Enquête et réflexions sur les mémoires du Diplôme Inter-Universitaire d’Accompagnement et...

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TUDE ORIGINALE Médecine palliative 14 N° 1 – Février 2006 Med Pal 2006; 5: 14-20 © Masson, Paris, 2006, Tous droits réservés Enquête et réflexions sur les mémoires du Diplôme Inter-Universitaire d’Accompagnement et Soins Palliatifs en France en 2004 Bernard Paternostre (photo), Centre Régional d’Accompagnement et de Soins Palliatifs, CHU Bordeaux. Grégory Aiguier, Dominique Jacquemin, Centre d’éthique médicale de Lille, UFR Sciences de l’éducation université de Lille 3. Josyane Chevallier, Unité Mobile de Soutien et de Soins Palliatifs, CHU Montpellier. Joëlle Mazzucotelli, Équipe Mobile de Soins Palliatifs, CHU Besançon. Avec la participation des membres de la sous-commission « Mémoires » du Collège National des Enseignants pour la Formation Universitaire en Soins Palliatifs : Berthet Laurence (CHU de Nice), Hermet Raymond (CHU de Clermont-Ferrand), Hubault Philippe (CHU d’Angers), Neuve-Eglise Antoine (Institut Jean Godinot, Reims), Pascal Chantal (CHU de Montpellier), Simon Anna (CHU de Strasbourg). Summary Inter-university diploma for accompanying and palliative care: survey of opinions and practices in France in 2004 Objective and methods: The French National College of Pallia- tive Care Faculties (CNEFUSP) conducted a survey to ascertain how candidates for the Inter-university diploma for accompa- nying and palliative care are trained. Results: Among the 21 participating faculties, 15 responded. Reponses demonstrated quite different teaching methods as well as various training approaches (tutoring, guidance) and valida- tion systems. Common features were noted for heuristic me- thods and thesis evaluation. Discussion: These observations disclosed several problems concerning training methods and thesis writing. This explo- ratory work demonstrated the importance and the difficulty of proposing a well-adapted training program for health care pro- fessionals working in the field of palliative care. Key-words: teaching, methodology and thesis writing, continu- ing education, palliative care. Résumé Objectif et méthodes : Dans le cadre du Collège National des Enseignants pour la Formation Universitaire en Soins Palliatifs (CNEFUSP), une enquête a été réalisée pour connaître les moda- lités utilisées pour l’accompagnement pédagogique des enseignés dans la préparation du mémoire validant du Diplôme Inter- Universitaire d’Accompagnements et de Soins Palliatifs. Résultats : Sur les 21 DIU interrogés, les 15 réponses obtenues montrent des résultats hétérogènes concernant la méthodologie, son enseignement, les propositions de tutorat et de guidance et les modalités de validation. Des points communs existent sur le plan heuristique du mémoire. Discussion : Nous évoquons en discussion les questions et les difficultés liées à l’encadrement pédagogique des mémoires, leur finalité et les difficultés de rédaction. Ce travail exploratoire met en évidence l’importance et la difficulté de proposer une démar- che qui soit adaptée aux différents champs des soins palliatifs et aux différentes professions. Mots clés : enseignement, méthodologie de rédaction de mémoires, formation professionnelle continue, pédagogie, soins palliatifs et accompagnement. Introduction – objectifs En 2004, on compte une vingtaine de Diplômes Inter- Universitaires (DIU) d’Accompagnement et de Soins Palliatifs qui se déroulent sur 2 ans et s’adressent à des profession- nels de la santé et des secteurs sanitaires, social et éducatif de niveau minimum BAC +3. Ces DIU répondent à un pro- gramme d’enseignement commun : la première année comporte au moins 100 heures de cours et d’ateliers in- teractifs et la deuxième année au moins 60 heures de cours et ateliers et au moins 40 heures de stage. La validation de la deuxième année se fait par la sou- tenance d’un mémoire, en plus de la réalisation d’un tra- vail personnel au cours des ateliers et d’un stage validant. Paternostre B, Aiguier G, Jacquemin D, Chevallier J, Mazzucotelli J et les membres du CNEFUSP. Enquête et réflexions sur les mémoires du Diplôme Inter-Universitaire d’Accompagnement et Soins Palliatifs en France en 2004. Med Pall 2006; 5: 14-20. Adresse pour la correspondance : Bernard Paternostre, Centre Régional d’Accompagnement et de Soins Palliatifs, Hôpital Xavier Arnozan, avenue du Haut-Lévêque, 33604 Pessac Cedex. e-mail : [email protected]

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Médecine palliative

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© Masson, Paris, 2006, Tous droits réservés

Enquête et réflexions sur les mémoires du Diplôme Inter-Universitaire d’Accompagnement et Soins Palliatifs en France en 2004

Bernard Paternostre (photo), Centre Régional d’Accompagnement et de Soins Palliatifs, CHU Bordeaux.

Grégory Aiguier,

Dominique Jacquemin, Centre d’éthique médicale de Lille, UFR Sciences de l’éducation université de Lille 3.

Josyane Chevallier, Unité Mobile de Soutien et de Soins Palliatifs, CHU Montpellier.

Joëlle Mazzucotelli, Équipe Mobile de Soins Palliatifs, CHU Besançon.

Avec la participation des membres de la sous-commission « Mémoires » du Collège National des Enseignants pour la Formation Universitaire en Soins Palliatifs : Berthet

Laurence (CHU de Nice), Hermet Raymond (CHU de Clermont-Ferrand), Hubault Philippe (CHU d’Angers), Neuve-Eglise Antoine (Institut Jean Godinot, Reims), Pascal

Chantal (CHU de Montpellier), Simon Anna (CHU de Strasbourg).

Summary

Inter-university diploma for accompanying and palliative care: survey of opinions and practices in France in 2004

Objective and methods:

The French National College of Pallia-tive Care Faculties (CNEFUSP) conducted a survey to ascertain how candidates for the Inter-university diploma for accompa-nying and palliative care are trained.

Results:

Among the 21 participating faculties, 15 responded. Reponses demonstrated quite different teaching methods as well as various training approaches (tutoring, guidance) and valida-tion systems. Common features were noted for heuristic me-thods and thesis evaluation.

Discussion:

These observations disclosed several problems concerning training methods and thesis writing. This explo-ratory work demonstrated the importance and the difficulty of proposing a well-adapted training program for health care pro-fessionals working in the field of palliative care.

Key-words:

teaching, methodology and thesis writing, continu-ing education, palliative care.

RésuméObjectif et méthodes :

Dans le cadre du Collège National des Enseignants pour la Formation Universitaire en Soins Palliatifs (CNEFUSP), une enquête a été réalisée pour connaître les moda-lités utilisées pour l’accompagnement pédagogique des enseignés dans la préparation du mémoire validant du Diplôme Inter-Universitaire d’Accompagnements et de Soins Palliatifs.

Résultats :

Sur les 21 DIU interrogés, les 15 réponses obtenues montrent des résultats hétérogènes concernant la méthodologie, son enseignement, les propositions de tutorat et de guidance et les modalités de validation. Des points communs existent sur le plan heuristique du mémoire.

Discussion :

Nous évoquons en discussion les questions et les difficultés liées à l’encadrement pédagogique des mémoires, leur finalité et les difficultés de rédaction. Ce travail exploratoire met en évidence l’importance et la difficulté de proposer une démar-che qui soit adaptée aux différents champs des soins palliatifs et aux différentes professions.

Mots clés :

enseignement, méthodologie de rédaction de mémoires, formation professionnelle continue, pédagogie, soins palliatifs et accompagnement.

Introduction – objectifs

En 2004, on compte une vingtaine de Diplômes Inter-Universitaires (DIU) d’Accompagnement et de Soins Palliatifsqui se déroulent sur 2 ans et s’adressent à des profession-nels de la santé et des secteurs sanitaires, social et éducatifde niveau minimum BAC +3. Ces DIU répondent à un pro-

gramme d’enseignement commun : la première annéecomporte au moins 100 heures de cours et d’ateliers in-teractifs et la deuxième année au moins 60 heures decours et ateliers et au moins 40 heures de stage.

La validation de la deuxième année se fait par la sou-tenance d’un mémoire, en plus de la réalisation d’un tra-vail personnel au cours des ateliers et d’un stage validant.

Paternostre B, Aiguier G, Jacquemin D, Chevallier J, Mazzucotelli J et les

membres du CNEFUSP. Enquête et réflexions sur les mémoires du Diplôme

Inter-Universitaire d’Accompagnement et Soins Palliatifs en France en 2004.

Med Pall 2006; 5: 14-20.

Adresse pour la correspondance :

Bernard Paternostre, Centre Régional d’Accompagnement et de Soins Palliatifs,

Hôpital Xavier Arnozan, avenue du Haut-Lévêque, 33604 Pessac Cedex.

e-mail : [email protected]

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Dans le cadre du Collège National des Enseignants pourla Formation Universitaire en Soins Palliatifs (CNEFUSP),une enquête préliminaire a été réalisée avec l’objectif deconnaître les modalités utilisées pour l’accompagnementpédagogique des enseignés dans la préparation du mémoirevalidant : objectifs du mémoire, méthodologie proposée,tutorat et guidance, critères de validation.

Cette enquête s’inscrit dans une réflexion sur l’amé-lioration pédagogique de l’enseignement et de la recher-che en soins palliatifs, qui allie méthode et rigueur né-cessaires avec le manque d’expérience pour cet exercice desenseignés, voire des enseignants, en soins palliatifs.

Cet article présente les principaux résultats de cetteenquête et propose quelques pistes de réflexion.

Méthodes

L’enquête a été réalisée par l’envoi d’un questionnairede deux pages, établi par huit médecins enseignant enDIU. Il comportait la présentation du DIU (année de créa-tion, responsable pédagogique local, composition du co-mité pédagogique local) et quatre chapitres concernant lesobjectifs, la proposition d’une méthodologie, le tutorat etla guidance, les modalités de validation

(annexe I)

.Le questionnaire a été envoyé en juin 2004 aux res-

ponsables pédagogiques locaux des 21 DIU recensés parle CNEFUSP au 1

er

mars 2004. Une relance aux non-répondants a été réalisée fin août 2004.

Résultats

Sur les 15 DIU ayant renvoyé le questionnaire,13 réponses ont été retenues (deux DIU ayant la deuxièmeannée commune et un DIU ne commençant qu’en 2005).

Les objectifs du mémoire sont d’effectuer un travail derecherche (11 fois sur 13), un travail de réflexion person-nelle (sept fois) et/ou une étude (trois fois).

Dans 12 DIU sur 13, une méthodologie est proposéeaux enseignés et fait l’objet d’un enseignement en pre-mière année dans six cas (de 1 à 7 heures) et dans tousles cas en deuxième année (3 à 19 heures). La méthodo-logie est enseignée par des enseignants du DIU (11 cas) etdes spécialistes en méthodologie (six cas).

Un tutorat ou une guidance, proposés dans tous lesDIU et imposés dans sept d’entre eux, sont réalisés pen-dant l’enseignement (4 à 21 heures ; moyenne 10 heures).En dehors de celui-ci, ils sont laissés alors à l’initiative del’enseigné. Ils sont effectués, dans tous les cas, par desmembres du Comité Pédagogique Local (CPL) ainsi quepar des personnes ressources extérieures au CPL dans neufcas.

Les critères de validation sont définis (11 cas) et unréférentiel est remis aux enseignés dans cinq DIU. Un tra-vail de 25 à 50 pages (moyenne 35 pages) est demandé(40 à 80 pages dans un cas) et une soutenance orale esteffectuée devant un jury pluriprofessionnel de deux àquatre personnes. Le mémoire fait l’objet d’une note danstous les cas (dont trois avec une mention) sauf un (men-tion seule). La note varie de 20 à 60 points et constituede 30 à 100 % de la note totale.

Enfin, 90 % des mémoires re-mis et soutenus sont validés ; uncertain nombre de mémoires nesont pas présentés oralement carjugés insuffisants. Dans certainsDIU, à peine 50 % des enseignésremettent leur mémoire.

L’enquête a permis de rassembler un certain nombrede documents pédagogiques : huit concernent la métho-dologie proposée et six les modalités de la validation desmémoires.

Ces documents montrent plusieurs points communs :– l’intérêt d’une étude ou d’un travail de recherche

défini comme un travail de distanciation, de prise de re-cul, de « refroidissement » à partir d’une question issuede la pratique professionnelle, qui devient un objetd’étude ;

– la structure du plan heuristique qui comporte la dé-termination de l’objet de l’étude ou de la recherche et laproblématique retenue (perspective théorique pour étudierle problème), la description du contexte, la présentationde la méthode utilisée, les résultats, la discussion, d’éven-tuelles préconisations et la conclusion.

Discussion

Le problème des mémoires : une expérience renvoyant à la question du sens

Outre les questions très concrètes soulevées par l’en-quête et renvoyant à une amélioration des pratiques et dusuivi des mémoires, certains problèmes de fond méritentd’être ouverts pour poursuivre et approfondir la réflexion.Ils peuvent l’être au moins dans une double direction : lemémoire comme opportunité de réfléchir au sens d’uneformation tant pour les étudiants que pour les équipes pé-dagogiques locales.

Le mémoire comme construction du sens de la formation

L’écriture d’un mémoire est une épreuve délicate, unexercice périlleux redouté par les étudiants et ce, quelsque soient les formations et cursus.

Le mémoire comme opportunité de réfléchir au sens d’une formation.

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L’enquête menée a montré une grande hétérogénéitéconcernant la méthodologie, le suivi pédagogique, lecontenu et l’évaluation des mémoires.

Cette hétérogénéité, c’est en tout cas notre hypothèse,ne traduit pas uniquement un manque de repères mé-thodologiques. Elle peut aussi traduire un manque deconsidération pour un travail difficile, trop souvent can-tonné à un exercice exclusivement académique de fin de

formation, dont on ne sait plustrès bien quel en est le sens. C’estpourquoi, en partant de la défi-nition de la formation proposéepar Michel Fabre [1], nous allonstenter de montrer en quoi la ré-daction d’un mémoire est un tra-jet qui tend à donner du sens àla formation.

Michel Fabre définit la forma-tion comme un processus articu-

lant trois logiques : une logique sociale qui prend encompte la situation socioprofessionnelle ; une logique di-dactique qui s’intéresse aux contenus et méthodes ; et en-fin une logique psychologique axée sur le développementpersonnel. Si les processus de formation ont tendance àaccentuer l’une ou l’autre logique, selon la visée privilé-giée par les formateurs, Fabre insiste sur la nécessairearticulation de ces trois logiques dans le cadre des forma-tions destinées aux professionnels.

Or, il nous semble que l’articulation de ces trois logi-ques se retrouve dans l’exercice même du mémoire, quel’on peut alors présenter comme le noyau central de laformation, comme l’exercice permettant à l’étudiant de luidonner tout son sens.

Les trois logiques du mémoire, ou l’itinéraire du sens

Le mémoire comme logique socioprofessionnelle

Le mémoire est, pour le professionnel en formation,l’occasion d’une analyse de ses propres pratiques profes-sionnelles.

Ainsi considérée, l’écriture est alors le processus d’uneréflexivité qui s’attache à penser l’expérience, le vécu,avec pour objectif de lui donner du sens. Le pouvoir designifier des mots est donc ici mobilisé pour dire et penserdes situations diverses et complexes, qui posent la ques-tion du sens de l’action en situant cette dernière à diffé-rents niveaux : individuel, collectif, sociétal.

Cette logique socioprofessionnelle permet donc à l’étu-diant de réfléchir aux aspects socioculturels qui fondentet guident sa pratique.

Le mémoire comme construction d’un rapport au savoir

L’exercice de rédaction d’un mémoire mobilise égale-ment divers savoirs qui s’articulent les uns aux autrespour produire de la connaissance.

L’étudiant est ainsi amené à mobiliser des savoirsthéoriques, que l’on retrouve dans les livres et revues,mais également à travers les cours dispensés dans le cadrede la formation. Ces savoirs tendent à définir les condi-tions de fonctionnement du réel, permettent d’ajuster lesinterventions pratiques sur la réalité, de prévoir leurs ef-fets, succès ou échecs, de fixer leurs conditions et leurslimites de validité, et donc de garantir que telle actionaura bien tel résultat et non tel autre.

Mais l’étudiant mobilise aussi des savoirs d’actions,qui s’acquièrent dans la pratique et qui se conscientisentbien souvent au cours de discussions entre professionnelset grâce à une réflexion sur l’action. Ces savoirs permet-tent de prendre en compte les différents acteurs de la pra-tique, et d’insérer cette dernière dans son contexte tech-nique, social, culturel et politique.

L’articulation de ces savoirs donne ainsi un sens plusglobal à la pratique.

Le mémoire comme développement personnel

Pour autant, comme le souligne Bernard Charlot [2],« tout rapport au savoir est aussi rapport à soi-même : àtravers l’apprendre, quelle que soit la figure sous laquelleil se présente, est toujours en jeu la construction de soi. »

Il nous semble en effet que l’articulation des logiquesdidactiques et socioprofessionnelles favorise la construc-tion identitaire du sujet en formation. Ce dernier est eneffet amené à se situer par rapport aux logiques précé-dentes. Quel regard porte-t-il sur ses propres pratiques ?Comment se situe-t-il par rapport aux discours institu-tionnels qui orientent sa pratique ? De quels conceptsthéoriques se sent-il le plus proche ? Quelles sont les va-leurs qui guident son action ? Etc.

Le mémoire, qui est déjà comme nous l’avons vu pré-cédemment, un lieu de construction d’une identité pro-fessionnelle et socioculturelle devient donc aussi, pourl’étudiant, un lieu de développement personnel qui passepar un questionnement sur le sens de sa propre existence.

Si ces trois logiques corroborent, nous semble-t-il, l’hy-pothèse selon laquelle le mémoire permet à chaque étudiantde construire lui même le sens de la formation qu’il suit,encore faut-il que les formateurs aient conscience du trajeteffectué par l’étudiant et surtout des difficultés qu’ils ren-contrent. Les formateurs sont dès lors invités à repenserl’accompagnement des mémoires et plus précisément lerapport à l’écriture des étudiants.

Le mémoire, devient donc aussi, pour l’étudiant, un lieu de développement personnel.

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Trop souvent, en effet, l’écriture est considérée commeun acquis issu du passage au lycée, un préalable presque in-dispensable voire évident à toute inscription en formation.Aussi les formateurs se soucient-ils davantage des savoirsthéoriques et des méthodologies de recherche auxquelsse réfère le stagiaire, que de leurs difficultés d’écriture.Or l’écriture ne peut être restreinte à un simple outil ;« Elle est du soi couché sur un papier, articulant et intégrantdes éléments fréquemment disjoints : la pratique et la théo-rie, l’oral et l’écrit, l’oral et le geste, le subjectif et l’objectif,l’individuel et le collectif, l’action et la réflexion » [3].

Accompagner la rédaction des mémoires revient dès lorsà susciter l’envie d’écrire, à débloquer l’étudiant en valorisantles différentes étapes d’écriture, voire même à en enseignerune méthodologie qui ferait de la rédaction du mémoirele facteur essentiel de la construction progressive du sensde la formation.

Il faut y ajouter le manque de disponibilité temporelledes enseignés à cause de leur engagement professionnelà plein temps pour la plupart.

Une occasion d’auto-évaluation pour les équipes pédagogiques

Si la rédaction d’un mémoire renvoie aux questionspédagogiques envisagées jusqu’ici, elle ouvre encore d’autresquestions de fond que nous aimerions envisager. En effet,les difficultés liées à la problématique des mémoires, àleur mise en œuvre et à leur évaluation, constituent à nosyeux une heureuse opportunité d’interrogation à menerpour les équipes pédagogiques, confrontées à une expé-rience encore assez neuve. Ne pourrions-nous pas émettreune autre hypothèse, s’appuyant sur la précédente, que lesdifficultés liées aux mémoires du DIU ne seraient qu’unopportun révélateur de la difficulté à assumer certainesfinalités de ce parcours de formation en soins palliatifs,faisant ainsi le lien entre les difficultés éprouvées parl’étudiant dans un parcours de mise en sens mais égale-ment par l’équipe pédagogique ? Dans cette optique,nous pouvons croire qu’au-delà ou par-deçà une volontéd’élaborer un minimum commun à l’ensemble des DIU,ce qui reste important d’un point de vue opérationnel, laréflexion menée à propos des mémoires constitueraitune excellente occasion de ré-assumer, d’un point devue pédagogique, là où on cherche à conduire les étu-diants au regard d’un idéal des soins palliatifs.

En effet, la réflexion sur la finalité des mémoiresrenvoie tout d’abord à la finalité de la deuxième annéed’enseignement du DIU : qu’est-il question d’offrir auxétudiants ? S’agit-il d’une occasion d’enrichir une prati-que professionnelle, de les sensibiliser à une recherchequi, par le fait même, inscrirait davantage les soins pal-liatifs dans une légitimation « scientifique » et correspon-drait à une des finalités de la trilogie des missions des

USP-EMSP, ou s’agit-il d’offrir à des professionnels uneopportunité de recul réflexif sur un parcours profession-nel, associant de la sorte une dynamique d’interrogationpersonnelle ? La manière d’accentuer un des pôles en ter-mes de finalité de mémoire sera en ce sens le reflet d’unefinalité de la formation.

Cependant, opter pour une finalité explicite renvoiepeut-être à une double difficulté insuffisamment pensée :celle de voir des mémoires abou-tis, c’est-à-dire remis dans lestemps et validés, celle de la diffi-culté d’évaluation des étudiants.En effet, s’appuyant ici sur lestrois logiques de mémoires évo-quées précédemment, il pourraitparfois exister des décalages en-tre les exigences académiquesliées au mémoire et l’inscriptionpersonnelle de l’étudiant au cœurde cette formation : vient-il pouraméliorer une expertise profes-sionnelle, pour « solutionner »certaines difficultés liées à sa pratique ou pour se donnerl’occasion de ce qui relèverait d’une occasion de bilanprofessionnel ? Au regard des motivations d’inscriptiondes étudiants, cette troisième modalité semble souventprésente au point que les soins palliatifs peuvent parfoisrelever d’un prétexte, celui d’un espace critique légitime-ment ouvert pour revisiter une posture de soignant aucœur de la médecine contemporaine. On pourra ici décou-vrir certaines inadéquations entre la posture de l’étudiantet ce qui lui est effectivement demandé en termes de mé-moire, ceci pouvant expliciter certains inaboutissementsde parcours de formation, ce dernier ne pouvant accéderà une posture de service que pourrait lui apporter la rédac-tion d’un mémoire, et ce sans négliger pour autant le dif-ficile rapport au temps et à l’écriture souvent invoqué. C’estdans cette même ligne qu’il serait possible de comprendrecertaines des difficultés à évaluer le travail d’un étudiantquand on mesure son niveau d’investissement dans la re-cherche de son mémoire, ce dernier ne correspondant pasaux normes universitaires des enseignants, comme si cesderniers étaient mis en porte-à-faux entre l’évaluation d’untravail et celle d’une personne – parfois plus âgée que nouset dans une posture professionnelle qui n’est pas nécessai-rement la nôtre – effectivement inscrite dans un engage-ment fort au cœur des soins palliatifs. Si l’on dit générale-ment qu’il s’agit d’évaluer et de valider un travail, unerecherche, n’est-ce pas parfois le professionnel et son en-gagement qui s’expérimente évalué, rendant de la sorte as-sez aléatoire le processus de validation mis en œuvre ? Cetype d’interrogation doit, nous semble-t-il, ne pas échap-per aux comités pédagogiques locaux en vue de mesurer

N’est-ce pas parfois le professionnel et son engagement qui s’expérimente évalué, rendant de la sorte assez aléatoire le processus de validation ?

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également ce qu’ils mettent en œuvre dans le rapportsubjectif des étudiants à leur propre production ou nonproduction écrite.

Si ces questions méritent d’être ouvertes, elles le sontparfois par l’habitude qu’ont certaines équipes pédagogiquesà inviter pour la soutenance des mémoires un représentantd’une autre équipe inscrite dans le DIU national. Un mem-bre d’une autre équipe pédagogique lors de la soutenanceconstitue toujours une visite d’altérité pour une équipelocale, une occasion d’appréhender localement les présup-posés implicites des demandes, des visées sollicitées auprèsdes étudiants. Les questions posées, les remarques faitespar la personne invitée renvoient généralement uneéquipe à d’autres centres d’intérêts, à des exigences mé-thodologiques autres, traduisant non pas d’abord desmanques mais bien des occasions, a posteriori, pour s’in-terroger localement sur ce qui est apparu comme nouveauet révélateur d’enjeux pédagogiques : le statut de l’en-quête préalable, les insistances sur la bibliographie fran-cophone ou de langue anglaise, la dimension psychique,éthique, philosophique ; bref, un ensemble de questionssoulignant également la dimension spécifique d’émer-gence et de développement de tel ou tel DIUSP.

Le questionnement initié ici à propos des mémoires peutégalement conduire à une autre interrogation locale, sur-tout lorsque l’on considère la multiplicité professionnelle,d’âge et d’intérêts qu’il est possible de rencontrer dansune session d’étudiants. Comment appréhendons-nous lestatut de la formation que nous proposons localement ?Certes inscrite dans un cadre académique universitaire liéà une Faculté de médecine, la formation peut être penséedans cet horizon strict ou davantage de formation perma-nente accompagnant des professionnels dans la diversitéde leurs postures ou de formation spécifique, les soins pal-liatifs étant devenus un nouvel objet de connaissance aucœur de la médecine et de la pratique soignante. L’optionde fond, explicite ou implicite, pourrait également ren-voyer à des attentes plus ou moins particulières en matièrede mémoire si ce dernier est bien considéré comme la par-tie centrale de l’évaluation d’un parcours de formation.Ici encore des décalages non explicités entre certaines vi-sées pourraient être à la source de difficultés rencontréesautour de la problématique des mémoires.

Nous n’avons certes pas la prétention de résoudre tou-tes les difficultés soulevées dans cette contribution maisnous pensons que ce premier effort d’évaluation des pra-tiques pédagogiques dans les divers DIU constitue un dou-ble défi : celui de s’approprier localement, et de manièreparfois plus explicite, les enjeux propres et visées péda-gogiques mais aussi d’entrer davantage dans un question-nement relatif à l’imaginaire qui se trouve entretenu à

l’égard des soins palliatifs et des perspectives stratégiquesqui y sont véhiculés.

Conclusion

Vers des pistes communes pour un référentiel partagé

En conclusion, il nous semble important de proposerune démarche qui soit adaptée aux différents champsdes soins palliatifs (clinique et thérapeutique, éthique,sciences humaines, organisation du travail…) et auxdifférentes professions (médecins, infirmières, psycho-logues…). Des objectifs pédagogiques communs sontactuellement difficiles à préciser de façon consensuellepuisque plusieurs logiques sont envisagées selon le typede mémoire.

L’objectif du mémoire pourrait être une appropriationd’une démarche de recherche afin de favoriser un mode deréflexion et une structuration personnelle plutôt que l’ob-jectif scientifique immédiat de la recherche « d’augmenterla somme des connaissances ».

L’objectif serait alors l’initiation à la recherche, orien-tant vers une pratique de résolution de problèmes, prio-risant l’appropriation d’une démarche de recherche. Cettevisée pourrait rencontrer de la sorte une double finalité :celle d’accroître une réflexion relative à l’amélioration despratiques en soins palliatifs, celle d’offrir à l’étudiant uneopportunité d’appropriation plus lucide du sujet au cœurde sa pratique professionnelle et/ou d’accompagnement.Cette double finalité pourrait, de la sorte, participer àcombler une lacune, celle du déficit de données secondai-res concernant les soins palliatifs et l’accompagnementdans plusieurs domaines.

La question se pose maintenant d’aller plus loin dansce travail en proposant de travailler avec toutes les équi-pes des DIU, non sur une uniformisation des pratiquesmais peut-être sur la définition d’un minimum commun.Peut-être découvririons-nous que si ces pratiques sontsi hétérogènes, cela signifie que les équipes ont élaboréleur méthodologie

a minima

à un moment donné puisn’ont jamais eu le temps de reprendre ce travail par lasuite.

Références

1. Fabre M. Penser la formation. Paris : PUF, 1994.2. Charlot B. Du rapport aux savoirs : éléments pour une théo-

rie. Anthropos, 1997.3. Develay M. Recension de Cros, François (éd.). Le mémoire

professionnel en formation d’enseignants. Un processus deconstruction identitaire. L’Harmattan, 1998,

in

: Les cahierspédagogiques, n

°

374, mai 1999, p. 63-4.

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Annexe I. Enquête « Mémoire et Travaux personnels – DIU 2

e

année », Sous-commission « Mémoire ».Appendix I. Thesis and personal work – 2nd year student,

thesis sub-commission.

Université :Responsable Pédagogique Local (RPL)

Nom : Profession :Année de création du DIU :DIU tous les ans

tous les 2 ans

Nombre d’enseignés en 2

e

année :Nombre de jours d’enseignement :Composition du Comité Pédagogique Local (CPL)

Nombre de membres : Professions représentées :

1. Mémoire

1.1. Objectifs

Vous considérez le mémoire comme :– un travail de réflexion personnelle– une étude– un travail de recherche

1.2. Méthodologie

1.2.1. Une méthodologie est-elle proposée ? Oui NonSi oui, laquelle ? (Merci de joindre les documents existants ou de transmettre les référencesbibliographiques)

1.2.2. Combien d’heures sont prévues pour l’exposé de la méthodologie ?En 1

re

année :De façon obligatoire optionnelle

En 2

e

année :De façon obligatoire optionnelle

1.2.3. La méthodologie est enseignée par :des enseignants du DIU-CPL (Comité Pédagogique Local)des enseignants spécialisés en méthodologie

1.3. Tutorat – Guidance

1.3.1. Un tutorat ou guidance est-il proposé ? Oui NonSi oui, est-il imposé ? Oui Non

1.3.2. Nombre d’heures consacrées au tutorat-guidance– pendant les heures d’enseignement du DIU :– en dehors de l’enseignement du DIU (rencontres avec le guideur-tuteur) :

1.3.3. Par qui est-il assuré ?– membres du CPL Oui Non

Si oui, nombre de guideurs-tuteurs :– personnes extérieures au CPL Oui Non

Si oui, qui ?nombre de personnes ?

1.3.4. Les tuteurs-guideurs utilisent-ils la même méthodologie ?Oui Non

1.3.5. Les tuteurs-guideurs ont-ils une formation commune ?Oui Non

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Enquête et réflexions sur les mémoires du DiplômeInter-Universitaire d’Accompagnement et Soins Palliatifsen France en 2004

É T U D E O R I G I N A L E

1.4. Validation

1.4.1. Utilisez-vous des critères de validation des mémoires ?Oui Non

Si oui, lesquels ? (Merci de joindre le document)1.4.2. Font-ils l’objet d’un référentiel de validation écrit et remis aux enseignés ?

Oui NonSi oui, merci de le joindre à votre réponse.

1.4.3. Nombre de pages demandées pour le mémoire :1.4.4. Existe-t-il une soutenance orale : Oui Non

Si oui, quelle est la composition du jury ?Nombre de personnes :Professions :Membres du CPL uniquement Oui NonSi non, veuillez préciser :

1.4.5. Le mémoire – est noté sur : points– fait l’objet d’une mention Oui Non

La note globale de la 2

e

année est de : points1.4.6. Nombre de mémoires remis et validés :

année remis Validés Nombre total d’inscrits au DIU

2000-1

2001-2

2002-3

2003-4