ETRE PARENTS Il -L'ADOPTION

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" ETRE PARENTS Il - L'ADOPTION ÊTRE PARE J \TT S JI D Procréation responsable par .li " ... 1 1. fi1p;ot-Lurp:l'(I{,// D Fam illes nouv elles et développement des enfants par fe pr ofi•ssrtir .l fi cfte{ de /Jo 11n111d L' ADOPTIOJ\ T D Le coeur et la raison : cheminement d'une loi par fe profes.1·e11r J11111-fra11ço is .\ frt111·i D Les part icularité.i; de l adoption originaires de Po(ynésie .franç aise pa r 1 \f " ... ilfari e-Cftrist i11{ ,r fJ0 11 rsim 1 Numéro 2 27 DL'adoption d'e11;/ ants lw ndicap és por I Ïr io11 e el /Ju111i11iq11e J oli D Rega r ds chrétiens s 1u· l'adoption par {e p èt'<' ./ 1•r 111-Cfr 111de fl 1·sr11we11(T D Asp ects de /'adoption par .\/ "" /Je faisi de P arnrof D Congrès de Bo rdea11.1· octobre '.9.9 7 pr opositions ri f o pn; zJ111Y11 ion. par le r:ro111)( ' c. C. .\ .F {Jonl er111.r-(:irot1d(' D Rencontre régionale à Luzarches 6 octobre 1996 i11 t r•rre11ti o11 pro11011ri'e par ./ N111-Cf11 11d1· I J<•.rn11r1'111: D Lieude voile 1111e e.1pc;rie11te c11 111er pur Jean-.\ {1111111•{ '/'if11;ri u·o11nutfi st1 ) ./( 1111'/(!r-F rwier 199 7 --- --CCMJF- -- -

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ÊTRE PAREJ\TTS JI D Procréation responsable

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D Familles nouvelles et développement des enfants

par fe profi•ssr•tir .l ficfte{ de /Jo11n111d

L'ADOPTIOJ\T D Le cœur et la raison :

cheminement d'une loi par fe profes.1·e11r J1•1111-fra11çois .\ frt111·i

D Les part icularité.i; de l adoption d'e1~f'anls originaires de Po(ynésie .française

par 1\f" ... ilfarie-Cftrist i111· {,r• fJ0 11 rsim 1

Numéro 2 27

DL'adoption d'e11;/ants lwndicapés por I Ï r io11 e el /Ju111i11iq11e Joli

D Regards chrétiens s1u· l'adoption par {e p èt'<' ./1•r111-Cfr111de fl1·sr11we11(T

D Aspects p.~yclwlogiques de /'adoption par .\/"" Cr•11l'rÎt~n' /Jefaisi de Parn•rof

D Congrès de Bordea11.1· octobre '.9.9 7 propositions ri f o pn;zJ111Y11 ion . par l e r:ro111)(' c. C. .\ .F {Jonl er111.r-(:irot1d('

D Rencontre régionale à Luzarches 6 octobre 1996

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À noter dè.s mai1ztena1zt

Les 11 et 12 octobre 1997

XXIIe Congrès national dLJ C.C.M.F.

à BORDEAUX

THÈME

COMMUNICATION EN MÉDECINE

SECRET MÉDICAL - INFORMATIQUE

CONTRAINTES & DÉRIVES

Page 3: ETRE PARENTS Il -L'ADOPTION

WŒIDJE©JIINJE e IDJE 11~rn@WWŒ Revue du Centre Catholique des Médecins Français

BIMESTRIEL

u1:da1•t1•1ir 1•11 Cl11 f

P' Claude LAROCHE

Ct111sl'il 11nli1111nl

P' GENTILINI, Président (Paris), MM. les Docteurs ABIVEN (Paris) ,

BARJHOUX (Chambéry) , BLIN (Paris) , DE BOUCAUD (Bordeaux), BOST (Paris), BOUVIER (Reims), BREGEON (Angers),

CAZOTIES (Perpignan), CHARBONNEAU (Paris),

DEROCHE (Joué-les-Tours), ESCHARD (Bezannes), GAYET (Dijon),

M- les D" GONTARD (Paris), GROSBUIS (Garches),

MM. les D" LAROCHE (Paris), LIEFOOGHE (Lille) , MALBÇ)S (Le Mans), MASSON (Bar-sur-Aube), REMY (Garches).

M. ABIVEN - F. BLIN - M. BOST M. BOUREL- P. CHARBONNEAU

P. CHARDEAU - F. GONTARD S. GROSBUIS - M.J. IMBAULT-HUART

J.M. JAMES - Cl. LAROCHE J.M. MORETII s.j.

J.-L. TERMIGNON -J.-C. BESANCENEY

A d111i11 isl rai i1111 Nh lal"li1111

P11bli<-ité

Centre Catholique des Médecins Français

5, avenue de !'Observatoire 75006 Paris

Tél. : 0146345915 Fax : 01 43 54 10 07

A bo1111~wœ11ts

Un an : 350 F Étranger : 370 F

Le numéro franco : 60 F C.C.P. : C.C.M.F. 5635-34 T Paris

N° 227 - JANV. -FÉV. 1997

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• ornrna1re

l es vœu:r· du Prh;ideul

ÊTRE PARENT. Il : Procréatiu11 re.'lpousable par Mm• A. Fagot-Largeault .. . . . . ... . .... . . .. . . ..... .

/'runilles nouvelles el développem ent des m1fa11ts par le P' Michel de Boucaud ........... . ............ .

L'ADOPTION:

l e cœur el la raison : chemù1e111t•11t d 't11ll' loi par le P' Jean-François Mattei ........... ..... ...... .

l es particularités de l 'adoption d 'enf<mts originaire.., de Polx uésie f<"rm çaise par Mme Marie-Christine Le Boursicot .... . ............ .

l'adoption d0

enfanls handicapés par Viviane et Dominique Job ....................... .

Regards chrétiens sur /"aduptiou par le Père Jean-Claude Besanceney .......... . ...... .

A.<tpects ps.rclwlog iques de l 'adoption par Mme Geneviève Delaisi de Parceval ............... .

Congrès de Bordeau.1·. octobre 199 ";' : propositions ù la prép arntiuu par le groupe C.C.M. F. Bordeaux-Gironde ........... . . .

• Re11co11tre régionale ù Lu::,arclu•s. 6 o<·/oûre 1996 : i11ferve11lio11 pro11011cée

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par le Père Jean-Claude Besanceney . . . . . . . . . . . . . . . . . "27

• lieu.'t· de voile : une e.q1érie11ce eu m er par Jean-Manuel Tibéri Uournaliste) ............. . .. .. .

• Bibliographie - Adoption ........ . ...... ... ...... . :~-t

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MÉDECINE OE L"HOMME N° 227 e 1

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Les vœux· du Président

In illo tempore,

En ce temps-là de grande désespérance, de grande pauvreté, de grande précarité;

De mensonges, de trahisons, de reniements, d'indifférence, de démesure, d'insatiabilité et d'avidité;

En ce temps des « travestis » de Noël dont, chaque année, nous nous accommodons ;

En ce temps des «joies » incertaines, artificielles et éphémères de l' An neuf;

Que peut dire un chrétien à son confrère, à son frère médecin ? Meilleure année, bien sûr ! Dans le respect et l'amour des autres, dans la réflexion permanente, dans la recherche de moments d'intériorité qu'au cours de nos journées surchargées d'humanité blessée, nous nous devons cependant à nous-même; un temps de prière en quelque sorte ! Bref, unique ou répété, un temps de recharge, tous les jours, toute l'année.

* * *

En ce temps-là de grande pauvreté, chrétiens, que faisons-nous réellement pour notre Église ici, à proxi­mité, et là-bas dans les pays lointains où la violence éclabousse nos écrans sans meurtrir nos consciences.

Que faisons-nous en faveur de ceux qui se battent, non pour une illusoire égalité mais contre les inégalités sociales, raciales, sanitaires, dans nos villes désœuvrées et sans repères ; pour ceux qui, en des terres lointaines tentent avec courage, lucidité et compétence de réparer l'indifférence des nations riches et de réduire les cer­titudes d'experts internationaux aux insultants« per diem » !

Que faisons-nous enfin, plus spécifiquement dans le cadre de l' Association qui est la nôtre, pour sa sur­vie, son audience, son impact, son ouverture au monde, chrétien ou non, dans la tolérance, sans reniements ?

* * *

En ce temps-là de grande désespérance, entendons-nous malgré tout, l' Ange de Noël se tenant devant nous et dire «Ne vous effrayez pas, car je vous apporte la Nouvelle d'une grande joie, une joie pour tout le Peuple ... »

Saurons-nous entendre cette clameur d'Espoir, répétée depuis bientôt 2000 ans, et la mériter au long de cette nouvelle année ?

Marc Gentilini.

2 o MÉDECINE DE L'HOMME N° 227

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.A

Etre parents II :

Procréation responsable

par Mme A. FAGOT-LARGEAULT (*)

À vec /'autorisation de l'auteur, Médecine de l'Homme reproduit ici un extrait de la conférence prononcée par Mme Fagot-Largeault lors du Symposium organisé en 1994 par la F.l.G.O. (Fédération Internationale de Gyné­cologie et d'Obstétrique) présidée par le Professeur Claude Sureau, sur le thème « Aspects éthiques de la reproduction humaine ».

Que l'auteur soit remerciée de cette autorisation et qu'elle veuille bien excuser le Rédacteur de la revue au cas où les nécessités de cadrage aient conduit à cer­taines simplifications de l'exposé, avec le risque d'en obérer la richesse.

La responsabilité parentale est, d'une certaine façon, le prototype de toute responsabilité (1 ).

L'idée qu'il faut procréer de façon responsable s'est affirmée au cours du xxe siècle. Elle a pour les couples une sorte d'évidence intuitive, elle est spontanément acceptée (même si à la réflexion elle est loin d'être claire). Il faut s'attendre à ce qu'elle prenne une impor­tance croissante à mesure que notre maîtrise technique de la procréation s'améliore. On a dit : «Qui accroît sa connaissance accroît sa douleur » mais aussi « qui accroît sa connaissance et ses pouvoirs accroît sa res­ponsabilité ».

Qu'est-ce qu'une éthique de la responsabilité dans le domaine de la procréation ? Curieusement, cette question est peu traitée sur le plan théorique dans la surabondante littérature bioéthique contemporaine.

La re.Yponsabilité procréative : e.Ysai de caractérisation

Sans présomption d'une responsabilité humaine, c'est-à-dire d'une imputabilité des actes à la personne d'où ils émanent, il n'y aurait pas de morale. La notion de responsabilité est donc fondatrice pour l'éthique.

La mise en scène de l'acte responsable suppose au moins trois personnages : le sujet qui exerce la respon-

(*) Psychiatre - Titulaire d'une chaire de philosophie à Paris X Nanterre. (1) Chaque numéro renvoie en fin d'article, à la rubrique cc références ...

MÉDECINE DE L'HOMME N° 227 G> 3

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1 Procréation responsable

sabilité (ici: le parent), l'objet dont il est responsable (ici: l'enfant), ce devant quoi le sujet est responsable (devant la génération suivante, devant !'Histoire? - le tiers). Cette triade met en évidence le caractère relationnel de la responsabilité.

La re.Yporu;abilité est morale ou légale

On ne parle pas ici de responsabilité légale (civile, ou pénale), mais de responsabilité morale. Donc on ne parle pas de responsabilité au regard de la loi, ou devant un tri­bunal, mais de responsabilité devant le tribunal de sa conscience, et/ou devant les tiers que sont les membres de la communauté familiale ou sociale. Sans écarter la notion d'une responsabilité de faire bon usage de son droit de procréer, que chacun aurait à l'égard de la société, il faut surtout penser ici à la responsabilité des parents à l'égard de leurs propres enfants qui, devenus plus tard adultes et responsables à leur tour, seront capables de juger ce que leurs parents leur ont fait.

Jusqu'où peut-on arguer d'une responsabilité de chacun à l'égard de sa descendance lointaine, ou des générations futures ? C'est une question ouverte. Nous ne pouvons pas être responsables devant des tiers à venir dont nous ne serons jamais les contemporains (le temps qu'ils nous demandent des comptes, nous ne serons plus là pour les leur rendre), mais nous pouvons être responsables à leur sujet.

cc Responsabilité morale » se prend en deux sens. La distinction entre ces deux sens est parallèle à la distinc­tion, pour la responsabilité légale, entre responsabilités civile et pénale.

En un premier sens (celui qui fait pendant à cc res­ponsabilité civile»), la responsabilité morale est l'obliga­tion morale de réparer les torts causés à autrui (à l'objet). Ce sens fait difficulté ici. Ce qu'on accomplit dans le domaine procréatif est généralement irréversible, donc irréparable, ou réparable seulement en un sens faible (exemple chirurgie réparatrice d'un bec-de-lièvre), encore que soit entrevue à présent la possibilité de répa­rations radicales (thérapies géniques germinales). C'est surtout le second sens qui vaut (celui qui fait pendant à cc responsabilité pénale ») : la responsabilité morale est l'obligation de rendre compte de ses actes, et d'encourir le blâme ou l'estime qui s'y rattachent (cc j'assume » ).

En assumant la responsabilité, le sujet de l'acte s'af­firme comme sujet moral authentique. Il ne se cache pas derrière une morale toute faite, il ne cherche pas d'ex­cuses ou de paravents, il prend sur lui tout l'acte et tout ce que l'acte implique, y compris le jugement des autres.

cc Prendre la responsabilité de » suppose qu'on com­prend la situation, qu'on a le choix de son intervention et qu'on a le pouvoir de faire quelque chose. Dire qu'on doit aussi être prêt à rendre compte, c'est dire que l'acte est posé rationnellement, ou du moins qu'il est susceptible d'une justification rationnelle (communicable à autrui), en même temps qu'il est personnel (on le reconnaît comme sien, on le revendique).

4 G MÉDECINE DE L'HOMME N° 227

Les situations exigent de nous d'autant plus que nos pouvoirs et nos savoirs sont plus ét~ndus. Sur ce point l'humanité a pris un tournant radical. A l'ère de la biologie moléculaire et des thérapies géniques, la possibilité pour les êtres humains, non seulement de programmer leur descendance, mais de modifier profondément l'évolution de l'espèce, se profile derrière chaque décision procréa­tive. Du coup, justifier une décision procréative devient une tâche. Une femme ne peut plus dire à son conjoint: « Désolée chéri, ton fils a un retard mental, j'ignorais que j'étais porteuse d'un X fragile » (ou: « que j'étais suscep­tible de transmettre une maladie de Huntington »,ou une myopathie, etc ... ). Elle aurait pu savoir - elle aurait dû savoir! L'éthique de la responsabilité renverse la maxime (de Kant) : cc Tu dois, donc tu peux.». Elle pose : cc Tu peux, donc tu dois ».

Tu peux savoir, donc tu dois savoir ; tu pouvais pré­voir, donc tu devais prévoir.

En ce sens, l'éthique de la responsabilité, par laquelle nous assumons notre liberté, n'est pas facultative : nous sommes« condamnés à être libres,, (6). L'évolution biologique et l'histoire humaine ont fait de nous des êtres qui ont développé une science, et des techniques de maî­trise quantitative et qualitative de la procréation. Nous savons faire, donc nous devons faire. Mais faire quoi?

L'éthique de la responsabilité est une éthique du choix rationnel. Ce choix doit pouvoir être expliqué et/ou justifié sur la base d'arguments qui tiennent compte, non de l'acte seul, mais de l'ensemble de ses conséquences pour l'ensemble des partenaires. Cela éclaire à la fois le rôle du tiers, et l'écart entre éthique de la responsabilité et éthique kantienne. De l'acceptabilité des raisons, le tiers est le témoin et l'arbitre. L'être responsable, loin de se sous­traire au jugement des autres (cc j'ai ma conscience pour moi»), s'y expose et accepte d'avoir à rendre compte de ses raisons d'agir. Par ailleurs, une éthique de la respon­sabilité est une éthique conséquentialiste : ce qui a une valeur morale, ce n'est pas l'acte en soi, ni la cc bonne volonté» qui inspire l'acte, c'est l'état du monde qui résulte du fait de poser cet acte. Les états possibles du monde ne sont pas équivalents. Un être responsable doit vouloir un état du monde qu'il reconnaît comme un état qu'on peut vouloir et dont il assume l'avènement.

Y a-t-il, au-delà de la règle« délibérez bien,,, des cri­tères pern:iettant de juger quels sont les cc bons ,, états du monde ? A première vue, chaque sujet responsable a les siens, et nul ne saurait imposer ses critères aux autres sans empiéter indûment sur leur responsabilité.

La resporu;abilité procréative : q ue.'ltio11.'l

Une jeune femme séropositive pour le virus de l'im­mune déficience humaine (V.l.H.) décide de mettre en route, ou de poursuivre, une grossesse. Acte irrespon­sable? Geste irréfléchi? Décision responsable (elle sera suivie médicalement, elle prendra de l'A.Z.T., etc ... ) ? Cette jeune femme est-elle seule à savoir si elle a bien

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délibéré ? La société doit-elle lui proposer une aide à la délibération (une consultation avec un psychologue ou avec un travailleur social par exemple)? Qui a le droit de la qualifier d'irresponsable ? Faut-il donner au fœtus un représentant qui demande des comptes à la mère ? Si la communauté sociale envoie un message d'encourage­ment ou, de dissuasion (comme le message que pro­clame l'Eglise catholique : cc pas d'interruption de gros­sesse » ), est-ce que cela altère, diminue, conforte, la responsabilité de la femme enceinte ?

Un couple stérile sollicite une aide médicale à la pro­création. Par fécondation in vitro, un stock d'embryons issus de ce couple est obtenu, et mis en réserve. Une série de transferts d'embryons est programmée. Le pre­mier transfert échoue à produire une grossesse. Après ce premier transfert, le mari meurt dans un accident de voi­ture. La femme demande à poursuivre les transferts jus­qu'à épuisement du stock d'embryons [7]. Que dire au nom d'une éthique de la responsabilité ? (1) Pour les embryons il vaut mieux avoir une chance de vie qu'aucune, cette femme choisit de continuer à assumer seule la responsa­bilité qu'elle et son mari avaient prise à deux, c'est admi­rable (2). Exposer sciemment un futur enfant à grandir sans figure paternelle, voire à remplacer son père mort dans l'imaginaire de sa mère, c'est irresponsable (3). On ne peut pas juger de l'extérieur (4). Il faut imposer à cette femme un délai de réflexion, et lui demander de s'expliquer devant un comité d'éthique pour qu'il teste la rationalité de ses motivations. Le lecteur a le choix de sa réponse.

La sélection du sexe de l'enfant à naître : un parti res­ponsable pour les couples risquant de transmettre un défaut génétique lié au sexe, irresponsable pour les autres couples ? ...

Question subsidiaire : il est aisé d'argumenter contre le choix de risques surajoutés, artificiels, évitables en principe, comme ceux que fait courir au fœtus le taba­gisme parental. Peut-on étendre l'argument aux risques naturels ? Devient-il irresponsable de mettre au monde un enfant anormal, à mesure que les progrès des méthodes diagnostiques et thérapeutiques permettent de cc faire quelque chose » : correction de l'anomalie in utero, ou diagnostic prénatal, suivi le cas échéant d'interruption de grossesse ?

Les décisions d'arrêt de réanimation pour les nou­veau-nés grands prématurés [8] prennent en compte les conséquences pour l'enfant lui-même, pour ses proches, pour l'ensemble du groupe social (1 ). On s'occupe d'abord des conséquences probables pour l'enfant. Son pronostic neurologique ou neuropsychologique est-il trop médiocre pour qu'on veuille (pour qu'on puisse raisonna­blement vouloir) lui infliger une telle vie ? Le tort qu'on lui a fait en entreprenant de le ranimer serait alors, pour ainsi dire, réparé par l'arrêt de la réanimation (2). Ce cri­tère est habituellement modulé selon l'aptitude des proches à accueillir le handicap : certaines familles se resserrent autour de l'enfant handicapé, d'autres se dis­loquent (3). Il faut aussi tenir compte du tort fait à la col­lectivité si le maintien en vie d'un être dépourvu d'auto­nomie représente un coût hors de proportion avec l'avantage de lui conserver sa vie. Ces trois types de cri­tères peuvent-ils (doivent-ils) entrer à égalité dans la déli­bération, ou faut-il hiérarchiser, par exemple en suppo­sant que l'intérêt de l'enfant compte plus que l'intérêt de sa famille, qui passe avant l'intérêt de la société ? Notons

que l'éthique de la responsabilité par elle-même ne donne aucun principe de classement ou de discrimina­tion. C'est le sujet en position de décider qui prend la res­ponsabilité de considérer que certains aspects ont plus de poids que d'autres, ce qui soulève un autre problème : à qui revient-il de prendre ces décisions ? Les diver­gences d'appréciation selon le contexte décisionnel ont été beaucoup étudiées dans le cas de la réanimation néonatale (exemples: (8)).

Certaines hiérarchisations semblent cc naturelles »,

par exemple celles qui sont proposées pour justifier l'inter­ruption de grossesse après diagnostic prénatal (1 ). Une maladie grave qui abrège la vie et fait souffrir sans espoir thérapeutique (exemple, thalassémie majeure) fait appa­raître l'acte d'interrompre la grossesse comme un acte de miséricorde (2). Une maladie qui affecte la durée et la qualité de la vie, mais pour laquelle il existe des avancées thérapeutiques (exemple, myopathies), peut justifier qu'on cc laisse sa chance » au futur enfant si les espoirs théra­peutiques sont sérieux, mais c'est au prix d'accepter pour lui de longues épreuves médicales à l'issue incertaine (peut-on délibérément vouloir cela pour son enfant?) (3). Un handicap sévère, même s'il n'est pas douloureux (exemple, trisomie sans malformation associée) constitue un motif plus sérieux qu'une anomalie mineure (exemple, polydactylie) ou curable (exemple, bec-de-lièvre).

Y. Grenier [9] a interrogé des parents d'enfants triso­miques et des femmes ayant eu recours à l'amniocentèse pour recherche de trisomie. Leur argument principal en faveur de l'interruption de grossesse est l'état de dépen­dance du trisomique. cc On est responsable de ce qu'on engendre »(9): le handicap neuropsychique est le handi­cap le plus grave, parce qu'il prive celui qui en est atteint de la capacité à prendre ses responsabilités. Bien que l'enfant trisomique ne souffre probablement pas de sa condition, et qu'il puisse être pour ses parents un récon­fort, éviter de le mettre au monde se justifie à leurs yeux parce que cet être ne prendra pas la relève, et qu'on ne peut pas décider de façon responsable de mettre au monde un être qui n'assurera pas la continuité de la chaîne de responsabilités plongeant vers l'avenir. En somme, procréer de façon responsable (délibérée) supposerait qu'on fait de son mieux pour mettre au monde des êtres qui puissent assumer le même type de responsabilité.

Peut-on aller trop loin da11.'1 l'éthique de la re.'lpoll.'labilité ?

La procréation, il est banal de le rappeler, est une entreprise à risque. On ne peut, ni en contrôler tous les aléas, ni imputer aux géniteurs toutes les fatalités qui frappent leur descendance.

Est-ce que la recherche biomédicale, en mettant à la disposition des familles de nombreux tests diagnos­tiques, n'assène pas des responsabilités anxiogènes, voire culpabilisantes ? Apprendre qu'on est porteur d'un chromosome X fragile, par exemple, complique de façon redoutable les choix procréatifs, et pourtant se soustraire au test, dans une famille à risque, passera pour une conduite peu responsable.

À vouloir faire ses enfants au bon moment, avec les meilleures chances, en ayant tout contrôlé sur le plan génétique, est-ce qu'on ne frôle pas le délire de toute-

MÉDECINE DE L'HOMME N° 227 e 5

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1 Procréation responsable

puissance ? Le Comité Consultatif National d'Éthique fran­çais avait dit (7) qu'il faut respecter la loterie génétique, qui est le garant de la liberté de l'être. C'était une hypothèse audacieuse, et contestable quand elle servait à repousser toute perspective de thérapie génique germinale sous le prétexte qu'il faut respecter la spontanéité naturelle. On dira seulement ici qu'une volonté excessive de responsa­bilité est contre performante : elle reproduit sur le plan bio­logique la conduite qu'ont en éducation ces parents minu~ tieux qui prévoient tout, contrôlent, encadrent, et qui induisent juste l'inverse de ce qu'ils cherchaient : l'indisci­pline, la révolte. La limite de ma responsabilité est celle d'autrui. Planifier pour les générations futures? Mais pas au point d'oublier leur capacité à prendre leurs responsa­bilités à leur tour. La responsabilité se partage.

Une dernière question : là où la procréation devient « techniquement assistée », des essais, des innovations, voire de véritables « inventions », se font jour. Jusqu'où la liberté d'innover {la procréation « aventureuse ») est-elle compatible avec une éthique de la responsabilité qui est aussi une « éthique de la peur » ? Le conflit entre prudence clinique et audaces expérimentales a été signalé, par exemple, à propos de la correction chirurgicale in u,tero de malformations fœtales [1 O], et à propos de la technique de fécondation par injection intraovulaire d'un spermatozoïde. Une attitude responsable implique-t-elle l'aversion du risque ou est-elle compatible avec un certain goût du risque ?

* * *

En fait, lorsque tout est « bien pesé », on aboutit en général à des solutions moyennes, sages, peu innovantes. Il n'est pas raisonnable de fabriquer des clones humains, ni des êtres hors normes. La raison exclut le délire. Mais se reproduire apparaît en soi comme une folie, à qui com­mence à imaginer toutes les catastrophes pouvant résulter de la rencontre d'un spermatozoïde et d'un ovule. Prendre l'initiative de mettre au monde un être autre, qui va avoir une existence autonome, c'est déjà accepter l'éventualité de perdre le contrôle. Et les progrès de la connaissance rendent l'humanité de plus en plus consciente des acci­dents possibles du parcours procréatif. Sur ce point, loin que Jonas soit suivi dans son anticipation « hyperbolique » de désastres technologiques, nos recours aux techniques biomédicales ont le plus souvent le sens d'un effort pour prévenir ou limiter des désastres nat~rels. L'attitud~ ~ro­créative responsable n'est pas une attitude de soum1ss1on aux« lois de la nature». C'est une« gestion» des réalités naturelles, ordonnée à des fins réfléchies, et se donnant les moyens techniques d'atteindre ces fins.

En droit, une éthique de la responsabilité donne+ elle réellement pour seul guide la règle formelle : « déli­bérez bien et assumez vos choix » ? Cette règle appelle une régulation de la délibération elle-même, et cela peut se faire dans plusieurs styles.

L'exigence minimale est que le sujet moral puisse « rendre compte » de ses choix, c'est-à-dire les expliquer à autrui, tenter de lesjustifier, les soumettre éventuelle­ment à la discussion. A ce premier niveau, tous les argu­ments rationnels se valent : l'éthique de la responsabilité se jauge à l'éthique communicationnelle (dans le

6 o MÉDECINE DE L'HOMME N° 227

domaine juridique, c'est la « logique des avocats » ). Pour se poser comme« responsable», le sujet n'a pas à faire le « meilleur » choix, mais seulement à se montrer capable d'interposer entre ses impulsions et ses actes la médiation d'un discours cohérent.

Un peu plus forte que celle de cohérence discursive, il est une exigence relative à l'ordre que les solutions choisies impriment au réel. La délibération peut faire apparaître qu'il y a une solution juste au double sens de justesse et de justice (équitable, et qui sonne juste). Le sujet délibérant n'est plus ici guidé par la présence implicite d'autrui comme témoin de sa démarche, mais par l'allure des choses elles-mêmes, leur « forme ». L'éthique de la responsabilité s'ordonne à un principe esthético-éthique d'équilibre ou d'optimisation. Etre res­ponsable, c'est ne pas faire« n'importe quoi».

Jonas va plus loin. Reprenant la définition leibni­zienne : « le bien est ce dont la possibilité contient l'exi­gence de sa réalité », il tient que certains possibles ne méritent pas d'être, tandis que d'autres exigent de s'actualiser. Être responsable, c'est alors être attentif à la qualité des possibilités immanentes au réel à un moment donné, et choisir les possibilités intrinsèquement bonnes. Cette fois le critère du choix est non de forme, mais de contenu. Tous les possibles ne se valent pas. Les « bons» possibles aspirent à être. L'éthique de la res­ponsabilité fait alliance avec une éthique naturaliste, où le jugement moral est guidé par la nature des choses.

Ainsi l'éthique de la responsabilité, qui est une éthique de l'autonomie, n'est pas une éthique autonome, qui se suf­firait à elle-même. Le sujet responsable a besoin de repères. Mais il garde la liberté ultime de changer ses repères. lii

Référence."J 1. Jonas H. Le principe de responsabilité. Une éthique pour la civili­

sation technologique, Paris : Cerf, 1990. 2. Hottois G, Parizeau M.H., éds. Les mots de la bioéthique. Un voca­

bulaire encyclopédique -Bruxelles: De Boeck, 1993: 219-28. 3. Gillon R, éd. Princip/es of health care ethics. New York : John

Wiley & Sons, 1994. 4. Lalande A. Vocabulaire technique et critique de la philosophie,

1 ••édition 1926, 16" édition, Paris : P.U.F., 1988. 5. Sartre JP. L'existentialisme est un humanisme. Paris : Nagel, 1946. 6. Ricœur P. Le concept de responsabilité. Essai d'analyse séman­

tique. Esprit, 1994 ; 206 : 28-48. 7. Comité Consultatif National d'Éthique pour les sciences de la vie

et de la santé (C.C.N.E., 1993), X0 anniversaire. Les avis de 1983 à 1993, INSERM-C.D.1.E., 101, rue de Tolbiac, 75654 Paris Cedex 13 (inclut les 34 premiers avis du C.C.N.E., parmi lesquels : cc Avis relatif aux recherches sur les embryons humains in vitro et à leur utilisation à des fins médicales et scientifiques», n° 8,15 déc 86). Voir aussi cc Avis sur le transfert d'embryons après décès du conjoint (ou du concubin)», n°40,17 déc 93 (C.C.N.E., 71, rue Saint-Dominique, 75007 Paris).

8. Pierson M, et al. Les décisions d'arrêt thérapeutique en réanimation (adultes et nouveau-nés). Annales médicales de Nancy et de l'Est, 1992, numéro spécial, 118" année, tome XXXI, n° 4: 291-368.

9. Grenier Y. Le diagnostic prénatal - ses implications psycho-socip­logiques et éthico-philosophi~ues. l:Jne ~tudE! ~ompar~e France-Québec. Doctorat de phllosoph1e, Umvers1te de Pans­XII. 1990.

10. Novaes S., éd Biomédecine et devenir de la personne. Paris : Seuil, 1991.

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)\

Etre parents II :

Familles nouvelles et développement des enfants (**)

par le pr Michel de BOUCAUD (*)

L'étude précise des répercussions des difficultés familiales actuelles sur la structuration de la personnalité des enfants, est un problème complexe. Car au milieu des constatations évidentes, les variables sont en effet nombreuses, et il n'est pas toujours facile de situer leur rôle. Et les idéologies sont souvent venues brouiller les cartes, tant elles ont minimisé le rôle des ruptures fami­liales ; par ailleurs il est bien vrai que les enfants ont des capacités de défense insoupçonnées qui les font résister à des agressions considérables. Notre expérience nous parle bien de toutes les souffrances des enfants qui vivent de graves difficultés familiales; mais il n'est pas toujours facile de distinguer le rôle des perturbations familiales d'une part, et l'influence des troubles de la per­sonnalité des parents sur l'enfant d'autre part, car ce sont là deux facteurs essentiels qui n'agissent pas au même niveau. Je vous proposerai d'aborder ces questions à la lumière des travaux actuels et à partir de l'expérience pratique et des travaux cliniques que j'ai pu mener depuis quelques trente années.

Familles nouvelles, nouvelles familles, il vaudrait mieux dire dynamiques nouvelles des familles (Cf. le tra­vail des O.N.G./U.N.E.S.C.O.). Et dans l'étude de ces questions, il est important de distinguer plusieurs niveaux - celui de l'idéologie, de l'anthropologie où nous allons retrouver la conception spiritualiste de l'homme aux côtés des autres conceptions, celui de la psychologie - avec le relationnel, le structurel, le niveau de la relation et celui de l'être - et le niveau du religieux et de la religion. Les enjeux de la famille sont tels qu'il est très important de bien préciser les plans sur lequel on se place.

Introduction

J'aborderai les dimensions psychologiques et psy­chopathologiques de ce sujet, dans une attitude scienti­fique spécifique aux sciences humaines qui nous permet effectivement d'approcher les phénomènes humains par des méthodes scientifiques tout à fait compatibles avec la plus grande attention aux personnes.

(*) Professeur de psychopathologie - U.F.R. des Sciences de l'Homme - Université de Bordeaux Il

1**) 1'" partie - Conférence au Congrès National du " Centre de Liaison des Equipes de Recherche,, (C.L.E.R.) sur l'amour et la Famille - Paris, 26, 27 novembre 1994.

MÉDECINE DE L'HOMME N° 227 o 7

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Familles 11011l'elles et développement des enfants

1) Pour bien étudier les nouvelles dynamiques des familles, nous avons besoin de recourir à quatre courants complémentaires :

- Le courant psychostructural qui nous permet d'étudier le développement des enfants et des personnalités, la psychogenèse du tout petit à l'adulte, en passant par l'enfant et l'adolescent, en considérant les aspects conscients et inconscients de ce développement.

- Le courant psychanalytique qui centre ses intérêts sur les relations, relations œdipiennes, en privilégiant l'intrapersonnel. Il est passé progressivement à l'inter­personnel quand il a pris en compte davantage les dimensions familiales, en s'intéressant aux inter­actions fantasmatiques et au travail sur une généa­logie « c'est-à-dire sur la continuité transgénération­nelle d'une histoire qui s'allégorise » (Lebovici).

- Le courant systémique, considère que la famille est un système ouvert, en tant que« complexe d'éléments en interaction » comme tout système. C'est un système ouvert constitué d'individus dont les attributs sont énoncés en terme de rôles et de fonction. Et comme tout système, la famille est soumise à des forces de cohésion et de dysfonctionnement. On sait la fécondité de cette approche pour la compréhension de la com­munication dans la famille, des dynamiques des fra­tries et des thérapies familiales.

- Le courant existentiel s'intéresse aux origines et à la trajectoire des personnes au milieu de leur vie fami­liale. Il va nous éclairer sur le sens de ce qui est vécu au niveau conscient et inconscient : sens profond du désir, sens profond des projets, modalités du sens de la vie au travers des réalités affectives et sexuelles du couple, sens du temps et de la sexualité; il est particu­lièrement fécond pour comprendre les adolescents et la relation du couple conjugal dans la famille.

Sous l'éclairage de tous ces courants complémen­taires, les travaux actuels ont amené à réfléchir sur la notion de modèle qui est apparu à côté de celle de rôle et de fonction, dans la recherche de compréhension des dynamiques familiales. On insiste alors sur la pluralité des modèles familiaux actuels mais, remarquons-le, cette notion ne facilite pas l'approche de la définition de la famille, ce qui au milieu des difficultés actuelles, reste tout de même essentiel.

2) Aussi est-il très important de préciser les dimen­sions actuelles des fonctionnements de la famille. C'est par l'étude des fonctionnements que l'on peut éclairer les interactions entre la famille et les enfants. Et les travaux cliniques permettent d'individualiser ces fonctionnements selon deux axes: l'organisation et la structure.

a) Le fonctionnement selon l'organisation : nous allons retrouver des réalités bien connues :

- La famille constituée, tantôt évolutive, capable de répondre aux aspirations de la vie, au désir et au pro­jet, avec ses difficultés et ses capacités de création, tantôt instable, où les situations sont plus fragiles et conflictuelles.

8 o MÉDECINE DE L'HOMME N° 227

- La famille dysharmonique, où les fragilités et les conflits sont plus fréquents et durables.

- La famille désorganisée, où les souffrances atteignent encore davantage les personnes et les relations ; elle est l'objet de beaucoup de modalités d'aide psycholo­gique et sociale et de propositions thérapeutiques.

- La famille recomposée, où se reconstituent, de façon plus ou moins solide, les affectivités et les énergies, au milieu des frustrations et des échecs.

- La famille disloquée - éclatée ou destructurée -, dont nous voyons souvent les conséquences dans l'éclate­ment des petits enfants et des adolescents, mais aussi des conjoints, de l'homme et de la femme.

b ) Le fonctionnement selon la structure - notion connue : - La famille conjugale, dans sa dimension nucléaire ou

élargie, selon la largeur du réseau relationnel de parenté.

- La famille monoparentale, objet de travaux et d'atten­tion plus accentués, en même temps qu'elle s'accroît en nombre et en modalités : (séparation, divorce, deuil, désir personnel, etc.).

c) Mais au-delà de ces approches, des travaux se sont intéressés à saisir les stratégies qui règlent les choix et les comportements des couples. Ainsi, en combinant plu­sieurs facteurs, on pourra mettre en évidence trois moda­lités de fonctionnement prépondérant (Reiss). - Les familles qui combinent le sentiment de pouvoir

contrôler l'environnement, qui cherchent à y parvenir par la coopération et qui n'hésitent pas à innover dans leurs conduites affectives et autre (environnement sensitive).

- Les familles qui se replient sur elles-mêmes, dans une forte solidarité et qui suivent des normes rigides (consensus sensitive).

- Les familles qui perçoivent mal la structure de l'envi­ronnement, qui se méfient de l'innovation, où chacun se soucie en priorité de maintenir sa propre autonomie (interpersonnel distance sensitive).

Ainsi, sont prises en compte la cohésion interne de la famille et la capacité d'adaptation, en retrouvant l'agres­sivité, le narcissisme, les conflits, les fonctionnements linéaire, cyclique ou systémique.

d) D'autres études vont s'intéresser à deux axes : - Le premier privilégie la qualité des relations inter­

personnelles par rapport aux satisfactions mesurables. Priorité sera donnée à la forme de la solidarité ou à la forme de la rationalité calculatrice.

- Le second concerne le temps : accorde-t-on un fort privilège à une gratification parce qu'elle est immédia­tement accessible. ou consentira-t-on à en différer la jouissance ?

En d'autres termes, aurons-nous une famille qui va préférer la qualité des interactions affectives, où le couple va privilégier le sentiment amoureux, ou au contraire qui va rationaliser les relations avec comme extrême exemple la famille-association, qui tient du club.

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Ces différents fonctionnements sont très importants à considérer dans les études comparatives entre les familles dysharmoniques et désorganisées d'une part, et les familles démunies d'autre part, entre les perturbations familiales dues à la mésentente affective et celles dues à la pauvreté, entre les troubles des enfants vivant des carences affectives et des distorsions affectives.

1. Étude comparée d'enfant.tiJ de f ami/les démunie.fJ et de f ami/les d_y.tiJharmonique.fJ et dé.tiJorgani.Yée.'J

Ces études sont toujours difficiles à mener car les variables et les facteurs sont intriqués. Les familles démunies sur le plan socio-économique présentent des phases ou des traits dysharmoniques ; et les familles désorganisées ont parfois des difficultés matérielles. Les études permettent cependant de tenir compte de la pré­dominance des carences matérielles dans des familles privilégiant alors l'affectif et les qualités des relations entre parents et enfants, ou de la prévalence des pertur­bations relationnelles sur les difficultés matérielles. Nous aborderons cette question chez les petits enfants d'âge pré-scolaire (2 ans 1/2-4 ans) et chez les enfants d'âge scolaire (8-9 ans à 13-14 ans).

Risque lié à l'environnement social et compétence précoce:

Les travaux de Sameroff et Coll nous aident beau­coup à préciser cette question (Rhode Island, U.S.A.). Certes, les travaux de J. de Ajuriaguerra en France et en Suisse, ont permis de bien distinguer les types de carence chez le petit enfant: carence précoce, première année, carence secondaire (2-3-4 ans), et carence pro­longée de l'enfance. Ces états rentrent dans le cadre plus général de la pathologie de la frustration où l'on va distinguer (Racamier) : - Le défaut d'amour et de tendresse (tendresse répri­

mée, tolérance et indifférence, méticulosité distante et froide, négligence).

- L'hostilité avec la forme d'une conduite de rejet actif, hostilité déguisée, larvée, compensée.

- Le compromis affectif ou ni l'amour, ni la haine ne se manifestent directement mais s'associent dans une sorte de marchandage affectif dont l'enfant est toujours le perdant.

- Les dysharmonies d'apport affectif où les éléments contradictoires sont encore plus forts.

Mais c'est le rôle de l'environnement social qu'il faut d'abord préciser et qui est différent en tant qu'il entraîne des carences par dysfonctionnement socio-familial et affectif.

Sameroff s'intéresse à l'étude du statut socio-écono­mique des familles de bébés et de tout petits, et en décrit l'éventail des troubles du développement attribuables à des facteurs socio-économiques et familiaux dans la pro­duction de problèmes affectifs et intellectuels chez les enfants. Ces auteurs devaient auparavant préciser le rapport entre le retard mental léger et le standing social. Ils se posent la question de savoir si des problèmes affec­tifs et sociaux précoces sont associés au seul statut socio-économique ou à l'accumulation des facteurs

sociaux et psychologiques que l'on trouve dans toutes les catégories sociales. Ils étudient la relation entre des fac­teurs de risque généraux - classe sociale - et des facteurs de risque plus focalisés ayant trait à des variables psycho­logiques familiales et interactionnelles dans la famille.

Une population de 275 familles est étudiée, l'enfant étant rencontré à 2 ans 1/2 puis à 4 ans ; sur ce chiffre, 37 mères célibataires et 17 séparées ou divorcées (famille de 1 à 1 O enfants).

Dans cette étude longitudinale, dite de Rochester (E.L.R.), 1 O facteurs de risque sont identifiés et étudiés pendant les 4 années de l'étude: évaluation de la santé mentale, anxiété, perspectives parentales (rigidité ou flexibilité des attitudes, des croyances et des valeurs des mères à l'égard du développement de leur enfant) l'inter­action mère-enfant, le niveau scolaire, de profession, de statut minoritaire, le soutien familial que reçoit la mère, les événements de la vie stressants, la taille de la famille.

Les enfants furent testés à 4 ans, (entretien avec la mère, échelle d'évaluation de leur conduite et de leur affectivité).

Les résultats généraux montrent que plus il y a de facteurs de risque, plus mauvais sont les indices (scores) des comportements adaptés de l'enfant.

Pour préciser le rôle des facteurs de pauvreté, trois groupe~ sont constitués: groupe blanc de S.S.E. (Statut Socio-Economique) élevé, et bas; un groupe non blanc de S.S.E. bas. Les mêmes effets sont constatés. Plus il y a de risques, plus faibles sont les résultats sur la compé­tence de l'enfant.

Après une étude complémentaire des risques cumu­lés chez les bébés, étude des comportements psycho­moteurs, du stress, des émotions, de l'indice de dévelop­pement psychomoteur à 4 et 12 mois et observation des bébés à domicile, de 4 à 12 mois. Les auteurs peuvent apporter les conclusions suivantes:

« Les multiples pressions du contexte environne­mental en termes de quantité de stress venant de l'envi­ronnement, les ressources de la famille pour faire face à ce stress, le nombre d'enfants qui doivent partager ces ressources et la flexibilité des parents dans leur compré­hension de leurs enfants et dans leur façon d'être avec eux, jouent tous un rôle dans la stimulation ou l'entrave des compétences intellectuelles et sociales de l'enfant». Cherchant à étudier le rôle du statut social comme fac­teur de risque, il est clair, disent ces auteurs, que la désorganisation du système de régulation des interac­tions dans la famille (système de croyance, capacité des parents à comprendre leurs propres besoins pour être efficaces dans l'éducation de leurs enfants, ensemble de codes culturels et familiaux) - vient provoquer des problèmes de développement chez le petit enfant. Ils vont jusqu'à parler cc d'environtype » analogue au cc génotype ». Vous comprendrez qu'ils évoquent alors tout ce que l'on peut faire du point de vue de la prévention.

II. Étude comparée de l'enfant vivant de.fJ carences .fJocio-familiale.tiJ et de l'enfant névrotique

Nous intéressant depuis très longtemps à l'enfant dit cas social, nous avons cherché à comparer les caracté-

MÉDECINE DE L'HOMME N° 227 e 9

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Familles nouvelles et développement des enfants

ristiques de la personnalité de cet enfant. Et tout en étu­diant les principaux caractères de ces enfants vivant dans des familles défavorisées sur le plan matériel et en dysfonctionnement socio-familial et affectif, nous avons voulu réaliser des études comparatives, ce qui est parti­culièrement intéressant pour éclairer des recherches. Nous avons ainsi comparé cette population à une autre population d'enfants vivant des désorganisations affec­tives sérieuses, voire graves, dans des familles sévère­ment perturbées, conflictuelles ou dissociées. Ces enfants ont des troubles de l'ordre des névroses ou des dysharmonies d'évolution.

Pour avoir une certaine homogénéité de situation, il s'agit dans tous les cas, d'enfants placés en institution pour des raisons de difficultés scolaires ou caractérielles, dans des familles incapables d'assurer l'éducation et la scolarité des enfants pour de nombreuses. raisons. Ces enfants d'âge scolaire ont de 8-9 ans à 13-14 ans au moment de leur placement en institution. Ces populations représentent des groupes plus faciles à étudier malgré l'accumulation des facteurs qu'il faut mettre en évidence, que des populations d'enfants fréquentant les consulta­tions de santé mentale, ce dont nous parlerons à propos d'enfants plus jeunes.

2.1. Les caractéri.t;tiq11es.fa111iliales

Dans le groupe des familles démunies, nous rencon­trons des familles lointaines, inconnues ou disparues, des familles démissives, souvent amputées de l'un des parents, des familles présentes, mais de relations pauvres, superficielles, avec beaucoup de désarroi et parfois de la revendication, des familles éteintes socialement, avec état dépressif, apathie, manque de dynamisme, repliement : les niveaux culturels sont assez bas.

Dans le groupe des familles dysharmoniques et désorganisées, nous allons rencontrer des familles conflictuelles de façon aiguë ou subaiguë, des familles névrotiques où les conflits se nourrissent dans l'ambiva­lence et le contradictoire, des familles rejetantes où l'en­fant subit des tentatives de néantisation, et des familles dissociées où se réalise à plein toute une pathologie familiale et relationnelle.

2.2. Les caractéristiques de la personnalité des er~/'rmts

Nous distinguons pour plus de clarté l'intelligence et l'affectivité, en tenant compte des influences réciproques.

2.2.1. L'intelligence

Les différences ne vont pas être ici très marquées : - Chez l'enfant des familles démunies, dit cas social, le

niveau intellectuel est inférieur à la moyenne, de façon significative (94) ; les capacités d'expression verbale sont inférieures à la moyenne ; par contre le niveau de performance qui traduit des capacités d'intelligence plus pratique et concrète, et donc moins abstraite (arrange­ment d'image, assemblages et complément d'image,

10 o MÉDECINE DE L'HOMME N° 227

vitesse psychomotrice, situation dans l'espace, etc.}, est sensiblement identique à celui de la population normale.

Nous pouvons dire qu'il existe dans l'ensemble une certaine intégrité des possibilités intellectuelles au milieu de difficultés scolaires souvent considérables certes. Nous nous demandons si ces résultats peuvent s'expli­quer uniquement par l'origine socio-culturelle et le retard scolaire qui entraîne des difficultés d'expression verbale. Il nous semble que cela ne puisse être la seule explica­tion en raison même de beaucoup de similitude avec les profils intellectuels d'autres enfants présentant des troubles divers. - Chez l'enfant des familles dysharmoniques et désorga­

nisées, nous allons retrouver un profil analogue avec des différences. Faiblesse de l'intelligence verbale, information, mémoire arithmétique, mais par inhibition intellectuelle de mécanisme plus complexe, et supério­rité aux épreuves de compréhension et de similitudes (aux épreuves plus abstraites); mais surtout plus grand écart entre l'intelligence verbale et de performance avec plus forte baisse de cette dernière, traduisant des troubles dits instrumentaux et des troubles de la per­sonnalité. Notons ici que le niveau intellectuel est tantôt plus haut tantôt plus bas que dans le groupe précédent.

2.2.2. L'affectivité

Les caractéristiques de l'affectivité ont fait l'objet de travaux développés cherchant à préciser les moyens d'expression de cette affectivité et leurs sous-basse­ments inconscients grâce aux épreuves projectives notamment celle de Rorschach. Je résumerai ces don­nées de la façon suivante : a) Chez l'enfant des familles démunies, l'immaturité affective est importante mais elle peut être harmonieuse. N'ayant qu'une expérience limitée d'une relation vraie au niveau familial, manquant de liens affectifs capables de lui tenir de repères, il ne peut à son tour nouer des liens. Il reste dépendant et il est exigeant dans ses relations affectives.

Il s'agit d'une affectivité exclusive et régressive où toute une partie de l'énergie disponible est mobilisée dans cette quête affective.

L'enfant demeure ancré dans la phase du réalisme égocentrique de la période pré-oedipienne. Son univers est déformé. Mais il existe chez lui un besoin de défense vis-à-vis de l'autre, car il a le sentiment d'un danger, il se méfie de l'autre. L'élément essentiel est l'insécurité chez cet enfant capable de projeter sa « sensibilisation à ce qui est caché, au mystère, à l'inconnaissable, à l'insaisis­sable » (Mucchielli).

Nous allons retrouver l'anxiété venant bloquer les capacités relationnelles, la faiblesse et la tonalité anxieuse des images parentales que projette l'enfant, avec le sentiment d'indifférence et de nostalgie.

L'agressivité est peu élaborée, il s'agit d'ailleurs d'avantage d'impulsivité agressive et explosive, réaction massive, globale et primaire à toute stimulation pouvant ressembler à une frustration. L'avidité relationnelle est grande, c'est un appel à l'adulte, à la relation sécurisante

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et reconstructive. Le sentiment d'infériorité s'associe au vécu permanent de frustration sous toutes les formes.

b) Chez l'enfant de familles dysharmoniques et désorga­nisées, les différences sont nettes et fortes. Les troubles sont de l'ordre de la névrose constituée. Le sentiment de dévalorisation est profond et d'ailleurs notons que les troubles des conduites sont plus forts, on parle parfois d'expression caractérielle, alors que chez l'enfant cas social, c'est la timidité et l'inhibition, la passivité, une impression de flottement, d'inconsistance et d'incomplé­tude avec un manque évident d'élan vital.

Dans ce deuxième groupe, nous allons avoir de l'agressivité franche, une affectivité pulsionnelle et explo­sive. La vie pulsionnelle et fantasmatique n'est que très faiblement contrôlée.

Ce sont les importants troubles d'identification au père, le vécu magique du monde, l'insuffisance des forces de contrôle.

L'angoisse est beaucoup plus forte - ce n'est plus ici de l'anxiété- elle est vécue et ressentie sur un mode dra­matique et elle fait partie intégrante de la personnalité. Les mécanismes de défense se vivent dans une dyna­mique de combat perdu et de mort. L'angoisse est liée au vécu douloureux d'abandon, l'agressivité est réaction­nelle et mal intégrée, la dévalorisation de soi est liée à l'angoisse dans l'impossibilité d'une vraie rencontre de l'autre.

En conclusion et en résumé, nous pouvons préciser les caractéristiques essentielles et différentes. Chez l'en­fant cas social nous mettons en évidence une astructura­tion de la personnalité avec un manque d'élan vital, un vécu de flottement, un sentiment d'inconsistance appa­raissant à l'extérieur et un sentiment profond d'incomplé­tude et de frustration dans une grande difficulté de cohésion des fonctions psychiques.

c) Chez l'enfant névrotique et caractériel nous mettons en évidence une désorganisation de la personnalité avec une fragilité émotionnelle, une fragilité face aux frustrations ; la vie pulsionnelle et fantasmatique n'est que très faiblement contrôlée. L'agressivité n'est pas éla­borée, il s'agit souvent d'une impulsivité explosive, réac­tion massive et globale à toute situation pouvant ressem­bler à une frustration. La demande de rencontre peut être massive parfois même dévorante, c'est un appel à la relation sécurisante et renconstructive. Le vécu angoissé de la réalité et de l'imaginaire s'associe intensément aux carences des images parentales et à la profonde dévalo­risation de l'image de soi.

Mais les données cliniques ne sont pas toujours aussi distinctes que nous avons essayé de le mettre en évidence dans ces travaux. Car les situations familiales ne sont pas toujours aussi différentes que nous l'expri­mons dans les recherches. Et il y a parfois beaucoup de dysharmonies dans les familles démunies. Et nous allons alors retrouver des intrications complexes dans la per­sonnalité de l'adolescent, de l'enfant qui a grandi au milieu de ces situations affectives et sociales, et dont nous pouvons individualiser les principaux traits sous la forme de l'abandonisme de l'adolescent, de l'adolescent abandonique. C'est cet enfant qui a grandi au sein de perturbations sociales et affectives et au milieu d'échec scolaire souvent massif et dont l'avènement de l'adoles­cence va se trouver confronté à ce contexte.

- C'est la quête de l'identité et la recherche de lui-même au sein même de sa problématique narcissique tou­jours blessée au milieu des surgissements de son agressivité.

- C'est la recherche d'un temps personnel où le corps va se trouver confronté à ses développements dysharmo­nieux. Le désir d'individualisme se trouve confronté aux exigences de conformisme du groupe d'adoles­cents dans lequel il se plaît où il se trouve malgré lui. Le vécu de solitude est conforté et accru par la convic­tion totale de l'incompréhension de tous les autres à son égard.

- C'est l'absence de projet personnel et l'impossibilité de se projeter dans l'avenir. C'est la quête du sens en fait, vécue au milieu du sentiment de la dérision, dans une recherche anxieuse d'une estime de soi impossible et dans la constatation inéluctable du manque d'affection et d'amour.

Alors nous allons retrouver les caractéristiques struc­turales où nous voyons les carences de base. L'inhibition affective est profonde. - L'angoisse de séparation est toujours réelle et présente. - L'impossibilité de l'indépendance vu la forte dépen-

dance à tout groupe capable d'apaiser l'angoisse. - La dévalorisation de l'image maternelle, insécurisante,

défaillante, anxiogène. - La destruction de l'image paternelle, très souvent

dévalorisée, lointaine, absente, vécue dans la dyna­mique de l'agresseur-agressé.

- La désadaptation de l'expression motrice et de l'ex­pression verbale.

Mais c'est un fait qu'il faut noter par rapport aux jeunes atteints de désorganisation plus forte, il s'agit davantage d'un vécu de rupture dans la relation avec la mère et d'un vécu d'absence dans la relation avec le père qu'une atteinte de l'unité psychique en tant que telle. Et c'est au milieu de cette trame que vont survenir les diverses formes de passage à l'acte: agressivité, vols et fugues, conflits relationnels, conflits intra-psychiques, tentatives de suicide, etc.

Nous avons été amenés à faire une étude compara­tive entre ce type d'adolescents et une population de jeunes fréquentant les dispositifs d'aide à la réinsertion (Orientation, étude de motivation, contrat de qualification, R.M.I.). Les différences sont intéressantes à noter et à dire, sans avoir le temps de développer cette question. Mais il serait essentiel de présenter à ce niveau les prin­cipales problématiques de l'immaturité affective.

L'enfant vivant des traumatismes affectifs et socio­familiaux d'intensité diverse et de durée variable, pré­sente donc, au milieu de beaucoup de souffrance, des troubles de la personnalité dont l'importance et la profon­deur sont variables, en fonction de nombreux facteurs, comme nous venons de l'analyser. Nous aborderons dans un deuxième temps, l'étude des répercussions du divorce sur le développement et la personnalité de l'en­fant, en considérant que les enfants qui vivent le divorce de leurs parents vont souffrir d'un traumatisme encore plus fort et encore plus profond que ceux que nous venons d'étudier. Certains enfants peuvent avoir des capacités de résistance au traumatisme plus fortes que d'autres, mais cela ne veut pas dire que la souffrance et

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j Familles nouvelles et développement des enfants

l'influence sur la personnalité profonde ne soient pas aussi intenses. Et la minimisation des conséquences du divorce sur les enfants, que l'on constate encore trop souvent est directement en rapport avec des positions idéologiques et des justifications subjectives. Elle ne cor­respond en aucun cas à la réalité psychologique, affec­tive et psychopathologique que vivent les enfants concer­nés par le divorce de leurs parents.

(À suivre), Il - Le divorce et l'évolution structurale des enfants(***)

(***) Suite dans un prochain n° de Médecine de l'Homme.

Bibliographie

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La Psychologie de l'enfant en langue française, Privat, Toulouse, 1979.

Tap P. Identité individuelle et personnalisation, Privat, Toulouse, 1986.

Le prochain numéro de la revue « Médecine de l'Homme »

de MARS-AVRIL 1997- N° 228, aura pour thème:

DEUILS

12 e MÉDECINE DE L'HOMME N° 227

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Adoption:

Le cœur et la raison Cheminement d'une loi

par le pr Jean-François MATTEI (*)

Chacun a son opinion sur le sujet de l'adoption. Fon­dée sur des idées reçues et des situations vécues, des sentiments intuitifs et des raisonnements de bon sens, cette opinion fait de l'adoption un problème de société essentiel en même temps qu'un puissant révélateur de l'état des consciences d'aujourd'hui. Peu de sujets per­mettent, mieux que l'adoption, de traduire tout à la fois, dans une société donnée et à un moment précis, la valeur de l'enfant, le besoin de générosité, le pouvoir de s'indigner, l'incompréhension des contraintes administra­tives, le devoir impérieux d'agir, l'idée de la famille et, dans une certaine mesure, le sens que l'on donne à la vie.

L'adoption n'est pas un sujet dont la technicité juri­dique ou sociale pourrait permettre la confiscation par d'éminents spécialistes. Par essence l'adoption concerne les enfants, les parents, les familles et chacun, évidem­ment concerné, éprouve le besoin de s'exprimer avec son cœur et sa raison. Plus que dans tout autre domaine, l'opinion publique exprime un sentiment très fort qu'il faut entendre et apprivoiser pour l'appréhender et la comprendre du mieux possible.

Après le vaste chantier des lois bioéthiques, après avoir donné un enfant à des parents, en venir à l'adoption était, pour moi, tout naturel. Il s'agissait cette fois, de don­ner des parents à un enfant. Je savais la tâche lourde. Il convenait de remettre à plat, trente ans plus tard, le sys­tème adoptif français, déjà bien dépoussiéré par la pre­mière loi « moderne ,, du 11 juillet 1966, proposée par Simone Veil suite à l'affaire Novack, qui avait tant ému la France (l'adoption plénière se substituait à la légitimation adoptive, rendant ainsi irrévocable la rupture des liens avec la famille d'origine).

Cette remise à plat était rendue nécessaire par deux faits majeurs. Les procédures administratives compli­quées devaient être simplifiées et réorganisées. L'évolu­tion sociologique de notre pays est telle que le nombre d'enfants abandonnés et donc adoptables diminue. Les lois sur la contraception en 1965, sur l'interruption Volon­taire de Grossesse en 1976, le développement de la génétique et des techniques de Procréation Médicale Assistée ont progressivement fait naître le désir d'un enfant conforme aux souhaits des parents et font par conséquent se tourner les adoptants vers l'étranger. Il

(*) Député U.D.F. des Bouches-du-Rhône, rapporteur des lois bio­éthiques de 1994 et de la loi sur l'adoption de 1996.

MÉDECINE DE L'HOMME N° 227 e 1 :l

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Le cœur et la raison, chemùwment d'une loi

devenait alors nécessaire de s'entourer de toutes les garanties pour que l'enfant ne soit pas un simple objet de consommation. Cette loi devait par conséquent répondre, sans faillir, à trois impératifs : rendre l'adoption plus simple, plus sûre et plus juste.

L'adoption n 'e.'Jt pw~ 1111 droit

Les idées reçues s'imposent facilement. Elles repo­sent souvent sur d'apparentes évidences. Elles s'ancrent dans les esprits avec d'autant plus de force qu'elles sont abondamment développées dans les médias qui empruntent, tout à la fois, à la rumeur et au cas parti­culier. Au risque de surprendre l'opinion, il faut savoir s'élever contre les idées fausses, reprendre les argu­ments, et convaincre par la pédagogie du raisonnement.

Il est vrai, par exemple, que les formalités de l'adop­tion pouvaient relever, selon l'expression si souvent entendue, du «parcours du combattant», Trop de situa­tions étaient invraisemblables et inacceptables, beau­coup de conduites désuètes et inadaptées. Il en allait ainsi de l'agrément départemental des candidats à l'adoption. Un changement professionnel, un déménage­ment obligeaient à recommencer à zéro une procédure déjà lourde. Même chose au regard d'autres évolutions sociologiques : l'âge nécessaire pour adopter a été ramené à 28 ans et la durée du mariage à deux ans.

Il est faux, en revanche, de prétendre que l'adoption est un droit. Pas plus qu'il n'y a de droit à l'enfant. Il y a sur ce sujet de graves confusions. Le plus souvent, les couples confrontés à la stérilité s'orientent d'abord vers les techniques modernes de l'assistance médicale à la procréation. Ces techniques ont pour but de permettre à un couple de concevoir un enfant. Et même si l'expres­sion n'est pas tout à fait juste, il s'agit bien de donner un enfant à un couple. Lorsque les méthodes médicales ont échoué, les couples s'orientent alors vers l'adoption. Le danger est d'ignorer que la logique devient toute autre. Il ne s'agit plus de donner un enfant à un couple, mais de donner des parents à un enfant. La confusion des logiques est à l'origine de nombreux malentendus. L'as­sistance médicale à la procréation et l'adoption s'inscri­vent dans deux logiques opposées. L'adoption est obli­gatoirement mal vécue si les couples ne réalisent pas que leur désir doit s'orienter différemment. L'adoption ne peut être réussie que si le couple a réellement fait le deuil de l'enfant biologique imaginé. Il ne s'agit plus de donner la vie à un enfant mais de se donner à la vie d'un enfant.

lllterllel ou l'adoptioll .'lur catalogue

On comprend mieux, dès lors, la nécessité absolue d'apprécier la réalité des motivations entre égoïsme et générosité. Elle permet de mieux comprendre cette autre idée fausse qui consiste à s'indigner devant le nombre de candidats à l'adoption qui n'obtiennent pas satisfaction quand il y a dans les établissements de nombreux enfants adoptables qui ne sont pas adoptés. La réalité

14 o MÉDECINE DE L'HOMME N° 227

est indéniable mais n'est pas toujours le fait de l'inertie administrative ou des lenteurs de la justice comme on voudrait le faire croire. Ces enfants ne trouvent pas de parents, tout simplement, parce qu'ils sont trop âgés, typés, malades, ou handicapés. Peu de couples les réclament.

Dès lors, devant les difficultés rencontrées, les attentes interminables et le désir d'accueillir un enfant conforme à ses vœux, le réseau Internet a vu se multi­plier les serveurs proposant l'adoption à la carte selon une stratégie dont on perçoit la logique : plus simple, plus rapide et au choix ! Terrible tentation ! Même s'il faut payer!

Internet est le champ ouvert des possibles. Vaste supermarché de l'information, il permet de pousser le petit caddie de ses envies personnelles jusqu'au plus intime des désirs : celui de l'enfant. Car désormais adop­ter sur Internet est possible. Une condition : parler anglais, les sites américains se comptent par centaines. Ils offrent un catalogue d'enfants à choisir selon vos propres critères (sexe, origine géographique, âge ... le plus souvent avec photos à l'appui).

Certes, Internet ne propose pas que des bébés roses et joufflus.

Ainsi le département des services sociaux de l'État de New York livre un catalogue, accompagné de quelques précisions : « ces enfants requièrent des soins médicaux spécifiques, ont des problèmes de dévelop­pement ou de comportement » .•• Un autre serveur est spécialisé en enfants sourds. Où l'on retombe alors sur l'éternel problème de l'adoption. Qui, même sur Internet, acceptera un enfant trop âgé, à particularités ou tout sim­plement trop typé ?

Face à ce réseau sans frontières, que faut-il faire si nous nous sentons menacés à notre tour dans nos réfé­rences essentielles ? Peut-on légiférer d'un côté pour moraliser l'adoption, notamment l'adoption internationale en interdisant les trafics et commerces, et de l'autre lais­ser se développer une culture étrangère dans laquelle l'enfant serait, tel un produit de consommation, choisi sur catalogue et payé à son prix ? Comment allons-nous réagir devant ce paradoxe ?

Je reste persuadé qu'il faut continuer de se battre pour s'opposer au droit à l'enfant à tout prix et aux dérives dans le domaine de l'adoption comme dans celui de l'assistance médicale à la procréation. Ces dérives transforment trop souvent l'enfant en objet. On doit donc rappeler sans relâche la dignité de toute vie et le carac­tère inhumain de certaines conduites.

L'adopliou ou la re11coutre de de1u· souffrcu1ct'.~

Une autre idée fausse est de croire que des règle­ments ou des lois plus adaptées, pas plus que l'adoption sur catalogue d'ailleurs, feraient disparaître les difficultés et rendraient le bonheur plus facile aux enfants et aux parents. La démarche de l'adoption se bâtit, le plus sou-

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vent, sur la rencontre de deux souffrances : l'abandon pour l'enfant et la stérilité pour le couple. Rien ne peut effacer ces éléments de leur histoire et l'adoption ne peut donc jamais se vivre comme si rien ne s'était passé. La nécessité du travail sur soi, de l'accompagnement et l'ac­ceptation du passé sont des atouts précieux pour une adoption réussie.

L'acceptation du passé ! C'est sans doute parce qu'elle est difficile que la question de l'accouchement sous X est l'une des plus difficiles et a suscité tant de controverses. Réelle est la souffrance de ceux qui ont été ainsi abandonnés au fil de la vie comme Moïse dans son berceau, au fil de l'eau. J'ai pu la deviner sur les visages de ceux qui veulent savoir et sont prisonniers du secret, victimes du grand complot de leur naissance. Je com­prends le besoin impérieux de se situer par rapport à une mère, à un père, à une origine. Mieux se connaître en renouant les fils de son histoire est une nécessité de l'existence. Pourtant, après avoir longuement réfléchi, tourné et retourné ce problème dans ma tête, je ne suis pas sûr qu'existent des solutions satisfaisantes. Il faut savoir le reconnaître avec humilité.

Au demeurant, cette constatation n'a rien d'étonnant si l'on veut bien y penser. L'histoire en question a com­mencé par un abandon. Comment, dès lors, espérer une solution pour apaiser ce qui restera pour toujours une souffrance inextirpable ?

Cette revendication du droit à l'accès aux origines, qui a fait son entrée dans le paysage médiatique avec l'émission télévisée à succès «Perdu de vue», ne doit toutefois pas faire oublier ceux qui, plus nombreux d'ailleurs qu'on ne l'imagine - mais c'est bien normal qu'on les ignore puisqu'ils ne demandent rien et demeu­rent silencieux - n'ont jamais eu cette tentation de remonter à leurs racines biologiques. Ils tiennent même parfois des propos indignés sur l'idée de rechercher leurs parents biologiques. Parfaitement épanouis dans leur famille adoptive, peu leur importe de savoir qu'un homme, une femme, pourraient leur parler d'un passé qu'ils ont définitivement rayé de leur histoire. De fait, la diversité des situations rend difficile une solution suscep­tible de satisfaire les uns et les autres. Encore n'ai-je pas évoqué les parents adoptifs. Ils ont pourtant leur mot à dire. C'est en adoptant qu'ils sont devenus parents! Est­il facile de vivre pour eux avec l'idée que, des années après, des parents oublieux peuvent resurgir du fin fond de la mémoire pour devenir réalité?

Ces questions rejoignent celles posées par la pro­création médicalement assistée à propos des dons ano­nymes de gamètes, spermatozoïdes et ovules. Il me semble qu'on accorde trop d'importance à la biologie. Je suis profondément convaincu qu'elle ne peut en aucune façon l'emporter sur la force des liens affectifs tissés entre des parents qui aiment et l'enfant qui le leur rend.

Accepler l'acco11d1e111e11t sous X. c'est accepter lllll' fe111111e e11 dét r<'SS<'

Néanmoins je me suis interrogé sur le moyen de per­mettre un jour l'accès à cette identité tant revendiquée. Mais est-il possible d'interdire à une femme d'accoucher sans révéler qui elle est ? La réponse est évidemment non. Si une telle femme a fait le choix de donner la vie plutôt que d'avorter et décidé de rester anonyme en

confiant son enfant pour qu'il soit adopté, je ne vois pas comment l'en empêcher. Si toute femme venant dans une maternité était contrainte de livrer son identité, même avec la garantie du secret, je suis persuadé qu'elle préfé­rerait le plus souvent accoucher dans la clandestinité avant d'abandonner son nouveau-né dans un lieu public ou dans une poubelle à moins qu'elle ne décide de le supprimer. Est-ce cela qu'on veut ? Je ne le crois pas !

Voilà pourquoi la reconnaissance en France de l'ac­couchement sous X me semble une bonne disposition, qui a été maintenue par la loi. C'est la prise en compte de la volonté des femmes qui de tout temps ont parfois choisi de donner la vie sans rien révéler de leur identité.

Accepter l'accouchement sous X, c'est accueillir une femme en détresse~ l'informer, peut-être la conduire à changer d'avis et en tout cas lui permettre d'accoucher dans l~s meilleures conditions sanitaires pour elle et l'en­fant. A cette occasion des informations la concernant peuvent être recueillies, sans pour autant trahir son secret. Ces informations non identifiantes peuvent être importantes pour l'enfant qui trouvera là de quoi bâtir un peu de son histoire. L'accouchement sous X est aussi pour cette mère l'assurance que son enfant sera entouré et très rapidement confié à ceux qui deviendront ses parents. Je crois qu'il s'agit donc de la moins mauvaise façon d'accompagner ces femmes dans de grands moments de détresse.

Il en va tout autrement lorsque la mère a donné son identité assortie de la demande de secret. Là, il est apparu possible au législateur de prévoir ultérieurement sa révocabilité : la mère en demandant le secret doit donc savoir qu'elle pourra à tout moment faire connaître sa volonté de le lever.

Les parents so11t œu.1: qui ai111e11t

Une telle situation conduit à s'interroger sur les racines sociales et biologiques qui fondent une person­nalité. L'importance accrue de la biologie ne laisse pas de me surprendre. On peut certes tenter de l'expliquer par la dissolution de la cohésion sociale et la recherche déses­pérée de liens plus sûrs que seule la biologie permet de définir. Jamais la difficile question de la connaissance des origines biologiques n'a été posée avec autant de force. La loi ne l'a pas ignoré, pas plus qu'elle n'a oublié ses préceptes de départ: rendre l'adoption plus simple, plus sûre et plus juste.

Certaines formalités ont ainsi été assouplies. L'adop­tion est permise plus tôt : à partir de 28 ans et après deux ans de mariage. L'agrément devient national et non plus départemental, un organisme de coordination centrali­sera, afin de les faciliter, les projets d'adoption. L'adoption est facilitée dans l'intérêt de l'enfant : le délai de rétracta­tion du consentement à l'adoption est ramené de trois à deux mois, ainsi que le délai pour un placement en vue d'adoption d'un enfant dont la filiation n'est pas établie.

L'adoption posthume d'un enfant décédé, alors qu'il était recueilli en vue d'adoption, est consacrée, l'adoption plénière facilitée. Elle devient possible jusqu'à l'âge de vingt ans, et est permise, sous certaines conditions, pour l'enfant du conjoint. L'adoption simple est, elle, revalorisée.

Parce que deux tiers des enfants adoptés aujourd'hui en France sont des enfants étrangers, il convenait que l'enfant d'ailleurs soit traité à égalité avec l'enfant d'ici.

MÉDECINE DE L'HOMME N° 227 o 15

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IA' cœ11r el la roiso11. clte111i11 e111e11/ d"1111e loi

Aussi l'agrément devient-il une condition nécessaire de l'accueil, et fait par là disparaître la précarité de son accueil , d'autant que l'enfant bénéficie désormais d'un accompagnement. Une autorité centrale pour l'adoption , chargée d'orienter et coordonner l'action des administra­tions et autorités compétentes est par ailleurs mise en place conformément aux dispositions de la Convention Internationale de La Haye destinée à moraliser l'adoption internationale. La France, qui a signé cette convention, s'apprête à la ratifier dans les prochaines semaines.

Cela signifie un élargissement du droit de congé parental d'éducation aux enfants de plus de trois ans ; un droit au congé non rémunéré quand l'adoptant se rend à l'étranger en vue d'adopter, le droit aux prestations familiales, enfin, une aide spécifique pour la famille d'accueil adoptante.

Enfin, en vue d'améliorer la situation des parents, les droits sociaux de la famille adoptante ont été augmentés afin que l'adoption soit de fait assimilée à une naissance.

L'enfant mérite plus que jamais toute notre attention, tous nos efforts. Il ne peut être, d'une manière ou d'une autre, assimilé à un bien qu'on acquiert conformément à son désir. Il ne connaît pas de frontières et il est sans aucun doute une chance extraordinaire pour éclairer le questionnement de cette fin de siècle sur les valeurs qui nous habitent et nous font vivre. La loi sur l'adoption votée par le Parlement en juillet dernier a tenu à le réaffirmer .

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Conznzuniqués de Pre.~t;e 1

Le C.C.M.F..porte à la connaissance des lec­teurs de MEDECINE DE L'HOMME, une pro­duction théatrale qui met en scène une jeune femme affrontée à l'hypothèse d'un avorte­ment. Voici le texte de présentation et les coordon­nées de celte production

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Que peut faire une comédienne quand elle est saisie par la solitude de la femme devant un choix qui la met profondément en question ? Il n'y a pas de théâtre sans conflit, le combat d'une femme qui est au bord de l'avortement peut être amené à la scène.

" J'ai rencontré des femmes qui ont bien voulu me faire part de leur histoire. Toutes présen­taient un point commun : une fo1ce intérieure pour lutter contre les pressions de leur entou­rage. Leur détresse est restée cachée et inarticulée, seul leur silence me l'a fait comprendre.

J'espère avoir fourni à Claudia les mots justes pour l'exprimer '"

texte de Jeanne BOESCH mise en scène Denise BOSC

Avec Jeanne BOESCH

À !'Alambic Studio Théâtre 12, rue de la Chardonnière

75018 Paris. Métro Simplon Réservation : 0 1 42 23 07 66

du 2 JANVIER AU 16 FEVRIER 1997 les jeudi, vendredi et samedi a 20 h 30

le samedi et le dimanche à 15 h 30

Prix : 80 F. Tarifs réduits : 60 F ; 40 F

Elle n'a rien, elle est capable de Joui : donner la mort, la vie, aimer, se laisser aimer. C'est Claudia. Sa grossesse et l'avenir la paniquent. Va-t-elle garder l'enfant ? Elle veut être libre pour choisir. Elle dit le combat qu'elle vit et sa recherche d'une issue.

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• s1 Tt s. 11 ;u s 1,1;· JJO.\' n1:· 1J11:·1 •

Six grands témoins d'Espérance s'adresseront à vous, personnes handicapées, parents, amis, jeunes ou moins jeunes, éducateurs, responsables d'établissements,. .. Vous ren­contrerez ainsi :

- le 13 novembre 1996 : Mari e-Hélène MATHEU, fondatrice de l'O.C.H. et de Foi et Lumière

" Dieu m'aime comme je suis " - le 11 décembre 1996 : Marie-Noël le MOREAU, responsable des Coopérateurs Souffrants de Mère Teresa, handicapée

" Tu ne connais pas ton bonheur " - le 15 janvier 1997 : Père Thierry de ROUCY, fondateur de Points-Cœur

" Aimer c'est être présent " - le 26 février 1997 : Viviane et Didier le POLAIN, parents de Laurent, 16 ans, polyhan­dicapé. Didier est médecin en néonatalogie

" Avec toi, Laurent " - le 19 mars 1997: Jean VANIER, fondateur de l'Arche:

" Pardonner, est-ce possible ? " (Palais de la Mutualité,

24 rue Saint-Victor 75015 Paris, à 20 h 30) - le 23 avril 1997 : Denise BRIGOU. respon­sable de la Maison du Partage (Année du Salut)

« De la rue à la Vie "

Sauf indication autre, les conférences ont lieu : Centre Chaillot-Ga/liera, 28, avenue Geor­ges-V. 75008 Paris à 20 h 30.

La participation aux frais est de 35 F (étudiants= 25 F)

Renseignements et réservations : à I' O.C.H. (01 53 69 44 30)

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Samedi 25 Janvier

15 h Accueil et présentation du parcours (B. Matray)

15 h 15 Les douleurs et leurs traitements : d'où venons-nous ? par Isabelle BASZANGER , socio­logue, C. N. R.S., auteur du livre " Douleur et Médecine, la fin d'un oubli"· Seuil 1995.

17 h Comment les médecins affrontent-ils aujourd'hui la douleur ? par le D• Régis PATTE. médecin coordinateur de l'H.A.D. de !'Assis­tance publique, Paris.

20 h 45 Projection vidéo et échange.

Dimanche 26 Janvier 9 h 15 Un Centre d'évaluation et de traite­

ment de la douleur : proje! et méthodes par le D' J.-F. DOUBRERE et le D' J.F. MOULIN, Psychiatre, du Centre d'évaluation et de traitement de la douleur, Hôpital Saint-Anloine, Paris.

11 h Perspective d'avenir dans le traite­ment de la douleur en France. par le D' F. LARUE, Consultation de traitement de la douleur, Institut mutualiste Montsouris, Pans.

14 h 15 Traitement de la douleur : approche éthique. par Bernard MATRAY, Centre Sèvres, Paris.

Echange. 16 h Fin.

Renseignements et inscriptions : " Les Fontaines " Centre Culturel

8.P.219 60631 CHANTILLY Cedex

Tél.: 03 44 67 12 60

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Les particularités de l'adoption d'enfants

• • • or1g1na1res de Polynésie française

par Mme Marie-Christine LE BOURSICOT (*)

Les dispositions du Code Civil français sont appli­cables en Polynésie française et en particulier l'article 348-5, qui dispose que le consentement à l'adoption des enfants de moins de 2 ans n'est valable que si l'enfant a été effectivement remis au service de l'aide sociale à l'enfance ou à un organisme autorisé pour l'adoption (O.A.A.).

Or, il n'existe pas en Polynésie française de service départemental de l'aide sociale à l'enfance ni d'orga­nisme autorisé pour l'adoption sur ce territoire.

En conséquence, lorsque des parents par le sang décident de confier leur enfant à une autre famille, ne pouvant consentir directement à l'adoption, dans un pre­mier temps, ils délèguent l'exercice de l'autorité parentale à la famille à laquelle ils ont remis l'enfant ; néanmoins, la cc délégation» de l'autorité parentale ne pourra résulter que d'un jugement rendu par le tribunal du territoire poly­nésien, composé de magistrats de l'ordre judiciaire fran­çais, qui appliqueront les dispositions de l'article 377 du Code Civil.

Lorsque l'enfant aura atteint l'âge de 2 ans, il sera possible aux parents par le sang de consentir à l'adoption de l'enfant directement en faveur de la famille à laquelle il a été confié. Ce consentement sera donné devant le Greffier en chef du tribunal du territoire polynésien. Ensuite, les adoptants pourront saisir le tribunal de grande instance de leur domicile, en métropole.

Ce mécanisme juridique, assez complexe, n'est pas sans susciter des difficultés, au-delà même des ques­tions soulevées par cette forme d'adoption directe, contraire à notre législation interne.

En effet, le législateur français, en interdisant la remise directe d'enfants de moins de deux ans en vue de leur adoption, a voulu éviter les pressions qui peuvent s'exercer de part et d'autre entre les deux familles. Il s'agit de ne pas provoquer l'abandon d'un enfant, de ne pas permettre par ce biais des contrats de mère porteuse et de ne pas faire de l'enfant l'objet de chantages et de trafic. La loi du 5 juillet 1996 a en quelque sorte renforcé ce dispositif, en énonçant que lorsque l'enfant est remis à l'aide sociale à l'enfance ou à un organisme autorisé en vue de son adoption, le choix des adoptants est laissé au tuteur, avec l'accord du conseil de famille des pupilles de

(*) Magistrat au tribunal de grande instance de Nanterre.

MÉDECINE DE L'HOMME N° 227 e 17

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Les particularités de l'adoption d'er~fànts originaires de Po~)'llPsie .fi·ançaise

l'État dans le premier cas et organisé à l'initiative de l'O.A.A. dans le second.

Mais la tradition polynésienne du don d'enfant ne s'accommode pas de ces règles. Les Polynésiens ne veulent pas abandonner leur enfant en le remettant à une administration ou une association. Ils souhaitent le don­ner à une famille qu'ils auront choisie, qu'ils connaîtront et qui leur donnera des nouvelles de l'enfant. L'écran ins­titué par la loi civile française est donc pour eux inaccep­table.

Cependant, il est évident que des dérives sont pos­sibles dans un tel système : risques d'une recherche d'enfant à tout prix, dans le sens littéral de ce mot, remise de l'enfant en échange de biens d'équipement. .. La charge affective du don d'enfant ne doit pas faire oublier le contexte socio-économique.

Les autres écueils sont plus strictement juridiques. La famille adoptante n'est pas assurée que le consente­ment à l'adoption sera donné au bout de 2 ans, ni même que la restitution ne sera pas demandée pendant ce délai.

L'affaire Buratti, dont les médias se sont fait l'écho récemment, est une illustration, heureusement excep­tionnelle, des limites du système juridique mis en place pour pallier les contradictions du code civil et de la cou­tume polynésienne.

Un enfant, Lionel, a été remis par sa mère naturelle, Polynésienne, à M. et Mm0 Buratti, Français de métropole, en vertu d'un jugement de délégation d'autorité paren­tale. Quelques mois plus tard, la mère naturelle informe celui qui fut son amant de passage, également métropo­litain, qu'elle a accouché d'un enfant dont il pourrait être le père. Celui-ci, qui lui-même a commencé des démar­ches d'adoption avec son épouse car ils n'ont pas d'en­fant, reconnnaît Lionel, qui n'a pas de père légal, devant l'officier d'état civil. Les expertises ordonnées par le tribu­nal confirment qu'il en est bien le père génétique. Désor-

18 e MÉDECINE DE L'HOMME N3 227

mais, Lionel a donc un père légal qui est bien son père biologique ; la filiation devient inattaquable. Le tribunal, puis la cour d'appel, saisis par le père, ordonnent en sa faveur la restitution immédiate de l'enfant en fixant un droit de visite et d'hébergement pour la mère naturelle et en accordant un droit de visite aux époux Buratti ... condi­tionné à l'accord du père. La Cour de cassation, saisie par ces derniers (qui n'ont pas encore restitué l'enfant et qui sont mis en examen pour non représentation), ainsi que par la mère naturelle, examinera l'affaire à la fin du mois d'octobre 1996.

Une autre difficulté ,est apparue plus récemment dans de nombreux cas. A l'issue du délai de 2 ans, les parents donnent maintenant le plus souvent un consen­tement à une adoption simple qui, à la différence de l'adoption plénière, ne fait pas disparaître le lien de filia­tion vis-à-vis des parents de naissance et est révocable pour motifs graves. Or, dans l'esprit des adoptants, l'adoption envisagée lors de la remise de l'enfant était une adoption plénière. Il semble en réalité que les deux familles ne sont pas correctement informées des consé­quences de l'une et l'autre formes d'adoption. Il est cer­tain que l'adoption simple confère l'entière autorité paren­tale aux adoptants. Mais elle n'aurait pas empêché la reconnaissance de Lionel par son père biologique. Peut­être même celui-ci aurait-il pu alors demander la révoca­tion de l'adoption simple en soutenant que cette recon­naissance constituait un motif grave.

Il apparaît donc nécessaire de revoir le système juri­dique et administratif de l'adoption en Polynésie fran­çaise, dans le respect à la fois de la coutume et du droit français et avant tout de s'assurer que les familles sont pleinement informées des conséquences de leur déci­sion.

Il y va de la stabilité et de la sécurité de l'enfant, qui ne saurait être balloté d'une famille à l'autre au risque d'y per~re tout sentiment d'identité, ainsi que de son épa­nouissement. mil

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Témoignage:

l'adoption d'enfants handicapés

par Viviane et Dominique JOB(*)

À dopter un enfant est un geste d'amour. Certes, cer­tains couples veulent combler une solitude, un vide, une carence affective et adoptent par intérêt personnel. L'adopté est un enfant confié a priori sain de corps et d'esprit. Dans quelques cas, il s'agit d'un enfant handi­capé (moteur, psychique ou les deux) qui est accepté tel quel par le couple adoptif. Peut-on alors parler d'égoïsme ? Ne doit-on pas, au contraire, reconnaitre ici une motiva­tion profonde et réfléchie, un accueil raisonné au sein d'une famille, solidement structurée et prête à soutenir le déshérité le lqng de son chemin terrestre jusqu'à la gloire éternelle ? A travers le témoignage d'un couple de parents de 4 enfants, ayant adopté 5 autres enfants, le lecteur doit pouvoir répondre à ces deux questions : - Quels sont les motifs d'adoption d'enfants handicapés ?

- Cette adoption a-t-elle été intégrée, « digérée"• au sein de la famille accueillante ?

Au cours de ce récit, il est montré que, malgré la lourdeur de certains handicaps, les enfants génétiques sont capables d'accepter "librement" le partage de l'affec­tion de leurs parents.

« Quiconque accueille un enfant tel que lui à cause de moi, c'est moi qu'il accueille. » (Mt 18 5-6)

Hasard, prédestination, plan de Dieu? Lorsqu'en 1968 nous unissons nos destinées devant Dieu, nous savons que nous vivrons pour et par les enfants. Ma femme était infirmière à l'hôpital Saint-Joseph, Paris 14°. Les sœurs y étaient encore omniprésentes. Moi, je suis en face, instituteur par choix après des études d'ingé­nieur chimiste à Lyon. En octobre 1969, Dieu nous offre un bouquet de deux enfants. En 1970, une rencontre avec une religieuse nous parlant du drame de son pays, le Viêt-Nam, nous remue et nous décidons, en parlant à nos deux enfants encore très jeunes, d'entamer les démarches d'adoption. Les obstacles sont nombreux, paraissent insurmontables, mais notre foi déplace des montagnes : nous trouvons une association qui nous accepte, nous forçons la porte de la D.D.A.S.S. des Hauts-de-Seine. Grâce à l'intervention de la Présidence

(*) Parents adoptifs.

MÉDECINE DE L'HOMME N° 227 o 19

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Témoignage : l'adoption d'e1~j(mts handicapés

de la République, nous recevons enfin l'agrément pour un enfant étranger. En 1975, après cinq ans de «galère», de batailles diverses, une petite fille du Viêt­Nam nous est promise mais ... chute du « rideau de bam­bou » en avril, nous sommes hébétés et impuissants. C'est alors que l'association qui devait nous confier le bébé Viêt-Namien cherche une ouverture sur la Corée du Sud. Cette ouverture est facilitée car je connais un couple américain travaillant à la Holt International à Séoul. Constance arrive donc de Corée en Janvier 1976, elle est la 4° de notre famille car entre temps nous avons eu un troisième enfant.

Décidés à ne pas en rester là, nous nous sommes installés en province, ma femme devenant infirmière bénévole dans l'ensemble scolaire privé que je dirige. La D.D.A.S.S. est plus ouverte et nous facilite l'arrivée de Marina, enfant indienne, en 1980. Cette année-là, nous passons en cinq mois de quatre à sept enfants : le 1 O jan­vier Pho, 13 ans, devient notre aîné, il arrive du Cam­bodge via la Thaïlande, évadé des camps de Pol Pot (nous avons eu deux jours pour dire oui) ; Martin naît le 21 mars (fabrication fortuite) et Marina, attendue depuis deux ans, arrive en juin en provenance d'un orphelinat de Pondichéry, avec de légères séquelles de polio. Les enfants présents ont donné leur accord à la venue de Pho et de Marina.

Ma femme est alors entrée au conseil de famille du département. Là, comme dans toute notre vie, elle milite pour l'adoption de tous les enfants, même et surtout pour ceux dont personne ne veut. En 1984, Marie-Clotilde (trois ans et demi) arrive de Pondichéry avec une séquelle de polio lui laissant des jambes inertes et un dos en « accordéon ». En 1986, un bébé trisomique est abandonné à sa naissance dans le département. Nous faisons acte de candidature pour son adoption, ce qui est accepté. Nous l'appelons Solène.

Aujourd'hui, voilà 20 ans que notre première enfant adoptée est arrjvée. Pour elle, les choses se sont arran­gées très vite. Etudiante brillante, il y a 4 ans, elle a eu la chance de retrouver un peu de ses racines en passant une année complète au Japon. Le deuxième, notre Cam­bodgien, est électrotechnicien. Installé et marié en Auvergne, il nous a donné deux petits-enfants adorables. Grâce à une force de caractère hors du commun, il a sur­monté les traumatismes de la guerre qu'il a subis dans son pays d'origine. Le Seigneur, au bout de sept mois de présence dans notre foyer, a rappelé Marina : « Que Sa volonté soit faite», nous avons la certitude qu'elle est heureuse. Quinze ans après, nous pouvons enfin le pen­ser et le dire, le choc de son départ a été une épouvan­table épreuve pour nous.

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Pour Marie-Clotilde, arrivée il y a 12 ans, « ce n'est pas le chemin qui est difficile, mais le difficile qui est le chemin ». Nous savions qu'elle était paralysée à vie, mais ce que son dos allait lui faire endurer, nous étions bien loin de le voir. Deux grosses interventions à deux ans d'intervalle. Il s'en est fallu de peu, lors de la seconde, qu'elle ne rejoigne Marina ; une tumeur des parathyroïdes non décelée auparavant dérègle son métabolisme calcique ; un mois après son arthrodèse : ablation de la tumeur qui provoque d'épouvantables crises de tétanie, d'où perfusion de calcium qui lui pro­voque une brûlure du bras au 3° degré et deux mois plus tard greffe de peau. Elle a été d'un courage qui force l'ad­miration. Le sourire est retrouvé mais une déficience intellectuelle, due à la souffrance de l'abandon et à une absence de stimulation dans ses trois premières années de vie, fait qu'on ne peut envisager pour elle qu'un foyer occupationnel dans un proche avenir. Nous avons lutté pendant dix ans pour que son intelligence se réveille et remplace ses jambes inertes, nous voyons son avenir comme une épreuve mais surtout pas comme un échec. Nous nous sommes posé des questions quant à venir bousculer le destin d'un enfant quand sa vie doit être une vie de souffrances. Nous pensons maintenant que c'est Dieu qui nous l'a confiée, nous étions bien prétentieux de croire que nous étions les seuls responsables : « conti­nue de sourire à la vie, Marie-Clotilde! ».

Solène, arrivée avec pour tout bagage son chromo­some en plus, qui doit être pour moitié chromosome de gentillesse et pour autre moitié celui de l'entêtement, se porte comme un charme mis à part des problèmes d'O.R.L. qui semblent s'estomper. Elle est en l.M.E. sauf le mercredi jour où elle est accueillie à l'école privée de notre petite ville à bras ouverts.

L'Aveyron a accueilli sans réticence nos enfants si différents alors qu'ailleurs ils étaient « nos tarés et nos bougnouls » ce qui n'a pas toujours été facile à gérer. Les soucis ne nous ont pas épargnés. Des épreuves, nous en aurons d'autres, mais les joies sont immenses de vivre avec des enfants si différents. Nous fondons autant d'es­poir dans les uns que dans les autres, tout progrès constaté devenant une victoire sur l'adversité du départ.

Nous avons donné la vie à nos quatre enfants biolo­giques, la chance de la vie aux quatre autres qui étaient bien mal partis. Nous avons eu la chance de pouvoir adapter notre vie pour accomplir ce qui nous tient tant à cœur. Tout enfant a droit à la vie, tout enfant a droit à une famille. Il est bien de dire ce que l'on pense, il est encore mieux de faire ce que l'on dit. Ill

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Regards chrétiens sur l'adoption

par le Père BESANCENEY (*)

L'adoption étant une pratique sociale très répandue, dans des contextes culturels bien divers, il est normal que l'Église ait porté et porte toujours à l'adoption un inté­rêt, comme un aspect de vie familiale. Un document pré­senté par la Commission de Pastorale Familiale rappelle que l'adoption s'inscrit déjà dans la tradition religieuse du fait que Moïse était un enfant adopté, seule chance de vie pour lui. Son éducation égyptienne vécue de conserve avec son identité juive l'a certainement prédes­tiné à devenir l'instrument de Dieu.

Plus profondément encore, puisque Jésus-Christ, Verbe de Dieu, Fils unique, est le seul à être « engendré, non pas créé», nous ne pouvons être par la foi que des « enfants adoptifs » de Dieu le Père : nous ne sommes que « Filli in Filio », nous ne sommes fils que «dans le Fils». Même dans ce cas, le terme« adoptif» n'a rien de péjoratif, puisque le terme «adopter» contient étymolo­giquement « opter » : c'est un choix.

Ainsi adopter pourrait être considéré comme une manière éminente d'être à l'image de Dieu. Mais les choses sont-elles si simples ?

L'attitude de l'Église vis-à-vis de l'adoption est néces­sairement en rapport avec la manière dont les sociétés prennent en compte cette question qui est d'abord la leur. Même en l'absence de législation, des pratiques socia­lisées existent fréquemment dans les sociétés tradition­nelles et dans l'antiquité, marquées soit par le souci de l'enfant soit par celui des candidats adoptants, mais rare­ment sous l'angle affectif.

Par contre, dans nos sociétés, l'adoption est d'abord vue dans sa dimension affective, qui pour être essen­tielle, ne peut effacer l'aspect social du geste. Dans cette ligne apparaît plus fréquemment qu'autrefois ou ailleurs la situation de stérilité. Dans ce cas l'adoption d'enfants peut alors être vécue même inconsciemment comme le « remède » à la stérilité, un peu comme on tente de com­penser un handicap.

Les apports des sciences humaines nous permettent de découvrir la complexité du cc désir d'enfant», et si possible d'enfant« biologique», et de ne pas le réduire à

(*)Aumônier national du C.C.M.F.

MÉDECINE DE L'HOMME N° 227 o 21

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1 N egwds c/11·<;/ ie11 s_s_·'_"_· _l _'(_t(_ll_Jf_J_l_ù_1r_1 __________________ ----~

la seule et nécessaire générosité. Sans oublier bien sûr des motifs intéressés que la loi n'ignore pas.

Ainsi, l'incontestable « convenance ,, ou « conni­vence ,, entre l'adoption et la foi, puisque telle est notre relation avec Dieu Père, ne doit pas faire oublier les aspects psychologiques et sociologiques, qui doivent être pris en compte pour que l'adoption réussisse autant qu'il est possible. Trop d'adoptants et d'adoptés souffrent de situations affectivement difficiles, quand elles ne sont pas conflictuelles.

C'est ainsi qu'un document élaboré en 1982 par la Fédération nationale des associations de foyers adoptifs pour le secrétariat de l'épiscopat, intitulé " L'adoption : risques et chances pour l'enfant "•met en garde contre la tentation du « recueil direct ,, : « Certains prêtres ou reli­gieux et religieuses confrontés à des abandons d'enfants ou à leur délaissement tentent d'organiser une solution à leur égard et favorisent leur recueil direct. Bien qu'issues d'un esprit de générosité, ces attitudes sont souvent le fait d'une méconnaissance de la réglementation en vigueur et de la priorité donnée à une certaine idée de l'intérêt de l'enfant. ,,

La réflexion récente du Pape Jean-Paul Il dans sa « Lettre aux familles ,, (1) apporte un élément nouveau. Sauf erreur en effet, il n'est pas question d'adoption dans

ce document, et en particulier dans le paragraphe 12 qui porte comme titre (( La paternité et la maternité respon­sables"·

En effet, la vigueur avec laquelle le pape magnifie le lien indissoluble entre union des époux et procréation a pour conséquence qu'il refuse toute dissociation entre ces deux aspects de la sexualité. Or dans le cas des couples stériles, l'adoption suppose qu'il y a dissocia­tion, non par la volonté du couple, mais de fait . Une cer­taine exaltation - par ailleurs justifiée - du rapport char­nel dans ses deux aspects ne risque-t-elle pas de déconsidérer l'adoption, sans bien entendu que telle soit son intention ? Celle-ci est en effet de lutter contre toute assistance médicale à la procréation, qualifiée d' « artificielle "· Ne risque-t-on pas alors de décou­rager la parentalité « socialement assistée ., qu'est l'adoption ?

Ainsi la " connivence ., fondamentale entre notre adoption par Dieu et celle que peuvent pratiquer des couples ne se traduit-elle pas de façon évidente dans le discours chrétien et dans les pratiques auxquelles les chrétiens comme les autres peuvent avoir recours ? •

( 1) Voir n• 225 Médecine de l'Homme, pp. 23·26.

~ cif!:~,. ,~;;J;;;;,;~~n t.~ médico-.~o~i a~u: clzréti~11.~ ... If B,;.~~~ ~ .. ·~. f ·. - - par le o· Pierre Charbonneau

( l.f f.) t I 11rj \ f.'ftfl." /Jf:S f/ÔPff·I l X. ( '(, / \/()/ / :'.>;,

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Ce numéro est intitulé : " Le mystère de la rencontre - Réciprocité de l'écoute "·

En effet, toutes les personnes rencon­trées et les situations affrontées ne sont pas sans marquer les personnes qui assurent l'aumônerie dans les établisse­ments hospitaliers. Elles contribuent à leur maturation spirituelle et à découvrir ce que Dieu donne à connaitre de lui­même à travers les expériences humaines de toutes sortes, les heu­reuses comme les tragiques.

Le numéro contient d'abord trois textes sur la " rencontre ,, des malades qui, selon les textes évangéliques, est une œuvre de miséricorde qui nous renvoie au fondement même de la foi en Jésus­Christ.

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Nous trouvons ensuite trois textes sur l'écoute : en quoi l'écoute de l'autre nous fait-elle évoluer ? Telle est la question à laquelle répondent les trois auteurs. Enfin, une surveillante dans un service de gériatrie nous fait part de son expé­rience dans ce lieu où le registre de la rapidité, de l'utilité, de la rentabilité, doit céder la place à celui de l'humanité.

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Ce numéro intitulé «Église et psy­cl1iatrie '" est consacré à /'activité et à l'œuvre de Philippe Deschamps qui fut aumônier de psychiatrie, notamment à l'hôpital Sainte-Anne. Très vite, Philippe Deschamps sentit qu'il fallait transformer la formation de l'aumô-

nier afin qu'il puisse se situer avec jus­tesse dans des relations difficiles. Pour lui, également, les mentalités du monde avaient à découvrir un nouveau regard sur les malades mentaux. Mais tout ceci ne peut être réalisé s'il n 'existe pas une équipe. L'aumônerie doit être diversifiée : prêtres, religieuses, laïcs, hommes, femmes d 'âges diffé­rents. De plus doit s 'établir un dialogue entre parents, aumônier et psychiatres. Tels sont les dons de Philippe Des­champs et ses paroles dont témoignent de nombreux psychiatres, des infirmières et des parents de malades, et qui nous donnent une image de l'articulation du psychique et du spirituel. De plus, l'intérêt d 'une présence reli­gieuse en institution psychiatrique est souligné par un médecin des hôpitaux. Enfin, l'aumônier de l 'hôpital Sainte­Anne expose le rôle de /'aumônerie, qui est un service dans l'hôpital.

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Aspects psychologiques de l'adoption

par Mme Geneviève Delaisi de Parseval (*)

Qu'est-ce que l'adoption ? Pour comprendre la d ension psychologique tant de la demande d'individus de devenir parents adoptifs, que de celle de la société qui accède à cette demande, il convient de poser une pre­mière question : qu'est-ce qu'être parent, qu'est-ce que devenir parent ? Le mot anglais « parenthood », plus dynamique que sa traduction française (parentalité), peut se traduire par « qualité de parent, accès au statut de parent ». Cette notion a été pour la première fois théori­sée par l'ethnologue anglaise Esthel Goody (Parenthood and social reproduction, 1982). Cet auteur distingue cinq groupes de fonctions que peuvent ou doivent assumer des individus pour être considérés comme parents d'autres individus : 1. Concevoir et/ou engendrer. Porter. 2. Élever, nourrir, protéger, Fosterer (parenté nourricière). 3. Instruire, éduquer. 4. Se considérer comme responsable de ce que fait l'en­

fant, s'en porter garant. 5. Doter l'enfant à la naissance, d'un statut, d'un nom,

ainsi que d'un ensemble de droits et de devoirs.

Selon les sociétés, il peut y avoir fusion ou disjonc­tion de ces diverses attributions ou fonctions ; et les pos­sibilités de dissociations et de répartition des responsabi-1 ités adultes vis-à-vis de l'enfant sont susceptibles d'amples modulations: le cas de l'adoption plénière (en droit français) qui dissocie la fonction n° 1 de toutes les autres, en est un exemple classique ; les AMP avec don­neur de gamètes, ou la pratique des dons d'embryons en constituent un autre, de même nature. L'adoption simple en revanche (il y a cumul des liens de parenté), regroupe seulement les fonctions n°s 2, 3 et 4 (sauf engendrer et doter d'un nom, le nom des parents adoptifs s'ajoutant à celui des parents de naissance avec un trait d'union, tout un programme ... ).

Reformulé en d'autres termes, on peut dire, pour peu qu'on veuille réfléchir sur « l'art de donner la vie », que, pour qu'un enfant naisse et se développe, quatre « élé­ments » sont nécessaires, quatre cc dons ,, , comme on dirait dans les contes de Grimm.

Le don de la vie, tout d'abord, don pour lequel tout enfant est redevable à ses deux géniteurs, quelles que

(*) Psychanalyste.

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soient les suites de l'histoire entre eux. On pourrait esti­mer que la reconnaissance de l'enfant devrait, dans ce cas, être plus marquée vis-à-vis de sa mère que vis-à-vis de son père ; mère qui a vécu la grossesse et l'accou­chement, qui a senti le fœtus se développer en elle. Mais cette constatation, en apparence marquée du sceau du ~o,n sens, est en ,fai_t i~filtrée d'idéologie (la part du père a ete longtemps neghgee), et la classique absence ou fuite des pères, dans les histoires d'abandons d'enfants, n'est pas toujours si simple, ce sont parfois eux qui sont aban­donnés par la mère, ignorant même parfois qu'ils ont conçu un enfant. Il faut en outre savoir que si les enfants adoptés cherchent d'abord à savoir qui est leur mère, c'est aussi parce qu'à travers leur mère ils pensent avoir des informations sur leur père. Il demeure néanmoins que le travail du père pendant la grossesse et l'accou­chement est moins lourd et pénible que celui de la mère (bien que la couvade existe ... ).

On trouve, en second lieu, le don qui consiste à être inscrit dans une lignée, une généalogie, maternelle et/ou paternelle : c'est le classique «fils de » (ou «fille de ») qui existe - sous des modalités lignagères diffé­rentes - dans toutes les cultures; lorsque l'enfant naît, il a sa place dans l'arbre généalogique de sa famille (quand bien même il serait en bout de chaîne ou serait le ~ernier de la branche). Les enfants adoptés, seront, eux, inscrits comme les autres, dès leur adoption dans leur lignée familiale (ils hériteront comme les autres etc.). Les ethnologues ont montré, dans les sociétés à lignage, comment une éthique lignagère organise l'adoption d'en­fants comme une juste répartition d'enfants : la stérilité de certaines femmes est compensée par la surfécondité d'autres femmes. Les enfants circulent alors par le canal offert par la parenté.

L'enfant reçoit, en troisième lieu, un nom et un pré­nom, marques d'appartenance, balises symboliques de l'identité. Ce troisième don est, en principe, immédiat aussi dès la naissance. Sauf dans les cas de filiation non connue ou non établie. Or, précisément dans ces cas, quand cela donne lieu à un consentement à l'adoption, il nous semble très important de laisser à la mère la possi­bilité de donner un prénom à l'enfant; et surtout de lui indiquer la possibilité de laisser son nom, même si elle signe l'acte de consentement à l'adoption (un accouche­ment secret n'est pas forcément anonyme). Dans la loi française, cette possibilité s'appelle « filiation connue mais non établie» aucun lien n'est créé entre la mère et l'enfant, mais cela évite le traumatisme du dossier vide au cas où l'enfant, à l'âge adulte, demanderait à le connaître.

Un enfant, en effet, n'est pas né de « rien »1 encore moins d'un étalon ou d'une pondeuse, il est né d'un être humain qui ne peut en aucun cas être réduit à un fournis­seur de gamètes ou de bébé. Or les êtres humains ne peuvent faire leur deuil que du « connu ». Le travail de deuil est une élaboration psychique qui opère à partir de certaines traces qu'a laissées le « disparu » (le mort ou, dans le cas de l'adoption, le(s) parent(s)s perdu(s) ou abandonnant(s), traces que !'endeuillé reprend et rejette. Avoir été abandonné à la naissance, c'est dur certes mais c'est une blessure qui peut se cicatriser, êtr~ dépas~ sée, surtout si la parentalité avec les parents adoptifs s'est bien passée. Et aussi si l'adopté peut avoir des info~mations sur les circonstances, presque toujours dra­matiques, et la plupart du temps, « excusables », qui ont

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conduit sa mère de naissance à le confier à d'autres après l'avoir remis, donné.

Le quatrième don, c'est, bien sûr, le fait d'être « materné », aimé, élevé. Dans l'espèce humaine, mar­quée par la néotémie du nourrisson, ce quatrième don est aussi important que les trois autres : faute de soins constants à la naissance et dans le plus jeune âge, le petit d'homme, on le sait, meurt - à la différence d'autres mammifères. Ce quatrième don peut, à l'évidence, être prodigué par n'importe qui en dehors de la famille pré­créative. Et l'adoption ne change pas ce don là de vie, à la nuance près toutefois du « sas » que le bébé vivra entre sa naissance et le moment de l'adoption par ses parents.

L'exposé de ces quatre dons apporte, par paren­thèse, un éclairage sur la question de la cc propriété » de l'enfant: cela montre qu'il ne suffit pas à un homme d'engendrer, à une femme d'accoucher, pour être reconnus automatiquement comme père et mère d'un enfant.

Dans les familles les plus habituelles encore dans notre société, ces quatre dons co-existent en la personne de deux parents en général, qui tout à la fois donnent la vie et élèvent l'enfant. Mais dans le cas de l'adoption (comme dans celui des procréations assistées avec don­neurs), il existe une répartition originale de ces quatre dons, essentiels pour permettre à un être humain de devenir adulte.

Mais j'insiste pour conclure, sur le fait qu'à l'écoute de ces différents patients que j'ai entendus sur ce sujet, il m'est apparu que le don de la vie semblait constituer un don privilégié, unique,« à part», et que rien, dans les cas où il y a rupture totale avec le parent géniteur (et s'il ne peut pas y avoir d'expression naturelle de la reconnais­sance - dans les deux sens du terme - due aux parents de naissance), que rien ne permet d'effacer complète­ment le sentiment de reconnaissance, de dette, que les enfants ressentent à l'égard de celle qui, au lieu d'avorter peut-être, a conservé sa grossesse et leur a donné la vie. D'où, à mon sens, l'importance de pouvoir permettre aux enfants adoptés de pouvoir exprimer d'une façon ou d'une autre ce « merci ,, , s'ils le souhaitent, à un moment ou à un autre de leur vie (ce n'est pas forcément à l'ado­lescence que ce besoin se manifeste, cela peut être au moment de procréer, au moment de devenir grand­parent, ou encore plus tard).

Le point essentiel, pour une saine éthique de la reproduction, et si l'on veut avoir une véritable action pré­ventive pour les générations suivantes, me paraît être de t~ndre à ~e ,que les enfants adoptés (ou nés de procréa­tions ass1stees avec donneurs), ne soient pas pris dans des comportements de loyauté clivée entre leurs diffé­rents parents. D'où l'importance que je pense indispen­sable d'attacher à la transparence et à l'honnêteté sur la question des origines (ou du moins sur ce qu'on peut en savoir).

Afin que tous les protagonistes de ces histoires de « procréations à plusieurs parents » puissent, sinon se connaître, au moins se respecter mutuellement. Dans le domaine de la procréation, comme dans celui de la langue, on peut considérer (avec Boileau) que « ce qui se conçoit bien s'énonce clairement ». Il convient donc que les êtres humains puissent, là plus qu'ailleurs, peut-être, devenir sujet de leur histoire. 111

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XXIP Congrès national du C. C.M.F. à Bordeaux: 11-12 octobre 1997 Information, médecine et personne humaine

Le développement des moyens de communication et d'information en Médecine signe une évolution et nécessite une réflexion à tous les niveaux de l'exercice médical.

Le thème du Congrès de Bordeaux propose d'approcher cette question aux trois niveaux impliqués dans la Méde­cine de l'Homme : - le niveau humain, scientifique

psychologique - le niveau éthique - le niveau spirituel

Le Congrès du Centre Catholique des Médecins Français abordera les questions très actuelles de la communication en médecine sous le regard de la conception spiritualiste de l'Homme : " La Gloire de Dieu, c'est l'homme vivant ". Il $'attachera à so,uligner les ,enjeux de l'information pour l'homme et pour la société, à la lumière des perspectives de l'Evangile et de l'Eglise : " l'Eglise, experte en humanité ".

Le congrès National comportera des séances plénières et des temps de travail en groupe. Les thèmes des carrefours proposés sont les suivants : 1 ) L'information des familles, l'information des enfants ; 2) La communication en médecine du travail; 3) Communication et Prévention ; 4) Information, communication et soignants.

Les groupes C.C.M.F. des différentes régions de France sont invités dès maintenant à réfléchir sur le thème du Congrès. Pour favoriser un travail préliminaire, nous vous proposons pour chacun de ces sujets, quelques axes de questionnement susceptibles d'aider à amorcer la réflexion des groupes. Chacun de ces quatre thèmes pourra être abordé au niveau humain, éthique, spirituel.

Le groupe de Bordeaux et de la Gironde.

1. L'information de.~ famille.~, l 'i11formation de.~ enfant.~

a) Information des familles - Le secret médical est-il opposable dans tous les cas aux demandes d'informations des proches ? - Dans quelles circonstances peut-on (ou doit-on envisager de communiquer des informations aux proches des malades ? - Est-il souhaitable de ne communiquer qu'avec des interlocuteurs désignés par le malade lui-même ? - Quels interlocuteurs soignants les plus appropriés peuvent-ils donner ces informations à l'entourage ? Médecin spé-

cialiste ? Médecin généraliste ? Autres soignants ?

h) Information des er~/ànts - Faut-il toujours informer directement un enfant de sa santé et/ou de sa maladie ? Ou à partir de quel âge ? Pour toutes

les maladies ? - Doit-on informer en présence des parents ? Y a-t-il un âge à partir duquel on informerait sans la présence des parents ? - Si on informe les parents, doit-on tout leur dire? (clinique, biologie, radiologie, pronostic ... ) - Qui doit informer ? - En cas de séparation parentale, qui informer? - Y a-t-il trop (ou pas assez) de messages préventi~ destinés aux enfants dans les médias?

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XXI/" Congrès nalio11al du C. C.111.}~ à Bordeaux

II. La co11u1uulicalio11 eu médeciue du travail

a) /Jans le do111ai11e d<' la médecine du I mrail. une certaine 11uflia11ce e.i·iste même si les médecins du I mrail sont tenus a11 secret médical!

- Que peut dire le médecin traitant au sujet d'un patient ayant une maladie ou un traitement susceptible de contre-indi­quer l'affectation à un poste de sécurité?

- Sous quelles conditions un médecin du travail peut-il transmettre le dossier médical d'un salarié changeant d'em­ployeur au médecin du travail de la nouvelle entreprise?

- Comment solliciter le reclassement d'un salarié à un autre poste sans révéler quelques éléments de pronostic, si ce n'est de diagnostic, à l'employeur?

h) L'f ,·0111111u11i('(tfio11 de re11seiµ,1w11w11ts 111édica11.r wt.r sociétés d'assurances peul poser des pro/Jf <'lll<'S :

- Que dire ? Sous quelle forme ?

- À qui remettre les certificats ?

- Que deviennent les certificats médicaux transmis aux médecins conseils des sociétés d'assurances ?

- Comment permettre aux bénéficiaires d'un contrat d'assurance-vie d'apporter les preuves qu'on leur demande au sujet de l'assuré décédé ?

III. Cm1111uulicatio11 et préve11tio11

La prévention n'est pas seulement un problème individuel, c'est un objectif primordial de Santé Publique qu'il s'agisse de maladies infectieuses, de pathologie cardio-vasculaire ou des conséquences des accidents de la route. Nombre de ces affections sont liées à des facteurs de risque dépendants largement du comportement individuel ou collectif des personnes.

La prévention peut être rendue obligatoire par le pouvoir politique. Mais dans le souci de responsabiliser les per­sonnes et de respecter leur liberté, la prévention se base de plus en plus sur le volontarisme individuel. Elle repose alors sur l'utilisation des moyens de communication écrits, audio-visuels pour convaincre et modifier les comportements à risque.

Comment protéger les membres de la Société des personnes potentiellement dangereuses (alcooliques, délinquants sexuels, séro-positifs pour le V.l.H.), sans trahir le secret médical ?

De qui doit émaner la Communication sur la Prévention?

Comment assurer son objectivité et éviter toute démagogie?

Comment respecter la liberté individuelle tout en cherchant à modifier le comportement de l'individu ?

Comment tenir compte des croyances, des religions, des habitudes, des sensibilités, de l'hétérogénéité des publics à qui sont destinés les messages préventifs?

Comment éviter que l'information puisse entraîner des conséquences préventives disproportionnées : affolement en cas de méningite, psychose de l'E.S.B. (Encéphalite Spongiforme des Bovidés), rejet des séro-positifs pour le V.l.H ... ?

IV. /11formatio11, co111111uuicatiou el .'1oigua11t . .,.

Eu 11u;d<'f'Ï11e. la co1111111111i('(t/Ùm et /'ù~/i>r11wtio11 se sit11e11t il deu.l" nireau.i·:

- Le niveau externe - information du public, communication médiatisée. Une séance plénière abordera ce thème (Médecins, Médi·as et anthropologie).

- Le niveau interne - communication entre les différents membres des équipes soignantes. Communication entre les membres de professions distinctes contribuant aux soins des malades.

Quels modes de communication fonctionnent dans ces situations ? Quelles approches humaines, éthiques et spirituelles est-il souhaitable de développer?

Comment comprendre et mettre en pratique une collaboration active entre soignants dans des rôles préventif, édu-catif et promotionnel de la personne ? []

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n

Rencontre régionale des médecins, pharmaciens et professions de santé et Journée Nationale du C. C.M.F. Luzarches, 6 ,octobre 1996 Médecine et Evangile

intervention prononcée par le Père Jean-Claude Besanceney (*) " La médecine : une mission créatrice »

Sujet traité en 15 points : 1. POURQUOI Y A-T-IL QUELQUE CHOSE PLUTÔT

QUE RIEN? 2. « À NOTRE IMAGE, SELON NOTRE RESSEM-

BLANCE» 3. DIEU « TOUT ENTIER » EST CRÉATEUR 4. LA BLESSURE ORIGINELLE 5. L'HUMANITÉ : BLESSÉE OU cc RATÉE »

6. UN CRÉATEUR INDIFFÉRENT? 7. LA CRÉATION AU QUOTIDIEN 8. LA PROCRÉATION COMME PARTICIPATION ÉMI­

NENTE À LA CRÉATION 9. LA SECONDE MISSION

1 O. LA SEIGNEURIE DU MONDE 11. L'EXTENSION DE LA CRÉATION 12. LA PROFESSION COMME PARTICIPATION À LA

CRÉATION 13. TRAVAIL ET PÉNIBILITÉ 14. LA MORT COMME SIGNE SUPRÊME DE LA

FINITUDE 15. LA CRÉATION EN GESTATION

Ce que je vous propose ce matin, c'est de nous mettre à l'écoute de la Parole de Dieu pour mieux entrer dans ce qui me semble être le fondement même de l'exis­tence chrétienne : l'existence humaine, l'existence tout court.

Nous essaierons de redécouvrir ces textes anciens qui ont nourri la foi du peuple de Dieu et ont permis à quelques uns de ses membres de reconnaître en Jésus, le rabbi de Nazareth, l'envoyé de Dieu promis depuis si longtemps. Textes qui font aujourd'hui la joie des psy­chanalistes, car ils nous parlent comme personne de l'homme de tous les temps.

C'est que toute parole de Dieu est bonne nouvelle ; qui culmine certes dans les quatre témoignages de Matthieu, Marc, Luc et Jean, mais qui ne s'y réduit pas.

À un moment de l'histoire où se développent les droits de l'homme, mais où les sciences humaines peuvent être tentées de ramener l'homme à l'un ou l'autre de ses multiples visages, essayons de redécouvrir «l'homme selon Dieu». L'homme selon Dieu pour nos pères dans la foi, l'homme selon Dieu qui s'est enrichi pour nous chrétiens pour devenir« l'homme selon l'Esprit de Jésus-Christ».

J'ai conçu cet entretien moins comme un exposé théologique que comme une méditation qui est aussi la mienne. C'est pourquoi elle n'est pas structurée en grandes parties, mais comme une suite de paragraphes, comme des couplets qui auraient un même refrain.

1. Pourquoi y a-t-il quelqtœ clw.*;t' plutôt que rien ?

Toutes les traditions religieuses ont élaboré des cos­mogonies. L'homme ne peut pas vivre s'il ne tente pas de donner sens à ce qui fonde son être au monde, à ces aspects essentiels qu'en sont la vie, la souffrance, la mort, la sexualité, les différents âges de la vie, l'existence des autres vivants, des phénomènes cosmiques. cc Pour­quoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ? ,, : Tenter d'y répondre est la raison de l'élaboration des cosmogonies. Ce n'est évidemment pas le lieu ici de les détailler. Reste que l'aspiration humaine au sens recquiert d'une manière ou d'une autre une réponse.

Dans le recueil des textes de la parole de Dieu, le livre de la Genèse vient en premier. Alors que les contes commencent tous par la phrase rituelle« Il était une fois ... »,

le premier livre de la Parole de Dieu porte le nom de Genèse, c'est-à-dire l'engendrement, l'origine. Et son premier mot est « Au commencement... ,, . Un commen­cement qui n'est pas dans le temps, mais dans la profon­deur. Le commencement, c'est ce qui est primordial, fon­dateur, originel, dans l'homme ...

(*)Aumônier national du C.C.M.F.

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Rencontre régionale à Luzarches, 6 octobre 1996

Cette présentation de la Genèse « en tête » est rela­tivement tardive dans l'histoire du livre comme tel. Les exégètes s'accordent pour estimer que la composition actuelle des premiers livres de la Bible date du v0 siècle avant Jésus-Christ, et s'est réalisée à partir de diverses traditions dont certaines remontent à Moïse.

Ainsi, le noyau de la foi du peuple d'Israël ne s'est pas constitué autour d'une nouvelle cosmogonie, mais au,tour du récit d'une expérience : celle de la sortie d'Egypte, de la libération de l'esclavage, et de l'alliance. L'expérience de ce peuple d'être créé par Dieu. Il s'agit d'exprimer une rencontre fondatrice et non de donner une explication.

Cette sortie d'Égypte a constitué comme l'acte de naissance de ce peuple, et, le premier, il a« lu les signes des temps» comme le dira bien plus tard le Concile, et découvert dans cette naissance l'action du Dieu d'Abra­ham, d'Isaac et de Jacob, dont la tradition s'était conser­vée. Et c'est parce que Dieu s'est ainsi révélé comme créateur d'un peuple que la conviction s'est forgée qu'il était aussi le créateur de l'humanité toute entière et même de son berceau qui est le monde cosmique.

Ce n'est donc pas pour répondre à la question « Pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ? » que le peuple hébreu a élaboré les diverses traditions qui ont abouti au texte de la Genèse, mais pour étendre à tout ce qui existe l'expérience de foi qu'ils avaient faite. Aussi la création est-elle objet de foi, et non de convic­tion philosophique. Notre « Credo» suivant la formule dite « Symbole des apôtres » commence par : Je crois en Dieu le Père tout puissant, créateur du ciel et de la terre.

Il. « A notre imag;e, .,,efon notre re."l."lemblance »

Cette expérience fondatrice de la foi du peuple de Dieu c'est celle d'une histoire : histoire qui se déroule entre un acteur principal qui est Dieu, et d'autres acteurs que lui-même fait venir à l'existence.

Mais, pour revenir au texte de la Genèse, il les pré­sente de manière diverse. Sans revenir en détail sur le cadre symbolique des 6 jours, un moment vient - le 6e justement - où Dieu dit « Faisons l'homme à notre image, selon notre ressemblance».

Alors que les créations des autres existants : le monde cosmique, végétaux, animaux, se réalise du seul fait d'un optatif « Que la lumière soit. .. Qu'il y ait des lumi­naires au firmament du ciel, que la terre se couvre de ver­dure ... », la création de l'homme est exprimée d'une toute autre manière. Il n'est pas dit« Que l'homme soit» mais « Faisons ». Comme si une délibération nouvelle et profonde avait été nécessaire. Il s'?git maintenant d'une toute autre catégorie d'être créé « A la solennité du « fai­sons » répond l'éminente dignité de l'homme. cc Faisons l'homme à notre image, selon notre ressemblance». Telle est la source ultime de la dignité humaine, même si elle a d'autres dimensions. Fondée aujourd'hui sur l'ap-

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partenance à la famille humaine, ce qui est exact, cette dignité a pour le chrétien une source plus profonde encore.

III. Dieu « tout entier » e.d créateur

« Faisons » dit Dieu ; pluriel qui laisse déjà entendre que Dieu ne peut se réduire à une personne, qui pour le coup serait à notre image, suivant l'aphorisme de Voltaire. Il faudra attendre des siècles pour que la foi juive pressente cette richesse intérieure de Dieu, notamment dans les derniers siècles avant Jésus-Chist, avec la mise en valeur de la Sagesse de Dieu presque personnifiée. Ainsi la révélation était parvenue à un stade de maturité telle qu'elle devenait le berceau de la révélation plénière du visage de Dieu ; celui que nous présente Jésus, Parole du Père nous parlant de Lui et promettant I' Esprit aux apôtres.

Cet acte de création, c'est bien le Dieu.de Jésus qui ne cesse de le poser : il a fallu attendre l'Evangile pour découvrir que c'est « par lui », Jésus-Christ parole suprême du Père, que « tout a été fait » - c'est l'apôtre Jean qui nous l'affirme dans le prologue de son évangile -mais le livre de la Genèse nous dit aussi que « le souffle de Dieu planait à la surface des eaux», des eaux primor­diales. Le verbe, le souffle qui se sont manifestés concrè­tement dans l'histoire par l'Incarnation et la Pentecôte, ils sont acteurs de la création. C'est bien Dieu Père Fils et Esprit qui est créateur.

La formule du Credo de Nicée affirmant « Je crois en un seul Dieu, le Père tout puissant, créateur du ciel et de la terre » ne dit pas que le Père est seul créateur : car en effet il l'est. Mais comme il est aussi l'origine du Fils « Dieu né de Dieu, lumière née de la lumière, vrai Dieu né du vrai Dieu, engendré non pas créé, de même nature que le Père : voici présenté le Fils, le Verbe de Dieu. Et le Credo continue : et par lui tout a été fait ».

IV. La bles.~ure originelle

«Faisons l'homme à notre image, selon notre res­semblance ,, . Est-ce pour se contempler en l'homme comme dans un miroir que Dieu s'exprime ainsi ? Si telle était son intention, il aurait été vite déçu. Car l'homme se détourne du projet d'alliance de Dieu. Il veut se suffire à lui-même. Suffisance qui constitue le péché fondamental, celui où les autres prennent leur source, et c'est pourquoi on l'appelle originel. En ne respectant pas l'interdit qui lui est proposé, et qui fonde l'aJtérité, l'homme refuse l'alliance. Après celui du jardin d'Eden et de la transgres­sion fondamentale, c'est de ce désordre fondamental dont témoigne le récit de l'état du monde à l'époque de Caïn, de la Tour de Babel, puis de Noé. Avec persévé­rance, avec fidélité, Dieu prend envers l'homme un nou­vel engagement : c'est l'alliance avec Noé, c'est-à-dire avec tout le genre humain. Car Dieu lui dit « Voici le signe de l'alliance que je mets entre moi, vous et tout être vivant avec vous pour toutes les générations futures ,, .

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C'est bien avec la totalité des êtres vivants et pour toute l'histoire que Dieu propose son alliance.

Restons un instant sur cette parole, un peu oubliée. Car dans notre vision chrétienne de l'histoire du monde, il y a l'ancienne alliance, c'est-à-dire celle conclue par Dieu avec le peuple hébreu par l'intermédiaire de Moïse, et la nouvelle, dernière et éternelle, en Jésus-Christ. Dans ces conditions, l'ancienne alliance n'est telle que par rapport à la dernière. Ainsi, ne pas prendre en compte l'alliance universelle avec Noé, c'est faire comme si Dieu n'avait commencé à s'intéresser à l'humanité qu'à partir d'Abraham et de Moïse. C'est pourquoi nous devons nous réjouir que cette conviction d'une alliance anté­rieure, moins profonde peut-être mais plus large, soit inscrite dans la prière chrétienne. En effet, dans la pré­face de la 4° prière eucharistique, il est affirmé : « Comme il (l'homme) avait perdu ton amitié en se détournant de toi, tu ne l'as pas abandonné au pouvoir de la mort. Dans ta miséricorde, tu es venu en aide à TOUS LES HOMMES pour q,u'ils te cherchent et puissent te trouver. Tu as MULTIPLIE LES ALLIANCES AVEC EUX, et tu les as formés, par les prophètes, dans l'espérance du salut».

V. L'humanité : ble.~.~ét>. ou « ratée »

Venons-en donc à cette rupture qu'évoquait à l'ins­tant la prière liturgique. « Par le péché d'origine, nous dit le catéchisme des évêques de France, la nature humaine a été gravement blessée» (1). Une de nos contempo­raines, dont la réputation est dûe plus à ses talents de poètesse que de théologienne, nous propose une autre expression dans un petit conte peu connu : je veux parler de Marie-Noël. Je ne résiste pas au plaisir de vous en citer des extraits : elle nous explique avec humour comment l'homme a été« créé raté» (2).

Blessé ou raté il n'empêche qu'il est seul, et reste seul, à être« image et ressemblance». Mais en le créant tel, Dieu a pris un risque, un risque considérable, il a commis une imprudence invraisemblable : librement, il a fait l'homme libre comme Lui. Libre du oui, libre du non. Créer l'homme, pour faire alliance, c'était « prendre le risque de l'Autre ».N'en est-il pas ainsi de toute alliance?

VI. Un créateur ituliffértmt ?

En lisant ces poèmes de la création, on peut avoir l'impression que tout cela se fait un peu tout seul, qu'en quelque sorte Dieu ne s'engage pas vraiment dans cette histoire, qu'il réalise tout cela sans vrai projet, comme pour éprouver sa puissance. Cependant, comme le dit le Père Varillon, dans sa magnifique méditation sur l'humi­lité de Dieu « Dieu créateur n'est pas un astre qui se donne des satellites» (3). En effet, tant les textes de l'an­cienne alliance que ceux de la nouvelle nous le montrent

(1) § 118. (2) Je le résume : au soir du s• jour, Dieu crée le chien, qui aussitôt lui

lèche la main, et finit par lui demander de n'être pas sans compagnon sur la terre. Dieu, refuse, parce qu'il craint de rater cette nouvelle œuvre. Mais devant l'insistance d'un être si brave et si réussi, Dieu finit par céder - et je cède moi aussi la parole à Marie-Noël " Va, dit-il au chien, qu'il soit fait selon ton cœur "· Et Dieu créa l'homme. L'homme est raté, naturellement. Le bon Dieu l'avait bien dit. Mais le chien est joliment content"·

(3) P. Varillon, L'humilité de Dieu, Le Centurion 1974, p. 160.

bien : ce grand dessein de Dieu, longuement mûri comme le révèle le solennel « faisons », cette alliance voulue avec l'humanité et chaque personne qui en est membre, il peut être remis en question par l'homme, puis­qu'il est libre. Ainsi Dieu se rend vulnérable. La puissance qui semble se révéler dans la création comme un pouvoir, elle est d'abord un engagement inspiré par l'amour.

Créé pour entrer en dialogue, en réciprocité avec Dieu, l'homme s'en détourne pour mener sa propre aven­ture. Si bien qu'en le créant à son image, Dieu se livre à l'homme qu'il a créé.

Et ce Dieu dont on dit si facilement qu'il est « tout puissant », il est bien celui que Jésus nous révèle en plé­nitude par toute son existence temporelle, ses actes, son comportement, ses paroles. Et parmi celles-ci les para­boles: le Dieu créateur, c'est bien le même que ce Père dont nous parle par exemple l'évangile de Luc dans le passage dit « de l'enfant prodigue » : il donne sans compter, et il pardonne sans demander de comptes, et rétablit ainsi le fils ingrat dans sa dignité première. Lui qui avait donné la vie à ce fils, voici qu'il le « recrée » pour ainsi dire. Sa souffrance de Père, l'évangile l'exprime sobrement « Comme il était encore loin, son père l'aper­çut et fut pris de pitié. Il courut se jeter à son cou et l'em­brassa tendrement» Beaucoup d'entre nous ont certai­nement en mémoire la magnifique expression picturale qu'a donné Rembrandt de cet accueil. Ainsi le dessein d'alliance de Dieu, compromis par l'homme, est pleine­ment rétabli : il a fallu que Dieu souffre de l'éloignement de cette humanité qui est sa fille et qui s'était détournée de lui.

Voilà donc à quelles extrémités Dieu est conduit par ce projet insensé de doter l'homme de liberté : c'est dans l'incarnation, la venue en humanité, puis la passion du Seigneur Jésus que ce désintéressement, cette pau­vreté, cette vulnérabilité ce dénuement fondamental de Dieu se manifeste à l'extrême : « livré » aux mains de l'homme devenu ennemi quand c'est sa face de refus, de péché qu'il montre. C'est dans l'humanité de Jésus­Christ que se manifeste à l'extrême l'implication profonde de Dieu dans l'aventure de la création de l'homme et de son déroulement dans l'histoire. L'auteur spirituel déjà cité s'exprime ainsi : «Dieu est tel que sa richesse, sa liberté, sa puissance - richesse d'amour, liberté d'amour, puissance d'amour - ne peuvent être et ne sont en fait traduites, exprimées, révélées, que par la pauvreté, la dépendance et l'humilité de Jésus-Christ ». Le même auteur a consacré tout un ouvrage à « La souffrance de Dieu».

Comme on est loin de la notion de Dieu créateur que Pascal reprochait à Descartes : «Je ne puis, dit-il, par­donner à Descartes. Il aurait bien voulu, dans toute sa philosophie, se passer de Dieu ; mais il n'a pu s'empê­cher de lui faire donner une chiquenaude, pour mettre le monde en mouvement. Après cela, il n'a plus que faire de Dieu » (4). Ou plus généralement de la notion philoso­phique d'un Dieu « premier moteur » impassible. C'est pourquoi il opposait le « dieu des philosophes et des savants» et le «dieu de Jésus-Christ», En réalité, la synthès~ des deux images de Dieu avait été réalisée au Moyen Age par saint Thomas d'Aquin. Seule donc la foi en Jésus-Christ nous permet d'approcher la profondeur

(4) Pensées, édition Brunswicg, article Il, pensée 63.

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de l'engagement de Dieu dans sa création, dont l'homme est le sommet.

L'influence du cartésianisme a certainement pesé sur notre représentation de la création. Notre foi n'est-elle pas marquée par un certain dualisme : d'un côté, le créateur, de type cartésien ; de l'autre le Dieu Père, de Jésus-Christ et de nous-mêmes ? Dualisme qui remonte peut-être plus loin encore que Descartes, car cette oblité­ration de la théologie et de la spiritualit~ de la création remonte sans doute à la fin du Moyen Age. Il nous faut reconnaître que notre foi est beaucoup plus centrée sur la personne de Jésus-Christ et sur le «salut», c'est-à­dire l'ouverture au Royaume de Dieu, que sur la création. Or le salut est « ra-création ,, , restauration plus magni­fique encore que la création première ne l'était.

Nous pouvons remarquer à ce sujet que jusqu'au x11° siècle, l'art chrétien représentait le Christ élevé au dessus du temps, sous diverses figurations ; notamment l'icône du Christ en majesté, le Pantocrator, le Seigneur, ou celle de l'agneau de I' Apocalypse : de toute manière, on présentait à la foi l'aboutissement glorieux de la res­tauration universelle et non d'abord le chemin douloureux qui l'a rendue possible. Et depuis cette époque, à la suite de la rupture entre l'Eglise d'Orient et celle de l'Occident, l'emblème du Christ en occident est plutôt la croix, car c'est par le don de sa vie que l'alliance est rétablie, tandis qu'en Orient le symbole du Christ reste celui de la tradi­tion antérieure. Autre dissociation néfaste pour la foi, ainsi d'ailleurs que pour le dialogue œcuménique.

L'apôtre Paul nous propose la vision de Jésus : celui en qui le Père rassemblera toute l'humanité, et même toute la création, et ce sera la fin des temps « Il est l'image du Dieu invisible premier né de toute la création. Tout a été créé par lui et pour lui, il est avant tout, et tout subsiste en Lui. Il a plu à Dieu de tout réconcilier en lui et pour lui et sur la terre et dans les cieux» (5).

Ainsi le même projet d'alliance, amorcé par la créa­tion, actualisé par l'alliance avec Noé, puis concrétisé par le choix d'un peuple - le peuple de l'alliance conclue par Moïse en son nom avec le Seigneur libérateur de l'escla­vage. Ce même projet atteint sa plénitude, avec cette alliance « nouvelle et éternelle » en Jésus-Christ que nous vivons par la foi et que nous célébrons dans chaque Eucharistie. Et enfin ce projet trouvera son accomplisse­ment total au jour du retour du Christ en gloire et de la restauration universelle.

VII. La création au quotidien Cet engagement de Dieu, Père Fils et Esprit dans sa

création, il nous est possible de le vivre quotidiennement. Car, pour continuer la citation du catéchisme des évêques de France « L'image de Dieu a été ternie, comme elle l'est toujours, par le péché. Elle n'a pas été, et n'est JAMAIS, détruite ». Même Caïn, meurtrier de son frère, n'est pas rejeté par Dieu: mais il portera le poids de sa faute.

(5) Paul, Lettre aux Colossiens, 1, 10-15.

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En approfondissant le sens de notre baptême, qui nous donne d'être «fils», nous nous recevons nous­mêmes de Dieu. Car nul n'est sa propre source. Nous sommes là au cœur du débat contemporain entre la foi, qui est reconnaissance de Dieu comme origine et source de tout ce qui existe, et l'humanisme athée, pour reprendre le titre d'un ouvrage célèbre (6). Et comme l'écrit un des tenants de ce courant athée, et non seule­ment agnostique, toujours activement présent notam­ment dans le monde scientifique et médical : « L'homme sait enfin qu'il est seul dans l'immensité indifférente de l'univers d'où il a émergé par hasard» (7).

VIII. La procréation comme participation émille11te à la création

Dans son Encyclique L'évangile de la vie comme dans sa lettre aux familles, le pape Jean-Paul Il insiste sur la procréation comme participation éminente à la création. Il s'agit en effet de la première mission donnée au couple humain : «croissez, multipliez-vous, remplis­sez la terre" »et le pape développe ainsi cette mission « quand apparait un nouvel être humain, il apporte avec lui au monde une image et une ressemblance particulière avec Dieu lui même,, (8).

Aussi suis-je, comme sans doute beaucoup d'entre vous, en désaccord avec la formule qu'on entend sou­vent de « faire un enfant ». On ne fait pas un enfant comme on fabrique un objet. L'enfant est essentiellement don, fruit du don de ses parents l'un à l'autre, signe de gratuité, et pour les parents, accomplissement de leur mission de fécondité. Par la génération, l'homme et la femme sont pleinement image de Dieu créateur. Lorsque nous nous savons, lorsque nous nous reconnaissons créés par amour, nous savons que nous ne sommes pour rien dans notre propre existence, et les parents savent qu'ils sont pour si peu dans le processus qui donne l'exis­tence à leurs enfants. N'est-ce pas dans l'éducation plus que dans la génération que la partipation des parents à la création apparaît plus manifeste ?

IX. La .fteconde mi.'l.'lion

Outre celle de la fécondité, Dieu confère à l'homme une autre mission : « soumettez la terre ", et "je vous donne tout ,, dit Dieu à Noé.

La fonction de l'homme est donc de travailler à mettre en œuvre, à exploiter, au bon sens du terme, un monde qui lui est donné inachevé, parfois même simple­ment ébauché, «brut de décoffrage,, si l'on peut dire. Dieu qui nous donne tout ne nous dorme rien tout fait. Ni le monde, ni la société, ni même l'Eglise. En ce sens, toute activité humaine même la plus simple participe au

(6) Le drame de l'humanisme athée, P. Delubac. (7) -!acques Monod, Le hasard et la nécessité, conclusion. (8) Evangelium Vitae, § 43.

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travail de création. Aussi faut-il que l'homme cultive le sol, et nous savons combien dans l'évolution du rameau humain le passage du stade de la cueillette et de la chasse à celui de la culture et de l'élevage a été un seuil décisif et a permis, avec la sédentarisation, la naissance des cultures humaines. Le pain et le vin que nous pré­sentons pour I' Eucharistie est« fruit de la terre et du tra­vail de l'homme ». De même que le petit de l'homme ne devient totalement humain que par l'amour, le soin constant, l'attention de ses parents : tout le monde connaît l'histoire des « enfants sauvages ».

Avant d'explorer les conséquences de cette seconde mission de l'homme, il faut rappeler que même le « non travail », la gratuité est l'image du 7° jour, et là je cite la Genèse : « Dieu bénit le septième jour et le consacra, car il avait alors arrêté toute l'œuvre que lui-même avait créée par son action». Insistance qui souligne que Dieu ne restait vraiment pas extérieur à ce qu'il avait fait. Que ce jour de gratuité soit celui de la célébration religieuse, de la rencontre amicale, du jeu, du loisir, du divertisse­ment - n'en déplaise à Pascal -, de la distraction : quelles que soient les formes de la gratuité du 7° jour, il est lui aussi œuvre de Dieu.

X. La seigneurie de l'homme

Dans son Encyclique« L'évangile de la vie», le pape Jean-Paul Il insiste longuement sur la responsabilité confiée à l'homme au titre de la création : « Le texte biblique, dit-il, met en lumière l'ampleur et la profondeur de la seigneurie que Dieu donne à l'homme. » Il s'agit avant tout de la domination sur la terre et sur tout être vivant, comme le rappelle Je livre de la Sagesse : " Dieu des pères et Seigneur de miséricorde, par ta Sagesse, tu as formé l'homme pour dominer sur les créatures que tu as faites, pour régir le monde en sainteté ». Le Psalmiste, lui aussi, exalte la domination de l'homme comme signe de la gloire et de l'honneur reçu du créateur " Tu l'établis sur les œuvres de tes mains, tu mets toute chose à ses pieds» (9).

XI. L' e:1:teruû011 de la créati011

Le terme est restreint souvent à l'ensemble cos­mique, et il est certain que le spectacle du monde est parole de Dieu. Il y a pour tout homme une occasion de contemplation dans la nature, sans pour autant qu'elle soit romantique. Les psaumes évoquent souvent cet aspect, que nous retrouvons également dans la prière chrétienne, témoin cette «préface,, où on s'adresse au Père « toi, créateur de tous les éléments du monde, maitre des temps et de l'histoire. C'est toi qui as formé l'homme à ton image et tu lui as soumis l'univers et ses merveilles. Tu lui as confié la création pour qu'en admirant ton œuvre, il ne cesse de te rendre grâces, par Jésus­Christ Notre Seigneur,, (10).

Mais la création n'est pas que spectacle. C'est bien ce qu'exprime un des psaumes de la création, qui montre bien la continuité entre la création cosmique et la mission

(9) Évange!ium Vitae, § 42. (10) s• préface des dimanches ordinaires.

de l'homme « Bénis le Seigneur, ô mon âme, Seigneur mon Dieu tu es si grand ! De tes demeures tu abreuves les montagnes, et la terre se rassasie du fruit de tes œuvres. Tu fais pousser des prairies pour les troupeaux et les champs pour l'homme qui travaille. De la terre il tire son pain ; le vin qui réjouit le cœur de l'homme ,, ( 11 ) . Ainsi donc, toute activité humaine, même la plus humble, permet au dessein créateur de Dieu de s'actualiser, de prendre forme. Chaque matin, nous recevons de nou­veau, avec la conscience émergée du sommeil, la mis­sion de « soumettre » l'univers, de lui appliquer nos connaissances de plus en plus vastes à travers nos tech­niques de plus en plus complexes.

On comprend cependant que le terme de création s'applique couramment à la production culturelle, artis­tique ou littéraire, ou éventuellement encore à la fonda­tion d'une institution, d'une organisation, d'une associa­tion. C'est qu'en effet ces différentes productions sont sorties de rien, comme toute l'œuvre de Dieu est sortie du chaos originel. « La terre était déserte et vide, et la ténèbre s'étendait à la surface de l'abîme».

Mais la création n'est pas que l'origine, elle se déploie dans le temps et le quotidien. Cette mission sans cesse renouvelée ne confère-t-elle pas au travail une sorte de dignité, comme si la dignité de l'homme qui le réalise débordait sur lui. C'est pourquoi l'homme sans travail perd quelque chose de sa dignité, et pas seule­ment de son rôle social.

Et comme bien peu de personnes ont conscience que leur travail est participation à la création, il nous appartient à nous chrétiens de porter le travail humain dans notre prière et notre eucharistie pour que retourne à Dieu ce qu'il nous a donné.

Cet aspect lui aussi pris en compte dans la prière chrétienne, comme en témoigne cette prière du mardi de la 11° semaine ordinaire: « Dieu qui ne cesses de créer l'univers, tu as voulu associer l'homme à ton ouvrage : regarde le travail que nous avons à faire: qu'il nous per­mette de gagner notre vie, qu'il soit utile à ceux dont nous avons la charge et serve à l'avènement de ton royaume ,, (12).

XII. La profe·"·*"iort comme participatiou ù la créatiou

La profession est la forme moderne, socialement organisée, de la mise en œuvre de la mission - et de la nécessité - de travailler. La compétence est le signe social de cette capacité.

On pourrait facilement développer l'idée que finale­ment toute profession est plus ou moins directement au service de la vie. Toute production de biens est orientée vers le maintien et le développement de la vie ; et des services sont nécessaires pour que cet objectif soit atteint.

Bien sûr, il y a des dérives, puisque l'homme est cc raté ,, . Il est possible de vivre sa profession d'une toute autre manière que comme une mission et un service d'autrui, mais uniquement pour son intérêt personnel. Et

(11) Psaume 104. (12) Prière du mardi de la 11• semaine du temps ordinaire.

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d'autre part l'humanité manque de sagesse et l'exploita­tion sans retenue des biens de la terre est devenue source d'inquiétude pour les générations à venir.

Comme la vie n'est pas que biologique, les profes­sions relationnelles : enseignement, formation, travail social, sont plus hautement encore tournées vers la vie. Et c'est là que vient s'insérer la profession médicale et les autres professions soignantes. Prendre soin de la vie humaine en partant des affections somatiques et/ou psy­chiques, c'est bien essentiellement être au service de la vie, et en cela participer activement à la création.

Sans cependant tomber dans cette attitude qu'on appelle vitalisme, qui mènerait à réduire la vie à son aspect biologique, et cela à tout prix, option qui risquerait de justifier toutes les obstinations thérapeutiques dérai­sonnables. La responsabilité médicale est d'aborder toutes les questions vitales dans cette perspective de la vie totale, entière, plénière de l'être humain.

La responsabilité médicale partage avec les autres professions relationnelles une double exigence : de compétence scientifique en l'occurrence, mais aussi d'in­vestissement relationnel. Sans cesse la première tente d'occulter la seconde, qui est pourtant essentielle. Aujourd'hui revient heureusement dans la réflexion médi­cale le beau terme de « sollicitude ».

Responsabilité qui se réalise en outre dans l'autono­mie complète de la décision, cœur de la profession, ce qui implique des exigences particulières de conscience, de rigueur, d'humanité.

XIII. Travail et péllibilité

Cette mission d'actualiser la création par le travail, elle est lourde à porter. Dès le récit du premier jardin, il est dit à l'homme : « C'est daps la peine que tu te nourri­ras tous les jours de ta vie. A la sueur de ton visage tu mangeras ton pain ». Derrière les images, la réalité reste. La pénibilité est de moins en moins la même dans nos sociétés, quoiqu'elle reste physique dans une bonne par­tie du monde. Mais pour notre humanité occidentale où la modernité multiplie les charges et les responsabilités, elle prend un nouveau visage.

Un des aspects de la pénibilité pour vous, je le retrouve en effet dans la difficulté de la décision médi­cale, en particulier dans les situations critiques. Son incertitude, la non-maîtrise des conséquences malgré la mise en œuvre de connaissances sans cesse actuali­sées, cette difficulté qui vous est propre est parfois éprouvante. L'indispensable compétence, toujours en voie de perfectionnement, trouve ses limites. La solitude malgré les conseils dont vous savez vous entourer, peut être lourde à porter. Si importante que soit notre mission de « co-créateur », nous avons à reconnaître dans la foi les signes de notre finitude dans l'exercice même de cette mission.

Autre forme de difficulté : celle de ne pouvoir totale­ment répondre à toutes ces demandes de « souffrants » de toute sorte, d'exclus, de rejetés de la société, qui

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demandent parfois au médecin et aux soignants plus qu'ils ne peuvent lui donner.

Ainsi d'une manière ou d'une autre apparaît une brêche, une béance qui nous renvoie à l'humilité, à la modestie, celles des êtres finis. Mais aussi qui appelle à être comblée : car la participation à la création n'est pas le dernier mot de l'existence chrétienne: elle s'ouvre sur le domaine du « salut», c'est-à-dire de l'accueil du Royaume de Dieu en Jésus-Christ et l'espérance de son accomplissement total.

La pénibilité dans l'exercice de la responsabilité, tout comme d'autres formes dans d'autres professions, est le signe d'un inachèvement que nous avons à reconnaître, car il nous situe en vérité devant Dieu. Et cet inachève­ment coûte certes à notre orgueil, à notre prétention jamais éteinte de suffisance ; mais le projet créateur auquel nous sommes associés n'est pas notre propriété: nous n'en sommes que les gestionnaires.

Tout ceci nous fait entrevoir que l'attitude de « ser­vice » qui devrait être celle de chaque être humain vis-à­vis de ceux qui lui sont confiés n'est pas qu'une vertu morale. C'est toujours être à l'image de Dieu qui a pris le risque de la création et de Jésus-Christ qui nous dit « Je ne suis pas venu pour être servi, mais pour servir ».

XIV. La mort comme .~igne suprême de la fillitude

Or mystérieusement, dans le récit du premier jardin, la pénibilité du travail est mise en rapport avec la mort « A la sueur de ton visage tu mangeras ton pain jusqu'à ce que tu retournes au sol, car c'est de lui que tu as été pris».

La forme suprême de cette finitude, de cet inachève­ment, c'est justement bien la mort, que vous côtoyez sou­vent sans jamais vous y habituer. Mort dont peut-être vous vous demandez parfois si il n'aurait pas été possible sinon de l'éviter, au moins de la retarder davantage encore. Pénibilité et mort sont ainsi associées comme dans la parole de Dieu.

Nombreux sont ceux de vos collègues qui consi­dèrent la mort de leurs patients comme un échec. Ce qui signifie que la médecine devrait pouvoir tout guérir, c'est-à-dire qu'elle posséderait un pouvoir absolu. Il peut certes arriver très exceptionnellement qu'une mort soit la conséquence d'un acte médical mal conduit. Très habi­tuellement cependant tel n'est pas le cas, mais l'éventua­lité de la mort, la reconnaissance de la mortalité comme inévitable, constitue la butée, la limite suprême, l'extrême finitude pour tout un chacun, mais plus particulièrement encore pour vous.

Cependant la mort, depuis que Jésus-Christ l'a prise sur lui, a changé de signe : en nous faisant participer à son « passage » il transforme notre inachèvement en achèvement suréminent, notre finitude en plénitude : et cette conviction ne peut pas ne pas changer votre atti­tude en face des fins de vie de vos patients.

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XV. La créatio11 ''" ge.datio11

Pénibilité, mortalité, c'est bien aussi la souffrance qui marque la création et la mission donnée d'y participer. Suivant l'apôtre Paul, cette souffrance marque la création elle-même, d'après cette réflexion assez énigmatique que nous trouvons dans la lettre aux Romains : cc J'es­time que les souffrances du temps présent sont sans pro­portion avec la gloire qui doit être révélée en nous. Car la création elle aussi, doit être libérée de l'esclavage de la corruption pour connaÎtre la glorieuse liberté des enfants de Dieu. Présentement encore la création gémit dans les douleurs de l'enfantement» (13).

Je vous propose, et ce sera mon dernier mot, de nous arrêter aujourd'hui sur ce passage de la lettre aux Romains : la création est en enfantement d'une terre nou­velle, d'un monde nouveau. Mais quelle est cette corrup­tion qui pèserait sur le monde ? Le dérèglement des rela­tions de l'homme avec Dieu a pour conséquence le dérèglement des relations entre personnes, et sans

doute aussi le dérèglement des relations de l'humanité avec le cosmos.

C'est pourquoi Paul met en parallèle cette attente de la création avec la nôtre cc Nous aussi nous gémissons, car nous ne sommes sauvés qu'en espérance ».

Oui, inachèvement, limites, souffrance, mortalité : autant de signes d'une finitude qui appelle un accomplis­sement. C'est à ce moment du déroulement du dessein de Dieu que nous sommes situés. Que l'espérance oriente notre regard sur la vue du monde tel qu'il est, et en particulier sur le monde professionnel qui est le vôtre, afin comme nous y invite le Concile d'y «scruter les signes des temps » : des temps proches, mais aussi des temps lointains du retour du Christ en gloire, qui remettra à son Père une humanité enfin réconciliée et un univers totalement accompli : une nouvelle terre, un ciel nouveau cc et Dieu sera tout en tous ». lm

(13) Rom 8.

MÉDECINE DE L'HOMME N° 227 o 33

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Lieux de voile

par Jean-Manuel Tibéri (*)

 u départ une belle opportunité, soit une goélette de treize mètres et un médecin-skipper voulant (faire) partager une passion : celle du vent dans les voiles et de la mer en équipage.

À l'arrivée, une approche thérapeutique différente, doublée d'une croisière en Méditerrannée pour sept ex-toxicos et leurs trois accompagnateurs (intervenants spécialisés).

À l'heure où l'on parle de prise en charge psycho-sociale pour donner un sens à la substitution, l'expérience tentée mérite des explications. Alors, récit de voyage par d'apprentis-marins de la vie et paroles de capitaine.

Toulouse. La rencontre a lieu dans les locaux de l'association «Clémence-Isaure» (**).C'est une maison de briques roses perchée derrière la gare Matabiau. Autour de la grande table en bois, ils sont trois pour raconter l'aventure partagée. Ils ne se sont pas revus depuis le retour et les premiers mots disent la terre ferme et le repos après la tempête.

Dans les yeux de Patrick (30 ans, dix ans d'héroïne) brille l'intensité des émotions :

« Au retour, on a essuyé une vraie tempête avec des vagues de cinq mètres. J'étais dans le cockpit de pilotage avec les éléments déchainés autour de moi. La mer, l'eau, le vent : enfin, j'avais ce que j'étais venu chercher! J'ai découvert beaucoup de choses sur les éléments avec ce séjour. »

Un silence, le temps de reprendre son souffle, poser sa voix et ses pensées. Puis, il ajoute :

« Je voulais aussi le faire pour le défi que représente la vie en groupe sur un espace réduit. Et puis, on a parlé aussi de nos expériences dans la came. J'ai appris, là aussi, des choses que je ne connaissais pas. »

Jean-Luc l'éducateur spécialisé, acquiesse. Brun, la trentaine, allure solide de talonneur, il explique la tra­versée:

« Nous sommes partis de Canet-Plage, puis nous sommes descendus plein sud vers les Baléares. Les conditions étaient favorables, nous avons mis une tren­taine d'heures pour arriver à Minorque. Là-bas : escale et découverte des criques, puis, retour. ,,

Lui aussi évoque la tempête et les clairs de ciel étoilé partagés en commun. On pressent que ces instants sont le fruit d'un travail d'équipe préparé.

C'est le toubib François Lafon qui l'explique. Petite quarantaine, ce barbu poivre et sel aux yeux bleus tra­vaille avec des toxicomanes et des exclus depuis plus de quinze ans. Sur le bateau, il a incarné l'expérience, les mots sont simples comme un changement de bord pour répondre aux questions.

;14 o MÉDECINE DE L'HOMME N'' 227

Quelles sont les « cout raintes » liées à la 11ari­gatio11 en équipage ?

« Un bateau navigue vingt-quatre heures sur vingt­quatre, donc, il faut en permanence quelqu'un qui s'oc­cupe de bien le faire marcher. Il faut donc établir des tours de rôle, des quarts. On a décidé que tout le monde passerait sur ces postes de pilotage et de réglage des voiles. La conséquence, c'est qu'il faut que les manœuvres se passent avec un maximum de sécurité. Donc, même s'il fait beau, systématiquement, on s'at­tache avec mousqueton et angles car l'accident le plus grave, c'est l'homme à la mer. Pour les quarts de nuit, il y avait toujours trois personnes de veille. Toutes ces consignes ont pour but de prévoir plutôt que de se retrou­ver face à un accident. Enfin, la dernière " contrainte " tient au fait que le bateau est une maison qui avance grâce au vent. Et pour qu'on soit bien dans une maison, il faut que certaines consignes domestiques soient res­pectées. Elles font que le séjour se passe bien ou pas bien. Aussi, tous les jours, il faut prendre le petit-déjeu­ner, laisser la place propre pour l'utiliser à autre chose. Cela permet aussi de " cadrer » la durée du séjour. »

Faut-il ret 1e11ir sur ces « consignes » l

cc Dans le cas présent, il y a eu des périodes diffé­renciées. Disons que par temps calme et sans trop de mal de mer, ça se fait à peu près naturellement. Il n'y a pas eu à le rappeler pour que tout le monde s'y tienne. Par contre, les " consignes " deviennent beaucoup plus difficiles à tenir par gros temps. Il est certain que là, moi, en tant que skipper, je ne vais pas exiger que tout le

(") Journaliste - 72, allée de Barcelone - 31000 Toulouse -05 612342 10. .

{**)Association cc Clémence-Isaure"• 42, rue des Champs-Elysées, 31500 Toulouse.

Tél. : 05 61 61 50 60 - Fax : 05 61 11 77 52. Réseau de cinquante familles d'accueil, centre de jour, appartements

thérapeutiques, dispensaire et prévention des risques.

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monde soit hyper propre. Donc, on a laissé passer le grain et on a pris le temps, au moment des accalmies et à l'arrivée, de ranger. Je ne peux pas dire que, par rap­port à d'autres séjours que j'ai fait avec d'autres catégo­ries de public Oeunes diabétiques, public " mélangé "), il a été plus difficile de faire observer les consignes de base cette fois-ci. »

Comment s'est fait la sélection des passagers ? « Ce sont les intervenants de /'association " Clé­

mence-Isaure"· Car ils connaissaient bien les gens, par­ticulièrement ceux placés en famille d'accueil. Soit cinq garçons et deux filles. Ne les connaissant pas aussi bien, je me suis fié à leur appréciation. Cela implique une confiance partagée et un vrai travail d'équipe en amont. »

Quels sont les intérêts de ce s~jour ?

« Il y en a beaucoup et pour tout le monde, accom­pagnateurs compris. Pour les garçons et les filles que nous avons embarqués, ça a été l'occasion de découvrir des sensations fortes et nouvelles et de pouvoir les ratta­cher à des principes de réalité. La navigation à la voile n'est pas un plaisir" phantasmatique "· C'est une réalité. Quand on est sur la mer avec le vent, les étoiles, les dau­phins et les couchers de soleil, on en prend conscience. Ce sont des principes de réalité qui permettent de rêver, avant, et de le vivre quand on est plongé dedans. »

Quels sonl le.i; conseils el les r~/le.-i·ions que l'Olls

inspire cet le e.-i7Jérience l

« La question que l'on se pose, en tant que soignant, c'est : y a-t-il un aspect thérapeutique ? Pour moi, les toxicomanes ne sont pas avant tout des malades. Donc, ce que je peux leur apporter n'est pas du domaine du soin traditionnel mais plus de celui de la relation humaine

et de la construction de quelque chose. Je crois qu'il faut profiter des circonstances particulières du séjour pour faire passer une parole qui est toujours perçue comme une << parole médicale " avec l'importance que cela a chez certains. En particulier sur ces problèmes liés spé­cifiquement aux usagers de drogue. Donc, on a eu à dis­cuter sur la substitution, les hépatites, le V.l.H., mais c'est venu spontanément, au moment où ça pouvait donner lieu à quelque chose de bien, pas à un discours institu­tionnel. Ça, c'est l'expérience qui me l'a amené en ayant déjà vécu cette relation, toujours de médecin, mais pas de docteur au sens traditionnel du terme. Cela implique de la modestie, en sachant qu'on a à apprendre autant que nous pouvons leur apprendre. Là, dans ce cas, on passe une semaine, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, dans un espace réduit : on s'aperçoit qu'on peut parler autrement. C'est une façon d'avoir une approche mieux adaptée. Ce que l'on a à dire, on sait que ça va être entendu différemment. »

Et demain, la suite, c'est quoi fi

« Pendant les mois d'hiver, le bateau va subir des transformations d'aménagements intérieurs. Ce sont les jeunes qui vont s'en occuper. C'est un challenge qu'on leur donne en leur permettant de s'approprier un peu plus le bateau en travaillant dessus. Ensuite, on va organiser des sorties sur des petits dériveurs (420) pour familiariser ceux à qui ça plait avec les effets du vent et du gouver­nail. Il faut faire en sorte que la croisière ne soit pas quelque chose d'événementiel. Quant à l'aspect thérapeutique, c'est faire en sorte que ces " séjours de rupture " se multiplient et partager notre expérience. ,,

Dans les regards de Patrick et Jean-Luc, la suite c'est aussi des souvenirs inoubliables et du vent dans les projets de demain. On aimerait les voir arriver à bon port... •

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Bibliogra)lzie - Adoptio11 1

Professeur Jean-François Mattei. Enfants d'ici, enfants d'ailleurs, l'adoption sans frontière. Collection rapports officiels - Rapport au premier ministre (rapporteur de la mission : Mme Marie-Christine Le Boursi­cot, Magistrat) - La Documentation Française, 1995. VERDIER Pierre , Guide de l'aide sociale à l'enfance, Bayard éditions, 1993. NB : (En annexe à ce livre, deux tableaux : C - Liste des œuvres d'adoption habilitées à confier des enfants en provenance de l 'étranger ; 0 - œuvres d 'adoption confiant des enfants français).

Centre international de l'enfance, L'adoption des enfants étrangers, Séminaire Nathalie Masse, 1992. Abandon-Adoption, Revue Autrement n° 96 (direction : Brigitte Trilla!).

Adler Jacqueline, L'adoption vécue (dossier), Le Seuil, 1978.

Bonnet Catherine, Geste d 'amour, l'accouchement sous X, Odile Jacob, 1989. Sous la direction de Brigitte. Camdessus: L'adoption, une aventure familiale - E.S.F. Editeur. Camille Olivier, Adopter un enfant, Calman-Lévy, 1983. Charvet F. , Désir d 'enfant, refus d'enfant, Stock, Lau­rence Pernoud , 1980. Delaisi de Parseval Geneviève et Janaud Armand, L'en­fant à tout prix, Le Seuil, 1983. Delaisi Geneviève & Verdier Pierre, Enfant de personne, Odile Jacob, 1994. Delfieu Fabrice & de Gravelaine Joëlle, Parole d'adopté, Robert Laffont, 1988. Laplaige Danièle, Sans famille à Paris au x1X' siècle, Le Centurion, 1989. Ozoux-Teffaine Ombline, Adoption tardive, Stock, Lau­rence Pernoud, 1987. Peltier Nicole, Faire adopter son enfant - Cerf, 1995.

À dater de ce premier numéro de l'année 1997, nous essaierons: d'une part, pour chaque sujet, d'éditer une bibliographie permettant à ceux qui le désirent, d'approfondir les thèmes traités ; d'autre part, éventuellement avec l'aide des lecteurs et pas seulement par le Père Besanceney, de donner des lignes de réflexions spiri­tuelles. Nous comptons sur vous.

Directeur de la Publication D' Claude LAROCHE 34. rue de Bassano, Paris-8'

ISSN 0543-2243 Commission Paritaire

N° 54216

IMPRIMERIE Q ALENÇONNAISE Rue Edouard-Belin, 61002 Alençon

Dépôt légal : 1 ~ trimestre 1997 - N° d'ordre: 37245

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1 -

Vie des 1~é!!J"ion._~ 1 -· . ' . '

Centre Catholi

MÉDECINE ET PARTAGE

13 NOVEMBRE 1996 PROTECTION SOCIALE 1

13 DÉCEMBRE 1996 L'ACCOMPAGNEMENT DU MOURANT ET DE SA FAMILLE D' M. AB/VEN - Père J. KAMMERER

12 FÉVRIER 1997

9 AVRIL 1997

PROTECTION SOCIALE Il

DIFFICULTÉS D'ACCÈS AUX SOINS

MÉDECINE ET COOPÉRATION 11 JUIN 1997

à 20 h 45 - Salle de réunion V 120 C.H.G. PERPIGNAN

Pour prendre contact :

D' BOIXADOS Tél. : 05 68 61 65 84 D' CAZOTTES Tél. : 05 68 34 44 49 D' FAILLIE Tél. : 05 68 61 65 12 D' HERAN Tél. : 05 68 61 67 51 0' JULIA Tél. : 05 68 61 46 03 B. SOUDAY Tél. : 05 68 61 66 23

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APPEL POUR 1997 . ,

AUX ADHERENTS ET AMIS DU C.C.M.F.

Cotisation au C.C.M.F.

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COTISATION 1997 (à partir de 200 F) . . . . . . . . . . . 200 F

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• National . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 350 F

• Étranger . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 370 F

• Prêtres, Aumônier, Délégué à la Pastorale Santé . . . . . . . . . . . . . . . . 240 F

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