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-1- Fabrication de sabres Le choix des minerais Afin de faire une bonne lame, le forgeron doit commencer par rassembler une grande quantité de fer. Ce fer appelé satetsu pouvait se présenter sous la forme de sable fin ou de gravier. Ceux qui n’avaient pas de mine dans les environs devaient parfois envoyer des personnes récupérer des paillettes de fer dans les rivières, en bord de mer ou sur des affleurements. Le minerai obtenu devait ensuite être trié convenablement en fonction de la couleur et d'autres indices. Au XVIe siècle, à partir de l’arrivée des Nanbans, les forgerons japonais importèrent de l’acier par l’intermédiaire de marchands Portugais. La réduction du minerai Après l’opération de réduction faite dans le tatara (bas fourneau entouré de deux soufflets permettant d’obtenir des débits continus), le forgeron sélectionne dans la loupe, appelée keranote, le métal idéalement carburé, l'acier tamahagane. C'est cet acier que le forgeron va transformer en katanas. La forge Le forgeage d'une lame de sabre japonais comporte un grand nombre d'étapes qui durent environ un mois. Le forgeron améliore la qualité du métal à la fois en le comprimant pour en chasser les impuretés (c'est donc une opération de cinglage, et non de forgeage) et en sélectionnant les morceaux de métal à partir de leur faciès de rupture. Le vocabulaire japonais distingue de manière précise ces étapes : Oroshigane Tsumikawashi Kitae Shita Gitae Age Gitae Shintetsu Tsukurikomi Sunobe Hizukuri Shiage La première étape consiste à prendre chaque bout du tamahagane et à l’aplatir sous forme de galettes de 5 à 7 millimètres d’épaisseur et d’environ 10 à 20 cm de diamètre. Chacune des galettes est chauffée au rouge puis plongée dans l’eau froide. Cette galette ainsi trempée est brisée de nouveau en petites galettes de 4 à 6 centimètres de long. Chaque galette est examinée attentivement sur sa tranche; celles qui se brisent facilement et dont la cassure présente un grain grisâtre sont fortement carburées (et serviront à fabriquer l'acier dur), celles qui présentent un grain blanc sont faiblement carburées (et serviront à fabriquer la partie centrale de l'arme contenant l'acier souple). La deuxième étape consiste à faire au minimum deux briques à partir de ces galettes. Chacune des briques est aplatie à haute température et brisée en petits morceaux. Cette étape répétée plusieurs fois sert entre autres à évacuer les impuretés du métal et à répartir les galettes en fonction de leur dureté. Une fois le résultat jugé convenable, le forgeron refait une brique qu’il va plier de nombreuses fois. En fait, le pain de métal est martelé, allongé, puis replié sur lui-même 23 fois en accord avec la tradition — puis ces couches sont intimement soudées les unes aux autres à la forge par martelage équilibré sur chaque face. Le résultat de cette étape ne sera visible que plus tard: c’est ce qui déterminera le hada (grain de l’acier). Bien sûr, la méthode change en fonction du type de hada que l’on recherche, mais chaque école possède ses propres techniques, ce qui nous permet de les différencier. Contrairement à une légende largement répandue, le nombre de pliages est limité car sinon le métal serait trop condensé et perdrait de sa souplesse. Une fois que les différentes briques ont été feuilletées suffisamment de fois, le forgeron les assemble en fonction du modèle voulu. Il soude ces différentes parties entre elles et allonge le tout. Une fois la lame allongée et considérée comme prête, le forgeron prépare sa lame pour la trempe.

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Fabrication de sabres

Le choix des minerais Afin de faire une bonne lame, le forgeron doit commencer par rassembler une grande quantité de fer. Ce fer

appelé satetsu pouvait se présenter sous la forme de sable fin ou de gravier. Ceux qui n’avaient pas de mine dans les environs devaient parfois envoyer des personnes récupérer des paillettes de fer dans les rivières, en bord de mer ou sur des affleurements. Le minerai obtenu devait ensuite être trié convenablement en fonction de la couleur et d'autres indices.

Au XVIe siècle, à partir de l’arrivée des Nanbans, les forgerons japonais importèrent de l’acier par l’intermédiaire de marchands Portugais.

La réduction du minerai Après l’opération de réduction faite dans le tatara (bas fourneau entouré de deux soufflets permettant

d’obtenir des débits continus), le forgeron sélectionne dans la loupe, appelée keranote, le métal idéalement carburé, l'acier tamahagane. C'est cet acier que le forgeron va transformer en katanas.

La forge Le forgeage d'une lame de sabre japonais comporte un grand nombre d'étapes qui durent environ un mois.

Le forgeron améliore la qualité du métal à la fois en le comprimant pour en chasser les impuretés (c'est donc une opération de cinglage, et non de forgeage) et en sélectionnant les morceaux de métal à partir de leur faciès de rupture.

Le vocabulaire japonais distingue de manière précise ces étapes :

• Oroshigane • Tsumikawashi • Kitae • Shita Gitae • Age Gitae • Shintetsu • Tsukurikomi • Sunobe • Hizukuri • Shiage

La première étape consiste à prendre chaque bout du tamahagane et à l’aplatir sous forme de galettes de 5

à 7 millimètres d’épaisseur et d’environ 10 à 20 cm de diamètre. Chacune des galettes est chauffée au rouge puis plongée dans l’eau froide. Cette galette ainsi trempée est brisée de nouveau en petites galettes de 4 à 6 centimètres de long. Chaque galette est examinée attentivement sur sa tranche; celles qui se brisent facilement et dont la cassure présente un grain grisâtre sont fortement carburées (et serviront à fabriquer l'acier dur), celles qui présentent un grain blanc sont faiblement carburées (et serviront à fabriquer la partie centrale de l'arme contenant l'acier souple).

La deuxième étape consiste à faire au minimum deux briques à partir de ces galettes. Chacune des briques est aplatie à haute température et brisée en petits morceaux. Cette étape répétée plusieurs fois sert entre autres à évacuer les impuretés du métal et à répartir les galettes en fonction de leur dureté.

Une fois le résultat jugé convenable, le forgeron refait une brique qu’il va plier de nombreuses fois. En fait, le pain de métal est martelé, allongé, puis replié sur lui-même 23 fois en accord avec la tradition — puis ces couches sont intimement soudées les unes aux autres à la forge par martelage équilibré sur chaque face. Le résultat de cette étape ne sera visible que plus tard: c’est ce qui déterminera le hada (grain de l’acier). Bien sûr, la méthode change en fonction du type de hada que l’on recherche, mais chaque école possède ses propres techniques, ce qui nous permet de les différencier. Contrairement à une légende largement répandue, le nombre de pliages est limité car sinon le métal serait trop condensé et perdrait de sa souplesse.

Une fois que les différentes briques ont été feuilletées suffisamment de fois, le forgeron les assemble en fonction du modèle voulu. Il soude ces différentes parties entre elles et allonge le tout. Une fois la lame allongée et considérée comme prête, le forgeron prépare sa lame pour la trempe.

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La trempe Il s’agit là d’une autre étape essentielle pour faire la différence entre un bon sabre et un sabre de moindre

qualité. Cette étape constitue en fait le moment où le forgeron doit s’assurer du tranchant, mais sans affecter la souplesse de la lame. Pour cela, les forgerons japonais réalisent une trempe partielle : en recouvrant une partie de la lame d’un mélange d’argile réfractaire, de poudre de charbon de bois, de silice et d’autres éléments gardés secrets par chaque forgeron, on se retrouve à isoler du froid le dos et les flancs de la lame (soit les parties de la lame dont on veut conserver la souplesse).

Ainsi donc, lorsque la lame sera trempée dans l'eau, seul le tranchant sera refroidi suffisamment rapidement pour former un acier dur, ce qui conférera au tranchant de l’arme une dureté extrême tout en conservant une résistance élevée aux chocs pour l’ensemble.

Cette trempe sélective forme également la ligne de trempe (hamon) dont les formes sont caractéristiques des écoles et forgerons.

Le polissage Le polissage sommaire : après la trempe, il est difficile pour le forgeron de constater si la lame est de bonne

qualité ou non. Pour cela, il effectue un polissage sommaire qui lui donne les indications nécessaires (bonne formation de la ligne de trempe, homogénéité de la solidité de l’acier, etc.). Si le résultat lui convient, il peut alors la donner au polisseur qui la mettra en valeur. Dans le cas contraire, il peut chauffer à nouveau la lame et tenter une nouvelle trempe.

Ensuite, le polisseur s'appliquera pendant plusieurs jours, voire plusieurs semaines, à faire ressortir la beauté de la lame tout en lui donnant son tranchant final à l'aide de 3 différents types de pierres.

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Inari et ses esprits renards aident le forgeron Munechika à forger la lame kogitsune-maru à la fin du Xe siècle.

La légende est le sujet du drame noh Sanjō Kokaji.

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Masamune

Masamune Okazaki est l'un des plus grands forgerons japonais. Il aurait fabriqué l'essentiel de ses sabres entre 1288 et 1328 et il vivait dans la province de Sagami. Élève de Shintōgo Kunimitsu, son travail est réputé pour sa très bonne qualité d'acier à une époque où le minerai utilisé, le sable de fer, était souvent impur. De plus, on considère souvent que parmi les forgerons, il est le plus éminent dans la création du nie (effet due à la trempe).

Les œuvres certifiées de Masamune sont d'environ une dizaine. Beaucoup sont individuellement nommées, telles que Honjo Masamune (l'un des katana personnels des Tokugawa, cette lame ouvrit en deux le sommet d'un Kabuto au combat).

La quasi-totalité de ces lames ne sont pas signées. Masamune ayant découvert une nouvelle méthode de forge pour produire des lames plus belles, plus endurantes et plus tranchantes, s'enorgueillit de ses œuvres qu'il supputa inégalable : n'importe quel connaisseur pouvait les reconnaître sans même avoir besoin de lire la signature, et donc Masamune s'abstint de signer tout simplement. Une tombe existe à Kamakura, dans le temple de Hongaku-ji (deux, plus précisément, situées l'une à cotées de l'autre et douées de pierres tombales identiques).

Élèves

Si un groupe de dix fut constitué par les générations ultérieures, nommé Masamune Juttetsu, Masamune a eu de nombreux élèves, parmi lesquels Hikoshiro Sadamune (le fils biologique ou adoptif de Masamune, regardé comme l'égal de celui-ci), Soshu Ju Akihiro et Sagami-no-kuni Hiromitsu. Parmi tous ses élèves, on considère Go Yoshihiro comme le meilleur, suivi de près par Samonji. Ci-dessous, une liste des Masamune Juttetsu :

Chogi

Il ne fut pas un étudiant direct de Masamune. Ses travaux sont considérablement influencés par le travail de Masamune. L'une de ses œuvres les plus fameuses, Hachimonji ou Meibutsu Hachimonji-Chōgi, est le katana de Satake Yoshishige, avec lequel il aurait tranché en deux un samouraï en armure et à cheval, du sommet du crâne jusqu'à la scelle, casque inclus.

Kanemitsu

Considéré pour avoir créé certains des sabres les plus tranchants qui soient, il en produisit pour nombre de grands hommes et généraux. Son nom complet se traduit à peu près ainsi : "Province de Bizen, artisan de Osafune (l'une des plus prestigieuses forges) Saemon-no-jo (une charge honorifique à la Cour Impériale) Kanemitsu (il s'agit d'un Nanori, une sorte de prénom pour gentilhomme sinisé) du clan Fujiwara (nom de clan aristocratique ancestral)."

Shizu Saburo Kaneuji

Shizu Saburō Kaneuji a vécu dans la province de Yamato, où il était un forgeron habille de l'école Tegai, à la fin de l'époque Kamakura et au début de l'époque Nanbokucho (guerre entre la Cour du Nord et celle du Sud). Kaneuji migra à Mino où il devint l'élève de Masamune, il s'installa ensuite ailleurs à Mino, dans un lieu appelé Shizu à l'époque et par lequel on se réfère à lui couramment depuis. Ainsi fût fondé l‘école Mino-den, hybride entre les écoles Tegai et Soshu ; par la suite, beaucoup de forgerons Yamashiro-den se sont convertir à Soshu-den, tandis que ceux des traditions Bizen et Mino se lançaient à corps perdu dans la production de masse, pour alimenter la forte demande en armes de l'époque Sengoku. Les œuvres de Kaneuji sont aussi belles que variées, avec de multiples combinaisons de Nagasa (longueur de lame), Sori (courbures), Kissaki (pointe) et Horimono (gravures) entre autres.

Kinju

Aussi appelé Doami, de son nom bouddhiste, il était prêtre à Seisen-ji, en la province d’Echizen. Kinju appréciait les Tachi (sabre de cavalerie, précurseur du katana) de l'époque Nanbokucho, ses œuvres en sont des réminiscences très raffinées. Ainsi, parmi les caractéristiques de ses œuvres, on notera que ses sabres sont longs, fins et élégants, avec des courbures égales et des Sori peu profonds. Sans surprise de la part d'un moine bouddhiste, ses horimono sont typiquement des motifs religieux.

Kunishige

Il a créé l'école de Hasebe. Il a réalisé Heshikiri Hasebe (le coupeur puissant), possédé par Oda Nobunaga, puis par Toyotomi Hideyoshi. Le sabre prend son nom de l'histoire d'Oda Nobunaga, qui utilisa Heshikiri pour

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occire un certain Kannai, un maître de thé l'ayant trahi, Nobunaga aurait d'après l'anecdote utilisé le seul poids de l'épée pour tuer le pauvre homme, coupant en deux par là même la table derrière lequel il se cachait.

Kunitsugu

Fils du maître forgeron Rai Kuniyuki et disciple du maître forgeron Masamune, Il vivait dans la province du Yamashirō.

Saemonzaburo

Aussi connu sous le nom de Samonji ou Chikuzen Samonji. Ses œuvres sont célèbres, notamment Yoshimoto Samonji, le tachi de Imagawa Yoshimoto récupéré sur son cadavre par Oda Nobunaga à Okehazama. Et Kōsetsu Samonji, tachi de Tokugawa Ieyasu. On dit aussi que lorsque Takeda Shingen effectua sa cérémonie du Genpuku (passage à l'âge adulte), il fît la commande d'un Samonji.

Bien que beaucoup de forgerons descendants de Samonji et de ses élèves avaient l'habitude de signées "Sa" avec désinvolture, et bien que nombre d'entre eux soient de grands forgerons, on considère qu'aucun d'entre eux n'a atteint l'éminence et la perfection technique du véritable Sa. Les œuvres de Samonji sont donc aisément distinguables de celles de ses élèves et des imitateurs ! Les fils et disciples en question sont nommés Sa Yasuyoshi, Sa Yoshisada, Sa Yoshihiro, Sadayuki, Yukihiro et Sadayoshi.

Saeki Norishige

Ayant aussi signé ses œuvres sous le nom de Etchu-no-kuni Norishige et Sagami-no-kuni Norishige entre autres. Bien que spécialisé dans les Tantō, ses Daitō (Tachi, Katana et Wakizashi) sont de qualité supérieure bien qu'ayant un sugata très classique.

Go Yoshihiro

De son nom complet Etchu Matsukura Go Umanosuke Yoshihiro, c’est le plus fameux des étudiants de Masamune. Fils d'un samouraï du clan Tomoi, il devint forgeron très jeune mais décéda à 27 ou 30 ans, selon les sources, ce qui rendit son travail très rare...

Naotsuna

Un forgeron talentueux travaillant dans le style So-den Bizen. Ses œuvres sont plutôt rares et la plupart sont des daitō sans horimono.

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Muramasa Sengo

Sengo Muramasa était un forgeron de sabres très célèbre bien que particulièrement obscur. Il fonda sa propre école, du nom de Sengo, au XVIe siècle centrée sur la province d'Ise. Il semble avoir porté à la Cour Impériale le titre honorifique de Uemon-no-jō correspondant à un rôle de garde impérial, dans le système Ritsuryō, obsolète à l'époque. Muramasa semble aussi avoir été moine bouddhiste, sous le kaimyō (nom du Dharma) de Myōdai.

Artisan à l'identité quelque peu trouble, on pense qu'il y eut en fait plusieurs générations d'héritiers du nom de Muramasa, entre deux et huit personnes. Ce qui est sur néanmoins, c'est que le forgeron de la seconde génération fut le plus fameux d'entre eux, un prodige qui domina largement les autres en talent et réputation. Les héritiers de Muramasa, à partir de la 4ème génération, préférèrent signer du nom de leur école, Sengo, plutôt que Muramasa, en raison de la prohibition des Tokugawa.

Les lames Muramasa sont principalement connues et reconnaissables à cinq choses :

• leur excellent comportement de coupe et endurance ; • le hamon miroir de la lame, c'est-à-dire formant un motif uniforme et similaire, voire quasiment identique

sur les deux côtés de la lame). Accomplir cela est extrêmement difficile, en particulier pour les hamon les plus complexes et sophistiqués. Façonner un hamon est complètement différent de peindre sur une toile, et même les Suguha-Hamon requièrent des aptitudes, une habilité particulièrement élevée. En d'autres termes, le contrôle habile de Muramasa sur ses Hamon est presque surhumain ;

• une soie (nakago) de type Tanagobara-gata (ventre de poisson). Ce type de nakago n'est bien sur pas unique à Muramasa, mais elle fait partie des caractéristiques de son école de forge ;

• la signature écrite sur la nakago est inscrite d'une façon quelque peu particulière à Muramasa ; • la malédiction, associée au concept de Yōtō, c'est-à-dire de lame maudite, de katana yōkai et au concept

de Tsukumogami (kami des objets), c'est-à-dire, dans ce cas-ci, la croyance que certains sabres ont une âme.

Selon la légende qui entoure Muramasa, il était connu pour sa violence de caractère et transmettait cette

violence à l'âme de ses sabres. La croyance dit aussi que ses sabres étaient assoiffés du sang poussant leurs propriétaires à commettre des crimes ou bien au suicide, car les Tsukumogami de ces lames maudites refusaient de retourner au fourreau tant qu'elles n'avaient pas fait couler le sang, fût-ce celui de leur propriétaire. Ieyasu Tokugawa ayant été blessé deux fois par les lames de Muramasa, il s'ensuivit l'interdiction de port de ces dernières lors du shogunat.

Ci-dessous, une liste non exhaustive des méfaits attribuées aux lames de Muramasa.

• Matsudaira Kiyoyasu fut tué par un katana de Muramasa, la lame le trancha en deux de l'épaule jusqu'à la hanche opposée. Le coupable était le fils de l'un des suivants les plus distingués de Kiyoyasu.

• Matsudaira Hirotada fut blessé par un wakizashi de Muramasa, l'assassin qui s'était glissé dans ses appartements était un samouraï ivre, mais guerrier vétéran et loyal, ayant pris de nombreuses têtes ennemies sur le champ de bataille.

• Matsudaira Nobuyasu, le fils de Ieyasu, fut contraint au seppuku. Son kaishaku était l'un de ses meilleurs amis. Mais celui-ci, au moment de le décapiter, se mit à pleurer si fort qu'il ne pouvait officier. Le témoin officiel, un certain Amagata Michioki se précipita pour mettre un terme aux souffrances du malheureux, mais malheureusement, Michioki n'avait alors qu'un wakizashi entre ses mains. C'était un Muramasa.

• Tokugawa Ieyasu lui même fut blessé au moins deux fois par un Muramasa. La première, enfant, il utilisait son kozuka lorsqu'il s'est blessé avec, il s'agissait d'une blessure très légère, une égratignure pour ainsi dire, mais il lui causa une douleur d'une intensité anormale. C'est sans doute à ce moment-là que Ieyasu commença à craindre les Muramasa et à envisager une malédiction.

• La seconde fois, Ieyasu inspectait avec curiosité sur le champ de bataille la lance de l'un de ses officiers. Oda Nagataka, le fils de Oda Urakusai Nagamasu, qui était le frère de Oda Nobunaga. Pendant la bataille de Sekigahara, lors d'un combat au corps à corps, possiblement un duel, Nagataka tua un commandant ennemi du nom de Tōda Shigemasa en lui transperçant à la fois la tête et le heaume avec son Yari, d'un seul coup, comme on enfile un fil avec une aiguille. C'est pourquoi Ieyasu était curieux au sujet de cette arme incroyable. En la voyant de près, il la découvrit complètement intacte, tandis que normalement, lorsqu'une lame entre en contact violent avec un objet aussi ou plus solide que lui, l'acier est endommagé et le tranchant émoussé. Mais dans un moment d’inattention (Ieyasu était déjà d'un âge avancé à l'époque,

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et il décéda quelques années plus tard) la lance lui échappa des mains et le blessa légèrement au doigt. Ieyasu s'exclama en plaisantant à moitié qu'il devait s'agir d'un Muramasa. Urakusai le lui confirma aussitôt, à son grand embarras. À l'époque, tous les ennemis des Tokugawa (en particulier Sanada Yukimura, bien que les sources varient sur la nature de la lame Muramasa en sa possession, certaines disent un O-Wakizashi, d'autres un Tachi, et curieusement c'est un Jumonji-Yari qui est couramment associé à ce samouraï) s'arrachait les œuvres de Muramasa, afin de lui porter malheur. L'incident faillit causer une rupture entre les survivants de la maison Oda et leurs nouveaux liges Tokugawa, mais Nagataka prouva sa fidélité en tranchant aussitôt la hampe de sa lance avec son wakizashi.

Une légende dit que deux lames signées par Masamune et Muramasa auraient été testées dans un cours d'eau. Selon les versions, les deux forgerons ont pris l'initiative ou bien il s'agit de l'idée d'un ou de samouraïs ayant les deux sabres en leur possession. Plantée dans le cours d'eau en première, le sabre de Muramasa trancha tout ce qui se trouvait sur son passage : les feuilles mortes, les poissons et jusqu'à l'air lui-même. Quant au sabre de Masamune, ce qui flottait à la dérive évitait mystérieusement le fil de la lame. Une variante dit que les feuilles étaient tranchées par le Masamune, et qu'elles poursuivaient leur cours le long du fleuve, passant sereinement sur son fil, mais qu'à l'inverse, les feuilles coupées par le Muramasa s'agglutinaient le long de la lame, en dépit d'avoir été tranchées de part en part. Les deux versions de l'anecdote confèrent une aura maléfique aux œuvres de Muramasa.

Si les partisans de Muramasa moquent invariablement le sabre de Masamune, leurs adversaires quant à eux expliquèrent le phénomène en déclarant que le Masamune avait un pouvoir mystique bienfaiteur, que dans une optique bouddhiste et confucianiste il ne tuait pas sans discrimination, que contrairement au Muramasa il était davantage qu'un outil pour couper des choses et tuer des gens, et que pour finir, cela n'était en rien révélateur de la qualité de l'acier de Masamune ou des performances de son comportement de coupe.