....SAISON 2AVRANCHES...ÉPISODE 3......(3 / 12)

l’ephémère Saga, ou comment j’ai grandi.

ENTRE CHIENS ET LOUPS

Solenn Denis / Jérémie Fabre

Solenn Denis / Jérémie Fabre

ENTRE CHIENS ET LOUPS

PERSONNAGES

Mon père, ma mère, moi, Sabrina Bellino, Petit Maxime, Aline Lambert et deux de ses copines, Pascal le pion, la mère de Pascal, le vétéran du Vietnam (le type), Émilie, Nathalie, Letondu, Karine Delahaye, Vaugeois, Ravi Shankar Marchais, Cédric Alary, Freddie, Tata Guilaine, Capri c’est fini, Madame Bock, le CPE Bouillet.

l’Ephémère Saga

Ou comment j’ai grandi DEUXIÈME SAISON AVRANCHESÉPISODE 3

« Hé toiDis-moi que tu m’aimesMême si c’est un mensongeEt qu’on n’a pas une chance.La vie est si tristeDis-moi que tu m’aimesTous les jours sont les mêmesJ’ai besoin de romance. »

Jacno. AMOUREUX SOLITAIRES

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PREMIER MOMENTSTILL LOVING YOU

Dimanche matin. Le lendemain du concert de Jean-Michel Jarre, chez Mon Père et moi, au 1 de la rue du Baron d’Orsenne, à Avranches - quartier de la Turfaudière. Deux voix dans le noir : mon père et ma mère allongés dans le lit.

VOIX DE MA MÈRE Quelle heure il est ?VOIX DE MON PÈRE On aurait jamais dû.VOIX DE MA MÈRE Hein ? VOIX DE MON PÈRE Je dis on aurait jamais dû. 8h11.VOIX DE MA MÈRE Quoi donc ?VOIX DE MON PÈRE Il est 8h11.

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VOIX DE MA MÈRE Non : on aurait « jamais dû » quoi ?VOIX DE MON PÈRE Ben. Rentrer ensemble. Et dormir. En-semble. De nouveau.VOIX DE MA MÈRE Maiiiiiis non ! C’est pas grave. C’est rien. Tiens passe-moi mon T-shirt tu veux.

Un poil plus tard. Ma chambre. Moi, dans mon lit.

Réveillé par une triviale envie de faire pipi à t’en gâcher la grasse mat, je tente d’ignorer ma vessie. Lui explique que -non- je ne me lèverai pas, je vais dormir encore, et qu’on en reparlera dans deux heures. Que c’est pas elle qui décide et qu’il est hors de question que je pose un pied sur le carrelage froid du couloir un dimanche matin à – je regarde le réveil – pétard, à 8h23 !!

Je me dis tout ça très vite pour rester embrumé, tentant de replonger dans le sommeil en invoquant un maximum d’images abstraites et colorées pour contrecarrer le petit vélo du cerveau qui se mettrait à pédaler. Les lasers rouges-jaunes-violets-verts du concert de Jean-Michel Jarre* envahissent mon esprit. Je me love dedans un sourire aux lèvres tant c’était chouette. Je me souviens.

Je me souviens du dernier morceau quand j’étais déjà presque endormi dans les bras si doux de ma tata Guilaine. Je me sou-viens des applaudissements et de la voix suave de Jean-Michel nous disant « GOOD NIGHT LA NORMANDIE ! » dans son micro avec un méga écho. Je me souviens de papa à ma gauche et de maman à ma droite. Juste séparés par Guilaine et moi, quoi. Puis d’avoir été déposé à l’arrière de la voiture et d’avoir dormi sur le trajet. Mais c’était quelle voiture ? Celle de papa normalement. Puisque maman a dû rentrer à Vire. Pourtant je suis plus certain…

*voir épisode 2, saison 2- Avranches / « Boule de flipper qui roule, qui roule »

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J’entends la radio dans la cuisine. Mon Père doit déjà être levé. (Les vieux, ça sait pas dormir tard le matin.) Y’a cette chanson un peu sucrée et super triste de Scorpions « Still Loving You ».

Time, it needs timeTo win back your love againI will be there, I will be thereLove, only loveCan bring back your love somedayI will be there, I will be there

Je ferme encore un peu les yeux. Dans ma tête Guilaine qui fume sa menthol. La façade du Mont qui nous domine. Papa qui re-garde maman du coin de l’œil, et maman qui regarde droit devant elle. Et le gros son de Jean-Michel.

I’ll fight, babe, I’ll fightTo win back your love againI will be there, I will be thereLove, only loveCan break down the wall somedayI will be there, I will be there

Bon. Ok. Je cède. T’as gagné, vessie de pacotille ! Un petit pipi et je cours me remettre au lit.

Dans le couloir, carrelage gelé et odeur du café. Je fais pipi vite vite avec mon petit zizi (au passage ce serait bien quand même qu’il se décide à grandir, je vais pas avoir un asticot dans le sli-bard toute ma vie. Mais d’après Petit Maxime on va bientôt entrer dans le stade de la puberté et ça devrait changer. Ils en parlent aussi dans la Vie, ce dessin animé qui t’explique comment est fait le corps avec des gentils bonhommes pour les globules et des méchants fielleux pour les microbes).

J’entends des voix. Dans la cuisine. Mon père et... MA MÈRE !? C’est la voix de ma Mère ! Ils chuchotent. Ma Mère ici à huit heures vingt quatre et demi du matin ??

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Je décide de me la jouer comme dans Cat’s Eyes.

Je rentre le haut de mon pyjama Snoopy dans le bas pour proté-ger mon ventre du froid du sol et je me mets à ramper sur le car-relage jusqu’au bout du couloir. Regard furtif à l’angle du mur du couloir et de la cuisine. Regard qui remonte du bas vers le haut : chaussons, chevilles, jambes, taille, chaise, table, mains sur les tasses, bras nus, têtes pas bien réveillées.

Ma mère souffle sur sa tasse, mon père fait des slurps de café, et au milieu, des mots.

MON PÈRE Tu crois pas qu’on a fait une connerieMA MÈRE On va pas commencer à regretter chaque chose. On l’a fait, c’est tout. On avait envie. C’est normal après 13 ans de relation. Ça peut pas disparaître comme ça, et surtout, ça veut rien dire. Faut pas s’attarder dessus. Je vais rentrer chez moi et toi tu vas rester tranquillement ici. Chacun sa vie.MON PÈRE D’accord mais je voudrais pas que le petit se fasse des idées. Qu’il s’imagine.MA MÈRE Parce que toi tu t’en fais pasMON PÈRE Bien-sûr que non enfin. Pour moi tout est clair tu sais bien. Très clair. C’était juste une nuit.

Mon Père slurpe. Son slurp est amer, je l’entends, il ne slurpe pas comme d’habitude. Il slurpe pour dissimuler ce qu’il a dans la bouche de mots qui voudraient sortir pour tout bousculer.

Bruits de manteau que l’on enfile et trousseau de clefs.

MA MÈRE Je vais y aller avant qu’il se réveille.

Ni une ni deux, palpitant à cent mille, je fais de grands glis-sés à reculons-sorte de brasse à l’envers, mon haut de pyjama remonte, mon ventre se colle au carrelage froid je retiens un cri- et regagne ma chambre.

Par la fenêtre, quelques instants plus tard, je vois ma mère sortir de l’immeuble incognito, emmitouflée dans son grand manteau de laine bouillie maronnasse.

J’ai envie de chialer. C’est super triste en fait de regarder les gens partir depuis sa fenêtre. (C’est la dernière fois que je fais ça.)

MA MÈRE crie Putain! Mes pneus, putain ! C’est pas vrai ! Les quatre ! Oh putain !

Ma mère tourne autour de sa Lada en jurant, laissant retomber fort ses bras le long de son corps après les avoir levés en l’air. Ça claque sur ses cuisses. Un instant après, mon Père est là. (Il devait regarder par la fenêtre lui aussi. )En pyjama, il est furibard. C’est mi-drôle, mi-terrible de les voir tous deux s’agiter sur le parking comme ça en invoquant ce fils-de-chien-tu-vas-voir-si-je-l’attrape-je-vais-lui-faire-passer-un-sale-quart-d’heure. Je ris et me pince les lèvres à la fois.

Mais quand même, je crois que mon Père et ma Mère sont encore amoureux. Faut être amoureux pour descendre dans la rue en pyjama réparer des pneus crevés. Puis faut être amoureux pour boire du café ensemble le matin après un concert de Jean-Michel Jarre au Mont Saint Michel, non ?

Et je me demande si on va revivre tous les trois à Vire. En même temps, l’idée de quitter la Turf’ et surtout le collège de la Chausse, mon nouveau copain Petit Maxime, mon copain Le-tondu, les répétitions du Club Théâtre avec Pascal le pion ringard sympa, et surtout Emilie de la 5ème Maradona, et surtout surtout surtout les seins d’Aline – déclenche dans mon épine dorsale un long frisson glaçant.

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DEUXIÈME MOMENT DANS LES YEUX

L’abribus devant le collège. Le lundi matin vers 8h.Petit Maxime et Sabrina Bellino discutent avant de passer le portail. Petite pluie fine et froide.

SABRINA BELLINO Ce mec c’est un dégonfléPETIT MAXIME Oui il m’a beaucoup déçu.SABRINA BELLINO Le pire c’est qu’il s’est fait passer pour un martyre avec son coup sur la tête. Alors qu’il est arrivé comme une fleur après la baston*.

*voir épisode 2, saison 2- Avranches / « Boule de flipper qui roule, qui roule »

PETIT MAXIME Un jauneSABRINA BELLINO C’est quoi ça un jaune ?PETIT MAXIME C’est la couleur qui désigne les traîtres. SABRINA BELLINO Ah ouais. C’est ça. Au concert de Jean-Michel Jarre il faisait des grands sourires. Mais j’ai rien lâché. PETIT MAXIME T’as bien fait. Ce type c’est un lèche-bottes. SABRINA BELLINO C’est à dire ?PETIT MAXIME Ben. Un type qui lèche des bottes. SABRINA BELLINO Ah ouais. PETIT MAXIME En tout cas il peut toujours courir pour que je soutienne sa candidature. SABRINA BELLINO Courir ?PETIT MAXIME Si tu veux je bosse pour toi.SABRINA BELLINO C’est à dire ?PETIT MAXIME J’écris ton programme. Je trace tes perspec-tives. On pourrait appeler ça « La Chaussonnière apaisée ». Ou alors : « Sabrina, la force tranquille ». SABRINA BELLINO Tope-là.

Là, c’est moi qui arrive, avec mon énorme cartable rempli de théorèmes de Pythagore et de photocopies de George Dandin. Et j’ai la désagréable sensation de les interrompre. Tout d’un coup ils regardent par terre. On entend la pluie tapoter sur le toit de l’abri dans un sordide plic-plac-plouc. Sabrina Bellino, ma rivale pour les élections des délégués qui ont lieu vendredi ; et Petit Maxime, mon directeur de campagne ; lui le cerveau à l’intelligence inégalée, et elle, cet empilement de nerfs et de muscles à la volonté de fer. QU’EST-CE QU’ILS FONT ENSEMBLE ??

MOI Euh. Salut.

Pas de réponse. Même pas un chien qui aboie. Je reste à quelques encablures de l’abri-bus, sous la pluie, en un décrochage léger. Mon k-way m’écrase les sourcils et mon cartus cambre légère-ment ma silhouette.

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SABRINA BELLINO T’as pas entendu quelque chose ? Un bruit par là ?PETIT MAXIME Non. Rien du tout. T’as du rêver.

Les salauds. Sabrina Bellino, toujours aussi à la mode, porte ce fabuleux pan-talon de jogging Adidas garni de boutons pressions de chaque côté des jambes. C’est vrai qu’on a EPS aujourd’hui. Ça donne une furieuse envie d’ouvrir en tirant d’un coup sec du bas jusqu’en haut. Je me retiens. Faites l’amour / pas le guerre. Comme a dit mon ami américain.*

PETIT MAXIME T’en as pensé quoi toi du concert ?SABRINA BELLINO pas trop ma came, moi, la musique en boîte de conserve. Je préfère le vrai son.MOI C’est des préjugés. Je te signale que la musique électro c’est l’avenir. Et Jean-Michel Jarre c’est juste la face émergée de l’iceberg. Le mainstream de l’électro. Tu connais « rectangle » ? L’album de Jacno ?

(Gros blanc)

MOI Ça a l’air simple mais ça l’est pas en fait. C’est ma tata Guilaine qui m’a expliqué. Enfin un ami à elle qui tâte un peu. Tu vois, le paradoxe du simple, c’est d’ouvrir les multiples chemins de l’abstraction mathématique secrète de la musique, par lesquels il n’y a pas de petite musique. La variété des répétitions n’est pas la reproduction de soi. C’est le style de la ponctuation acoustique quand elle fait vibrer l’électronique, quand laissant entrer le désir dans la machine obtuse elle déchire une petite faille, une âme instrumentale, pour libérer le supplément d’âme. Une avant-garde dans le ruisseau à la ritournelle comme performance de renversement du réel.

(Re-gros blanc.)

*voir épisode 1, Saison 2 – Avranches « le retour »

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SABRINA BELLINO Ouais. Pour moi c’est surtout un musicien qui a rien à dire. Un vrai artiste c’est un artiste qui s’engage, avec des paroles ET DES ACTES. T’étais où pendant la manif ? On t’a pas vu !MOI Personne m’a prévenu ! Dis-lui, toi, Petit Maxime.PETIT MAXIME Maxime. Tout court. Seuls mes amis ont le droit de m’appeler Petit.

Derrière on entend la sonnerie de 8h10 qui grince comme pour m’adresser elle aussi un reproche moisi.

PETIT MAXIME Tu viens Sab ?

Et ils me plantent là. Je reste un moment figé, l’impression que mes pieds et le goudron c’est pareil. La pluie me dégouline sur les oreilles. J’ai la sensation d’être dans ce poème de Verlaine sur lequel on a travaillé avec Labro : « Il pleure dans mon cœur Comme il pleut sur la ville ; Quelle est cette langueur Qui pénètre mon cœur ?* ». Non. Plus que ça. Je SUIS un poème de Verlaine. Je suis MAUDIT, moi aussi.

Et si j’allais pas en cours ? Et si j’envoyais tout balader ? Com-ment peut-il me faire ça, Petit Maxime, alors qu’il m’avait promis d’être mon homme de l’ombre pour l’élection des délégués ?? Et en même temps, j’interprète leur mépris comme une confirma-tion. Ils n’ont rien compris. Rien compris à l’engagement, rien compris à la musique. Maintenant je sais. Je serai musicien, un musicien minimaliste, à l’engagement radicalement minimal. Pour la première fois j’ai une VRAIE idée, une envie POUR DE VRAI. Pas un truc de gamin, pas vulcanologue ou chasseur de trésor. Non. MU-SI-CIEN. Le concert, la fête de tata Guilaine, la musique que m’a fait écouter l’américain dans son walkman*. Tout ça commence à s’aligner devant moi comme une évidence.

WWWWFFFFFOOOOUUUUUDUUUUUWW

*voir épisode 1, Saison 2 – Avranches « le retour »

Une brise sensuelle soulève un petit tapis de feuilles.

ALINE LAMBERT Hey ! Toi. Regarde-moi dans les yeux.MOI- de quoi ?

Je me retourne. Est-ce ma nouvelle aura de musicien qui déjà fait des ravages chez les adolescentes ?

ALINE LAMBERT J’ai dit : dans les YEUX ! Pervers !!

Et elle éclate de rire. Et elle me plante là à son tour. Elle, la brise sensuelle, le tapis de feuilles qui délicatement s’envolait, c’était Aline Lambert, de la 4ème Jean Tigana. Avec ses SEINS. Elle était là depuis le début de la scène, assise elle aussi dans le coin de l’abri bus, à assister à mon humiliation. Adossée langou-reusement contre une affiche publicitaire pour le soutien gorge Wonderbra, avec cette phrase en grosses lettres qui s’étale sous le corps d’une top model tchécoslovaque ou un truc comme ça : « regardez-moi dans les yeux / j’ai dit dans les yeux. » Comme ce qu’a dit Aline. Je comprends pas trop ce que c’est sensé signifier. Je l’ai bien regardée dans les yeux ? Ou alors non ? Où aurais-je pu la regarder ?

Maintenant le banc est nu, un silence morne plane dans la cour-avant du collège. L’ombre de mes perfides camarades continue de ricaner en me désignant du doigt, et la dame en Wonderbra sur l’affiche se confond avec l’image d’Aline Lambert s’éloignant derrière la grille. Elle agite orgueilleusement la brume, de ses volutes mammaires.

(Plus tard, j’en suis sûr, j’en ferai une chanson. C’est ce que je ne peux m’empêcher de me dire à cet instant)

ALINE LAMBERT

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MOMENT INTERMÉDIAIRE EUROVISON

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PASCAL C’est évident ce sont ces petits sauvageons incultes de troisième SEGPA qui ont fait le coup.LA MÈRE DE PASCAL Tu devrais te reposer. Mange quelque chose.PASCAL Je sais pas si j’ai faim. LA MÈRE DE PASCAL Ah zut l’émission a déjà commencé.PASCAL Quand même les quatre pneus tu vas pas me dire que c’est un coup de malchance. Ah si je les tenais ! Je leur ferais réciter l’Acte 3 de George Dandin jusqu’à l’épuisement.LA MÈRE DE PASCAL Tu veux pas du jus dans ta purée ?PASCAL Je dois cesser de me faire marcher sur les pieds par cette bande de petits

morveux.

VOIX DANS LA TV C’est maintenant au tour de cette jeune candidate d’origine québécoise mais qui représente la Suisse. Céline Dion. Qui nous interprète « Ne partez pas sans moi ». Et bien en effet, nous allons l’attendre, haha !VOIX DE CÉLINE DANS LA TV Ne partez pas sans moi laissez-moi vous suivre / Vous qui volez vers d’autres vies laissez-moi vivre / La plus belle aventure les plus beaux voyages / Qui mènent un jour sur des soleils sur des planètes d’amour

LA MÈRE DE PASCAL Elle est belle cette fillePASCAL Maman on est vraiment obligés de regarder ces absurdités -là ?! Tu trouves pas que la société est déjà suffisamment médiocre sans qu’on s’inflige en plus la tête de cette Castafiore permanentée ? LA MÈRE DE PASCAL Pourquoi tu es si dur ? C’est ton travail qui te rend dur.

Un soir chez Pascal le pion, au numéro 13 de la Rue du Docteur Charcot. Pascal, en robe de chambre dans son salon, regarde la télévision.

Sa mère, une femme d’une soixantaine d’années, lui a mijoté un petit plateau repas.

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VOIX DE CÉLINE DANS LA TV Vous les nouveaux poètes /Vous les oiseaux magiques / Vous vous allez peut-être trouver /De nouvelles musiques

PASCAL Chaque jour j’essaie de hausser un peu le niveau, de ne pas renoncer à por-ter ces enfants vers ce qu’il y a de meilleur. Leur donner accès à notre patrimoine commun. Et pendant ce temps la télévision publique sape mon travail en rabaissant le niveau à hauteur de pâquerettes. Et le Ministère de la Culture ouvre des Maisons de Quartier pour que les jeunes fassent des graffitis et chantent du rap, en tapant frénétiquement sur des djembés ! André Malraux doit se retourner dans sa tombe !

VOIX DE CÉLINE DANS LA TV Vous donnez-moi ma chance /Je veux chanter moi aussi /Ne partez pas sans moi laissez-moi vous suivre

LA MÈRE DE PASCAL Il faut bien qu’ils s’exprimentPASCAL Oui ben t’inquiète pas pour eux. Crever des pneus c’est ça leur mode d’ex-pression. (Je m’énerve je m’énerve. Toutes façons ça sert à rien)

Il éteint la télé avec la télécommande et la balance à moitié sur la table basse.

LA MÈRE DE PASCAL C’est ballot, on saura pas qui a gagné l’Eurovision cette année.PASCAL Et ben on saura pas ! Voilà ! Passe-moi donc le sel.

Dans un silence lourd et froid, la mère de Pascal lui passe du sel, puis débarrasse son assiette et va se coucher. Pascal reste immobile à ruminer devant la télé éteinte.

PASCAL « Vous l’avez voulu, vous l’avez voulu, George Dandin, vous l’avez voulu, cela vous sied fort bien, et vous voilà ajusté comme il faut, vous avez justement ce que vous méritez*. »

*George Dandin, Molière - une scène quelconque de l’Acte 3. Ou alors de l’Acte 2, mais c’est un peu tout le temps pareil

de toutes façons dans cette pièce. C’est vraiment pas la meilleure de Molière, on peut le dire.

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TROISIÈME MOMENT UN INDIEN DANS LA VILLE

Mardi en fin d’après-midi.

Le mardi après les cours j’ai l’habitude d’aller m’acheter des cartes Panini au Mermoz, avant de rentrer. Papa court les agences d’intérim, de toutes façons je suis tout seul à la maison. Mais là je pousse un peu plus loin, comme ça. Je m’enfonce en direction de la Cité d’Automne, en tout cas, en dehors du quar-tier. Y’a des maisons un peu plus bourgeoises et des jardins avec des haies bien taillées. Après je suis censé avoir rendez-vous avec Letondu et Karine Delahaye (la fille la plus belle de 3ème, elle a plein d’argent son

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père est dentiste et sa mère psychanalyste), qui paraît-il ont quelque chose de TRÈS IMPORTANT à me dire. De FONDAMENTAL même.

Mais je me méfie un peu depuis hier à cause de la trahison de Petit Maxime. J’ai bien conscience que la vie est une jungle et que personne n’attend rien de moi, que personne ne m’attend. Je dois faire face TOUT SEUL. Tracer ma voie sans tenir compte des autres. Même si c’est triste. Peut-être on s’habitue ?Musicalement, j’hésite encore entre l’électro minimaliste à la française / et le song writing à l’américaine, comme Janis Joplin, même si c’est un peu daté. Ou même Bob Dylan qui est à la fois musicien ET poète contre la guerre, ce qui est assez canon.

Je croise une résidente de la Cité d’Automne qui marche hyper doucement avec un déambulateur. Elle s’arrête au pied d’un pan-neau sucette marqué « roulez lentement ». Elle me regarde mais ne me voit pas. Je suis invisible. Puis je croise encore une de ces affiches pour la pub Wonderbra. Aline m’obsède. J’ai rêvé d’elle cette nuit. Enfin de ses seins. Ils étaient géants, je devais grimper dessus comme sur une mon-tagne, et je faisais du vélo, j’escaladais à mains nues le téton de son sein droit.

LE VÉTÉRAN Tiens tu es ici bas petite. MOI Bonjour Monsieur. Oui. Je réfléchis à des trucs.

Mon vieil ami américain de l’épisode 1* – celui qui a déserté la guerre du Vietnam et qui ressemble à Rambo, mais avec une queue de cheval, une barbe drue, des fringues excessivement larges et un gros sac à dos– passe la tête au travers de la vitre de son Van Volkswagen orange. Il dort dedans. (C’est lui justement qui m’a parlé de Janis Joplin et de Bob Dylan. Marrant. Il m’a même dit que si c’était lui, à Bob Dylan, il lui donnerait le prix Nobel de la Paix.)

Rambo est torse nu, laissant voir sur sa peau tannée un magni-fique tatouage de loups et de caractères chinois. De la musique et une odeur envoûtantes s’échappent de l’intérieur de la cabine.

*voir épisode 1, Saison 2 – Avranches « le retour »

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LE VÉTÉRAN Ow. Yes. Tu as l’air pensitive en effet. Quelque chose qui agite ton tête. No ?MOI Oh. Disons que. Je crois que je suis à un pallier. LE VÉTÉRAN I see.MOI Et vous ? vous allez bien ? En fait, vous habitez… LÀ ? LE VÉTÉRAN Yes. Tou vois ici c’est mon maison cette camion. Comme ça je habite là où le vent me pousse. Freedom.

Ça a l’air cool mais je me demande quand même comment il fait quand il a envie de faire la grosse commission dans son camion, s’il a une sorte de Tupperware ou s’il est OBLIGÉ d’aller trouver un fourré ce qui, franchement, est pas l’éclate à la Turf’ vu que y’a surtout des parkings tout plats. (En même temps les scouts du Centre Saint Paul le font bien alors pourquoi pas.)

Sur la portière de son van s’étale en grand le visage peint d’un vieil indien qui regarde en direction d’un soleil rose fuchsia. Il a tellement de rides qu’on dirait une terre craquelée.

LE VÉTÉRAN Je vois tu regardes le vieux homme sur le van. C’est un Wabanuwok, un indien issu des Nations Premières. Il était là depuis le nouit des temps, bien avant nous, les blancs. Fucking blancs qui ont fait le massacre de indiens pour voler le terres et le femmes et violer elles comme les porcs. Bullshit. On aura jamais fini de expier nos fautes pour avoir décimé ce civilisation you see.MOI Et à côté c’est son fils ?LE VÉTÉRAN Yes boy. Ou son petit-fils. Si tou regarde bien tu puisses deviner ce qu’il dit à lui.

Je m’approche un peu par politesse mais ne devine que dalle. Puis je le regarde lui. L’ancien soldat devenu prophète de la Paix et de l’amour. Il plisse les yeux encore plus que l’indien, son œil est complètement fissuré de faisceaux rouges et on dirait qu’il regarde à côté quand il me parle. Il a trois dents en moins et on dirait qu’il s’est pas lavé les cheveux depuis un bon moment… mais il m’impressionne toujours autant.

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Puis je regarde machinalement par terre, comme pour ne pas me laisser hypnotiser. Tiens. Qu’est-ce que c’est ?Je vois un gros tas de poils blancs qui dépassent de sous le Van.

MOI Et là, c’est votre chien ?LE VÉTÉRAN Chien ? Où ça chien ? MOI Ben par terre. Devant. Enfin dessous.

Mon copain amerloque semble tout à coup un poil inquiet. Ner-veux même. Il rentre sa tête dans son camion, ouvre la portière, la claque d’un coup très sec, et descend me rejoindre aux pieds du grand chien blanc allongé par terre, juste devant son van. En fait le chien bouge pas / on dirait qu’il respire pas.

Rambo-Dylan a l’air d’avoir peur et alors moi aussi j’ai tout à coup les chocottes. Mince de mince. Qu’est-ce qui se passe ? Il se baisse et regarde sous le camion, puis derrière, puis à nou-veau dessous. C’est méga tendu, là, y’a un truc pas normal.

LE VÉTÉRAN Bullshit. What’s the fuck. Dog ?? Are you alive ? MOI Il est … mort ?LE VÉTÉRAN Saloperie de salopes. Est-ce que c’est le chien de toi ?MOI Hein ? non. J’ai pas de chien. J’ai pas de chien. C’est pas le vôtre ?LE VÉTÉRAN Pas du tout ! C’est encore des types dérangés qui déposent devant moi des cadavres de animals inanimés. Help-me je vais le emballer dans un sac de poubelle. Bullshit.

Et on se met à emballer super fiévreusement dans du plastoque ce grand chien blanc que je prenais pour son chien à lui tran-quillement endormi devant son camion mais qui en fait était un chien CREVÉ que des types pas nets avaient déposé visiblement après l’avoir tué EUX-MÊMES. D’après lui. Et c’était la troisième fois en l’espace de quelques jours. Hyper bizarre et effrayant. En deux temps trois mouvements, zieutant autour de nous que personne ne nous voit faire, on fait disparaître le chien dur

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comme de la pierre dans le grand sac plastique noir. Franche-ment, se débarrasser d’un cadavre c’est pas si dur en fait, je vois vraiment pas pourquoi ils en font tout un foin dans les films...

On reprend notre souffle, appuyés contre la carrosserie.

LE VÉTÉRAN Tou aurais pas dû voir cette spectacle my boy. C’est pas pour le enfants de ton génération. Je suis sorry boy.MOI Oh vous inquiétez pas pour moi j’en ai vu d’autres à la Planche

(Et en effet je repense tout à coup à cette fameuse nuit où mon père, Jean-Jacques, Monsieur Guedin et moi avions découvert le corps d’une vieille femme à moitié gelée sur le trottoir. Ouais. J’en avais vu d’autres pendant la saison 1, à Vire.*)

Mon vieux pote le vétéran, les yeux fermés et à voix basse, tire sur une drôle de cigarette roulée en forme de feuille séchée et qui sent assez fort, puis lance quelques mots en indien en regar-dant le ciel – à mon avis en indien parce que ça ressemble pas à de l’anglais- puis tape sur la carrosserie de son van comme pour passer à autre chose.

LE VÉTÉRAN Bon. Maintenant que le inhumation du chien est achevée, je vais te dire ce que dit le indien vieux à son petit enfant, okay ? MOI Okay.

Là il prend une voix mystique de vieil indien dans un western et qui serait filmé en gros plan. (J’ai déjà vu ça dans « La Piste des Mohawk » à La Dernière Séance sur la 3.)

LE VÉTÉRAN « Chacun de nous a en lui deux loups qui se livrent un bataille. Un qui est l’amour et la bonté, l’autre qui est le peur et la haine. » Alors le petite gamin regarde le vieux indien et lui demande

*voir épisode 2 saison 1 « le mystère s’épaissit »

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MOI « Lequel des deux loups gagne ? »LE VÉTÉRAN Yes, good answer my boy ! That’s it !

(J’ai tenté ça c’est hyper prévisible tous les trucs de sagesse exotique, à chaque fois c’est plus ou moins pareil)

Il continue avec sa voix de film.

LE VÉTÉRAN Et alors le grand-father lui répond : « celui qui gagne, c’est celui que tu nourris. » Voilà. Les indiens ils disent le vérité sur le vie.MOI C’est pour ça que vous les aimez au point de les dessiner sur votre camion. LE VÉTÉRAN Exact.MOI Et les huîtres, c’est pour quoi alors ?LE VÉTÉRAN Quoi les houitres

Là je sens que je lui en bouche un coin. Hé hé.

MOI Oui, pourquoi je vous ai vu l’autre nuit, après la manif, transporter des bourriches d’huîtres avec mon père et une femme* ?LE VÉTÉRAN Ow ! Ton père c’est Michel !MOI C’est pas son vrai nom. On l’appelle comme ça parce queLE VÉTÉRAN- c’est un type bien ton père. Tu as le chance.MOI Ouais. C’est pas trop ce que pense ma mère apparemment.LE VÉTÉRAN Ow.MOI Je comprends rien parce que l’autre jour j’ai cru qu’ils allaient se remettre ensemble après le concert et puis non. LE VÉTÉRAN I see. Attends. Wait a minut.

Il rentre dans sa roulotte et farfouille à l’intérieur. A travers les rideaux à grosses fleurs mauves on distingue un fatras de livres, coussins, percussions en bois, bouteilles vides. Il ressort.

*voir épisode 2, saison 2 –Avranches « Boule de flipper qui roule, qui roule »

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LE VÉTÉRAN Tiens. Moi non plou je comprends rien à le love. Alors pour consoler écoute ça. Ça c’est l’amour, je t’ai déjà dit.

Et il me donne une K7. Dessus c’est écrit au marqueur très fin et rouge :

JANIS JOPLIN, LIVE AT WOODSTOCK, 1969.

Je la serre dans mes mains tout en me disant qu’il va falloir que je me mette à la guitare si je veux avoir de la corne sur les doigts comme les vrais musiciens.

PUTAINNNN ! J’ai complètement oublié Karine et Letondu. Je plonge dans ses yeux toujours aussi rouges et vitreux tan-dis qu’il allume à présent une pipe en tirant dessus à grandes bouffées. L’allumette danse devant son visage comme un indien autour du feu. Clin d’œil. Je souris. Ce type en jette grave. Il est vraiment classe.

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QUATRIÈME MOMENTMALADIE DES AMOUREUX

Mercredi soir. Pas loin de la cité d’Automne, square de la Métairite.Mon père et moi. On est venus à pieds.

MON PÈRE Arrête de râler, j’suis sûr que tu vas t’amuser. MOI Je vais pas m’amuser avec une fille qui a genre cinq ans !

Je me vois déjà à quatre pattes sur une moquette rose saumon en train de jouer aux Poly-Pocket avec une impérieuse gosse à couettes et barrettes papillons qui hurle si je ne fais pas ce qu’elle veut. Cauchemar.

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MOI Puis c’est qui d’abord ?MON PÈRE Une collègue je t’ai dit. Enfin une SORTE de collè-gue, elle travaille avec la boîte d’intérim*. Comme moi quoi. MOI Je vois vraiment pas pourquoi on a besoin d’aller chez une collègue...

Mon Père s’engouffre dans l’immeuble hâtivement. Je le suis d’un pas traînant. A mi-chemin il dit merde

MON PÈRE MERDE.

Parce que la lumière des escaliers s’éteint et qu’il manque de se casser la margoulette. A tâtons on cherche l’interrupteur. Je soupire, je sens que la soirée va être loooooongue...

Stupeur et tremblements, la collègue qui nous ouvre la porte je l’ai déjà vue. C’’est « l’ombre de la nuit » ! L’ombre à la bour-riche ! La complice de mon père et de mon ami le vétéran du Vietnam pour ce fameux forfait nocturne et huîtreux au sujet duquel je n’ai pour l’instant obtenu aucune information** ! Im-médiatement, la méfiance s’installe. On va pas être amis, toi et moi. Oh non, on va pas être amis si tu entraînes mon père sur la pente glissante du grand banditisme de la contrebande de perles d’huîtres camouflé en travail intérim !

Nathalie - elle s’appelle Nathalie- m’embrasse avec trop de par-fum-patchouli-lavande-nausée- et m’envoie voir « Mimi » dans sa chambre. (Mimi ! Nan mais Mimi quoi ! C’est même pas un nom. Et pourquoi pas Bisou tant qu’on y est !) Docilement, je vais toquer trois petits coups gentils à la porte, trois petits coups si petits que, j’espère, la gamine n’entendra pas, et je retournerai pénard au salon lire Les Inrockuptibles qui trônent sur la table basse. (Tata Guilaine et ses amis chébrans parlent souvent de ce nou-veau magazine de rock, et, en tant que musicien à l’engagement radicalement minimaliste, il est primordial que je m’intéresse à tous les genre musicaux si je veux développer mon oreille.) La porte s’entrebâille. Une paire de yeux à ma hauteur. La porte

*voir épisode 1, Saison 2 – Avranches « le retour » ** voir épisode 2, Saison 2 – Avranches « Boule de flipper qui roule, qui roule »

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s’ouvre plus grand. Pas de couettes ni de barrettes papillons mais...

ÉMILIE !! Mon Émilie de la 5ème Diego Maradona !? Émilie-Ro-sanna Arquette avec ses Reeboks, son Parfum Chipie à la rose, sa nuque coupée très court… Celle qu’on a surprise avec Petit Maxime à l’infirmerie quand elle a eu ses – trucs de filles – ses – règles* ! Celle qui s’est prise un râteau par ce facho de 4ème et qui pleurait dans les vestiaires après le cours d’EPS** !Je veux sourire mais la bouche m’en tombe.

ÉMILIE Salut.MOI

(Je peux pas parler. Il faut que j’avale ma salive mais c’est pas facile.)

ÉMILIE Hé mais t’es pas à la Chaussonnière ? Je t’ai déjà vu je crois.MOI (gloup) Sixième Platini. ÉMILIE Ah ouais.

Je rentre. Elle s’assoit sur son lit. Je reste planté. Il faut que je trouve un truc à dire. Un truc cool. Ça se bouscule dans ma tête, en vrac des idées mal dégrossies, je ne sais laquelle piocher. Je regarde autour de moi, cherchant l’inspiration. Sur les murs, une tapisserie passée avec de petits nuages bleus et des posters super nuls de dauphins qui sautent devant un soleil couchant et de gros bébés dans les bras de types bodybuildés.

MOI T’aimes les dauphins ?

Oh la réplique pourrite ! Pour dissimuler le malaise et attirer sa sympathie, je tente un petit sourire mignon.

ÉMILIE Grave. J’aimerais trop un jour en voir un en vrai à Marineland ou dans une mer des Caraïbes ou je sais pas. Mais

*voir épisode 1, Saison 2 – Avranches « le retour » ** voir épisode 2, Saison 2 – Avranches « Boule de flipper qui roule, qui roule »

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quand y’a des concours à la télé pour nager avec des dauphins ils font toujours gagner les paraplégiques ou les enfants malades. L’eau c’est bien pour eux, ils sentent plus leur corps. Mais pour les enfants normaux, walou. T’aimes pas toi ? Les dauphins ?MOI Si si, ça va. J’aime bien Flipper sur la 3.

Je mens. J’ai vu un reportage sur cette race d’animaux sangui-naires dont les mâles ne se gênent pas pour faire des viols en réunion de femelles dans les bas-fonds marins, mais je sens qu’il n’est pas l’heure encore pour briser le rêve d’Émilie. (Et je sup-porte pas Flipper, cette série où tous les américains sont blancs et sympas alors qu’en fait ils sont justement aussi sanguinaires et sans pitié que les dauphins.)

Elle se penche vers son poste de musique et appuie sur play.

Joe le taxiY va pas partoutY marche pas au sodaSon saxo jauneConnaît toutes les rues par cœur

Meeeeeerde ! Vanessa Paradis. La voix nasillarde de la chanteuse préférée des pré-ados emplit la pièce à toute vitesse. Émilie dodeline de la tête plus ou moins en rythme.

Joe le taxiC’est sa vieLe rhum au mamboEmbouteillage

ÉMILIE T’aimes ?MOI (Je re-mens) Ouais.

Pourquoi je mens comme ça ? Pourquoi je lui dis pas : écoute franchement je trouve que t’as des goûts de chiotte mais t’es sexy en diable avec tes règles et ton appareil dentaire.

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Il est comme çaRhum et mamboJoe, Joe, Joe

ÉMILIE Tu crois qu’ils sont ensemble ?MOI Qui ?ÉMILIE Bah ma mère et ton Père.MOI Mais non. ÉMILIE Je sais pas. Normalement elle invite pas trop des hommes à la maison ma mère. Elle fait toujours croire que je suis petite et qu’elle peut pas sortir, ou si elle sort elle dit qu’elle doit rentrer vite pour libérer la baby-sitter histoire que les hommes la collent pas trop et surtout ne demandent pas à boire -tu sais- « un dernier verre ». MOI Nan mais de toutes façons mon Père et ma Mère ils vont se remettre ensemble. C’est temporaire là. Ils ont même dormi ensemble dimanche après le concert de Jean-Michel Jarre. Donc tu vois...ÉMILIETu sais les adultes des fois ils sont un peu...

Elle tape deux fois son index contre sa tempe tout en tordant sa bouche. C’est charmant. Elle fait ça et j’ai tout à coup envie de l’embrasser justement sur la bouche c’est irrésistible. Je me penche un peu, utilisant la mollesse naturelle du lit en imagi-nant faire passer ça pour une chute involontaire qui m’aurait par hasard fait atterrir sur son visage. Mais elle enchaîne avant que j’aboutisse. Je me redresse l’air de rien.

ÉMILIE Faudrait qu’on les espionne.MOI Qui ?ÉMILIE Ton Père et ma Mère ! Voir s’ils ont le sourire universel quand ils se parlent.MOI Le quoi ??

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ÉMILIE Tu connais pas ?

Je secoue la tête, intrigué.

ÉMILIE C’est un peu comme ça.

(Elle sourit béatement).

Mais en fait tu peux pas le faire si t’es pas amoureux. C’est genre tu es tellement attiré que ça tire ta bouche sur les côtés. Tu vois ?

J’essaie de contrôler mon propre sourire en me mordant les joues au cas où elle aurait détecté quelque chose. Elle me refait le sou-rire béat et j’ai du mal à saisir si elle se moque de moi ou pas.

ÉMILIE Nan mais j’le fais pas bien là parce que je suis pas amoureuse de toi et en fait tu peux pas faire semblant avec ce sourire, mais JE TE JURE c’est vrai.

TOC TOC TOC

Ça toque à la porte. On se fige. Comme si on était en train de faire quelque chose de vachement secret. Sa mère passe la tête par l’entrebâillement de la porte.

NATHALIE Vous voulez manger à table ou dans la chambre ?ÉMILIE Dans la chambre.

(Nathalie repart.)

MOI Elle est cool ta mère.ÉMILIE Tu diras plus ça après avoir mangé du quinoa au tofu fumé.MOI Du quoi ??ÉMILIE Qui-no-a. C’est une céréale bolivienne. La Bolivie c’est vers chez les Incas. Et le tofu ça remplace la viande. Ma mère

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elle cuisine que des trucs super bizarres qu’elle achète dans une coopérative bio. Son surnom c’est Pilpil. À ma mère.MOI Pilpil ??ÉMILIE C’est une autre céréale. C’est comme du millet. Nan mais laisse tomber, elle est pétée je te dis. Au goûter j’ai des bananes séchées ou des fruits secs dans une boîte d’allu-mette. Et en dessert des yaourts de soja ou au lait de chèvre.MOI Ah ouais bizarre. ÉMILIE Et on a pas la télé.MOI T’AS PAS LA TéLé ??? Mais comment tu fais ?

Émilie hausse les épaules. Je suis scié. Émilie est une extra-terrestre. A tout moment je m’attends à ce qu’elle colle son index contre son autre index et que je me re-trouve figé collé comme dans « Loin de ce monde » cette série où l’héroïne a une mère terrienne et un père extra-terrestre et donc ça lui confère des pouvoirs magiques. Mais non. L’extra-terrestre me regarde juste et me sourit. Hé ! Ce serait pas un sourire universel ça ? Encouragé par ses dents qui brillent entre ses lèvres tendues en hamac, je tente une blague.

MOI Tu veux qu’on prévienne la DASS ?

Émilie rit franchement. Chaleur qui se répand en moi et me grise. Woooow woooow woooow ! C’est moi ou je sens une espèce de fluide qui passe entre nous ? Je décide de prendre le taureau par les cornes, essayant d’aborder un sujet un peu plus sérieux et qui me mette en valeur, tout en tournant discrètement autour du sujet de l’amour.

MOI Tu connais la MALADIE DES AMOUREUX ?ÉMILIE L’aveuglement ?MOI Nan. Le SIDA.

Émilie, vachement au fait, me répond avec un air blasé :

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ÉMILIE Ah ouais. Le SIDA.

Elle sort de sous son lit un carton de boîte à pizza. Je m’interroge alors sur le lien entre SIDA et cuisine italienne, quand elle ouvre la boîte et répand sur le lit tout un tas de prospectus informatifs. Sexualité, drogue, alcoolisme, diététique. Y’en a pour tous les goûts. J’en prends un au hasard et fait mine de le feuilleter.

ÉMILIE Le SIDA c’est comme la peste au Moyen-Âge. Tu meurs en souffrant atrocement, avec ta peau qui part en lambeaux et tes organes qui font du pus et t’as plus de forces. C’est hyper contagieux. Mais pas juste en s’embrassant, faut faire PLUS.

(Plus ? Qu’est-ce qu’elle veut dire par là ?)

ÉMILIE Puis faut quand même faut être un peu triste et déses-péré et brûler sa vie dans le plaisir parce que t’as pas d’Absolu pour attraper le SIDA parce que sinon tu te protèges.

Je baisse les yeux sur mon prospectus et remarque que sur la page s’étale le schéma géant d’un vagin. Gêné qu’Émilie puisse croire que je me rince l’œil -mais à contre cœur quand même parce que j’aurais bien étudié la chose- je le repose prestement.

MOI T’es quand même hyper calée. Moi c’est ma tante qui m’en a parlé. Enfin elle m’en a pas parlé mais j’ai entendu ses amis en parler parce qu’ils connaissent quelqu’un qui l’a attrapé, le SIDA. ÉMILIE Ta tata ??MOI Non pas ma tata ! Quelqu’un. ÉMILIE Ah bah tant mieux parce que tu meurs. Moi je ferai jamais l’amour sans mettre de préservatif. Enfin... quand je ferai l’amour.

J’ai soudain envie de disparaître tellement je ne sais pas quoi répondre. Émilie de la 5ème Diego Maradona me parle de faire l’amour. DANS SA CHAMBRE, SUR SON LIT même. C’est... dérou-

tant. Je suis dérouté. Je suis dérouté ET j’ai chaud. (Tout ça va un peu trop vite pour moi je crois. Quand je vais raconter ça à Petit Maxime demain il va – ah non, c’est vrai j’avais oublié. Petit Maxime n’est plus mon ami.)

Pendant ce temps là, dans le salon.

MON PÈRE Et tu voudrais faire quoi ?NATHALIE Ouvrir une boutique et vendre des fringues d’oc-casion. QUE des fringues d’occasion. Les gens jettent mais ça peut encore servir. Acheter, acheter, toujours du neuf. C’est délirant ! A ce rythme là en 2020 le monde sera un tas d’or-dures.MON PÈRE C’est sûr. (Je reprends de ce truc là.)NATHALIE (Vas y c’est du pâté végétal) Des fringues d’occa-sion bien rangées, sur des cintres et tout et bien lavées, qui sentent bon. C’est ça que j’aimerais. Faudrait trouver un local et faire un crédit, mais ça pourrait marcher. MON PÈRE Ça doit pouvoir se faire. C’est une bonne idée. (Elles sont marrantes ces chips c’est quoi ?)NATHALIE (c’est des galettes de riz) Donc ouvrir une bou-tique. Et puis après. Faire un deuxième enfant.

Silence un peu gêné. Mon Père croque le bout de sa galette de riz et siffle la fin de son kir. Nathalie sourit d’un sourire presque universel.

NATHALIE Ça fait fuir les hommes de dire ça à nos âges mais quoi ? J’ai envie. De toutes façons déjà en étant mère céli-bataire faut s’accrocher pour rencontrer quelqu’un pour plus qu’une nuit. Fais pas des grands yeux, je te jure, les hommes ça leur fait peur !

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MON PÈRE Pas toujours non. Je crois pas. On peut pas faire des généralités.NATHALIE Oui bien-sûr maisMON PÈRE Regarde, moi par exemple, je m’engage. Je suis venu à la réunion l’autre jour. Bon, pourtant, l’amour et la politique, j’ai donné. Mais je renonce pas. Je prends mes responsabilités.

Cette fois c’est clair, mon Père rend à Nathalie son sourire uni-versel.

MON PÈRE au sujet de sa galette (C’est bizarre ce truc quand même on dirait du polystyrène, non ?)

ÉMILIE DE LA 5E DIEGO MARADONA

MOMENT INTERMEDIAIRE 36 15 CONFIDENCES

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Ça se passe à Vire, pendant la semaine. Juste avant le déménagement de ma mère du quartier de La Planche vers celui du Val de Vire. Baignée de la lumière bleue de l’écran de son minitel, ma mère est emmitouflée dans son grand manteau de laine bouillie maronnasse, parce qu’elle essaie d’économiser du chauffage. Elle est tout à fait concentrée, et tapote laborieusement à deux doigts sur le clavier.

Minitel.3615 confidences, rubrique parentsExtrait d’une discussion entre MIOU et CAPRI C’EST FINI

MIOU Je sais qu’il faut que j’en profite pour sortir, aller au cinéma ou à des bals folks comme je faisais avant, danser jusqu’au bout de la nuit et rentrer alcooli-sée, profiter. Mais j’ai du mal. CAPRI C’EST FINI c’est sûr je comprendsMIOU Quand t’as vécu pendant dix ans avec un enfant à plein temps, tu perds l’habitude de faire des trucs pour toi. CAPRI C’EST FINI PareilMIOU Et plus que l’habitude, tu perds carrément le goût de faire ça. Tu es là, monomaniaque, mon fils mon fils mon fils. Pourtant j’aimais vachement les bals folks.CAPRI C’EST FINI oui moi aussi. Allons-y ensemble, à deux c’est plus facile de se motiver !

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Ma mère regarde le tiret bleu qui clignote, attendant la lettre à venir, celle qu’elle pour-rait taper sans hésiter et qui peut-être serait un O de « Oui bonne idée ! » Mais elle hésite. Le tiret bleu s’étire, il se met à faire des arabesques, et le personnage géométriquement dessiné avec des tirets, des points et des accents circonflexes qui sert de logo au 36 15 Confidences semble magiquement s’animer et lui adresser directement la parole.

PERSONNAGE DU MINITEL DANS LA TÊTE DE MA MÈRE Regarde-toi, recouverte de solitude de la tête aux pieds à boulotter des Pailles d’or trempées dans un verre d’eau pour que la gaufrette ramollisse. Tu sens pas le début d’un semblant de dépression planer autour de toi ? Oui ton fils te manque, mais il est temps que tu t’occupes de toi un peu ! Que tu rencontres de nouvelles personnes. Que tu t’amuses, merde ! Tu as la possibilité de vivre autre chose cinq jours dans la semaine ! Fonce !

Derrière ma mère une pile de cartons remplis de vêtements et de jouets menace de s’ef-fondrer à tout moment. Dans la rue, Jennifer Boubal* redémarre son 4X4, après avoir vainement sonné à l’interphone pour proposer à ma mère un café ou d’aller au cinéma.

Ma mère porte sa main à son visage, les yeux fermés, elle appuie du pouce et de l’index sur ses caroncules lacrymales. Le tiret bleu clignote de nouveau régulièrement, droit et impatient. Elle hésite un instant, puis se lance.

C

* Ennemie puis amie de ma mère. Voir saison 1, épisodes 1 à 6.

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MIOU Pourquoi pas ! CAPRI C’EST FINI Super ! MIOU Demain soir ? Le jeudi y’a un bal à la Salle du Vaudeville ! CAPRI C’EST FINI Avec joie !MIOU Et sors ta plus belle robe ou jupe qui tourne !CAPRI C’EST FINI Heu... Miou, je suis un homme. Tu es sûre pour la robe qui tourne ?

Ma mère recule sur sa chaise, vient se cogner au dossier, stupéfiée, la bouche entrou-verte, les doigts suspendus dans les airs. Capri c’est fini, la personne dans le minitel avec qui elle dialogue plusieurs fois par semaine depuis déjà dix jours, c’est UN HOMME ? Ah bah merde. Elle tente de se dire qu’au XXème siècle un homme et une femme peuvent être amis sans que rien ne ronfle dessous, ni que ce soit inconvenant ni ambigu ni rien. Que c’est normal même et très sain. Elle tente mais elle n’arrive pas à y croire à 100%.

Et si Capri c’est fini n’était en réalité qu’un dragueur à la mord-moi le nœud excité par les mères fraîchement célibataires, abusant de leur fragilité émotionnelle bien légitime pour les trousser comme un sagouin ?

CAPRI C’EST FINI Miou ? … Tu es toujours là ? ……J’ai dit quelque chose qui t’a gênée ?

Ma mère range brutalement le clavier sous le minitel. Elle va se faire chauffer de l’eau pour une bouillotte. Dehors il neige, dis-donc.

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CINQUIÈME MOMENT ENFUMAGE DÉMOCRATIQUE

Jeudi, dans la cour du collège de la Chaussonnière. Récré du matin. Je discute avec ce ringard d’Alexandre Vaugeois.

MOI Alors voilà tu vois on pourrait répéter à L’Espace Carrelage, la maison de quartier. Moi je m’occupe des compo et du synthé et il nous faut juste trouver un batteur et un bassiste.VAUGEOIS Ouais je sais pas. C’t’a dire moi je joue que d’la cla-rinette alors.MOI Non mais ça n’a aucune importance. L’important c’est d’être radical. VAUGEOIS Ouais. J’sais pas.

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Un peu plus loin une bande de filles qui désignent Émilie du doigt.

FILLE 1 Hé regardez ! Voilà Émilie-Planche-à-pain. FILLE 2 Hé ! Findus ! « Heureusement il y a Findus, Findus »EMILIE C’est quoi votre problème, là ? J’croyais qu’on était co-pines ?ALINE LAMBERT Regarde-moi dans les yeux Émilie. J’ai dit dans les YEUX !

Les autres s’esclaffent.

Ni une ni deux, aucune hésitation. Je laisse là mon rendez-vous professionnel avec ce demeuré de Vaugeois pour voler au secours d’Émilie. (Je vais te leur rabattre le caquet à ces blondasses.)

MOI Bon ! euh… alors ça suffit maintenant parce que… en fait… … alors laissez-là, hein !? … … d’accord ?

(blanc)

ÉMILIE T’es qui toi ? J’tai rien demandé. (Fous-moi la paix.)

Et elle se barre. Je reste là comme un con sous le regard d’Aline et de ses alinettes.

FILLE 1 Alors chevalier blanc, on s’est fait jeter par Miss râ-teau-planche-à-pain ?

Esclaffade de rire des 3 filles.

Émilie. J’hallucine. Hier on discutait dans sa chambre de la ma-ladie des amoureux et comme quoi plus tard on mettrait des pré-servatifs, et maintenant elle me snobe comme un vulgaire CM2 !

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Comme si ce moment n’avait jamais existé, comme si elle n’avait jamais eu le SOURIRE UNIVERSEL !! Je comprends vraiment rien à le love, comme dirait Rambo mon vieux copain hippie.

À l’autre bout de la cour. Sous le Préau. Sabrina Bellino debout sur un banc, prononce son discours de campagne. Derrière elle, Petit Maxime, dissimulé par une poubelle, lui souffle le contenu phrase par phrase.

PETIT MAXIME (Moi déléguée, les élèves perturbateurs seront collés tous les mercredis)SABRINA BELLINO Moi déléguée, les élèves perturbateurs se-ront collés tous les mercredisPETIT MAXIME (… pour lutter contre l’assistanat, les élèves paresseux n’auront plus droit au rab’ à la cantine ; et il sera interdit de s’embrasser avec la langue dans les couloirs !)SABRINA BELLINO Ah bon ?PETIT MAXIME Ben oui c’est dégoûtant

C’était donc ça. Petit Maxime a viré de bord. Il m’a lâché pour cette furie de Sabrina Bellino. En même temps elle dégage un truc, c’est sûr. Tout le public semble hypnotisé, les ballons de foot sont au repos, et même ce crâneur de Cédric Alary s’est installé pour écou-ter. Il y a carrément des 3èmes qui applaudissent leur discours.

Mais qui va voter pour moi alors ?? J’avais complètement oublié cette histoire de délégués et d’élections. Quel jour on est ? Jeudi ? C’est demain ! Mince de mince.

VOIX DE KARINE DELAHAYE DU FOND DU PRÉAU - Camarades de la Chaussonnière ! Ne vous laissez pas embobiner par ce duo qui vous propose des solutions venues du passé ! Et même du passé antérieur !

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(C’est Karine Delahaye dis-donc. Oua. Je crois que son surgisse-ment a fait son petit effet. Baston en perspective)

SABRINA BELLINO Excusez-moi, quelle est la débile qui se per-met d’interrompre mon discours de campagne ?PETIT MAXIME laisse béton Sab c’est une troisième on a aucune chance KARINE DELAHAYE Camarades ! C’est une certaine idée de la Chaussonnière que je veux défendre !

Mais elle délire. Elle est même pas candidate.

Soudain une silhouette dégingandée fend la foule des élèves. PAS-CAL. Il tape dans ses mains- non pour applaudir mais pour se faire entendre au milieu du raffut.

PASCAL LE PION Bon bon bon bon bon. Pardonnez jeunes gens mon intrusion mais si je ne m’abuse voilà déjà plusieurs mi-nutes que nous entendîmes retentir l’auguste sonnerie. Quel est donc le sujet de cette altercation publique ?PETIT MAXIME c’est nous Monsieur Pascal c’est pour l’élection des délégués. Monsieur Labro nous a encouragés à mener cam-pagne. Il dit que c’est un formidable exercice démocratique.LETONDU Démocratique mon œil. Un formidable exercice d’en-fumage oui.

Ça c’est la voix de Letondu qui suinte dans mon dos. Personne ne l’entend sauf moi. Mon pote Letondu, énorme et déconcertant Le-tondu, jamais là où on l’attend. Tout à coup je me sens moins seul dans cette fosse aux lions qu’est la cour du collège.

LETONDU T’étais où hier ? Avec Karine on t’a attendu pour le rendez-vous.

(Karine nous a rejoint.)

KARINE DELAHAYE On t’avait dit que c’était important.

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MOI Je sais, excusez-moi, mais il m’est arrivé un truc. Avec le vétéran, vous savez le type qui fait la route avec son van, on a trouvé un cadavre.LETONDU Quoi ??MOI Un cadavre de chien. LETONDU Chut ! Tais-toi ! Plus un mot. Suis-nous.

Et alors que la masse laborieuse des élèves se dirige nonchalam-ment vers les salles C110, B212, ou que sais-je encore ; tandis que Pascal le pion super roux sautille d’une dalle de carrelage à l’autre en disant « bon bon bon bon bon »…

PASCAL Bon bon bon bon bon.

…Letondu et l’incroyable Karine Delahaye m’entraînent dans un dédale d’allées et de portails métalliques.

Nous poussons enfin une large porte et Letondu tripote un inter-rupteur en porcelaine qui date des années 30. Minimum. Nous sommes dans la réserve de l’atelier menuiserie des 3ème SE-GPA. Autant dire, pour Letondu, « à la maison ».

KARINE DELAHAYE Tu reconnais ce sac noir ?MOI C’est celui que Petit Maxime avait le jour de la manif KARINE DELAHAYE Exact. Ouvre-le.MOI Que j’ouvre le sac.KARINE DELAHAYE Vas y. n’aie pas peur.

J’ai l’impression qu’ils s’apprêtent à me faire passer une sorte de test de bizutage. J’ai vu ça dans « Les années collège » mais je savais pas que ça existait en France. Dès fois tu dois te mettre tout nu et on te mange du petit suisse sur le torse ou des trucs pires. Comme toucher un rat mort ou des araignées vivantes. J’ai super peur. Je plonge ma main.

MOI C’est quoi ? (Je lis) « Mort aux rats »

(Ils veulent me faire manger de la Mort aux rats ???)

LETONDU le chien hier. C’est nous qu’on l’a tué. MOI hein ?? mais pourquoi ??KARINE On cache une réserve de poison dans le Tank de la Place Patton. C’est ça que Petit Maxime allait récupérer dans son sac noir. LETONDU il voulait pas t’en parler parce qu’il pense que t‘es un jaune. Mais nous on est sûr que non. On pense que t’es juste-ment plus radical que lui.

(Ça ça me rend trop content mais j’essaie de pas le montrer)

KARINE DELAHAYE On a aussi un autre stock ici, histoire de brouiller les pistes. MOI Je comprends pas. Mais pourquoi vous faites ça ?LETONDU C’est une action indirecte. On cherche à déstabiliser la société par un acte métaphorique. KARINE DELAHAYE Avoir un chien c’est un signe d’oppression, ça montre qu’on accepte l’idée qu’il y aie des maîtres et des esclaves, des dominants et des dominés. C’est comme ça que fonctionne la société et on en a marre.MOI Mais toi ton père il est riche Karine, c’est bien un domi-nant du coupLETONDU (un point pour lui)KARINE DELAHAYE fusille Letondu du regard Justement. On a commencé par mon vieux. Le chien blanc c’était à lui.

(Là je suis bluffé.)

MOI Mais quand même un chien ça peut-être un ami. Un com-pagnon. Regarde Belle et Sébastien ! Croc blanc ! Idéfix ! Las-sie ! Rintintin !

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Karine rit en rejetant sa tête en arrière, c’est très érotique et inquiétant à la fois.

KARINE DELAHAYE Ah parce que tu tiens tes amis en laisse toi peut-être ? LETONDU (un point pour elle)

(Mais qu’est-ce qu’il a Letondu à compter les points comme ça, c’est agaçant !)

KARINE DELAHAYE Et maintenant on va passer aux choses sé-rieuses, élargir le cercle d’action.LETONDU Tout à fait.

J’adore Letondu mais je ne sais pas ce qu’elle lui trouve. C’est lui qu’elle tient en laisse. Alors c’est sûr c’est pas un chien mais dans le genre toutou à sa maman il est à ses bottes. Rien à voir avec le caïd qui terrorise les 6ème dans les chiottes (sauf moi parce que je l’ai pas balancé au pion dans l’épisode 1 et qu’il est loyal).

Je me questionne un instant sur le rapport dominant-dominé au sein du couple comme prolongement intime de celui de la société, mais ma réflexion meurt dans l’œuf arrêtée par l’impétueuse Ka-rine qui vient de me prendre les deux mains et me regarde très droit dans les yeux.

KARINE DELAHAYE Est-ce que t’en es ?MOI J’en suis de quoi ?LETONDU Faut promettre de rien dire.MOI Je promets.KARINE DELAHAYE Est-ce que tu te sens capable de t’attaquer avec nous à du lourd ?MOI Du lourd comment ?LETONDU Le chien de Bouillet.MOI Le chien du CPE ?LETONDU Ouais.

MOI Tuer le chien du CPE ?? Vraiment ?LETONDU Ouais. L’empoisonner quoi.KARINE DELAHAYE T’es partant ? Ou t’es un jaune ?LETONDU Ce sera pas super dur, il habite ici. Entre midi et deux demain on pourra...MOI Faut que je réfléchisse. C’est que j’ai l’élection des dé-légués. J’me présente et j’ai pas encore réfléchi à mon pro-gramme.... KARINE DELAHAYE Laisse tomber les délégués. C’est mort. Tu gagneras jamais. T’es pas assez populaire. MOI C’est pas une affaire de populaire, c’est une affaire de représenter ses camarades et de les défendre aux conseils de classe.KARINE DELAHAYE Trop chou comme t’es naïf. C’est absolu-ment rien qu’une affaire de PO-PU-LA-RI-Té. C’est vérifier sa côte. Rien de plus. Ça sert à rien un délégué. Encore un truc de flan des dominants pour faire croire aux dominés qu’ils ont leur mots à dire. DU FLAN. LETONDU Alors ?

Acculé, perdu, nerveux et l’envie de prendre mes jambes à mon cou -mais impossible sans passer pour un jaune- j’hoche faible-ment la tête du haut vers le bas.

PAAAAAKKKKKKKKK

Letondu me flanque une grande tape dans le dos.

LETONDU à Karine J’te l’avais dit qu’il était super ce petit. KARINE DELAHAYE Rendez-vous demain à midi 12 devant l’ate-lier menuiserie.

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SIXIÈME MOMENTLA MORT DE LÉNINE

(DEVANT MOI MARCHAIT NATHALIE)

Quelque part dans la Cité d’Automne. Jeudi soir.Mon père a les yeux bandés, Nathalie le tient par la main pour le gui-der, et ouvre la porte. Ils pénètrent à l’intérieur du local de réunion du groupe secret d’Inaction Indirecte.*

MON PÈRE « Il avait un joli nom mon guide, Nathalie »NATHALIE, rougit T’es bête…MON PÈRE « La place rouge était vide, devant moi marchait Nathalie »NATHALIE, pareil Arrête…

*voir épisode 2, Saison 2 – Avranches « Boule de flipper qui roule, qui roule »

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MON PÈRE Bon on est où là en fait ? Parce que la dernière fois tu m’as dit une épicerie mais c’est pas une épicerie. C’est quoi ici.NATHALIE Une résidence de vieux. Enlève ton foulard.MON PÈRE Hein ? NATHALIE C’est Ravi Shankar qui a une clé et on vient quand on veut. Personne peut se douter, y’a que des personnes âgées. Tiens, assis-toi et aide moi à plier les pétitions.MON PÈRE C’est pas un peu exagéré cette histoire de bandeau et de lieu secret, vous êtes pas un peu paranos quand même ?NATHALIE C’est la règle. Il faut être venu à trois réunions pour avoir le droit de connaître l’adresse. Toi ça fait que deux.MON PÈRE Mouais. Passe-moi tes papelards. NATHALIE On veut mobiliser les gens contre la recrudescence d’actions malveillantes. On peut pas prendre le risque de se faire infiltrer. MON PÈRE Malveillantes comme les pneus crevés ?NATHALIE Non. Des tags dégueus un peu partout dans la ville. Des croix gammées et tout. Ils ont même recouvert nos graffitis pacifistes -tu sais les poèmes roses de Karine- sur l’obélisque de la place Patton. Vraiment c’est moche parce que c’est super les jeunes qui s’engagent comme elle, on a besoin d’eux c’est précieux.MON PÈRE Ah ouais quand même. NATHALIE C’est la guerre Michel. MON PÈRE Arrête de m’appeler Michel.NATHALIE C’est mignon Michel.

Quoi ?? Qu’est-ce que je vois ? Nathalie, cette sirène de Nathalie (Dont la fille Émilie la perfide se fiche ouvertement de moi), non contente de l’avoir tenu par la main et de lui avoir bandé les yeux avec un foulard imbibé de son parfum, EMBRASSE MAINTENANT MON PÈRE DANS LE COU ?? (Ça veut dire quoi précisément dans le cou d’ailleurs ? Ça a une signification particulière chez les adultes ?)

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Inconfortablement accroupi derrière la fenêtre (La salle secrète est au rez-de- chaussée, tu parles d’un camouflage), j’ai réussi à les suivre en douce depuis leur départ du Baron d’Orsenne. Main-tenant je guette l’apparition d’un hypothétique sourire universel sur le visage de mon père ou de cette diablesse de femme.

Et maintenant sur la bouche ! Et ben bravo. Bingo !C’était donc ça les réunions de mon père. Des réunions poli-tiques, tu parles. Érotiques, oui !

MON PÈRE T’exagères pas un peu ? Y’a toujours eu des jeunes un peu énervés pour s’amuser avec des croix gammées ou des trucs comme ça non. Et pourquoi on est tout seuls au fait ? Il devait pas y avoir

Entre en trombe Ravi Shankar Marchais, l’un des militants du groupe secret Inaction Indirecte. Il semble méga paniqué.

RAVI SHANKAR MARCHAIS Les barbares ! les barbares ! ils ont empoisonné mon Lénine ! MON PÈRE à Nathalie- Lénine ??NATHALIE, à mon père C’est son chienRAVI SHANKAR MARCHAIS D’accord c’était pas un Bouvier Bernois pur jus, il était un peu métissé, mais quand même ! c’était pas une raison pour l’ensuquer définitivement ! Et le droit à la différence ? Merde !NATHALIE Comment ça EMPOISONNÉ ?RAVI SHANKAR MARCHAIS Le véto est formel. De la mort aux rats. Vous avez bien entendu. De la MORT AUX RATS.NATHALIE Toutes mes condoléances Ravi.RAVI SHANKAR MARCHAIS Merci Nathalie. Heu pardon, Rosa.NATHALIE Laissons tomber les noms de code si tu veux. La situation est tropRAVI SHANKAR MARCHAIS Ah je suis pas bien. J’suis pas bien j’suis pas bien j’suis pas bien. Huit ans qu’il était à mes côtés. Un bon chien et tout.

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NATHALIE Tu sais quoi ? On va faire des affichettes. Michel, passe-moi le tas de feuilles et les feutres derrière toi s’il te plaît.

Mon Père vrille son corps sur sa chaise pour mettre la main sur le nécessaire à révolte et passe le tout à une Nathalie remontée. Elle se penche sur la feuille et commence à tracer de grandes lettres en pinçant ses lèvres pour faire sa belle et avoir l’air de bien s’appliquer. Après quelques minutes pendant lesquelles l’homme qui se fait appeler Ravi et mon père ont compté le nombre de punaises au mur (Ou toute autre activité dédiée à passer le temps), Nathalie agite son affichette sous leurs yeux.

MON PÈRE lisant aVis auX propriétaires de cHiens : Vigilance, de la mort auX rats a empoisonné lenine. il semBlerait que ce ne soit pas un accident (souligné une fois) mais un meurtre (souligné deux fois). pour le Bien de Votre animal, gardeZ un Œil sur lui. NATHALIE On le photocopie, et hop, cette nuit on va arroser le quartier. RAVI SHANKAR MARCHAIS Merci beaucoup Rosa. Pour tous les autres petits Lénine, merci. MON PÈRE Mouais. C’est pas vraiment indirect comme inaction ça, et c’est pas vraiment une inaction non plus. Moi j’aimais bien l’idée de l’autre fois, des citations dans les gaufrettes surprises avec la complicité des biscuitiers*. C’était plus poé-tique. Plus…inventif. Ou je sais pas. Balancer des colliers anti puces sur le local du RPR. RAVI SHANKAR MARCHAIS Tu crois que ça a un rapport avec le RPR ? MON PÈRE Si on veut s’engager faut être radical. J’aime pas faire les choses à moitié moi. Quand j’étais au Venezuela je peux vous dire qu’on y allait pas par quatre chemins.**NATHALIE T’es allé au Venezuela ?

*voir épisode 2, Saison 2 – Avranches « Boule de flipper qui roule, qui roule »

** voir épisode 4, saison 1, «tristes tropico »

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MON PÈRE Ouais dans la saison 1. En tout cas il faut frapper un grand coup. Mettre en place un véritable PROCESSUS DE VEN-GEANCE. Ça me paraît évident que le meurtre de Lénine c’est un ASSASSINAT POLITIQUE. On peut pas répondre à ça juste en distribuant des tracts.

PPAAAAAAFFFFF

C’est à ce moment-là que, voulant lire ce que Nathalie a écrit (craignant un slogan cochon puisque leurs réunions ont l’air tendancieuses) et essayant de coller mon nez au plus près de la vitre, mon pied s’enfonce dans un endroit plus meuble du sol, et ma main dans un réflexe se voulant salvateur vient s’écraser sur la fenêtre.

Les trois têtes des terroristes du stupre se tournent en un instant vers la fenêtre. Je recule et file à toute berzingue. Cours à travers les voitures garées ça et là, évitant la lumière des réverbères pour ne pas me faire repérer.

Il faut absolument que je parle à Émilie. Que je lui dise pour mon père et cette odieuse femme qui est sa mère et que je DÉTESTE parce que ce n’est pas la mienne. Il FAUT qu’on trouve un plan d’action pour les séparer. Et urgemment. Il est hors de question qu’ils attrapent la maladie des amoureux.

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MOMENT INTERMÉDIAIRE L’HÔPITAL

(L’AMI DE TATA)

BIP BIP BIP BIP BIP BIP BIP BIP

Le son régulier de la fréquence cardiaque de celui qui se fait appeler Freddie - en réfé-rence au chanteur de Queen dont il adore la voix et la moustache- habille l’espace d’une médicale mélodie. Tata Guilaine, assise à côté du lit au drap blanc sur lequel est brodé « CHU de Caen », tient les mains noueuses de son ami dans les siennes. Elle embrasse d’un regard doux son visage émacié et dont les pommettes ressortent fort tant ses joues sont creuses, les veines traçant des chemins gonflés sur son front et la sueur perlant à ses tempes.

FREDDIE Je me reconnais pas. J’ai honte tellement je suis laid.GUILAINE Je te trouve très beau moi. C’est sûr ce jaune pisse chiotte des murs c’est pas terrible pour mettre en valeur ton teint, mais TOI t’es beau. T’as tou-jours été beau. Crois pas que ça va changer, c’est ta croix ta beauté.FREDDIE Tu parles ! Je peux plus me voir en peinture, plus me regarder dans un miroir j’ai l’impression de contempler une tête de mort. C’est vrai, on dirait qu’il y a écrit séropo sur mon front. GUILAINE Allez mon grand ça a jamais aidé personne à guérir de se lamenter. T’as du coton ? Dans la salle de bain y’a pas du coton ? FREDDIE Du coton ? Ah peut-être.

Tata Guilaine s’éjecte de son siège dans le brouhaha clinquant de ses bracelets de pacotille, camouflant un instant le bip bip des machines, et se dirige d’un pas décidé vers la salle de bain. On l’entend ouvrir des tiroirs, les refermer, les ouvrir encore. Elle revient brandissant son trophée ouaté. Elle se met à en déchirer deux longues bandes et s’approche de Freddie.

GUILAINE Comme Brando dans ce film là avec des flingues-Le parrain- on va te rembourrer les joues. Bouge pas.

Freddie se laisse faire. Aller contre ce que Guilaine peut avoir dans le crâne nécessite une dépense d’énergie non négligeable. Pour Freddie, cela semble aujourd’hui une montagne impossible à gravir.

Alors elle bourre ses joues de deux grosses boules de coton. Remplumé du visage à la limite d’un hamster, on dirait maintenant que Freddie vient d’être opéré des dents de sagesse. Guilaine fouille dans son grand sac de cuir à franges et en sort un petit miroir qu’elle lui tend. Freddie explose de rire. Guilaine le suit. On oublie le bip bip des ma-chines l’espace d’un instant.

FREDDIE coton dans la bouche, articulation douteuse T’es con !GUILAINE Bon. Maintenant on peut parler. Comment ça va ?FREDDIE coton dans la bouche, articulation douteuse : Fatigué.GUILAINE Normal. Freddie. Pourquoi tu m’as rien dit… ? FREDDIE idem Je l’ai dit à personne. A part aux types avec qui je couchais. Nor-mal hein. J’ai un revolver entre les jambes. GUILAINE Et le traitement ça donne quoi ?FREDDIE idem « Retrovir » ? Ça marche pas. Ils attendent un nouveau traitement pour bientôt, mais il vient pas. Guylaine. Je vais juste mourir. C’est comme ça. GUILAINE Dis pas ça Loulou ! FREDDIE Dieu m’a puni.GUILAINE Pfff, t’as jamais cru en Dieu ! FREDDIE C’est ce que m’a dit mon père. Qu’à cause de ma sexualité contre-na-ture ...GUILAINE Arrête de dire des conneries d’accord. Contre nature... L’amour c’est contre nature peut-être ? Et d’abord si c’est contre nature moi je lui dit merde à la nature. Elle m’intéresse pas la nature si elle nous traite comme elle te traite. On va tous mourir voilà. Mais tu vas t’accrocher un peu avant ça. Viens on va marcher. Prends tes béquilles. Allez viens on va griller une clope ! Puis je vais nous payer des Raiders à la machine.

Guilaine a tellement les boules, tellement de chagrin et de peur à entendre ce que bal-butie son ami, qu’elle ne voit plus que les Raiders pour se redonner du courage. Freddie enlève le coton de ses joues, l’oxymètre de pouls à son index, le BIP-BIP s’évanouit. Puis doucement, l’homme bascule sur le bord du lit pour attraper les béquilles que lui tend super Guilaine.

FREDDIE imitant la pub « Raiders, deux doigts coupe faim ». C’est bien un truc de goudou ça !

Guilaine sourit.

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SEPTIÈME MOMENTMINI MOMENT

Jeudi soir très tard. Chez papa et moi, dans le salon.

Papa dort devant la télé, il est rentré de sa réunion sexuelle avec Nathalie et l’autre monsieur, et s’est endormi en regardant un film un peu violent avec Charles Bronson, « un justicier dans la Ville », ou un truc comme ça… Y’a des sous titrages en tout petit et en écritures jaunes, ça l’endort systématiquement.

Je suis au téléphone avec Joris Girard, mon meilleur copain de Vire. Je parle très doucement pour pas que papa se réveille. C’est hyper risqué.

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MOI, dans le combiné téléphonique Ouais. (…) non pas trop. (…) demain bien-sûr comme d’habitude. (…) je disais DEMAIN BIEN-SÛR mais je peux pas parler fort à cause de mon père. (..) oui demain soir quoi. Après le dernier cours. (…)

PAN ! PAN !

(…) C’est rien c’est Charles Bronson qui tire sur des types. (…) Le bruit. (…) C’est Charles Bronson dans le film qui tire sur des types. (…) Depuis une heure (…) tu parles c’était un faux espoir il s’est trouvé une copine. (…) Hors de question. Et ma mère t’en fait quoi. (…) et alors. (…) Ouais j’ai un plan bien-sûr. Vous pouvez peut-être m’aider d’ailleurs (…) Hé ben toi et Christelle. T’es d’accord pour se rejoindre samedi chez elle pour le goûter ? (…) Oh ? Vrai ? (…) Ah ouais bizarre dis donc.

MON PÈRE, s’agitant et parlant dans son sommeil Je suis pas un lâche. Pas un salaud. Non. Nathalie. Non je vais pas non. Nathalie ! Lâche moi ou alors. Ha. Ha ha ! Hum. Mmm…

VOIX DANS LA TÉLÉ I’ll kill you. Give me your wheat or I burn you bitch.

MOI Bon tu m’expliqueras ça ce week-end, je dois te laisser mon père se réveille. (…) Ouais merci. Good night Joris. See you on Saturday boy.

J’ai raccroché. Dur de se débarrasser de Joris mais bon il est sympa quand même. En plus il est malheureux parce que Chris-telle est un peu fuyante en ce moment apparemment elle a un comportement bizarre. Il a besoin de parler, on verra ça demain. C’est fait pour ça les copains.

Dans la télé Charles Bronson se traîne sur le plancher en gémis-sant parce qu’il s’est pris une balle dans le ventre en tirant sur un voyou.

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Sur le canapé Papa ronfle.

Par la fenêtre on voit que de la brume, impossible de distinguer quoi que ce soit dans le lointain, même pas un voyou qui po-tentiellement serait en train de crever des pneus quelque part dans la ville et à qui un quelconque justicier devrait régler son compte…

C’est d’ailleurs un constat un peu général : impossible de rien distinguer de ce qui va venir demain ou après demain. Et pas la moindre trace de Justice. Je redoute un peu quand même. Les élections. Parler à Émilie pour la convaincre d’agir. Retrouver maman demain soir et devoir mentir à propos de papa. Et le chien de Bouillet qu’il faut buter avec Letondu et Karine Delahaye. Tout ça. J’suis pas Charles Bronson moi, mince, et j’ai que 11 ans !

Bon allez. Au lit. « Le loup qui gagne est celui qu’on nourrit ».

HUITIÈME MOMENT DERNIER MOMENT

Vendredi matin, collège de la Chaussonnière. Salle de permanence.

Pascal, derrière son bureau, tellement absorbé par un texte de Marivaux -grrrr jamais il ne nous fera travailler un auteur contemporain genre Koltès ou quoi ?- tellement absorbé que ses lèvres bougent sans bruit au fur et à mesure de sa lecture.

Je me suis mis au fond. Pas folle la guêpe ! J’ai bien vu qu’Émi-lie allait en perm’ elle aussi le vendredi de 9 à 10, et qu’ainsi le moment parfait pour agir s’offrait à moi. Si elle ne veut pas me parler devant tout le monde, elle ne pourra pas ne pas lire ce message que je vais lui faire passer incognito. En quête d’inspiration, je mâchonne le capuchon déjà bien pour-rave de mon stylo Reynolds 045 à pointe fine. Comme le meilleur

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des publicitaires -dont la consécration serait de voir sa publicité diffusée dans Ondes de choc, le magazine de la publicité sur M6-, je cherche LA phrase choc.

Je plante et replante mes dents dans le stylo avec l’espoir que mes neurones se dérouillent un peu en cette heure tôtive. Soudain, l’éclair de génie. J’arrache une feuille de mon agenda Fido Dido et je griffonne quelques pattes de mouche que j’espère lisibles. Je plie plie et replie jusqu’à ce que le papier fasse la taille d’une carte télépho-nique et j’inscris ÉMILIE en un peu gros dessus.

PSSIIITTTTTT

Sous la table, je passe le mot à mon voisin en donnant un coup de tête vers Emilie. Il fait PSITTT à son tour et le mot voyage de table en table jusqu’à celle d‘Émilie, exactement de l’autre côté, près du long radiateur gris. Sans un regard elle déplie le papier. Elle lit. Elle se tourne. ELLE SE TOURNE VERS MOI ! Je lui fais un discret signe de la tête qui se veut complice mais professionnel. Elle lève les yeux au ciel puis se retourne à nouveau.

Elle griffonne. Mon Dieu ce suspens est insoutenable ! Elle plie plie et replie, puis fait passer le papier dans l’autre sens de main en main jusqu’à moi. Je boue ! Le capuchon de mon stylo Reynolds 045 à pointe fine a littéralement été mis en miettes par mes crocs acérés quand m’arrive le Graal. Mes mains tremblent. Je déplie déplie déplie. « OK ». OK ? C’est tout ? C’est bien la peine de se faire suer à rédiger des messages codés.

VAUGEOIS « Pilpil et Padre se sont roulés un palot. STOP au SIDA. Mission pneus crevés ?» Elle est amoureuse de toi ou

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quoi Émilie Planche-à-pain? Remarque elle est jolie quand même.MOI Crétin ! C’est ma sœur ! Enfin demi. Enfin momentané-ment. Oh puis merde Vaugeois, mêle toi de ton...PASCAL Tsss tssss tsssss ! Messieurs au fond ! «Celui qui garde le silence avec peine ne connaîtra jamais la sagesse.» Jean Baptiste Blanchard. Les maximes de l’honnête homme. 1772. Alors on se tait.

Alors que je vais pour répondre valeureusement que parfois il y a des choses qui n’attendent pas et que les affaires sont les affaires

MAAAAAAAAAAARRRRRRRKKKKKGG !

Un cri déchire l’atmosphère tendue comme un string de la salle de perm’.On reste tous immobiles. Pétrifiés jusqu’au fond de nos chaus-settes. Même Pascal devient un peu pâle. On pense tous à une prise d’otage genre HUMAN BOMB comme il y a eu dans cette maternelle. On est pas du tout préparés à ça. Si on était dans un film on pourrait voir les images de nos 40 petites vies défiler sur l’écran en accéléré.

Finalement, après 20 secondes qui nous ont semblées un siècle, Pascal maîtrise sa panique et finit par se lever. Avant de claquer la porte de la salle de perm’ il se retourne vers nous et nous lance un inhabituel :

PASCAL Surtout. Vous ne BOUGEZ PAS.

Dehors. Devant le portail grand ouvert. Un cercle d’adultes silen-cieux tente de préserver les élèves d’un spectacle apparemment insoutenable.

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MADAME BOCK Ne restez pas là les enfants. Écartez-vous s’il vous plaît et regagnez la cour de récréation ! Les cours sont suspendus. L’élection des délégués est reportée à la semaine prochaine, on vous tiendra informés.

Rien n’y fait. Un cercle d’élèves s’est à son tour formé, duquel re-tentissent déjà de grandes clameurs. Il y a là pas mal de grands, mes aussi des 6èmes. Sabrina Bellino et Petit Maxime serrent des mains et redoublent de mots rassurants, toujours à l’affût d’un bénéfice en terme de popularité, pas du tout décontenancés de devoir ajourner leur triomphe électoral. Aline Lambert et ses copines de la 4ème Jean Tigana s’écartent les yeux humides. Une fille s’extrait de la foule et vomit. Une autre pleure à chaudes larmes appelant sa maman.

Vaugeois s’avance vers moi et me tape sur l’épaule. Même Cédric Alary me gratifie d’un geste fraternel. (Ces moments drama-tiques ça crée toujours une forme de communion et de solidarité inattendues. C’est assez beau en fait.)

ALARY Un conseil. N’y va pas. C’est moche. Vraiment moche mon pote.

Je cherche Émilie du regard au milieu de cette foule encore sous le choc. J’espère qu’elle va bien. De pas la voir ça me fait une boule au ventre. (Ce serait pas un peu le revers du sourire universel, l’inquiétude universelle ?)

Je repère les dos de Karine et de Letondu. Mes alliés ! Je tape moi-aussi sur l’épaule de mon SEGPA préféré. Il se retourne, blême. Letondu, ce ROC inamovible, livide ?? Je vacille. Tends le cou pour essayer d’apercevoir ce qui peut bien malmener à ce point les estomacs de mes camarades.

Et là...

Le spectacle le plus dégueulasse que j’ai jamais vu. Pire que La Mouche (que j’ai maté pendant une séance du Club Télé pourtant réservée aux 3èmes) quand Seth Brundle se trans-forme en mouche après avoir essayé de se télé-transporter. Pire que Pilpil qui embrasse Mon Père. Pire que le SIDA. Pire que pire.

Bouillet, le CPE, ce pauvre Bouillet qui a tellement la gueule de Gérard Jugnot ; il est à genoux sur le bitume, pleurant et gémis-sant en faisant de grands gestes sans aucune retenue au dessus d’un gros morceau de poils, de tripes, et de sang mêlés qui s’étale sous nos yeux comme une flaque immonde. Encore chaude et fumante. Comme un énorme vomi poilu.

La voix du pauvre Bouillet s’étrangle dans l’air bruineux de la Turfe.

BOUILLET en un cri déchirant- ON A ÉGORGÉ MON CHIEN ! ON L’A ÉGORGÉ !! ÉGORGÉ !!LETONDU me chuchote entre ses dents C’est pas nous.MOI C’est ça. Je croyais qu’on avait dit 12h12. KARINE C’est pas nous il te dit. LETONDU On te le jure sur la tête à ma mère.MOI C’est vraiment SALE là. Égorgé. Vous aviez pas parlé D’ÉGORGER.KARINE Comment faut qu’on te le dise TROU DE CUL ? C’est pas nous ! Nous on est contre la souffrance animale, on opère sans douleur. Un chien s’endort et c’est un esclave qui disparaît. T’as rien compris ou quoi ?

Je regarde Letondu. Il ne ment pas. Karine non plus, elle est bien trop radicale pour mentir.

Mais si ce n’est pas eux, QUI alors a fait la peau à ce pauvre animal ??

OUI, QUI A BIEN PU ÉGORGER LE CHIEN DE BOUILLET ? EST-CE LE MÊME TORDU SANS NOM QUI A CREVÉ LES PNEUS DE MA MÈRE ET DE PAS-CAL LE PION ? HASARD ?

COÏNCIDENCE ? DANS QUEL BUT ?

QUEL PLAN DIABOLIQUE VAIS-JE FOMENTER POUR RÉDUIRE À NÉANT L’IDYLLE NAISSANTE ENTRE MON PÈRE ET NATHALIE ? ÉMILIE CONTINUERA-T-ELLE À ME SNOBER OU PARVIENDRONS-NOUS À RE-NOUER LES LIENS D’UNE RELATION NAISSANTE ET PROMETTEUSE ?

EST-CE QUE LA TURFAUDIÈRE NE SERAIT PAS EN TRAIN DE DEVE-

NIR UN VÉRITABLE BERCEAU DU CRIME, CONFIRMANT AINSI SA RÉPUTATION ET SON SURNOM DE LITTLE CHICAGO ?

UN COUVRE-FEU SERA-T-IL BIENTÔT INSTAURÉ POUR PRO-TÉGER SES HABITANTS ?

LES ÉLECTIONS DES DÉLÉGUÉS AURONT-ELLES LIEUE LA SEMAINE PROCHAINE, OU L’ADMINISTRATION PROFITERA-T-ELLE DE CET ÉTAT D’URGENCE POUR INSTAURER UN RÉGIME AUTORITAIRE ?

LE MYSTÈRE DU DEAL DE BOURRICHES D’HUÎTRES DE MON PÈRE, NATHALIE ET RAMBO-DYLAN SERA-T-IL UN JOUR RÉSOLU ?

QUEL STYLE MUSICAL CHOISIRAI-JE, ENTRE ÉLECTRO POP MINIMALISTE ET SONG WRITING ENGAGÉ ?

DANS QUEL ÉTAT VAIS-JE

RETROUVER MA MÈRE LORS DE MON RETOUR À VIRE CE SOIR ?

ET SURTOUT, SURTOUT… EST-CE QU’ALINE LAMBERT DE LA 4ÈME JEAN TIGANA ME LAISSERA UN JOUR TOUCHER SON OPU-LENTE POITRINE ??

Vous le saurez en venant écouter l’épisode 4, de la saison 2, de

L’Ephémère Saga ou comment j’ai grandi.

Ce livret a été imprimé avec les moyens du bord, peut-être sur une imprimante

à la maison, ou dans une boutique de photocopies. Ou bien à l’imprimerie de

la Caf du Calvados. Certainement à la suite d’une piraterie quelconque.

Il est en prix libre, la version numérique est accessible à toutes et tous depuis le

site www.linventiondemoi.com. Il n’a fait l’objet d’aucun dépôt légal pas

plus hélas que d’un dépôt illégal.

Il a été composé principalement en Offi-cina Sans ITC, et en Citizen.Cette typographie se nomme HaBaquqHa-

Baquq et a été créée par Mélanie Bour-goin, qui a également dessiné le person-

nage en face. La maquette, la mise en page, la photo-

graphie de couverture et les photomon-tages sont de Nathanaël Frérot.

l’épHémère saga est un projet de L’inven-tion de moi, module autonome de pro-

duction. Avec le soutien du Lieu Com-mun. (Vire -14 -)

Pour la partie Avranches le projet est soutenu par la Région Normandie, la

ville d’Avranches, la Communauté de communes du Mont St Michel et le CGET.

Pour la partie viroise, la CAF du Calvados et la ville de Vire.

une histoire co-écrite par :

SECOND SUPPLÉMENT

*L’invention de moi est un ensemble de

textes de Jérémie Fabre.

Jérémie Fabre et Nathanaël Frérot, avec Aurianne Abécassis, Julie Aminthe, Sabrina Bus, Marc-Antoine Cyr, Solenn Denis, Romain Nicolas, Sabine Revillet, Cyril Roche, Joséphine Serre, Clémence Weill.

L’ÉPHÉMÈRE SAGA OU COMMENT J’AI GRANDI est un feuilleton litté-raire et théâtral écrit à plusieurs mains. Elle raconte l’histoire d’un enfant dans les années 80. Elle s’inspire de la vie des quartiers dans lesquels les auteurs sont invités à travailler, mais aussi de l’enfance des autrices et auteurs. Chaque épisode est écrit par un binôme différent, en quelques jours, au coeur du quartier, et fait l’objet d’une lecture publique dans la foulée.

saison 2 (2016-2017 / Vire & aVrancHes)

« Papa et maman ont décidé de faire un break. L’in-tense lutte qui les a opposés au rouleau compresseur

Bernard Boubal et au mirage des années fric les a laissés exsangues.

Moi je rentre en 6ème, la semaine chez papa à Avranches, le week-end chez maman à Vire. L’occasion de se livrer à de nou-

velles et trépidantes expériences ! »

saison 1 (2015-2016 / Vire)

« Quelque chose de pas clair se trame dans le quar-tier de la Planche. Boubal, le magnat du store électrique, a fait alliance avec Annie Pujol, de l’Opaque (l’Office HLM), afin de mettre la Cité sous coupe réglée. Heureusement, mes parents et leurs voisins organisent la résistance, et je veux en être… »