Facteurs de risque de transfusion par excès en chirurgie...
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ACADEMIE DE PARIS
Année 2015 - 2016
MEMOIRE
pour l’obtention du DES
d’Anesthésie-Réanimation
Coordonnateur : Professeur Benoît Plaud
par
François-Xavier Amelon
Présenté et soutenu le 31 mars 2016
Facteurs de risque de transfusion par excès en chirurgie pédiatrique
Travail effectué sous la direction du Professeur Souhayl Dahmani
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TABLE DES MATIERES
TABLE DES MATIERES ................................................................................................................. 2
RESUME ...................................................................................................................................... 3
INTRODUCTION .......................................................................................................................... 4
MATERIEL ET METHODES ........................................................................................................... 6
1 - Type d’étude ...................................................................................................................... 6
2 - Population ......................................................................................................................... 6
3 - Recueil de données ........................................................................................................... 6
4 - Critères de jugement ......................................................................................................... 7
5 - Analyses statistiques ......................................................................................................... 7
RESULTATS .................................................................................................................................. 8
1 - Population ......................................................................................................................... 8
2 – Facteurs de risque de transfusion par excès .................................................................... 9
DISCUSSION .............................................................................................................................. 11
Validité interne ..................................................................................................................... 11
Validité externe .................................................................................................................... 12
1- Définition des seuils transfusionnels ................................................................................ 12
2 – Variabilité des pratiques et risque de transfusion excessive ......................................... 13
A- Variabilité des pratiques en médecine transfusionnelle .............................................. 13
B - Facteurs de variabilité ................................................................................................. 14
C - Incidence des transfusions excessives ......................................................................... 14
3- Comment diminuer les transfusions excessives ? ............................................................ 15
A - Modification des pratiques ............................................................................................. 15
B - Quantité de sang transfusé ......................................................................................... 16
C - Gestion intégrée de la transfusion .............................................................................. 17
D - Formation médicale..................................................................................................... 17
4 – Vers une nouvelle définition des seuils transfusionnels ? ............................................. 18
CONCLUSION ............................................................................................................................ 19
BIBLIOGRAPHIE ......................................................................................................................... 20
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RESUME
Objectif :
Les concentrés globulaires sont une ressource rare et coûteuse dont l’utilisation inappropriée
expose les patients à une morbi-mortalité non négligeable. Notre objectif était d’évaluer le
respect des seuils transfusionnels recommandés par l’HAS en peropératoire de chirurgie
pédiatrique et d’identifier les facteurs de risque de transfusion non justifiée.
Type d’étude :
Etude de cohorte rétrospective.
Patients et méthodes :
Tous les patients mineurs transfusés en peropératoire ou postopératoire précoce (<24h) entre
janvier 2014 et juin 2015 à l’hôpital Robert Debré ont été inclus. Une analyse du dossier
médical permettait de recueillir les données démographiques et sur le déroulement
opératoire. Le critère de jugement principal était le taux d’hémoglobine mesuré avant
transfusion. Les transfusions étaient jugées appropriées si elles respectaient les seuils
recommandés par l’HAS en 2014 selon les comorbidités des patients. Une analyse statistique
univariée était appliquée pour rechercher des facteurs de risque en cas de transfusion
inappropriée.
Résultats :
32 patients (0,54%) ont reçu une transfusion : 20 (62,5%) selon les seuils recommandés et 12
(37,5%) hors des recommandations dont 11 (91,6%) par excès et 1 (8,3%) par défaut. Trois
facteurs de risque de transfusion par excès ont été identifiés en analyse univariée : le score
ASA>3, la réalisation d’une commande de sang prévisionnelle et la présence de certaines
comorbidités.
Conclusion :
Les transfusions par excès restent fréquentes en chirurgie pédiatrique en particulier chez les
patients graves. D’autres études devraient être menées pour chercher à réduire l’incidence
de ces transfusions non indiquées.
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INTRODUCTION
La transfusion sanguine est une thérapeutique qui peut sauver des vies dans un grand
nombre de circonstances incluant des pathologies médicales et chirurgicales. Cela est
particulièrement vrai en cas d’hémorragie sévère. Des études observationnelles anciennes ont
montré que la transfusion précoce pouvait améliorer la survie chez des enfants ayant des
anémies profondes (Hb < 4,7 g/dl) notamment en cas de mauvaise tolérance clinique [1]. Dans
une cohorte de 1958 patients chirurgicaux refusant la transfusion sanguine pour des raisons
religieuses, Carson et al. ont montré une relation statistique quasi-linéaire entre la sévérité de
l’anémie et la mortalité à 30 jours. La mortalité passait de 1,3% pour les patients avec un taux
d’hémoglobine > 12g/dl à 33,3% pour les patients avec un taux d’hémoglobine < 6,0 g/dl. Les
patients anémiques qui avaient une hémorragie peropératoire avaient une mortalité
supérieure, surtout en cas de pathologie cardio-vasculaire associée [2].
Si les bénéfices de la transfusion sanguine ne sont plus à démontrer dans de
nombreuses situations cliniques et que la sécurité transfusionnelle s’est beaucoup améliorée
depuis 20 ans, il demeure un certain nombre de risques infectieux et non infectieux liés à
l’utilisation de ces produits. Le risque de transmission virale (virus de l’immunodéficience
humaine, hépatites virales B ou C) est devenu négligeable dans les pays développés [3]–[5]
mais le risque de transmission d’agents bactériens reste une préoccupation importante. Un
rapport d’hémovigilance effectué au Royaume-Uni en 2009 estimait que la moitié des
événements indésirables infectieux (40/66) étaient liés à la transmission d’agents bactériens
avec une mortalité importante au décours (27,5%) [6].
La grande majorité des effets indésirables de la transfusion sanguine est constituée de
réactions non infectieuses dont l’incidence est jusqu’à 1000 fois supérieure à celle des
complications infectieuses. Ces complications de gravité variable impliquent des mécanismes
immunologiques (œdème pulmonaire, réactions allergiques, alloimmunisation,
immunomodulation …) ou non-immunologiques (erreurs transfusionnelles, troubles
métaboliques, coagulopathie …). Ces complications représentent jusque 87 à 100% des
complications fatales de la transfusion sanguine [7]. L’immunisation est à prendre en compte
particulièrement chez les sujets jeunes qui sont à risque d’être transfusés à nouveau.
A mesure que la liste des complications connues de la transfusion sanguine s’allonge,
davantage d’études viennent justifier le recours à une stratégie transfusionnelle dite
« restrictive » par rapport à une stratégie « libérale » notamment via la diminution des seuils
transfusionnels. Dans une méta-analyse de 31 essais contrôlés randomisés cumulant les
résultats de 9138 patients, Holst et al. concluaient qu’une stratégie transfusionnelle restrictive
permettait de diminuer le risque de transfusions sanguines (risque relatif (RR) 0,54 ; Intervalle
de confiance 95% (IC95%) : 0,47 à 0,67) et le nombre d’unités transfusées (-1,43 ; IC95% : -
2,01 à -0,86) par patient [8]. Cette diminution du recours à la transfusion se faisait sans
augmentation de la mortalité (RR 0,86 ; IC95% : 0,74 à 1,01) de la morbidité (RR 0,98 ; IC95%
0,85 à 1,12), ou d’infarctus du myocarde (RR 1,28 ; IC 95% 0,66 – 2,49).
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La population pédiatrique n’est évidemment pas à l’abri des effets indésirables de la
transfusion. Dans une étude de cohorte rétrospective menée aux Etats-Unis entre 2001 et
2003 sur 51720 transfusions effectuées en pédiatrie, Slonim et al. retrouvaient une
complication transfusionnelle chez 492 enfants (0,95%) ce qui leur permettait d’évaluer le
taux de complication en pédiatrie à 10,7 pour 1000 unités transfusées [9]. Le rapport
d’hémovigilance au Royaume-Uni en 2009 estimait ainsi que 8,6% des incidents
transfusionnels affectaient des patients mineurs dont 31% de nourrissons (<1 an) parmi
lesquels 56% étaient des nouveau-nés (<28 jours) [6]. Il est important de souligner que dans
ce rapport 58% des incidents transfusionnels étaient constitués d’erreurs humaines telles que
la sur-transfusion ou la méconnaissance des particularités transfusionnelles en néonatalogie.
Le profil des complications transfusionnelles est différent en population pédiatrique par
rapport aux adultes : les complications allergiques et métaboliques sont plus fréquentes alors
que d’autres comme le TACO (Transfusion Associated Circulatory Overload) y sont très rares
[10].
Afin d’aider le praticien au quotidien dans sa décision d’initier ou de reporter une
transfusion sanguine tout en tenant compte de l’évolution des connaissances en médecine
transfusionnelle, la Haute Autorité de Santé (HAS) et l’agence nationale de sécurité du
médicament (ANSM) ont révisé les recommandations sur la transfusion de globules rouges
homologues fin 2014 [11]. Le faible nombre d’études sur les seuils transfusionnels chez
l’enfant, le nouveau-né à terme et le prématuré ne permet pas d’établir des recommandations
de haut grade pour cette population. Néanmoins, les recommandations de l’HAS et l’ANSM
de 2014 proposent les seuils suivants (recommandations grade B) :
Enfants ayant une anémie sans signe clinique : 7 g/dl d’hémoglobine.
Enfants ayant une cardiopathie congénitale cyanogène : 12 g/dl.
Enfants non stabilisés de réanimation, sous ECMO (Extra Corporeal Membrane
Oxygenation) ou en post-opératoire de chirurgie cardiaque : 10 g/dl.
Prématuré d’âge gestationnel < 32SA et pesant <1500g à la naissance :
Avant le 7ème jour de vie : 11 g/dl en cas de support ventilatoire avec FiO2 > 30% ; 10
g/dl si la FiO2 est < 30% ou en cas de ventilation spontanée.
Après le 7ème jour de vie : 10 g/dl en cas de support ventilatoire avec FiO2 > 30% ; 8
g/dl en cas de FiO2 < 30% ou ventilation spontanée avec oxygénothérapie ; 7 g/dl avec
un taux de réticulocytes < 100 G/l en cas de ventilation spontanée.
L’établissement de seuils transfusionnels restrictifs s’est malheureusement compliqué
d’une augmentation des cas de sur-transfusion. L’incidence de ces transfusions inappropriées
est difficile à chiffrer car les définitions et les seuils transfusionnels varient dans la littérature.
Dans une étude de cohorte prospective de 1474 transfusions, P.J Barr et al. retrouvaient un
taux de sur-transfusion à 23%, en particulier chez les patients jeunes et sans antécédent [11].
Il n’existe pas à notre connaissance d’étude similaire en pédiatrie.
L’objectif de cette étude de cohorte rétrospective était d’évaluer le respect des seuils
transfusionnels recommandés par l’HAS en peropératoire de chirurgie pédiatrique et
d’identifier les facteurs de risque de non-respect de ces recommandations.
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MATERIEL ET METHODES
1 - Type d’étude
Il s’agit d’une étude de cohorte rétrospective monocentrique menée au sein du service
d’anesthésie pédiatrique de l’Hôpital Robert Debré (Pr. Dahmani) à partir d’une analyse des
données de patients ayant été transfusés en peropératoire ou post-opératoire précoce (<24h).
Les spécialités chirurgicales pratiquées sont la chirurgie orthopédique, digestive et urologique,
ORL, thoracique. La chirurgie cardiaque et la neurochirurgie ne sont pas pratiquées.
Compte tenu du caractère rétrospectif de cette étude rentrant dans le cadre de l’évaluation
des pratiques professionnelles, aucun accord du comité d’éthique n’a été nécessaire.
2 - Population L’étude a été menée du 1er janvier 2014 au 30 juin 2015. Les critères d’inclusion étaient :
Age < 18 ans
Transfusion de concentrés globulaires en peropératoire ou post-opératoire précoce
(<24h) d’une chirurgie programmée ou urgente
Critères d’exclusion :
Chirurgie de scoliose
Transfusion après la 24ème heure post-opératoire
Transfusion préopératoire
Transfusion en produit autre que concentré globulaire
Dossier manquant
3 - Recueil de données
Les données suivantes étaient recueillies à partir d’une analyse du dossier patient (dossier
d’anesthésie, dossier transfusionnel, observations médicales, comptes rendus opératoires) :
Critères démographiques : âge, poids, sexe, terme si prématuré, score ASA
Comorbidités : patient de réanimation, coagulopathie, type de coagulopathie si
présent, drépanocytose, thalassémie, comorbidité cardiaque, respiratoire, rénale,
neurologique, autre comorbidité
Données préopératoires : type de chirurgie, intitulé de l’intervention, commande
prévisionnelle faite, taux d’hémoglobine préopératoire, chirurgie urgente, traitement
préopératoire par fer-EPO.
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Données peropératoires : laparotomie ou cœlioscopie, type d’anesthésie, durée
opératoire, durée d’anesthésie, volume des pertes sanguines, expérience du
chirurgien, expérience de l’anesthésiste, taux d’hémoglobine pré-transfusionnelle,
taux d’hémoglobine post-transfusionnelle, quantité de cristalloïde administrée,
quantité de colloïdes administrée, durée d’hypothermie, durée d’hypotension,
administration d’acide tranexamique, utilisation de Cell-saver, volume transfusé
Données post-opératoires : taux d’hémoglobine en salle de réveil (SSPI)
4 - Critères de jugement
L’objectif de cette étude était d’évaluer le taux d’adéquation des transfusions
peropératoires et post-opératoires avec les seuils transfusionnels recommandés par l’HAS en
2014. Les seuils transfusionnels suivants ont été appliqués : [11]
Enfants sans antécédent particulier : 7 g/dl d’hémoglobine.
Enfants ayant une cardiopathie congénitale cyanogène : 12 g/dl.
Enfants non stabilisés de réanimation : 10 g/dl.
Chez les prématurés d’âge gestationnel < 32SA et pesant <1500g à la naissance :
Avant le 7ème jour de vie :
o 11 g/dl en cas de support ventilatoire avec FiO2 > 30% ;
o 10 g/dl en cas de support ventilatoire avec FiO2 est < 30% ou de ventilation
spontanée.
Après le 7ème jour de vie :
o 10 g/dl en cas de support ventilatoire avec FiO2 > 30% ;
o 8 g/dl en cas de support ventilatoire avec FiO2 < 30% ou ventilation spontanée
avec oxygénothérapie ;
o 7 g/dl avec un taux de réticulocytes < 100 G/l en cas de ventilation spontanée.
Chez les patients pour lesquels les seuils recommandés par l’HAS n’étaient pas respectés, une
analyse statistique était effectuée afin d’identifier des facteurs de risque de non-respect des
recommandations.
5 - Analyses statistiques
L’analyse des données s’est faite par un test du X² pour les données discrètes et une
analyse de Mann et Whiteney pour les données continues. Compte tenu du faible nombre de
patients transfusés attendu, il n’a pas été prévu de réaliser une analyse multivariée.
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RESULTATS 1 - Population
9000 patients sont opérés chaque année à l’hôpital Robert Debré dont 45% de patients
ambulatoires et 150 chirurgies de scoliose ce qui fait un total de 5850 chirurgies éligibles du
1er janvier 2014 au 30 juin 2015.
32 patients (0,54%) ont reçu une transfusion peropératoire ou avant la 24ème heure post-
opératoire. Parmi ces patients, 20 (62,5%) ont reçu une transfusion sanguine selon les seuils
recommandés et 12 (37,5%) hors des recommandations dont 11 (91,6%) transfusions par
excès et 1 (8,3%) par défaut.
Les caractéristiques démographiques de la population sont résumées dans le tableau 1.
Tableau 1.
Les résultats sont exprimés en nombre (%) ou médiane [minimum ; maximum]
*ASA : American Society of Anesthesiology
Caractéristique Respect des recommandations
(n = 20)
Non-respect des recommandations
(n = 12)
Age (jours) 3285 (1 ; 6205) 2098 (0 ; 5475)
Sexe (féminin) 9/20 (45) 5/12 (41)
Poids (kilogrammes) 28 (2,9 ; 58) 19,5 (2,2 ; 52)
Score ASA*
1 4/20 (20) 1/12 (8)
2 10/20 (50) 4/12 (33)
3 4/20 (20) 7/12 (58)
4 2/20 (10) 0/12 (0)
Patient de réanimation 3/20 (15) 3/12 (25)
Coagulopathie 2/20 (10) 4/12 (33)
Drépanocytose 1/20 (5) 1/12 (8)
Thalassémie 1/20 (5) 0/12 (0)
Commande prévisionnelle 9/20 (45) 9/12 (75)
Comorbidité
Cardiaque 1/20 (5) 2/12 (16)
Respiratoire 2/20 (10) 2/12 (16)
Neurologique 3/20 (15) 1/12 (8)
Rénale 1/20 (5) 0/12 (0)
Autre 10/20 (50) 10/12 (83)
Hémoglobine préopératoire (g/dl)
9,8 (13,8 ; 5,8) 11,6 (4,4 ; 17)
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La plupart des chirurgies étaient abdominales (n = 15) et orthopédiques (n = 12). On
comptait aussi 2 chirurgies ORL et 1 chirurgie thoracique. La durée opératoire était
comparable entre les deux groupes (120 vs 165 minutes ; p = 0,287).
Il existait une différence statistiquement significative dans le taux d’hémoglobine pré-
transfusionnel entre le groupe des transfusions en accord avec les recommandations et les
transfusions hors-recommandations (7,1 vs 10,3 g/dL ; p = 0,002). Les autres facteurs
peropératoires ne semblaient pas avoir d’influence sur le respect ou le non-respect des seuils
transfusionnels recommandés.
2 – Facteurs de risque de transfusion par excès
Trois facteurs de risque de transfusion par excès ont été identifiés en analyse univariée.
Compte tenu de l’effectif faible, aucune analyse multivariée n’a été réalisée.
Les patients ASA >3 recevaient plus de transfusion par excès (n = 6 (60%)) que les
patients de statut ASA <3 (n = 4 (19%) ; p = 0,050).
Le groupe des comorbidités « autres » concentrait un ensemble hétéroclite
d’antécédents (dénutrition, hémopathie maligne, ostéosarcome, prématurité …) qui étaient
statistiquement associés à un risque augmenté de transfusion par excès (n = 9 (45%)) par
rapport aux patients sans ces comorbidités (n = 1 (8,3%) ; p = 0,034). Cette différence n’était
pas retrouvée si l’on prenait séparément les comorbidités cardiaques (p = 0,224), respiratoires
(p = 0.368), neurologiques (p = 0.203) et rénales (p = 0,688).
La réalisation d’une commande de sang prévisionnelle en préopératoire était aussi
associée statistiquement à un risque augmenté de transfusion par excès (n = 10 ; (90%)) par
rapport aux patients n’ayant pas de commande prévisionnelle (n = 9 (50%) ; p = 0,029)
Les autres critères étudiés n’étaient pas associés à une augmentation du risque de
transfusion par excès, en particulier l’âge (p = 0,255), le poids (p = 0,239), la chirurgie en
urgence (p = 0,555) et la présence d’une coagulopathie (p = 0.264).
Le tableau 2 résume les caractéristiques peropératoires et les facteurs de risque de
transfusion.
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Tableau 2.
Les résultats sont exprimés en nombre (%) ou médiane [minimum ; maximum] ; *seuil de significativité à 0,05
Hypothermie = température < 36,5° ; hypotension = pression artérielle systolique < 20% de la valeur initiale
Caractéristique peropératoire Respect des recommandations
(n = 20)
Non-respect des recommandations
(n = 12)
P*
Hémoglobine préopératoire (g/dl)
9,8 (5,8 ; 13,8) 11,6 (4,4 ; 17) 0,176
Durée opératoire (min) 120 (40 ; 300) 165 (50 ; 420) 0,287
Durée anesthésie (min) 180 (60 ; 350) 240 (100 ; 500) 0,235
Hémoglobine pré-transfusionnelle (g/dl)
7,1 (5,7 ; 8,7) 10,3 (4,4 ; 10,9) 0,002
Hémoglobine post-transfusionnelle (g/dl)
10,4 (8,4 ; 13,8) 11,4 (8,8 ; 15,6) 0,219
Hémoglobine SSPI/chambre/réanimation (g/dl)
10,7 (8,5 ; 13,8) 11 (9 ; 19,2) 0,910
Cristalloïdes totaux (ml/kg) 29 (5 ; 190) 41,5 (15 ; 114) 0,603
Colloïdes totaux (ml/kg) 0 (0 ; 21) 0 (0 ; 10) 0,716
Hypothermie (min) 70 (0 ; 240) 45 (0 ; 180) 0,562
Hypotension (min) 30 (0 ; 180) 35 (0 ; 120) 0.863
Volume transfusé (ml/kg) 13 (5 ; 54) 16,5 (7 ; 34) 0.899
Facteurs de risque de transfusion
ASA < 3 17 (81) 4 (19)
ASA > 3 5 (22,7) 6 (60) 0,050
Comorbidités « autres » : non 11 (91,7) 1 (8,3)
Comorbidités « autres » : oui 11 (55) 9 (45) 0,034
Commande prévisionnelle : oui 1 (9) 10 (90)
Commande prévisionnelle : non 9 (50) 9 (50) 0,029
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DISCUSSION
Dans cette étude de cohorte rétrospective le taux de transfusion en peropératoire de
chirurgie générale pédiatrique était de 0,54% (32 cas sur 5850 patients) dont 37,5% (12 cas)
de transfusions ne respectant pas les seuils transfusionnels recommandés par la Haute
Autorité de Santé en 2014. La majorité des cas de non-conformité concernait des transfusions
par excès (11/12 ; 91,6%). Trois facteurs de risque de transfusion par excès ont été identifiés :
le score ASA > 3, la présence de certaines comorbidités autres que cardiaques, respiratoires,
rénales ou neurologiques ainsi que la réalisation d’une commande prévisionnelle de produits
sanguins en préopératoires.
Validité interne
Cette étude souffre de certaines faiblesses méthodologiques qui en limitent la
puissance et la possibilité de généraliser le résultat à une population plus large. Le caractère
rétrospectif en constitue la principale faiblesse car il engendre la présence de données
manquantes.
La population de l’étude était limitée par son faible effectif (32 patients) mais la
transfusion en chirurgie pédiatrique générale est un événement rare (0,54% des chirurgies).
Donner un caractère multicentrique à cette étude aurait pu permettre d’augmenter le nombre
de patients inclus mais aussi de prendre en compte la chirurgie cardiaque et la neurochirurgie
qui ne sont pas pratiquées à l’hôpital Robert Debré. Les patients pris en charge pour une
chirurgie de scoliose ont été exclus de l’étude car ils constituent une population homogène et
fréquemment exposée aux transfusions sanguines selon des facteurs de risque spécifiques
qu’il convient d’étudier séparément de la population de chirurgie générale [13].
Notre échantillon de patients était caractérisé par un âge médian de 91 mois (7,4 ans)
avec un vaste étalement des âges : minimum à 0 jour de vie (chirurgie le jour de la naissance)
à 206 mois (17 ans). La tolérance à l’anémie chez les patients de néonatalogie est très
différente de celle des autres enfants dont la physiologie se rapproche de celle de l’adulte
[14]. Il semblerait que les patients de néonatalogie soient plus fréquemment transfusés en
péri-opératoire que les enfants plus âgés mais l’âge des patients n’était pas associé à une
augmentation du risque de transfusion par excès en analyse univariée dans notre étude [15].
La disparité des âges de la population finale de l’étude ne semble donc pas un obstacle à
l’interprétation de ses résultats.
Notre étude ne prenait pas en compte d’autres facteurs qui entrent en jeu dans la
décision d’initier une transfusion en peropératoire comme la vitesse de saignement et la
tolérance clinique de l’anémie [11]. On peut aussi regretter l’importance des données
manquantes pour la quantification des pertes sanguines, cette donnée n’étant présente que
chez 9 patients inclus (n = 32 ; 28%) et ne figurant donc pas dans l’analyse finale.
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Validité externe
1- Définition des seuils transfusionnels
De nombreuses études publiées récemment ont souligné l’intérêt de l’utilisation de
protocoles transfusionnels basés sur des seuils transfusionnels restrictifs dans la réduction du
nombre de transfusions. Une méta-analyse de la Cochrane sur 19 essais (6264 patients)
concluait ainsi que l’utilisation d’une stratégie transfusionnelle restrictive aboutissait à une
réduction de 39% du nombre de transfusions (RR 0,61 IC95% 0,52 – 0,72) avec une réduction
significative de la mortalité hospitalière (RR 0,77 IC95% 0,62 – 0,95%) mais sans effet sur la
mortalité à 30 jours [16]. L’emploi de seuils transfusionnels restrictifs n’augmentait pas la
durée d’hospitalisation ou le taux de complications cardiovasculaires, thromboemboliques,
infectieuses. Cette méta-analyse n’incluait qu’une seule étude pédiatrique.
La possibilité d’appliquer des seuils transfusionnels restrictifs n’est étudiée en
pédiatrie que depuis quelques années. Jusqu’ici les essais publiés se sont limités à des
échantillons de patients très sélectionnés : prématurés en réanimation néonatale, enfants de
réanimation pédiatrique, prise en charge post-opératoire de chirurgie cardiaque. Dans l’essai
contrôlé randomisé multicentrique «Transfusion Requirements in the Pediatric Intensive Care
Unit » (TRIPICIU), Lacroix et al. comparaient chez 637 enfants stables de soins intensifs
pédiatriques l’effet d’un seuil transfusionnel restrictif à 7 g/dl d’hémoglobine (n = 320) par
rapport à un seuil libéral à 9,5 g/dl (n = 317) sur la mortalité à 28 jours et la survenue de
nouvelle défaillance [17]. Le nombre de transfusions réalisées était réduit de 44% dans le
groupe « restrictif » (301 vs 542 ; p < 0,001). Seulement 2% des enfants étaient transfusés
dans ce groupe contre 54% dans le groupe « libéral » (p < 0,001) sans augmentation
significative de la mortalité (4% vs 4%) ou de la survenue de nouvelle défaillance d’organe
(12% vs 12%). Cette étude incluait cependant très peu de nouveau-nés (<28 jours) : 11/320
dans le groupe « restrictif » et 8/317 dans le groupe « libéral ».
La transfusion sanguine chez le nouveau-né prématuré répond à des problématiques
spécifiques car le déficit temporaire d’érythropoïèse aboutit à une anémie sévère pouvant
compromettre l’oxygénation tissulaire. Par ailleurs les transfusions de concentrés globulaires
pourraient être associées à la survenue d’hémorragies intra-ventriculaires et d’entérocolites
ulcéro-nécrosantes. S’il n’existe pas de preuve suffisante dans la littérature pour infirmer ou
confirmer le lien de causalité entre la transfusion et l’une de ces deux complications, ces
associations appellent à une stratégie transfusionnelle prudente.
Les protocoles transfusionnels restrictifs et libéraux sont définis dans cette population
sur des seuils d’hémoglobine mais tiennent aussi compte de la présence d’un support
ventilatoire et parfois même de l’âge post-natal comme dans l’étude « Premature Infants in
Need of Transfusion » (PINT) [18]. Dans cet essai contrôlé multicentrique mené auprès de 451
nouveau-nés prématurés (poids de naissance < 1000 g) la mise en place de seuils
transfusionnels restrictifs (223 patients contre 228 dans le groupe « libéral ») s’était
accompagnée d’une réduction significative du nombre d’enfants transfusés (89% contre 95% ;
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p = 0,037) du nombre de transfusions par enfant (4,1 +/- 3,3 contre 5,1 +/- 4,4 ; p = 0,0044)
sans différence sur un critère composite de mortalité et de séquelles de prématurité (74,0%
contre 69,7% ; p = 0,25). Les études sur l’effet des stratégies transfusionnelles restrictives ou
libérales sur le développement neurologique à moyen et long terme montrent à ce jour des
résultats contradictoires.
Les recommandations internationales n’ont pu définir de seuil transfusionnel formel en
l’absence de données suffisantes chez l’enfant et le nouveau-né à terme ou prématuré et
proposent des recommandations de faible grade. Ce manque de recommandations de haut
grade est à l’origine d’une grande variabilité des pratiques en médecine transfusionnelle en
pédiatrie.
2 – Variabilité des pratiques et risque de transfusion excessive
A- Variabilité des pratiques en médecine transfusionnelle
De nombreux auteurs ont étudié l’utilisation de la transfusion de concentrés
globulaires en pratique courante de pédiatrie. Klaus et al. ont par exemple montré qu’à
l’échelle d’un centre hospitalo-universitaire américain (John Hopkins Medical Institutions,
Baltimore) 8 des 12 services de pédiatrie ne respectaient pas le seuil transfusionnel de 7 g/dl
[19]. A l’échelle de ces 12 services (médecine : 4 ; chirurgie : 7 ; réanimation : 1) la différence
de seuil transfusionnel était statistiquement significative (> 2,5 g/dl d’hémoglobine ; p <
0,0001) de même que les taux d’hémoglobine post-transfusionnelle (> 3 g/dl ; p < 0,0001). Les
auteurs ne disposaient malheureusement pas de données suffisantes pour prendre en compte
les comorbidités de certains patients qui justifient des seuils transfusionnels supérieurs (post-
opératoire de chirurgie cardiaque, hémoglobinopathies …).
Si de telles différences de pratiques transfusionnelles peuvent être expliquées en
partie par les différences de comorbidités que présentent les patients à l’échelle d’un hôpital,
on retrouve des résultats comparables à l’échelle d’une spécialité. Dans notre essai la médiane
du seuil transfusionnel était à 7,5 g/dl [4,4 ; 10,9] et nous avons identifié une sous-population
de 12 patients (37,5%) chez laquelle le seuil transfusionnel appliqué était plus élevé (médiane
10,3 g/dl (4,4 ; 10,9)). Ces résultats coïncident avec ceux d’autres études sur le sujet. Jouffroy
et al. ont par exemple étudié les pratiques transfusionnelles des anesthésistes francophones
par l’intermédiaire d’un questionnaire envoyé aux 324 membres de l’Associations des
Anesthésistes Réanimateurs d’Expression Française (ADARPEF) [15]. Pour les 175 répondeurs
(54%), les seuils transfusionnels s’étalaient de 6 à 12 g/dl pour chacun des scénarios cliniques
envisagés avec une médiane à 7,3 g/dl d’hémoglobine en peropératoire et 8,1 g/dl en post-
opératoire. Parmi les facteurs pouvant influencer leur décision de transfuser des concentrés
globulaires, les anesthésistes interrogés citaient le plus souvent la tolérance clinique de
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l’anémie, les comorbidités, l’instabilité hémodynamique mais aussi l’âge, les troubles de
l’hémostase et la présence d’un sepsis.
B - Facteurs de variabilité
L’analyse des facteurs autres que le taux d’hémoglobine pouvant influencer la décision
d’initier une transfusion en per ou post-opératoire est capitale pour envisager des actions
visant à diminuer le taux de transfusion excessive. Dans une étude de cohorte prospective
multicentrique récente incluant 5803 transfusions peropératoires (chirurgie pédiatrique
exclue) effectuées entre avril et décembre 2013 dans 126 centres hospitaliers européens il
apparaissait que le taux d’hémoglobine était le seul élément pris en compte pour déclencher
une transfusion dans seulement 8,5% des cas [20]. Dans 59% des cas la décision de transfuser
était influencée au moins en partie par la prise en compte d’une « variable physiologique » en
particulier l’hypotension (55,4%) et la tachycardie (30,7%). D’autres facteurs plus spécifiques
de l’hypoxie tissulaire comme l’hyperlactatémie et la saturation veineuse en oxygène (SvO2)
étaient rarement pris en compte (respectivement 7,3% et 3,4%). La présence de comorbidités
cardiovasculaires était aussi prise en compte dans la décision de transfuser dans 35,4% des
cas, les autres antécédents ayant une influence moins importante. L’âge était aussi un facteur
de risque de transfusion dans cette étude.
Si des facteurs cliniques peuvent contribuer à la décision de transfuser un patient,
d’autres critères plus subjectifs et dont l’importance relative est difficile à quantifier peuvent
aussi influencer cette décision. Par des entretiens avec 15 médecins, Fortin et al. se sont
intéressés à ces facteurs non cliniques qui entrent en jeu dans l’initiation d’une transfusion en
contexte aigüe (réanimation pédiatrique, 7 praticiens) ou chronique (hématologie
pédiatrique, 8 praticiens) [21]. Si les médecins interrogés n’étaient pas influencés dans leurs
décisions par des croyances religieuses sur les propriétés thérapeutiques de la transfusion
sanguine, ils reconnaissaient que la décision de transfuser un patient faisait souvent appel à
un « jugement clinique » qui dépend de l’âge et de l’expérience du praticien. D’après les
praticiens consultés dans cet essai, ces facteurs subjectifs seraient en cause dans la variabilité
des pratiques transfusionnelles que l’on peut observer au sein d’une équipe, et être des
facteurs de résistance au changement. Il est important de souligner que la plupart des
médecins interrogés déclaraient avoir eu une formation à la médecine transfusionnelle
insuffisante au cours de leurs études et s’être formés par eux-mêmes, ce qui peut être un
obstacle à l’uniformisation des pratiques.
C - Incidence des transfusions excessives
La variabilité dans les pratiques transfusionnelles et les seuils transfusionnels
appliqués en pratique courante fait s’interroger sur l’incidence des transfusions excessives.
Dans notre étude sur 32 transfusions réalisées en peropératoire de chirurgie pédiatrique
générale le taux de transfusions non justifiées était de 32% (12 cas sur 20). Il existe plusieurs
obstacles pour comparer ce résultat aux autres études sur cette question, à commencer par
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la définition même d’une transfusion « excessive ». Les études sur le sujet souffrent souvent
de faiblesses méthodologiques car il s’agit en général d’études rétrospectives incluant des
populations hétérogènes avec parfois beaucoup de données manquantes, notamment sur les
comorbidités, la présence d’un saignement actif, la tolérance clinique de l’anémie. Dans une
étude de cohorte rétrospective sur 1474 transfusions réalisées en Irlande en 2005, Barr et al.
concluaient à un taux de transfusion excessive de 23% (IC95% : 20,4 – 24,7%) dans une
population hétérogène de patients adultes de médecine et chirurgie. Ce résultat est cohérent
avec les autres études publiées sur cette question [12].
D’autres travaux sur la transfusion excessive s’intéressent particulièrement à la
quantité de sang transfusée pour définir la transfusion excessive. Edwards et al. proposaient
par exemple de définir la transfusion excessive comme un taux d’hémoglobine supérieur à 10
g/dl en sortie d’hospitalisation. Appliqué à un groupe d’hôpitaux américains dans l’état du
Kansas, ce critère de jugement leur permettait d’estimer le taux de sur-transfusion entre 27
et 47% des cas selon le centre étudié [22]. D’autres auteurs proposent de définir la transfusion
excessive sur une augmentation du taux d’hémoglobine supérieure à 2 ou 3 g/dl après
transfusion.
3- Comment diminuer les transfusions excessives ?
A - Modification des pratiques
De nombreuses interventions sont possibles afin de réduire le nombre de transfusions
inappropriées. Leurs objectifs sont multiples : éviter la consommation non justifiée d’une
ressource rare, diminuer les coûts, limiter les risques inhérents à la transfusion de produits
sanguins. Ces protocoles ne visent pas un respect total des recommandations car celles-ci ne
peuvent évidemment pas couvrir l’ensemble des situations rencontrées en pratique courante
et doivent laisser aux praticiens leur autonomie de prescription.
Les différentes interventions qui peuvent modifier les pratiques au quotidien ont été
exposées par Timmouth et al. en 2005 [23] dans une revue de la littérature : publication de
recommandations locales (en accord avec les recommandations nationales ou
internationales), audits internes rétrospectifs ou prospectifs, formation des praticiens,
modification des formulaires de transfusion. Si toutes ces interventions semblaient efficaces,
permettant une réduction du nombre de transfusion entre 9% et 77% ainsi que du nombre de
patients transfusés entre 17% à 79%, l’hétérogénéité des études publiées ne permettait pas
de conclure à la supériorité d’une technique par rapport aux autres. En outre, aucune étude
ne comparait l’efficacité de 2 interventions.
L’informatisation croissante des dossiers médicaux et des systèmes de prescriptions
médicales offre aussi des solutions intéressantes au problème des transfusions inappropriées.
Au Stanford Hospital and Clinics (Stanford, Californie, USA) l’ajout dans le logiciel de
prescription de fenêtres de rappel des bonnes pratiques en médecine transfusionnelle a
permis de faire baisser le taux de transfusions ne respectant pas les recommandations de 66%
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à 35% entre septembre 2008 et décembre 2010 [24]. Des résultats similaires ont été observés
en pédiatrie [25]. Ces deux études n’incluaient malheureusement pas les transfusions
réalisées en peropératoire.
B - Quantité de sang transfusé
Si de nombreux auteurs ont voulu diminuer la consommation de concentrés
globulaires par des actions sur le respect des seuils transfusionnels, peu d’essais ont cherché
à agir sur la quantité de sang transfusée. En population adulte, la transfusion systématique de
deux concentrés globulaires ne repose sur aucune preuve scientifique de qualité mais semble
pourtant bien ancrée dans la pratique quotidienne. Dans leur série multicentrique
européenne de 5803 patients transfusés en peropératoire en 2013, Meier et al. retrouvaient
un nombre médian de concentrés globulaires de 2,5 par patient avec un taux d’hémoglobine
post-transfusionnel médian à 9,8 g/dl [20]. A l’échelle d’un centre hospitalo-universataire,
Marques et al. constataient qu’en 2008 seulement 20% des commandes étaient faites pour la
transfusion d’un seul concentré globulaire [26].
Il existe pourtant des alternatives à cette pratique mais davantage d’études sont
nécessaires pour conclure à leur efficacité et leur sécurité. En population adulte, Berger et al.
ont étudié les conséquences de la transition d’un protocole de transfusion de 2 à 1 concentré
globulaire chez 139 patients d’hémato-oncologie en cours de chimiothérapie intensive,
allogreffe ou autogreffe de moelle [27]. Le nombre de concentrés globulaires transfusés était
réduit de 25% soit 2,7 concentrés globulaires de moins en moyenne par cycle par patient. Il
n’était pas constaté d’augmentation de l’incidence des hémorragies ou du nombre de
transfusions plaquettaires suite à l’instauration du protocole de transfusion de 1 concentré
globulaire. La morbi-mortalité était la même dans les deux groupes. Si cette attitude semble
difficilement transposable aux situations d’hémorragie aigüe peropératoires, elle pourrait
tout de même être appliquée à certaines situations rencontrées en péri-opératoire mais doit
être davantage étudiée dans ce contexte.
En pédiatrie l’HAS recommande la transfusion d’un volume de sang autour de 20 ml/kg
calculé à partir de deux formules : [11]
K x poids (kg) x (Hte cible – Hte actuelle) / Hte CGR ou k correspond au volume sanguin
total du patient
Poids (kg) x ([Hb] cible (en g/dl) – [Hb] mesurée (en g/dl)) x 3
Il n’existe malheureusement pas d’étude récente s’intéressant au volume de sang à transfuser
chez le nouveau-né à terme.
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C - Gestion intégrée de la transfusion
La « gestion intégrée de la transfusion » regroupe un ensemble de mesures
préventives destinées à ne recourir à la transfusion sanguine qu’à bon escient. Pour diminuer
le recours à la transfusion en période peropératoire, les protocoles de gestion intégrée de la
transfusion reposent sur différentes possibilités : augmentation de la masse érythrocytaire,
réduction des pertes, utilisation du sang épanché [28].
L’augmentation de la masse érythrocytaire s’obtient principalement par
l’administration d’érythropoïétine et de fer en préopératoire. La transfusion autologue
programmée n’est utilisée aujourd’hui que de façon anecdotique. La réduction des pertes
sanguines peropératoires repose surtout sur une optimisation pharmacologique de
l’hémostase du patient par un traitement antifibrinolytique, l’acide tranexamique mais peut
aussi s’appuyer sur la transfusion de plasma ou de plaquettes. La place de la biologie
délocalisée dans la correction de l’hémostase reste encore à définir. L’hémodilution
isovolémique n’est plus pratiquée par manque de preuve sur son efficacité dans la diminution
des transfusions sanguines par rapport à un simple abaissement des seuils transfusionnels.
L’utilisation du sang épanché présente un intérêt dans les chirurgies particulièrement
hémorragiques (saignement > 15% de la volémie) sous réserve d’utilisation d’un système
d’autotransfusion automatisé avec lavage des cellules. La récupération post-opératoire sans
lavage peut aussi être pratiquée dans les 6 premières heures postopératoires [29].
D - Formation médicale
Comme nous l’avons vu précédemment, le manque d’enseignement dédié à la
transfusion sanguine lors de la formation initiale ou continue des médecins et des chirurgiens
joue probablement un rôle important dans la variabilité des pratiques transfusionnelles et la
survenue de transfusions non indiquées. Arinsburg et al. ont évalué les connaissances
générales en médecine transfusionnelle de 189 praticiens dans 4 hôpitaux universitaires de la
ville de New York (USA) [30]. Toutes les spécialités étaient représentées en particulier
l’anesthésie (22%), la médecine interne (18%), la chirurgie orthopédie (12%) et la pédiatrie
(11%). Le taux médian de réponses correctes était de 31,4 +/- 18,3%. Les sujets ayant reçu une
formation dédiée à la transfusion sanguine (>5h) au cours des 5 années précédentes avaient
des résultats meilleurs que ceux n’ayant pas eu de formation récente. La majorité des
répondeurs déclaraient avoir besoin de plus d’enseignement sur la transfusion sanguine. La
plupart des essais évaluant les connaissances en médecine transfusionnelle retrouvent des
résultats similaires. Il est difficile de généraliser les conclusions de ces études car les modalités
de formation initiale et continue diffèrent beaucoup d’un centre à l’autre, à l’échelle nationale
et internationale.
De nombreuses pistes ont été explorées pour améliorer les connaissances des
praticiens sur la transfusion sanguine : audits, conférences, cours magistraux qu’il ne nous
appartient pas de détailler ici. On peut tout de même souligner un intérêt grandissant pour
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les nouveaux outils de formation comme le « e-learning » et l’apprentissage par simulation.
Une étude publiée récemment montrait des résultats prometteurs d’une formation sur
mannequin auprès de 70 internes en anesthésie (Faculté de médecine de l’Université du
Minnesota) avec un maintien des connaissances à 6 semaines [31].
Un certain nombre de questions restent en suspens notamment sur l’organisation de
la formation médicale initiale et continue et le maintien des connaissances acquises au long
cours (>1 an).
4 – Vers une nouvelle définition des seuils transfusionnels ?
La justification de la transfusion de globules rouges est d’augmenter le transport
artériel en oxygène (TaO2) afin de satisfaire la consommation d’oxygène (VO2). Le TaO2
dépend du débit cardiaque (Qc), de la saturation artérielle en O2 (SaO2), du taux
d’hémoglobine [Hb] et s’écrit : TaO2 = Qc x CaO2 = Qc x SaO2 x [Hb] x (PaO2 + 0,003).
Bien que la transfusion de concentrés globulaires augmente le taux d’hémoglobine,
elle ne permet souvent pas d’augmenter la consommation d’oxygène en l’absence
d’instabilité hémodynamique notable car la VO2 est le plus souvent indépendante du
transport artériel en O2. Ce concept est illustré par une étude publiée en 2014 par Fiser et al.
[32] qui se sont intéressés à l’effet de la transfusion sanguine sur la SvO2 et la saturation
tissulaire cérébrale en oxygène (StO2) évaluée par spectrométrie de proche infra-rouge (NIRS)
chez 45 enfants sous ECMO. Les transfusions étaient jugées « efficaces » si la SvO2 et/ou la
StO2 cérébrale augmentaient de plus de 5%. Parmi les 617 transfusions de concentrés
globulaires, seules 5% remplissaient le critère d’efficacité sur l’augmentation de la SvO2 et 9%
sur l’augmentation de la StO2 cérébrale. Ce résultat n’était pas modifié par l’hématocrite pré-
transfusionnelle (25-45%), la durée de stockage des concentrés globulaires (0-30 jours),
l’indication d’ECMO (cardiaque ou respiratoire).
Les seuils transfusionnels « traditionnels » basés sur le taux d’hémoglobine sont
aujourd’hui de plus en plus remis en cause notamment en soins intensifs. De nombreux
auteurs appellent à une individualisation des stratégies transfusionnelles basée sur une
mesure de l’oxygénation tissulaire régionale [33]. De nouveaux outils de monitorage ont été
développés et sont actuellement en cours d’étude. Parmi ceux-ci, le NIRS est celui qui présente
le plus d’intérêt potentiel en pédiatrie. Il s’agit d’un outil de monitorage non invasif basé sur
la différence d’absorption de la lumière infra-rouge entre l’oxyhémoglobine et la
désoxyhémoglobine au travers des tissus biologiques. L’analyse du signal renseigne sur
l’oxygénation tissulaire (microvaisseaux de diamètre < 1 mm) artériolaire, veineuse et
capillaire environ 2 cm sous la surface cutanée [34].
Le NIRS permet l’étude de l’oxygénation tissulaire cérébrale et est régulièrement
utilisé en réanimation néonatale et pédiatrique ainsi que pour la surveillance de l’anesthésie
des nouveau-nés à terme et des prématurés. Pour H.W Koch et T.G Hasen la StO2 cérébrale
mesurée par NIRS serait plus sensible que le monitorage standard (oxymétrie de pouls,
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pression artérielle, fréquence cardiaque) pour détecter les désaturations peropératoires et les
apnées postopératoires des nouveau-nés [35]. Il parait concevable que cet outil supplante le
taux d’hémoglobine comme seuil transfusionnel en peropératoire chez les nouveau-nés car
de nombreux auteurs ont déjà étudié l’effet de la transfusion sanguine sur la StO2 cérébrale.
Seidel et al. ont ainsi montré une amélioration significative de la perfusion cérébrale et
périphérique et une diminution significative du nombre de désaturations après transfusion
chez des prématurés (n=25) ayant une StO2 cérébrale < 55% par rapport aux prématurés ayant
une StO2 >55% (n=51) [36]. La SpO2, fréquence cardiaque, pression artérielle, hématocrite
étaient comparables entre les groupes. Les auteurs concluaient que le NIRS pouvait être une
aide à la décision d’initier une transfusion sanguine en néonatalogie.
CONCLUSION
Les transfusions inappropriées sont courantes en peropératoire de chirurgie générale
pédiatrique et semblent liées à un score ASA>3, à certaines comorbidités et à la présence
d’une commande prévisionnelle. De nombreuses actions sont possibles pour réduire le taux
de transfusions non justifiées en modifiant les pratiques locales ou en améliorant la formation
des médecins. Des études supplémentaires s’imposent pour évaluer l’efficacité de ces
mesures dans la réduction du taux de transfusion non indiquées.
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