Mehdi

Farid

Nordine

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C’était par bâtiment. Même quandon jouait au foot, il y avait le ter-rain de foot au milieu là, on jouaitles Savoie contre les Béarn, onfaisait des tournois, les Savoiecontre les Bourgogne, etc.

On jouait au foot là, les cagesc’étaient les halls.... Mais on jouait àpeine cinq minutes et après le voi-sin sortait : ‘’ Allez jouer là-bas ! ‘’On a cassé des carreaux aussisans le faire exprès, on a joué unpeu à tout…

Et à l’époque on faisait beaucoupde matchs de foot avec les gar-çons. On était très en complicitéavec eux, il n’y avait pas de fillesgarçons, on était un mélange, onétait une famille : on était frèreset sœurs, cousins cousines…

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Nora

NoraNordine

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A la place du parking là, il y avaitune colline. Une colline verte. Etquand il neigeait, on prenait lescouvercles de la poubelle, on s’as-seyait dessus et vvvhhhoum !

Nos parents achetaient des bou-teilles de limonade en verre, et onavait le droit de les consigner. Onprenait un sac plastique, on ra-massait toutes les bouteilles qu’onpouvait. On cherchait le maximumde bouteilles, quitte à faire lespoubelles, on les rendait et onavait de l’argent. Ça c’est un sou-venir qui me reste.

Nous on prenait les vélos, on sedonnait rendez-vous le samedimatin, on allait à Jablines. On pre-nait les vélos à une vingtaine ! Onles fabriquait nous-mêmes, il yavait Armando qui était balèze enmécanique... On récupérait unefourche là, une roue ici, là-bas, eton partait le matin à 7h pour Ja-blines toute la journée.

— On faisait des trous par terre,on jouait aux billes, tu te rappelles ?

— Moi je me souviens qu’on abeaucoup joué en dessous de cheztoi, et en dessous de chez moiaussi, enfin entre les deux. Onjouait au base-ball et on jouaitbeaucoup à Un, deux, trois, soleil,la balle au prisonnier, le facteur…

— On prenait des capsules debière, tout ce qu’on trouvait, parceque ça faisait un bruit dès qu’ontapait, on innovait à chaque fois… Il y avait un tourniquet, il n’y en a

plus beaucoup maintenant, destourniquets…

Avant il y avait un milieu de lacité, maintenant il n’y a plus demilieu, parce que les seuls milieux,ils en ont fait des parkings. Donc ily avait un milieu où on pouvait serencontrer, c’était justement làqu’on jouait au foot, c’était nosterrains de jeux…

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Il y avait un grand bac à sableavec un toboggan, c’était l’époqueoù on a fait les 400 coups...

Zakia ZakiaZakia et Madame Esaad

Mehdi

Nora

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— Et quand vous avez grandi ?— Quand on grandit, on commenceà connaître les filles ! Il faut sa-voir qu’on n’allait pas avec lessœurs des copains, c’était unebarrière. Quand on sortait c’étaitavec les filles de l’extérieur. Onavait les boums, des après-mididansantes à 25 francs. C’était unDJ qui habitait ici, un grand dechez nous qui organisait cesaprès-midi dansantes... Là il yavait des filles de tous les quar-tiers, et il y avait des rencontres,évidemment.

Des souvenirs, il y en a plein ! Cequi nous a marqué ? La police !Trop de police ! Mais ça aussi çareste dans les souvenirs, la police...Des souvenirs, des souvenirs, il yen a plein, plein…

Quand on avait pas cours on étaitdans les halls, à l’époque on faisaitbeaucoup ça, il n’y avait pas desalle ni tout ça. Pour nous, la Fon-taine Mallet ce n’était pas cecôté-là, c’était l’autre côté. Cer-tains préféraient ce côté-là, d’au-tres l’autre côté, on restait dansnos limites.

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Après c’était les conneries, on faisait des petites bêtises…

Aux Savoies, on avait nos jeux ànous : on avait un copain qui s’ap-pelait Gassama, tous les ans il or-ganisait les Jeux Olympiques. Il nousfaisait faire une espèce deconcours, il y avait un trajet àfaire, des courses... Et on gagnaitdes images.

Les samedis et dimanches on seretrouvait en bas du bâtiment, eton allait chercher du travail aumarché. Déballer, remballer, c’était25 francs. On achetait des gâteaux,ou on allait aux après-midi dan-santes. Et tous les étés on travail-lait pour aller en vacancesensemble. Un été on a été toustravailler chez Citroën.

En août 87, j’avais 17 ans, il y a euun casting ici pour le film PauseCafé. On a été six à être retenus,on a tourné une après-midi on areçu 250 francs ! C’était énorme !

NordineNora

Rosa

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Chez nous, on est bretons !

Mes plus proches voisins étaientmaliens.

J’habite à la Fontaine Mallet depuissept ans, je crois.

On trouvait toutes les cultures, onavait un peu tout.

Une chose est sûre, je suis du 93 :je suis née au Raincy.

— Mon mari venait d’Italie...

Avant, mes parents habitaient enbidonville.

Je suis né ici, j’ai grandi ici, j’aivécu ici, j’ai tout fait ici !

Je suis né ici, j’ai grandi ici, j’aitout fait ici, jusqu’à l’âge de trenteans.

J’ai 21 ans, j’habite à Villepinte Cityplage !

— Le mien était portugais.

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M. Chih

Pascal

Zakia

Madame Dutreuil

Madame Tomé

Liliane et Madame Dos Santos

Youssour Nordine

Un enfant

— Je ne suis pas d’ici, je suis deToulouse moi !

— Ben moi je suis du Portugal, etpourtant je suis d’ici !

Mes parents étaient espagnols.

J’habite ici depuis que je suis né,depuis toujours !

J’ai 21 ans, j’habite à la FontaineMallet depuis toute mon enfance

Nous on vient de Bejaia, dans lesmontagnes....

Avant j’étais à Aubervilliers.

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J’ai douze ans, j’habite ici depuisdouze ans, j’y suis né quoi...

M. Toulouse

Joao

Joao

Rosa

Cheikh

Lassana

M. Chih

Papus

— Qu’est-ce que tu aimes dans cequartier ?— Ce quartier ? Eh bien j’ai grandiici, j’ai vécu ici... Ça fait 39 ansquoi ! J’aime les gens, j’aime lamentalité des quartiers. Parcequ’on nous parle toujours de lamentalité des quartiers en négatif !Non, moi je trouve que le quartierde la Fontaine Mallet, c’est joyeux.

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Farid

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— Madame Tomé ? C’est moi !C’est Liliane ! Madame Scott !— Ah bon ?— C’est moi, madame Scott !— Madame Scott ?— Oui ! Vous pouvez m’ouvrir s’ilvous plaît ?— Oui, je prends la clé !— D’accord.— Une seconde hein, parce que jene sais pas où je l’ai mise.— Pas de problème !— J’arrive.(...)— Les jeunes, ils vous en ont faitvoir, hein?— Oh oui ! Mais je ne me laissaispas faire ! Je leur ai dit de ceschoses... incroyables ! Et mainte-nant quand ils me voient ils s’ar-rêtent : Montez, madame Tomé ! — Vous voyez qu’ils vous aimentbien quand même !Oh oui ! Et ils m’ont répondu : On

aimait vous faire rager ! Etcomme ça marchait bien, alors ony allait… Mais maintenant ils sesont excusés ! Ah oui ! Il y en amême beaucoup ! Des fois ils fontmarche arrière, ils reviennent. Etquand ils peuvent m’emmener faireles courses, ils m’emmènent.

Liliane et Madame Tomé

Madame Margueritte,à l’époque elle devaitavoir 70 ans, si cen’est pas plus. Elle estdécédée à plus de 90ans, et cette dame-là,on aimait bien allerfaire ses courses,parce qu’elle nous donnait un petitbonbon, elle nous racontait deshistoires.

Donc je veux rendre un grandhommage à ces deux grandesdames : Madame Margueritte etMadame Jacques. On ne les ou-bliera jamais. Et ça aujourd’hui, quic’est qui le referait ?

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C’était une petite mémé qui habitaitFontaine Mallet, et à l’époque lequartier était mal aimé. Il y avait latoxicomanie, tout ça… Et quand le607 passait en direction de la gare,l’un de nous prenait son sac et onla montait, on l’asseyait... Les gens

Il y avait madame Jacques aussi,qui vendait les bonbons. Elle ven-dait des bonbons chez elle pouréviter que les gamins traversentla route et se fassent écraser...C’est vrai que la rue était dange-reuse pour les mômes, et tout lemonde allait chez elle.

étaient bloqués ! Ils voyaient quoi ?C’est des voleurs… Elle, elle était...pas protégée, mais respectée. Ah,c’était le top.

Mehdi et son frère

53

Quoi d’autre ? Le petit commissa-riat ! Qui était petit le commissa-riat, pour une cité comme lanôtre. On nous mettait pas à 15dans la cage, parce que tu pouvaisen mettre que trois quatre là-de-dans. On s’est fait arrêter deuxtrois fois parce qu’il y en avaittoujours un qui avait fait le malinet c’était tout le monde qu’on em-barquait. Et le commissariat étaittout petit je me rappelle, c’étaitpas le commissariat qu‘on a là, lebunker. C’était une toute petitebaraque comme ça, à deux troisétages. Ils en ont fait des loge-ments, il y a des gens qui habitentdedans maintenant. Il y a desnoms qui restent gravés dans lesmémoires comme Monsieur Es-trella, Monsieur Camus, les com-missaires, c’est des noms quirestent dans la tête ! Je dis çaparce que j’ai pas été un voyou

mais quand on faisait les cons, onse faisait attraper, on se souvientd’eux quoi. Sinon le seul vrai lieu deréunion c’était le café…

Pascal

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C’était pas notre papa, mais bonc’était un ancien. Tout le monde leconnaissait, tout le monde se réu-nissait ici, pas que les maghrébins,tout le monde, c’était mélangé,c’était une famille quoi. Une famille,ça démonte tout.

— Il y avait Monsieur Mimile...C’était une figure dans Villepinte...

Je me rappelle il y avait le café,tu pouvais passer, il y avait destables dehors, c’était vraiment vi-vace. Moi j’allais jouer au loto avecsa femme ! On rentrait là-dedans,c’était ouvrier, vraiment c’étaitagréable.

Heureusement qu’il y avait cecafé-là ! Ça a toujours existé,c’était le centre. Monsieur Mimileavec sa femme.

À l’époque Monsieur Mimile, il fai-sait des feux d’artifice. Tout lemonde venait. Pour le 14 juillet lesfeux d’artifice, c’était ici, c’étaitpas ailleurs. ! Nous les gosses, onn’avait pas le droit d’entrer dans lecafé, il nous sortait le baby-footsur le trottoir, c’était cool, c’étaitbien !

Et ça nous servait pour le télé-phone, parce qu‘à l’époque il n’yavait pas le portable, et il n’yavait pas les cabinestéléphoniques !

— Ah oui, il était bien MonsieurMimile. Il était professeur de judo...

On avait un petit café juste àcôté, qui appartenait à MonsieurLepren, qu’on appelait Mimile.

Mehdi

Olivier

Madame Dutreuil

Madame Dutreuil

Liliane

Liliane et MadameDos Santos

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C’était quelqu’un d’organisé pour lequartier. Il se déguisait, il arrivaiten carriole avec des chevaux, ildistribuait des bonbons aux en-fants, des oranges, et ça, ça amarqué tous les gens du quartier.

Monsieur Mimile, quand il est partid’ici, il a tenu une boucherie versle clos Montceleux. Et puis main-tenant il est parti à la campagne,il doit être âgé !

75 ans passés, il vit encore cemonsieur. Tellement que c’est loin,je me disais il ne doit plus être dece monde, et finalement il est en-core là le gars, je crois qu’il a unpetit château en Normandie...

Mehdi

Pascal

Madame Dutreuil

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— À la Fontaine Mallet, on rigole,on fait tout ! Surtout avec lesvoisins ! On est sœurs et frères,les choses que je n’ai pas, je de-mande à ma voisine, pareil ! Mavoisine ! On voudrait toujours res-ter à côté. Voilà ! Parce que si unea un problème, toc toc toc ! Y aquoi ? Y a ça ça ça ça ça. Çacalme ! Même si nous tous on ades familles, ce sont les voisins quisont notre famille ! On voudraitrester ensemble. Parce que 21 ans,22 ans… Comme ça le matin toctoc toc ! On boit le café. Onmange ensemble. Madame Kassi ! Viens ! Assieds-toi ! On boit un verre de thé !

— Le voisin… c’est la priorité.Au fond, on cherche la maisonmais on cherche le voisin en pre-mier. S’il y a quelque chose que jen’ai pas, je viens je prends. Elle

aussi, c’est pareil. Elle n’a pas, ellevient à la maison. Ma maison,c’est sa maison.

— Tranquille ! Si tu as trouvé unbon voisin, c’est comme si tu astrouvé une fleur ouverte. Mais situ as trouvé un mauvais voisin,c’est une fleur qui est fermée !

Madame Doukouré et Madame Kassi

Ma voisine, je l’adore. Elle est trèstrès gentille. Elle est arrivée paslongtemps après moi d’ailleurs. Onse connaît depuis plus de vingt ans.Pour moi c’est ma tata, je suis satata, il n’y a pas de problème ! Ons’entend très très très bien.

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— Le souvenir que j'ai c'est cettecréation d'une amicale des loca-taires pour surveiller les dépensesdes charges et autres. On s'étaitretrouvés, on avait rendez-vousdans une toute petite salle, pen-sant que ça allait largement suf-fire... Et on a été obligés de faireça sur la pelouse tellement lesgens avaient adhéré à l'associa-tion... J'avais pris la présidencesuite à la démission du présidentet en 77 lorsque je suis parti l'as-sociation vivait toujours, elle exis-tait quoi.

Madame Passagez

M. Carpentier

J’ai même des voisins qui sontvenus tambouriner à ma porte, ilétait minuit passé, parce que lepetit avait une forte fièvre, qu’ilfallait l’amener à l’hôpital RobertBallanger, on ne se posait mêmepas la question. On était en py-jama, on partait comme ça ! Unvoisin, surtout sur une longue pé-riode devient un membre de lafamille. Je vois ça comme ça.Alors quand c’était le ramadan,quand on faisait à manger, oncommençait d’abord à donner auvoisin. Au-dessus de chez nous,nous avions une famille de Ma-liens, quand ils faisaient leurs platstraditionnels ils nous faisaient goû-ter aussi. C’était quelque chose deformidable. On venait, ils venaient,ma femme allait chez eux, onfrappait pour du sel ou quoi que cesoit, on avait du sel, on avait del’huile… Pour nous c’était naturel.

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C’est une chose que je ne vais pasretrouver si je déménage ailleurs.Ou alors j’aurais honte de le faire.Cette ambiance-là, je l’apprécie, jene suis pas le seul d’ailleurs. Voilà,c’est quelque chose de formidable…c’est une valeur.

M. Chih

On est ici, on n’a pas de famille.Alors c’est les amis la famille. Etcomme les amis sont partis, onest restés comme des orphelins.Un voisin, c’est plus que la famille.S’il m’arrive quelque chose, ce n’estpas la famille qui va venir de l’Al-gérie, ce sont mes voisins d’àcôté ! Moi je respecte mes voisins.Ma famille, elle est loin. Je res-pecte ma famille, mais les voisinsen premier. C’est très très impor-tant pour nous, pour nos enfants,pour tout. Parce que nos enfantsaussi n’ont pas de famille ici. Il y ale papa, la maman, c’est la familleoui, mais en dehors de la maison,c’est les voisins. Moi je ne vais pasdire ma famille est en Algérie, jesuis algérienne... Moi je m’en fousde tout ça. Moi mes amis c’estmes voisins, et ma famille c’estmes voisins.

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Madame Aous

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Eh, Fatou, donne-moi du mafé !Ouais, vas-y ! Et après, le jour del’Aïd : Eh Nora, donne-moi des gâ-teaux arabes ! Il y a plein de petitstrucs comme ça. Modi il est où ?Modi, va m’acheter du pain ! Là,plus les jours passent, plus t’asfaim : il n’y a plus personne pouracheter ton pain !

Nora, Fatou et Myriam

61Les amis... Quelques-uns sont res-tés, d’autres sont partis.... Entrenous, les anciens, on essaie de serappeler, parce que la mémoirereste vive si tu restes longtempsau même endroit. Si tu restesquinze ans dans un endroit et quetu t’en vas, tu oublies, parce quetu engranges autre chose. Là, onest sans cesse en train de se re-mémorer, on entretient cette mé-moire malgré nous...

Pascal

62.

63

64

Sylvain Mazeau, je suis en chargedu projet de rénovation urbaine dela Fontaine Mallet.

Sophie Jasse, responsable du déve-loppement social urbain pour Efidis.

SM : le quartier Fontaine Mallet aété dessiné sous la forme desgrands ensemble, c’est-à-dire voi-rie en général encerclant le quar-tier, beaucoup d’espaces publicsdifficiles à gérer entre les bâti-ments et sans fonctionnalité, voilàon avait essentiellement de l’habi-tat, très peu de commerces.

SJ : Il y a l’absence de traver-santes, enfin tout ce qui fait qu’ona un peu un quartier qui fonc-tionne en vase clos. C’est surtoutça l’idée du projet, c’est de pouvoirrayonner et le rattacher au restede la ville.

SM : Les tours centrales, Tou-raine, Bretagne, ont été démoliesen premier et ont réellement crééce sentiment d’«‘’aérer le quartier’’,je dirais. Là effectivement lequartier reste pour l’instant pasfinalisé parce qu’on attend lesnouvelles constructions.

SJ : Toutes les constructions, enfinreconstructions, ne seront pasfaites sur Fontaine Mallet.

SM : Il nous semblait difficile d’in-tervenir sur ce quartier sans ledédensifier pour le rapprocher deformes architecturales proches dupavillonnaire. Avant la rénovationl’image était plutôt négative, mêmevue par les autres quartiers, Fon-

taine Mallet c’était vraiment lacité où il y a une bonne ambiance,cet aspect familial mais où... on n’apas vraiment envie d’aller. Doncl’idée c’est qu’à terme, — quand jedis à terme, c’est dans 5, 10 ans—cette vie de quartier attire aussid’autres personnes dans le quar-tier, pour venir sur l’équipement,sur les commerces…

SJ : Oui, en tous cas de créer uneautre identité. On a un quartierfortement impacté par les démoli-tions. Alors comment ça va êtrereçu par les habitants, c’est unpeu tôt pour le ressentir.

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PLAN DU PROJET

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Dans les appartements, ils ont en-levé l’électricité, les tuyaux pour legaz, les portes ont été rempla-cées... Et puis ils ont fait les pein-tures de la cuisine, dans la salled’eau... Voilà pour l’intérieur...

— Moi j’habitais là-bas au Savoie 4.Nous, on a été les derniers à êtrerelogés, à Pasteur. Mais la plupartde la Fontaine Mallet, ils nous ontmis aux Merisiers.

— Moi les travaux, je les ai bienaimés, ça nous arrangeait, ils onttout refait. Ils ont refait les toi-lettes, la salle de bains, la cuisine …

— Toi t’as bien aimé parce que t’aspas déménagé, mais moi j’ai démé-nagé ! C’était une galère !

— Si, moi aussi ça m’a dérangé,parce qu’il y a plein de copains quiont déménagé loin, parce qu’avanton s’amusait bien avec eux. Ils ontenlevé le parc, on faisait plein dejeux là-bas, ils ont tout enlevé.

— Ça nous a séparés, et ça nous aenlevé plein d’activités. Comme leparc là-bas. Ils auraient pu aumoins en mettre un autre.Presque tout le monde se réunis-sait là-bas.

Papus et son ami

Madame Passagez

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Sur toute la longueur il y avait lesquatre halls Savoie qu’ils ont abat-tus, ça fait un dégagement, on aune plus belle vue. Les travaux çava dans le bon sens, le seul bémolce sont les loggias qu’ils ont sup-primées. Ca c’est une erreur.Quand à l’extérieur, on ne peutpas dire grand-chose parce querien n’est fini.

Madame Passagezet Gwendoline

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Disons que pour nous, le faitd’avoir l’immeuble entouré, ce n’estplus la Fontaine Mallet. Avant onpouvait circuler d’un bâtiment àl’autre, alors que là c’est plus re-treint, maintenant c’est clôturé.

D’abord il y a le visuel, le fait qu'ilsentourent les immeubles, c’estquelque chose que j'ai du mal à ac-cepter. Mais... A-t-on le choix ? Onnous dit tellement qu'on est en in-sécurité qu'on fait tout pour êtreen sécurité, et cela n'empêche pasl'insécurité... Les problèmes ne sontpas résolus. Est-ce que c'est labonne solution de mettre des bar-rières partout ? Mais ça ce n’estpas propre à Villepinte, Fontaine-Mallet est à l'image de ce qui sepasse ailleurs, et même partout...

Rosa

Ils ont mis des grilles, c’est cequ’on appelle la résidentialisation, il y a beaucoup d’ensemblescomme ça, c’est vrai que ça donneun autre aspect...

69

On a des grilles, des grillages, je nesais pas... Je ne crois pas quec’était ça qu’il fallait. Il y a des caméras quand tu passes

ça sonne, ça fait tututututu, etaprès tout le monde te voit.

J’aime bien l’idée de l’interphone :on ne connaît pas, on n’ouvre pas !C’est comme les nouvelles portes :On se sent plus en sécurité.

— Les grilles, c’est sécurisé ! Maissi on donne deux coups de piedfort sur la porte, ça s’ouvre !— Et des fois on appelle, mais l’in-terphone ne fonctionne pas, alorson reste en bas, comme des c... !— Moi je suis pour la planète, paspour la décoration.

Avant il n’y avait pas de grilles, onentrait de ce côté-là et on ren-trait chez nous directement.

Madame Aous

Trois collégiennes

Gwendoline

Un enfant

M. Carpentier

70

70

— Ici au Béarn3, il ne reste quetrois familles, parce qu’ils vont dé-truire le bâtiment, et voilà ! C’esttriste... Moi, ça me fait mal aucœur. Ça fait 25 ans que j’habiteici, ça y est ! Je déménage, je vaisêtre déboussolée !

— J’habite là, avant c’était leBourgogne 3, maintenant c’est de-venu le hall C. Il a été rénové, doncmoi je ne suis pas touchée par lerelogement. Ils ont prétexté uneroute, mais elle ne passe pas surces bâtiments, donc ils auraient puêtre rénovés aussi.

On a déménagé à Pasteur, on ha-bite en face du collège. Ça va,comme je suis en vélo, des fois jeviens. Pas tout le temps, maisquand j’ai envie. Comme ça je resteavec eux. Je ne peux pas changer.Je ne suis pas un traître !

C’est un peu dommage quandmême! Ils ont détruit les bâti-ments, on a perdu nos potes...Nous on s’en fout des bâtiments,c’est juste nos potes ! Moi je pré-fère rester ici. Je connais tout lemonde ici, franchement je n’ai pasdu tout envie de déménager.

Ceux qui sont partis, pour nousc’est triste. J’ai une amie qui habi-tait au 5e, elle est venue nousdire au revoir, elle pleurait. Ellepleurait. Et son fils jusqu’à présent,il ne veut pas suivre les parents.Je lui dis : Abdelkader, tu ne vaspas chez toi ? Il me dit : si si, jerentre le soir... Mais là il est vrai-ment attaché à la Fontaine Mallet,la journée il reste ici...

Nora et Myriam

Madame Aous

Papus et son ami

Mamadou

71

Avant ce n’était pas comme ça :chaque bâtiment avait deux en-trées. Je suis d’accord avec euxparce que s’ils poursuiventquelqu’un, il ne pourra plus sortirde l’autre côté. Mais les jeux pourles enfants, c’est comme descages à lapins. Si une maman veutsortir son bébé, il n’y a rien.

Madame Aous

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Ca fait quatre fois qu’ils revien-nent pour murer le Poitou mais lesjeunes enlèvent les parpaings ! Ilsse réunissaient là, ils ne sont pascontents...

Ici c’était l’Auvergne, maintenant iln’a plus de nom. L’adresse c’est 5rue Auguste Rodin, mais je ne saispas s’ils vont lui donner un nom.On attend qu’ils finissent, on verraaprès. Ca a été 3 allée ToulouseLautrec, aussi.

Mon adresse hall A Villepinte,93420. Excusez-moi mais depuisque je suis là ça fait la quatrièmefois qu’on me change d’adresse.

J’habite le hall G, ils ont changé lesnoms des bâtiments suite aux tra-vaux. Avant c’était le Bourgogne.

Les messieurs du banc

73

Je ne sais pas si on va avoir desbancs après, mais là il n’y a plusde bancs pour s’asseoir ! Quandles parents sont avec les enfants,ils sont obligés de rester debout !Ce n’est pas une solution !

Ils ont enlevé tous les bancs ! Il yen avait plusieurs ! Le seul quireste, celui-ci, c’est les ouvriersd’à côté qui nous l’ont mis là.Vous savez s’ils vont remettre des

bancs, vous?

Et il n’y a plus de banc ! On nepeut plus s’asseoir tranquillementcomme on le faisait, il n’y a plusde poubelles non plus, parce qu'ona peur qu'on y mette le feu.

Les messieurs du banc

Madame Dos Santos

Rosa

74Ils font en sorte que ça re-devienne la ‘’Résidence Fon-taine Mallet’’, le nom qui luiest dû. Une résidence, c’estplus standing, une cité çafait peur.

C’est Fontaine Mallet, ouc’est Fontaine Malade ?C’est une blague, on estgentil à Fontaine Mallet !

Ils ont détruit six bâti-ments : les quatre Savoies,le Bourgogne... Ils en ont re-fait mais c’est pas un bâti-ment c’est une résidence.C’est pas le même genre,c’est comme un palace,comme l’Élysée.

Gwendoline

Madame Aous

Un enfant

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La réhabilitation, c’est Hollywood !

On n’est plus à la Fontaine Mallet,on est à Dallas ! Las Vegas ! NewYork ! Ca va faire chic !

Madame Aous

Fatima

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Radio.Graphie est une jeune association, née du désir de produire, de diffuser et de réaliser des créationssonores et graphiques. Ses fondatrices et leurs collaborateurs sont attachés à restituer la parole deshommes et femmes sur leur quotidien, afin qu’elle puisse s’inscrire dans la vie sociale et politique. Noustenons à élaborer, soutenir ou participer à des projets visant cet objectif.

Merci pour sa participation à ce projet à Yacine Amarouchene, auteur-compositeur.

Ouvrage édité par la Mairie de Villepinte et réalisé par l’Association Radio.graphie (radio.graphie.free.fr)Textes tirés d’interviews réalisées en octobre et novembre 2011 à la Fontaine Mallet par A. L. Ollivier et M. Zeineddine

Illustrations et maquette : Anne-Leïla Ollivier / Prise de son et conception CD : Maïssoun ZeineddineAchevé d’imprimer en juin 2012 sur les presses de l’imprimerie Barbou Impression

Tirage : 1000 exemplaires

Ce livre-cd vous est offert par la ville de Villepinte

Maïssoun Zeineddine, anthropologue/réalisatrice sonore,joue ici de sa double casquette afin d’appréhender le mondeet d'en laisser une trace vive en un support accessible :recueillir la parole, les propos, les colères, les émotions, lamémoire et les redonner à entendre à tout un chacun.

Anne Leïla Ollivier travaille les champs du dessin, de l’illus-tration, de l’écriture, et a collaboré à plusieurs projets s’in-téressant à la restitution de la parole de celles et ceuxque l’on entend peu, par l’écrit, l’affiche, le dessin, ou en-core le théâtre.

Merci aux habitants de la Fontaine Mallet qui ont bien voulu nous donner de leur temps et nous ont reçues avec générosité.