Veille 2014 e-Réputation Stations de Ski des étudiants du Master Medi@LAB
exemplier travaux étudiants stations - LIREL...5’ ’ ’...
Transcript of exemplier travaux étudiants stations - LIREL...5’ ’ ’...
BIBLIOGRAPHIE COMMENTÉE
Anne-‐Sophie Gagné-‐Nadeau
Première station : Pluie de feu et de sang
Depuis des centaines d’années, le sang a-‐t-‐il, ne serait-‐ce qu’un seul jour, cessé d’être versé en vain? Depuis son apparition, la bombe a-‐t-‐elle vu un seul jour de repos? La paix et l’harmonie ont-‐elles un jour régné sur toute la surface du globe? La violence humaine a fait courir les plumes de nombreux poètes, qui tentent de raconter à travers leur encre noire les tout aussi sombres actions de l’humanité.
Aragon, Louis, «J’écris dans un pays dévasté par la peste», extrait de Le Musée Grévin, 1943.
Aragon, Louis, «Strophes pour se souvenir», Le Roman inachevé, 1956.
Carême, Maurice, «Partout on tue», De plus loin que la nuit, 1993.
Charles, Christophe, «Dechoukaj», Fantasmagorie, 1993.
Cohn, Marianne, «Je trahirai demain, pas aujourd’hui», 1943.
Poème qui vient ficher une lame dans le cœur du lecteur. «Je trahirai demain, pas aujourd’hui» est tout ce qui reste d’une jeune femme torturée puis tuée par la Gestapo, mais cette petite pièce d’elle suffit à démontrer les horreurs de l’humanité – mais aussi sa grandeur poignante.
Hugo, Victor, «À l’obéissance passive II», Les châtiments, 1853.
S’il semble presque vanter la nouvelle façon de faire la guerre au début, il ne faut pas se méprendre… Ce poème d’Hugo est un cri d’indignation envers des soldats qui s’en prennent désormais aux civils, aux innocents – cri d’indignation malheureusement toujours pertinent de nos jours.
Hugo, Victor, «Aux morts du 4 décembre», Les châtiments, 1853.
Hugo, Victor, «Bêtise de la guerre», L'Année terrible, 1872.
Hugo, Victor, «Depuis six mille ans la guerre», Les chansons des rues et des bois, 1865.
Hugo, Victor, «Souvenir de la nuit du 4», Les châtiments, 1853.
Impossible de rester stoïque face à un pareil tableau : rien ne justifie l’horreur d’un enfant mitraillé, la douleur d’une grand-‐mère qui doit l’enterrer. Napoléon ne s’en souciait guère :
2
aujourd’hui, sommes-‐nous meilleurs? Les vestiges d’écoles que nos bombes ont frappées semblent le réfuter…
Prévert, Jacques, «Barbara», Paroles, 1946.
Source du titre de cette station – et inspiration pour ceux des autres –, «Barbara» ouvre sur la scène anodine mais précieuse d’une rencontre d’un couple amoureux sous la pluie, pour finir sur l’image bouleversante d’une ville rasée par une pluie «de fer de feu d’acier de sang».
Rancourt, Jacques, «Les carrés de l’hypoténuse», Veilleur sans sommeil, 2010 (Québec)
Rimbaud, Arthur, «Le dormeur du val», Poésies, 1870.
Rimbaud, Arthur, «Le mal», Poésies, 1870.
Tardieu, Jean, «Oradour», Jours Pétrifiés, 1947.
Deuxième station : Vagues du peuple
Les horreurs de l’humanité révèlent également ses plus belles vertus : quand l’injustice, l’inégalité, la violence et tant d’autres torts humains semblent régner sur Terre, il est de notre devoir de nous lever, de «faire des vagues», d’appeler au changement, autant par des mots puissants et dénonciateurs que dans la rue, un poing levé et l’autre sur le cœur.
Desnos, Robert, «Ce cœur qui haïssait la guerre», L’Honneur des poètes, 1943.
El Khawand, Mounia, «Les dés sont jetés», Poésie en liberté 2015, 2015.
Éluard, Paul, «Ce ne sont pas des mains de géant», Poésie ininterrompue, 1946.
Paroles qui résonnent de par leur vérité toujours d’actualité, «Ce ne sont pas des mains de géants» rappelle au peuple qu’il a le pouvoir de reprendre entre ses mains la vie que d’autres semblent penser posséder, qu’il peut s’unir pour que chacun puisse vivre, heureux, dans un monde juste.
Éluard, Paul, «Courage», Au rendez-‐vous allemand, 1945.
Éluard, Paul, «Gabriel Péri», Au rendez-‐vous allemand, 1945.
Hugo, Victor, «À ceux qui dorment», Les châtiments, 1853.
Hugo, Victor, «Au peuple», Les châtiments, 1853.
3
Hugo, Victor, «Chanson (Les Châtiments, I)», Les châtiments, 1853.
Hugo, Victor, «Les commissions mixtes», Les châtiments, 1853.
Hugo, Victor, «Liberté!», La Légende des siècles (Dernière série : XVII Le Cercle des tyrans), 1883.
Jouy, Jules, «Le Tombeau des fusillés», 1887 (Chanson)
Lançois, Paul, «Ceux d’Oviedo», 1934 (Chanson)
Moro, Floriane, «Afemmée», Poésie en liberté 2015, 2015.
Poignant et puissant tant par son message que par le sublime jeu sur les mots qui y est mis en œuvre, «Afemmée» est un poème qui dénonce une grande plaie de notre époque, l’anorexie, d’une façon à la fois douloureusement directe et merveilleusement imagée.
Ouisse, Hermanie, «L’Atout majeur», Poésie en liberté 2015, 2015.
Prévert, Jacques, «Le cancre», Paroles, 1946.
Cri du cœur de l’enfant bafoué dans un cadre gris et fermé, «Le cancre» est un rayon de couleurs qui rappelle à tous l’importance du bonheur et de la liberté : c’est un élan de volonté inspirant qui fait rêver.
Prévert, Jacques, «Le temps perdu», Paroles, 1946.
Prévert, Jacques, «Page d’écriture», Paroles, 1946.
Vian, Boris, «À tous les enfants», chanson datée d’entre 1954 et 1959.
Vian, Boris, «Le Déserteur», 1954 (Chanson)
Le fait que ce poème fut souvent censuré et interdit ne fait que confirmer son importance et sa vérité : le peuple ne devrait jamais pâtir des intérêts de hauts placés qui planifient, gèrent mais jamais ne risqueront leur vie dans la guerre dans laquelle ils forcent tant d’autres gens. Notre vie nous appartient!
Troisième station : Cascade de larmes
Douleur, mélancolie et tristesse semblent être des émotions aussi inévitables que pénibles à vivre, et la poésie, souvent l’art de prédilection des âmes torturées qui y trouvent enfin un moyen de
4
s’exprimer, est gorgée d’œuvres qui laissent un poids sur le cœur – surtout pour ceux qui connaissent bien ces sentiments et les marques qu’ils laissent alors qu’ils les emportent parfois avec eux dans leur chute, leur cascade, vers de sombres profondeurs.
Baudelaire, Charles, «L’Albatros», Les fleurs du mal, 1857.
Baudelaire, Charles, «L’Ennemi», Les fleurs du mal, 1857.
Baudelaire, Charles, «Recueillement», Les fleurs du mal, 1857.
Baudelaire, Charles, «Spleen IV (Quand le ciel bas et lourd…)», Les fleurs du mal, 1857.
Baudelaire est bien réputé pour le désespoir qui semble suinter du papier et de l’encre qui nous apportent ses œuvres. Ténébreusement magnifique, «Quand le ciel bas et lourd» est un poème qui sait marquer chaque personne qui en lit les vers.
Baudelaire, Charles, «Sur le Tasse en prison», Les épaves, 1866.
Carbuccia, Stévana, «Âme artificielle», Poésie en liberté 2008, 2008.
Lamartine, Alphonse de, «L’isolement», Méditations poétiques, 1820.
Magnifique ode à la nature, «L’isolement» n’en reste pas moins un cri de détresse, détresse d’un homme qui ne voit plus autour de lui quoi que ce soit qui puisse l’aider à atteindre son idéal. Sa douleur et son désœuvrement, que tant de gens partagent, ne peuvent laisser de glace.
Nelligan, Émile, «La fuite de l’Enfance», Émile Nelligan et son œuvre, 1904. (Québec)
Nelligan, Émile, «La passante», Les Soirées du Château de Ramezay, 1900. (Québec)
Nelligan, Émile, «Soir d’hiver», journal Les Débats, 1902 (Québec)
Image du poète torturé, Nelligan a taillé dans mon cœur une place bien particulière, lui qui sait mettre sur papier toutes les émotions les plus noires, mais toujours de façon si magnifique et si touchante, lui qui sait créer des images si claires pour des sentiments si difficiles à exprimer, à cerner.
Verlaine, Paul, «Il pleure dans mon cœur», Romances sans paroles, 1887.
5
Quatrième station : Étendue de la nature
Inévitablement, tout se rapporte à la nature, éternelle source d’inspiration. Son apparence, qui passe de l’aspect le plus désolant et terrible à la plus pure et magnifique beauté, ne peut laisser insensible si on prend le temps de l’admirer. Elle est riche de tout, et les poètes ont su faire couler de l’encre sur toutes ses multiples facettes, des plus merveilleuses aux plus déprimantes.
Baudelaire, Charles, «Brumes et pluies», Les fleurs du mal, 1857.
Baudelaire, Charles, «Chant d’automne I», Les fleurs du mal, 1857.
Baudelaire, Charles, «Incompatibilité», Les fleurs du mal, 1857.
Baudelaire, Charles, «L’homme et la mer», Les fleurs du mal, 1857.
Baudelaire, Charles, «Obsession», Les fleurs du mal, 1857.
Baudelaire, Charles, «Paysage», Les fleurs du mal, 1857.
Heredia, José Maria de, «Soleil couchant – en Bretagne», Les Trophées, 1893.
Œuvre magnifique qui, dépeignant une scène de crépuscule, a aussitôt attiré mon attention : je voue un amour profond aux couchers de soleil, qui offrent chaque soir un spectacle de couleurs.
Jouffroy, Alain, «Portes du désert», C’est aujourd’hui toujours, 1999.
Jouant avec les couleurs et peignant ainsi la nature, «Portes du désert» est un poème qui donne l’envie de voyager avec l’auteur pour admirer et vivre avec lui la richesse de notre environnement.
Lachaud, Étienne, «Seul Pleureur», Poésie en liberté 2015, 2015.
Lamartine, Alphonse de, «L’automne», Méditations poétiques, 1820.
Lisle, Charles-‐Marie Leconte De, «Midi», Poëmes antiques (orthographe de l’édition originale), 1852.
Lisle, Charles-‐Marie Leconte De, «Les éléphants», Poésies barbares, 1862.
Lisle, Charles-‐Marie Leconte De, «La Panthère noire», Poésies barbares, 1862.
6
Certains poèmes laissent rêveurs et un peu sans voix : «La Panthère noire» est un de ceux-‐là. Chaque vers est magnifique, et l’œuvre dans son ensemble transporte ailleurs et ne peut que laisser admiratif – tant de la nature que de la plume de l’auteur.
Nelligan, Émile, «Paysage fauve», Le Monde illustré, 1897 (Québec)
Viau, Théophile de, «Contre l’hiver», autour des années 1620
«Contre l’hiver» est un poème qui, bien qu’ayant dû traverser plusieurs centaines d’années pour nous rejoindre, n’a aucune difficulté à se faire comprendre : à trente degrés sous zéro dans un hiver qui semble interminable, on aimerait bien, nous aussi, «faire la guerre» à cette cruelle saison!
7
PLUIE DE BONHEUR, PLUIE DE DESTRUCTION
Anne-‐Sophie Gagné-‐Nadeau
La pluie chaude de l’été sous laquelle on veut danser, la pluie glaciale de février qui ne manque
jamais de nous frigorifier, la pluie mélancolique de l’automne qui nous fait soupirer, la pluie fraîche de
mai qui ne peut que nous charmer: ces gouttes qui s’élancent du ciel semblent pouvoir porter à elles
seules tant d’émotions différentes, comme si elles étaient le miroir autant de la nature que de
l’humeur de ceux qui l’accueillent au sol1.
C’est sous sa cascade qu’un poète croise Barbara, une jeune fille qui court sous la pluie, le
sourire aux lèvres, pour rejoindre son amoureux. Scène anodine peut-‐être, commune, que tous ont
sûrement déjà vue sans même s’en rendre compte, un moment de bonheur simple et léger, que la
pluie ne fait que souligner davantage2. Car la pluie est associée au bonheur au début du poème
«Barbara» de Jacques Prévert : «Il pleuvait sans cesse sur Brest ce jour-‐là / Et tu marchais souriante /
Épanouie ravie ruisselante / Sous la pluie3», vers qui font écho plus loin à ceux-‐ci : «Et tu as couru vers
lui sous la pluie / Ruisselante ravie épanouie». La pluie devient même une entité, alors qu’on la
personnifie : «Cette pluie sage et heureuse / Sur ton visage heureux / Sur cette ville heureuse». Cette
insistance sur le bonheur associé à la pluie ne peut que nous la faire apprécier davantage.
Les trente premiers vers du poème semblent une ode de Prévert à ce souvenir peut-‐être banal
mais précieux. Or, ce sentiment du simple et ordinaire quotidien auquel on peut s’identifier et qui
nous apporte un fond de bien-‐être, il n’est là que pour être mieux détruit. Si on voit cet amour, c’est
1 Soliloque 2 Narration 3 Citation
8
pour mieux percevoir la douleur de sa destruction. Si on peut s’imaginer cette pluie légère et
heureuse, c’est pour mieux la voir se transformer en monstre puis en désolation.
En effet, le véritable thème principal de ce poème n’est pas l’amour, comme on est porté à le
croire en lisant ces premières lignes, mais bien la guerre. C’est cette guerre que Prévert veut
dénoncer dans son poème : Barbara, une jeune fille qui pourrait être n’importe quelle autre, sert à
nous rappeler que ce sont des personnes réelles, en chair et en os, auxquelles on peut si facilement
s’identifier, qui ont vu leur ville, leur vie, leur amour, être détruits par cette pluie qui n’est plus une
pluie naturelle, plus une pluie de gouttelettes d’eau, mais plutôt une pluie «[…] de fer / De feu d’acier
de sang» : la pluie de bombes que Brest subira pendant quatre ans durant la Deuxième Guerre
mondiale4. La pluie heureuse tombant sur des gens souriants, innocents, rend le contraste avec ce qui
suit, cette « […] pluie de deuil terrible et désolée », infiniment plus vif et douloureux, on le reçoit
comme une lame en plein cœur, et c’est ce contraste bouleversant qui a taillé une place pour ce
poème dans mon cœur, qui est venu profondément me toucher : après tout, le malheur ne semble-‐t-‐il
pas mille fois pire lorsqu’on vient d’avoir un aperçu du bonheur qu’il remplace5?
Cette destruction causée par la guerre, je crois que Prévert la dénonce afin qu’elle ne tombe pas
dans l’oubli, cet oubli qui semble être si typique de l’être humain («Je me souviens», disent nos
plaques de voiture – demandez aux gens de notre province pourtant, se souviennent-‐ils?6). D’où la
répétition des «Rappelle-‐toi» et des «N’oublie pas» dans les trente premiers vers : si l’on peut d’abord
penser que c’est un rappel à Barbara de ne pas oublier ces moments heureux, je crois qu’il y a
également un autre message entre les lignes, celui de ne pas oublier ce qui l’a arrachée, elle comme
4 Finistère Hebdo. «Brest retrouve sa mémoire de guerre», dernière mise à jour le 18 novembre 2011, consulté le 16 avril 2016. <http://www.finisterehebdo.fr/brestliberee18septembre44.php> 5 Analyse 6 Exemple
9
tant d’autres, à ces moments de bonheur: et que nous, lecteurs, nous, qui n’avons pas vécu cela, ne
devons pas oublier non plus.
Oh, comme j’aimerais pouvoir dire à Prévert, si je pouvais retourner dans le passé, qu’en 2016,
les hommes ont évolué, qu’en 2016, la pluie de fer, de feu, d’acier et de sang, a cessé de tomber!
Mais je ne peux mentir, j’entends au loin ses gouttes maudites éclater, dans des villes comme Brest,
des villes «Dont il ne reste rien».
745 mots.
10
BIBLIOGRAPHIE COMMENTÉE
Axel Robin
Station première : Huile
La peinture à l’huile compte parmi les plus vieilles et les plus utilisées de l’histoire de l’art. C’est une technique picturale que je considère comme classique, noble; c’est pourquoi j’y associe particulièrement les romantiques et les symbolistes. Un poème à l’huile, pour moi, doit tenir des propos conventionnels, être à la recherche d’un idéal poétique et, préférablement, être rigoureusement structuré. Un poème à l’huile est impeccable — autant dans sa forme que dans son fond, sinon seulement dans son fond —, assez coloré et bien défini dans ses contours, même si son propos, dans sa quête d’idéal, peut paraître abstrait.
Apollinaire, Guillaume, « Épousailles », Alcools, 1913.
Apollinaire, Guillaume, « La ceinture », Poèmes à Lou, 1947.
Apollinaire, Guillaume, « Le brasier », Alcools, 1913.
Apollinaire, Guillaume, « Nuit rhénane », Alcools, 1913.
Baudelaire, Charles, « À celle qui est trop gaie », Les fleurs du mal, 1857.
Baudelaire, Charles, « Bénédiction », Les fleurs du mal, 1857.
Baudelaire, Charles, « Correspondances », Les fleurs du mal, 1857.
Baudelaire, Charles, « La beauté », Les fleurs du mal, 1857.
11
Baudelaire, Charles, « L’âme du vin », Les fleurs du mal, 1857.
Baudelaire, Charles, « Le serpent qui danse », Les fleurs du mal, 1857.
Baudelaire, Charles, « L’homme et la mer », Les fleurs du mal, 1857.
Chénier, André, « Bel astre de Vénus », Élégies, 1889.
Chénier, André, « La jeune Tarentine », Élégies, 1889.
Chénier, André, « Ô muses, accourez; solitaires divines », Élégies, 1889.
Chénier, André, « XLV », Élégies, 1889.
Cocteau, Jean, « Mort d’un cygne », Vocabulaire, 1922.
Cocteau, Jean, « Sonnet de la baigneuse », Vocabulaire, 1922.
Une baigneuse est sublimement comparée à un centaure « dont la croupe serait la mer », puis à une demi-‐déesse déchue. La mythologie est ici mélangée à la poésie surréaliste dans un portrait qui flatte autant qu’il fait rêver.
Éluard, Paul, « Les Gertrude Hoffman Girls », Capitale de la douleur, 1926.
Éluard, Paul, « Œil de sourd », Capitale de la douleur, 1926.
Éluard, Paul, « Revenir dans une ville », Capitale de la douleur, 1926.
12
Gautier, Théophile, « Contralto », Émaux et camées, 1852.
Gautier, Théophile, « Diamand du coeur », Émaux et camées, 1852.
Gautier, Théophile, « Étude de mains », Émaux et camées, 1852.
Gautier, Théophile, « La nue », Émaux et camées, 1852.
Gautier, Théophile, « Le poëme de la femme », Émaux et camées, 1852.
Laforgue, Jules, « Célibat, tout n’est que célibat », Des fleurs de bonne volonté, 1890.
Laforgue, Jules, « Maniaque », Des fleurs de bonne volonté, 1890.
Lamartine, Alphonse de, « Adieux à la mer », Nouvelles méditations poétiques, 1823.
Lamartine, Alphonse de, « Le poète mourant », Nouvelles méditations poétiques, 1823.
Lamartine imagine ici les derniers instants d’un poète et nous traduit ses divagations diverses au sujet de la vie qui s’en va, de la mort qui s’en vient et du temps qui passe; du passé et du futur — s’il en est un après la mort.
Mallarmé, Stéphane, « Aumône », Poésies, 1887.
Un mendiant se fait tenir un discours tenant à la fois du sermon, de la remise en question et de l’admiration.
Mallarmé, Stéphane, « Éventail de mademoiselle Mallarmé », Poésies, 1887.
13
Mallarmé, Stéphane, « Soupir », Poésies, 1887.
Musset, Alfred de, « George Sand (I) », Premières poésies, 1829.
Musset, Alfred de, « Madame la Marquise », Premières poésies, 1829.
Nouveau, Germain, « Cas de divorce », Valentines, 1885.
Nouveau, Germain, « La statue », Valentines, 1885.
Nouveau, Germain, « L’agonisant », Valentines, 1885.
Nouveau, Germain, « Les musées », Valentines, 1885.
Rimbaud, Arthur, « Le buffet », Cahier de Douai, 1870.
Rimbaud, Arthur, « Le mal », Cahier de Douai, 1870.
Rimbaud, Arthur, « Les mains de Jeanne-‐Marie », Poésies, 1872.
Rimbaud, Arthur, « Soleil et chair », Cahier de Douai, 1870.
Rimbaud, Arthur, « Tête de faune », Poésies, 1872.
Rimbaud, Arthur, « Vénus anadyomène », Cahier de Douai, 1870.
Supervielle, Jules, « La négresse », Débarcadères, 1922.
14
Supervielle, Jules, « Terres rouges », Débarcadères, 1922.
Verlaine, Paul, « Mon rêve familier », Poèmes saturniens, 1866.
Verlaine, Paul, « Un dahlia », Poèmes saturniens, 1866.
Station seconde : Acrylique
La peinture acrylique compte, contrairement à la peinture à l’huile, parmi les plus jeunes et les moins utilisées de l’histoire de l’art. Toutefois, elle s’applique de la même manière et peut donner un résultat assez semblable. Un poème à l’acrylique, pour moi, doit être vivement coloré, plutôt texturé et assez moderne. Il est aussi plus divertissant que sublime. Finalement, un poème à l’acrylique n’a pas le souci de noblesse du poème à l’huile, mais pas non plus la pâleur presque transparente de l’aquarelle : il est opaque.
Apollinaire, Guillaume, « Clair de lune », Alcools, 1913.
Apollinaire, Guillaume, « Clotilde », Alcools, 1913.
Apollinaire, Guillaume, « IX », Poèmes à lou, 1946.
Apollinaire, Guillaume, « Le pont Mirabeau », Alcools, 1913.
Apollinaire, Guillaume, « Les colchiques », Alcools, 1913.
Un champ de fleurs vénéneuses auxquelles sont comparés les yeux d’une muse empoisonnent lentement des vaches qui y paissent paisiblement.
Apollinaire, Guillaume, « Merlin et la vieille femme », Alcools, 1913.
15
Apollinaire, Guillaume, « Rosemonde », Alcools, 1913.
Apollinaire, Guillaume, « Sanglots », Il y a, 1925.
Aragon, Louis, « L’amour qui n’est pas un mot », Le roman inachevé, 1956.
Aragon, Louis, « Le mot amour », Le roman inachevé, 1956.
Baudelaire, Charles, « À une passante », Les fleurs du mal, 1857.
Baudelaire, Charles, « Ciel brouillé », Les fleurs du mal, 1857.
Baudelaire, Charles, « Harmonie du soir », Les fleurs du mal, 1857.
Baudelaire, Charles, « La géante », Les fleurs du mal, 1857.
Breton, André, « La moindre rançon », Signe ascendant, 1942.
Chénier, André, « La Seine », Élégies, 1889.
Chénier, André, « XLIII », Élégies, 1889.
Cocteau, Jean, « Le poète de trente ans », Vocabulaire, 1922.
Éluard, Paul, « L’égalité des sexes », Capitale de la douleur, 1926.
Éluard, Paul, « Le jeu de construction», Capitale de la douleur, 1926.
16
Éluard, Paul, « Les petits justes IV », Capitale de la douleur, 1926.
Éluard, Paul, « Premièrement XXII », Capitale de la douleur, 1926.
Gautier, Théophile, « Carmen », Émaux et camées, 1852.
Gautier, Théophile, « Tristesse en mer », Émaux et camées, 1852.
Laforgue, Jules, « Dimanches », Le concile féérique, 1886.
Laforgue, Jules, « Le brave, brave automne », Des fleurs de bonne volonté, 1890.
Laforgue, Jules, « Romance », Des fleurs de bonne volonté, 1890.
Mallarmé, Stéphane, « Brise marine », Poésies, 1887.
Mallarmé, Stéphane, « Placet futile », Poésies, 1887.
Mallarmé, Stéphane, « Salut », Poésies, 1887.
Prévert, Jacques, « Barbara », Paroles, 1946.
Prévert, Jacques, « Le cancre », Paroles, 1946.
Un élève interrogé tourne un examen oral en une démonstration écrite colorée de poésie. C’est un petit pas pour les cancres et un petit aussi pour la désobéissance civile.
Rimbaud, Arthur, « Le dormeur du val », Cahier de Douai, 1870.
17
Rimbaud, Arthur, « Les étrennes des orphelins », Cahier de Douai, 1870.
Rimbaud, Arthur, « Les poètes de sept ans », Poésies, 1872.
Rimbaud, Arthur, « Roman », Poésies, 1872.
Supervielle, Jules, « Amour », Le forçat innocent, 1930.
Supervielle, Jules, « Les fleurs du papier de ta chambre », Le forçat innocent, 1930.
Supervielle donne la parole à des fleurs peintes sur un mur, qui se mettent alors à exprimer leur plainte de ne pas être véritables, mais sans pour autant nuire au sommeil de la petite fille qu’elles regardent dormir.
Supervielle, Jules, « Le voyage difficile », Le forçat innocent, 1930.
Verlaine, Paul, « Donc, ce sera par un clair jour d’automne », Poèmes saturniens, 1866.
Verlaine, Paul, « La chanson des ingénues », Poèmes saturniens, 1866.
Verlaine, Paul, « L’heure du berger », Poèmes saturniens, 1866.
Verlaine, Paul, « Nevermore », Poèmes saturniens, 1866.
Station tierce : Aquarelle
18
L’aquarelle tire son nom du fait que son utilisation recquiert de l’eau. Le résultat en est donc très doux. Un poème à l’aquarelle est assez coloré, mais les couleurs sont pâles et les contours paraissent un peu flous. Plus il y a d’eau dans le mélange, plus la touche d’abstraction est élevée. Également, les sujets abordés peuvent être tristement poétiques, mais ne sont jamais laids : alors que la passion peut être représentée de manière crue dans un poème d’une autre catégorie, elle reste toujours belle dans un poème à l’aquarelle.
Apollinaire, Guillaume, « 1909 », Alcools, 1913.
Apollinaire, Guillaume, « Aubade chantée à laetare un an passé », Alcools, 1913.
Apollinaire, Guillaume, « La cueillette », Il y a, 1925.
Apollinaire, Guillaume, « Roses guerrières », Poèmes à Lou, 1947.
Apollinaire, Guillaume, « Signe», Alcools, 1913.
Aragon, Louis, « Et le roman s’achève de lui-‐même », Le roman inachevé, 1956.
Aragon, Louis, « La belle Italienne », Le roman inachevé, 1956.
Aragon, Louis, « Tant que j’aurai le pouvoir de frémir », Le roman inachevé, 1956.
Baudelaire, Charles, « Causerie », Les fleurs du mal, 1857.
Baudelaire, Charles, « Le coucher du soleil romantique », Les fleurs du mal, 1857.
Baudelaire, Charles, « L’ennemi », Les fleurs du mal, 1857.
Baudelaire, Charles, « Madrigal triste », Les fleurs du mal, 1857.
19
Breton, André, « Écoute au coquillage », Signe ascendant, 1942.
Breton, André, « Monde », Signe ascendant, 1942.
Breton, André, « Sur la route de San Romano », Signe ascendant, 1942.
Chénier, André, « Ô jours de mon printemps, jours couronnés de roses », Élégies, 1889.
Cocteau, Jean, « Les cheveux gris, quand jeunesse les porte », Vocabulaire, 1922.
Cocteau, Jean, « Nocturne », Vocabulaire, 1922.
Éluard, Paul, « L’amoureuse », Capitale de la douleur, 1926.
Le surréalisme peut se révéler particulièrement puissant quand vient le temps d’exprimer l’amour; Éluard s’y prend à merveille dans ce poème où il décrit son obsession et sa passion pour son amoureuse.
Éluard, Paul, « La rivière », Capitale de la douleur, 1926.
Éluard, Paul, « L’ombre aux soupirs », Capitale de la douleur, 1926.
Gautier, Théophile, « Caerulei oculi », Émaux et camées, 1852.
Gautier, Théophile, « Coquetterie posthume », Émaux et camées, 1852.
Laforgue, Jules, « Aquarelle en cinq minutes », Des fleurs de bonne volonté, 1890.
20
Laforgue (dé)peint la beauté sauvage d’un orage qui passe en campagne à l’aide de vers très courts et pas moins imagés. On sent presque l’odeur de la pluie d’ici…
Laforgue, Jules, « Petits mystères », Des fleurs de bonne volonté, 1890.
Lamartine, Alphonse de, « La branche d’amandier », Nouvelles méditations poétiques, 1823.
Lamartine, Alphonse de, « Le papillon », Nouvelles méditations poétiques, 1823.
Nouveau, Germain, « La poudre », Valentines, 1885.
Mallarmé, Stéphane, « Feuillet d’album », Poésies, 1887.
Mallarmé, Stéphane, « Les fleurs », Poésies, 1887.
Mallarmé, Stéphane, « Renouveau », Poésies, 1887.
Musset, Alfred de, « À Juana », Premières poésies, 1829.
Musset, Alfred de, « À Julie », Premières poésies, 1829.
Musset, Alfred de, « Une promenade au Jardin des Plantes », Premières poésies, 1829.
Supervielle, Jules, « Attente », Le forçat innocent, 1930.
Supervielle, Jules, « Échanges », Débarcadères, 1922.
Supervielle, Jules, « Haute mer », Débarcadères, 1922.
21
Supervielle, Jules, « L’escale brésilienne », Débarcadères, 1922.
Supervielle, Jules, « L’escale portugaise », Débarcadères, 1922.
Supervielle, Jules, « Les chevaux du temps », Le forçat innocent, 1930.
Supervielle, Jules, « Marseille », Débarcadères, 1922.
Rimbaud, Arthur, « Les réparties de Nina », Cahier de Douai, 1870.
Rimbaud, Arthur, « Ma bohème », Cahier de Douai, 1870.
Rimbaud, Arthur, « Ophélie », Cahier de Douai, 1870.
Rimbaud, Arthur, « Sensation », Cahier de Douai, 1870.
Tzara, Tristan, « La fonte des ans I », Où boivent les loups, 1939.
Verlaine, Paul, « Promenade sentimentale », Poèmes saturniens, 1866.
Verlaine, Paul, « Soleils couchants », Poèmes saturniens, 1866.
Station quarte : Pastel
Le pastel est la plus douce et légère des techniques picturales. Un poème aux pastels est tout en beauté, jamais taché par quelque émotion négative. Il divertit l’esprit en lui donnant des images concrètes ou abstraites, mais toujours claires et lumineuses. Bien que le résultat inspire un certain
22
bien-‐être, il n’a aucun éclat : un poème aux pastels ne tient pas du superbe, du sublime ou du merveilleux; il est tout simplement joli. Sans faire vivre d’émotions fortes ou purifier des passions, il laisse toujours un petit sourire aux coins des lèvres.
Apollinaire, Guillaume, « Annie», Alcools, 1913.
Apollinaire, Guillaume, « Mai », Alcools, 1913.
Apollinaire, Guillaume, « Montparnasse », Alcools, 1913.
Aragon, Louis, « Après l’amour », Le roman inachevé, 1956.
Aragon nous transporte dans une ville colorée qui semble être estivale à longueur d’année et nous raconte ce qu’il y a fait avec une pointe de nostalgie à laquelle nous goûtons un peu nous aussi.
Aragon, Louis, « Italia Mea », Le roman inachevé, 1956.
Aragon, Louis, « La beauté du diable », Le roman inachevé, 1956.
Aragon, Louis, « Le téméraire », Le roman inachevé, 1956.
Aragon, Louis, « Le vieil homme », Le roman inachevé, 1956.
Baudelaire, Charles, « À une dame créole », Les fleurs du mal, 1857.
Baudelaire, Charles, « À une mendiante rousse », Les fleurs du mal, 1857.
Baudelaire, Charles, « Élévation », Les fleurs du mal, 1857.
23
Baudelaire, Charles, « Je n’ai pas oublié, voisin de la ville », Les fleurs du mal, 1857.
Baudelaire, Charles, « La fin de la journée », Les fleurs du mal, 1857.
Baudelaire, Charles, « L’invitation au voyage », Les fleurs du mal, 1857.
Chénier, André, « Jeune fille, ton coeur avec nous veut se taire », Élégies, 1889.
Cocteau, Jean, « Myosotis », Vocabulaire, 1922.
Éluard, Paul, « L’unique », Capitale de la douleur, 1926.
Éluard, Paul, « Porte ouverte », Capitale de la douleur, 1926.
Éluard, Paul, « Premièrement XIV », Capitale de la douleur, 1926.
Éluard, Paul, « Suite 2 », Capitale de la douleur, 1926.
Gautier, Théophile, « A une robe rose », Émaux et camées, 1852.
Gautier décrit la robe rose de sa muse comme si la robe était une muse elle-‐même; il s’extasie et se questionne sur la perfection de celle-‐ci en la complimentant de la couleur à sa coupe.
Gautier, Théophile, « Symphonie en blanc majeur », Émaux et camées, 1852.
Laforgue, Jules, « Rigueurs à nulle autre pareilles », Des fleurs de bonne volonté, 1890.
24
Laforgue, Jules, « Stérilités », Des fleurs de bonne volonté, 1890.
Lamartine, Alphonse de, « Adieu», Nouvelles méditations poétiques, 1823.
Mallarmé, Stéphane, « Apparition », Poésies, 1887.
Mallarmé, Stéphane, « Éventail de Méry Laurent », Poésies, 1887.
Musset, Alfred de, « L’andalouse », Premières poésies, 1829.
Musset, Alfred de, « Madrid », Premières poésies, 1829.
Musset, Alfred de, « Venise », Premières poésies, 1829.
Nouveau, Germain, « La rencontre », Valentines, 1885.
Nouveau, Germain, « La robe », Valentines, 1885.
Prévert, Jacques, « Alicante », Paroles, 1946.
Rimbaud, Arthur, « Comédie en trois baisers », Cahier de Douai, 1870.
Rimbaud, Arthur, « Rêvé pour l’hiver », Cahier de Douai, 1870.
Supervielle, Jules, « La corrida », Débarcadères, 1922.
Supervielle, Jules, « Musée carnavalet », Le forçat innocent, 1930.
25
Supervielle, Jules, « Naufrage », Le forçat innocent, 1930.
Tzara, Tristan, « Élégie », Premiers poèmes, 1965.
Tzara, Tristan, « Voie », Indicateur des chemins du cœur, 1927.
Tzara prouve avec ce très court poème sans vraiment de rythme ni de rime (ni de sens) qu’il est possible de créer de superbes images sans tout cela, rien qu’en associant de jolis mots dont l’ordre provoque une sensation poétique.
Verlaine, Paul, « Après trois ans », Poèmes saturniens, 1866.
Station quinte : Mine
Le dessin à la mine a traversé les époques malgré sa simplicité et son absence de couleurs. Un poème à la mine ne tente pas de jouer sur les beautées colorées, c’est sa technique seule qui lui donne sa qualité. On se concentre alors davantage sur les traits et sur ce qui est raconté : les poèmes à la mine peuvent être aussi narratifs que théoriques, l’important n’est pas la lumière des mots, mais leur signification. Un poème à la mine fait rarement rêver. Il fait réfléchir et se pencher sur le contenu plus que sur le contenant.
Apollinaire, Guillaume, « La tzigane », Alcools, 1913.
Apollinaire, Guillaume, « Les cloches », Alcools, 1913.
Apollinaire, Guillaume, « Marie », Alcools, 1913.
Apollinaire, Guillaume, « Rêveries sur ta venue », Poèmes à Lou, 1947.
Aragon, Louis, « Il n’aurait fallu », Le roman inachevé, 1956.
26
Aragon, Louis, « Je chante pour passer le temps », Le roman inachevé, 1956.
Aragon, Louis, « Prose du bonheur et d’Elsa », Le roman inachevé, 1956.
Breton, André, « Intérieur », Signe ascendant, 1942.
Par l’image simple d’une table trop longue et garnie aux extrémités desquelles serait séparé un couple, Breton démontre les dangers de la richesse mal gérée au sein d’un mariage.
Breton, André, « Korwar », Signe ascendant, 1942.
Breton, André, « Rano Raraku », Signe ascendant, 1942.
Chénier, André, « Aux frères de Pange », Élégies, 1889.
Cocteau, Jean, « Dos d’ange », Vocabulaire, 1922.
Cocteau, Jean, « Idole », Vocabulaire, 1922.
Cocteau, Jean, « L’endroit et l’envers », Vocabulaire, 1922.
Cocteau, Jean, « Pièce de circonstance », Vocabulaire, 1922.
Éluard, Paul, « Défense de savoir I -‐ III », Capitale de la douleur, 1926.
Éluard, Paul, « Les petits justes VI », Capitale de la douleur, 1926.
27
Éluard, Paul, « Premièrement IX », Capitale de la douleur, 1926.
Éluard, Paul, « Volontairement », Capitale de la douleur, 1926.
Gautier, Théophile, « La montre », Émaux et camées, 1852.
Gautier, Théophile, « Le monde est méchant », Émaux et camées, 1852.
Laforgue, Jules, « Arabesques de malheur », Des fleurs de bonne volonté, 1890.
Laforgue, Jules, « Esthétique », Des fleurs de bonne volonté, 1890.
Mallarmé, Stéphane, « Angoisse », Poésies, 1887.
Mallarmé, Stéphane, « Une négresse », Poésies, 1887.
Musset, Alfred de, « Don Paez », Premières poésies, 1829.
Romantique nouvelle versifiée, Don Paez raconte l’histoire d’un cavalier amoureux d’une superbe comtesse qui mourra en la faisant mourir, lui d’un philtre, elle d’un coup de poignard. Musset manipule l’alexandrin avec une expertise qui nous porte à la triste fin du récit en un léger vol d’yeux.
Musset, Alfred de, « Portia », Premières poésies, 1829.
Musset, Alfred de, « Une soirée perdue », Premières poésies, 1829.
Nouveau, Germain, « Dernier madrigal », Valentines, 1885.
28
Nouveau, Germain, « Le portrait », Valentines, 1885.
Nouveau, Germain, « Les mains », Valentines, 1885.
Prévert, Jacques, « Chanson des escargots qui vont à l'enterrement », Paroles, 1946.
Prévert, Jacques, « Chez la fleuriste », Paroles, 1946.
Prévert, Jacques, « Déjeuner du matin », Paroles, 1946.
Prévert, Jacques, « Le désespoir est assis sur un banc », Paroles, 1946.
Rimbaud, Arthur, « À la musique », Cahier de Douai, 1870.
Rimbaud, Arthur, « Les effarés », Cahier de Douai, 1870.
Rimbaud, Arthur, « Les pauvres à l’église », Cahier de Douai, 1870.
Supervielle, Jules, « La chambre voisine », Le forçat innocent, 1930.
Supervielle, Jules, « Le poète », Le forçat innocent, 1930.
Supervielle, Jules, « L’escalier », Le forçat innocent, 1930.
Supervielle, Jules, « Les yeux », Le forçat innocent, 1930.
Tzara, Tristan, « Bifurcation », Premiers poèmes, 1965.
29
Tzara, Tristan, « Vieux chant », Premiers poèmes, 1956.
Verlaine, Paul, « Femme et chatte », Poèmes saturniens, 1866.
Verlaine, Paul, « Grotesques », Poèmes saturniens, 1866.
Verlaine, Paul, « Pierrot », Poèmes saturniens, 1866.
Verlaine, Paul, « Ta voix grave et basse », Poèmes saturniens, 1866.
Station sixte : Collage
Le collage est très moderne et peu utilisé, mais il n’en est pas moins intéressant pour autant. Il est caractérisé par l’assemblage d’images différentes allant ensemble ou pas, étant de même nature ou pas, étant reliées ou pas. Le collage est l’art visuel dada par excellence, mais il s’applique tout aussi bien à d’autres courants littéraires. Le poème en collage est le moins structuré de tous : il peut même aller jusqu’à ne faire aucun sens. Néanmoins, certains poèmes en collage peuvent paraître plus « normaux »; c’est seulement grâce à leur assemblage d’images, d’idées et de contextes différents qu’ils sont placés dans cette catégorie.
Apollinaire, Guillaume, « Fagnes de Wallonie », Alcools, 1913.
Apollinaire, Guillaume, « Lou ma rose », Poèmes à Lou, 1947.
Aragon, Louis, « Les mots m’ont pris par la main », Le roman inachevé, 1956.
Baudelaire, Charles, « La pipe », Les fleurs du mal, 1857.
Baudelaire, Charles, « L’horloge », Les fleurs du mal, 1857.
30
Breton, André, « Dukduk », Signe ascendant, 1942.
Breton, André, « Frôleuse », Signe ascendant, 1942.
Breton, André, « Je reviens », Signe ascendant, 1942.
Breton, André, « Tiki », Signe ascendant, 1942.
Cocteau, Jean, « À force de plaisirs », Vocabulaire, 1922.
Cocteau, Jean, « Marine », Vocabulaire, 1922.
Éluard, Paul, « Lesquels », Capitale de la douleur, 1926.
Éluard, Paul, « Salvador Dali », Capitale de la douleur, 1926.
Laforgue, Jules, « Avant-‐dernier mot », Des fleurs de bonne volonté, 1890.
Laforgue, Jules, « Pierrots », Des fleurs de bonne volonté, 1890.
Laforgue, Jules, « Sur une défunte », Des fleurs de bonne volonté, 1890.
Mallarmé, Stéphane, « Les fenêtres », Poésies, 1887.
Nouveau, Germain, « Fou », Valentines, 1885.
Nouveau, Germain, « Le nom », Valentines, 1885.
31
Nouveau, Germain, « Le peigne », Valentines, 1885.
Dans cet amusant petit poème, Germain Nouveau donne une voix aux objets qu’il retrouve dans sa salle de bain et fait du même coup un hommage à son fidèle peigne, ce « grand seigneur ».
Prévert, Jacques, « Dans ma maison », Paroles, 1946.
Prévert, Jacques, « Pour toi mon amour », Paroles, 1946.
Rimbaud, Arthur, « Mes petites amoureuses », Cahier de Douai, 1870.
Rimbaud, Arthur, « Rages de César », Cahier de Douai, 1870.
Rimbaud, Arthur, « Voyelles », Cahier de Douai, 1870.
Dans ce poème avant-‐gardiste, Rimbaud décrit ce que les voyelles évoquent chez lui. Une association entre lettres et images qui nous donne encore davantage l’impression d’entrer dans la tête du jeune poète.
Tzara, Tristan, « Je sors de mon appartement somptueux », De nos oiseaux, 1929.
Tzara, Tristan, « Mamie, ma mie », Premiers poèmes, 1965.
Verlaine, Paul, « Chanson d’automne », Poèmes saturniens, 1866.
Verlaine, Paul, « Croquis parisien », Poèmes saturniens, 1866.
32
Verlaine, Paul, « Monsieur Prudhomme », Poèmes saturniens, 1866.
33
LES LARMES IMPLORÉES
Axel Robin
À lire en écoutant :
«Midnight Song» de Wild Nothing
«Amor Fati» de Washed Out
«Easy» de Real Estate
«From The Morning Heat» de Craft Spells
J’ai tendance à aimer organiser les choses.
Lors des premières soirées que j’ai faites chez moi, c’est-‐à-‐dire vers le milieu de ma folle et lointaine
jeunesse, j’étais tellement anxieux à l’idée que mes invités puissent s’ennuyer que j’avais prévu un
horaire d’activités précis au quart d’heure près. Évidemment, rien de ce que j’avais préparé ne s’est
déroulé comme je l’avais pensé, de l’arrivée des invités à la conclusion de la soirée. Sur le moment, je
me rappelle avoir ressenti d’abord un léger vertige par rapport au fait de n’avoir à peu près aucun
contrôle sur ce qui allait vraiment se passer, étant donné la spontanéité de mes amis, mais j’ai
rapidement adhéré au rythme naturel des choses et les plus beaux moments de cette soirée, qui s’est
révélée mémorable, ont été les plus inattendus.7 Depuis lors, mes soirées ressemblent davantage à un
spectacle d’improvisation qu’à une pièce de théâtre : j’installe un canevas et un thème, mais laisse les
participants bâtir l’histoire et écrire leurs propres répliques.
Il en est de même pour la poésie. Bien que le résultat impeccable d’un poème longuement travaillé et
rigoureusement structuré suscite l’admiration, il peut devenir ennuyeux à la longue; sa méthodologie
peut faire sa monotonie. Au contraire, la spontanéité et la brièveté d’un poème improvisé ont un 7 Anecdote
34
charme plus accessible et parfois même plus puissant. C’est d’abord pour cette raison que le poème
« Alicante » de Prévert m’a laissé loin de l’indifférence, si loin même que j’en suis venu à le choisir,
parmi des dizaines d’autres que j’avais présélectionnés, pour en faire l’objet d’un essai.
« Alicante » fait partie de ce genre de poèmes que je nomme « larmes ». À l’instar de ces gouttes
salées qui me viennent tantôt seules, tantôt par deux — j’ai le pleur difficile — dans les moments
d’émotion intense, ces courts poèmes ne contiennent qu’un concentré de bonheur instantané
exprimé de façon aussi éphémère que l’était le moment qui les a générés. Leur inspiration vient aussi
subitement que viendrait une larme, et leur arôme est fort pour leur si petite taille. Voyez :
Une orange sur la table Ta robe sur le tapis Et toi dans mon lit
Doux présent du présent Fraîcheur de la nuit Chaleur de ma vie
Prévert ne fait que décrire un moment, un court instant durant lequel une montée de poésie est
venue lui chatouiller la plume. Ce n’est pas une sortie narrée, un évènement relaté ou un voyage
raconté : c’est un infiniment bref laps de temps. On retrouve la même concision dans plusieurs textes
de Paul Éluard, un autre bon pleureur de bonheur dont voici une toute petite « larme » — je dirais
presque une « gouttelette » —, un bijou de brièveté intitulé « Premièrement » :
Le sommeil a pris ton empreinte
Et la colore de tes yeux.8
Deux vers suffisent parfois. Mais pas deux exemples, alors je vous en présente un troisième et dernier,
de mon cru, que j’ai nommé « Cueillette futile » :
8 Citation
35
Je cueille les bonheurs inutiles
Dans les champs étoilés
De notre soirée de vélo en ville
Pour t’en faire un collier
Si une image vaut mille mots, un mot vaut bien mille images.9 Ainsi, le premier vers d’ « Alicante »,
« Une orange sur la table », m’a plongé dans une atmosphère matinale silencieuse dès la première
lecture. Le mot « orange » est très puissant. En plus d’être une couleur chaude généralement associée
au bonheur, c’est un fruit rond et pulpeux que l’on mange souvent le matin, après avoir enlevé sa
pelure. Ce dernier détail ajoute d’ailleurs une nouvelle perspective au deuxième vers, « Ta robe sur le
tapis » : est-‐ce que Prévert désigne la robe d’une femme, ou celle d’une orange? Le parallélisme
établit une comparaison subtile entre les deux éléments, faisant du fruit une rondeur séduisante et de
la femme une présence fraîche. Et puis, le sous-‐entendu de nudité, puisque précédé d’une description
d’agrume, ajoute en pureté à l’image plutôt que de la sensualiser.
Vient alors le troisième vers, « Et toi dans mon lit », dont la structure syntaxique identique à celle des
deux premières lignes allonge le parallélisme. Bien qu’il soit probablement question d’une amante, ce
que proposait déjà la deuxième ligne, la forme très descriptive du vers et son manque de verbe ne
suggèrent pas de mouvement, et donc pas d’activité sexuelle. On pourrait presque prendre les trois
premiers vers pour des titres de tableaux; les deux premiers seraient des natures mortes et le
troisième une muse peinte comme une odalisque. Prévert utilise ses mots pour décrire le moment qui
l’a inspiré de la même façon qu’un peintre le ferait avec ses pinceaux. Voilà l’esprit des « larmes ».
Le quatrième vers, « Doux présent du présent », confirme l’instantanéité du moment décrit. De plus, il
ajoute une touche de douceur au poème qui abolit définitivement l’hypothèse d’allusion sexuelle, de
sorte que le poème troque son ambiance érotique pour une plus innocente. Ainsi, les symboles du lit
9 Aphorisme
36
et de la nudité perdent toute leur connotation lascive et se changent en une image de pureté qui
n’est pas sans me rappeler ces dimanches matin où j’allais, encore tout jeune, sauter dans le carré de
nuages de mes parents à demi endormis — vous noterez que si le poème fait remonter ce genre de
souvenirs en ma mémoire, c’est qu’il est pour moi exempt de toute énergie charnelle. Car si la peau
révélée par l’absence de robe sous-‐entendue dans Alicante peut émoustiller certains lecteurs, à mon
esprit elle n’évoque que la délicate et nue splendeur d’une femme enceinte, dans le sens où elle
n’exprime qu’aise et bien-‐être. Tout au plus, le genre de nudité dépeint dans le poème de Prévert me
fait penser à la Léda atomica de Dali, tableau dans lequel l’artiste représente la fameuse admiration
qu’il voue à sa muse Gala en la peignant totalement dévêtue dans le rôle de la Leda mythologique.10
Les deux derniers vers n’apprennent rien de nouveau par rapport à la scène décrite, mais concluent le
poème en puissance avec une antithèse qui laisse sur une impression d’infini :
Fraîcheur de la nuit
Chaleur de ma vie
En huit mots, le poète compare son amante à la douce fraîcheur de la nuit et à la chaleur
réconfortante du jour, confirme (enfin, pour moi) le matin comme étant le moment de la journée qu’il
décrit dans le poème et crée un dernier lien avec l’orange du début, qui serait « fraîche » comme son
amante serait « rafraîchissante ». Là, je pense immédiatement à mon amoureuse avec qui j’ai passé
des étés à profiter du beau temps diurne et à parcourir en vélo, la nuit, les rues aux lueurs orange de
nos villes.
En fin de compte, « Alicante » n’aura jamais connu de verbes. C’est probablement pour cette dernière
raison que je ne lui ai trouvé aucune allusion sexuelle malgré les multiples sous-‐entendus potentiels :
ne contenant aucun verbe, il ne contient aucune action, quelle qu’elle soit. Le poème n’est donc rien
10 Exemple
37
qu’un paisible moment de dégustation du présent, imprimé sur un bout de feuille en quelques
minutes et en quelques gouttes d’encre. Je m’imagine assez bien le poète, mi-‐couché, mi-‐assis,
griffonnant les vers de sa « larme » au dos d’un billet de théâtre, une main sur l’épaule de sa muse
allongée à ses côtés dans les nuages du lit matinal, l’autre à sa propre joue, essuyant le bonheur qui y
coule doucement.11
1263 mots
11 Description
38
BIBLIOGRAPHIE COMMENTÉE
Floriane Simard
POÈMES À LIRE À LA LUEUR D’UNE CHANDELLE Cette station a fait naître beaucoup de chaleur en moi. D’une agréable douceur, les poèmes qui sont regroupés ici m’ont donné envie de les savourer à la lueur d’une chandelle, tard le soir. Tout en intimité et en subtilité, ce sont des vers qui décrivent l’amour parfois de façon simple, parfois de façon grandiose. Malgré que ces poèmes viennent tous du même recueil, j’ai été charmée par la plume d’Éluard qui a su réinventer et recréer de nouvelles images à chaque page. ÉLUARD, Paul, «Même quand nous dormons», Derniers poèmes d’amour, 1984.
On est ici devant un poème très simple qui associe l’amour à l’évolution du temps. On parle des amoureux en parlant du temps qu’ils passent ensemble en dormant. Le fait d’insister sur la succession des jours est également intéressant pour témoigner de l’amour qui grandit au fil du temps.
ÉLUARD, Paul, «Dit de l’amour», Derniers poèmes d’amour, 1984. ÉLUARD, Paul, «Et notre mouvement», Derniers poèmes d’amour, 1984.
Les vers de ce poème font réellement sentir un mouvement qui se profile tout au long du poème. De plus, les allusions à la nature contribuent à une sensation d’harmonie et de douceur qui caractérise l’ensemble du poème.
ÉLUARD, Paul, «L’extase», Derniers poèmes d’amour, 1984.
Le poète exprime la beauté féminine en la comparant à l’émoi que créerait chez lui un feu. Il est question de l’émerveillement qui anime le poète dans son amour pour une femme au corps désirable. On ressent facilement l’élément du feu qui vient animer les vers.
ÉLUARD, Paul, «Entre la lune et le soleil», Derniers poèmes d’amour, 1984. ÉLUARD, Paul, «D’un et de deux, de tous», Derniers poèmes d’amour, 1984. ÉLUARD, Paul, «Puisqu’il le faut», Derniers poèmes d’amour, 1984.
39
ÉLUARD, Paul, «Jeunesse engendre la jeunesse», Derniers poèmes d’amour, 1984. ÉLUARD, Paul, «À l’infini», Derniers poèmes d’amour, 1984. ÉLUARD, Paul, «Écrire dessiner inscrire», Derniers poèmes d’amour, 1984. ÉLUARD, Paul, «Air vif», Derniers poèmes d’amour, 1984. ÉLUARD, Paul, «Je t’aime», Derniers poèmes d’amour, 1984. ÉLUARD, Paul, «Marine», Derniers poèmes d’amour, 1984. POÈMES EN BATAILLE On rencontre ici des vers qui frappent l’imaginaire par leur important témoignage de vérité. Les poètes nous transportent sur le champ de bataille, et on sent souvent l’empressement sous le martèlement des mots. Ce sont parfois les poèmes les plus simples qui réussissent le mieux à nous toucher. Le dégoût est souvent dépeint ainsi que la volonté profonde de cesser les coups de feu. Les mots réunis ici sont simples, purs, durs et transportent tous en eux une petite part de l’horreur qui caractérise la guerre. ARAGON, Louis, «Parenthèse 56», Le roman inachevé, 1956.
Louis Aragon illustre la douleur et l’amertume de la guerre sous forme de questionnements et de doutes. Il tente de décrire la guerre mais on sent que ses sentiments le submergent trop.
ARAGON, Louis, «La Guerre et ce qui s’en suit», Le roman inachevé, 1956. ARAGON, Louis, «Il n'y a jamais eu rien de cela ni des ans qui suivirent », Le roman inachevé, 1956.
On présente dans ces vers un profond sentiment désabusé qui se manifeste par les affirmations négatives comme «il n’y a jamais eu». Les derniers mots sont très forts, car ils témoignent du fait que l’art sera à jamais changé par la guerre et le poète ne sait s’il sera possible de retrouver un jour les illusions du passé.
ARAGON, Louis, «Strophes pour se souvenir», Le roman inachevé, 1956. CHAR, René, «Louis Curel de la Sorgue», Fureur et mystère, 1962.
40
CHAR, René, «Vivre avec de tels hommes», Fureur et mystère, 1962. CHAR, René, «Carte du 8 novembre», Fureur et mystère, 1962.
Poème très touchant qui marque l’imaginaire à l’aide de descriptions frappantes. Les images que René Char distribue à travers ses vers sont d’une vraie humanité qui tranche d’avec les atrocités de la guerre qu’il décrit.
CHAR, René, «Fragment 10», Fureur et mystère, 1962. CHAR, René, «Fragment 72», Fureur et mystère, 1962.
Cette courte phrase est puissante et l’on ressent toute l’intensité et la désolation du poète face à la réalité de la guerre. Il compare les dirigeants à des stratèges qui vraisemblablement sont érudits. Toutefois, leurs tristes actes ne sont pas supérieurs à ceux des singes. Quoique bref, cet aphorisme relève d’une belle utilisation de la langue.
CHAR, René, «Fragment 20», Fureur et mystère, 1962. CHAR, René, «Fragment 46», Fureur et mystère, 1962. CHAR, René, «Fragment 78», Fureur et mystère, 1962. CHAR, René, «Fragment 100», Fureur et mystère, 1962. CHAR, René, «Fragment 131», Fureur et mystère, 1962. PRÉVERT, Jacques, «Cagnes-‐Sur-‐Mer», La pluie et le beau temps, 1955. POÈMES À LIRE SOUS UN PARAPLUIE Lettre par lettre, mot par mot, les poèmes font des gouttes sur mon parapluie des jours gris. À la lecture de ces poèmes, j’ai tout de suite eu une image de jour de pluie qui m’est venue à l’esprit. Que les précipitations soient évoquées explicitement ou bien qu’on les ressente à travers l’écoulement des mots ou l’atmosphère créée, je me garde cette liste de poèmes pour les jours où on entend la pluie tomber sur le toit, ou tout simplement pour mes rêveries en nature. ARAGON, Louis, «Je tombe je tombe je tombe», Le roman inachevé, 1956.
41
Poème tout en rythme et en musicalité, la répétition du mot «tombe» est significative dans le cadre de ma station sur la pluie. Je vois dans ces vers un poète qui essaie de retrouver son rythme parmi ses souvenirs et son avenir.
ARAGON, Louis, «Quand je me retourne en arrière il me semble que ces jours sont», Le roman inachevé, 1956. ARAGON, Louis, «Les mots qui ne sont pas d’amour», Le roman inachevé, 1956. ARAGON, Louis, «Tant que j’aurai le pouvoir de frémir», Le roman inachevé, 1956. COEUR DE PIRATE, «Crier tout bas», Roses, 2015.
Cette chanson m’a toujours plongée dans un univers gris et j’adore l’écouter par mauvais temps. Elle transporte des émotions par le biais de la mélodie mais aussi des paroles qui sont touchantes. Il y a cette question de noyade et de réconfort qui est abordée et qui se relie parfaitement à ma station poétique.
PRÉVERT, Jacques, «Tout s’en allait», La pluie et le beau temps, 1955.
Ce poème composé de courts vers me faisait l’effet de gouttes qui tombent une à une en emportant un bout de vérité avec elles. De plus, on sent que les mots coulent un à un, surtout en raison des allitérations liquides créées par les «l». Aussi, on évoque des femmes et des hommes et il me semblait les imaginer se promener sous la pluie.
PRÉVERT, Jacques, «La Rivière», La pluie et le beau temps, 1955. PRÉVERT, Jacques, «Le temps haletant», La pluie et le beau temps, 1955. PRÉVERT, Jacques, «Portraits de Betty portrait de Betty», La pluie et le beau temps, 1955. PRÉVERT, Jacques, «Nuages», La pluie et le beau temps, 1955.
Ce poème est tout en subtilité et en sincérité, ce qui fait sa beauté selon moi. Il exprime des émotions à l’aide de mots simples et concrets. On remarque aussi qu’il traite des enfants qui vieillissent et découvrent le monde dans une certaine mélancolie.
PRÉVERT, Jacques, «Où je vais, d’où je viens…», La pluie et le beau temps, 1955. PRÉVERT, Jacques, «L’enfant de mon vivant», La pluie et le beau temps, 1955.
42
POÈMES QU’ON LIT À L’ENVERS Poèmes réinventés, renouvelés, ils cassent les moules établis et se débarrassent des conventions. Ils aiment choquer, bousculer, déranger, déboussoler le lecteur, pour son plus grand plaisir. Les poètes ont ici fait preuve d’une écriture moins limitée, moins conventionnelle et cela donne des résultats ludiques et originaux. La mise en page y joue un rôle important, tout comme la typographie ou la façon dont se décline le poème. La notion d’envers énoncée dans le titre de cette station renvoie au fait que ces poèmes sont complètement réarrangés par rapport aux poèmes plus habituels. ARAGON, Louis, «Mais tout ceci n'est qu'un côté de cette histoire», Le roman inachevé, 1956.
On s’adresse directement au lecteur, ce qui brise les conventions. Le poète avoue également qu’une explication manque à son poème mais c’est en fait ce qui le rend unique. On pourrait dire que le poème parle du poème lui-‐même.
ARAGON, Louis, «Le vaste monde», Le roman inachevé, 1956. ARAGON, Louis, «Les pages lacérées», Le roman inachevé, 1956. ARAGON, Louis, «Un jour j’ai cru te perdre», Le roman inachevé, 1956.
Ce poème détonne assez de ses confrères, car le poète a écrit quelques vers en italien. De plus, l’utilisation des points rappellent le titre du recueil d’Aragon, mais aussi une certaine continuité et fluidité dans son propos.
ARAGON, Louis, «Toujours à battre les buissons», Le roman inachevé, 1956. PRÉVERT, Jacques, «Peuples heureux n’ont plus d’histoire», La pluie et le beau temps, 1955.
Le poème noté ici est présenté sous forme de courte histoire poétique accompagnée d’un soupçon de fable. Les métaphores du temps sont puissantes et éloquentes. Prévert revendique une forme nouvelle et plus libre.
PRÉVERT, Jacques, «Fastueuses épaves…», La pluie et le beau temps, 1955. PRÉVERT, Jacques, «Rue Stevenson», La pluie et le beau temps, 1955.
J’ai qualifié ce poème de revisité, car il reprend le récit de Stevenson d’une façon ludique et originale. En effet, le nom de la rue désigne l’auteur du livre L'Étrange Cas du docteur Jekyll et de M. Hyde. Les deux protagonistes du roman sont repris dans le poème sous des appellations divergentes mais leurs caractéristiques sont essentiellement les mêmes que dans le livre.
43
PRÉVERT, Jacques, «Art Abstrus», La pluie et le beau temps, 1955. PRÉVERT, Jacques, «Définir l’humour», La pluie et le beau temps, 1955.
44
MANIEMENT DES ARTS
Floriane Simard
La poésie est pour moi une musique. Un théâtre d’émotions. Une peinture de sensations.
Quand je lis de la poésie, une myriade de couleurs et d’images s’animent en moi. Quand je lis de la
poésie à haute voix, je suis happée par cette musicalité singulière qui caractérise chaque poème à sa
façon. Ce genre d’écriture me fait vivre l’art sous sa forme la plus pure.12
Le poème dont je traiterai est « Art abstrus » de Jacques Prévert. Dès ma première lecture,
j’ai été frappée par l’originalité qui découlait de sa simplicité. Il est pour moi la signification même de
la poésie, c’est-‐à-‐dire éclaté, presque incompréhensible, insaisissable dans son unicité, mais
profondément touchant.
Le poème parle de vie mais aussi de mort. Dans des jeux subtils et réfléchis, le lecteur est
guidé à travers une foule d’images qui se succèdent avec grâce. 13 La première strophe est
particulièrement frappante:
Désagréablement surpris de vivre à peine satisfait de ne pas être mort jamais il n’adresse la parole à la vie
Une personne qui n’est plus vraiment attachée à la vie et qui songe à mettre fin à ses jours a peut-‐
être déjà été une grande amoureuse de la vie. Elle profitait peut-‐être de tous les petits plaisirs qu’elle
rencontrait sur son chemin jusqu’à ce qu’un événement vienne tout chambouler et lui apporte de
nouvelles perspectives beaucoup moins gaies.14 La strophe citée plus haut m’a donné l’image d’une
personne qui « n’adressait » plus la parole à la vie alors que c’était sa plus grande amie auparavant.
Pour enchaîner, les vers suivants me touchent particulièrement: « Et la tête entre les mains
et les pinceaux tout prêts mais / la couleur si loin ». L’interprétation que j’en fait est la suivante.
Parfois on se prend la tête et on retourne sans arrêt toutes nos idées et nos pensées et on se
décourage. On se dit qu’elles n’ont aucune valeur, aucune raison d’être, aucun potentiel.15 Or, le
12 Définition 13 Soliloque 14 Digression 15 Exemple
45
poète écrit que même si nous avons les capacités en nous, nous ne les réalisons que trop peu. Il est
nécessaire d’en prendre conscience afin d’atteindre cette couleur qui nous revient.
La troisième strophe me fait ressentir de la mélancolie mais également beaucoup
d’admiration pour l’habileté avec laquelle le poète joue avec les mots. Les trois vers ci-‐dessous en
sont justement un bel exemple.
mygale de mégalomanie tisse et retisse à l’infini la décalcomanie logogriphique de ses spéculations esthétiques
Ce poème m’a aussi émerveillée par le fait que l’on parle de l’art en faisant de l’art. Tout en
écrivant de la poésie, Prévert s’amuse à évoquer d’autres artistes comme des peintres ou des
musiciens. Pour moi, cela implique que toutes les formes d’art sont intrinsèquement liées et c'est
pour cette raison que le poème est à mon avis, assez universel. De plus, le titre de ce dernier se
rapporte justement à ce thème. Les vers suivants démontrent éloquemment l’idée que je viens de
présenter.
cette haleine de fleurs peintes entre les lèvres de la bouche d’un visage de Botticelli a toujours le même parfum que le printemps de Vivaldi
Ce qui me frappe le plus dans le poème est le chiasme qui composent les deux derniers vers:
«La mort est dans la vie la vie aidant la mort / la vie est dans la mort la mort aidant la vie. » Cela clôt
bien le poème, car on évoque le cycle infini de la vie et de la mort, en rapport avec le cycle aussi infini,
en quelque sorte, des arts qui transcendent nos existences. « Art abstrus » ne saurait mieux dire.16
597 mots
16 Aphorisme
46
Bibliographie commentée
Laurence Thibault
Pour l’amour de mon (coin de) pays
« Chaque poète porte son pays sur ses épaules dans le baluchon de sa parole en
friche ballottée au vent des dires. La poésie devient alors identité, invitant au voyage
fabuleux de la parole et de la mémoire ».
Sylvain Rivière
Les poèmes que l’on retrouve dans cette station sont engagés, engagés à ce que le Québec soit un
jour libre. Ceux-‐ci dénoncent souvent les injustices vécues par les Canadiens français et rappellent
différents moments historiques marquants survenus dans notre province (les rébellions de 37-‐38, la
crise d’octobre, la Grande Noirceur). Ces poèmes sont la trace d’un « Je me souviens » que trop
semblent avoir oublier. Cette poésie, souvent écrite dans un langage populaire, permet de
comprendre la vision des artistes et aussi du peuple de ce temps-‐là.
1. Duguay, Raoul, « Dans ma peau de peuple », Kébek à la porte : poèmes politiques 1967-‐1993, 1993.
2. Duguay, Raoul, « Kébek à la porte », Kébek à la porte : poèmes politiques 1967-‐1993, 1993.
Par ses nombreuses métaphores faciles à comprendre, ce poème rappelle les faiblesses des
Québécois ainsi que leur statut de porteurs d'eau. Porteurs d’eau pendant tant d'années.
Pourtant, les derniers vers, au futur, prouvent que l'espoir d'une meilleure condition et d'un
pays est encore dans le coeur de plus d'un.
3. Duguay, Raoul, « Les Kébécois », Kébek à la porte : poèmes politiques 1967-‐1993, 1993.
4. Garneau, Michel, «C’est clair comme l’eau », Langage 5 : Politique, 1974.
47
5. Godin, Gérald, « Cantouque menteur », Les Cantouques, Poèmes en langue verte, populaire et
quelquefois française, 1967.
6. Gonzague-‐Pelletier, Louise de, « Mon Québec », Saison québécoise, 1976.
Le déchirement de l'auteur entre son amour profond pour ce qu'elle considère comme son
pays et le désespoir qu'elle ressent face au fait qu'il soit aux mains du Canada est évident dans
ce poème. Les mots « je t’aime » et « m’attriste » reviennent le même nombre de fois dans ce
cours poème. Pourtant, on remarque que les vers qui décrivent cet amour sont beaucoup plus
nombreux et importants.
7. Lalonde, Michèle, « Speak white », Poème-‐affiche, 1974.
8. Leclerc, Félix, « L’alouette en colère », L’alouette en colère, 1972.
Cette chanson de Félix Leclerc rappelle la situation difficile des Québécois. Écrite suite à la
crise d’Octobre, on sent toute la colère ressentie par le fils et, par ricochet, par le père face
aux conditions qui ne changent guère pour les plus pauvres. La question de la langue est aussi
exploitée dans les vers « Et sa langue maternelle ! / Qu’on ne reconnaît pas ». Le désir des
travailleurs de se faire comprendre en français est un thème qui est repris dans plusieurs
poèmes.
9. Les Cowboys fringants, « Mon pays », Motel Capri, 2000.
10. Miron, Gaston, « Le damned Canuck », L'Homme rapaillé, 1970
Imperméable et bottes de pluie
« L’automne est une demeure d’or et de pluie »
Jacques Chessex
Les poèmes de cette station présentent différentes façons de voir l’automne. Tandis que, comme moi,
certains la considèrent comme la plus belle saison, c’est pour d’autres le moment de l’année qui
rappelle la mort et le désespoir. Cette série de poèmes est à lire à l’aube des jours qui commencent à
refroidir. Que ce soit pour se consoler avec de beaux mots ou pour admirer le temps à venir, ces
poèmes sont à déguster absolument. L’automne est pour moi le temps idéal pour sortir ses bottes de
pluie, et trouver de la beauté même parmi les jours pluvieux. Rappelant cette idée, certains textes
tentent de déceler un peu de joie dans les moments sombres de la vie.
48
1. Baudelaire, Charles, « Parfum exotique », Les fleurs du mal, 1857.
2. Baudelaire, Charles, « Chant d’automne », Les fleurs du mal, 1857.
Baudelaire annonce dès les premiers vers sa haine de l'automne qui n’est pour lui qu'une
longue attente vers une saison bien pire encore, l’hiver. Cette saison de neige et de glace est
une métaphore de la mort dans ce poème. Le changement entre les saisons lui apporte de la
haine qui est d'ailleurs exprimée par l’énumération « colère, / haine, frissons, horreur, labeur
dur et forcé, ».
3. Cros, Charles, « Les quatre saisons -‐ L’automne », Le coffret de santal, 1873.
4. De Larmatine, Alphonse, « L’automne », Méditations poétiques, 1820
5. Hugo, Victor, « Rêverie », Les Orientales, 1829.
6. Hugo, Victor, « Voici que la saison décline », Dernière gerbe, 1902
Douze vers seulement sont nécessaires à Victor Hugo pour dresser un bref portrait, toujours
en rime et dans un style romantique, des changements survenants à l'automne. Les
nombreuses personnifications donnent l'impression que cette saison est la plus vivante entre
toutes. On sent, à cause des nombreux mots connotés négativement, que le froid qui arrive
glacera bientôt toute cette vie.
7. Lacaussade, Auguste, « Soleil d’Octobre », Poèmes et Paysages, 1852
8. Samain, Albert, « Octobre est doux ... », Au jardin de l’infante, 1893.
9. Verhaeren, Emile, « Fin d’année », Toute la Flandre, 1993.
La répétition de mots relatifs à l’ennui et à la mort comme « morne », « mourir », « pourrir », «
gisez », « mort » et bien d'autres font ressentir au lecteur la fin qui approche avec l’arrivée de
l’automne. Interpellé par l’utilisation du « vous » dans la deuxième et la quatrième strophe, on
se sent presque coupable d'aimer l’automne.
10. Verlaine, Paul, « Chanson d’automne », Poèmes saturniens, 1886.
49
Les femmes d’abord
«Peu m’importe de vivre dans un monde d’hommes tant que je peux y être une
femme »
Marylin Monroe
Puisque très peu de poèmes écrits par des femmes nous ont été présentés, je remédie à la situation
dans cette station. Au fils des années, celles-‐ci ont su se tailler une place ferme dans le milieu de la
poésie et être reconnue partout dans le monde. Ces poétesses parlent de tout, passant de la religion à
la famille. Puisque les poèmes s’étendent sur une période de près de 100 ans, on peut voir le rôle des
femmes ainsi que leur importance dans la société totalement tranformés.
1. Azais, Simonne Michel, « Chant d’amour », Poèmes interdits, 1953.
Très sensuel, le poème exploite la sexualité féminine et le désir. L'utilisation de « nos » et «
nous » donne l’impression que les deux êtres ne peuvent vivre l’un sans l’autre et qu'une fois
leurs désirs assouvis, ils pourront s'aimer pour toujours. La poétesse rappelle que cette union
doit être vécue sans honte.
2. Colet, Louise, « La voix d’une mère », Penserosa, 1839.
Ce poème qui semble doux par ses rimes et son style romantique est pourtant grave de sens.
La mère qui semble écrire ce poème à sa fille lui demande de respecter la religion et de
s'effacer derrière les hommes. Un des vers est particulièrement choquant puisqu'on peut y lire
que la femme doit principalement être belle pour l’homme, sans plus : « Et si Dieu t'a douée /
D’un esprit noble et grand, / Sois humble et dévouée, /Sois belle en l’ignorant ».
3. Colet, Louise, « Souviens-‐toi de moi », Penserosa, 1839.
4. D’arbouville, Sophie, « La grand-‐mère », Poésies et nouvelles, 1840.
5. Noël, Marie, « À Vêpres », Les Chansons et les Heures, 1935.
6. Pozzi, Catherine, « Ave », Six poèmes fulgurants, 1935.
7. Sicaud, Sabine, « Ah! Laissez-‐moi crier », Posthume, 1958.
Sabine Sicaud, dans ce poème vibrant et enragé, décrit la perte d'un être cher. Pourtant, cette
douleur ne peut être exprimée qu'en se défoulant et en criant. Déjà, le titre est assez
éloquent. L'utilisation de plusieurs exclamations ou questions vient chercher le lecteur
50
personnellement pour qu'il ressente aussi toute l’émotion de la poétesse. La colère ne peut
être ignorée.
8. Vivien, Renée, « Chanson », Études et préludes, 1901
9. Vivien, Renée, « Je pleure sur Toi …», À l’heure des mains jointes, 1906.
Qui l’eut cru
« Toutes les bonnes choses qui existent sont les fruits de l’originalité »
John Stuart Mill
Les poèmes qui se retrouvent dans cette station jouent avec la langue, y ajoutent des chiffres ou
utilisent un style surréaliste pour écrire. Cela donne un ensemble de poèmes insolites, originaux et
surtout très amusants à lire. Ceux-‐ci diffèrent de la plupart des autres stations. Lorsque la vie ne
semble plus avoir de sens, il faut savoir, comme dans ces poèmes, le chercher un peu plus loin qu’à
l’habitude. Si il est impossible d’en trouver un, il faut savoir s’amuser avec la vie quand même.
1. Desnos, Robert, « L’asile ami », Langage cuit, 1923.
2. Desnos, Robert, « À la ferveur de la nuit », Corps et Biens, 1926.
3. Jacob, Max, « Avenue du Maine », Les oeuvres burlesques et mystiques de frère Matorral, 1912.
En jouant avec le langage par l’utilisation des mots «manège» et «ménage», le poète amène
une nouvelle façon d’entendre les vers. La sonorité prime sur le sens du poème.
4. Péret, Benjamin, «26 points à préciser », Le Grand Jeu. 1928
5. Rimabaud, Arthur, « Voyelles », Lutèce, 1883.
6. Tzara, Tristan, « Chanson dada », De nos oiseaux, 1923.
Le poète Tristan Tzara tente dans ce poème de rejeter le modère poétique établit avant lui. Le
poème a expressément pour but que l’on ne tente pas de l’analyser puisque celui-‐ci n’a
simplement pas de sens. La répétition du mot dada qui ne veut rien dire prouve cet objectif à
défier la littérature. Il brusque ainsi le lecteur.
51
À relire encore
« Lire est doux : relire est -‐ quelquefois -‐ plus doux encore »
Emile Faguet
Ces poèmes touchants, que je n’ai pas toujours compris du premier coup ou qui m’ont simplement
marqué dès la première lecture, sont recueillis dans cette cinquième station. Ils sont à conserver
encore longtemps pour pouvoir les lires à d’autres, à mes enfants plus tard et à mes amies. Les
thèmes ne sont pas précis puisque les poèmes ont été choisis non pas pour être classé, mais bien
pour être relu.
1. Eluard, Paul, « La terre est bleu comme une orange», L’Amour la Poésie, 1929.
2. Eluard, Paul, « Liberté», Poésie et Vérité, 1942.
Suite à la lecture de ce poème en classe, j’ai eu envie de le relire. Par la répétition de « J’écris
ton nom», ce poème reste facilement dans la tête, un peu comme une chanson. L’anaphore
qui commence les trois autres vers est «sur» et donne l’impression que l’on embarque dans
une certaine cadence et que cela forme une mélodie.
3. Gautier, Théophile, « L’art», Émaux et Camées, 1852.
4. Hugo, Victor, «Voeu», Les Orientales, 1829.
5. Rimbaud, Arthur, « Sensation », Douai, 1870.
Dans ce poème où les verbes sont uniquement conjugués au futur, Rimbaud nous présente un
esprit fugueur et en quête de liberté. Étant un de ses premiers écrits, on sent son envie de
trouver l’amour d'une femme qui est ici comparée à la nature. En effet, des rimes féminines et
des rimes masculines dominent séparément une strophe ou l’autre.
Il me dit des mots d’amour, des mots de tous les jours
« L’amour est toujours devant vous »
André Breton
52
Cette dernière station, inspirée de la chanson « La vie en rose » d’Édith Piaf, consigne les poèmes que
j’aurais aimé que l’on m’écrive un jour. Il est trop tard, ces poèmes ne parlent évidemment pas de
moi, et les mots ont déjà été choisis par d’autres. Le thème est souvent l’amour, mais pas
nécessairement abordé d’une manière bienheureuse. Tout de même, peut-‐être que les horreurs
paraissent plus belles grâce à ces mots.
1. Aragon, Louis, « L’amour qui n’est pas un mot », Le roman inachevé, 1956.
2. Aragon, Louis, « Tu m’as trouvé comme un caillou », Le roman inachevé, 1956.
3. Baudelaire, Charles, « Hymne à la beauté », Les fleurs du mal, 1857.
Par l’utilisation du «tu» à plusieurs reprises dans les différents vers du poème, le lecteur sent
qu’il est l’amante dont Baudelaire parle. Tout de suite, ce poème nous touche grâce à ce
procédé.
4. Desnos, Robert, « J’ai tant rêvé de toi », Corps et biens, 1930
5. Eluard, Paul, « L’amoureuse », Mourir de ne pas mourir, 1924.
6. Eluard, Paul, « Ordre et désordre de l’amour », Dernier poème d’amour, 1963
7. Eluard, Paul, « L’extase », Dernier poème d’amour, 1963
8. Guérin, Charles, « L’amour nous fait trembler», Le coeur solitaire, 1896.
L’amour semble simple et délicat dans ce poème. Il est aussi physique et on peut bien le saisir
par les nombreuses parties du corps nommées : visage, tempe, coeur, cou, bras, gorge et
paupière. Ainsi, ce sentiment décrit comme étant si positif paraît facile à comprendre.
9. Hugo, Victor, « Il lui disait : Vois-‐tu..», Les contemplations, 1856.
10. Verhaeren, Émile, « Avec mes sens », Les heures d’après-‐midi, 1905.
Poème d’exception
« Speak white » de Michèle Lalonde
Speak white!
Il est si beau de vous entendre
53
Parler de Paradise Lost
Ou du profil gracieux et anonyme qui tremble dans les sonnets de Shakespeare
Nous sommes un peuple inculte et bègue
Mais ne sommes pas sourds au génie d’une langue
Parlez avec l’accent de Milton et Byron et Shelley et Keats
Speak white!
Et pardonnez-‐nous de n’avoir pour réponse
Que les chants rauques de nos ancêtres
Et le chagrin de Nelligan
Speak white!
Parlez de choses et d’autres
Parlez-‐nous de la Grande Charte
Ou du monument à Lincoln
Du charme gris de la Tamise
De l’eau rose du Potomac
Parlez-‐nous de vos traditions
Nous sommes un peuple peu brillant
Mais fort capable d’apprécier
Toute l’importance des crumpets
Ou du Boston Tea Party
Mais quand vous really speak white
Quand vous get down to brass tacks
Pour parler du gracious living
Et parler du standard de vie
Et de la Grande Société
Un peu plus fort alors speak white
Haussez vos voix de contremaîtres
Nous sommes un peu durs d’oreille
Nous vivons trop près des machines
Et n’entendons que notre souffle au-‐dessus des outils
Speak white and loud!
Qu’on vous entende
54
De Saint-‐Henri à Saint-‐Domingue
Oui quelle admirable langue
Pour embaucher
Donner des ordres
Fixer l’heure de la mort à l’ouvrage
Et de la pause qui rafraîchit
Et ravigote le dollar
Speak white!
Tell us that God is a great big shot
And that we’re paid to trust him
Speak white!
Parlez-‐nous production, profits et pourcentages
Speak white!
C’est une langue riche
Pour acheter
Mais pour se vendre
Mais pour se vendre à perte d’âme
Mais pour se vendre
Ah! Speak white!
Big deal
Mais pour vous dire
L’éternité d’un jour de grève
Pour raconter
Une vie de peuple-‐concierge
Mais pour rentrer chez nous le soir
A l’heure où le soleil s’en vient crever au-‐dessus des ruelles
Mais pour vous dire oui que le soleil se couche oui
Chaque jour de nos vies à l’est de vos empires
Rien ne vaut une langue à jurons
Notre parlure pas très propre
Tachée de cambouis et d’huile
Speak white!
Soyez à l’aise dans vos mots
Nous sommes un peuple rancunier
55
Mais ne reprochons à personne
D’avoir le monopole
De la correction de langage
Dans la langue douce de Shakespeare
Avec l’accent de Longfellow
Parlez un français pur et atrocement blanc
Comme au Viêt-‐Nam au Congo
Parlez un allemand impeccable
Une étoile jaune entre les dents
Parlez russe, parlez rappel à l’ordre, parlez répression
Speak white!
C’est une langue universelle
Nous sommes nés pour la comprendre
Avec ses mots lacrymogènes
Avec ses mots matraques
Speak white!
Tell us again about Freedom and Democracy
Nous savons que liberté est un mot noir
Comme la misère est nègre
Et comme le sang se mêle à la poussière des rues d’Alger ou de Little Rock
Speak white!
De Westminster à Washington, relayez-‐vous!
Speak white comme à Wall Street
White comme à Watts
Be civilized
Et comprenez notre parler de circonstance
Quand vous nous demandez poliment
How do you do?
Et nous entendez vous répondre
We’re doing all right
We’re doing fine
We are not alone
Nous savons que nous ne sommes pas seuls
56
Source : Lalonde, Michèle, « Speak white », Poème-‐affiche, 1974.
57
CE QUEBEC QUE J’AIME
Laurence Thibault
« Je suis Québec mort ou vivant »
paroles de Claude Gauthier
J’aime le Québec.
Peut-‐être l’ai-‐je aimé davantage grâce à sa culture découverte au fil du temps. Peut-‐être suis-‐je
plutôt née dans un champ de fleur de lys. Je ne sais pas si cet amour a simplement grandi en moi ou
s’il s’est fait une place avec les années17. Néanmoins, il y a une chose dont je suis certaine …
J’aime le Québec avec toute mon âme.
Il y a différentes manières de l’aimer, j’imagine. Je l’aime au complet. Bien sûr, je l’aimerais
mieux libre. Il me semble qu’il serait plus heureux18. Diverses oeuvres tant au cinéma, en musique ou
en littérature m’ont permis de comprendre pourquoi je désirais tant qu’il soit enfin libre. Si je n’avais
jamais eu les mots exacts pour décrire ce qui me faisait vibrer, d’autres les connaissaient. Cependant,
jamais je n’avais vraiment étudié la poésie québécoise. Les textes que j’ai découverts m’ont touchée,
dès le départ.
J’aime le Québec quand il me parle en français.
À travers cette poésie de chez nous, c’était précisément ce que j’ai pu entrevoir. Plus
précisément, Speak white de Michèle Lalonde m’a d’abord surprise par son titre en anglais. Pourquoi
17 Soliloque 18 Portrait
58
un titre dans la langue de Shakespeare prônerait-‐il la séparation du Québec ? J’ai vite compris, après
une simple lecture, toute la fureur cachée derrière ce poème. J’ai appris que ce titre, justement,
voulait rappeler une condition vécue par tant de Québécois. Le français n’avait pas de droit de cité. Le
français était une langue ridicule pour les riches entrepreneurs anglophones qui dominaient toute la
société québécoise. Speak white était d’ailleurs les termes injurieux que les Canadiens anglais
utilisaient contre les Canadiens français lorsque ceux-‐ci osaient parler français dans un lieu commun,
au travail ou dans les commerces par exemple19. Ce poème me choque et m’enrage. Pas qu’il ne soit
pas beau, pas que chaque mot n’ait été choisi avec minutie. Ce qui me choque, c’est que l’utilisation
faite dans ce texte du franglais était en fait une réalité. Nous avons beau nous imaginer cette
situation, la vivre à travers ce poème est une toute autre expérience. Dans certains vers, l’utilisation
des deux langues est presque égale. Dans la dernière strophe, les trois derniers vers sont en anglais
exclusivement : « We’re doing all right/ We’re doing fine/ We are not alone ». Malgré l’omniprésence
de cette deuxième langue, le français triomphe à la fin par le vers « Nous savons que nous ne sommes
pas seuls ». La fin présente donc un espoir d’une meilleure condition pour la langue française, mais
aussi pour le peuple lui-‐même qui pourra se rassembler pour faire avancer les choses20.
Par ce style peu commun, l’auteure utilise un ton très sarcastique. Si on lit trop rapidement, on
peut se méprendre et croire que les vers « Il est si beau de vous entendre / Parler de Paradise Lost »
ou « Parlez-‐nous production, profits et pourcentages » sont sincères. Bien sûr, ils sont loin de l’être.
Grâce à cette technique, on sent tout le mépris auquel les Canadiens français ont été exposés.
J’aime le Québec dans toute sa dimension historique.
19 Exemple 20 Analyse
59
Ce poème n’est pas qu’une ode à la langue, c’est un amalgame complexe de plusieurs éléments
historiques. Parfois, il faut faire quelques recherches pour bien les comprendre. Lorsque l’on y lit « Nous
sommes un peuple inculte et bègue », l’auteure n’affirme pas que ce soit vraiment le cas. Ce vers reprend
plutôt les dires du rapport Durham en 1838, où un passage précisait que «… les Québécois sont un peuple sans
histoire et sans littérature ». Ce poème est si riche que les exemples historiques ne manquent pas. Plus loin
encore, les évènements d’Alger sont mentionnés dans le vers « Et comme le sang se mêle à la poussière des
rues d’Alger ou de Little Rock ». Eux, ont su se libérer de l’emprise de ceux qui les dominaient.
Si la condition s’est nettement améliorée au Québec tant au niveau de la langue que sur le plan
des rapports humains, il reste tout de même des progrès à faire. La poésie, comme toutes les autres
formes d’art, participe et participera encore longtemps à l’émancipation de la culture. On tente
d’affaiblir cette culture actuellement, mais elle sera toujours bien vivante. Elle ne se laissera pas faire.
Comme le dit le proverbe, « les paroles s’envolent, mais les écrits restent 21». Les mines d’or que sont
les poèmes comme Speak white vont rester. Il suffit seulement de chercher un peu, de creuser et de
s’intéresser à ceux-‐ci.
J’aime le Québec, encore plus depuis ces découvertes.
Nombre de mots : 780 (Je ne pouvais plus m’arrêter!)
21 Citation
60
BIBLIOGRAPHIE COMMENTÉE: LES STATIONS DE MÉTRO
Lauriane Labonté
Première station: Jolicoeur
Ma découverte des stations du métro de Montréal à travers la poésie débute à la station Jolicoeur, sur la ligne verte. J’entre dans la station et j’attends que le métro arrive. C’est long. Je me retrouve alors à fixer l’enseigne qui indique le nom de cette station. Jolicoeur. C’est drôle, il me fait penser à l’expression «faire le joli cœur». J’ai donc une soudaine envie de me plonger dans l’univers poétique de l’amour et de la séduction… Banville, Théodore de, «Ô jeune Florentine», Les Cariatides, 1842.
Coppée, François, «Serment», L’Exilée, 1877.
Du Bellay, Joachim, «Villanelle».
Éluard, Paul, «La courbe de tes yeux», Capitale de la douleur, 1926.
À travers la métonymie des yeux de la femme qui décrit, en fait, son être entier, le poète démontre son amour et son admiration pour celle qui le garde vivant.
Garneau, Hector de Saint-‐Denys, «Aimer», Recueil de poésies: inédit de 1928, 1928.
Alors qu’il n’avait que quinze ans lorsqu’il a écrit ce poème, Saint-‐Denys Garneau nous partage sa vision de l’amour. L’amour peut autant nous faire du bien que nous faire du mal et là se trouve sa beauté. Elle nous fait sentir vivant.
Krysinska, Marie, «Valse», Rythmes pittoresques, 1890.
Mallarmé, Stéphane, «Une dentelle s’abolit», 1887.
Maupassant, Guy de, «Une conquête», Des vers, 1880.
Miron, Gaston, «La marche à l’amour», L’Homme rapaillé, 1970.
La femme du poète ressemble à son pays, mais elle lui fait voir le monde entier: «tu es mon amour ma ceinture fléchée d’univers». Le poète parle donc ici non seulement de l’amour qu’il porte à sa femme mais aussi au pays qu’il veut voir naître. Les deux sont remplis de promesses: «tu as des yeux d’aventure et d’années-‐lumière».
61
Musset, Alfred de, «À George Sand I», Lettres à George Sand, 1904.
Vivien, Renée, «Soir», Études et préludes, 1901.
Deuxième station: De l’église
Une station passe et je décide de sortir à la prochaine. C’est comme si quelqu’un ou quelque chose
me poussait à descendre du wagon. Comme un appel divin… Une voix retentit: «Station De l’église».
Drôle de coïncidence. Je monte les escaliers afin d’avoir un peu d’air frais et devant moi je vois:
l’Église Notre-‐Dame-‐des-‐Sept-‐Douleurs. Aussitôt, une multitude de vers religieux se bousculent en
mon esprit. Je pense alors aux poèmes suivants…
Agrippa d’Aubigné, Théodore, «Prière du matin», L’Hiver.
Hébert, Anne, «L’ange gardien», Œuvre poétique, 1992.
L’ange gardien est toujours là pour conseiller avec sa sagesse divine et on y décrit sa beauté, sa douceur et sa lumière.
Lamartine, Alphonse de, «Le Crucifix», Nouvelles méditations poétiques, 1849.
Lamartine, Alphonse de, «Le Maître que j’adore», Nouvelles méditations poétiques, 1849 Mallarmé, Stéphane, «Sainte», 1865.
La poésie est ici considérée aussi forte que la religion. Dans la noirceur, c’est là qu’elle est plus encline à naître et à éclairer les gens.
Nouveau, Germain, «Prière», Autres vers.
Racine, Jean, «Le lundi à laudes», Lettre à Mademoiselle Vitart.
Rimbaud, Arthur, «Les Premières Communions», Poésies, 1895.
Verlaine, Paul, «Vêpres rustiques», Liturgies intimes, 1892.
Troisième station: Place des Arts
62
Je rembarque dans le wagon, un peu déboussolée. J’ai envie de me changer les idées. Sept stations
passent en un claquement de doigts. La prochaine: Place des Arts. C’est parfait! Ça ne pourrait être
plus approprié pour ma découverte. Je me mets alors à penser à la nécessité qu’est l’art dans notre
société. L’art n’est pas seulement qu’un loisir ou un souci d’esthétisme, c’est un excellent moyen pour
s’exprimer, se remémorer, dénoncer…
Autran, Joseph, «Le bouclier d’Achille», Les poèmes de la mer, 1859.
La tâche du poète est difficile. Il doit traiter des sujets les plus majestueux mais en seulement quelques vers. «L’art est le plus grand des magiciens.»
Baudelaire, Charles, «Le Guignon», Les Fleurs du mal, 1857.
Hugo, Victor, «L’art et le peuple», Les châtiments, 1853.
Sully-‐Prudhomme, René-‐François, «L’art sauveur», Les épreuves, 1866.
Verlaine, Paul, «Torquato Tasso», Premiers vers, 1864.
Whitman, Walt, «Poètes à venir», Feuilles d’herbes, 1855.
C’est un appel à la génération future non seulement de poètes mais tous ceux qui auront de l’influence grâce à leur parole. Ils doivent se «lever» pour continuer à faire bon usage des mots afin de continuer à dénoncer et à s’exprimer.
Quatrième station: De la Savane
Pour me rendre à ma prochaine destination, je décide de changer de ligne et de me rendre à la station
De la Savane, sur la ligne orange. Cette couleur me rappelle la chaleur et la sécheresse des déserts
d’Afrique. Les images de la savane viennent tranquillement m’enivrer et j’ai, en cet instant, un
profond désir de voyager dans les paysages du monde. Sur ces vers, je me laisse bercer dans cette
atmosphère exotique.
Atangana, Paul-‐Charles, «La terre attend», Anthologie de la poésie camerounaise, 1972. Banville, Théodore de, «Premier soleil», Odes funambulesques, 1874.
63
Le poète décrit l’arrivée du printemps sur la terre d’Italie dont il fait la personnification dans le poème. Il dit adieu à l’hiver, par le fait même.
Baudelaire, Charles, «Parfum exotique», Les Fleurs du mal, 1857.
L’auteur se laisse voyager par la femme de manière sensuelle. Cette expérience l’amène sur une «île paresseuse» remplie de parfums exotiques.
Dominique, Jean, «J’ai lu que les poètes, en Chine», La gaule blanche, 1903.
Hugo, Victor, «Clair de lune», Les orientales, 1829.
Hugo, Victor, «Grenade», Les orientales, 1829.
Leconte de Lisle, Charles, «Un coucher de soleil», Poèmes barbares, 1872.
Ce poème décrivant le coucher du soleil est marqué par son atmosphère exotique et ses métaphores très imagées. «Dans son bec il tient le soleil».
Sicard, Francis Étienne, «Orientales», Odalisques, 1995.
Cinquième station: Place d’Armes
Je continue mon tour du monde dans le métro jusqu’à la station Place d’Armes. Je sens un poids
s’ajouter sur mes épaules dès que le nom de la station retentit. Je ne peux penser à autre chose que
la guerre. Ça sent mauvais. J’ai froid. Les poèmes me hantent comme des fantômes de victimes
innocentes. Pourtant, je me dois de me remémorer.
Apollinaire, Guillaume, «Le Vigneron champenois», Poèmes de la paix et de la guerre, 1913-‐1916. Baudelaire, Charles, «L’homme et la mer», Les Fleurs du mal, 1857. Chateaubriand, François-‐René de, «Les malheurs de la révolution», Poésies diverses, 1860. Éluard, Paul, «Liberté», Poésie et vérité, 1942.
On assiste à la recherche de la liberté à travers le cycle de la vie. En effet, le poème décrit une évolution dans la vie du poète mais également dans celle de la nature. La nature est libre donc elle pourra toujours renaître, pour l’homme, c’est grâce à ses mots, et donc, à sa poésie qu’il atteindra sa liberté et qu’il pourra ainsi renaître.
64
Hugo, Victor, «La guerre», Les chansons des rues et des bois, 1866.
Lacaussade, Auguste, «Le Soldat», Études poétiques, 1876.
Rimbaud, Arthur, «Les corbeaux», Poésies, 1895.
Les corbeaux, après la guerre, continuent à crier même quand les prières se sont arrêtées. Ils sont les «crieurs du devoir». On comprend donc que les corbeaux représentent notre devoir de mémoire.
Rimbaud, Arthur, «Le dormeur du val», Poésies, 1895.
C’est un poème caractérisé par l’omniprésence de la nature. Le soldat dont il est question dans le poème fait partie de celle-‐ci. «Pâle dans son lit vert où la lumière pleut».
Sixième station: Jean-‐Talon
Après avoir exploré la richesse que contient chacune de ces stations et après avoir épuisé toute mon
énergie, je me dis que je vais retourner tranquillement chez moi. J’entends soudain un bruit étrange.
C’est mon ventre. J’ai faim! Je dois faire un dernier arrêt avant de mettre fin à cette aventure: la
station Jean-‐Talon. En chemin, je rêve aux couleurs abondantes et aux mélanges d’odeurs du marché
du même nom…
Hugo, Victor, «Quand les guignes furent mangées», Les chansons des rues et des bois, 1866. La Fontaine, Jean de, «Le renard et la cigogne», Fables, 1668.
Jean de La Fontaine utilise le thème de la nourriture pour démontrer que si l’on fait un coup à quelqu’un, il faut s’attendre à ce que cette personne nous rende la pareille.
Musset, Alfred de, «A Madame Cne T.», Poésies nouvelles, 1850.
Rimbaud, Arthur, «Faim», Derniers vers, 1872.
Rimbaud, Arthur, «Les Effarés», Recueil de Douai, 1870.
Cinq petits enfants vivent dans la misère et vont chercher un peu de bonheur et de chaleur en regardant le boulanger préparer son pain.
Samain, Albert, «La cuisine», Le chariot d’or, 1900.
65
Samain, Albert, «Le marché», Au flanc du vase, 1898.
Samain, Albert, «Le repas préparé», Au flanc du vase, 1898.
Verhaeren, Émile, «Cuisson du pain», Les Flamandes, 1883.
66
ESSAI
Lauriane Labonté
La Deuxième Guerre mondiale. Six ans. Deux mille neuf cent quatre-‐vingt-‐douze jours pour
faire trente-‐huit millions de victimes par les nazis et leurs alliés. Un climat de terreur règne.22 C’est
cette lourdeur que j’aie ressentie lorsque j’ai pénétré dans la station Place d’Armes lors de mon
aventure montréalaise.23 Or, cela n’empêche pas un poète du nom de Paul Éluard de poursuivre son
art. Il publie plusieurs textes pendant l’Occupation de la France et devient alors un des plus grands
poètes de la Résistance.24 Le poème «Liberté», de son recueil publié clandestinement Poésie et vérité,
ne passe pas inaperçu. En effet, il est parachuté par milliers d’exemplaires en France par les
Britanniques.
La liberté est omniprésente dans ce poème. Éluard veut écrire son nom partout. «Sur toutes
les pages lues / Sur toutes les pages blanches».25 Cependant, on garde son identité secrète jusqu’à la
toute fin du poème où tout prend son sens. Lorsqu’on lit le poème pour la première fois, on peut
penser qu’il parle d’abord d’une femme à qui, visiblement, il tient énormément. Le dernier vers, où
elle est révélée, est mis en retrait sans doute pour donner encore plus d’importance à cette liberté
qui est, au fond, l’idéal de tout résistant à cette époque.
Éluard recherche non seulement la liberté dans le climat de guerre, mais également dans le
cycle de la vie humaine et de la nature. Il commence par «écrire son nom» «sur ses cahiers d’écolier» 22 Narration 23 Anecdote 24 Portrait 25 Citation
67
et «sur son pupitre» jusque sur «les marches de la mort». La liberté est aussi liée au cycle des saisons.
Le poète écrit sur «la neige», «sur les nids sur les genêts», «sur l’étang soleil moisi», «sur les ailes des
oiseaux», «sur les sueurs de l’orage». La vie dans la nature renaît à chaque année puisqu’elle est libre.
Sa renaissance est garantie. Or, si on veut parler d’un cycle de vie pour un être humain, il doit pouvoir
renaître. La seule manière de «recommencer sa vie», c’est «par le pouvoir d’un mot», par la liberté.
La poésie est donc le seul outil de l’homme pour qu’il soit libre. 26
La puissance du message ne se trouve pas seulement dans les propos d’Éluard, mais aussi dans
la forme du poème elle-‐même. C’est là que l’on voit toute l’intelligence du travail du poète. Le
surréalisme, mouvement auquel est associé l’artiste, traduit en lui-‐même l’essence de la liberté. Il est
basé sur le rejet des règles classiques, sur une forme poétique libre. Les vers courts, l’absence de
rimes, la répétition anaphorique du «sur» et de «J’écris ton nom» font en sorte que le texte est fluide.
L’absence de pause rend ce poème cohérent avec son fond.
La liberté n’a pas de prix. C’est ce que je me suis dit, me tenant debout au milieu de la station
Place d’Armes à Montréal. Je suis libre. Je suis libre de me perdre dans mes pensées. Je suis libre de
penser. Je suis libre de dire ce que je pense. La liberté est prise pour acquise trop souvent. Ce sont
tous ceux qui ont combattu pour celle-‐ci qui ont fait en sorte qu’aujourd’hui je suis libre de me tenir
ici. Comme dans «Les corbeaux» de Rimbaud, nous devons faire de nous des corbeaux qui nous
rappelons des moments où la liberté n’était plus la nôtre. Nous nous devons de rendre hommage à
ceux qui se sont battus pour nous. Nous devons faire de la liberté notre arme.
575 mots
26 Aphorisme
68