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15/02/2012 1 EPISTEMOLOGIE ECONOMIQUE Master II Recherche FSEG – Janvier 2012 Université de Yaoundé II Plan 1. Définition 2. Objet de l’économie 3. Fortes controverses 4. Grands courants épistémologiques 5. Science positive versus science normative 6. A quoi sert la théorie économique? 7. Rôle de l’économétrie 8. Scientificité de la science économique 1- Définitions 1. Origine 2. Formulations des définitions 3. Obstacle épistémologique 4. Epistémologie en Science Economique

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EPISTEMOLOGIE ECONOMIQUEMaster II Recherche

FSEG – Janvier 2012

Université de Yaoundé II

Plan

1. Définition

2. Objet de l’économie

3. Fortes controverses

4. Grands courants épistémologiques

5. Science positive versus science normative

6. A quoi sert la théorie économique?

7. Rôle de l’économétrie

8. Scientificité de la science économique

1- Définitions

1. Origine

2. Formulations des définitions

3. Obstacle épistémologique

4. Epistémologie en Science Economique

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1- Définitions

1.1- Origine

• Du grec ancien « epistêmê » (connaissance ou science) et « logos » (discours), l’épistémologie désigne soit le domaine de la Philosophie des Sciences qui étudie les sciences particulières,

soit la philosophie des sciences, soit la théorie de la connaissance en général.

1- Définitions

1.2- Formulations des définitions• Eric Schwartz: « l’épistémologie étudie les méthodes, les outils, les présupposés de la science, le non-dit, ce qui va de soi, ce que tout le monde fait sans se poser de question, bref, ce que l’on tient pour vrai ».

• Nadeau: « l’épistémologie étudie de manière critique la méthode scientifique, les formes logiques et les modes d’inférence utilisés en science, de même que les principes, concepts fondamentaux, théories et résultats des diverses sciences, afin de déterminer leur origine logique, leur valeur et leur portée objective ».

1- Définitions

• Aristote: « la science a deux caractéristiques: elle est un système déductif de propositions reposant sur des principes indémontrés, qui exhibe les causes de ses objets d’étude, et qui appartiennent à un même genre; et elle est

transmissible par enseignement, car un discours rationnel est susceptible d’être compris et admis par tout être rationnel »

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1- Définitions

1.3- Obstacle épistémologique• Bachelard: « l’obstacle épistémologique ». Dans

l’article intitulé La formation de l'esprit scientifique(1934), Gaston Bachelard définit cet obstacle comme étant « la rectification du savoir, l’élargissement des cadres de la connaissance ».

• Pour lui, le scientifique doit se dépouiller de tout ce qui constitue les « obstacles épistémologiques internes », en se soumettant à une préparation intérieure afin que sa recherche progresse vers la vérité.

1- Définitions

• La notion d’obstacle épistémologique est ce qui permet de poser le problème de la connaissance scientifique : c’est à partir du moment où celui-ci est surmonté, donnant lieu à une « rupture épistémologique », que l’on atteint le but recherché.

• Les obstacles sont, pour Bachelard, non seulement inévitables, mais aussi indispensables pour connaître la vérité. Celle-ci en effet n’apparaît jamais par une illumination subite, mais au contraire, après de longs tâtonnements, « une longue histoire d’erreurs et d’histoires surmontées »

1- Définitions

1.4- Epistémologie en Science Economique• L’épistémologie de la Science Economique

étudie la façon dont les économistes produisent leur affirmations sur le monde économique, la manière dont ils fons circuler ces informations et la cohérence de leur savoir.

• L’épistémologie de la Science Economique s’efforce de sonder directement la pensée produite, en s’éloignant autant que possible de la question des outils d’analyse.

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1- Définitions

• Attentes:Au terme de cet enseignement, l’étudiant devrait posséder une image plus précise et plus claire des présupposés et des méthodes de la science économique. Il devrait pouvoir articuler à la fois les forces et les faiblesses de l’approche économique, et mieux comprendre la tension entre le désir de « scientificité » (qui a souvent tendance à vouloir unifier le champ de l’économie) et le désir de « pluralité explicative » (qui tend au contraire à refuser l’unification).

• En somme, il s’agit de clarifier le débat entre ceux qui pensent que l’économie actuelle est en voie de devenir une Science et ceux qui pensent qu’elle a toujours été, et ne peut être, qu’une « idéologie ».

2- Objet de l’économie

• Jacob Viner: « l’économie, c’est ce que font les économistes »!!

• Gilles Gaston Granger (1955): les économistes seraient aujourd’hui d’accord pour poser que « la science économique doit permettre d’analyser l’emploi et la répartition des ressources rares pour la satisfaction des besoins et des désirs des hommes vivant en société ». Mais cette définition regroupe deux conceptions différentes: une conception substantive et une conception formaliste.

2- Objet de l’économie

• Dans la conception substantive, le domaine de l’économie est présenté à partir du contenu : l’économie, c’est l’étude d’un sujet, par exemple pour Adam Smith « la richesse des nations ».

• Dans la conception formaliste, l’économie est définie à partir d’actions qui seraient spécifiquement économiques, ce qui conduit à retrouver une définition célèbre donnée par Lionel Robbins (1932): la science économique est « la science qui étudie le comportement humain en tant que relation entre les fins et les moyens à usages alternatifs ».

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2- Objet de l’économie

• La différence entre les deux approches est essentielle parce que la première fait immédiatement apparaître que l’économie est un point de vue partiel sur des faits sociaux, alors que la seconde définition fait de l’analyse économique une théorie de la décision (une praxéologie).

• L’adoption de l’une ou de l’autre approche a des conséquences importantes sur la présence ou l’absence des conflits opposant des groupes sociaux, des rapports de pouvoir ou de domination.

2- Objet de l’économie

Ce caractère multiple de l’analyse économique peut être précisé à l’aide de trois observations:

• Les phénomènes économiques peuvent être appréhendés à partir de plusieurs perspectives sans que ces dernières soient forcément réductibles (micro vs macro; individualisme méthodologique vs holisme méthodologique);

• Les différentes approches sont incapables d’expliquer seules la réalité économique;

• Ces perspectives sont complémentaires et elles ont des usages alternatifs.

2- Objet de l’économie

• D’où l’intérêt du postulat de Gary Becker (lors de son discours de réception du Nobel 1992): la science économique « est une méthode et non une hypothèse concernant des motivations particulières »; ce qui lui permet de pouvoir

aborder toutes les questions (prostitution, drogue, famille, mariage, religion, etc.).

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3- Fortes controverses épistémologiques

1. A-priorime

2. Positivisme

3. Mesure sans théorie

4. Autres controverses

3- Fortes controverses épistémologiques

Les controverses peuvent être appréhendées à travers deux principaux angles:

• L’angle sociologique des science studies d’une part, par lequel nous comprenons les controverses épistémologiques comme des

rapports de force; et

• L’angle épistémologique d’autre part, où l’on examine les arguments proprement épistémologiques à l’œuvre.

3- Fortes controverses épistémologiques

3.1- Controverse 1: « l’à-priorisme » (Mill, Robbins).

• Dans son A System of Logic (1848), Mill développe une conception radicalement empiriste de la science, puisqu’il défend l’idée que le raisonnement déductif n’a en fait aucune existence propre : les prémisses sur lesquels reposent tout syllogisme ont en effet une origine nécessairement empirique et inductive.

• En d’autres termes, les scientifiques dérivent nécessairement leurs axiomes et postulats de généralisations partant de l’observation.

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3- Fortes controverses épistémologiques

• Lorsqu’il traite de la Science comme catégorie de connaissance, Mill dégage deux manières de procéder: la première, inductive, dite à postériori; la seconde, déductive, qualifiée de à priori

• « Par méthode à postériori, nous entendons celle qui requiert, comme assise de ses conclusions, non seulement l’expérience mais l’expérimentation spécifique. Par méthode à priori, nous entendons (…) le raisonnement à partir de prémisses hypothétiques ». Mill soutient que seule la première est capable de découvrir la vérité, c’est-à-dire les lois auxquelles sont soumises les phénomènes. La seconde n’est qu’un adjuvant permettant au scientifique de coordonner logiquement les lois avérées selon la première méthode.

3- Fortes controverses épistémologiques

• Apparemment, il n’y aurait donc de science qu’expérimentale, et l’économie devrait donc faire son deuil de toute prétention scientifique.

• Or Mill lui-même défend la proposition inverse en soutenant que non seulement la méthode à priori est légitime dans les « sciences morales », mais que c’est la seule valide.

• Mill montre que les sciences morales (dont l’économie) se caractérisent par (i) l’impossibilité de mener des expériences contrôlées en laboratoire et (ii) la nature de leur domaine d’étude, qui a trait au comportement humain.

3- Fortes controverses épistémologiques

• Ces particularités amènent Mill à caractériser l’économie comme une science déductive et à priori. Les économistes peuvent surmonter l’impossibilité d’isoler les facteurs causaux par des expériences en s’appuyant sur le fait que les sciences économiques étudient un aspect du comportement humain qui nous est compréhensible par introspection: le comportement rationnel.

• Cette apparente contradiction à priori / à postériori trouve sa racine dans le champ d’investigation couvert par la discipline économique: « l’économie politique considère l’humanité occupée seulement à acquérir et à consommer des richesses »

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3- Fortes controverses épistémologiques

• La limitation à la production et à la consommation des richesses permet de mobiliser la loi psychologique selon laquelle « l’homme préfère toujours plus de richesses à moins » (rationalité).

• A partir de cette prémisse vérifiable (mais qui relève de la psychologie et non de l’économie), la méthode à priori peut donc entrer en action sans contrarier son épistémologie générale.

3- Fortes controverses épistémologiques

• Mill initie donc « l’apriorisme méthodologique » => l’économiste part d’un axiome déterminé à-priori (la rationalité économique) et, par un enchaînement de propositions déductives, peut produire de propositions empiriques.

• Robbins dans son Essay on the Nature and Significance of Economic Science (1932) appliquera cette méthode qui fondera la définition qu’il donne de la science économique.

• Les économistes de l’école autrichienne (Von Mises) pousseront la logique a priori et déductive au bout en faisant de l’économie une science purement axiomatico-déductive.

3- Fortes controverses épistémologiques

3.2- Controverse 2: le positivisme (irréalisme des hypothèses).

• Dans son bref Essay on the methodology of positive economics (1953), Friedman défend la thèse de « l’instrumentalismeméthodologique » c’est-à-dire la position qui considère que les modèles scientifiques ne sont que des instruments nous permettant de concevoir commodément les phénomènes et, éventuellement, de les devancer par des prédictions.

• Dans ce contexte, Friedman (Nobel 76) affirme que le réalisme des hypothèses composant le cœur des théories économiques n’a aucune importance. Seul importe que les théories permettent l’élaboration de prédictions réfutables.

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3- Fortes controverses épistémologiques

• Friedman pense essentiellement au principe de rationalité dont il essaye de montrer que son irréalisme ne pose pas de difficulté en soi.

• Si toute théorie se doit de « prédire » correctement les faits, elle n’a pas en revanche à s’embarrasser d’un quelconque réalisme des hypothèses => la théorie économique ne fait donc que raconter une histoire du genre: tout se passe comme si…

• Mais une histoire nécessairement fausse, et même, insiste Friedman, d’autant meilleure qu’elle est plus fausse. A le suivre, l’économie si l’économie est une science, c’est littéralement une science-fiction!

3- Fortes controverses épistémologiques

• A l’inverse de Friedman, Samuelson (Nobel 70) avait assis sa carrière sur une réécriture des Fondements de l’analyse économique (1947), dans laquelle il se faisait précisément le chantre du réalisme des hypothèses, en posant que toute proposition théorique doit être fondée sur les réalités empiriques avérées.

• La polémique « instrumentalisme » (Friedman) vs « opérationnalisme » (Samuelson) ainsi lancée se poursuit encore de nos jours…

3- Fortes controverses épistémologiques

3.3- Controverse 3: la mesure sans théorie.• Lancée en 1947 par l’ouvrage Measurementwithouttheory, la controverse qui oppose Koopmans l’auteur (Cowles Commission de Chicago) et Vining(NBER à New-York), rappelle celle qui avait animé pendant longtemps Carl Menger et l’Ecole historique allemande.

• Cette controverse dite de « la mesure sans théorie » signale un essoufflement de l’école institutionnaliste américaine et un regain de vigueur des approches néo-classiques et de l’économie mathématique sur le thème : on peut parfaitement mesurer sans théorie, il suffit d’agencer intelligemment des équations.

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3- Fortes controverses épistémologiques

3.4- Autres controverses:La discussion épistémologique dans la discipline

économique est aujourd’hui largement dominée, structurée et, parfois, mise au défi, par au moins trois controverses :

• La critique de Lucas (Econometric Policy Evaluation, 1976)

• La critique de Christopher Sims (Macroeconomicsand Reality, 1980),

• La critique de William Nordhaus (MeasurementWithout Data, 1973).

3- Fortes controverses épistémologiques

• Ces approches critiques participent de, voire entérinent, le déclin de l’économétrie structurelle et de la macroéconomie de la Synthèse Néoclassique.

• Elles marquent le triomphe de l’école des nouveaux classiques, des modèles d’équilibre général à agent représentatif, des modèles RBC (Real Business Cycles), de la méthode de la calibration, des anticipations rationnelles et, plus récemment les modèles DSGE (Dynamic Stochastic General Equilibrium)

4- Grands courants épistémologiques

1. Inductivisme

2. Vérificationnisme

3. Réfutationnisme (falsification, infirmation)

4. Paradigme

5. Programme de Recherches Scientifiques

6. Anarchisme

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4 Grands courants épistémologiques

• Pendant très longtemps, la question de distinguer parmi les connaissances humaines celles qui relevaient de la Science et celles qui étaient non scientifiques ne se posait pas. On ne réfléchissait que sur un seul champ, les connaissances, et les différents moyens de les améliorer.

• Par exemple, il n’y avait aucun problème à ce que Newton publie des textes de physique, d’astrologie, voire d’économie (!!): il ne se posait pas la question de la scientificité relative des sujets qu’il étudiait.

4- Grands courants épistémologiques

• Si l’on veut chercher les premières réflexions organisées sur la scientificité, il faut se porter au XIXème siècle avec le positivisme d’Auguste Comte.

• La question qui se posait alors était celle de la

validité des théories scientifiques, qui a conduit à plusieurs courants épistémologiques

4- Grands courants épistémologiques

4.1- Courant 1: « l’inductivisme »• La version naïve pose que « la science commence par un

processus d’observation ». Sur la base de celle-ci, l’inductiviste aboutit à une série d’énoncés singuliers, à partir desquels il va formuler et légitimer un énoncé universel.

• Toutefois, pour que cette généralisation, les énoncés d’observation se doivent de respecter les trois conditions qui suivent : (i) Le nombre d’énoncés d’observation formant la base de la généralisation doit être élevé; (ii) Les observations doivent être répétées dans une grande variété de conditions, et (iii) Aucun énoncé d’observation accepté ne doit entrer en conflit avec la loi universelle qui en est dérivée.

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4- Grands courants épistémologiques

• Les deux premières conditions sont considérées comme nécessaires (il serait par exemple illégitime de généraliser sur un seul cas), tandis que la troisième, sans laquelle la généralisation universelle ne serait plus justifiée, est essentielle.

• Chalmers (1987) exprime ainsi « le principe de l’induction » : « Si un grand nombre de A ont été observés dans des circonstances très variées, et si l’on observe que tous les A sans exception possèdent la propriété B, alors tous les A ont la propriété B ».

4- Grands courants épistémologiques

• Toutefois, ces lois et théories n’ont qu’une utilité réduite dès lors qu’elles ne permettent pas d’expliquer ou de prédire un événement.

• C’est pourquoi à ce raisonnement inductif, succède un raisonnement de type déductif, dont voici un exemple basique : tous les hommes sont mortels ; Socrate est un homme, donc Socrate est mortel. Ceci est une déduction logiquement valide : si les prémisses sont vraies, alors la conclusion l’est inévitablement.

4- Grands courants épistémologiques

• Mais cette déduction ne nous permet pas de savoir si les prémisses sont vraies ; par exemple : tous les hommes ont des poils, les rats ont des poils, donc les hommes sont des rats!!

• Pour un inductiviste, la vérité ne vient pas de la logique, mais de l’expérience. Dès lors, les prémisses du raisonnement seront issues de l’observation et de l’induction, desquelles sera finalement déduite la conclusion.

• La figure suivant résume cela, qui d’après Chalmerscorrespond à ce que serait « une histoire complètement inductiviste de la science » =>

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4- Grands courants épistémologiques

Lois et théories universelles

Prédictions et explications

Faits établis par l’observation

DéductionInduction

4- Grands courants épistémologiques

4.2- Courant 2: le vérificationnisme.• Une théorie est en effet un corps d’hypothèses

conduisant de façon logique à des conclusions, donnant lieu à des prédictions. Dans cette optique, vérifier une théorie, c’est vérifier par le biais d’expériences que dans la réalité, les conclusions de la théorie se vérifient. Si les prévisions de la théorie ne se vérifient pas, alors elle n’est pas bonne et doit être modifiée; si elles se vérifient, alors on considérera la théorie comme juste.

• Problème: le vérificationnisme contient une faute logique congénitale => démonstration de Karl Popper dans « Conjectures et réfutations » à partir du célèbre exemple des cygnes blancs et noirs

4- Grands courants épistémologiques

• Par conséquent: le vérificationnisme ne saurait prouver quoi que ce soit. Il n’est pas possible de démontrer par l’expérience qu’une théorie est vraie => l’expérience ne permet que d’infirmer une théorie, c’est à dire de prouver qu’elle est fausse.

• On s’appuie pour cela sur des déductions logiques, puisque la fausseté d’énoncés universels peut être déduite d’énoncés singuliers appropriés. A ce titre, l’exemple fourni par Chalmers (1987) est éclairant « on a observé un corbeau qui n’est pas noir, au lieu X à l’instant T (prémisse) ; donc tous les corbeaux ne sont pas noirs (conclusion) ».

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4- Grands courants épistémologiques

4.3- Courant 3: le réfutationnisme (Popper, 1934).

• Il permet de différencier « science » et « non science ». Ce qui caractérise une science, c’est précisément le fait qu’elle utilise l’expérience pour la réfutation des théories.

• Ce courant est aussi appelé « infirmationnisme » pour refléter l’idée selon laquelle théories et hypothèses sont scientifiques si et seulement si leurs prédictions sont, au moins en principe, empiriquement infirmables suite à la réfutation par un seul test (version naïve) ou par un grand nombre de tests (version sophistiquée)

4- Grands courants épistémologiques

• Ce courant est aussi parfois appelé « le falsificationisme », dont le but n’est pas de montrer qu’une théorie est vraie, mais au contraire qu’elle n’est pas fausse.

• Le falsificationisme considère la science comme un ensemble d’hypothèses qui cherchent à décrire précisément une partie du monde ou de l’univers, ou à en expliquer le comportement. Mais seules les hypothèses scientifiques au sens des falsificationistes, c’est à dire falsifiables, sont susceptibles d’entrer dans ce cadre.

• Ainsi, plus une théorie est falsifiable, et meilleure elle est (elle résistera d’autant mieux à la falsification).

4- Grands courants épistémologiques

• Au final, une discipline, pour être scientifique, se doit donc d’exprimer des théories réfutables (falsifiables, infirmables), c’est à dire des théories qui permettent d’affirmer « si tel évènement se réalise, alors la théorie est fausse ».

• Par ailleurs, l’évolution de cette discipline doit se conformer au critère de réfutation => cela signifie qu’une théorie qui a été réfutée par l’expérience se doit d’être abandonnée.

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Problème

hypothèses

Test et critique

Falsification (élimination)

Acceptation (confirmation)

Nouveaux tests

Problème nouveau

Observation

4- Grands courants épistémologiques

• Dans cette conception, la Physique est une science, mais l’Astrologie ne l’est pas. En effet, un physicien qui formule une théorie et constate qu’elle n’est pas vérifiée par l’expérience l’abandonne. Par contre, un astrologue s’arrange toujours pour formuler ses prédictions dans un sens qui lui permet toujours d’éviter de remettre en question ses théories.

• C’est Hutchison avec son The Significance and Basic Postulates of Economic Theory (1938) qui importera les idées poppériennes en économie.

4- Grands courants épistémologiques

Le critère de Popper a plusieurs qualités:• La première, c’est sa grande cohérence logique: il

est en effet impossible d’un point de vue de logique interne de critiquer ce critère.

• La seconde, c’est qu’il met les théories scientifiques à une place plus juste. Popper nous rappelle en effet que les théories scientifiques ne sont pas vraies, elles ne sont que des représentations de la réalité, des façons de l’appréhender, et sont toujours en sursis, considérées comme vraies que dans la mesure ou on n’a pas trouvé de contre-exemple permettant de les infirmer.

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4- Grands courants épistémologiques

• La troisième, c’est que loin de mettre les théories scientifiques sur un piédestal, il nous rappelle que nos connaissances sont toujours relatives, et qu’il ne saurait y avoir de vérité scientifique définitive. C’est donc plutôt un critère incitant à la modestie et à l’humilité scientifique.

• Le critère poppérien de scientificité a reçu un énorme succès de la part (i) des praticiens mais aussi (ii)des économistes =>

4- Grands courants épistémologiques

• Les praticiens des sciences « dures » l’ont trouvé très satisfaisant d’autant plus facilement qu’il les consacrait comme Sciences.

• Les économistes l’ont aussi adopté, parce que ce critère permettait de s’éloigner leur discipline des sciences « molles » c’est à dire des autres sciences sociales, pour se considérer comme plus scientifique; en particulier avec l’usage progressifs des modèles logiques, hypothético-déductifs, qui permettent d’énoncer des prédictions qui peuvent être soumises à la mesure et à l’expérience.

4- Grands courants épistémologiques

• A partir de 1950, avec le développement des techniques quantitatives et l’importance de la théorie de l’équilibre général , les économistes se sont rapprochés par l’usage des modèles mathématiques des sciences « dures ».

• => Le critère de Popper venait à point nommé pour que les économistes se disent qu’ainsi, ils devenaient des scientifiques, et pas des rigolos.

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4- Grands courants épistémologiques

4.4- Courant 4: le paradigme (Kuhn).• Dans La logique de la découverte scientifique, Kuhn

distingue la science « normale » et les « découvertes scientifiques ».

• Chaque science est caractérisée à un moment donné par un paradigme dominant. L’écrasante majorité des scientifiques s’accordent autour de ce paradigme, et leurs recherches s’inscrivent dans celui-ci. Mais il arrive qu’un nouveau paradigme apparaisse. Celui-ci est d’abord mené par une minorité de scientifiques qui s’opposent au paradigme dominant, finissent par remporter la lutte intellectuelle, et leur paradigme devient le nouveau paradigme dominant, la nouvelle science normale.

4- Grands courants épistémologiques

• L’approche de Kuhn n’est pas totalement incompatible avec celle de Popper puisque le changement de paradigme peut tout à fait être dicté par la réfutation du paradigme ancien.

• Cependant, l’analyse de Kuhn montre que ce processus n’est pas aussi rationnel que le prétend Popper, qu’il est le résultat de luttes d’influence, de convictions, de chocs des générations, et que tous les scientifiques ne se conforment pas instantanément au nouveau paradigme même si celui-ci est meilleur (au sens poppérien du terme) que le précédent.

Préscience Science normale

Crise et révolution

Emergence et

formulation d’un paradigme auquel

adhère la communauté

scientifique

Enigmes et tests

non surmontés: anomalies graves

Période de grande insécurité pour les

scientifiques

La Vision Kuhnienne du progrès scientifique

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4- Grands courants épistémologiques

4.5- Courant 5: le Programme de Recherches Scientifiques (PRS) de Lakatos.

• Un PRS se compose d’un cœur théorique, un ensemble d’hypothèses de base, à partir duquel sont élaborées des théories qui se rattachent à ce programme.

• En économie, on pourrait qualifier de PRS l’économie néoclassique. A partir d’un cœur d’hypothèses (rationalité, équilibre), on définit différents modèles (équilibre général, modèles de croissance à agent représentatif, etc.) qui se rattachent tous au même courant.

4- Grands courants épistémologiques

Dans l’optique de Lakatos, les PRS évoluent; et on peut distinguer se progressifs et le dégénérescents.

• Les PRS sont progressifs lorsqu’ils développent des théories qui permettent d’expliquer un nombre toujours croissant de faits. Cependant, chaque PRS rencontre sur son chemin des phénomènes qu’il ne parvient pas à expliquer ou qui s’opposent à ses théories. Cela ne conduit pas à l’abandon immédiat de ce programme, mais à reformuler certaines théories existantes.

• Les PRS sont dégénérescents lorsqu’ils sont de moins en moins à même d’expliquer la réalité. Car la reformulation ne dure qu’un temps, et au fur et à mesure que de nouveaux faits inexplicables apparaissent, la dégénérescence se confirme.

4- Grands courants épistémologiques

• Les théories du PRS s’effondrent les unes après les autres (quoique Lakatos n’exclut pas qu’un PRS dégénérescent redevienne progressif) et au bout du compte ne reste que le cœur qui finit alors par être abandonné. La présentation de Lakatos ne va pas non plus à l’encontre de l’analyse de Popper, elle en constitue plutôt un complément.

• Mais les scientifiques dans son optique ne sont pas des créatures rationnelles, ils rechignent parfois à abandonner un PRS, surtout lorsqu’aucune alternative n’apparaît. De ce fait, il est tout à fait possible qu’un PRS dégénérescent soit toujours d’usage parmi les scientifiques.

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4- Grands courants épistémologiques

4.6- Courant 6: « l’anarchisme méthodologique » (Feyerabend)

• Prôné dans Against method, Feyerabend conteste violemment le réfutationnisme poppérien en affirmant que la réfutation est réfutable!

• En effet, s’il est possible de trouver un exemple historique dans lequel la science a progressé en utilisant une théorie réfutée par l’expérience, alors cela signifie que le critère de Popper est inapproprié; de ce fait, réfuté. Or le critère de Popper n’a rien de nouveau, il était très couramment utilisé par les sophistes dans l’antiquité et ce critère n’a jamais été utilisé par les scientifiques.

4- Grands courants épistémologiques

• L’expérience ne permet pas du tout d’infirmer des théories. En effet, toute expérience est critiquable, dépend de son protocole de réalisation, et il est donc impossible d’en tirer des conclusions suffisamment valides pour infirmer une théorie complète.

• Une expérience contradictoire avec une théorie peut en effet s’expliquer de mille façons différentes, le fait que la théorie soit fausse n’étant qu’une explication parmi un grand nombre d’autres.

• A la question, quel est le bon critère qui permet de distinguer ce qui est une science et ce qui ne l’est pas? La réponse de Feyerabend, c’est qu’il n’y a pas de critère qui permette de faire la différence: chercher à faire la différence entre science et non science n’a aucun intérêt.

5- Science: positive et/ou normative?

1. La guillotine de Hume

2. Jugements méthodologiques contre jugements de valeur

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5- Science: positive et/ou normative?

• La distinction ente économie normative et économie positive remonte à Nassau Senior et John Stuart Mill

• John Neville Keynes (1885) distingue ainsi: « la science positive… corps de savoir systématisé concernant ce qui est; la science normative ou régulatrice… corps de savoir systématisé discutant les critères de ce qui devrait être; et l’art… système de règles pour l’obtention d’une fin donnée »

5- Science: positive et/ou normative?

5.1- La « Guillotine de Hume »• C’est David Hume, dans son Treatise of humannature, qui énonça la proposition que « l’on ne peut déduire ce qui doit être de ce qui est », que des énoncés descriptifs, factuels, ne peuvent amener ou impliquer que d’autres énoncés descriptifs et factuels et jamais des normes, des jugements éthiques, ou la recommandation de faire quelque chose.

• Cette proposition a été justement nommée la « Guillotine de Hume »par Black (1970), dans la mesure ou elle établit une distinction rigoureuse entre le domaine des faits et le domaine des valeurs.

5- Science: positive et/ou normative?LA GUILLOTINE DE HUME:ANTONYMESEQUIVALENTS

POSITIF NORMATIF

Est Devrait être

Faits Valeurs

Objectif Subjectif

Descriptif Prescriptif

Science Art

Vrai/Faux Bien/Mal

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5- Science: positive et/ou normative?

• Exemple1: « le Cameroun produit des mangues » => positif ou normatif?

• Exemple 2: « les hommes politiques sont des menteurs » => positif ou normatif?

• => Comment savoir qu’une proposition relève de ce qui est ou de ce qui doit être?

• Pas toujours simple, car il y a des phrases au mode indicatif comme « le meurtre est un péché » qui sont des énoncés de ce qui doit être à peine déguisés en énoncé de ce qui est!

5- Science: positive et/ou normative?

• Un énoncé sur ce qui est, est simplement un énoncé qui est matériellement soit vrai soit faux: il affirme quelque chose sur l’état du monde (qu’il est comme ceci ou comme cela) et l’on peut utiliser des méthodes interpersonnelles de vérification pour découvrir s’il est vrai ou faux.

• Un énoncé sur ce qui doit être exprime une évaluation de l’état du monde (il approuve ou désapprouve, loue ou condamne, prône ou déplore) et l’on ne peut qu’utiliser des arguments pour persuader les autres de l’accepter.

5- Science: positive et/ou normative?

5.2- Jugements méthodologiques contre jugements de valeur

• Nagel (1961) a cherché à protéger la « Guillotine de Hume » des objections soulevées en établissant une distinction en sciences sociales

entre deux types de jugements de valeur: ceux qui les caractérisent et ceux qui les apprécient=>

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5- Science: positive et/ou normative?

• Les jugements qui caractérisent la valeur supposent: le choix d’un sujet de recherche, les modalités de la recherche qui doivent être adoptées, et le critères pour juger de la validité des découvertes tels que la conformité aux canons de la logique formelle, la sélection des données présentant des garanties données de fiabilité et toute décision préalable explicite relative aux niveaux de signification statistique, etc., bref, tout ce que nous qualifions de jugements méthodologiques.

5- Science: positive et/ou normative?

• Les jugements qui apprécient la valeur se rapportent à des évaluations relatives à l’état du monde, y compris le caractère désirable de certains types de certains types de comportement et la résultante sociale de ces comportements. Ainsi, tout énoncé sur la « bonne société » est un jugement appréciant la valeur.

• Selon Nagel, la Science, en tant qu’entreprise sociale ne peu fonctionner sans jugements méthodologiques, mais elle peut se dispenser, au moins en principe, d’émettre des jugements normatifs ou appréciant la valeur.

5- Science: positive et/ou normative?

• Pour conduire un débat rationnel sur un jugement de valeur contesté, une bonne méthode serait de considérer des faits alternatifs et de demander: est-ce que, si ces faits se réalisaient, vous accepteriez de renoncer à votre jugement?

• Exemple célèbre: la croissance économique, mesurée par le revenu national réel, et toujours souhaitable. Mais on peut se demander si elle se serait vraiment, si elle aboutissait à détériorer la situation du dernier quartile, décile ou quintile de la distribution des revenus individuels?

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5- Science: positive et/ou normative?

• D’où la distinction entre jugements de valeur « fondamentaux » (ou purs) et « non-fondamentaux » (ou impurs)

• Sen (1970): « un jugement de valeur peut être considéré comme un jugement « fondamental »

pour une personne s’il est supposé s’appliquer dans toutes les circonstances concevables; et il est « non-fondamental » dans tous les autres cas ».

5- Science: positive et/ou normative?

• Hayek (1933): « L’analyse économique n’a jamais été le produit d’une curiosité intellectuelle détachée relative au pourquoi des phénomènes sociaux, mais celui d’un besoin pressant de reconstruire un monde qui suscite un profond mécontentement » => ainsi se trouve clairement affirmée l’origine normative de l’économie.

• Pigou : « Notre science est une science positive et non pas normative. Elle s’occupe de ce qui tend à arriver et non de ce qui doit arriver ».

5- Science: positive et/ou normative?

Au final:• « Laissons les gouvernements décider de leurs

« fonction d’objectif » définie en termes de fins multiples ou de buts de l’activité économique; c’est la tâche de l’économiste de déterminer la « fonction de possibilité », les coûts et les bénéfices des allocations alternatives de moyens rares; dès que la distinction moyens/fins est rigidement fixée, les conseils économiques fournis au gouvernements sont, ou plutôt peuvent être, indépendants de toute valeur »

• La Mecque de l’économie n’est pas, comme le pensait Marshall, la biologie ou toute autre branche de la science. La Mecque de l’économie est la méthode de la Science elle-même.

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6- A quoi sert la théorie économique?

1. Théorie: substitut aux données

2. Théorie, importance et mesure des paramètres

3. Théorie, avantages et coûts

4. Théorie et compréhension des phénomènes

5. Théorie: méthode de résolution des problèmes

6. Théorie: antidote à l’introspection

7. Théorie, quantification et calcul

8. Théorie et expérimentation

6- A quoi sert la théorie économique?

• La théorie économique en général et néo-classique en particulier, a été et est attaquée par des adversaires de tous bords.

• C’est que d’une part, la recherche théorique fait des progrès importants ouvrant des pistes de travail prometteuses (théorie du déséquilibre, théorie de la régulation, théorie des conventions, économie institutionnelle, théorie des jeux, théorie de la dynamique non linéaire et chaotique, nouvelles théories de la croissance, etc.), mais d’autre part, au niveau empirique la science économique est incapable de décrire correctement la réalité (traitement insatisfaisant du chômage, prévisions conjoncturelles souvent démenties, politiques économiques inadaptées), ce qui renforce l’interrogation portant sur le statut des théories économiques.

6- A quoi sert la théorie économique?

• Cela vaut pourtant la peine d’avoir une théorie économique, parce que l’économie est « une science de l’action » (Varian), et par conséquent, la contribution de la théorie économique à l’économie doit être mesurée par les contributions que la théorie économique apporte à la compréhension et à la conduite d’une politique économique.

• L’attrait et la promesse de l’économie est qu’elle affirme décrire des politiques qui amélioreront la vie des individus. Elle diffère en cela de la plupart des autres sciences sociales et physiques.

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6- A quoi sert la théorie économique?

• C’est une erreur de comparer l’économie à la physique. Il vaudrait mieux la comparer à l’ingénierie. C’est aussi une erreur de comparer l’économie à la biologie. Il vaudrait mieux la comparer à la médecine.

• Keynes disait que les économistes devraient ressembler davantage aux dentistes; car le principe méthodologique de base des deux est identique: ce qui est utile est valorisé!

• Si l’économie est une science de l’action, alors il faut démontrer l’utilité de la théorie économique dans une politique particulière.

6- A quoi sert la théorie économique?

6.1- Théorie: substitut aux données• Dans plusieurs cas, la théorie est utile parce que les données ne sont pas disponibles.

• Exemple: nous voulons déterminer comment un prix de marché réagit à un impôt. Nous pourrions évaluer cet effet en comparant les divers prix du marché pratiqués dans le passé aux taux d’imposition correspondants, contrôlant les résultats en fonction d’autres variables aussi nombreuses que possible. Nous obtiendrons ainsi une équation que nous pourrions utiliser pour prédire la réaction des prix à des changements d’imposition.

6- A quoi sert la théorie économique?

• Nous avons rarement de données dans cet ordre, car les taxes ne changent pas suffisamment. Mais si les gens ne se soucient que du prix total d’une marchandise, taxe comprise (c’est une théorie) nous pouvons alors utiliser les estimations des élasticités des prix pour prévoir la réaction d’un prix à l’imposition d’une taxe.

• Cet appel à une théorie du comportement (les gens réagissent à l’imposition d’une taxe de la même manière qu’ils réagissent à une augmentation des prix) rend utiles les données sur les réactions aux prix. Nous pouvons utiliser la théorie pour prévoir le résultat d’une expérience qui n’a jamais été faite!

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6- A quoi sert la théorie économique?

6.2- Théorie, importance et mesure des paramètres

• La courbe de Laffer décrit la relation entre les taux d’imposition et les revenus des impôts. A certains taux d’imposition, les revenus des impôts diminuent quand les taux d’imposition augmentent. (député: 6minutes contre 6 mois). L’analyse de Laffer illustre la bonne théorie économique comme la mauvaise

• La mauvaise théorie est de déduire que parce l’effet de Laffer peut se produire, il se produit effectivement.

6- A quoi sert la théorie économique?

• La bonne théorie est que nous pouvons faire appel à la simple analyse de l’offre et de la demande pour déterminer le valeurs que doivent atteindre les paramètres d’élasticité pour que se produise l’effet de Laffer. Nous pouvons alors comparer les valeurs estimés des élasticités à l’estimation des élasticités d’offre de main d’œuvre (dans le modèle le plus simple, un taux d’imposition marginal de 50% nécessite une élasticité d’offre de main-d’œuvre de 1 pour obtenir l’effet de Laffer).

• La théorie nous dit quels sont les paramètres appropriés, ce dont nous n’aurions aucune idée sans la théorie!

6- A quoi sert la théorie économique?

6.3- Théorie, avantages et coûts• Un des rôles importants de la théorie économique

est de tenir compte des avantages et des coûts.• Ainsi, l’idée du coût d’opportunité est une notion

fondamentale en économie et elle serait très difficile à utiliser sans un modèle théorique de relations économiques; car la manière correcte de mesurer un avantage ou un coût économique ne peut être déterminée qu’à la lumière d’un modèle théorique de choix, c’est-à-dire une spécification des objectifs et contraintes d’un agent économique.

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6- A quoi sert la théorie économique?

6.4- Théorie et compréhension des phénomènes

• Prenons un exemple de théorie vraie: si vous rémunérez le travail d’un salarié au-delà d’un certain niveau, il a tendance à baisser sa productivité au travail. La courbe d’offre a tendance à s’infléchir vers l’arrière à partir d’un niveau. Il faut donc déterminer le bon niveau de rémunération des agents.

• C’est une idée simple, mais qui serait difficile à comprendre sans un modèle de fonctionnement du marché du travail.

6- A quoi sert la théorie économique?

• Prenons un exemple de théorie fausse: la concurrence parfaite est une théorie « fausse »pour la plupart de marchés, tout comme le monopole pur. Mais ces théories peuvent être très utiles pour permettre de bien comprendre le fonctionnement de marchés particuliers.

• On peut ainsi comprendre pourquoi AES Sonel ne peut baisser ses prix en deçà d’un certain niveau!

• Aucune théorie en économie n’est jamais tout à fait vraie. La question essentielle n’est pas de savoir si une théorie est vraie ou non, mais si elle est utile pour expliquer un phénomène économique.

6- A quoi sert la théorie économique?

6.5- Théorie: méthode de résolution des problèmes

• La méthode de la microéconomique consiste: (i) à examiner le problème d’optimisation d’un individu, (ii) à observer la configuration d’équilibre optimal des choix individuels, (iii) à voir comment l’équilibre change avec les modifications des variables de politique économique.

• Cette méthode ne fonctionne pas toujours, mais toute méthode quelconque est meilleure qu’une absence de méthode.

• Roger Bacon: « Plus de vérité naît de l’erreur que de la confusion »

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6- A quoi sert la théorie économique?

6.6- Théorie: antidote à l’introspection• La plupart des gens tirent leurs croyances économiques

de l’introspection et de leur expérience personnelle, qui est aussi la source de presque toutes leurs autres croyances. La théorie économique peut servir d’antidote à cela.

• Prenons le libre échange. Il est difficile de convaincre un non-spécialiste des avantages du libre-échange puisqu’il est facile de voir où vont les francs CFA, mais difficile de voir d’où ils viennent.

• Les gens ont une expérience personnelle des importations de marchandises étrangères, mais il s ne rencontrent que rarement les exportations de leur propre pays à moins de voyager beaucoup à l’étranger.

6- A quoi sert la théorie économique?

6.7- Théorie, quantification et calcul• Lord Kelvin: « les connaissances que vous ne pouvez ni mesurer, ni exprimer en nombres, sont maigres et peu satisfaisantes ».

• L’économie théorique nous donne un cadre pour calculer et quantifier les relations économiques. Une des différences majeures entre l’économie et les autres sciences sociales (histoire, socio, anthropologie) est qu’en économie, il est possible de calculer.

• La théorie économique est donc utile parce qu’on peut y faire appel pour calculer les réponses aux problèmes. Si les réponses ne sont pas bonnes (c’est possible), c’est souvent le modèle qui doit être revu et mieux adapté.

6- A quoi sert la théorie économique?

6.8- Théorie et vérification expérimentale • Les modèles économiques permettent de calculer les

réponses à des problèmes. Aujourd’hui il est possible de comparer les réponses obtenues avec des résultats issus d’expériences contrôlées.

• L’économie expérimentale permet désormais de tester rigoureusement des modèles de comportements humains en laboratoires: quelques modèles se son avérés bien plus robustes qu’on ne le croyait (l’offre et la demande), d’autres se sont avérés moins solides (l’utilité espérée).

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7- Rôle de l’économétrie

1. Emergence

2. Développements

3. Econométrie moderne

4. Problèmes

7- Rôle de l’économétrie

7.1- Emergence• Lorsque le terme « économétrie » fût employé pour

la première fois, il embrassait à la fois la théorie économique mathématise et les méthodes d’estimation et d’inférence statistiques appliquées au domaine de l’économie.

• Ceci est explicite lors de la création en le 31 décembre 1930, de la Société d’Econométrie, dont la devise est « pour l’avancement de la théorie économique dans ses relations avec la statistique et les mathématiques ».

7- Rôle de l’économétrie

• L’étape décisive de la discipline est sans conteste l’article de Haavelmo (1944), The probabilityapproach in Econometrics, dans Econometrica; car avant cet article, même les défenseurs de l’économie quantitative accusaient de la réticence vis-à-vis de l’application des méthodes statistiques aux données économiques.

• C’est au sein de la Cowles Commission que la méthodologie économétrique de l’après-guerre a été élaborée. On l’a qualifiée de « stratégie traditionnelle du mariage de la théorie et des faits économiques », dont l’émergence est due aux travaux de Tinbergen et de Haavelmo.

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7- Rôle de l’économétrie

7-2. Développements• C’est entre 1945 et 1970 que la plupart des estimateurs

couramment utilisés en économétrie ont été découvert: IV, FIML, LIML, 2SLS, 3SLS, etc. Seule la GMM et les suivantes ont été des estimateurs nouveaux.

• Mais l’économétrie va chercher à s’émanciper de la tutelle de la théorie économique pour deux raisons: (i) malgré la sophistication des économètres; il devenait difficile de camoufler l’écart croissant entre les prédictions de la théorie économique et les faits; (ii) les théoriciens eux-mêmes réclamaient que les modèles économétriques intègrent les dernières avancées de leurs recherches, notamment les anticipations rationnelles.

7- Rôle de l’économétrie

De cette « crise » sont nés les développements actuels de l’économétrie, par exemple:

• La production de nombreux tests de diagnostics;• La modélisation VAR préconisée par Sims (qui supprime la

distinction entre variables endogènes et variables exogènes en considérant toute variable comme potentiellement endogène;

• La calibration (de certaines grandeurs numériques), pour que la théorie économique garde sa primauté sur l’économétrie statistique;

• Les développements de la méthode GMM par Hansen en 1982, qui étend la méthode des VI,

• Les racines unitaires et la cointégration, dans la cadre des sériées temporelles; et

• Les développements de la microéconométrie.

7- Rôle de l’économétrie

7.3- Econométrie moderne• Qu’est-ce qu’un modèle économétrique? En quoi peut-il être bien ou mal spécifié?

• Le concept clé qui permet de répondre à ces deux questions est celui du processus générateur des données (PGD), défini comme étant un mécanisme stochastique, géré par une loi de probabilité, susceptibles de générer les variables endogènes du processus en fonction des exogènes, supposées données.

• L’hypothèse de l’économètre, en tant que modélisateur, et que le mécanisme qui a réellement généré les données qu’on a observées peut être représenté mathématiquement par un tel PGD.

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7- Rôle de l’économétrie

• Un modèle n’est rien d’autre qu’un ensemble de PGD.

• Un modèle est dit bien spécifié pour un échantillon de données si la représentation mathématique du processus qui a généré l’échantillon est un élément de l’ensemble qui constitue le modèle, et mal spécifié sinon.

• Le modélisateur doit arbitrer entre le souci de robustesse (modèle peu restrictif, bien spécifié mais peu informatif) et le souci de précision (modèle très restrictif avec des informations supplémentaires permettant de l’efficacité dans les estimations).

7- Rôle de l’économétrie

7.4- Problèmes épistémologiques(i) Problèmes engendrés par la probabilité• Un modèle est adéquat dans la mesure où les propriétés

des données observées sont comme si elle étaient générées par un processus générateur stochastique contenu dans le modèle.

• Cette approche probabiliste de l’économétrie n’est plus unanime, comme en témoigne l’économétrie bayésienne(adaptée pour la décision statistique et la prévision) ou celle qui utilise les fréquences (adaptée pour la description statistique pour résoudre les problèmes de la coexistence de deux théories, keynésienne et monétariste par exemple).

7- Rôle de l’économétrie

(ii) Problèmes engendrés par les données• L’importance des erreurs de mesure des données

économétriques est grande et difficile à mesurer.• Si une variable que l’on cherche à expliquer

est mesurée avec erreur, les conséquences en sont mineures, parce que l’erreur de mesure peut être assimilée aux autres éléments aléatoires dans le PGD concernant ladite variable.

• Mais si c’est une variables explicative qui est mesurée avec erreur, les erreurs de mesures induisent des biais, parfois importants, dans les estimations de paramètres.

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8- Scientificité de l’économie

1. Sciences « dures » et sciences « molles »

2. Physique

3. Economie

4. Formalisme

8- Scientificité de l’économie

• La question du statut scientifique de l’économie est problématique et conduit certains auteurs à remettre en cause sa scientificité.

• Pourtant, parmi l’ensemble des relations sociales, les économistes ont choisi celles qui se présentent sous forme quantitative.

• A la différence du « réel sociologique » ou du « réel politique », le « réel économique » se présente d’emblée comme un ensemble plus ou moins structuré de grandeurs.

8- Scientificité de l’économie

8.1- Sciences « dures » (SD) et sciences « molles » (SM)

La différence entre les deux peut être faite d’au moins 6 manières:

• (i) Une SD dure se prête à une théorie clairement formulée et à des mesures quantitatives.

• (ii) La théorie d’une SD a pour base reconnue un ensemble de principes explicatifs performants qui peuvent s’appliquer à une grande variété de situations (en physique la formulation des forces comme champs, ou les principes de conservation en mécanique, par exemple).

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8- Scientificité de l’économie

• (iii) Les mesures d’une SD sont très élaborées sur le plan statistique. Les principes méthodologiques de mesure sont une base reconnue. Les observations fondamentales peuvent être reproduites par des spécialistes sur le terrain (protocoles expérimentaux en physique, par exemple)

• (iv) Une SD comprend un ensemble d’entités fondamentales et a pour activité importante le mesure de ces entités.

• (v) Une SD propose des explications convaincantes et vérifiées de phénomènes curieux et complexes en termes de mécanismes spécifiques faisant appel aux concepts explicatifs fondamentaux et aux mesures quantitatives des principales entités.

8- Scientificité de l’économie

• (vi) Les méthodes et la théorie d’une SD peuvent faire apparaître des régularités dans les phénomènes étudiés qui se prêtent à des lois.

• Sur cette base, l’économie remplit certains de ces critères et est loin d’en satisfaire d’autres. LESQUELS???

8- Scientificité de l’économie

8.2- Physique• Les mathématiques sont le langage naturel de la

physique. A la base de cette discipline se trouvent un ensemble de principes fondamentaux qui s’expriment naturellement par un système d’équations.

• C’est parce que les théories physiques s’expriment dans un système d’équations, et que les solutions de ces équations sont des nombres, que l’empirie –qui représente une autre façon de produire les nombres – est un moyen de falsifier ces théories.

• Comme l’empirie est susceptible de réfuter les modèles en physiques, les chercheurs ne sont pas obsédés par la rigueur formelle de leurs démonstrations.

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8- Scientificité de l’économie

8.3- Economie• En économie, les équations ne sont qu’un des modes

d’expression d’une analyse (d’un discours). L’économie ne se déduit pas toute entière de quelques équations fondamentales.

• En économie, l’empirie n’est pas un outil puissant de falsification, au contraire de la physique. Les théories survivent à l’invalidation de leurs prédictions, car ces dernières dépendent d’un formalisme particulier, d’hypothèses particulières, et ne sont pas liées au cœur de l’analyse de manière structurelle (logiquement obligatoire) comme en physique.

8- Scientificité de l’économie

• La rigueur formelle en économie (orthodoxe) est l’objet d’un culte, de sorte que les économistes mathématiciens ont relativement plus d’influence que les physiciens mathématiciens.

• L’articulation non-structurelle et la globalité de la valeur explicative jouent le rôle de garde-fou dans l’élaboration des théories économiques. Les différentes composantes d’une analyse et les différentes méthodes se valident ou se réfutent mutuellement par leur capacité à s’articuler et à conjuguer leurs valeurs explicatives, sans qu’elles puissent se fondre en une totalité unifiée.

8- Scientificité de l’économie

Pour résumer, on peut souligner trois problèmes de la science économique:

• Problème 1: la place donnée au formalisme, entre fétichisme et rejet total;

• Problème 2: l’unité de la science économique, qui revêt l’apparence d’une somme de théories élémentaires plus ou moins désarticulées (micro, macro, monnaie, industrie, croissance, etc.) inscrites dans un vaste ensemble d’écoles, sans principes unificateurs fondamentaux comme en physique;

• Problème 3: la validation, car la falsification qui préside au progrès de la physique ne s’applique pas en économie, comme en témoigne la succession des théories.

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8- Scientificité de l’économie

8.4- Formalisme.

• Outil indispensable pour aborder un certain nombre de problèmes.

• Les équations n’étant qu’un mode d’expression du discours économique, il peut exister des

différences importantes entre les outils utilisés par les orthodoxes et les hétérodoxes (par exemple, ces derniers ne sont pas obnubilés par la maximisation de l’utilité)

8- Scientificité de l’économie

• Le problème de l’articulation des méthodes formelles et des autres approches doit être traité très sérieusement:

=> En économie en effet, les mathématiques sont toujours réductrices (on perd quelque chose à partir du moment où on écrit des équations) et il faut faire preuve d’une certaine méfiance face aux résultats d’un modèle.

mais la critique doit être aussi renversée:=> Le formalisme permet souvent de mettre de l’ordre

dans les analyses qui en manquent, de relever leur manque de cohérence, e le refus systématique du formalisme est souvent un indice de la carence de l’analyse.

8- Scientificité de l’économie

• Claude Mouchot: « l'économie ne sera jamais « science normale » au sens de T.S. Kuhn ; l’unification des théories économiques ne se réalisera jamais, au moins dans une société démocratique ; il faut abandonner la référence à

la physique et déterminer à nouveau frais le statut épistémologique de notre discipline »

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Références

• Deschamps, M. (n.d.) « Ethique et économie: la tentative de réconciliation aristotélicienne d’Amartya Sen », Miméo

• Nadeau, R. (1983), « L’épistémologie comme idéologie », dans Savary, C. et Panaccio, C. (dir), L’idéologie et les stratégies de la raison, Editions Hurtubise, Montréal, pp. 119-147

• Mongin, P. (2000), « La méthodologie économique au XXème siècle. Les controverses en théorie de l’entreprise et la théorie des préférences révélées », dans Béraud, A. et Faccarello, G. (dir), Nouvelle histoire de la pensée économique, La Découverte, Paris, Tome 3, Chap. 36

Références

• Mongin, P. (2003), « L’analytique et le synthétique en économie », Cahiers d’Epistémologie, n° 2003-15, Université du Québec à Montréal, 44p

• D’Autume, A. et Cartelier, J. (dir) (1995), L’économie devient-elle une science dure?, Economica, Paris

• Blaug, M.(1994) La méthodologie économique, Economica, Paris

• Leroux, A. et Mariano, A. (dir) (1999), Traité de philosophie économique, DeBoeck, Paris

• Leroux, A. et Mariano, A. (1998), La philosophie économique, PUF, Que Sais-Je, Paris

Merci

Roger Tsafack Nanfosso

www.tsafack.com