EXAMEN DE JURISPRUDENCE · examen de jurisprudence (1957 à 1960) faillites et concordats(*) par...

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EXAMEN DE JURISPRUDENCE (1957 à 1960) FAILLITES ET CONCORDATS(*) PAR PIERRE COPPENS, CHARGÉ DE COURS A LA FAO.ULTÉ DE DROIT DE L'UNIVERSITÉ DE LOUVAIN, AVOCAT A LA COUR D'APPEL DE BRUXELLES. l.- INDIVIDUS ET SOCIÉTÉS QUI PEUVENT ÊTRE MIS EN FAILLITE. l o Qualité de commerçant individuel. Quelques décisions . ont rappelé que l'inscription au Registre du commerce ne conférait pas, à elle seule, la qualité de commer- . çant. Le créancier qui, sur la foi de cette inscription, pour- suivrait la mise en faillite, le fait à ses et périls.· Quoi- qu'elle ait clairement manifesté la volonté du défendeur en temps non suspect, ·l'inscription au Registre du commerce n'est . qu'une présomption ·de fait dans la preuve de la qualité de commerçant : tribunal de première instance de Marche, 8 février 1958 (Jur. Liège, 1957-1958, p. 188), Bruxelles, 4 mars 1959 (Pas., 1959, II, 237) et 3 juin 1959 (Pas., 1960, II, 88). Pour )e commerçant qui s'est .retiré des affaires, le droit commun, qui ignore )a procédure de faillite, lui deviendra appli- .cable après six mois (comm. Bruxelles, 21 décembre 1959, J. T., 1960, p. 175; Bruxelles, 4 mars et 3 juin 1959, précités). (*) Les chroniques précédentes sur les faillites et concordats, rédigées par M. le RENÉ PritET, ont été publiées dans la Revue en 1"951, p. 57 à en 1954, p. 127 à 158, et en 1957, p. 205 à 249. · ·-

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EXAMEN DE JURISPRUDENCE

(1957 à 1960)

FAILLITES ET CONCORDATS(*) PAR

PIERRE COPPENS, CHARGÉ DE COURS A LA FAO.ULTÉ DE DROIT

DE L'UNIVERSITÉ DE LOUVAIN,

AVOCAT A LA COUR D'APPEL DE BRUXELLES.

l.- INDIVIDUS ET SOCIÉTÉS QUI PEUVENT ÊTRE MIS EN FAILLITE.

l o Qualité de commerçant individuel.

Quelques décisions . ont rappelé que l'inscription au Registre du commerce ne conférait pas, à elle seule, la qualité de commer­. çant. Le créancier qui, sur la foi de cette inscription, pour­suivrait la mise en faillite, le fait à ses risqu~s et périls.· Quoi­qu'elle ait clairement manifesté la volonté du défendeur en temps non suspect, ·l'inscription au Registre du commerce n'est

. qu'une présomption ·de fait dans la preuve de la qualité de commerçant : tribunal de première instance de Marche, 8 février 1958 (Jur. Liège, 1957-1958, p. 188), Bruxelles, 4 mars 1959 (Pas., 1959, II, 237) et 3 juin 1959 (Pas., 1960, II, 88).

Pour )e commerçant qui s'est .retiré des affaires, le droit commun, qui ignore )a procédure de faillite, lui deviendra appli­.cable après six mois (comm. Bruxelles, 21 décembre 1959, J. T., 1960, p. 175; Bruxelles, 4 mars et 3 juin 1959, précités).

(*) Les chroniques précédentes sur les faillites et concordats, rédigées par M. le pr~fessenr RENÉ PritET, ont été publiées dans la Revue en 1"951, p. 57 à 79~ en 1954, p. 127 à 158, et en 1957, p. 205 à 249. · ·-

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122 ·REVUE CRITIQUE DE JURISPRUDENCE BELGE

Il peut arriver que la fin d'un commerce personnel se réalise par la constitution d'une société. La même entreprise économique traverse cette transformation. Le tribunal de commerce de Liège, le 21 décembre 1957 (Jur. Liège, 195.7-1958, p.. 1~5), a ~stimé très justement que le gérant d'une société de personnes à respon­sabilité limitée, constituée depuis plus de six mois, ne pouvait être considéré comme ayant cessé son com.merce individuel quand l'activité de la société restait_ identique, que la dénomination sociale incluait son nom et que la société était fixée à l'adresse de son ancien négoce. La société de personnes à responsabilité limitée étajt; en. outre, nulle 'parce qu'elle ne comp~rtait que deux époux. La faillite en nom personnel fut déclarée. De lege

.'~~·, jerenda, on verrait plus volontiers, comme dans d'autres légis­f lations, une extension. de la fàillite de la société au principal f , . l' ' t gerant qui en est . ·organe. · · · ·

Le tribunal de commerce de _Bruxelles a ref~sé de considérer comme, comrlierçant et de mettre. en faillite celui qui exerce la profession d'entraîneur hippique (23 mai 1960, J. O. B., 1960, p. 139). Décision .normale lorsque la prqfession consiste à soigner les chevaux et à exercer leurs performances et si elle ne s'accom­pagne pas de locations ou de reventes . . La qualité de commerçant n'est pas un élément e~sentiel

_à l'égard des coauteurs ~et des complices du délit de banqueroute, alors qu'elle est requise dans le chef de l'autèiir principal '(corr. Lièg~~ 3 mai 1957, Jur. Liè_ge, 1957-1958, p. 37). Uii arrêt de cassation du 29 novembre .1926 (Pas., 1927; ·1,. 9'5) ~vait

·établi cette jurisprudenc~'·

. 2o Gas des sociétés commerciales dissoutes.

Pendarit toute la durée . de sa liquidation, la société garde sa qualité de société ·commerciale. n· importerait peu que son

·inactivité se soit prolongée· et· que ses liquidateurs aient ce:ssé d'agir· pendant plus de six mois. La mise en veilleuse qui ne se traduit par aucune ·décision de clôture, n'empêchera pas- un

·jugement déclaratif de faillite (Gand, 4 :mars 1957, R. W;; 1957-1958, coL 1346). Citons ici deux arrêts français qui ouvrent la faillite alors que la cessation des paiements est postérieure à la dissolution: cassation de France, 27 janvier 1958, Rev. prat. soc.,

'1959, p. 22, note PAUL'DEMEUR, et 4· juillet 1960; Da~loz,:·1960, Sonim., p. ·106. · · . ··

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Est;..ce absolu de- <Ure, en-- revanche; qu'une clôture rend;rait toute faillite impossjble ·au- bout de six mois 1 Nullement, mais les créanciers seront obligés de s'en prendrè à _la décision de dôture en plaidant qu~elle futfrauduleuse à leur égard. L'annu­lation del'assemblée de clôture est la démarche judiciaire préa­lable à l'assignation _en faillite (comm. Liège, 8 janvier 196·0~ Rev. prat. soè., 1960, p. 117, _note PIERRE CoPPENS).

La situation sera rarement nette quand la dissolution découle de ~a ·réunion des actions en -une dernière main, circonstance à l'effet immédiat et irréversible mais qui n'exclut pas la ·possi­bilité d'une faillite (coni.m. Bruxelles, 6· octobre 1958, J~ O. B., 1959, p. 85, et Rev. prat soc.,_ 1959, p. 205). La question de savoir si la faillite peut encore- être prononcée est, à vrai dire, noyée dans le problème du. moment où l'actionnaire, demeuré seul, devient propriétaire- de l'avoir social. La jurisprudence avait parlé d'une dévolution instantanée ·au. dernier actionnaire (cass., 31 mai 1951, Pas., 1951, I, 665) et ensuite du- maintien du patrimoine social (cass., 2 décembre 1952, Rev. crit. jur. belge, -1953, p~ 288, note HEENEN). _Récemment, elle s'est. fixée dans le sen8 de la séparation des -patrimoines avec respect du gage exclusif des créanciers sociaux. jusqu'au moment de la décision de clôture à laquelle le dernier actionnaire ne pouvait procéder s'il n'avait pas acquitté les dettes de l'être .juridique (cass., 7 octobre 1958; Rev. prat. soc., 1959, p. 18).

II.- LA CESSATION DES PAIEMENTS

ET :i/ÉlÙtANLEMENT DE CRÉDIT.

Le jumelage légal de ces deux conditions empêche que chacune d'elles se dégage clairement._ Le créancier demandeur sera tou­jours avisé de ne pas se limiter à décrire ses déboires persmmels et de se placer sur un plan général. La jurisprudence tend à ne pas exiger une cessation de tous les paiements, pour autant que le crédit commercial soit ébranlé dans son ensemble.· L'ébran­lement de crédit se définit de moins en moins comme une deuxième condition et devient uné modalité qui doit caractériser la cessation des paiements. · - -

Ainsi, lorsque la cessation des paiements est tolérée par les ~réanciers, notamment par le renouvellement de traites, l'·ébran-

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Ièment de crédit n'est pas consommé; La ·cour de Bruxelles, le 24 septembre 1959 (R. W., 1959-1960, col. 983), infirma un jugement déclaratif prononcé un 16 novembre et qui avait fixé· la cessation des paiements au 16 mai, pour placer celle-ci, après. appel, au 21 septembre; date à partir de laquelle la cessation antérieure des paiements était devenue une débâcle du crédit commercial. Un laps de teinps entre la cessation des paiements pure et simple et la cessation des ·paiements signifiant l'écroule­·ment· du crédit, se retrouve aussi dans un jugement du 22 jan­vier 1960 du tribunal depremière instanèe de Tongres (R. W., .1959-1960; col.· 1324) : la cessation des paiements fixée par défaut au 25 mars fut déplacée, après opposition, au 1er mai.

En se reposant sur la mê1ne idée, tout en arrivant à une autre solution, la ·cour de Bruxelles, le 9 féyrier 1959 (Pas., 1959,. II,· 204), se contenta de la carence vis.:à~vis d'un seul créancier,. .l'O.N.S.S., parce que cette défaillance iliettait le commerce en péril définitif. Vis-à-vis du même créancier, créancier civil, la. cour de Gand, le 4 mars 1957 (R. Tf'., 1957-1958, col. 1346),. refusa la déclaration de faillite car · la · société débitrice était ·en _liquidation et sans activité ·liquidative depuis quatre ans. et qu'elle· n'avait ni engagements commerciaux ni besoin d'un crédit commercial.

L'ébranlement de crédit ne se conçoit guère que d'une manière généralisée. Le crédit est plus naturellement celui des fournis­seurs que celui d'éventuels prêteurs. Aussi faut-il relever l'arrêt de la cour de. Gand du 6 avril 1957 (R. W., 1957-1958, col. 1348} qui vérifie si les découverts auprès des fournisseurs sont tels. que ceux-ci ont perdu confl.anc~ pour d'autres livraisons et vouent l'affaire à l'échec. Si_ les fournisseurs font confiance, la dette civile envers l'O.N.S.S. n'a pas tué le crédit commercial et il n'y a aucune raiso1;1 de faire droit à la demande de faillite .émanant de l'O.~.S.S. ~e principe est certain mais cet équilibre commercial ne peut se prolonger ~n raison des accroisse­ments et intérêts qui gonflent la créance et du privilège qui s'y attache! L'arrêt de Gand est à retenir pourle cas de crise passa-

.gère d'une entreprise commerciale. . . Dans i'analyse ·de la cessation des paiements, il _faudra tou­

jours réserver le cas du refus fond_é de paye~ une dette, celle--ci fût-~lle importante et judiciairement établie. C'est cê que' fit 1~· cour de Lièg'e (10 juillet 1957, Jur. Lièg~, 1957-1958, p. 49)

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dans une hypothèse où l'on d~yait vérifier l'incidence du paie­ment transactionnel d'un codébiteur sur le montant des obli­gations laissées à charge du commerçant .

. Si certaines situations impliquent une évidente cessation des paiements, comme l'insuffisaa:ice d'une vente publique sur saisi~ (Gand, 4 mars 1957,_ R. W., 1957-1958, col. 1346), d'autres cas ne seront éclairés que par une expertise (Gand, 6 avril 1957, R. W., 1957-1958, coL 1348) et l'on a vu un expert chargé .de dire, par la comptabilité et par la correspondance, de quel •Crédit le commerçant disposait encore auprès de SeS fournisseurs {trib. Ypres, 3 décembre. 1958, R. W., 1958-1959, col. 1566).

Parfois la notoire tardiveté de certains paiements ne sera pas ·décisive (comm. Anvers, 4 avril195S, R. W., 1957-1958, coL 1973) .alors que dans d'autres cas, la notion d'échéance, si car.~cté~ ristique des engagements du commerce, remonte à la surface -et entraîne la faillite de celui qui possède un actif immobilier de valeur mais qui a négligé de 1e faire servir à. l'apurem~nt ·de son passif (comm. Liège, 10 octobre 1958, Jur. Liège, 1958-1959, p. 53, et J. T., 1959, p. 709). L'idée civile de simple solva­bilité est tenue en échec. La colir de Gand le dit plus expressé­ment encore dans un arrêt du 23 juin 1960 (R. W., 1960:.1961, ·col. 433) : ce n'est. pas l'insolvabilité mais l'arrêt des paiements qui conduit à la faillite. Il faut approuver cette jurisprudence. Les engagements commerciaux ne sont pas des dettes privées. Une échéance commerciale n'a pas la souplesse d'un terme -civil. On en voit une illustration en droit espagnol qui applique la faillite aux particuliers comme aux commerçants et· qui ·distingue nettement, comme cause d'ouverture pour les premiers, l'insolvabilité ou le dépassemeJJ.t d:tt pa;,ssif e~, pour les commer~ ·çants, l'arrêt des paieménts~ 'une décision. récente de la cour de cassation française ·admet la faillite de celui dont -l'actif est .supérieur au passif mais qui n'a pas utilisé ses avoirs pour y faire face (22 juillet 1958, Rev. trim. dr. comm.-, 1959, p.- 156); ·

La cour de Liège a fait une application de l'ar:ticle 442, alinéa 4, ·qui semble très rare- en jurisprudence. Un attendu de··l'arrêt du 12 février 1958 (Jur. Liège, 1957-1958, ·p. 177) reproduit le texte légal ·selon lequel la: date· de la cessation des paiements ~st celle du jugement déclaratif quand il fut omis de-la préciser.

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iiÎ.. -~ L4 COND.ITH>N JURI.PIQVE DU. CURATEUR. . .

Le grand nombre de faillites prononcé~s :·pendant la période e':x:aniinée â fourni l'occasion: ~ux tribtuiauJÇ d'analyser plusieurs aspects' d~ .la mission du· curateur.. . . . . ~- · Tob.t d'abord, malgré la prise en charge du patrimoine, consé;._ ·quen~e positive du dessaisissement; le. curateur resterà uri tiers yis-à-vis du jugement· rendu avant )a,.· faillite entr'e le failli ét l'un des créanciers (conl.m. Liège, 20 jan.'Vier 1959·, Jur. Liège, 1959-1960, p. 24:0, Rev. crit. fur; belge, 1960, p: 41). C'est au cura~ teur qu'il appartieiit de révéler· s'il aglt>comme représentant du f;ûl_li ou cqnime .organe de la mas~e, . C:ar il' est balancé entre ces. deü~ qualités, encore que la masse: elle~·même, comme· ayant _è_al;l~e,' suive ·le sort des actes du failli. q~i: ~'?nt pas été annulés .

. Ain~?i..la masse sera un tiers vis-à-vil:( d~ la date d'une recon­nais-sance de dette que brandit un c,ré.~ncièr ( C9mm. Alost, 19 février 1960, R. W., 1959~1960, col .. I862).Jl faut que~~ date _d~ la reconnaissa,.nce soit opposable·.à la masse. Cela ne signifie pas, que les· cas de date certaine soient. uniquement ceu~ de, ·rartiële' 1328 â.u Code civil. Cette disposit~on ne jqu~ _pas en :maMèrè Goinmerciale. L'écarter. r;t.'çs:~ pas ~cc-q.eillir toute date 'mentiorinée -mais en autoriser la. preuve· par tous moye:q.s de< ·~oit. Le tribunal, en l'espèce, voulut. s'éclairer par une compa,.. rùtion person11elle. L'enseig~emerit. doctrip.a,.l rejoint l'iriterpré:... tation du tri.bunal : FREDERICQ,_ t~ .. .VII, no 77, c; DE PAGE,. t. III, no 792, 3°. . ...

La ·constitution de· pa~tie civil~ c~n:t;r.e.le .failli n'est pas rece-­_vable car, en vertu de J'article 452, --~'ac~ion. civile ne peut êtr& inten~ée_ que contre le· curateur (tr~b. ~rid~na~de, 12 juin 1958,_ J. T_ . ., 1-958, p. 496). La doctrine n'a._p!ls .. toujours adopté cett(}; position absolue. : voir FREJ?ERICQ~ .t~ . VIII, no 534, a. Dans l'hypothèse où le curateur, comme représentant de. la masset­se· constitue . partie civile contre le failli, · ~l . doit .être au~orisé· par rassemblée des créanciers (trib .. Anvers,_ 6 _novembre 1~57~ J. T., 1958, p. 95). Il ~'agit de l'~s~emblée prévue à l'article 5S1, où tous les créanciers ont voix. égal~ .. .sans égard à ·la quotité, de leur créance. ..

Un arrêt correctionnel de Bruxelles du 10 février 1959 -(J. T.t 1959, p. 548) met en relief que le curateur représente la massC'

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globale .. :des créanciers. Il ne représente .aucun "créancier:· à · tittè individu.E{l.. ·Un dominage avait été· éprouvé par ··èertains des créanciers, lésés de manière inégale par les détournements commis: par .l'adininistrateur-dél~gué d'une société · anonyme déclarée· en faillite. L'action en réparation, dit la, cour,. appartient. ~ chacun .des créanciers,: dans· la mesure de· son ·dommage indivi­duel. .Au contraire, pour les faits reprü:;. sous 'la prévention de banqueroute,· comme ·ceux-ci avaient causé· un' dommage uni.,. forme, .le curateur pouvait se porter partie civile. - Voir FREDE­

;&ICQ,' t .. VII, no 184,. a. La représentation du faillî en matière fiscale a donné· lieu

à· deux. arrêts inconciliables.

·Un ·arrêt de Bruxelles du 18 niars 1958 ·(J·~ P. D: F., 1959, p;. 66)· en~eigne que la faillite n'enlève pas au failli sa qua1ité dè contribuable et qu'en conséquen~e, aucune disposit~oi:i. légale n'exige que les avis de rectification soient notifiés ·au curateur~ Plus récemment, un arrêt de Liège du 7 juin 1960 (J. P. D. F., 1960, p. 218) ~.utorise le seul. curat~ur à .intrC)duire une réclama­tion auprès du dire~teur .car cette initiative .é.quivaut à l'intente­ment d'un procès, droit dont .le failli est déchu. Argumentation assez audacieuse car le directeur, tout· en ·ayant la connaissance d~m;l .litige,. ne fait que cop.~ip.uer l' œu~e de .l' .Administration 'èlont il di~ .le dernier m9P (S(m:REUDÈR~ .Oompléine~t~ t~66, n° 4&!J). En. réalité, l'introduction d'u1ie réclamat~on.erttrë (Jans la .. gestion patrimoniale du. curatep.r parce. qu'~lle; vi~ë. à' .dimim,ler une ,créat,lcè· priyilégiée. Ajouton~ qu~ la portée del' arrêt de B~uxelles 'e.st ·lip].~té~. par .le jeu, de l'article 478 selon lëqùelle~ lettres ~(hess~es ... àu failli sont orientées. vers son. curateur. .

. . .

(. .Da~~ ce. même ~omaÏD:e fiscal, un c~ieux; .arrêt .. a .. é~é rend:n par J~. Conseil d'Etat frauç.ais le 29 juinl9:60 (Dalloz, 1~60, p. 724): un failli peut introduire un recours mais ce recours n'est pas ":recevable tant que le syndic n'est pas .interven.u à ·!a cause. _Il ~'El,girait .·donc d'~ne d~mande a4mise provisoireme~t mais qui doit être régularis~e ultérieuremen~ ... La distinction entre ):a<f?nis~ibilité .et la . recevabilité est. une nuance bien peu ,~pp~r~nte~ .. : . . · · _

En continuant le commerce du· failli, Je curateur.- peut-il être­.con.sidéré comme un « employmu··» a11 regard ·des lois sociales? Le. triboo.al·. éorrectionnel· d'Ypres a ·:répondu négativement

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(13 décembre 1956, Pas.; 1958, III, 1). Le litige se mouvait dans le cadre des· retenues .de pension qu'un employeur doit transmettre à l'organisme assureur. La solution était certaine puisque le curateur a reçu une mission de justice (Rép. ·prat.· dr. belge, v<>: Faillite, n° 478).

Si le curateur est hûormé de sa mission par un simple extrait du· jugement déclaratif, il lui incombe de prendre connaissance de tout le texte. Le curateur sera responsable s'il liquide l'avoir d'une société différente. L'espèce était curieuse car deux sociétés avaient une dénomination presque identique (trib. Bruxelles, 17 novembre 1959, J. T., 1960, p. 81).

La désignation judtCiaire du curateur,- protège ses frais et ses honoraires, lorsque la faillite- est rapportée·. Le f~illi reprendra l'administration de ses biens mais .ceux-ci seront grevés de l'état du curateur (Bruxelle~, 4 mars Î959, Pas., 1959, II, 237, et 3 juin 1959, Pas., 1960, II, 88).

IV.- LES DEMANDES ET RECOURS

DU DROIT DES FAILLITES.

1 o Demandes en faillite.

L'irtstitutiori de la faillite intéresse l'ordre public. L'acquiesce­ment du commerçant ·est sans relevance (Gand, 30 juin 1960, Rev. prat. soc., 1960, p. 278).

Le· créancier demandeur doit désigner avec précision la société :qu'il entend faire déclarer en faillite. Il répond de sa négligence si une société à la dénomination presque identique fut déclarée en faillite. La vigilance ·s'impo~e d'autant plu~- qu~ l'assignation est fondée sur.de~ m~tifs infa~~nts puisqueTassignéest supÎ>üsé ·en état de défaillanc~ générale vis-à-vis de ses oblig~tions (civ.· Bruxelles; 17 novembre 1959, J. T., 1960, p. 81) ..

Le créancier demandeur ne peut lancer un exploit qui com-­prend à la· fois une demande de paiement et une demande_ de mise en faillite (comm~ Bruxelles, 30 juin 1955, J. O. B., 195~, p. 54). En effet les deux demandes principales sont incompa­tibles : le jugement déclaratif paralyserait le paiement exigé'. Une sommation de payer faite dans le même exploit que l'assi­gnation en faillite ne. présenterait pas le même conflit de principe.

·La nullité de l'exploit lancé par le créancier n~empêéhera pas

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que·la demande vaille .comme requêt.e ou que le tribunal agisse d'office (comm. Bruxelles, 6 .octobre 1958, J. O. B,; !959, p. 8f)). -Voir aussi Revue trime.strieJle de droit com~ercial, 1959, p, 164·.

Un créancier demandeur en faillite, ayant été débouté, peut-il r~itérer sa demande en la fondant s'ur d'autres ~aits 1.i1 faut que sa demande mette en avant des faits nouveaux (comm. Gand, 17 juill: 1959, J. T., 1960, p. 669). ·.Les faits nouveaux étaient un triplement du découvert à l'O.N.S.S. et une accumula­tion de condamnations prises par· défaut. On reconnaît même un certain droit de regret au tribunal puisqu'il pourrait, sans fait nouveau, et après l'avoir refusée à un créancier, prononcer la faillite d'office. La décision précédente n'au~ait pas· l'autorité de chose jugée à l'égard de la seconde : cons. LYoN-CAEN et RENAULT, t. VII, nos 107 et 109. · La qualité de créancier est r~quise de la p~rt du demandeur.

Un associé en participation n'a pas le droit de réclamer la mise en faillite de l'administrateur de l'~ssociation aus~;~i longtemps que les comptes ne s~nt pas arrêtés (comm. Gand, .8 novembre 1959, Rev. prat. soc., 1960, ;p. 281).

2o Oppositio~ elu fa:illi.

, _ Trois décisions ont examiné l~s droits d~ faiÏli lorsque ~-ehii-ci ;fait opposition au jugement qui l'a mis en _faillite . . · .Dan13 le premier cas, le créancier demandeur avait été payé ~e jour du jugement par défaut,· une he~re ava~t le prononcé. Le. tribunal estima l'opposition non fon~ée : si le demandeur originaire ne souhaitait plus la faillite, il n'en avait. pàs moins déclenché un mécanisme juridique qui ne dépe!J.dait qu~ de la conjonction des conditions de l'article 4.37 (comm. Courtrai, J8 janvier 1958, R. W., 1958-.1959, .col.· 812).

Dans l'autre cas, la faillite avait été- ouverte d'office contre un concordataire qui avait été convoqué en chambre du conseil pou.,r ·expliquer pourquoi il . ne respectait pas les · termes de son ~oncordat. La voie de l'opposition lui fut, fermée eil partant de l'idée. que le concordataire avait été « part~e » aux débats quand il" fit valoir ses explications (Bruxelles, 15 juin 1959, J. T., 1959, p. 496}. La cour de Gand rendit un arrêt en sens opposé. Une faillite avait été ouverte d'office· sur rapport·. du juge délégué au concordat. Le failli frappa le jugement d'appel. Son appel fut déclaré irrecevable: car il eût dû, faire_au préal~'ble

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la procédure ·d'opposition. La circonstance qu'il fut entendu n'empêchait pas qu'il ne fût pas « partie » à la cause (Gand, 9 mai.I959, R. W.; 1959-1960, col, 1896}.

30 Arrêt de réformation.

Un arrêt fort important a été rendu le 23 juin 1960 par. Îa cour de Ga~d (R .. W., 1960-1961, col. 433). Réformant un juge~ ment a quo qui avait refusé de prononcer une faillite, la cou:.; nomma elle-même le curateur et le juge-commissaire. A notre connaissance, c'est le deuxième arrêt publié qui applique la jurisprudence introduite par l'arrêt de cassation du 10 mars 1955, le premier étant un arrêt de Bruxelles. du l er février 1956 (Rev~ crit, jur. belge, Chronique des faillites, 1957, p. 212). Avant que ne se prononçât la cour suprême, on conciliait mal l'article 442 qui attribue compétence exclusive au tribunal de commerce pour déclarer la faillite et l'effet dévolutif de l'appel.

40 ·Admissions: de créance.

L'erreur matérielle dàns l'admission d'une créance èst corri"­gible (comm. Ostende, 18 juin 1959, R. W., 1959-1960, col. 2006). Cette décision est conforme à l'idée que l'admission simple n'est pas àvraidire un jugeme:nt et se limite à un accord e:ritre le produisant et le curateur. Ce n'est que si le tribunal se prononce sur la contestat!on de créance qu'un. jugement voit le jour (FREDERICQ, t. VII, no 239). A suivre le tribunal de commerce de Saint-Nicolas (30 septembre 1958, R. W., 1959~1960, col. 1184)·, la même souplesse est exclue en matière linguistique car · il f~udrait que la déclaration de créance soit faite dans la langue de la procédure.

Le curateur peut faire une demande reconventionnelle contre le créancier produisant. On exige cependant qu'elle soit. une défense à la production. La connexité n'a pas été jugée su;ffi­sante par le tribunal de commerce d'Anvers entre ·d'une part laprétention d'un soi-disant prêteur et l'invocation d'autre part par le curateur d'une association d~ fait entte le prétendu créancier et le failli. Les élém.ents de 1~ cause étaient peu expli­cités dans les attendus (li mai 1960, R. 1 W., I96o-·t96l, col. 800).

5o Contestations.

Le texte légal qui attribue compétence aux tribunaux de commerce pour « tout ce qui concerne les faillites » (loi du

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25 ·mars 1876, art. 12, 40) ne vise- que les-litiges issus de l'état de faillite et régis par les dispositions particulières à cette insti­tution. L'action en restitution de l'objet d'une dation en paie-:­ment dont la nullité est demandée sur pied de l'article 445, est un litige qui ne se conçoit pas hors l'état de faillite (comm. Tournai, 15 décembre 1959, J. T., 1960, p. 175). Le curateur d'une société anonyme faillie avait intenté un procès à l'ancien comptable pour que ce dernier remboursât · des émoluments immérités. Le comptable avait exercé le mandat de commissajre. Ni le commissaire qui détient un mandat de nature civile ni le comptable qui n'est pas un commerçant, ne justifiaient com­pétence à leur égard de la juridiction consulaire (cass., 5 ·sep­tembre 1958, Pas., 1959, I, 19 et J. O. B., 1959, p. 260). Pareille;. ment, une action en revendication intentée par le curateur à un particulier devra se porter devant le tribunal civil (comm. Liège, 29 janvier 1960, Jur. Liège, 1959-1960, p. 207).

6o Appel~

Le délai spécial est de quinze jours en matière de faillite (Gand, 13 novembre 1957, R. W., 1958-1959, col. 850). Même s'il est exact que le jugement ll( quo a été rendu partiellement sur le terrain spécial du droit des faillites, c'est le délai de droit commun qui est de rigueur (cass., 14: novembre 1958, Pas., 1959, I, 271 et J. O. B., 1959, p. 332). La contestation portait sur le point de savoir si une quittance délivrée par l'O.N.S.S. au futur failli avait le caractère d'un solde de compte. Le litige était concevable en droit commun. Il touchait cependant au droit de la faillite car le curateur invoquait l'article 451 qui stérilise .les intérêts des créances.

7o Langue.

La cour de Bruxelles eut à régler un conflit entre . deux textes d'ordre pu~lic, l'un quant à la compétence territoriale du tribunal de commerce apte à prononcer la faillite, l'autre quant au renvoi devant un autre tribunal pour raison de langue (loi du 15 juin 1935, art. 55). Un commerçant d'Enghien avait été assigné en néerlandais devant le tribunal de commerce de Mons. Celui-ci renvoie devant le tribunal_de commerce de Bruxelles .qui se déclare incompétènt (4 mai 1957, J. O. B., 1958, p. 289). Son jugement flit~réformé (Bruxelles, 12 mars 1958, Pas., 195~,

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II, 170, R. ·W., 19.57.;1958, col. ·2121, J.O. B.; 1958, p. 301). L'article 55 qui prévoit_ le renvoi devant une autre. juridiction lorsque le tribunal saisi ne connaît pas la langue de l'assignation l'emporte surle dode.de commerce selon lequel la faillite relève du tribunal du domicile.

. 8° Uni té de turidiction et _ d1·oit infernational~ Un autre problème de compétenae fut tranché par la cou~

de Bruxelles.J~ 17 février 1959 (Pds., 1959, II, 231) au sujet de la convention franco-J:>elge du 8 juillet 1899. Cette convention consacra le prinèipe de l'unité de juridiction. Une soci~té fran­çaise avait été décl~rée en faillite par le tribunal de commerce de Cambrai, lieu de -son siège social. Ultérieurement, pour qu'il ~oit stapué sur la validité d'une cession de marchandises que la faillie avait livrées en pé~iode ~uspecte à une firme de Bruxelles, toutes les parties _en litige s'étaient .soumises à la compétence du tribunal de commerce de Bruxelles. Elles plaidaient ensemble que le texte de la convention belge n'attribuait expressis verbis compétence au tribunal du domic_ile que pour la _déclaration proprement dite de la faillite et n'envisageait pas les autres actions qui naissaient _de la faillite déclarée. La cour repoussa cette dualité de juridiction. Elle s'appuya sur l'économie génér~le de la convention. Le principe belge de l'unité de. la faillite (FREDERICQ,_ t. VII, n° ~) n'est pas celui qui est enseigné e3n France (voir Rn>ERT, éd. 1960, no 2593).

La même idée anime l'arrêt de Gand du 24 juin 1960 (R. lV., ~196Q-:l961, col. 180). La conve.ntion en jeu était le traité belgo­néerlandais du, 28. mats 1925. do11t l'article 20 organise la com­pétence : le tribunal qui doit prononcer la faillite est normale:­ment celui du domicile, et s'il advient que la faillite soit demandée devant deux juridictions:-des Etats contractants, la cause sera retenue par .le tribunal premier saisi, s'il s'estime compétent. Les effets du jugement s'étendront aux deux -pays.

Un commerçant de nationalité néerlandaise ·gérait un hôtel à Heist. Le t:dbunaJ de Bruges, le 30 décembre 1954, le déclara en faillite. Trompàrit la ·vigilance de ses créanciers belges et omettant de signaler au tribunal d'Amsterdam _le poids de son passif belge, l'hôtelier· avait sollicité de ce tribunal un sursis de paiement, le 21 j.uillet précédent. Le sursis fut confirmé .par la cour d'Amsterdam le 9 novembre 1954~. Le tribunal

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d'Amsterdam n'avait pas repoussé sa compétence pa.rce que l'intéressé, malgré son activité commerciale au littoral belge, avait conservé son domicile à AmsterdaD;l. Le tribunal de ce lieu apparaissait donc comme « premier saisi ». La cour de Gand dut bien infirmer le jugement déclaratif de Bruges.

Le principe de la territorialité domine au contraire le droit congolais. La faillite lîmite ses effets ··au territoire colonial et la main du curateur est sans pouvoir à l'étranger (Liège, 7 fé­vrier 1959; Pas., 1960, II, 77). Voy. NoYELLES, Droit congolais, t. IV, n.o 346, et FREDERICQ, t. VIII, no 799.

On sait que la loi franÇaise permet au tribunal d'éte:ndre les effets de la faillite au maître d'une société et de. lui ·demander paiement du passif. Ce principe. semble heurter de front l'arti­cle 61 de nos lois sur les sociétés selon lequel les administrateurs ne contractent jamais d'obligation persmmelle. relativement aux engagements de la société. Une cour française avait co:ndamné

· le président d'une société faillie à payer le passif de celle-ci. La cour de Gand fut . amenée à examiner si cette. condar.nnation pouvait recevoir effet chez nous. L'ordre public belge devait-il

·l'énerver 1 Par arrêt du 16 novembre 1959 (R. W., 1959-1960, col. 1994) .la cour de Gand considéra que la loi française était conciliable avec notre ordre public ca:r; l'extension de la faillite d'une société. à ses administrateurs dirigeants était facultative et supposait la.. démonstration d'une faute. La base restant l'existence d'une faute, aucun principe belge ne se voyait blessé.

go Compétence ratiorie loci pour les faillites de sociétés.

Plusieurs décisions ont rappelé que c'est le tribunal du lieu du principal établissement effectif qui devait pr~noncer la faillite ·d'une .société. Les sièges sociaux fictifs n'impriment aucune compétence ratione loci. Aussi le siège administratif belge peut l'emporter à cet égard sur le siège social au Congo (comm. Bruxelles,·17 décembre 1955, Rev~ prat. soc., 1958, p. 37). Une société dissoute peut être domiciliée en fait chez son liquidateur (comm. Bruxelles~ jo novembre 1958, Rev. prat. soc., 1960, p. 3~, note PIERRE CoPPENS). Il peut y avoir compétence -du tribunal .du.lieu où se produisit la cessation des. paiéments, même si le siège social se trouve dans un autre arrondissement (comm. Verviers; Il juin 1959, Jur. Liège, 1959-l96Q, p. 172). II est évident que la cessation· des. paiements. est par elle-même un

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phénomène sans ·incidence territoriale, mais le tribunal y ·vit un critère de la localisation effective des activités. La cour de cassation a confirmé la nécessité de vérifier si le siège social se trouve véritablement à l'endroit indiqué (28 septembre 1959, Rev. prat. soc., 1960, p. 226 : voir ci-après, XV, Le concordat judiciaire).

L'association en ·participation ne possède pas de siège social. Le siège social·dont il serait fait mention dans les statuts pré­sente un pur aspect conventionnel. Il faut rechercher le lieu du centre des affaires. La cour de Gand, le 30 juin 1960 (Rev. prat. soE., 1960, p~ 278),. choisit l'endroit du dépôt des fonds et des opérations de comptabilité comme ·noyau., intellectuel et directeur de pareille association.

v.- FIXATION DU PATRIMOlNE DU FAJLLI.

1° Rappm·t successoral· à charge du failli.

Le trait le plus remarquable du rapport des dettes est qu'il fait echapper les cohéritiers au concours des créanciers personnels de l'un d'eux. Le tribunal dê commèrce de Verviers, le 20 mars· 1958 (Ju1'. Liège, 1957-1958, p. 252), a rappelé que le failli qui, avant le jugement déclaratif, avait reçu des sommes d'argent· venant de ses parents, •était soumis à la loi du rapport envers ~es cohéritiers· si les · sonimes avancées dépassent le montant de sa part.· ·

Le législateur ~ entendu rétablir l'égalité des copartageants, l'un d'eux fût-il tombé en faillite, souci qui prime les droits des créanciers du failli. Le mécanisme du rapport joue donc pleinement à l'encontre de la masse: DE PAGE, t. IX, n° 1310; Rép. prat. droit belge, v 0 .Successions, . no 2320 ; RIPERT et Bou­LANGER, éd. 1959, t. IV, no 3020 ..

2° Participation du failli dans une société coopérative.

Le sociétaire failli cesse d'être associé dans une coopérative (art. 154). Bes créanciers recouvrent sa part telle qu'elle résulte du bilan de l'année sociale _pendant l~quelle a joué cette ca:use d'exclusion (trib. Courtrai, 27 décembrf 1956; R. W., 1957-1958, col. 729, Rev. prat. soc., 1960, p. 34). Cette décision est classique : ·VAN RYN, t. II, no 1004. Sur le droit aux réserves, voir note PIERRE CoPPENS, ·Rev~ prat. soc., 1960, p. 23. Le jugement

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àdmet le principe du droit pour le curateur de provoquer la liqui­dation, non en raison de cette exclusion mais en raison de la réduction des associés à moins de sept pendant plus de six mois. Sur ce problème, voir FREDERICQ, t. V, no 712, et RESTEAU, Coopératives, no 357.

3e Revendication dans l'inventaire de la faillite~

Le revendicant a tout le· poids de la preuve. Pour les choses fongibles, il lui faudra démontrer la coïncidence de la propriété prétendue et de la chose revendiquée. Le tribunal de commerce de Liège, le 9 avril 1960 (Jur. Liège, 1959-1960, p. 292}, a jugé que des devises étrangères revendiquées ·dans la faillite d'un ·age11t de change et que ·le curateur retrouva dans une enveloppe portant le nom du revendicant, pouvaient lui être remises. La ·mise. dans l'enveloppe libellée au nom . du client indiquait que le failli, vendeur de devises, avait procédé au cc comptage>>, . au sens où l'entend l'article 1585, qui en .marque l'individualisa­tion (DE PAGE, t. IV, no 264; RIPERT et BouLANGER, éd. 1958, t. III, no 1592). La multiplication des faillites d'agents de change a provoqué la pratique d~ la preuve résiduaire (sans connaître les. n:uméros de ses titres, un client établit qu'il était seul dépo­sant de pareilles valeurs).et celle des masses partielles (répartition ·de mêmes ~itres entre les clients seuls déposants de ce type de titre). Le procédé ef?t utilisé par les curateurs. La. jurispru­·dence française l'a consacré : Paris, 16 novembre 1959, Revue trimestrielle, de droit commercial, 1960, p. 187, qui accepte les «sous-masses par catégories». Un jugement du tribunal de commerce de Bruxelles, 9e chambre, du 23 février 1960 (inédit) ~st beaucoup plus· strîct et exige, à bon dJ:oit,. une identification nette et individuelle.

4o Compte bancaire joint· entre le failli et un tiers.

·Le curateur peut-il exiger la moitié· du crédit figurant au compte bancaire ouvert· conjointement au nom du failli et -d'un tiers 1 La ·division par ·moitié ne découle ·pas nécessairement dû caractère collectif du compte ni de la solidarité passive des deux titulaires quant aux frais à l'endroit de la banque (FREDERICQ, t. IX, n° 105). En application de ces principes, le tribunal de commerce de Bruxelles, le 3 juillet 1958 (J. O. B., 1958, p. 305 ), refusa au curateur de prélever la moitié du crédit

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de parèil compte: Les faits·. établissaient que le compte· avait été .. àliinenté t>ar le :tiers.

· VI. - ETENDUE· nu· DESSAISISSEMENT.

Le dessaisissement ne .s'étend pas aux droits attachés à 1~ personne du failli. L~ur exercice suppose que l'on pèse certains facteurs d'ordre moral qui S()nt trop persorinels pour être appré­ciés par le CUrateur. Autre chosè est de déclencher une action personnelle et ensuite d'eri. ·recueillir le produit pécuniaire· s'il en est un. Le procès eri réparation d'un dommage moral déëmi­Jant d'un délit est lui droit exclusivement attaché à la personne. Le cùrateur de la· faillite de la victime nè pourrait l'entreprendre. !l'est fondé à intervenir au procès unè fois que le failli l'a intenté~ pour quë l'indem.nité.ri'échappe pas, en tant que valeur pécu­niaire, à l'emprise de la masse (comm. Bruxelles, 18 juin 1955, Rev." gén. ass. resp., 1958, ri0 6185; FREDERICQ, t. VII, no lOO; RIPERT, Droit comme?"Cial, éd. 1960, t. II, no 2671, I, 3o). On distingue doric 1e droit d'agir et l'objet de l'action.

·un failii avait hérité avec son épouse de l'usufruit d;m.iè succession dont la nue propriété allait à leurs deux enfants. Le failli avait ·l'administration de la communauté existant entre­,lui et son épouse, colégataire du même usufrujt. Il était de plus

c-·:administratéur légal de la nue propriété des enfants. La faillite portai t-ell~ atteinte à ces d(mx. fonctions~ La cour de Bruxelles·, le 28 janvier 1960 (J. T.,.l960,p. 322), sans aborder le problèm~ de f~ont, estima que. i' état de faillite ne dessaisissait pas le fail~ de l'administration de cet héritage, tout ·en mettant sous 18. main du curateur les revenus de l'usufruit revenant au failli.. Nous touchons ici au problème de la communauté qui se prolonge malgré une faillite; alors que· presque toujours, quand son inari tombe en faillite,. la· feiD:me s'empresse de demander la . sépa­rEJ,tion judiciaire.

: En ce qui. .concerne le salaire .payé au failli, un jugement .du tribunalde commerce d'Anvers {2lfévr_ier 19!)7, R. W., }~.57:-1958, -·col. 971) rappelle que le. curateur ne, peut· en. saisi~ que le .cinquième, jusqu'à 72.000 francs.

Dans la nouvelle· activité que le failli entreprend et que le curateur n'a.. aucun ·droit de .lui-interdire;- il faut veiller à sauve-

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BEVUE CRITIQUE DE JUBISPBUDENOE BELGE 137

garder les droits de _la_ masse. Il s'agit d'une position défensive contre de noùvelles dettes. La liberté de se livrer à une industrie nouvelle confère en effet le droit de s'obliger et celui d'ester .en justice pour- protéger les nouvelles ressources, sans qu'il faille l'assistance du curateur. Maï:s la masse rie doit souffrir aucune charge nouvelle et elle a un droit potentiel sur le profit net. Le curateur jouit du droit d'intervenir à ce titre dans les instances-. que ie- failli, quant à son nouveau commerce, aurait engagées (Elisabethville, 18 septembre 1956, J. T. O. M., 1958, p. 35).

Il est certain que le dessaisissement ne s'analyse pas en une incapacité. L'essentiel est que la nouvelle activité n'ampute pas l'actif de la masse. ·un entrepreneur failli avait réussi, pendant les _opérations de curatelle, à conclure 1m nouveau marché d'entreprise et. s'était fait payer une provision importante. ~e nouveau client se plaignit de la qualité des .travaux. Une exper­tise fut accordée mais .la réclamation portant sur la restitution de la provision fut écartée. Passif nouveau dont la masse pouvait, ignorer l'existence: tribunal de commerce_d'Ostende, 18 jUin i959 (R. W., Ü)59-1960, col. 1906). Le client ne pouvait demander la nullité du contrat pour raison de faillite et le curateur n'en avait le droit que si la masse subissait un préjudice qui était inexistant en l'espèce. La relativité des nullités de faillite est bien· entendue dans ce jugement. - ·

Un prêteur avait eu .l'imprudence de remettre des- fonds au failli après le jugement déclaratif. Il plaida que la négociation du prêt remontait à l'époque antérieure au dessaisissement et demanda de participer au concours des créanciers. Le tribunal de Tongres (6 février 1958, R. W., 1958-1959, col. 815) n'admit pas qu'il produisît au passif. Les négociations antérieures sur le prêt ne pouvaient effacer le caractère réel du contrat ni éviter qu'il ile naisse par la remise des fonds qui avait eu lieu en période de dessaisissement. ta rigueur de la solution n'a d'égale que 'l'imprudence du créancier dont le droit est né après la faillite et vis-à;.vis du seul failli. Le contrat de prêt ne se forme pas

-soto consensu. Il n'exf$te qu'au moment où la chose prêtée est remi~e ·(DE PAGE, t.· V, no117).

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138 REVUE ··cRITIQUE DE JURISPRUDENCE 'BELGE

VII.- SECOURS ALIMENTAIRE DE L'ÉPOUSE

DU FAILLI.

L'épouse du failli doit être admise au passif pour les termes impayés de la pension alimentaire. C'est une créance chiro· graphaire soumise aux rigueUrs du concours (référé Bruxelles, 20 janvier 1959, Ann. not., 1959, p .. 148)~ Elle n'a aucun droit de créa~ce opposable à la masse pour les ternies à· échoir. Elle fera remplacer sa pension par Ull secours sur le pied de l'arti­cle 476. Elle a le choix entre la pension sous la forme de ce secours et l'action contre Jes revenus du failli qui ne seraient pas sous la main du curateur (comm. d'Anvers, 21 février 1957, R. W., 1957-1958, col. 971).

Qu'en est-il des versements de secours alimentaires que le failli reçoit et qu'il fait lui-même parvenir aux siens 1 Un failli se retranchait derrière la nullité ·des paiements qu'il aurait faits et se justifiait ainsi lorsqu'il fut prévenu d'abandon de famille. La cour de cassation, le 14 décembre 1959 (Pas., 1960, I; 435 et J. T., 1960, p. 309), déclara cette nullité sans portée sur le délit. Elle consacra implicitement la validité des distri· butions que ferait le failli dans l'emploi des fonds de secours dont il qJspose: Ne fallait-il pas dire que le failli jouissait d'une autorisatfun tacite pour les dépenses de gîte et de table? Voir : RIPERT, Traité de droit commercial, éd. 1960, no 2675.

VIII.- L'IMPOSSIBILITÉ DE COMPENSATION.

L'obligation de n!av~:ntager ~ucun !créancier ordinaire justifie d'interdire la compensation. On sai tl. cependant combie;n cette règle a été assouplie · par la·· théqrie de la connexité.· entre .les deux rapports mutuels. Le contrat d'entreprise semble le domaine d'électio~ pour la connexité entre dettes réciproques. Nous voyons ainsi le tribunal de commerce de Gand, le 6 mars 1958 (R. W., 1958-1959, col. 1824), admettre une connexité suffisante

.pour qu~il y ait compensation entre le solde dû sur la facture de l'entrepreneur et la créance ·du maître de l'ouvrage pour les amendes contractuelles de retard. L'originalité de l'espèce était que l'exigibilité des amendes de retard était postérieure au jugement déclaratif.

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REVUE CRITIQUE DE JURISPRUDENOE "IJELGE 139

Une dette dont le montant ne peut être fixé que par expertise :aera-t-elle fatalement réputée non liquide et dès lors incom­-pensable ? La réponse n'est pas · absolue, à· suivre la cour de Liège (17 décembre 1959, Jur. Liège, 1959-1960, p. 177). Un minimum peut être dégagé en dessous duquel le caractère liquide ,dè la dette est indéniable. Doctrine qui emprunterait l'i~~~'(Îe l'cc incontestablement dû >> que l'on rencontre souvent .~tians les litiges fiscaux pour cantonner le montant querellé de la

-~ •Cotisation. La cour estima qu'en l'espèce, l'expertise, postérieure . au -jugement déclaratif, portait sur toute la dette et plaçait toute l'opération dans le cadre d'une compensation judioiaire laquelle était impossible. Mais le principe .d'une compensation, légale à concurrence d'un minimum, et judiciaire au delà de ce ·seuil, avait été évoqué par la cour. Ce point de vue est heureux. ·Ce n'est plus le juge qui cc liquide>> le montant de la dette mais le jùge qui «constate>> son caractère liquide jusqu'à tel chiffre. Les auteurs ne sont pas hostiles au procédé : DE PAGE, t. III, no 636, II, 2o, et PLANIOL et RIPERT, Traité pratique, t. VII, _2e éd., no 1286, 1 o, p. 692 : cc la compensation peut avoir lieu immédiatement pour un certain chiffre minimum auquel la dette :s'élève certainement, quoique son chiffre exact ne soit pas encore précisé». En matière fiscale : cass., 12 mai 1960, Pas., 1960, I, 1050 ..

Dans le cas d'un emprunt hypothécaire contracté par le futur failli en même tempfJ qu'une _police d'assurance-vie, il serait .anormal que le curateur réclame la valeur de rachat pour l'attri­buer à la .masse, s.ans souci du solde hypothécaire dû (Gand; :8 juin 1959, Bull. ass., 1959, p. 653). La compensation légale fut .admise. Le droit pour le curàte'-lir de réclamer cëtte _valeur nous _paraît empiéter sur une option personnelle au failli.

IX. - DROITS DU VENDEUR.

1 o Inopposabilité des clauses de réserve de propriété.

Certaines législations étrangères reconnaissent la validité erga -omnes d'une réserv~ de propriété inscrite dans le contrat de vente et n'exigent rien d'autre qu'un écrit. Nous songeons ici .à l' Eigentumsvorbehalt des' droits germaniques (HAMEL, La vente, :P· 144). Par contre l'inopposabilité de pareilles clauses a ·été

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considérée ·chez nous. comme partie de notre ordre public (comm .. Bruxelles, 27 octobre 1958, J. O. B., 1959, P• 81). La société suisse Wild West and Rodeo Show avait été déclarée en faillite à Bruxelles; centre de ses activités. Le curateur se trouvait en présence d'une clause signée lors de la commande des tribunes destinées aux spectateurs du rodéo et disant qu'elle~ étaient livrées sous la condition que le vendeur en resterait proprié­taire jusqu'au complet paiement du prix de 73.000 dollars·.­La loi du lieu du contrat était celle de l'Etat de. New-York qui accepte la réserve de propriété. ·Le tribunal de Bruxelles répudia la clause. L'entrée d'une chose dans l'avoir apparent de l'acquéreur en fait · un facteur de · son crédit commercial. Raison très réelle en l'espèce puisqu'il s'agissait d'urie entreprise qui· ne devait pas survivre à l'Exposition de 1958. Rais9n .. con­traire aux faits cependant vis-à-vis de tous les créanciers anté­rieurs à l'appréhension de la chose. Ne. serait-il pas plus simple de dire qu'il est fatal de sacrifier les fournisseurs à la· masse pour éviter que presque tout le passif ne soit privilégié et que­ce. privilège ne soit que purement théorique ~ Suppression du ·privilège· du vendeur, perte de son droit de revendication, fin du droit de résolution, inopposabilité de la réserve de propriété sont une même ligne de défense qui rie peut souffrir aucune­brèche. N'y aurait-il de raisons que pour justifier une de ces. règles, elles vaudraient· pour toutes•

· 2° _A partir de quel moment la clause tombe-t-elle ?' La cour de Liège (21 juin 1959, Jur. Liège, 1959-1960, p~ 145}

a rendu caduque la . clause de réserve de propriété depuis· le moment où un: créancier, autre que le vendèur créancier du prix, opère un acte de saisie. Une auto avait été vendue en 1956 .. Le Il septembre 1957 elle fut saisie avec ·le mobilier, par un. autre créancier. Le 20 septembre, le vendeur reprit « sa >> voiture. Lé 1er octobre s'ouvrait la faillite sur. aveu. Il y avait donc: un «concours» le jour où le vendeur exerça sa revendication. Le concours était né du heurt entre la prétention de saisir' et la. prétention de~reprendre. Le concours naîtrait aussi entre, l'exercice de la clause et toute situation légale qui rassemble. les _crÇ_anciers (faillite ou requête en cpncord~t).

30 Résolution de la vente. Souvent le vendeur, las Q.e réclamer paiement, avait, avan~

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la faillite, assigné l'acheteur, futur failli, en résolution du marché. Il espérait qu'un· jugem~nt de résolution serait rendu et que .la vente se trouverait· résolue au jour de la demande. Le vendeur recouvrerait sa qualité de propriétaire tandis que l'acquéreur ne s_erait plus guère qu'un détenteur précaire. Plusieurs tribunaux ont fait une exacte application des principes en admettant cette revendication de propriétaire à la condition que le jugement de résolution fût antérieur au jugement déclaratif, voire même que la demande introductive fût antérieure au jugement décla­ratif dans le cas de résolution judiciaire postérieure. Le mérite de la demande rétroagit en effet au jour de l'assignation. La cour de Bruxelles (12 mai 1959, J. O. B., 1959, p. 282 et J. T., H)60, p. 140) valida une résolution demandée le 31 août 1957, avec avenir au 21 décembre, la faillite étant du 17 janvier 1958 et le jugement de résolution du 23 janvier suivant.· Voir a~ssi tribunal de commerce de Gand, Il février 1959, R. W., 1958-1959, coL 1572.

La même solution s'impose si le contrat contient une clause résolutoire. La condition doit avoir joué et doit avoir anéanti le rapport contractuel avant le jugement déclaratif. La reven­·dication du vendeur, devenue celle d'un propriétaire, sera· alors reçue (comm. Tournai, 12 février 1957, ·Pas., 1958, III, 70, et -comm. Liège, 5 mars 1960, Jur. Liège, 1959-1960, p. 271). Le vendeur ne peut plus . se prévaloir de la clause dès qu'il se heurte au concours d'autres créanciers, et comme le ·jugement déclaratif introduit le dessaisisse1nent et organise une saisie globale, la clause se stérilise au moment du prononcé.

La période suspecte chasse la résolution_ amiable ou la resti­tution de l'objet vendu au vendeur. C'est une dation en paie­ment, paiement anormal qui consiste à payer le vendeur avec son ancienne chose, devenue· gage commun: La cour de Liège (12 février 1958, Jur. Liège, 1957-1958, p. 177) a admis la resti­tution au vendeur mais la restitution se fit avant la date de la cessation des paiements et celle-ci, faute d'avoir été déterminée dans le jugement déclaratif, fut, cas exceptionnel, réputée avoir eu lieu dix jours avant la déclaration de faillite (art. 442)~ La revente au vendeur par l'acheteur, située la veille de la période suspecte, est valable et fait jouer la· compensation légale entre les montants des deux factures croisées (Liège, 3 jùiil 1959, Jur. Liège, 1959..:1960, p.· 153). Si la cour eut égard ;à la date

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de la deuxième facture (3 novembre), m~lgré les quelques heures qui la séparaient du début de la période suspecte (4 novembre); ce fut après un non-lieu rendu dans l'information pour faux: ordonnée par le Parquet général~. La résolution amiable fut répudiée par le tribunal de commerce de Saint-Nicolas le 8 juil-:-' let 1958 (R. W., 1959-19.60, col. 1372) : une auto payable en trente-six traites ne pouvait être volontairement restituée. ·au vendeur, après six échéances honorées, à la veille de la septième. Un attendu parle de l'impossibilité de diminÛ.er les « chances >).

pour la future masse d'avoir l'auto dahs l'actif commun. En l'espèce la restitution s'était opérée en pleine période suspecte, 74 jours avant le jugement ·déclaratif. Cons. cassation française, Il mai 1959, Rev'!-te trimestrielle de droit commercial, 1959, p. 939.

40 Les locations-ventes.

Le déguisement de la vente en location s'est raréfié. L~ jurisprudence, en perçant la simulation, y mit fin. La loi du~ 9 juillet 1957 fit un sort commun aux ventes à tempérament et. aux locations-ventes.

Le tribunal de commerce de Gand eut à examiner lè cas d'une promesse d'achat faite par le failli et à laquelle une location fit suite, trois mois plus tard. Le montant des loyers était fort élevé mais il correspondait à l'usage intense que le locataire faisait. Le contrat de location fut maintenA (8 août 1959, R. W., 1959~ 1960, col. 1325).

Deux décisions ont rappelé les points qui prouvent la mise en scène : le montant des prétendus loyers qui financièrement sont des acomptes et ·la conversion trop automatique de 1~

location sous condition résolutoire en une vente sous condition suspensive (comm. Tournai, 12 février 1957, Pas., 1958, III, 70,. et comm. Liège, 5 mars 1960, Jur. Liège, 1959-1960, p. 270). La simulation était toute relative parce que les contractants avaient clairement écrit que les loyers seraient décomptés du prix. Un arrêt important a été rendu sur le sujet par la cour de Paris le 13 janvier 19.60 (Rev. trim. dr. comm., 1960, p. 619).

5o D1·oit de rétention.

La jurisprudence est rarement publiée, tant lé· principe est constant. Citons un jugement du tribunal de· commerce de Courtrai du 16 mars 1957 (R. W., 1957-1958, col. 9.19). Lorsque

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la marchandise vendue n'a pas encore_ été livrée au moment de la faillite, le vendeur qui fournit au curateur a le droit d'exiger plein paiement à la délivrance.

X.- LES NULLITÉS DE LA PÉRIODE SUSPECTE.

1° L'article 445, alinéa 3. Le concept de «paiement>>.

Le véritable paiement est la prestation de la chose due. Le vocabulaire juridique s'écarte du langage courant qui limite le terme de paiement à la remise d'argent.

Un futur failli avait acheté des graines de lin. Il devait les payer non en argent mais en livrant une certaine quantité ~'huile extraite des graines. Il paya de cette façon pendant la période suspecte. Il le fit au . moyen d'huile identique mais qui avait été extraite de graines obtenues chez un autre fournisseur~ S'agissait-il d'un paiement anormal, d'une dation en paiement, nulle de plein droit? Non, la cour de cassation y vit l'exécution normale et valable du marché conclu (4 décembre 1959, Pas., 1960, I, 403). Le failli avait payé l'objet du contrat. S'il_ avait payé en espèces c'est le numéraire qui eût été un objet étranger au marché et qui eût constitué un « paiement >) irrégulier. Voir : FREDERICQ, t. VII, n° 119, p. 231. Il est cependant douteux que cette hypothèse inverse eût provoqué un procès.

De même, dans une faillite d'agent de change, la. cour de cassation de France avait vérifié si la remise au déposant d'actions de même type et de même valeur étàit l'exécution convenue et non une·« 'dation» irrégulière. Ce qui est suspect, c'est le changement apporté dans l'objet de l'obligation, la distribution d'un élément actif qui ne fut pas indiqué au contrat de base (arrêt du 31 mai 1954, Rev. trim. dr. comm., 1954, p. 877 ; PLANIOL et BouLANGER, éd. 1958, t. II, 'no 1510). Payer vient de pacare, c'est-à-dire apaiser, satisfaire le créancier par la prestation convenue.

20 Les paiements anormaux.

Une pression avait été exercée sur une société, future fail1ie, pour. qu'elle invite un de ses clients qui lui devait le prix de marchandises, d'en payer le montant à un armateur auquel la société devait elle-même de l'argent. Cette délégation, adress~e

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.en· période suspecte; par le futur fai1li, à l'un de ses .débiteurs au profit_ d'un créancier, .est nulle (cass., 4 ·septembre 1958, J. T., 1959, p. 75, note JEAN RENAULD). Cons. Rouen, 8 janvier 1960, Rev. trim. dr. comm., 1960, p. 173.

Les cas semblables ont été abondants, tant il est vrai qu'un débiteur aux abois affecte une prochaine rmitrée, sans se donner le temps de l'encaisser lui-même, à l'un ou l'autre de ses créan­ciers qui la touchera directement. Un sous'-traitant, créancier de l'entrepreneur qui allait tomber en faillite, s'était ainsi fait payer par le maître de l'ouvrage. L'opération, s'étant réalisée en période suspecte, s'analysait en un paiement en hature, opéré au moyen d'un élément d~ l'actif, à savoir -un· t~ansfert ·de la créance sur le cHent. La cession fut annulée (comm. Liège, }er mars 1958, 'Jur. Liège, 1957-1958, p. 220 confirmé par-la cour de Liège, le 21 octobre 1958, Jur. Liège, 1958:-1959,' p. 51 note M. H. ). Le sous-traitant avait en :mains une cc procuration » l'autorisant à recevoir la somme. La procuration étaît mal qualifiée puisque le -mandataire à la perception n'en remettait pas le montant au mandant. S'agissait-il d'une délégation impar­faite? L'accord du délégué manquait. D'autre part; le sous­traitant est sans action directe contre le maître de l'ouVragé {DE PAGE, t. iv, no ·919).

Pour que la délégation de créance soit ·valable,--il.faut qu'elle soit consentie en même temps que la négocation. Elle fait alors corps avec l'opération. L'on peut même dire que sans elle, l'opération n'eût pas été conçue. Un jugement du tribunal de commerce de Gand (20 novembre 1958, R. W., 1959-1960, ·coL 353) appuie ce prindpe et cite FREDERICQ, t. VII, n° 120. Les attendus du jugement permettent de voir com:rhelit le tribunal conclut à la non-concomitance, car la créance datait du 19 mars et la délégation datait du -19 septembre suivant. La délégation concomitante, ajouterons-nous, resterait vulné­rable à la nullité de l'article 446 s'il y a préjudice de la masse et connaissance par le délégataire de la cessation des paiements chez le délégant.

Aux yeux des créanciers, une créance ne sort du patrimoine du cédant, futur failli, que s'il y eut signification régulière. Le curateur n'est pas· lié par une cession intervenue avant la période suspecte mais· ~ui ·ne fut signifiée qu'après qu'elle ·eut ':commencé. La cession· 1itigieuse était du :9 mars; ·la période

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suspecte ·s'était ouverte le 22 mars et la signification ne fut faite que le 13 septembre, quelques jours avant le jugement déclaratif (Liège, 11 juin 1959, Jur. Liège, 1959-1960, p. 154).

Quand la créance . a valablement quitté le gage commun, il importe peu que son paiement ait tardé et se soit fait pendant la période suspecte. Elle est pour tous et pour tout la chose du cessionnaire.

La remise d'un tracteur à un fournisseur de bétail est une dation en paiement (art. 445). Le tracteur avait d'abord été donné en gage pour éviter un protêt. L'on fit intervenir ensuite une tierce personne pour lui dresser facture mais il fut établi que le prétendu acheteur n'entrait en scène que pour masquer la dation en paiement (comm. Tournai,, 15 décembre 1959, J. T., 1960, p. 175).

Quand les remises en compte courant ont été acceptées par le créancier « dans l'intention de redresser la situation du failli i>,

elles ne sont pas annulables. Tel est le jugement publié en sommaire et rendu par le tribunal de commerce de Verviers le 18 avril 1957 (Jur. Liège, 1957-1958, p. 40, et Revue Banqu,e, 1958, p. 86). Il faut le rattacher à l'arrêt de cassation du 9 juil­let 1953 qui fut commenté par RENÉ PmET à la Revue de la .Banque, 1954, p. 373. La banque, tout en connaissant la cessa­tion des paiements, estimera pouvoir y porter remède à la suite des remises faites.

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__ ,___::_l30 Les nullités à'ord1'e hypothécaire.

L'action en nullité d'une hypothèque accordée in tenLpore suspecta pour garantir une dette antérieure, ne doit pas, selon le tribunal de commerce de Courtrai (12 octobre· 1957, R. W., 1958-1959, col. 50), faire l'objet d'une mention marginale à la conservation des hypothèques.

L'hypothèque prendra rang le jour de son inscription et l'inscription est possible jusqu'au jour du jugement déclaratif (art. 447, al. 1er). Sera donc valable l'inscription prise la veille de ce jour (comm. Courtrai, 14 ·décembre 1957, R. W., 1958-1959, col. 1667). L'hypothèque légale du Trésor dont le caractère ·occulte a été supprimé (art. 72 des lois coordonnées) doit êt:re inscrite avant le jugement déclaratif (Bruxelles, 25 juin 1958, J. T., 1958, p. 525). L'Etat plaidait que les articles 72 et 73 lui permettaient de prendre inscription sur un immeuble sorti

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des 1nains du redevable et qu'ainsi l'inscription était possible sur l'immeuble qui était passé des mains du redevable dans celles du curateur. L'argumentation était spécieuse. L'appré­hension de l'imn1euble par le curateur est un cas distinct de la vente à un tiers. Cons. ScHREUDER, Complément, 1960, p. 225, n° 4:38.

L'article 447, alinéa 2, prononce la nullité facultative de l'inscription prise plus de qUinze jours après l'acte constitutif. Le créancier n'a aucun intérêt à retarder la publicité de son hypothèque. S'il traîne à l'inscrire, ne peut-on dire qu'il aide le failli à dire que sa solvabilité imn1obilière est moins atteinte 1 Encore faut-il une fraude volùue par le créancier hypothécaire. La. jurisprudence n'annule presque jamais, et c'est normal, car lme complai_sance de ce genre est en contradiction avec la pré­caution hypothécaire qui fut exigée. En s'appuyant SlU' de nombreux travaux parlementaires, le tribunal de commerce de Bruxelles, le 27 juillet 1957 (J. O. B., 1958, p. 165), estime· que le fait isolé du retard ne prouvait ni la collusion ni la négligence grave. Il faut bien ajouter que le créancier se repose sur le notaire pour les démarches de l'inscription. La même conlpré­hension pour une tardiveté non fraudlùeuse fut celle de la cour de Rimn, le 20 mai 1958 (Rev. trim. dr. comm., 1959, p. 191), qui releva la seule négligence du notaire. Ces jugements ont un écho dans la décision du tribunal de Stanleyville du 4 juin 1959 (J. T. O. J.l!., 1959, p. 76) :l'article 8 du décret du 27 juillet 1934, pendant de notre article 44 7, tolère un retard d'inscription qui ne peut dépasser un mois. En l'espèce, un retard plus grand était dû aux lenteurs de l'Administration.

4° Nullité d' 'Une vente à prix dérisoi?·e.

Le futur failli avait vendu pour 50.000 francs un bien immo-. biller. Le prix resta chez le notaire. La vente fut annulée parce qu'au sein du gage cmnmun, la valeur immobilière n'avait pas été remplacée par la valeur mobilière qu'eût dû être le prix. La remise du bien dans l'actif de la faillite réparait le préjudice subi par la masse. En fait, le curateur revendit .pour 134.000 fr. L~acheteur allait-il devenir créancier dans la masse pour le prix qu'il paya 1 La sanction eût été trop lourde, estima le tribunal de- commerce d'Ostende, le 8 septembre 1959 (R. W., 1959-1960, col. 1278). Le prix ne s'était pas confondu dans la masse. et il

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était .resté à l'étude du notaire. De plus, si la masse recouvrait l'immeuble, elle ne pouvait cumuler cette restitution avec la Tétention du prix; Nous croyons que le régime de la contre­prestation ne peut être celui d'une créance. L'acheteur évincé. -est créancier du prix mais sa créance est consécutive à l'action -en nullité et postérieure à la faillite. Son sort est cependant >Controversé : voir Rép. prat. droit belge, vo Faillite, no 1060.

XI. - LE JEU DES PRIVILÈGES.

1 o Privilèges ignorés.

Plusieurs plaideurs ont cru à l'avantage d'un privilège que la loi ne consacrait en rien. Ainsi il n'existe aucune disposition légale qui évite au crédirentier de subir la loi du dividende lorsqu'il concourt avec les autres créanciers dans la faillite de son débirentier (comm. Ostende, 4 juillet 1957, R. W., 1957-1958, ·col. 1071). Les parties eussent dû convenir d'une sûreté conven­tionnelle. Il faut toutefois vérifier si la qualité de débirentier n'est pas le revêtement d'une qualité plus protégée. Pour régler le service ultérieur des arrérages, le crédirentier produit une somme globale qui est en fonction de son espérance de survie (Code civ., art. 1978; FREDERICQ, t. VII, no 166; RIPERT,

éd. 1960, no 2904). Il n'existe aucun texte légal qui accorderait privilège à un

ancien associé dans la faillite d'un coassocié pour payer les· droits sociaux qui avaient été liquidés (comm. Saint-Nicolas, 18 septembre 1956, R. W., 1957-1958, col. 874).

Enfin, en matière correctionnelle, le créancier qui in~ividuelle­ment s'est porté partie civile dans la poursuite de banqueroute ne jouit d'aucune faveur dans le paiement des dommages et intérêts (trib. Liège, 8 mars 1957, Jur. Liège, 1957-1958, p. 38).

2o Frais de justice.

-Ils ne sont privilégiés _ que s'ils ont servi l'intérêt commun des créanciers. Tel est le cas des frais de saisie et de vente. Les dépens qui ne sont utiles qu'au créancier poursuivant restent à sa charge : assignation, enregistrement, expédition du jugement : tribunal de commerce de Courtrai (25 mai 1957, ]l. W., 1957-1958, _col.. 1410) et de Liège (10 octobre 1959,

REV. ORIT., 1961. - 10.

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148 REVUE CRITIQUE DE JURISPRUDENCE BELGE

Jur. Liège, 1959-1960, p. 45). Cette jurisprudence est classique : DE PAGE, t; VII, no 35, et FREDERICQ, t. VII, n° 369.

Les frais d'arbitrage peuvent être privilégiés (comm. Anvers, 23 décembre 1959,- R. W., 1959-1960; col. 1462).

Quarit au notaire qui a passé l'acte d'une ouverture de crédit au failli et qui a eu l'imprudence de ne pas réclamer immédiate­ment les débours d'enregistrement et ses honoraires, il ne peut, par apr~s, dire que ces dépens sont équivalents à des frais de justice (comm. Gand, 18 juin 1959, R. W., 1959-1960, col. 798). On saisit assez mal cette tentative d'assimilation à des frais de justice. L'argent issu de l'ouverture de crédit avait-il servi au paiement des créanciers et avait-il, à ce titre, présenté une utilité liquidative? ·

30_ Arrêt du cours des intérêts pour les créances à privilège général.

·Un jugem~nt important et très motivé du tribunal de· corn.~· nierce d'Alost du-19 février 1960 (R. W., 1959-1960, coL 1768) a examiné--là portée de l'article 451 à l'endroit de la créance pdvilégi~e ·de· l'O.N.S.S. La suspension du cours des intérêts ordonnée par cet article ne s'-applique qu'aux créanciers chiro­graphaires et· les· créances privilégiées ne sont pas stérilisées. Le ·tribunal d'Alost excepte ·cependant les créances privilégiées sur l'ensemble des meubles comme l'est celle de l'O.N.S.S.' (loi hyp., art. 19quinquies; 40). Le· jugement rappelle que notre article 451 découle· de la loi française et· cite l'arrêt de la cour· de cassation de France du 20 décembre 1956 (Rev. trim. dr.· comm., 1957, p. 466). Voir aussi PERCEROU et DE.SSERTEAUX; t. II, n° 806, p. 90, note 2. La décision soumise actuellement à la cour de Gand sera plus longuement commentée dans notre prochaine chronique.

4° Privilège du Trésor sur les meu1bles.

Ce privilège général doit être « étercé i) dans les deux ai1s de l'exécutoire du rôle des impôts directs. La faillite signifie­t--elle l'<< exercice» de ce privilège?

La ·cour de Bruxelles, le 22 avril 1959 (Rev. prat. not., 1960,. p. 328), répond affirmativement et avec raison. Il n'y a pas dè privilège «exercé>) aussi longtemps que le Trésor se trouve en présence du seul c·ontribuable et que le concours des autres.

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créanciers n'a pas été provoqué. Or la faillite emporte forcément concol.i.rs entre les créanciers puisqu'on les fusionne dans une masse.

En l'espèce, rexécutoire de la plupart des cotisations était du 24 avril 1952 et la faillite du 2 mars 1954. Le contribuable plaidait aussi ·que la saisie aurait dû être suivie d'une vente effective. Une simple saisie est un acte comminatoire pour le saisi mais elle reste confinée aux rapports entre l'administration et le redevable. C'est la vente qui donne l'éveil aux créanciers. C'est vrai en droit- commun {DE PAGE, t. VII, n° 7) mais en droit fiscal, pour ne pas contraindre à l'exécution, un texte dit que la seule saisie conservera le privilège : ScrrREUDER, n° 435.

5o Frais de conservation de la chose.

Il est normal de préférer aux autres créanciers celui d'entre eux qui a maintenu dans le gage commun telle cJ:wse qui, sans lui, ~ût été perdue. La mise en jeu de ce privilège a donné lieu à plusieurs décisions intéressantes. ,

La conservation doit avoir été celle d'un objet déterminé car ce n'est pas un privilège général. Il faut dès lors approuver la décision du tribunal de commerce de Tournai du 4 novembre 1958. (Pas., 1959, III, 71) qui écarte l'idée d'un privilège pour conser ... vation quant aux travaux utiles d'un liquidateur qui a géré un patrimoine, tout en privilégiant certains devoirs au titre de frais de justice.

Les frais réclamés doivent avoir été des débours de nature conservatoire. D'où le refus de privilégier des travaux d'amélio­ration quqique, paradoxalement, la masse tirera plus ample avantage d'une plus-va.Iue. La conséquence n'est cependant pas étrange dans le droit de la faillite puisque le privilège du vendeur, expliqué en droit Givil par l'apport d'une valeur nouvelle, est sacrifié. Un jugement du 2 avril 1959 du tribunal de commerce de Gand (R. W., 1959-1960, col. 795) examinait les droits d'une firme d'experts qui, à l'image des réorganisateurs d'entreprises aux Etats-Unis, avait pris en main le redressement d'un chantier naval. Sa mission dura quatre mois. Elle fut heureuse puisque des bateaux en cale furent achevés, que des contrats furent maintenus et que des paiements ne furent pas révoqués. Les experts plaidèrent que le privilège des frais de conservation devait leur être reconnu. Le tribunal se montra fort réticent.

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Il nomma à son tour un expert en lui ldonnari.t comme directive de se plier au principe que pareil pri:~ilège .n~ pouvait s'appli-· quer à des plus-values et devait se limiter à la conservation d'objets bien déterminés.

Même jurisprudence dans l'arrêt du 26 janvier 1960 de la cour. de Bruxelles (J. T., 1960, p. 612). Un garagiste avait réparé un camion accidenté. La cour prjt soin d'énumérer les travaux «strictement réparateurs» sans lesquels la chose eût été une non-valeur. Les autres articles de la facture concernaient les travaux d'adaptation du camion à un a:utre usage.

C'est dans la rubrique de ce privilège que. l'!Jn rencontre le problème des- honoraires de l'avocat. L'utilité de son inter­vention dans le maintien de certaines valeurs n'est pas récom­pensée par un privilège. Le principe ne souffrirait, selori quelques auteurs, aucune exception (voir BoELS, «Le privilège des hono­raires de l'avocat>), J. T., 1960, p. 53, n° 58; DE PAGE, t. VII, no 55). Les tribunaux sont plus généreux. Il a été jugé que-_ l'avocat qui a réussi à faire rétracter une ordonnance autorisant la saisie a paralysé le saisissant et a enlevé de ses mains une valeur bien déterminée que le curateur va retrouver lorsqu'il entrera en charge (comm. Namur, 6 février 1958, Jur. L1'ège, 1957-1958, p. 206, J; T., 1958, p. 484).

Le privilège n'est pas étranger aux meubles incorporels que sont les créances. Si, grâce aux diligences d'un avocat, une créance ne s'évapore pas du gage commun, elle forme un bieri: conservé et les honoraires proln.érités pour la sauvegarde de cet élément de l'actif seront des «frais de conservation» (trib. Bruxelles, 5 février 1959, J. T., 1960, p. 69 ~-il s'agissait d'un cas· de déconfiture). Dira-t-on que seule la décision judiciaire obtenue «conserve» la créance sauvée? Ce serait oublier que· l'avocat, auxiliaire. de la justice, a contribué à l'élabor~tion du jugement et que son labeur a donné une existence concrète à une créance qui, sans lui, eût pu demeurer en sommeil. La' jurisprudence ·est partagée : le tribunal de commerce de Garid, le Jer octobre 1959 (Jl. W., 1959-1960, col. 1766), admit la thèse· de l'avocat quoique la chose conservée ·fût elle-même donnée èn gage à une banque. L~ privilège réclamé par l'avocat entrait en concours avec 1e privilège du gagiste. Le privilège de l'arti­cle ·20, 4o, fut· également admis par le tribÛnal de commerce d'Anvers (2 décembre 1959, R. W., 1959-1960, col. 1133) :

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l'avocat avait défendu le failli, partie civile, et obtenu une indemnité. Ce jugement relève que l'indemnité prend· sa source dans le fait du tiers mais reconnaît qu'elle se matérialise judi­ciairement par l'assistance professionnelle de l'avocat. Le privi­lège fut répudié par le tribunal de commerce de Gand le 18 juin 1959 (R. W., 1959-1960, col. 798).

5o Privilège du bailleur.

Il porte sur tous les biens qui furent introduits dans les lieux loués à moins qu'il ne soit démontré que le bailleur savait que ces meubles appartenaient à des tiers (FREDERICQ, t. VII, n° 411, p. 590). La saisie-gagerie antérieure à la faillite est opposable au curateur (J. de P. de Bruges, 17 mars 1958, R. W., 1958-1959, col. 818; LAHAYE, Chronique, J. T., 1959, p. 315, n° 84). On sait que la bonne foi du bailleur se présume et que c'est au preneur ou au propriétaire véritable à fournir la preuve que le bailleur connaissait le statut de propriété du bien litigieux. La bonne foi doit exister au moment de la pénétration des meubles dans les ·lieux loués, au moment du nantissement médiat qui fonde le privilège du bailleur. Des informations ultérieures seraient ineffi­caces (DE PAGE, t. VII, n° 157; PLANIOL et RIPERT, Traité -pratique, 2e éd., t. XII, n° 159).

7o Privilège du créancier gagiste.

Le curateur peut exiger que lui soient restitués les objets retenus comme gage en objectant que la date du gage n'est pas établie de manière opposable à la masse (comm. Bruxelles, 5 jan­vier 1957, J.O. B., 1957, p. 343). Cette décision n'a pas été frap­pée d'appel. L'importance de la date est capitale pour un gage car -elle domine l'applicabilité de l'article 445 sur les nantissements qui sont fournis .après coup pour garantir une dette antérieure. Que décider lorsque le curateur n'aurait jamais appris l'existence d'un

-gage si le créancier n'avait pas révélé à la fois son nantissement et sa créance 1 Le caractère indivisible de l'aveu permet-il de détacher l'une de l'autre 1 A supposer que cette indivisibHité soit pertinente en la matière, l'aveu n'est pas à diviser : le gage vient à jour avec la créance, son existence n'est pas méconnue, c'est sa date qui est inopposable.

Le nantissement automatique sera toujours sujet à caution. Dans les statuts d'une coopérative, il était dit que chaque

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coopérateur remettait d'office ses parts en gage, au moment où il donnait sa démission, pour garantir ce qu'il devrait à la société.· La··· èlause parlait de démission. Ce nantissement ne pouvait être appliqué à l'hypothèse distincte qu'était l'exclusion résultant de la mise en faillite du coopérateur (comm. Courtrai, 16 novembre 1957, Recueil général, 1960, no 20166). La possi­bilité de donner en gage des parts de coopérateur est au surplus fort controversée : VAN RYN, t. II, no 996; FREDERICQ; t. V, no 667; PHILIPS, étude à la Rev. prat. soc., 1959, p. 65.

8° Privilège du créancier gagiste sur fonds de commerce.

La nature hybride du nantissement d'un fonds de commerce continue de donner lieu à des décjsions de prjncipe. Le fonds n'est pas une valeur pétrHiée. Plusjeurs de ses éléments sont en état constant de renouvellement.

Le donneur de gage en est le gardien. Il doit veiller à son intégrité. Ce devoir est certain (art. 8 de la loi du 25 octobre 1919, modifié par l'article 2 de l'arrêté royal n° 282 du 30 mars 1936}. Mais cette indivisibilité du gage s'impose-t-elle à d'autres per­. sonnes que celles qui ont été les parties au nantissement 1 Si un autre créancier _saisit et fait vendre l'un ou l'autre élément du fonds, sa saisie est valable (trib. Ypres, 20 novembre 1957, Pas., 1958, III, 89): Le fonds de commerce n'a pas été extrait du gage commun des créanciers. Le prêteur gagiste a simple-ment une préférence sur le prix. Ladite loi lui donne un droit de revendication (art. 11, II), mais le même .texte réserve le droit de l'acquéreur dé bonne foi d'opposer l'article 2279, «le ·législateur reprenant d'une main . ce qu'il donne de l'autre ».

Sur le conflit entre un créancier saisissant et le gagiste sur fonds de commerce, cons. DE PAGE, t. VI, nos 1109 et_ 1110; FREDE­RICQ, t. II, no 53, 3° ; Rép. prat. droit belge, v° Fonds ~de commerce,

. no 163. - --Le gage frappe. une entité écoiiomique ·'et non un agglomérat

d'objets rustincts. Un fabricant de vêtements avajt laissé ceux-ci en consignation chez un confectionneur· dont le· f~ilds était grevé d'un gage. Le banquier plaida que les. vêtemeiÏts déposés fai­saient partie de son nantissement. Il soutenait que l'article 2279 enrichissait le fonds de tous les objets quj, en apparence et aux yeux des tjers, y étaient placés. Le tribunal de commerce. de Verviers, le 9 avril 1959 (Jur. Liège, 1958-1959, p. 256), repoussa

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l'application de l'article 2279 en disant que les meubles incor­porels y échappaient. A juste titre, parmi ceux-ci, il rangeait le fonds de commerce (FREDERICQ; t. II; p .. 22; VAN RYN,

. t. Ier, no 248; RIPERT, éd. 1959, t. Ier, no 453; contra: LIMPENS, Rev; crit. jur. belge, 1950, p. 101). A vrai dire, le gage grève un fonds de commerce, meuble incorporel qui comporte des meubles corporels sans pour autant les posséder, faute de per­;Sonnification. Si le cadre est incorporel, tout le contenu ne l'est pas. A preuve, la saisie qui peut s'exercer sans permission du . juge sur tous les éléments constitutifs du fonds de commerce (art. 11, I). En l'espèce, il nous semble que c'était la nature du contrat -'--- un dépôt sans simulation - qui devait sauver la consignation des vêtements (art. 567 de la loi des faillites) -et. non la nature du fonds de commerce.

Le tribunal de commerce de Liège, le 21 mai 1957 (Jur. Liège, 1957-1958, p. 13), réputa non écrite la clause de réserve de propriété qu'un garagiste avait stipulée lors de la vente d'un -camion livré au donneur de gage. Une autre protection de l'uni­versalité, gage du banquier prêteur, a été dégagée par le tribunal "de commerce de Bruxelles le 27 octobre 1958 (J. O. B., 1959, p. 277). Un salarié prétendait que le fonds de commerce n'avait été maintenu en vie jus qu'à l'ouverture de la faillite que grâce à son travail. Il en concluait que le banquier ne pouvait recueillir le fruit de la valeur ainsi conservée, sans souffrir d'en voir payer .avant lui ce qu'il en avait coûté. La thèse du demandeur invo­·quait le produit d'une activité conservatrice générale. Aucun fait exceptionnel et précis ne marquait la corrélation entre le travail et la conservation de certains objets déterminés. L'on tombait ainsi dans un prétendu privilège pour la conservation d'une universalité en s'écartant du privilège sur «certains meubles ». Le demandeur fut débouté.· Son idée pouvait cepen­dant rejoindre une référence de CAMBRON, no 174, accueillie :au Répertoire pratique du droit belge, vo Fonds de commerce, no 169.

Plus délicat est le problème du conflit entre le créancier gagiste sur fonds de commerce et le créancier hypothécaire ·en ce qui concerne les objets mobiliers immobilisés par desti­nation. La jurisprudence a tendance à exclure ceux-ci de l'assiette ·de notre gage. La loi de 1919 n'impose nullement cette solution, .au rebours de la loi française selon laquelle les immeubles par

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destination n'entrent pas dans le nantissement du fonds. de commerce (RIPERT, .éd. 1960, n° 546). Dans notre loi, le texte de l'article 2 parle du mobilier de magasin et de l'outillage qui

. sont l'objet des plus fréquentes immobilisations par destination. La jurisprudence restrictive belge n'entraîne pas l'adhésion des

·auteurs : FREDERICQ, t. II, n° 61, 6o, et PIRET, Rev. crit. jur. belge,_ 1957, p. 236. Aussi est-il précieux de retenir l'exception que constitue le jugement du tribunal de .première instance de Bruxelles du 21 mars 1956 (J. T., 1957, p. 570).

L'espèce était favorable pour déroger à la jurisprudence usuelle. Des machines avaient été acquises au moyen de crédits spéciale­ment ouverts dans ce but, par le banquier au donneur en gage. L'immeuble était lourdement hypothéqué. Le banquier aurait disposé d'un gage illusoire si les machines avaient rejoint l'assiette de l'hypothèque, comme le veut l'article 45 de la loi de 1851. Le jugement tint çompte de l'objet et des mobiles du crédit consenti. Il ne voulut pas toutefois contredire de front la tendance jurisprudentielle puisqu'il imagina que les machines étaient

·tombées sous l'emprise du privilège avant leur immobilisation. Nous pourrions dire que le conflit dans l'espace se résolvait­en quelque sorte par un écart dans le temps.

9° Privilège du fournisse~tr de machines.

La cour de Gand a tranché le cas du fournisseur de machines qui avait remplacé le matériel fourni en livrant de nouvelles machines de type identique (14 juin 1957, R. W., 1957-1958, col. 1052, avis de M. l'avocat-général MATTHYS). Comme la première publicité doit être précise, elle ne couvre pas automa­tiquement le matériel de remplacement. C'est un privilège de fourniture et non une saisie latente avec subrogation réelle.

10° Privilège du commissionnaire sur le prix.

Un important arrêt de cassation du 4 septembre 1958 (Pas., 1959, I, 14, J. T., 1959, p. 75, note JEAN RENAULD, J. C .. B., 1959, p. 334) cassant un arrêt de Liège du 28 février 1957 (J. T., 1958, p. 56, avec l'avis de M. le premier avocat-général DALLE­J.Irl.AGNE) a décidé que si l'article 15 de la loi du 5 mai 1872 permet au commissionnaire de se payer sur le prix de la marchandise, cet avantage est réservé au commissionnaire chargé de vendre. Il n'appartient pas au commissionnaire-expéditeur. L'article 15

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laisse subsister le privilège du commissionnaire quand celui-ci a perdu la possession de la marchandise et accepte que le privilège soit reporté sur le prix. ~acilité qui se justifie pour le commis­sionnaire chargé de vendre dont le rôle est de recevoir le prix en échange de la marchandise dont il perd forcément la posses­sion. Pour le commissionnaire-expéditeur, une perte de posses­sion aussi fatale, aussi prévue, ne découle pas de sa mission. La note de M. RENAULD rappelle l'historique de la disposition légale. Cons. aussi DE PAGE, t. VII, no 267, et FREDERICQ, t. Ier, no 185, b.

11o Action directe des ouvriers contre le maître de l'ouvrage.

Ce droit est rarement mis en jeu puisque les ouvriers ont un privilège général efficace. Un jugement du tribunal de première instance de Courtrai du 14 novembre 1957 (R. W., 1957-1958, col. 1450) a confirmé que les ouvriers d'un entrepreneur failli pouvaient agir directement contre le maîtrè de l'ouvrage, sans devoir ranger cette action dans la faillite. C'est l'application de l'article 1798 du Code civil, espèce de privilège sur la créance qu'a le curateur contre le maître {DE PAGE, t. IV, no 918).

XII. - LES RECOURS ENTRE FAILLITES DE OOOBLIGÉS. PORTÉE DE L'ARTICLE 538.

Le tribunal de commerce de Tournai, le 14 octobre 1958, a rendu un jugement fort important dans un domaine où, ni

. en Belgique, ni en France, il n'y avait, semble-t-il, de jurispru­dence. Le jugement n'a pas été frappé d'appel (J. T., 1958, p. 670).

Deux faillites s'étaient ouvertes à quelques jours d'intervalle. La première faillite avait été forcée de payer aux banquiers prêteurs le montant qu'elle devait, solidairement avec l'autre faillite. Les créanciers de la première avaient donc supporté tout le poids de ce passif et n'avaient plus rien à espérer, tandis que les créanciers de la seconde allaient recevoir un dividende substantiel. Les banquiers s'étaient bornés à produire dans la première parce .qu'ils y disposaient d'une garantie hypothécaire, ce qu'ils n'avaient pas dans l'autre faillite. A la suite de la vente des immeubles grevés, ils réussirent à se faire payer intégrale­ment. La deuxième faillite n'offrait plus aucun intérêt pour eux.

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Pour égaliSter entre les deux masses le paiement de cette dette solidaire, le curateur de la première faillite réclama la moitié de la somme au curateur de la seconde faillite. Il invoqua sa subrogation (Code civ., art. 1214) pour ce qu'il avait payé à la décharge du coo bligé.

L'article 538 lui fut opposé par le curateur de la deuxième faillite. Cet article dit, fort sévèrement, qu'« aucun recours -pour raison de dividendes payés n'ebt ouvert aux faillites de coobligés ».Mais cette règle jouait-elle@ Le créancier payé n'avait pas produit dans les deux masses. Etait-ce bien un« dividende» qu'il avait touché dans l'une d'elles, puisqu'il avait suffi qu'il s'y présentât, fort de son hypothèque, pour être pleinement rempli de ses droits 1

Le jugement rappelle avec justesse que la prohibition de l'article 538 est le contrecoup de l'article 537 lequel permet au créancier, porteur d'engagements solidaires, de produire à chaque masse pour toute sa créance. L'acompte reçu dans une masse n'écorne pas le droit total de produire dans une autre masse.

La règle de l'article 537 qui remonte à un arrêt de l'Ancien Régime est reçue dans toutes les législations. C'est un rare point de droit commun universel. Solution qui donne au créancier les plus grandes chances de paiement par une série de productions intégrales et qui le récompense d'avoir étayé sa créance au moyen de sftretés personnelles. De lege ferenda, deux autres solutions seraient concevables : ou bien le créancier épuiserait son droit en produisant uniquement dans la faillite qu'il croit la plus riche, ou bien il ferait des productions successives en réduisant chaque fois sa demande par l'imputation des divi-dendes reçus.

Qui dit production simultanée et totale, chasse l'idée d'un recours d'une masse contre l'autre.

Chacune des masses est libérée par le dividende qu'elle a la force de payer mais chacune est aussi frustrée de toute récla­mation, de tout recours contre une autre. C'est un effet logique : on voit mal une même masse supporter à la fois la production du créancier et celle de la caution pour la même créance. Le créancier principal et le garant ont en mains la même créance.

Plus imagée que notre droit, la jurisprudence anglaise_ appelle

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-cette prohibition celle de la <<double proof >> ou admission double d'une créance ·unique.-

Aussi, dans la même logique, est-il normal que la prohibition soit levée quand le créancier principal a opté ·pour l'une des faillites, qu'il y fut payé, qu'il ne pesa que sur une masse. La caution pourra alors produire dans l'autre car elle le fait sans avoir le créancier à ses côtés. Il n'y a pas cumul de deux pro­ductions. La créance n'est présentée qu'une fois. Il n'y a pas de « double admission ».

Les références relevées au jugement sont utilisées a contrario, les auteurs cités disant que le recours de la caution est supprimé en cas de« paiement partiel», alors que le cas d'espèce était celui d'un « paiement total >> : FREDERICQ, t. VII, n° 343, in fine,· PIROTTE, Revue des faillites, 1933, p. 313 et suiv., particulière­ment p. 327 et 328; DE PERRE; n° 690. Voir aussi Liège, 10 dé­-cembre 1892, Pas., 1893, II, 137, qui ferme le recours au codébi­teur en concours avec le créancier« partiellement» désintéressé. Ajoutons une référence plus positive, extraite de THALLER, ge éd.; n° 1927, note 2 : «l'application de l'article 2032 (recours de la caution) ne sera possible que si le créancier s'abstient volontairement de produire à la faillite du débiteur principal ». Dans le cas de Tournai, le créancier s'était abstenu, non pas par attitude volontaire, mais par épuisement de son droit. Consulter Rép. prat. droit belge; vo Faillite; no 1130, qui reprend une citation semblable de TH.ALLER, à la 3e édition.

XIII.- REVENDICATIONS PAR L'ÉPOUSE DU FAILLI.

Les époux s'étaient mariés sous le régime de la séparation de biens. Au cours du mariage, la femme fit l'achat de deux camions. Le curateur l'avait assignée pour obtenir que les camions rejoignissent l'actif de la faillite. Il invoquait à titre principal l'article 560 et à titre subsidiaire l'article 555. Le jugement du 5 avril 1958 du tribunal de commerce de Bruxelles (J. O. B., 1958, p. 307) écarta l'article 560 dont le régime sévère (preuve par inventaire ou tout autre acte authentique, rigueur « injusti­fiable et insupportable» selon R!PERT, éd. 1960, no 2820) ne visait, très limitativement, que les biens conservés comme propres d'après le contrat de mariage et les biens reçus pendant le

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mariage. La décision s'insère· dans une doctrine conforme FREDERICQ, t. VIII, n° 509; Rép. prat. droit belge, v° FaUlites, no 1329; LYON-CAEN, t~ VIII, no 899; DE PAGE, t. X, vol. Jer, no 1019, p. 831. .

Ce régime écarté, le procès retombait sous l'empire de l'arti­cle 555 que le curateur invoquait à titre subsidiaire : il est

. présumé que les biens acquis à titre onéreux pendant le mariagé,. le furent au moyen de l'argent du mari. Présomption générale mais qui est renversable par toutes voies de droit et dont l'épouse triompha en l'espèce.

La même présomption frappe l'achat d'immeubles au cours, du marjage : tribunal de commerce de Bruxelles, 9 juillet 1955 (non recensé à la précédente Chronique), Pas., 1956, III, 21, et Recueil général, 1960, n° 20220. La femme invoquait que dans son contrat de mariage elle avait fait mentionner la posses-

_sio:ri en ses mains d'une somme d'argent dont le montant eût été suffisant pour acquérir l'immeuble. La- séparation de biens était le régime adopté. L'acte d'acquisition ne contenait aucune déclaration expresse d'emploi. La preuve contraire. fut jugée incomplète.

Sur le bénéfice d'émolument opposé par le mari au cura­. te ur de son épouse faillie : voir Bruxelles, 13 novembre 1957, Pas., 1958, II, 233, Chronique des Régimes matrimoniaux,. de M. JEAN RENAULD, Rev. crit. jur. belge, 1960, p. 240, n° Il.

XIV.- CLÔTURE ET RÉHABILITATION.

La clôture pour insuffisance d'actif est-elle une suspension provisoire des opérations ou marque-t-elle le point final de la faillite? Un arrêt de Bruxelles du 6 mars 1957 (Pas., 1958, II, 208) s'inscrit contre la tendance jurisprudentielle belge et dit qu'après et malgré cette clôture, un« état virtÙel de faillite >}

subsü;;te. Une des conséquences en est, selon l'arrêt, que si un créancier veut la faire déclarer une deuxième fois, sa demande sera repoussée. Elle se heurtera à l'unité et- à la permanence de la faillite.

Le caractère simplement provisoire\ de la clôture faute d'actif est loin d'être proclamé de manière ab~olué. Il ne s'agit pas du cas où ce jugement est rapporté parce que de l'actif est trouvé

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QU que des frais sont provisionnés (art. 536). Nous raisonnons dans l'hypothèse où ces apports frais sont absents. Or, alors, les auteurs belges croient que la masse est dissoute et que la mission du curateur est terminée (DE PERRE, n° 73 ; FREDERICQ, t. VII, n° 253). Le Répertoire pratique du droit belge, vo Faillite, no 2496, est moins net en disant que la menace de réouverture implique que la faillite demeure latente.

Ce sont les auteurs français (LYON-CAEN, t. VIII, n° 766; PERCEROU et DESSERTEAUX, 2e éd., t. II, n° 1486), suivis par la jurisprudence, qui soutiennent que la procédure close faute d'actif est simplement suspendue, quoique les créanciers puissent reprendre leurs poursuites individuelles et que le dessaisissement .subsiste. L'expérience française n'est guère concluante. De grandes complications naissent, en cas de nouvelle cessation des paiements, quant à la dualité des masses : Douai, 20 février 1959, D., 1959, p. 576. On voit même un arrêt de cassation ,du 7 décembre 1959, Gaz. Pal., 1959, II, 322, admettre qu'un xéféré en expulsion dans un bail privé est régulièrement notifié au seul curateur, sans aucune interpellation du failli locataire dont la faillite avait été clôturée.

Après ·la clôture normale de la faillite par liquidation, les eréanciers retrouvent tous leurs droits contre le failli, et peuvent le poursuivre en paiement de ce qui leur est encore dû (FREDE­RICQ, t. VII; n° 332, 3o). Le failli défendeur peut-il soutenir que l'action n'est pas recevable parce qu'il n'est pas revenu à meilleure fortune 1 Le juge de paix de Liège, le 24 septembre 1959 (Jur. Liège, 1959-1960, p. 76}, a rappelé que la clause de retour à meilleure fortune qui transforme l'obligation simple -en obligation cmiditionnelle, est un atout du concordataire et non du failli. Celui-ci devra donc abandonner au créancier pour­suivant l'excédent de ce qu1il gagne, après entretien ges siens. La masse n'existant plus, le profit de ce proc~s revient au -créancier agissant.

La clôture ne sera parfaite que si les comptes du curateur :Sont approuvés (-FREDERICQ, t. VII, n° 330). S'il y a contestation·, le juge-commissaire dresse procès~verbal et doit renvoyer devant le tribunal. Ce renvoi limite le litige aux seuls griefs qui y sont repris (comm. Anvers, 11 avril1957, R. W., 1957-1958, col~ 1014).

Certains faillis sont indignes de la réhabilitation. ~es causes

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de refus sont citées à l'article o91 (FREDERICQ, t. VIII, no 552; Rép. prat. droit belge, v° Faillite, n° 2690). Au rang de celles-ci ne figure pas la condamnatiob pour détournement d'objets saisis. Peut-on l'assimiler à urle condamnation pour abus de; confiance·1 La cour de Bruxelles, le 22 avril 1959 (Pas., 1960, II, 139), a répondu négativement et a admis la réhabilitation. Il n'y a d'autres empêchements à la réhabilitation que ceux que la· loi énumère expressément.

xv.- LE CONCORDAT JUDICIAIRE.

C'est le tribunal de· commerce, compétent au lieu du principal établissement; qui doit connaître de la requête introduite par une société. Cet endroit n'est pas_ nécessairement celui de son siège social. S'il advient que deux tribunaux de commerce, celui du siège social et celui du principal établissement, appré­ciant les faits de manière différente, se déclarent tous deux incompétents pour examiner la requête de la société, un règle­ment de juges s'impose (cass., 28 septembre 1959, Rev. prat . .soc., 1960, p. 226, J. O. B., 1960, p. 90). Les deux décisions n'étaient plus ·susceptibles d'une voie ordinaire de recours. La cour de· c~ssation rechercha elle-même où se trouvait le principal établis­sement effectif. Elle ne dit point cependant ·quels étaient les. critères qui avaient entraîné sa conviction. .

La. bonne foi d'un être ·moral est une condition nécessaire· pour obtenir le conc.ordat mais elle est malaisée à définir. Il faut éviter de tomber dans l'anthropomorphisme, tout en respectant 1~ loi. Le tribunal de première instance d'Huy, le 18 juin 1957 (Jur.' Liège, 1957-1958, p. 61), suivi par la cour, de Liège, le 24 juillet 1957 (Rev. prat. soc., 1960, p. 198), rechercha_ la bonne foi dans le seul chef des actionnaires, indépendamment­des actes irréguliers qui auraient pu être le fait des administra­teurs. Les propriétaires de la société ont le droit de prétendre·· qu'elle est de bonne foi, même si les organes· ont agi, en certaines circonstances,· de mauvaise foi. Force sera donc de rechercher­la participation· des associés _à la faute des gérants. Le problème· est étudié dans 1m article que nous avons publié à la Revue pra­tique des sociétés, 1960, p. 193 : « De la bonne foi d'une société· anonyme».

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Quand il est manifeste que l'actif que le requérant se propose d'abandonner est nul, la requête doit être rejetée dès l'abord. Elle est sans consistance. La bonne foi ·aux mains vides est douteuse (comm. Verviers, 9 mai 1959, Jur. Liège, 1959-1960, p. 239).

Au cours des formalités suivies pour obtenir un concordat, le débiteur est frappé de plusieurs incapacités, notamment celle d' «aliéner» sans l'autorisation du juge délégué (art. 11). Le débiteur qui, pendant ce délai, paie une dette échue et la paie en espèces -paiement qui serait valable en principe s'il inter­venait en période suspecte-, «aliène-t-il» 1 Le paiement est-il compris daris l'interdiction d'aliéner 1 La cour: de Liège a donné une interprétation restrictive de l'article 11 en estimant valable­ment fait un paiement ·de la sorte, quoique le juge-délégué ne l'eùt pas autorisé (20 janvier 1960, Jur. Liège, 1959-1960, p. 210). Un pourvoi a soumis l'arrêt à la cour de cassation (cons. FREDERICQ, t. VIII, no 654).

Un débiteur avait obtenu un concordat par abandon d'actif. Deux liquidateurs avaient été désignés. Pendant leur mission, l'un d'eux lança assignation et le fit à sa seule requête. Il fut objecté que les liquidateurs eussent dû agir collégialement. La cour de Bruxelles, le 16 novembre 1959, ne fut pas de cet avis (R. W., 1959-1960, col. 1805). La collégialité des liquidateurs est un principe du droit des sociétés (lois coord. sur les sociétés, art. 179). Selon l'arrêt, il n'y avait pas lieu de l'étendre à l'espèce. Il est difficile de considérer cet arrêt comme vidant la question, car le litige était particulier. Il n'y avait pas deux liquidateurs équivalents, l'un, celui qui assigna, étant appelé gérant, l'autre, conseiller juridique, et d'autre part, dans l'attribution de leurs pouvoirs, on leur donna rau moins ceux des curateurs». Or, en cas de pluralité de curateurs, l'acte fait par l'un d'eux liera les autres (FREDERICQ, t. VII, n° 189, p. 318). Contra : nouvelle· loi française sur les faillites, article 461 nouveau.

Le droit spécial de la faillite ne submerge pas le domaine du concordat.

Le fournisseur non payé n'est pas déchu de son privilège de vendeur par la demande de concordat (Liège, 26 juin 1957, Jur. Liège, 1957-1958, p. 57)~ Seulement, comme le <<concours ». s'établit entre les créanciers dès le dépôt de la requête, le ve:ndeur

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se voit privé de l'action en résolution. L'article 5 de la loi sur le concordat veut que le dépôt de la requête donne sursis contre tous les actes d'exécution. L'intentement d'une action résolu­toire n'est pas une simple précaution conservatoire. Quel serait· le sens, quelle serait la solidité du cadre concordataire si les fournisseurs pouvaient agir en résolution 1

Si le concordataire a présumé de ses forces et qu'il ne puisse plus exécuter le traité de concordat; celui-ci n'est pas résolu de plein droit. Une résolution automatique, de même qu'une. requête en obtention d'un concordat! plus léger, sont des mesures. inutiles, car le tribunal peut accord~r des délais de grâce, tout en maintenant le ,_cadre initial. Cette solution s'appuie sur l'article 37 selon lequel le tribunal «pourra» prononcer la réso­lution (comm. Bruxelles, 23 octobre 1958, J.O. B., 1959, p. 264, et comm. Verviers, 19 mai 1959, Jur. Liège, 1958-1959, p. 278; FREDERICQ, t. VIII, no 764).

Le sursis d'exécution accordé au concordataire est étranger aux créances privilégiées (Bruxelles, 30 juin 1959; Pas., 1960, II, 11). C'est une application de l'article 29, 2°, que fait aussi le jugement du tribunal de commerce de Saint-Nicolas du 19 octobre 1956 (R. W., 1958-1959, .col. 2122). Me DISCART

y consacra une étude (R. W., 1956-1957, col. 1487).

Aucun principe n'empêche les créanciers, abdiquant partielle­ment de leurs droits, de signer un contrat concordataire qui confère des avantages spéciaux à certains d'entre eux. Le cas le plus fréquent est celui qui prévoit le paiement intégral des petits créanciers pour circonscrire entre les créanciers importants les problèmes du concordat. La majorité des créanciers peut­elle imposer cet arrangement 1 FREDERICQ (t. VIII, n° 712) estime que l'accord de tous n'est pas nécessaire. Nous penserions, malgré les inconvénients pratiques, que la règle de l'égalité a· toute sa rigueur et que la détermination du seuil à compter duquel ]es créances seront considérées comme importantes aurait des résultats paradoxaux. Imaginons le conflit d'intérêts entre le créancier de 5.000 francs payé intégralement et le créancier de 5.100 francs payé par dividende ...

. C'était à l'unanimité que les créanciers de l'éditeur d'un hebdomadaire .avaient donné à l'imprimeur, l'un d'eux, le droit. de se payer par préférence pour ses factures actuelles et futures ..

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La revue devait continuer de sortir par les soins de l'imprimeur. Les créanciers devaient être intégralement payés au bout de cinq ans grâce aux recettes d'abmmement et de publicité. L'im­printeur, économiqumnent, « 1naintenait la chose en vie». Les créanciers avaient qualifié le paiement préférentiel de «privilège pour frais conservatoires de la chose)). Le tribunal refusa son hon1ologation, non parce que l'imprimelu· jouissait d'un paie­ment prioritaire mais parce que cette priorité s'était placée sous la qualification du privilège de l'article 22. Le jugement est sévère particulièrement au regard de l'unanimité des créanciers (comtn. Bruxelles, 20 juin 1957, J. O. B., 1958, p. 151).

Le jugement sauvegarde l'idée que le privilège est une faveur de source légale et non de création contractuelle ou concorda­taire. L'on peut toutefois se demander pourquoi les parties, fortes de leur unanimité, entrèrent dans la voie du concordat judiciaire dont l'utilité est de dicter la loi du plus grand nombre aux créanciers dissidents, extension qui justifie le contrôle du tribunal.

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