Evaluation environnementale des perspectives de...

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CHAPITRE I : MATERIAUX A VALORISER : SCORIES DE PREMIERE FUSION DE PLOMB ET DE ZINC 1. PROCÉDÉ DONT SONT ISSUES LES SCORIES DE PREMIÈRE FUSION DE ZINC ET DE PLOMB 20 1.1 LES SCORIES DE ZINC DE PREMIÈRE FUSION : SCORIES ISF 20 1.2 LES SCORIES DE PLOMB DE PREMIÈRE FUSION : SCORIES LBF 22 2. CARACTÉRISTIQUES PHYSICO-CHIMIQUES DES SCORIES 22 2.1 COMPOSITION CHIMIQUE 22 2.2 CARACTÉRISATION MINÉRALOGIQUE 23 2.2.1 LES SCORIES ISF 23 2.2.2 LES SCORIES LBF 23 2.3 MÉCANISMES D'ALTÉRATION DE SILICATES AMORPHES ET CRISTALLISÉS 24 2.3.1 LES MÉCANISMES D'ALTÉRATION DES SILICATES 25 2.3.2 PARAMÈTRES INFLUENÇANT L' ALTÉRATION 27 2.4 GRANULOMÉTRIE 28 2.5 DENSITÉ 29 2.6 CONCLUSION 29 3. COMPORTEMENT DES SCORIES DANS DIFFÉRENTS CONTEXTES CHIMIQUES 29 3.1 CAPACITÉ DE NEUTRALISATION ACIDO-BASIQUE (CNAB) 30 3.1.1 PROCÉDURE OPÉRATOIRE 30 3.1.2 CAPACITÉ DE NEUTRALISATION ACIDO-BASIQUE DES SCORIES ISF ET LBF (CNAB) 31 3.2 SOLUBILISATION DES POLLUANTS EN FONCTION DU PH 31 3.2.1 SOLUBILISATION DU PLOMB ET DU ZINC DES SCORIES ISF ET LBF EN FONCTION DU PH 32 4. CONCLUSION 33

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CHAPITRE I :

MATERIAUX A VALORISER : SCORIES DE

PREMIERE FUSION DE PLOMB ET DE ZINC

1. PROCÉDÉ DONT SONT ISSUES LES SCORIES DE PREMIÈRE FUSION DE ZINC ETDE PLOMB 20

1.1 LES SCORIES DE ZINC DE PREMIÈRE FUSION : SCORIES ISF 201.2 LES SCORIES DE PLOMB DE PREMIÈRE FUSION : SCORIES LBF 22

2. CARACTÉRISTIQUES PHYSICO-CHIMIQUES DES SCORIES 22

2.1 COMPOSITION CHIMIQUE 222.2 CARACTÉRISATION MINÉRALOGIQUE 232.2.1 LES SCORIES ISF 232.2.2 LES SCORIES LBF 232.3 MÉCANISMES D'ALTÉRATION DE SILICATES AMORPHES ET CRISTALLISÉS 242.3.1 LES MÉCANISMES D'ALTÉRATION DES SILICATES 252.3.2 PARAMÈTRES INFLUENÇANT L'ALTÉRATION 272.4 GRANULOMÉTRIE 282.5 DENSITÉ 292.6 CONCLUSION 29

3. COMPORTEMENT DES SCORIES DANS DIFFÉRENTS CONTEXTES CHIMIQUES 29

3.1 CAPACITÉ DE NEUTRALISATION ACIDO -BASIQUE (CNAB) 303.1.1 PROCÉDURE OPÉRATOIRE 303.1.2 CAPACITÉ DE NEUTRALISATION ACIDO-BASIQUE DES SCORIES ISF ET LBF (CNAB) 313.2 SOLUBILISATION DES POLLUANTS EN FONCTION DU P H 313.2.1 SOLUBILISATION DU PLOMB ET DU ZINC DES SCORIES ISF ET LBF EN FONCTION DU PH 32

4. CONCLUSION 33

Chapitre I : Matériaux à valoriser : scories de première fusion de plomb et de zinc 20

CHAPITRE I :

MATERIAUX A VALORISER : SCORIES DE

PREMIERE FUSION DE PLOMB ET DE ZINC

Avant de s'intéresser aux caractéristiques et au comportement environnemental des matériaux

de BTP dans lesquels sont introduites les scories, le procédé dont sont issues les scories ainsi

que leurs caractéristiques physico-chimiques sont présentés. Nous caractérisons également le

comportement des scories dans différents contextes physico-chimiques.

1. PROCÉDÉ DONT SONT ISSUES LES SCORIES DE PREMIÈREFUSION DE ZINC ET DE PLOMBLes scories, objets de cette recherche, sont des résidus de la production de plomb et zinc de

première fusion par la société Métaleurop sur le site de Noyelles Godault, dans le département

du Nord. Sur ce site la production annuelle de 100 000 tonnes de zinc et de 150 000 tonnes

de plomb génère 60 000 tonnes de scories de zinc et 100 000 tonnes de scories de plomb.

1.1 Les scories de zinc de première fusion : scories ISF

Les scories de zinc de première fusion sont les résidus de la production de zinc de première

fusion, c'est à dire de zinc issu du procédé de transformation physico-chimique du minerai de

zinc. Le minerai de zinc est essentiellement constitué de sulfure de zinc (ZnS), la blende. Ce

minerai est souvent mêlé au sulfure de plomb (PbS), la galène.

La métallurgie du zinc est basée sur deux étapes fondamentales : l'oxydation des sulfures, puis

la réduction en métal de l'oxyde obtenu.

• L'étape d'oxydation ou de grillage des sulfures se fait depuis 1956 selon le procédé

Dwight-Lloyd. Dans ce procédé la charge est constituée de :

- minerai de ZnS et PbS (rapport zinc/plomb allant de 0,3 à 0,9),

- repasse : charge déjà oxydée ou concentré déjà grillé. En effet, la réaction d'oxydation

étant exothermique la chaleur dégagée rend la désulfuration des minerais riches en

soufre difficile (les minerais en contiennent de 25 à 30 %), par conséquent la teneur en

soufre est abaissée à 6 % en recyclant des concentrés déjà grillés,

Chapitre I : Matériaux à valoriser : scories de première fusion de plomb et de zinc 21

- fondant : permet de former lors de l'étape de réduction un laitier fluide : les scories.

Le produit final de l'étape d'oxydation, à base d'oxyde de zinc, est la calcine dont la

composition est présentée dans le tableau 1.

tableau 1 : Composition de la calcine.

Composition moyenne de la calcine agglomérée, %

Zinc 36-43

Plomb 17-22

Fer 8-13

Soufre 0,3-0,9

Al2O3 7

CaO 4

SiO2 4

• L'étape de réduction se fait selon le procédé thermique de réduction le plus répandu

actuellement l'Imperial Smelting. Ce procédé, capable de traiter des charges mixtes zinc-

plomb, fonctionne en continu. L'énergie thermique est apportée par la charge elle-même. Le

four Imperial Smelting est un haut-fourneau alimenté, par le haut, avec la calcine encore

chaude (180°C) et du coke préchauffé à 500-600°C. L'air soufflé, à la base du haut-fourneau,

est également préchauffé à environ 950°C. Les gaz et les charges circulent à contre-courant.

La température maximale est de l'ordre de 1100°C au sommet du creuset. Les principales

réactions qui se produisent sont les réductions des oxydes de zinc et de plomb et la

formation du laitier.

Le zinc, à l'état de vapeur, est entraîné vers le haut par les gaz où il est condensé par

adsorption dans les condenseurs par une pluie de fines gouttelettes de plomb à 550°C. Le

liquide plomb-zinc, refroidi à 450°C, forme deux couches qui se séparent par densité :

- une couche lourde de plomb contenant 2,2 % de zinc, ce plomb zingueux est renvoyé

pour la condensation,

- une couche de zinc plus légère contenant 1,5 % de plomb qui, refroidi dans un four,

donne le zinc thermique.

Le laitier, formé principalement par la gangue et les cendres de coke, contenant quelques

pour-cent de plomb et zinc, s'écoule vers le bas à une température de 1250°C. Le laitier,

refroidi et grenaillé par un courant d'eau sous pression, forme les scories de zinc ou ISF

(pour Imperial Smelting Furnace).

Le plomb, séparé du laitier par densité, est appelé le plomb d'œuvre. Le zinc et le plomb

obtenus sont ensuite raffinés.

Chapitre I : Matériaux à valoriser : scories de première fusion de plomb et de zinc 22

1.2 Les scories de plomb de première fusion : scories LBF

Les scories de première fusion de plomb sont les résidus de la production du plomb de

première fusion. Le principal minerai de plomb est la galène (PbS), souvent associée à la

blende (ZnS).

La métallurgie du plomb est essentiellement thermique et, comme celle du zinc, repose sur

deux grandes étapes, l'oxydation des sulfures puis la réduction en métal des oxydes obtenus à

l'aide du coke :

• L'étape d’oxydation se fait selon le procédé Dwight-Lloyd comme pour le minerai de zinc.

• La réduction s'effectue selon deux voies :

- le four Imperial Smelting adapté au minerai mixte, à zinc dominant, dont le procédé

est présenté dans le paragraphe précédent 1-1,

- le four à cuve verticale et Water-Jacket traite des minerais de plomb plutôt purs et

assure l'essentiel de la production. Ce four fonctionne selon le principe du haut-

fourneau. Le plomb en fusion est recueilli à la base du four et envoyé à l'atelier

d'affinage. Le laitier, flottant à la surface du plomb, est récupéré par un siphon puis

refroidi et grenaillé par un courant d'eau sous pression et forme les scories de plomb ou

LBF (Lead Blast Furnace).

2. CARACTÉRISTIQUES PHYSICO-CHIMIQUES DES SCORIES

Pour ce programme, un échantillon de 4 tonnes de chaque type de scories a été prélevé en 3

ou 4 fois pendant la phase de fonctionnement normal des hauts-fourneaux. Après

homogénéisation, les scories ont été conservées dans des barils de 200 litres, hermétiquement

fermés, jusqu'à leur utilisation.

L'ensemble des caractéristiques physico-chimiques des scories, présenté ici, est extrait du

Rapport Brite Euram contrat Nr Bre2-CT94-0585 : Valorization of Pb-Zn primary smelters

slags.

2.1 Composition chimique

Les scories ISF et LBF sont constituées d'une matrice vitreuse à 95 % de leur poids. Leur

composition chimique moyenne, présentée, tableau 2, varie en fonction de la composition de

la calcine et des conditions opératoires.

Les scories LBF contiennent 5 fois plus de plomb que les scories ISF. Par contre, il faut noter

que les scories LBF appelées "scories de plomb" contiennent deux fois plus de zinc que les

scories ISF appelées "scories de zinc".

Chapitre I : Matériaux à valoriser : scories de première fusion de plomb et de zinc 23

tableau 2 : Composition chimique moyenne des scories étudiées.

scories Teneur, en % ratios

Zn Pb Fe CaO Si02 Al 2O3 S As CaO/SiO2 FeO/SiO2

ISF 6,92 0,69 26,4 18,1 21,9 10,4 1,58 0,15 0,83 1,55

LBF 11,2 3,5 26,0 20,0 23,0 1,89 0,7 0,10 0,87 1,46

2.2 Caractérisation minéralogiqueDes examens minéralogiques, à l'aide d'une microsonde électronique, ont permis d'obtenir des

informations qualitatives et quantitatives sur la composition minéralogique des scories et de

définir les phases porteuses de zinc et de plomb.

2.2.1 Les scories ISF

Les scories ISF sont constituées de 4 composants :

- le laitier silicaté amorphe (alumino-silicate de Fe, Ca, Zn), représente 94 % en poids des

scories et contient environ 18 % du plomb total et 90 % du zinc total,

- le speiss, 2 % en poids, contient environ 2 % du plomb et environ 1 % du zinc,

- le spinelle, 4 % en poids, contient environ 0,3 % du plomb et environ 9 % du zinc,

- le plomb métal, 0,6 % en poids, contient environ 80 % du plomb.

Dans les scories ISF, le zinc est porté à 90 % par la phase alumino-silicatée. Le plomb est

à 80 % sous forme de sphérolithes de plomb métal. Les billes, d'un diamètre moyen de

100µm, sont parfois en périphérie des grains de scories et donc susceptibles d'être plus

facilement lixiviées.

2.2.2 Les scories LBF

Les scories LBF sont constituées de 3 composants :

- le laitier silicaté amorphe (silicate + Al de Fe, Ca, Zn, Pb), représente 95 % en poids des

scories, contient environ 77 % du plomb total et 88 % du zinc total,

- la ferrite de zinc, 4 % en poids, contient environ 12 % du zinc,

- le plomb métal, 1 % en poids, contient environ 23 % du plomb.

Dans les scories LBF, 77 % du plomb et 88 % du zinc sont portés par la phase silicatée.

Seulement 23 % du plomb est sous forme de sphérolites de métal (diamètre moyen 20 µm) et

aucune bille n'a été observée en périphérie des grains de scories.

Dans le paragraphe suivant nous allons voir quels sont les mécanismes d'altération d'un

matériau silicaté qui constitue la phase principale (95 %) des scories.

Chapitre I : Matériaux à valoriser : scories de première fusion de plomb et de zinc 24

2.3 Mécanismes d'altération de silicates amorphes et cristallisés

Selon la définition de Zarzycki (Zarzycki, 1982) le verre est un solide non cristallin présentant

le phénomène de transition vitreuse : il est obtenu par figeage d'un liquide qui n'a pas

cristallisé. Cependant, en refroidissant progressivement un liquide, dont la température est

supérieure à celle du point de fusion, la cristallisation peut ou non se produire. Cette

éventualité dépend de la nature du matériau et de la vitesse de refroidissement. Les scories,

peuvent contenir des phases cristallisées.

Les phases cristallisées

Lorsque le refroidissement est suffisamment lent, les phases cristallines sont formées par

l'arrangement d'éléments en réseaux ordonnés. Les composants initiaux permettent la

formation de silicates c'est à dire d'arrangement de tétraèdres de silice avec d'autres éléments

qui lient les tétraèdres ensemble. On peut ainsi aboutir à différents types de silicates suivant la

structure de base.

Les silicates sont principalement constitués par un arrangement d’atomes d'oxygènes, les

atomes de silicium se plaçant au centre des lacunes tétraédriques du réseau.

Les phases vitreuses

Les verres ont une structure désordonnée : les tétraèdres SiO4 ne sont pas agencés, sauf

ponctuellement. Parmi les éléments constitutifs du réseau vitreux, on distingue trois classes

d'éléments reflétant leur aptitude à former un verre :

- les éléments formateurs du réseau vitreux tels As, B, P, Sb, Si et Ge qui peuvent à eux

seuls constituer des verres d'oxydes,

- les éléments modificateurs du réseau vitreux tels Ca, K, Li, Mg et Na. L'introduction de

ces éléments dans la structure du verre silicaté entraîne l'existence d'ions O2- n'échangeant

plus qu'une liaison avec le silicium et crée des ruptures de liaisons dans le réseau,

- les éléments à comportement intermédiaire tels Al, Fe, Pb, Zn, Zr. Ces éléments sont

formateurs ou modificateurs selon leur coordinence qui dépend de leur concentration dans le

verre et donc de la composition chimique du verre.

L'oxygène est pratiquement le seul anion présent dans les verres silicatés. Les atomes

d'oxygènes sont regroupés en trois catégories en fonction du type de cations avec lequel ils

sont liés. Il y a l’oxygène pontant, lié avec deux atomes de silicium ; l’oxygène non pontant,

lié à un atome de silicium et un atome d'un autre cation dit modificateur ; et enfin l’oxygène

libre lié à deux atomes de cations modificateurs.

Les éléments polluants, par exemple le plomb et le zinc, sont répartis au sein des phases

cristallisées et vitreuses des scories sous forme d'éléments formateurs du réseau vitreux ou

cristallin, sous forme de modificateurs …. Ceci influence leur cinétique de relargage sous

Chapitre I : Matériaux à valoriser : scories de première fusion de plomb et de zinc 25

l'effet de l'altération.

2.3.1 Les mécanismes d'altération des silicates

La plupart des matériaux silicatés sont polyphasés, c'est à dire composés de plusieurs phases

cristallines et/ou vitreuses différentes. On peut considérer un verre comme une phase à part

entière. Par ailleurs, les mécanismes mis en jeu lors de l'altération des verres sont proches de

ceux des silicates cristallisés (White, 1991). Dans ce cas, le taux global d'altération est la

somme des taux d'altération de chaque phase, pondérés par leur surface relative.

Une des propriétés les plus importantes que doivent présenter les verres industriels et

particulièrement les verres nucléaires est la résistance vis-à-vis de la corrosion chimique par

des solutions aqueuses. L'étude de la composition de la solution altérante, en fonction du

temps, permet de distinguer trois mode de dissolution des minéraux dans les solutions

aqueuses (Touray, 1980) :

- Dissolution congruente : les constituants du minéral passent simultanément en solution,

leur rapport stoechiométrique en solution est identique à celui du matériau initial.

- Dissolution incongruente : le rapport des éléments en solution est différent du rapport

dans le minéral. Ce mode de dissolution suppose la précipitation de phases secondaires

parvenues à saturation dans la solution.

- Dissolution sélective : elle est caractérisée par l'extraction sélective de certains

constituants du matériau selon un mécanisme d'échanges ioniques.

Cependant, dans un grand nombre de cas, ces trois modes de dissolution peuvent se rencontrer

successivement, selon les conditions d'altération. Ainsi, la réaction globale de dissolution d'un

silicate peut être décomposée en plusieurs étapes :

• Interdiffusion ou dissolution sélective : les éléments alcalins et alcalino-terreux du verre sont

extraits préférentiellement par échange avec les protons de la solution selon les réactions 1 et 2.

réaction 1 : OHNaHOSiOH]Na)OSi[( 23 ++≡⇒+ +++−−−−≡

réaction 2 : OHNaHOSiOH]Na)OSi[( 2−++− ++≡⇒+ −−−≡

Ces réactions provoquent une augmentation du pH de la solution qui favorise la deuxième

étape (dissolution du réseau vitreux par réaction de surface). Cette première étape, transitoire,

favorisée en milieu acide, est régie par un processus de diffusion dont la cinétique dépend de

l'épaisseur de matériau altéré. Elle se traduit par l'apparition d'une zone hydratée (par

diffusion des protons dans le matériau) et d'une pellicule désalcalinisée (zone où les alcalins

sont remplacés par les protons). La période pendant laquelle l'interdiffusion est prépondérante

varie de quelques minutes à quelques années en fonction de la température, du pH, du rapport

surface des matériaux/volume de solution.

Chapitre I : Matériaux à valoriser : scories de première fusion de plomb et de zinc 26

• Les réactions de surface : Le mécanisme d'altération par réaction de surface consiste en 5

mécanismes élémentaires (Guy, 1989) :

1- Transport des réactifs vers l'interface réactionnelle.

2- Adsorption des réactifs à la surface (principalement H+, OH-, H2O).

3- Réaction chimique de surface : formation de molécules réactives par rupture de

liaison oxygène des cations de la matrice.

4- Désorption des produits de la réaction.

5- Transport des produits de la réaction dans la solution.

Le mécanisme 3 peut être décrit par les réactions 3 et 4 en considérant une liaison Si-O :

réaction 3 : OSiOHSiOH] SiOSi[ −−≡−−≡ −− ≡+≡⇒+

réaction 4 : OHOHSiOH]OSi[ 2−+≡⇒+− −−≡

En milieu neutre ou basique, la dissolution des silicates est le résultat d'une attaque

nucléophile des ions hydroxyles sur les liaisons fortes du réseau, donc sur les liaisons entre

oxygènes pontants et cations formateurs. Les éléments constitutifs du matériau passent en

solution de manière stoechiomètrique : la dissolution est congruente et le reste tant qu'aucune

phase secondaire ne se forme.

En milieu acide, les mécanismes 1 et 5 suivent les lois de la diffusion vers la solution

adjacente au solide, dans la pellicule d'altération de surface résultant de la dissolution

sélective, dans la solution interstitielle des précipités développés en surface.

Guy (1989) a illustré au cours de ces travaux sur les verres basaltiques les différents domaines

de contrôle des mécanismes de dissolution en fonction de la température et du pH (figure 1).

A température ambiante, les réactions de surface contrôlent la cinétique de dissolution quand

le pH est compris entre 3,5 et 9, au delà il y a également un contrôle diffusionnel.

figure 1 : Domaines des différents modes de contrôle des mécanismes de dissolution (Guy, 1989).

• Pellicule d'altération : formée à la surface des verres altérés dans des solutions aqueuses,

elle est le résultat des phénomènes d'échanges ioniques entre la solution et le verre, de

dissolution du réseau silicaté et de précipitation des phases secondaires amorphes ou

Chapitre I : Matériaux à valoriser : scories de première fusion de plomb et de zinc 27

cristallisées. La nature de ces couches dépend de la nature du verre et des conditions du milieu

extérieur (pression, température, nature de la solution, pH, lixiviation statique ou

dynamique…). Le principal produit d'altération, formé à la surface des verres, à température

ambiante est un gel. Il s'agit des couches lixiviées souvent amorphes, appauvries en cations

modificateurs (Na, Ca, Li, Cs…) et enrichies en silice et en éléments lourds (Fe, Ti, Nd, U…)

par rapport au verre initial.

Cette pellicule peut jouer le rôle d'une barrière diffusionnelle, limitant le transport d'espèces

chimiques vers la solution et pouvant également constituer un deuxième milieu de

confinement. Les mécanismes à l'origine de la rétention, dans la pellicule d'altération, ne sont

toutefois pas clairement identifiés (sorption, précipitation, polymérisation, cristallisation…)

(Vernaz, 1992).

2.3.2 Paramètres influençant l'altération

Composition du matériau

La silice pure est un des matériaux les plus durables. L'ajout d'alcalins permet d'abaisser la

température de fusion (rôle de fondant) mais modifie la durabilité chimique des matériaux

silicatés. Les verres les moins altérables sont les verres riches en SiO2, Al2O3, Fe2O3 et

pauvres en alcalins.

Cristallisation

Les différentes phases cristallisées ou amorphes d'un matériau silicaté ont des vitesses

d'altération différentes (dissolution sélective). Dans certains cas, les phases dominantes

peuvent jouer un rôle de tampon et modifier le comportement à l'altération de phases

mineures ; des phases ou leurs produits d'altération peuvent également enrober d'autres phases

(White, 1991).

Concentration élémentaire en solution

La silice est l'espèce qui joue le rôle le plus important sur le contrôle de l'altération.

Comme pour les minéraux, la dissolution des verres diminuent lorsque les concentrations

élémentaires augmentent en solution. Cependant, même si la concentration en silice est très

forte, on observe toujours une vitesse d'altération non nulle.

Influence du pH

L'altération semble peu dépendante du pH pour des valeurs comprises entre 4 et 9, mais

augmente considérablement dans des solutions très acides ou basiques (Chou, 1985, Brady,

1989).

Le pH peut également déterminer le mécanisme initial de l'altération. Dans des tests à fort

rapport surface réactive/volume de solution (S/V), les alcalins, relâchés par le silicate, vont

tendre à augmenter le pH dans l'eau déionisée ou siliceuse. La silice est de moins en moins

Chapitre I : Matériaux à valoriser : scories de première fusion de plomb et de zinc 28

stable quand le pH augmente, surtout au delà de 9,5 : la concentration limite de solubilité

de la silice augmente et une plus importante quantité de silice est dissoute avant que la

saturation en silice ne soit atteinte.

Lors de l'altération d'un matériau silicaté en solution aqueuse le système évolue vers un

pH d'équilibre imposé par le matériau. Dans le cas où le pH est imposé par le milieu

environnant, son rôle peut être déterminant sur le taux d'altération.

Effet de la température

L'influence de la température dans l'altération des verres est bien connue : les réactions sont

d'autant plus rapides que la température est élevée.

Renouvellement de la solution

La vitesse d'altération est liée au flux de solution. Au delà d'un certain seuil de

renouvellement de la solution, la vitesse d'altération atteint un maximum et devient

indépendante du flux.

En système fermé la vitesse d'altération diminue jusqu'à une valeur très faible.

En système ouvert, on atteint un état stationnaire où la lixiviation peut se poursuivre soit à

taux constant si la pellicule n'est pas protectrice, soit en diminuant dans le temps si un gel

protecteur se développe.

Rapport surface réactive/volume de la solution (S/V)

Au début de l'altération, la quantité d'éléments qui passe en solution est proportionnelle à la

surface développée. Plus le rapport S/V est élevé, plus les concentrations en solution

augmentent rapidement.

Il existe trois moyens d’apprécier l’altération qu’a subi un matériau silicaté (Vernaz, 1992) :

1- par analyse du lixiviat,

2- par pesée : mesure de la perte de masse de l’échantillon,

3- par analyse de la surface et des éventuelles pellicules d’altération.

2.4 Granulométrie

La granulométrie des scories dépend des conditions de granulation dans l’installation

industrielle, c'est à dire du débit d'eau, de la température…

Les scories ISF et LBF ont une granulométrie à peu prés identique, comprise dans une gamme

de 0,1 à 4 mm. Ces matériaux sont donc similaires à des sables de carrières lavés. Cependant,

il y a très peu de fines (<100 µm).

Les scorie ISF sont légèrement plus grossières comme le montrent les résultats présentés dans

le tableau 3.

Chapitre I : Matériaux à valoriser : scories de première fusion de plomb et de zinc 29

tableau 3 : Distribution granulométrique des scories.

dx, taille pour laquelle la fraction désignée(x) de matériau passe au travers du tamis

Scorie ISF Scorie LBF

d80 1,3-1,9 mm 0,9-1,1 mm

d50 0,8-0,9 mm 0,5-0,6 mm

d20 0,4-0,5 mm 0,3-0,35 mm

2.5 DensitéLa masse volumique des scories varie de 3,6 à 3,9. Elle est supérieure à celle des sables

siliceux ou calcaires dont la masse volumique est d'environ 2,6.

2.6 Conclusion

Les scories sont des matériaux granulaires (0,1 à 4 mm) de masse volumique élevée (3,7),

constituées à 95 % de leur poids d’une matrice vitreuse et contenant du plomb et du zinc. Les

scories peuvent être assimilées à un sable mais la présence de polluants (plomb et zinc) rend

nécessaire l'étude de leur comportement environnemental.

3. COMPORTEMENT DES SCORIES DANS DIFFÉRENTSCONTEXTES CHIMIQUES

De nombreuses études ont montré que le caractère polluant et dangereux d'un déchet pour

l'environnement ne dépend pas seulement de son contenu en polluants. En effet, pour une

même teneur, la disponibilité des polluants varie en fonction de paramètres intrinsèques au

déchet et des conditions imposées par le milieu extérieur.

Le comportement des scories ISF et LBF et la disponibilité des polluants (plomb et zinc) ont

été étudiés dans des contextes chimiques plus ou moins agressifs signifiés en terme de pH.

Dans cette optique, deux tests, basés sur des lixiviations pratiquées sur matériaux broyés, afin

de maximaliser la surface d'échange et de « découpler » les phénomènes chimiques des

phénomènes physiques, ont été mis en œuvre :

z Test de capacité de neutralisation acido-basique (CNAB) : il s'agit d'évaluer le

pouvoir tampon des matériaux, ce qui renseigne sur leur sensibilité au contexte

chimique.

z Test de solubilisation des polluants en fonction du pH : l'objectif est d'étudier

l'influence du contexte chimique (exprimé en terme de pH) sur la solubilisation des

polluants.

Chapitre I : Matériaux à valoriser : scories de première fusion de plomb et de zinc 30

3.1 Capacité de neutralisation acido-basique (CNAB)L'objectif du test de CNAB est d'évaluer le pouvoir tampon des matériaux vis-à-vis d’une

agression acide ou basique : l'ajout, dans certaines limites, de réactifs ne fait pas évoluer

sensiblement le pH de la solution en équilibre avec le matériau.

La capacité d’un matériau à neutraliser l’acide est généralement définie comme étant la

quantité d’acide nécessaire pour atteindre le point d’équivalence. Dans le cas d’un dosage

acide fort-base forte, le point d’équivalence se situe à pH 7.

La valeur de pH de l'eau en contact avec le matériau indique son caractère acide ou basique.

L'évolution du pH de la solution, en équilibre avec le matériau, en fonction de la quantité

d'acide ou de base ajoutée, fournit des informations concernant le comportement du matériau

dans différents scénarios d'utilisation.

La capacité d'un matériau à neutraliser un acide ou une base est représentée par une courbe

expérimentale, du type de la figure 2, représentant le pH de la solution en équilibre en

fonction des quantités d'acide ou de base ajoutées/kg de matériau broyé. Sur ces courbes le

nombre de moles de base est indiqué en valeur négative mais il faut le lire en valeur absolue.

figure 2 : Exemple de courbe deCNAB.

2

4

6

8

10

12

14

-4 -2 0 2 4 6 8 10 12

mol acide/kg de matériau

pH

mol base/kg de matériau

3.1.1 Procédure opératoire

Ce test a été mis au point par F. Sanchez (Sanchez, 1996) à partir des travaux de Stegemann

(Stegemann, 1994).

Les échantillons de matériaux broyés à 315µm sont mis en contact avec des solutions d'acide

nitrique et de soude de différentes concentrations (les concentrations sont ajustées de façon à

obtenir une courbe de titration avec des valeurs de pH final suffisamment espacées).

Le rapport massique liquide/solide (L/S) est de 10.

Après une mise en équilibre, sous agitation mécanique par retournement, pendant 48 heures,

chaque solution est filtrée, le pH est mesuré. Les solutions sont acidifiées et analysées. Le

plomb et le zinc ont été dosés par spectrométrie d'Emission Atomique à Plasma d'Induction

Chapitre I : Matériaux à valoriser : scories de première fusion de plomb et de zinc 31

ICP-AES. Les limites de quantification sont de 10µg/l pour le zinc et de 30µg/l pour le

plomb.

3.1.2 Capacité de neutralisation acido-basique des scories ISF et LBF (CNAB)

Les CNAB des scories ISF et LBF sont présentées figure 3. Le pH imposé par les scories en

contact avec de l'eau déminéralisée est basique (pH 10,5). Les deux types de scories ont une

faible capacité de neutralisation acido-basique. Elles ont le même comportement sauf entre 0

et 2 moles d'acide/kg de matériau où les scories LBF ont une pouvoir tampon légèrement

supérieure à celle des scories ISF. Les scories présentent un pouvoir tampon notable à pH 4.

.

figure 3: CNAB des scories ISF et LBF.

2

4

6

8

10

12

14

-4 -2 0 2 4 6 8 10 12

mol acide/kg de matériau

pH

isf lbf

mol base/kg de matériau

3.2 Solubilisation des polluants en fonction du pH

Il s'agit d'une approche pragmatique de caractérisation de la solubilisation des polluants. En

effet, la complexité des milieux étudiés et les conditions expérimentales ne permettent pas de

déterminer précisément la solubilité au sens thermodynamique du terme. L'objectif est donc

d'étudier la solubilisation des polluants en fonction du contexte chimique signifié ici en terme

de pH.

Ce test est mis en œuvre selon le même protocole que le test de capacité de neutralisation

acido-basique, présenté au paragraphe 3.1.1.

La solubilisation d'un élément présent dans le matériau est représentée par une courbe

expérimentale du type de la figure 4 : solubilisation de l'élément en mg/l en fonction du pH

final de la solution. Sur cette courbe est également représenté le contenu total de l'élément

considéré (exprimé en mg/l en tenant compte du ratio L/S utilisé pour le test de

solubilisation). Cela permet de connaître les zones de pH dans lesquelles la totalité de

l'élément est solubilisé.

Chapitre I : Matériaux à valoriser : scories de première fusion de plomb et de zinc 32

figure 4 : Exemple de courbe desolubilisation de métaux amphotères

0,01

0,1

1

10

100

1000

10000

0 2 4 6 8 10 12 14pH

mg/

l

contenu total

minimum de solubilisation

3.2.1 Solubilisation du plomb et du zinc des scories ISF et LBF en fonction dupH

Dans la figure 5 et la figure 6 sont représentées les solubilisations du plomb et du zinc des

scories ISF et LBF, pour une gamme de pH allant de 3 à 13,5, ainsi que leur contenu total

(CT) en plomb et zinc, en mg/l en tenant compte du ratio L/S=10.

figure 5 : Solubilisation du Pb des scories ISF etLBF en fonction du pH.

figure 6 : Solubilisation du Zn des scories ISFet LBF en fonction du pH.

0,01

0,1

1

10

100

1000

10000

100000

0 2 4 6 8 10 12 14

pH

Pb,

mg/

l

isf lbf CT isf CT lbf

0,01

0,1

1

10

100

1000

10000

100000

0 2 4 6 8 10 12 14pH

Zn,

mg/

l

isf lbf CT isf CT lbf

Le comportement du plomb et du zinc est amphotère : leur solubilisation passe par un

minimum pour un pH de 9+1.

Le pH le plus acide obtenu n'a pas permis de mettre en solution la totalité du plomb contenu

dans les deux scories. Pour les deux scories, à pH acide, la solubilisation du zinc est limitée

par le contenu total, c’est également le cas à pH basique pour le plomb de la scorie ISF. Par

contre, toujours à pH basique, la solubilisation du plomb de la scorie LBF et du zinc des deux

scories, même si elles augmentent après passage par un minimum, restent très inférieures aux

quantités présentes (contenu total).

La figure 7 et la figure 8 montrent à pH basique la différence de niveau de solubilisation du

plomb et du zinc des deux scories. La figure 7 montre qu'à pH très basique le plomb de la

scorie ISF est beaucoup plus soluble que le plomb de la scorie LBF alors que sa teneur en

plomb est 5 fois supérieure à celle de la scorie ISF (3,5 % pour 0,7 %). Cela peut être relié à

Chapitre I : Matériaux à valoriser : scories de première fusion de plomb et de zinc 33

la nature sous laquelle se trouve le plomb dans les scories : dans la scorie ISF, 80 % du plomb

est sous de forme de sphérolites de plomb métal alors que dans la scorie LBF seulement 23 %

du plomb est sous cette forme ; le reste du plomb est porté par la phase silicatée. Le plomb

métal semble plus disponible que le plomb porté par le laitier.

De la même façon, la figure 8 montre que le zinc de la scorie ISF est le plus « soluble » bien

que la scorie LBF contienne deux fois plus de zinc que la scorie ISF (6,9 % pour 11,2 %). La

solubilisation du zinc, des deux types de scories, est plus sensible que celle du plomb aux

variations de pH en milieu basique. En effet, la solubilisation du zinc augmente de plus de

deux fois (pour ISF) à trois fois (pour LBF) de pH 12,9 à 13,6. Pour le même intervalle de pH

la solubilisation du plomb des scories ISF et LBF ne varie pas (variation maximale 10%).

figure 7: Solubilisation du Pb à pH basique. figure 8: Solubilisation du Zn à pH basique.

0

100

200

300

400

1 2 3 4

Pb,

mg/

l

scories ISF

scories LBF

pH 12,6 pH 12,9 pH 13,2 pH 13,6

0

5

10

15

20

1 2 3 4

Zn,

mg/

l

scories ISF

scories LBF

pH 12,6 pH 12,9 pH 13,2 pH 13,6

La solubilisation du plomb et du zinc est fortement dépendante du pH. A pH basique,

elle est liée à la répartition des deux métaux dans les phases minéralogiques des scories.

4. CONCLUSION

Les scories ISF et LBF sont des matériaux granulaires majoritairement constitués d’une

matrice vitreuse. Elles sont assimilables à un sable à quelques différences prés : distribution

granulométrique avec peu de fines, densité plus élevée, couleur…

Le caractère polluant des scories est dû au plomb et au zinc qu'elles contiennent. Celui-ci ne

dépend pas tant du contenu total que de la solubilisation des polluants. La solubilisation du

plomb et du zinc est fortement dépendante du pH, elle passe par un minimum à pH 8-10. Les

deux métaux ont un comportement amphotère. De plus, en fonction de la gamme de pH

considérée le niveau de solubilisation relève de facteurs différents : pour les pH les plus

acides la solubilisation du plomb (pour les deux scories) et du zinc (scories LBF) est limitée

par les quantités contenues ; pour les pH basiques le niveau de solubilisation est lié aux

phases porteuses du plomb et du zinc.