Et cætera… - Decitre2 13 Une voix, comme celle que l’on entend quelque fois, sans savoir...

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Et cætera… Jean Ptipirouette

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Et cætera…

Jean Ptipirouette

14.04

----------------------------INFORMATION----------------------------Couverture : Classique

[Roman (130x204)] NB Pages : 174 pages

- Tranche : 2 mm + (nb pages x 0,07 mm) = 14.04 ----------------------------------------------------------------------------

Et cætera… Paris 1994

Jean Ptipirouette

802640

Jean

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tera

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Préface

« Un de vos rires vous a jeté dans mon histoire, il y a elle et lui et maintenant vous. »

Au pays de la Poèmerie, laissons-nous simplement porter par les vagues d’une histoire entre un homme et une

femme, histoire atypique, étrange, à la frontière de la folie, du délire ou des souvenirs perturbés qui ne cessent de revivre en de multiples déclinaisons perdues dans le

temps, qui ne cessent de se modifier, de se déstructurer. Ne cherchons pas de logique en ce récit d’un autre type où

se rencontrent la poésie et l’absurde, la poésie et l’érotisme, l’érotisme et les ombres chinoises du désir

charnel, qui troublent les eaux d’une absence d’amour à la recherche de l’amour...

Seul le regard porté par Dee, l’héroïne, sur ses souvenirs, lui permet d’atteindre le détachement de son corps, à la

fois osmose des chairs, rejet et abandon. Une toile blanche tendue sur un cadre en sapin, une histoire sans importance, un taxi, de la tendresse, de

l’érotisme et l’anéantissement du corps de Dee plongé dans la musique de Ravel, éclairé par les tableaux de

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Francis Bacon… « Peut-être est-ce cela l’amour, souffrir d’aimer quelqu’un? »

D’amant en amant, ainsi va l’errance de cette femme

solitaire, la chanson du vieillir, du devenir, du repli sur le passé et de l’oubli parmi les étoiles du temps. « J’aime cette

lassitude physique des pénétrations. Elle console de l’habitude de se plaindre de la fatigue. »

L’auteur nous conduit avec aisance dans le labyrinthe des pensées et des désirs intimes des deux amants que tout

s’acharne à séparer sauf le temps. Chacun observe l’autre et tisse sa stratégie amoureuse sous forme de monologues

intérieurs s’intercalant entre les dialogues. L’âme de Dee serait-elle en danger, a-t-elle seulement été

une enfant, quels mystères entourent sa naissance pour vivre cette terrible romance sensuelle ? Dépravation,

abnégation, perte de repères ou tout simplement amour inconditionnel ? Ainsi se déroule l’aventure terrestre de

Dee en perte d’identité.

Jean Ptipirouette à travers son roman Et ceatera nous dérange :

il ose remonter aux sources des pratiques érotiques d’une femme perdue dans la souffrance et les contradictions, en

leur donnant une dimension qui touche notre affect. « Seule au fond de mon lit la bonne humeur reprenait son

droit de cité. Je voulais sauvegarder cette formidable sensualité. Elle illuminait mon âme et chauffait mon corps

et… une avidité sans limite de tous les plaisirs. »

Le dépaysement est total, les repères perdent le nord, les situations excentriques se succèdent dans un univers

déconcertant et les scènes scabreuses iront prendre racine

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jusqu’en Inde. Doit-on en sourire, s’offusquer ou se laisser porter, sans juger de leur bienséance, par les tableaux érotiques que

nous offre généreusement l’auteur ? Quelle que soit l’intensité des scènes, il persiste dans son

écriture un ensemble poétique indéniable qui ne peut que toucher la sensibilité du lecteur.

« Dee est une nymphe, une histoire complexe de liquides. Sa silhouette semble sculptée dans un morceau d’enfance, et pourtant sa peau est parcourue de courants voluptueux, ses jambes sont de parfaits piliers, elles saillent de dessous

l’étoffe noire et fripée de sa jupe, trop courte pour dissimuler la petite vallée où meurent des centaines

d’étoiles. »

Jean Ptipirouette nous conduit ainsi au pays d’Eros où les fantasmes sexuels sont universels et sans âge, mais où

le psychodrame se lit aussi en filigrane. Le cœur de l’intrigue se déroule au Grand hôtel de Cabourg, puis

l’auteur nous attire dans un labyrinthe de mots, d’énigmes et de sensations habilement construits où la

généalogie flirte avec le délire au bord de la rivière Kara-Sou. Son récit aux accents internationaux, dédale de

sensualités et de voluptés, ouvre les frontières de l’amour sans amour mais étrangement aussi de l’amour éternel

entre deux êtres. « Elle arrange chaque jour la mer de pierre d’une autre

façon, elle revit Cabourg en ce temps-là, elle est vaguement nostalgique. Quentin n’a pas joué avec elle, il l’a aimée

pour toujours. »

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Je me plais à imaginer que l’inspiration de Jean Ptitpirouette puisse prendre sa source de ces vers de

Joachim Du Bellay: « Ces cheveux d’or sont les liens Madame,

Dont fut premier ma liberté surprise, Amour la flamme autour du cœur éprise,

Ces yeux le trait, qui me transperce l’âme. …»

rejoignant ainsi l’écriture de l’auteur :

« Blonde. Elle est entrée sur la pointe des pieds.

Nue et mouillée… Voilà l’histoire d’un tohu-bohu sentimental.

Ma Jeune Fille d’hier est devenue une montagne d’eau. Ses baisers dévalent telles des pierres rondes sur mon corps

alangui, elle absorbe tout ce qui brille sur moi,

tant et si bien qu’il ne me reste plus une seule étoile. » … « Mettre mes lèvres sur ses autres lèvres attendre que la

mer vienne nous noyer. Mon sexe,

petit poucet dans sa chevelure forestière, ou prince endormi,

a tout espéré du nouveau baiser. »

AMY LOU.

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C’est pour qui, quand c’est par amour ?

« L’amour est un crime parfait » de Jean Claude LAVIE Editions Gallimard : Connaissance de l’inconscient page 10

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L’amour est un exercice de successions… et cætera…

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La Jeune Fille et cætera…

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Une voix, comme celle que l’on entend quelque fois, sans savoir d’où elle vient et qui parle, une parole qui assemble des mots que l’on a connus, que l’on a déjà dit ou voulu dire, une voix comme portée par une vague dans la mer des naufrages passés naufragés…

Tous les passés ne sont-ils pas des naufrages dont nous avons échappé comme nous avons pu ?

Les personnages ne l’entendent pas, ils sont déjà dans l’histoire… pourtant ils tendent l’oreille, comme on dit tendre un piège !

* * *

Il était une fois dans la ville de Cabourg, une villa au bord de la mer. Il était une fois dans une pièce spacieuse, jaune safran, senteurs agaçantes, une femme de quarante-cinq ans… « Dans cette pose nonchalante où t’a surprise le plaisir… » a dit Charles Baudelaire.

Assise, elle écoute très attentivement un jet de mère sortir de son ventre. Les yeux grands ouverts, elle se revoit, au bord d’elle, la mer. C’était…

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Il était une fois, époque où son sexe n’avait d’yeux que pour les vagues amoureuses aux roches rugueuses. A peine le silence installé dans les plis de ses aines, son regard, tout encore à son plaisir solitaire, porte à ses yeux un visiteur.

Debout, agité comme un fanion. Elle n’avait pas entendu la sonnette, la chasse d’eau sans aucun doute a gâché l’arrivée du voyageur. Il n’a pas attendu que la porte s’ouvre, elle était déjà entrebâillée, la femme aussi.

Une baie largement ouverte sur une mer lascive, laisse entrer le vacarme des mouettes sur la plage.

Un jeune homme de vingt ans, le regard immobile n’a plus aucune chance de repartir sans en souffrir… Je vous aime maintenant, tout de suite, sans plus attendre, pour toujours… Se dit-il dans son for intérieur. Il regarde un tableau blanc, elle termine d’arranger un bouquet de tulipes, ses seins de cipolin agitent des flots de soie jaune. Il tourne la tête, lui tend une enveloppe sur laquelle est écrit son nom de jeune fille : Dee Morgenröte.

Elle hésite, sourit, caresse le papier. Le jeune homme est nerveux, il a l’air tendre.

Ses yeux bleus ne la quittent pas des yeux. Ses regards cherchent un repère moins oppressant, des rafales de vent salé bousculent les fleurs, cela les amusent.

Elle ouvre l’enveloppe, il fait le distrait, elle respire doucement, elle connaît cet air dubitatif. Il lui dit… ce qui arrête la déchirure…

La voix s’estompe se confondant avec les chansons de la mer. Les personnages, petit à petit, reprennent en main l’histoire, leurs histoires.

– Thomas : Mon nom est Thomas Liebhabern. Thomas l’a…

– Dee : plutôt Verliebt pour le moment !

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Il lui dit… Elle le fait taire d’un doigt lumineux nimbé de liquides célestes.

Elle continue à déchirer, la mer est de plus en plus grosse, elle pourrait accoucher d’un moment à l’autre.

Thomas regarde le jeu des vagues, Dee celui des mots. Ils sont dos à dos, un grand frisson érotique dérange leurs pilosités. Elle se lève et ferme la baie vitrée. Un silence bleuté apaise les deux personnages. Les mouettes partent faire leur nid dans des vagues blanches.

– Dee : Votre père pense qu’un roman est une décomposition de réalités. Un écrivain serait donc une sorte de jardinier, compostant ses souvenirs. Il me demande de vous lire mon jardinage. Il y a quelques années il m’a envoyé par la poste, son exemplaire. Je le modifie régulièrement depuis ce fameux jour, où votre père est devenu un nuage. Est-il mort ?

– Thomas : Non il est parti dans la région de Kamioka, à Nagakura je crois, regarder un proton mourir.

– Dee : À quoi peut lui servir de voir la naissance de l’univers ?

– Thomas : J’ai dit regarder, pas voir ! Je ne sais pas, les chemins d’un père ne sont pas les routes d’un fils.

– Dee : L’histoire que nous vivons en ce moment a déjà été écrite par votre père et améliorée par moi. Elle commence avec votre arrivée, Quentin l’a écrite quelque peu différemment de sa réalité d’aujourd’hui, mais il ne savait pas le présent de notre futur, nous avons commencé à lire l’histoire dès que vous êtes entré. Je vous dis : Asseyez-vous. Et vous me répondrez : Merci madame.

– Thomas : Merci Dee. – Dee : J’ai ajouté : « Appelle-moi Dee ! » Donc, il était

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une fois… Quentin parle, il nous raconte mon histoire avec lui. Vous jouerez son rôle et moi le mien. De temps en temps, j’ajouterai une réflexion opportune. Je suppose que vous ajouterez votre grain de sel, si ce n’est de sable ?

– Quentin : Une température trop élevée pour la saison. Le vent sifflait chaud dans les branches tatouées, un nid

de roitelet était occupé par un coucou. Il n’y a ni destin ni fatalité, me disait mon âme au fond

de mon bon fond, pas si bon ! – Dee : Je me souviens avoir pensé, hier c’était sans

risque, j’ai pu entrer. Quentin ajoutera. – Quentin : Avec le hasard, cette fatalité du destin, il y

a toujours un doute. Nous prendrons nos dispositions, si d’un rire ou d’un

pleur, fatalité et destin mettent en scène le hasard. – Dee : Je suis une jeune fille. Vous ne voyez pas dans

le ventre à travers les vêtements ? Vous êtes donc déjà si vieux ?

– Quentin : Fille pas si jeune, la température ce matin est de 12 degrés.

Je marchais dans le jardin du Luxembourg, j’entendais la sève se déplisser et monter vers les ramures, marmotte vers le soleil.

Me parler de marmotte n’est pas simple, à cause d’une bergerie en haut d’une montagne.

Nous jetions lui et moi nos silences dans le fond de la vallée.

Nous avions des silences, c’est vous dire notre intimité. Je m’égare, les fiascos sentimentaux rendent le

printemps insupportable. Vous me parlez des yeux enchanteurs, des visions qui

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font frémir, des morceaux de regards qui troublent l’âme. Vous oubliez le coup de gelée qui remet l’exceptionnel

à sa place… – Dee : Et… le sourire d’une jeune fille, si jeune et si

fille, fragilise les vieilles certitudes. Avez-vous fait le compte de toutes vos dépressions sentimentales ?

– Quentin : Pas sur les doigts, j’y travaille mentalement depuis trente ans. Toutes ces caresses ont dû sûrement laisser des traces, comme celles sur les doigts des enfants, glanées sur la vulve maternelle ?

– Dee : Comment avancer si sous chaque semelle il n’y a pas de temps libre ?

– Quentin : L’humain parle, il finira par dire quelque chose de plus important que son avis sur la question.

La réponse peut-être ? Nous parlons trop, qui n’a pas son mot à dire sur tout et pourtant l’amour athée devient de plus en plus pénible à vivre. Pour être de leur époque les amants veulent un véritable Amour, ils y ont droit, ils l’ont lu dans des romans politiques. Et puis l’amour n’est rien d’autre que le jeu des questions/réponses. Choisir le hasard comme joker ou les successions sentimentales comme preuves d’amour !

– Dee : Ce n’est pas facile de trouver des verbes différents.

– Quentin : Des mots tellement différents, qu’ils seront des souffles de fraîcheur, sur les caresses ridées des amants politiciens. Il n’y a pas pire assassin qu’une personne qui veut le bonheur d’autrui ?

– Dee : Il suffirait simplement de ne pas participer à son malheur.

– Quentin : Les regards sont temps qui humainement passe. Nous n’aimons jamais de mieux en mieux, on règle