Elements de Sedimentologie

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Université de Liège Faculté des Sciences Département de Géologie Eléments de Sédimentologie et de Pétrologie sédimentaire Cortèges de galets multicolores, de chocs en chocs, ils évoluent

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Elements de Sedimentologie

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Universit de LigeFacult des SciencesDpartement de Gologie

Elments de Sdimentologieet de Ptrologie sdimentaire

Cortges de galets multicolores,de chocs en chocs, ils voluentvers une perfection dj rvolueque chaque vague aussitt colore.Rseau fluviatile en tresse (Peonera, prs Alquesar, Espagne), FB.Prof. F.Boulvain

HYPERLINK "http://www2.ulg.ac.be/geolsed/FB.htm" \t "_blank" ,2013

Table des matires I. AVANT-PROPOS II. INTRODUCTION 1.LESROCHESSEDIMENTAIRES 2.LESBASSINSSEDIMENTAIRES 2.QUELQUES REMARQUESGENERALES III. LES SEDIMENTS DETRITIQUES 1. INTRODUCTION 2.ROCHES DETRITIQUES MEUBLES 3.ROCHES DETRITIQUES COHERENTES 3.1.Les grs 3.1.1. Gnralits 3.1.2. Composition minralogique 3.1.3. Granulomtrie 3.1.4. Classification 3.2.Conglomrats et brches 3.2.1. Composition 3.2.2. Texture 3.2.3. Classification 3.3.Sdiments argileux et silteux 3.3.1. Composition 3.3.2. Classification 4. LES ENVIRONNEMENTS DE DEPOT DES ROCHES DETRITIQUES 4.1.Argiles et silts 4.1.1. Sdiments rsiduels 4.1.2. Sdiments dtritiques 4.1.3. Sdiments d'origine volcanique 4.2.Sables et graviers 4.2.1. Dpts de cnes d'boulis 4.2.2. Dpts oliens 4.2.3. Dpts fluviatiles 4.2.4. Dpts ctiers 4.2.5. Dpts de plate-forme 4.2.6. Tempestites 4.2.7. Dpts de bassin 4.2.8. Tsunamites IV. LES EVAPORITES 1. INTRODUCTION 2. EVAPORITES CONTINENTALES 3.EVAPORITES MARINES PEU PROFONDES 4.EVAPORITES PROFONDES 5.DIAGENESE 6. LA TECTONIQUE EVAPORITIQUE V. LES SEDIMENTS SILICEUX 1.INTRODUCTION 2.PETROGRAPHIE 3.GEOCHIMIE 4.CHERTS ET SILEX LITES 5. CHERTS ET SILEX NODULAIRES 6.SILICITES NON MARINES VI. LES PHOSPHORITES 1.INTRODUCTION 2.CLASSIFICATION VII. LES SEDIMENTS FERRIFERES 1.INTRODUCTION 2.GEOCHIMIE ET PETROGRAPHIE 3.FORMATIONS FERRIFERES PRECAMBRIENNES 4.FORMATIONS FERRIFERES PHANEROZOIQUES 5.FORMATIONSFERRIFERESACTUELLES 5.1.Fer des marais 5.2.Nodules polymtalliques VIII. LES GRANDS ENVIRONNEMENTS DE DEPOT DES CARBONATES 1. INTRODUCTION 2.LE DOMAINE CONTINENTAL 2.1.Carbonates lacustres 2.2.Tufs et travertins 2.3.Grottes 2.4.Caliches, calcretes 3.LE DOMAINE MARIN 3.1.Plates-formes carbonates tempres 3.2.Plates-formes carbonates tropicales 3.2.1. Les facteurs du milieu 3.2.2. Les grands environnements de dpt 3.2.3. Critres de caractrisation des milieux de dpt 3.3.Le talus 3.4.Le bassin IX. DESCRIPTION ET INTERPRETATION DES ROCHES ET DES PALEOENVIRONNEMENTS CARBONATES 1.GENERALITES 2.CLASSIFICATION DES ROCHES CARBONATEES 2.1. Classification de Folk 2.2. Classification de Dunham complte par Embry & Klovan et Tsien 3.DESCRIPTION DES PALEOENVIRONNEMENTS CARBONATES:LANOTIONDEFACIES 4.LES MICROFACIES STANDARDS DEWILSON-UNMODELEDEPLATE-FORME CARBONATEE 5.LEMODELEDERAMPE 6.INTERPRETATION DES PALEOENVIRONNEMENTS CARBONATES: UNEBREVEANALYSEDESMETHODESUTILISEES X. TAPISALGO-MICROBIENS, STROMATOLITHES& Co 1.TAPIS ALGO-MICROBIENS ET STROMATOLITHES ACTUELS 1.1.Introduction 1.2.Description et classification 1.2.1. Les stromatolithes 1.2.2. Les oncolithes 1.3.Quelques caractristiques des stromatolithes 1.3.1. Biologie 1.3.2. Origine de la lamination 1.3.3. Ecologie 2.TAPIS ALGAIRES GIVETIENS XI. LESRECIFS 1.GENERALITES - TERMINOLOGIE 2. STABILISATION - MINERALISATION 3.EVOLUTION AUTOGENIQUE - EVOLUTION ALLOGENIQUE 4.LES RECIFS DANS L'HISTOIRE GEOLOGIQUE 5.RECIFS ALGO-CORALLIENS DESEAUXSUPERFICIELLESTROPICALES 5.1.Introduction 5.2.Gnralits: morphologie des rcifs actuels 5.3.Un exemple: les atolls 5.3.1. Quelques dfinitions: atolls, les hautes carbonates 5.3.2. Fonctionnement 5.4.Un autre exemple: le rcif barrire 5.5. Rle des paramtres physiques sur la rpartition et la morphologie des coraux 6.BIOCONSTRUCTIONSA CORAUX AHERMATYPIQUES 6.1.Les lithohermes 6.2.Les monticules coralliens profonds 6.2.1. Exemple des Bahamas 6.2.2. Exemple des monticules de l'Atlantique nord 7. MONTICULES WAULSORTIENS 8.MONTICULES MICRITIQUES FRASNIENS 9.BIOSTROMES GIVETIENS XII. LESSEDIMENTSORGANIQUES 1. INTRODUCTION 2.LESSEDIMENTSORGANIQUESACTUELS 3.LESSEDIMENTSORGANIQUESANCIENS 4.LESCHARBONS 5.LESSCHISTESBITUMINEUX 6.LEPETROLE XIII. DEPOTSVOLCANO-SEDIMENTAIRES 1.INTRODUCTION 2.ROCHESPYROCLASTIQUES 3.AUTRESDEPOTSVOLCANO-SEDIMENTAIRES 4.DIAGENESEDESDEPOTSVOLCANO-SEDIMENTAIRESLexique de gologie sdimentaireI. Avant-proposCe cours fait suite au cours de "Processus sdimentaires", centr sur l'tude des processus d'altration, rosion, transport, dpt, diagense. Le but ici estd'identifierles diffrents types de roches sdimentaires et decomprendre leur genseet le contexte (palogographique, paloclimatique) de cette gense.

Puisqu'en sdimentologie comme en bien d'autres domaines mieux vaut avoir la tte bien faite que bien pleine, ces notes ne se veulent certainement pas exhaustives. Si elles couvrent brivement l'essentiel des types de sdiments et de roches sdimentaires, une certaine accentuation est mise sur le monde des carbonates. J'ai en effet choisi de traiter plus en dtail les bioconstructions, qu'elles soient de type rcifal, microbien ou algaire. Ces bioconstructions diffrent par leur gomtrie, les communauts organiques qui les difient, leur mode de stabilisation et la source d'nergie primaire utilise (soleil, matire organique, mthane,...). Outre leur intrt intrinsque, le choix d'illustrer particulirement les bioconstructions est justifi par le fait que nous en possdons, en Belgique, de multiples et splendides exemples palozoques.

L'approche thorique sera complte, au cours des travaux pratiques, par l'tude delames minceset par des journes d'excursion (cesexcursionscorrespondent aussi au cours de gologie rgionale).

Enfin, chaque chapitre est suivi d'une slection bibliographique ("pour en savoir plus"). La lecture de certains de ces ouvrages, suivant l'intrt personnel, est recommande.

Pour en savoir plus:Quelques ouvrages gnraux de sdimentologie: F.Boulvain, 2010.Ptrologie sdimentaire: des roches aux processus.Technosup, 259 pp. H.Chamley, 1990.Sedimentology.Springer-Verlag, 285 pp. Un bon ouvrage, clair et prcis, centr plus sur les sdiments dtritiques que sur les carbonates. Pas de photographies, mais de bons schmas. I.Cojan & M.Renard, 2006.Sdimentologie (2e dition). Dunod, 444 pp. Un bon ouvrage rcent (en franais) de sdimentologie intgrant les derniers dveloppements (analyse squentielle, diagense, etc.). Pas beaucoup de photographies, mais de bons schmas. D.Prothero & F.Schwab, 1998.Sedimentary geology (an introduction to sedimentary rocks and stratigraphy). Freeman & Co, 422 pp. Trs bel ouvrage, bien illustr de schmas et photographies. H.G.Reading, 1996.Sedimentary environments: processes, facies and stratigraphy. Blackwell, 688 pp. Bon ouvrage, trs complet. M.Tucker, 2001. Sedimentary petrology (3rd edition). Blackwell, 262 pp.Une des meilleures introduction la ptrologie sdimentaire, bien illustre.

II. Introduction1. LES ROCHESSEDIMENTAIRESLes roches sdimentaires font partie inhrente ducycle gologique, puisque leurs constituants (grains ou ions solubles) rsultent de l'altrationde roches ou de sdiments prexistants, que ces constituants ont subi un certaintransportet qu'ils se sontdpossou ont t prcipits dans un bassin de sdimentation. L'volution post-dpt de ces sdiments (diagense) les transforme en roches sdimentaires. Ces roches peuvent subir un mtamorphisme et tre leur tour soumises l'altration lors de leur passage la surface des continents.

Il est possible de classer les roches sdimentaires enquatre grandes classes gntiques:

-les roches dtritiques: elles sont formes de particules minrales issues de l'altration de roches prexistantes. Comme il s'agit de matriel issu des continents, on les appelle aussi "terrignes". Ces particules sont transportes par l'eau, la glace, le vent, des courants de gravit et se dposent lorsque la vitesse de l'agent de transport diminue (ou lors de la fonte de la glace). Lorsque les roches dtritiques sont essentiellement constitues de fragments de quartz, on les appelle aussi "siliciclastiques". Les roches dtritiques sont gnralement classes en fonction de la granulomtrie de leurs constituants (conglomrats, grs, siltites, argilite, voir ci-dessous).Elles forment prs de 85% de l'ensemble des roches sdimentaires;

-les roches biogniques, biochimiques ou organiques: elles sont le produit, comme leur nom l'indique, d'une activit organique ou biochimique. L'altration fournit, outre les particules solides entrant dans la constitution des roches terrignes, des substances dissoutes qui aboutissent dans les mers, les lacs et les rivires o elles sont extraites et prcipites par des organismes. Dans certains cas, l'action des organismes modifie l'environnement chimique et le sdiment est prcipit directement partir d'eaux marines ou lacustres sursatures. Dans d'autres, les organismes utilisent les carbonates, phosphates, silicates pour constituer leurs tests ou leurs os et ce sont leurs restes qui constituent les roches sdimentaires. Les plantes accumulent des matriaux carbons par photosynthse et sont directement l'origine du charbon. D'autres types de sdiments carbons comme les schistes bitumineux, le ptrole sont gnrs par des bactries. Les roches biogniques forment prs de 15% des roches sdimentaires;

-les roches d'origine chimiquersultent de la prcipitation (purement physico-chimique) de minraux dans un milieu sursatur. Les vaporites (anhydrite, halite, gypse, sylvite,...) en sont le meilleur exemple: elles se forment par vaporation de saumures.L'importance relative de ces roches est faible: de l'ordre du %;

- une dernire classe est consacre aux "autres roches sdimentaires" dont l'origine n'est pas lie l'altration: les pyroclastites, les roches lies aux astroblmes, les cataclastites (lies des phnomnes de brchification par collapse, tectonique, glissements de terrain, etc.).

2.LESBASSINSSEDIMENTAIRESMme si des sdiments peuvent se dposer pratiquement ds leur rosion, leur devenir est en gnral de terminer leur voyage au sein d'un bassin sdimentaire. Un bassin sdimentaire ne se forme que l o des sdiments peuvent s'accumuler. Cette vidence recouvre un concept majeur : l'accumulation des sdiments ncessite une cration d'espace, rsultat soit d'un enfoncement de la base du bassin (subsidence), soit d'une hausse du niveau marin. On reviendra plus tard sur ces notions importantes (cours de diagense et dynamique des bassins).

D'une manire gnrale, on peut distinguer les bassins sdimentaires en fonction de leur position dans le cycle gologique : (1) les bassins sdimentaires actifs, (2) les bassins non fonctionnels (parce qu'exonds) mais peu dforms et (3) les anciens bassins, gnralement fortement dforms et incomplets, intgrs dans une chane de montagnes.

On peut aussi les distinguer sur la base des mcanismes qui les gnrent, c.--d. des mcanismes responsables de leur subsidence (Fig. II.1).

Figure II.1 : bassins sdimentaires en fonction du contexte tectonique. A : rift continental. B : marge passive avec structuration en demi-grabens et bassin ocanique. C : bassins d'arrire-arc, d'avant-arc et fosse ocanique en zone de subduction. D : bassins lis une faille transformante (dcrochement dextre).

Les bassins associs des zones de divergence de plaques tectoniques. Ces bassins se forment l o la crote terrestre est tire et amincie:

rifts continentaux (Fig. II.1A) : c'est le dbut de la phase d'ouverture. Le substrat est une crote continentale. Les remplissages sdimentaires consistent en dpts continentaux de cnes alluviaux, de lacs, de fleuves (exemple : graben du Rhin). Du volcanisme est souvent associ, suite l'extension crustale (basaltes des plateaux, basaltes alcalins,);

rifts ocaniques : partir d'un certain stade, le rift continental est envahi par la mer. Les sdiments sont varis, depuis des dpts continentaux jusqu' des dpts beaucoup plus profonds (exemple : sud de la mer Rouge). Le volcanisme est intense et volue vers des tholiites;

marges passives et bassins ocaniques (Fig. II.1B) : c'est l'volution ultime des rifts continentaux. Les marges continentales sont structures en demi-grabens et de la crote ocanique nouvellement forme spare les continents. Le volcanisme est rduit au niveau des marges passives et les sdiments sont trs varis, depuis des dpts de plate-forme jusqu' des dpts plagiques (exemple : ocan Atlantique). Les paisseurs sdimentaires diminuent depuis la marge continentale vers le bassin ocanique. La subsidence rsulte du jeu des failles normales, de la charge sdimentaire et du refroidissement progressif de la crote ocanique.

Un exemple de rift continental : le graben du Rhin. Les Vosges et la Fort-Noire correspondent aux bordures du graben, la plaine d'Alsace au remplissage sdimentaire de la partie effondre. La photo est prise vers l'est depuis Husseren-les-Chteaux (versant est des Vosges). Les bassins associs des zones de convergence de plaques(Fig. II.1C) :

fosses ocaniques : ce sont des dpressions ocaniques profondes localises au niveau des zones de subduction. Les sdiments consistent en dpts plagiques, associs des turbidites si le continent est proche. Ces sdiments sont rapidement et intensment dforms suite la subduction: ils constituent le prisme d'accrtion (exemple: fosse du Japon);

bassins d'avant-arc : gographiquement proches des prcdents, situs comme leur nom l'indique en avant des arcs volcaniques, sur la plaque suprieure. Leur subsidence serait due la flexure de cette plaque suite l'entranement par la plaque subducte. La dformation est moins intense que dans le prisme d'accrtion et les sdiments sont caractre moins profonds et plus riches en dpts volcano-sdimentaires (exemple : mer Tyrrhnienne);

bassins d'arrire-arc: ces bassins ressemblent par leur mcanisme de subsidence et par leur remplissage aux bassins lis la divergence de deux plaques. Les dpts volcano-sdimentaires y sont cependant mieux reprsents (exemple: mer du Japon);

bassins d'avant-chane : lorsque la subduction de deux plaques se poursuit par une collision continentale, l'paississement de la plaque continentale suprieure provoque une subsidence due la surcharge. Les apports en provenance de la chane en voie d'rosion sont normes et les dpts sont varis (marins, continentaux). Le volcanisme est rare (exemple: plaine du P).

Les bassins associs des zones o les plaques continentales coulissent le long de failles transformantes(Fig. II.1D) : ces bassins s'ouvrent suite des changements dans la direction de failles dcrochantes ou la prsence de zones de relais. Les sdiments sont continentaux et le volcanisme est rare (exemple: bassin de la mer Morte le long de la faille du Levant).

Les bassins intra-montagneux: ces bassins se forment en contexte d'extension aprs collision. Ils sont emplis de sdiments continentaux (cnes alluviaux, vaporites, lacs, charbon, rivires,) (divers exemples dans les Andes et l'Himalaya).

Les bassins intracontinentaux en contexte atectonique: ces bassins stables et subsidence relativement faible rsultent d'un amincissement modr de la crote (sans apparition de rift) ou d'un refroidissement du manteau. La subsidence peut tre entretenue par la surcharge sdimentaire. Les sdiments sont continentaux (lacustres, dsertiques, etc.) voire marins et ne sont pas plisss (exemple : Bassin de Paris).

L'enregistrement gologique montre que certains bassins possdent une histoire polyphase et peuvent passer d'un type l'autre. C'est bien sr le cas des rifts continentaux qui peuvent voluer en marge passive/bassins ocaniques et aussi celui des fosses ocaniques/bassins d'arrire-arc/bassins d'avant-arc qui peuvent tre repris dans un bassin d'avant-chane lors d'une collision continentale.

2. QUELQUES REMARQUESGENERALESLa phase initiale d'une tude sdimentologique est bien videmment une campagne de terrain. Ce travail peut prendre de nombreux aspects, depuis la rcolte d'chantillons de sdiment actuel en mer jusqu'au lev d'une coupe palozoque en bord d'autoroute... Il est bien sr impossible d'envisager la dmarche suivre dans des circonstances aussi varies, mais il faut garder l'esprit quelques rgles de "bon sens gologique":

- toujours se remmorer le principe de la hirarchie des chelles d'observation: ne pas passer de l'chelle de l'affleurement celle du microscope balayage;

- bien localiser les prises d'chantillons: la fois dans le temps (position dans une succession lithologique) et dans l'espace (position de la coupe, du domaine sdimentaire au sein du bassin);

- ne pas oublier l'importance des documents d'observation: ce sont les documents de base et les seuls qui sont rsolument objectifs... Ils doivent pouvoir servir d'autres. Il n'est pas rare que des affleurements disparaissent: les seules traces que nous en possdons alors sont les levs des gologues des gnrations prcdentes;

- bien faire la diffrence entre un document de base et un document de synthse: outre leur caractre simplificateur (parfois simplement pour une question d'chelle), ces documents de synthse servent toujours montrer quelque chose, ils sont orients. Je donne comme exemple la coupe des calcaires givtiens de Vaucelles (Fig. II.2): gauche le document de base, droite la synthse destine tre rduite pour publication et tendant mettre en vidence les niveaux repres: rcifs et tapis algo-microbiens.

On trouvera dans le livre "Gologie de terrain: de l'affleurement au concept" (Boulvain & Vander Auwera, 2011) quelques conseils quant aulev banc par bancet la ralisation d'une colonne lithologique.

Figure II.2: synthse d'une colonne lithologique de terrain (calcaires).Exemple de Vaucelles, Formation de Trois-Fontaines, Givtien, bord sud du Synclinorium de Dinant.

III. Les sdiments dtritiques1. INTRODUCTIONLes sdiments et roches dtritiques sont les plus abondants des dpts sdimentaires. Au sein de ces dpts, ce sont les varits dont les grains sont les plus fins qui dominent: argiles/silts: 2/3; sables, graviers: 1/3.

Une premire distinction parmi les roches dtritiques est fonde sur l'tat d'agrgation des particules sdimentaires: on oppose lesroches meubleset lesroches plastiquesauxroches duresoucohrentes. Dans les roches meubles, les grains dtritiques sont entirement indpendants les uns des autres: ils forment un assemblage en quilibre mcanique dont les espaces intergranulaires (pores) reprsentent une fraction importante du volume de la roche. Dans les roches plastiques, la prsence de minraux argileux en quantit importante permet une dformation sous la contrainte. Dans les roches cohrentes, les constituants sont intimement souds les uns aux autres et la roche garde sa forme aussi longtemps que des contraintes ne viennent la briser. La transformation du sdiment meuble en roche indure rsulte soit de l'introduction d'un ciment entre les grains, soit de la compaction du sdiment, soit encore de la dshydratation des constituants argileux. On appellediagensel'ensemble des processus physico-chimiques responsables de la transformation d'un sdiment meuble en une roche indure.

Un mme critre gnral sert la classification des roches meubles et cohrentes: c'est ladimension des grains dtritiques. On admet gnralement trois grandes classes ganulomtriques:

Diamtre des particulesBrongniart (1813)Grabau (1904)sdiments meublessdiments indurs

> 2 mmpsphiteruditegravierconglomrat, brche

de 2 mm 62 mpsammitearnitesablegrs

9). Dans ce dernier cas, celui de certains lacs temporaires trs riches en phytoplancton, quartz et minraux des argiles sont dissous lors des prolifrations planctoniques ("blooms") et la silice prcipite ensuite sous la forme d'un gel lors de l'vaporation.

On trouve aussi des enrichissements en silice dans lessilcretes, qui rsultent d'une pdogense en milieu trs riche en silice instable (sols sur rhyolithes, volcaniclastites).

Enfin, des dpts de silice s'observent souvent en relation avec des sources hydrothermales, des geysers, etc. Cette forme de silice blanche et trs fine est appele geyserite et est constitue d'opale. Des microbes (bactries, arches) pourraient intervenir dans la prcipitation.

Dpts de silice hydrothermale dans le parc national du Yellowstone (Wyoming, USA). A: le long d'un coulement; la coloration orange est d'origine microbienne.B: autour d'une mare dont la couleur bleue traduit la prsence de silice en suspension.

Pour en savoir plus F. Arbey, 1980. Les formes de la silice et l'identification des vaporites dans les formations silicifies. Bull. Centres Rech. Explor.-Prod. Elf-Aquitaine, 4, 1, 309-365.

VI. Les phosphorites1.INTRODUCTIONBeaucoup de roches sdimentaires contiennent des quantits mineures de phosphates. Lesphosphorites(dpts sdimentaires de phosphates, caractriss par une teneur en P2O5de l'ordre de 20% ou plus) sont par contre relativement rares. Le phosphate des roches sdimentaires se prsente essentiellement sous la forme de fluorapatite (Ca5(PO4)3F), dont une part du phosphate peut tre remplace par du carbonate ou du sulfate, dont le fluor peut tre remplac partiellement par OH-ou Cl-et dont le calcium peut tre substitu par Na, Mg, Sr, U et des terres rares. Les varits cryptocristallines et isotropes d'apatite sont appelescolophane.

Dans la plupart des sdiments, le phosphate est dissmin sous la forme de quelques fragments d'apatite (minral dense), de coprolithes ou d'ossements. Par quel mcanisme de concentration en arrive-t-on aux normes gisements de phosphorites que l'on connat actuellement?

Lit centimtrique galets phosphats dans le sommet de la Formation de Palliser (Dvonien Suprieur, Jura Creek, Alberta, Canada).La position de ce niveau phosphat est particulire puisqu'il se situe (flche) entre des calcaires et des schistes riches en matire organique. Il tmoigne probablement d'un arrt de sdimentation important.

Dbris phosphats (orangs) dans un packstone bioclastique (Jurassique, Lorraine belge); gauche, lumire naturelle, droite, nicols croiss.

Autre exemple dans un grainstone du Palocne de Tunisie; gauche, lumire naturelle, droite, nicols croiss. Lame J-Y.Storme.2. CLASSIFICATIONOn classe en gnral les phosphorites en trois grandes catgories:

- lesphosphorites nodulaires ou litesforment gnralement des dpts de grandes dimensions. Ces phosphorites semblent tre les quivalents actuels des accumulations de phosphate qui se forment le long de la bordure ocanique de certaines plates-formes. Le mcanisme responsable de telles accumulations est la prsence de courants d'upwelling, riches en nutriments, favorisant des prolifrations de phytoplancton. On peut supposer que priodiquement, ces prolifrations provoquent une mortalit massive des poissons, avec apport d'os et de matire organique riche en phosphore dans le sdiment. D'un point de vue plus gnral, il semble que ce type de dpt phosphat soit li des priodes de haut niveau marin, voire de transgressions. Durant les priodes transgressives, un certain dsquilibre de la sdimentation peut se produire, dsquilibre qui se manifeste par des baisses de l'apport en terrignes et la formation de fonds durcis. Dans ce cas, il est facile d'expliquer la concentration des dbris phosphats par un arrt de la dilution par la sdimentation dtritique.

- lesbone beds: ce sont des niveaux plus ou moins enrichis en os et cailles de poissons. Ces graviers se forment lorsque les courants de vague ou de mare concentrent les lments les plus lourds sous la forme de "lag deposits". En lame mince, le phosphate des lments squelettiques se distingue par sa coloration jaune bruntre, la prsence de structures d'origine biologique (lignes de croissance, canaux) et son caractre isotrope ou faiblement anisotrope. Associs ces bone beds, on observe souvent des coprolithes riches en colophane. Au cours de la diagense, une phosphatisation plus pousse des sdiments (croissance de nodules autour des fragments osseux, cimentation par de la collophane,...) peut avoir lieu. Un bon exemple d'un de ces bone beds est le niveau graveleux de laFormation de Mortinsart(Rhtien), visible en Gaume, dans la coupe de Grendel. Le lecteur intress peut consulter les rfrences ci-dessous.

- leguano: les djections d'oiseaux et, dans une mesure moindre, de chauves-souris, peuvent dans certaines circonstances, former des gisements de phosphate d'intrt conomique. La percolation dans le soubassement carbonat des solutions drives du guano peut tre responsable d'une phosphatisation secondaire.

Pour en savoir plusSur un bone-bedrhtienen Gaume: C.J. Duffin, P. Coupatez, J.C. Lepage & G. Wouters, 1983. Rhaetian (Upper Triassic) marine faunas from "Le Golfe du Luxembourg" in Belgium (preliminary note). Bull. Soc. belge Gol., 92 (4), 311-315. C.J. Duffin & D. Delsate, 1993. The age of the Upper Triassic vertebrate fauna from Attert (province of Luxembourg, Belgium). Serv. Gol. Belgique Prof. Papers, 264, 33-44.

VII. Les sdiments ferrifres1. INTRODUCTIONComme dans le cas des phosphates, la plupart des roches sdimentaires contiennent une proportion mineure de fer. Ne sont actuellement considrs comme minerais que les roches o la teneur en fer dpasse 15%. Comme le fer existe sous deux degrs d'oxydation, Fe++(l'ion ferreux) et Fe+++(l'ion ferrique), son comportement est contrl par la gochimie des environnements sdimentaire et diagntique.

La majorit des gisements ferrifres semblent s'tre forme en milieu marin et beaucoup sont fossilifres. Un grand problme est cependant le manque d'quivalents actuels: les seuls grands dpts ferrifres actuels sont lesnodules mtallifres des grands fonds ocaniqueset lefer des marais("bog-iron") qui semblent tre de peu d'importance gologique.

On distingue gnralement deux grands types de dpts ferrifres: les"banded iron formations" du Prcambrien (BIF's)et lessdiments ferrifres phanrozoques. Les premiers sont typiquement d'paisses squences constitues de sdiments ferrifres alternant avec des cherts noirs, dposs dans de grands bassins intracratoniques; les seconds sont d'extension plutt rduite et forment des units plus minces, gnralement de nature oolithique.

D'une manire trs gnrale, on observe que la formation de sdiments ferrifres est favorise par de faibles taux de sdimentation, souvent lis des pisodes transgressifs, et par une forte altration chimique continentale (climat tropical). Il semble galement qu'une corrlation existe entre une faible concentration d'oxygne dans l'atmosphre et les poques de formation des gisements ferrifres: cette relation est vrifie pour le Prcambrien, l'Ordovicien, le Dvonien, le Jurassique. Ce phnomne est la consquence d'un apport accru de Fe++ l'ocan par des eaux moins oxygnes.

2. GEOCHIMIE ET PETROGRAPHIEOn considre actuellement que la principale source de fer pour le bassin ocanique est l'altration continentale des roches basiques et des sols latritiques. Dans les conditions Eh et pH de la majorit des eaux de surface, le fer est l'tat Fe+++, largement insoluble. Sa concentration en solution est ds lors trs faible, de l'ordre de 1 ppm pour l'eau de rivire et de l'ordre de 0,003 ppm pour l'eau de mer. Trois mcanismes de transport du fer sont envisageables:

- sous la forme de films d'oxyde sur des particules dtritiques;

- en liaison avec la matire organique;

- sous la forme de suspensions collodales d'hydroxydes qui prcipitent par floculation lors du mlange des eaux fluviales et marines.

Une fois dpos, le fer peut tre remis en solution dans le sdiment si les conditions Eh-pH sont appropries et tre ensuite reprcipit sous la forme de minraux ferrifres. La Figure VII.1 donne les conditions de stabilit de ces minraux en fonction de l'Eh, du pH, de l'activit de S=(pS2-=-log [S2-]) et de la pression partielle de CO2. (Rappelons qu'un des principaux facteurs affectant l'Eh des eaux est la teneur en matire organique: sa dcomposition bactrienne consomme de l'oxygne et gnre des conditions rductrices). D'aprs ces diagrammes, on peut voir que l'hmatite est la forme stable dans des conditions modrment fortement oxydantes, c--d dans un sdiment pauvre en matire organique. Pour les minraux comprenant du fer ferreux, les champs de stabilit sont fortement dpendants de la PCO2et de la pS2-de la solution. Dans les sdiments marins, le soufre est gnralement disponible par la rduction bactrienne des sulfates et c'est la pyrite ou la marcassite qui se forment; les carbonates de fer sont rares.

4 FeOOH + 4 SO4=+ 9 CH2O9 HCO3-+ H++ 6 H2O +4 FeS

FeS + H2SH2+ FeS2En environnement mtorique (eaux douces), ce n'est pas le cas et les carbonates de fer sont plus frquents. Cependant, mme en milieu marin, si tout le soufre est consomm, de la sidrite peut aussi se former. Un bon exemple est la cristallisation de sidrite dans certains marais intertidaux actuels. Le dveloppement des silicates de fer (glauconite,...) est encore sujet hypothses. Ajoutons enfin que beaucoup de ces ractions d'oxydation et de rduction sont catalyses par la prsence de populations microbiennes.

Figure VII.1A: diagramme Eh-pH de stabilit du fer ferrique, du fer ferreux, de l'hmatite, de la sidrite, de la pyrite et de la magntite. Ce diagramme montre que l'hmatite est le minral stable dans les environnements modrment fortement oxydants. Pour des minraux comme la pyrite, la sidrite et la magntite, stables en environnement rducteur, les champs de stabilit sont fortement dpendants du pH, mais aussi des concentrations en CO32-et S2-. Le cas illustr par le diagramme est celui d'une solution riche en CO32-et pauvre en S2-. Dans le cas inverse, le champ de stabilit de la pyrite s'tend pour occuper la presque totalit de la partie infrieure du diagramme.Lorsque la fois CO32-et S2-sont en faible concentration, c'est le champ de la magntite qui s'accrot. B et C: champs de stabilit des minraux ferrifres en fonction (B) de l'Eh et de pS2-(-log de l'activit de S2-) et en fonction (C) de l'Eh et de PCO2. D'aprs Garrels & Christ (1967), Krauskopf (1979) et Berner (1971), cits par Tucker (1991).D'un point de vue ptrographique, l'hmatite(rouge vif en rflexion) se prsente surtout en oodes et imprgnations secondaires de fossiles, sauf dans les BIF's o elle peut former des lamines ou des niveaux massifs. Lagoethite(couleur jaune bruntre) forme en gnral des oodes. Lalimonite, un mlange de goethite, d'argiles et d'eau, est un produit de l'altration subarienne des oxydes de fer.

Lasidriteremplace gnralement des oodes et des bioclastes et peut former des ciments. On observe soit des cristaux de grande taille clivage rhombodrique (comme la calcite), soit des micro-rhombodres de taille micronique, soit encore des fibres regroupes en sphrulites.

Lapyriteest facilement reconnaissable par ses cristaux cubiques et sa couleur jaune vif en rflexion; elle peut former des agrgats de microcristaux appels "frambodes". Lamarcassiten'est frquente qu'en nodules dans les craies et les charbons.

Lessilicates de fer: les plus importants sont la berthierine-chamosite, la greenalite et la glauconite. Laberthierineest un phyllosilicate du groupe des serpentines (espacement rticulaire de 7 ), riche en fer, tandis que lachamositeest une chlorite (espacement rticulaire de 14 ), avec Fe++comme cation principal dans les sites octahdriques. La berthierine est un minral primaire qui se transforme en chamosite partir de 120-160C. Donc, si les sdiments ferrifres les moins anciens contiennent souvent de la berthierine, partir du Palozoque, on ne trouve plus que la chamosite. Berthierine et chamosite (toutes deux vertes et faible birfringence) forment souvent des oodes dans les sdiments ferrifres phanrozoques. Contrairement aux oodes aragonitiques, ces corpuscules paraissent tre demeurs mous au cours de la diagense prcoce. On observe en fait frquemment des oodes fortement dforms, voire mme des fragments d'oodes dforms formant le nucleus d'autres oodes. Les conditions de formation de ces oodes sont mal connues, mais on pense que la berthierine prcipite directement dans le sdiment en milieu anoxique pauvre en soufre.

Lagreenaliteest un minral probablement trs proche de la berthierine-chamosite, verte et isotrope. On la trouve gnralement en plodes, mais on ne sait pas s'il s'agit d'un minral primaire.

Laglauconiteest un alumino-silicate de fer et potassium avec un rapport Fe+++/Fe++lev. Certaines glauconites (dites ordonnes) sont des phyllosilicates de type illites, mais la plupart forment des interstratifis avec la smectite. La glauconite est gnralement observe sous la forme de plodes, de couleur verte, souvent plochroque et d'aspect microcristallin. La glauconite est frquente dans les sables et grs et elle se forme actuellement sur beaucoup de plates-formes continentales, des profondeurs de quelques dizaines quelques centaines de mtres, dans des zones sdimentation ralentie (au point de vue squentiel, elle souligne souvent les "surfaces d'inondation maximales"). Comme pour les autres silicates de fer, il s'agirait d'un milieu anoxique pauvre en soufre.

"Calcarnite" grains de glauconie (Cnomanien, Bettrechies).A: lumire naturelle; B: nicols croiss: remarquer l'aspect polycristallin des grains.3. FORMATIONS FERRIFERES PRECAMBRIENNESCes formations, de grande importance conomique, se retrouvent sur les boucliers anciens de la plupart des continents. D'aprs des tudes effectues au Canada, deux types de gisements peuvent tre distingus:

- un type lenticulaire, d'extension gographique relativement faible et associ des roches volcaniques et des graywackes, d'ge 2500 3000 Ma;

- un type de grande extension rgionale, dpos en contexte de plate-forme stable, d'ge 1900 2500 Ma.

Sur la base des minraux ferrifres prsents, il est possible de distinguer quatre facis: (1)oxyd(hmatite-magntite), (2)silicat(greenalite), (3)carbonat(sidrite) et (4)sulfur(pyrite). Les minraux primaires seraient respectivement un compos amorphe de type Fe(OH)3, la berthierine, la sidrite et la pyrite en fonction des conditions gochimiques. On peut d'ailleurs observer, suivant l'augmentation de la palobathymtrie, une zonation oxyde et silicate-carbonate-sulfure. Un des facis les plus spectaculaires consiste en laminations millimtriques centimtriques d'hmatite alternant avec du chert. Certaines de ces laminations ont une extension de 30.000 km2.

Le gros problme de ces BIF's concerne le transport et l'origine du fer. On suppose que l'atmosphre prcambrienne tait pauvre en oxygne et plus riche en dioxyde de carbone. La plus grande richesse en CO2aurait diminu le pH des eaux de surface, avec comme consquence une altration continentale plus efficace. Le dpt des lamines ferrifres pourrait tre la consquence d'upwellings, amenant des eaux anoxiques riches en fer sur la plate-forme plus oxygne, de prcipitation microbienne ou encore, de phnomnes saisonniers de mlange d'eaux (turnover) dans un ocan ordinairement stratifi. Les lamines de chert pourraient quant elles rsulter de prolifrations priodiques d'organismes siliceux (blooms).

Hmatite et chert dans un BIF.Belo Horizonte, Brsil.4. FORMATIONS FERRIFERES PHANEROZOQUESLes plus importantes de ces formations sont lesoolithes ferrifres, constitues d'hmatite-chamosite dans le Palozoque et de goethite-berthierine dans le Msozoque. On en recense deux pisodes majeurs, durant l'Ordovicien et le Jurassique. Il s'agit de priodes caractrises toutes deux par un haut niveau marin, de larges zones pnplanes et un climat chaud et humide, responsable d'une importante altration chimique continentale.

Un exemple fameux et proche de nous de ces oolithes ferrifres est la Minette de Lorraine et du Luxembourg. D'geaalnien, sa puissance varie de 15 65 m et on y observe plusieurs squences.

En Belgique, la minralisation est nettement moins dveloppe. A Halanzy, l'Aalnien a 4,8 m de puissance et 4,5 m dans la rgion de Musson-Grand Bois. On y constate l'existence de deux couches de minerai sous lesquelles apparat une troisime lentille vers le milieu de la concession de Musson. En limite des concessions de Musson et Halanzy, la couche suprieure a 2,15 m de puissance, la moyenne 1,35 m, spare par 0,4 m de marne ferrugineuse. Le minerai est constitu par des oolithes ferrugineuses rougetres brun rouge, avec grains de quartz mousss. Le tout est dans un ciment argileux ou limoniteux, voire calcaire. Parfois, on trouve des dbris coquilliers en calcite. On aurait observ en outre la prsence de glauconie au toit de la couche suprieure dans le centre des oolithes. Les striles diffrent seulement par la raret ou l'absence d'oolithes ferrugineuses.Modle gntique de la Minette: "Le territoire o se situe le gisement lorrain reprsentait la fin du Toarcien la bordure littorale d'une mer couvrant le bassin de Paris. Du NE, par la dpression eifelienne, arrivaient un ou plusieurs fleuves importants. Le bassin ferrifre se situait l'emplacement de leur embouchure. On peut reprsenter (...) le paysage comme une aire trs plate soumise l'influence des mares. Les eaux fluviatiles se frayent un chemin vers la mer (...) Dans ces chenaux s'opre, au rythme des mares, la rencontre des eaux marines et fluviales. Les courants ne sont intenses qu'en certains endroits entre lesquels apparaissent des bancs de sable stratification oblique (...) En dehors des chenaux, sur les aires plates, les sdiments sont soumis un mouvement de va et vient, avec exondation temporaire: c'est la slikke vaseuse. Le courant marin sur le flanc de la lentille, o son action est dominante, apporte des sdiments marins et en particulier des dbris de coquille et des grains de quartz. Les courants fluviatiles apportent le fer qui prcipite dans cette zone en oolithes ferrugineuses. La phase qui prcipite a donc une origine continentale (hydroxyde de fer). Les processus diagntiques transforment la limonite en hmatite, sidrose puis magntite, lorsque la limonite est en excs; en chlorite et sidrose dans un sdiment fin et argileux (Waterlot et al., 1973). Signalons que d'aprs Teyssen (1984), la minette s'est forme en environnement subtidal, sous la forme de rides sableuses montrant une squence de type coarsening upward (boue-facis de transition-minette-facis coquillier). Ces squences sont galement caractrises par une augmentation du contenu bioclastique et par une diminution de la bioturbation.

Accessoirement, dans les formations ferrifres phanrozoques, il faut encore citer les argilites et shales riches en sidrite, correspondant vraisemblablement des environnements lagunaires, estuariens, voire deltaques. La sidrite peut s'y manifester en cristaux disperss, en nodules ou en bancs plus ou moins continus.

Ooides goethitiques, Aalnien, Luxembourg.

"Minette aalnienne", Differdange, Luxembourg.A: vue gnrale des couches de minerais, B dtail des bancs affects par des figures de charge.5. FORMATIONSFERRIFERESACTUELLES5.1.Fer des maraisLes seuls dpts ferrifres de quelqu'importance (avec les nodules ocaniques) se dvelopper de nos jours sont donc les "bog iron ores". Ces sdiments s'observent dans les lacs et marais des latitudes moyennes leves, comme l'Amrique du Nord, l'Europe et l'Asie.

La nature du minerai est assez variable, variant depuis des oodes et des pisodes jusqu' une forme terreuse. Le minral prdominant semble tre la goethite, suivie par la sidrite. Contrairement la plupart des autres formations ferrifres, le contenu en manganse est assez lev, atteignant frquemment 40%. Le fer des marais se forme lorsque des aquifres acides se dversent dans des lacs et marais relativement mieux oxygns. L'augmentation de Eh et pH qui en rsulte est responsable de la prcipitation du fer ferreux en solution, sous la forme d'hydroxydes de fer.

A: prcipitation d'hydroxydes de fer l'intervention de bactries (filaments) dans un marcage (Islande); B: nodule polymtallique.5.2.Nodules polymtalliquesLesnodules polymtalliques, appels aussinodules de manganses'observent dans diffrents types d'environnements ocaniques profonds, situs souvent quelques centaines de m sous la CCD et caractriss par une vitesse de sdimentation trs faible. Il s'agit de concrtions de 1-10 cm de diamtre, constitues d'oxydes de Fe et Mn, accompagns de Ni, Cu et Co (ces nodules constituent d'ailleurs -hlas- d'importantes rserves de ces mtaux). On constate aussi la prsence d'argile et de tests d'organismes planctoniques. Le nucleus des concrtions est habituellement un fragment d'origine organique (dent de poisson, etc.) Beaucoup de nodules ont leur partie suprieure (au contact des eaux ocaniques) enrichie en Fe et Co et leur partie infrieure (au contact du sdiment), riche en Fe et Mn ce qui suggre des changes chimiques entre les nodules et leur environnement.De plus, la composition des nodules est variable selon leur localisation (les nodules Pacifiques sont plus riches en Mn, Co et Cu, au contraire des nodules Atlantiques qui sont plus riches en Fe).

La vitesse de croissance des nodules polymtalliques est extraordinairement lente, de l'ordre de quelques mm par million d'annes! C'est beaucoup plus lent que la vitesse de sdimentation des sdiments ocaniques sur lesquels on les observe et cela pose videmment le problme de leur prsence en surface. Plusieurs hypothses ont t proposes pour expliquer ce paradoxe: dissolution-reprcipitation l'interface eau-sdiment; rosion des sdiments par des courants de fond; migration des nodules vers la surface par l'effet de la bioturbation.Le mcanisme de formation des nodules lui-mme est encore peu connu: prcipitation sous l'effet de conditions oxydantes (arrive d'eaux oxygnes); activit bactrienne (ce seraient dans ce cas des "oncodes Fe-Mn");recyclage et remonte en surface de solutions formes dans des zones plus rductrices du sdiment. Signalons enfin que beaucoup de nodules montrent des signes de dplacement (orientation prfrentielle, cassures, granoclassement,...)

densitenviron 2

porosit30-50%

concentration (zones d'intrt conomique)7 kg/m2

Mn29,5%Al1,12%

Fe6,34%K0,8%

Si4%Ti0,3%

Na2,92%Co0,25%

Mg2,88%S0,23%

Ca1,44%P0,14%

Ni1,40%Zn0,14%

Cu1,16%Mo0,06%

Tableau VII.1: donnes gnrales concernant les nodules polymtalliques (d'aprs Chamley, 1990).Pour en savoir plusSur l'influence microbienne dans la prcipitation de minraux ferrifres: D. Fortin & S. Langley , 2005. Formation and occurrence of biogenic iron-rich minerals. Earth-Science Reviews, 72, 1-19. F.Boulvain., C.De Ridder., B.Mamet, A.Prat, & D.Gillan, 2001. Iron microbial communities in Belgian Frasnian carbonate mounds. Facies, 44, 47-60.Sur la Minette de Lorraine: T. Teyssen, 1984. Sedimentology of the Minette oolitic ironstones of Luxembourg and Lorraine: a Jurassic subtidal sandwave complex. Sedimentology, 31, 195-211. G. Waterlot, A. Beugnies et J. Bintz, 1973. Ardenne-Luxembourg. Guides gologiques rgionaux, Masson, 206 pp.Sur les oolithes ferrugineuses du Famennien du Massif de la Vesdre: R. Dreesen, 1987. Event-stratigraphy of the Belgian Famennian (Uppermost Devonian, Ardennes shelf). In: A. Vogel, H. Miller, R. Greiling (eds.): The Renish Massif, Vieweg, 22-36.

VIII. Les grands environnements de dpt des carbonates1. INTRODUCTIONComme dans les autres domaines de la sdimentologie, un fondement essentiel de l'interprtation des paloenvironnements carbonats se trouve dans l'tude approfondie des modles actuels. Le but du prsent chapitre est d'introduire brivement les grands environnements de dpt des carbonates. Certains de ces environnements seront traits plus en dtail aux chapitres suivants.

Dans une premire approche d'ensemble, deux grands domaines s'individualisent de part et d'autre du trait morphologique important qu'est le rivage: le domaine continental et le domaine marin.

2.LE DOMAINE CONTINENTALLe domaine continental se caractrise par des dpts souvent trs localiss. Bien que ce domaine ne prsente en gnral que peu de sdiments carbonats, on citera les dpts lacustres, fluviatiles, glaciaires (moraines,...), dsertiques, karstiques, de grottes. Il est en outre soumis l'action des phnomnes mtoriques, ce qui est l'origine d'importantes transformations diagntiques (voir cours de"Diagense et dynamique des bassins sdimentaires").

2.1.Carbonates lacustresLes carbonates lacustres (eaux douces et sales) sont le rsultat de prcipitations inorganiques ou d'accumulations algo-microbiennes ou coquillires.

- Lesprcipitations inorganiquespeuvent tre lies une soustraction de CO2(photosynthse,...), un mcanisme d'vaporation ou encore au mlange d'eaux pH diffrents (lac/rivire, par exemple). L'quation suivante est une notation simplifie de l'quilibre des carbonates:

CaCO3+ H2O + CO2Ca+++ 2 HCO3-Le rapport Mg/Ca dtermine le minral prcipit: Mg/Ca12 aragonite.

- Lescarbonates algo-microbienssont le rsultat de:

la biocorrosion d'un substrat carbonat par des cyanophyces, des chlorophyces, des rhodophyces, voire des champignons ou des lichens, donnant naissance des sdiments carbonats de la taille des silts;

des phnomnes de pigeage de sdiments et de prcipitation par des mousses et des stromatolithes; la formation d'oncodes (cyanophyces et algues vertes non squelettiques) avec incorporation de coquilles et dbris carbonats;

des accumulations d'oogones de charophytes (gyrogonites).

- Lesaccumulations de coquilles(gastropodes, lamellibranches) sont du mme type qu'en milieu marin (mais avec des genres diffrents!!). Elles ne forment jamais qu'une faible proportion des carbonates lacustres.

A: Calcaire de Ventenac (Eocne, Minerve); un niveau de lignite interrompt la sdimentation lacustre. B: oncolithe fluviatile (Eocne, Coustouge).

Stromatolithes lacustres.A: vue gnrale; B: dtail.Lac Thetis, Cervants, Australie.2.2.Tufs et travertinsAu dbouch de certaines sources, ou plus rarement en rivire, se forment des prcipitations de calcite. Ces accumulations peuvent tre constitues de lamines denses et rgulires (travertin) ou de matriau trs poreux et irrgulier (tuf) Un bel exemple de tuf est visible en Lorraine belge: la "Cranire" de Lahage. Il semble admis que les processus de prcipitation inorganiques dominent dans le cas des travertins (perte de CO2) tandis que les tufs se forment par prcipitation de calcite sur des mousses ou des algues.

Cranire de Lahage; A: vue gnrale du dpt; B: production actuelle de travertin.2.3.GrottesLes concrtions aragonitiques de grottes (speleothems) peuvent tre identifies, mme aprs leur transformation en calcite, par leur morphologie (planchers, stalactites, stalagmites, pisodes) et par l'alternance de lamines de fibres peu allonges et de fibres trs allonges, atteignant plusieurs centimtres.

2.4.Caliches, calcretesvoir galement le cours de "processus sdimentaires".

On appellecalicheoucalcreteun palosol en environnement carbonat. L'identification des palosols est importante dans l'analyse des bassins sdimentaires: leur prsence tmoigne en effet d'une mersion de longue dure. Une srie de critres permet leur mise en vidence. Il faut garder cependant l'esprit qu'en gnral, la prsence d'un seul de ces critres n'est pas une preuve dfinitive d'mersion ou de pdogense. N'oublions pas aussi que les tmoins d'mersion sont rarement conservs dans l'enregistrement sdimentaire: ils sont souvent remanis par la transgression marine qui suit l'pisode continental.

Les critres dmersion tirs de la littrature ont t classs en cinq catgories: les critres sdimentologiques, pdogntiques, palontologiques, diagntiques et gochimiques. Certains critres sont observables macroscopiquement (M) et dautres microscopiquement (m).

2.4.1. Critres sdimentologiques d'mersion Discontinuit angulaire et/ou rosion;

changements brutaux de facis (M et m);

prsence de chenaux et/ou de remaniements (M);

facis continentaux (palustres, lacustres, fluviatiles,) (M et m);

prsence dvaporites ou de pseudomorphoses d'vaporites (M et m);

prsence dans la roche sus-jacente dintraclastes perfors et/ou minraliss, ainsi que de bioclastes remanis;

horizons bauxitiques;

surface karstique.

2.4.2. Critres pdogntiques Brchification (M); les niveaux brchiques sont une caractristique importante des palosols et sont lis des alternances de priodes sches et humides;

horizons carbonats massifs ou horizons carbonats laminaires (M);

marbrures et nodules (M);

enduits minraliss et cailloux noirs (M);

fissures de dessiccation (M);

traces de racines (M et m);

prsence deMicrocodium(m);

"circumgranular cracks" et "syneresis cracks" (m); les fractures courbes autour de certains clastes tmoignent dune prcipitation carbonate en milieu aquatique, suivie d'une phase de dessiccation qui engendre les structures courbes autour des clastes, suivie nouveau d'une immersion avec prcipitation de ciment;

microsparitisation (m);

calcite en micro-fibres (m);

structures alvolaires (m);

traces d'illuviation (migration et concentration des argiles vers les horizons infrieurs); la prsence de "coules" argileuses, caractristiques du phnomne d'illuviation, est propre aux palosols (M et m);

concentrations locales de pellodes (glaebules) (m); leur prsence rsulterait de la fragmentation de la micrite par dessiccation;

minralisations diverses: principalement pyrite et hmatite (M et m);

pisolites (m);

cimentation vadose(m).

2.4.3. Critres palontologiques Prsence de charophytes et dostracodes deau douce (m) indiquant le dveloppement de lacs sur la plate-forme de faible profondeur deau, partiellement merge;

analyse micropalontologique fine qui indiquerait une lacune sdimentaire (m).

2.4.4. Critres diagntiques Diffrence de compaction des roches sous- et sus-jacentes;

cimentation vadose(m);

prsence dargile verte dans la roche sous-jacente, essentiellement de lillite, qui serait lie la transformation dun matriel pdognique.

2.4.5. Critres gochimiques 18O:les rapports isotopiquesde loxygne de leau varient selon le climat et le taux dvaporation. Une vaporation importante conduit des rapports isotopiques plus levs au sein des zones o cette vaporation est active (sebkhas, marais salants, .). Par contre, les eaux mtoriques rsultant de cette vaporation montreront des valeurs plus faibles;

13C: les rapports isotopiques du carbone sont essentiellement en relation avec les processus organiques, dont la photosynthse. Ainsi, le carbone organique montre des rapports isotopiques faibles et les carbonates marins des valeurs plus leves. Des rapports isotopiques trs bas peuvent tre produits par un processus de fermentation conduisant la formation de mthane. Le lessivage de sols conduit galement des rapports isotopiques faibles;

variations desusceptibilit magntique; une mersion peu conduire un remaniement des sdiments et la remobilisation de toute une srie de minraux magntiques, qui produiront un signal de susceptibilit plus lev. De plus, les transformations pdogntiques peuvent conduire la formation de minraux tels que la magntite, lhmatite et la pyrite qui augmenteront galement le signal magntique.

3.LE DOMAINE MARINOn y distingue essentiellement un milieu deplate-formeet un milieu debassinspars par untalusinclin. La diffrenciation de ces environnements est morphologique, mais en gros, d'un point de vue bathymtrique, on peut dire que la profondeur varie de 0 environ 200 m sur la plate-forme; le bassin tant caractris par des profondeurs beaucoup plus importantes.

La morphologie des plates-formes est sujette variation, de mme que la nature et la gomtrie des corps sdimentaires qui s'y dposent. Une nette distinction sdimentologique peut tre effectue entre plates-formes carbonates tropicales et plates-formes carbonates tempres. Lees & Buller (1972) opposent un modle CHLOROZOAN un modle FORAMOL (Fig.VIII.1).

3.1. Plates-formes carbonates tempresCes dernires sont moins connues que leurs homologues tropicales. Certaines de ces plates-formes (sud de l'Australie, ouest de l'Irlande) couvrent pourtant des milliers de km2de fonds marins. Mme si certains organismes constructeurs sont prsents (vers, algues rouges, bryozoaires), ils ne forment pas de rcifs aussi spectaculaires que les rcifs tropicaux. La sdimentologie de ces plates-formes tempres, en l'absence de vastes structures rcifales, s'apparente au fonctionnement des systmes dtritiques avec une rpartition simple des sdiments en fonction de l'nergie du milieu.Ces sdiments carbonats temprs passent d'ailleurs souvent en transition graduelle aux sdiments mixtes et aux sdiments dtritiques.

D'aprs Lees & Buller (1972), les principaux groupes d'organismes reprsents dans les sdiments carbonats temprs sont: les mollusques, les foraminifres benthiques, les chinodermes, les bryozoaires, les barnacles, les ostracodes, les spicules (calcaires) d'ponges, les tubes de vers et les coraux ahermatypiques pour les animaux, les algues rouges (Lithothamnium) pour les plantes. Les foraminifres et les mollusques tant gnralement dominants, cette association est appele "foramol". En eau tropicale, cette association s'enrichit notablement en coraux et/ou algues vertes calcaires (ex:Halimeda), tandis que la contribution des bryozoaires et barnacles diminue considrablement: on a ainsi l'association "chlorozoan" (chlorophytes + zoanthaires).

A: concrtions calcaires dues des Lithothamnium dans une mare ctire (Ile Grande, Bretagne). B: Halimeda (Po, Lagon de Bourail, Nouvelle-Caldonie).En ce qui concerne les grains non squelettiques (pelodes, oodes, agrgats,...), ils semblent tre largement lis l'association chlorozoan, sauf peut-tre pour les plodes qui peuvent dborder sur l'association foramol. La boue calcaire ou micrite est constitue d'aragonite et de calcite magnsienne dans le domaine tropical, tandis qu'en domaine tempr, l'aragonite devient beaucoup plus rare. La cimentation est faible en milieu tempr.

Signalons que dans l'ocan actuel, le carbonate de prcipitation chimique est l'aragonite (Fig. VIII.1) (suite un rapport Mg/Ca lv, cf. "Diagense & dynamique des bassins").Ceci ne veut videmment pas dire que toute boue calcaire d'origine marine est aragonitique puisque la dgradation des tests des organismes fournit une part importante des sdiments fins et que ces tests peuvent tre calcitiques. Le Tableau VIII.1 donne la composition des test des principaux organismes calcaires.

Figure VIII.1: variation du type de carbonate "chimique" prcipit dans l'ocan au cours du temps.TAXONAragoniteCalcite (mol% MgCO3)Aragonite et calcite

ALGUESCALCAIRES

rouges10-20

vertesoui

coccolithes5

FORAMINIFERES

benthiquesrare5-15

planctoniques5-17

EPONGESrare10-20

STROMATOPORESoui5?

COELENTERES

rugueux5

tabuls5

sclractiniairesoui

alcyonairesrare10-20

BRYOZOAIRESrare5-17rare

BRACHIOPODES5-10

MOLLUSQUES

chitonsoui

lamellibranchesoui5-10oui

gastropodesoui5-10oui

ptropodesoui

cphalopodesoui

blemnites5

ANNELIDESoui5-17oui

ARTHROPODES

dcapodes7-12

ostracodes5-10

barnacles5-10

trilobites5

ECHINODERMES7-17

Tableau VIII.1: types de carbonates prcipits par les principaux groupes d'organismes. D'aprs Scholle (1978), modifi.Concernant la rpartition des deux associations, il semble que chlorozoan soit limite aux latitudes infrieures 30 (Fig.VIII.2), tandis que foramol puisse s'tendre entre 60 et l'quateur. Une tude plus fine des facteurs limitant chlorozoan montre que c'est en conjuguant une temprature ocanique minimale suprieure 14-15C et une temprature moyenne annuelle suprieure 23C que l'on cerne le mieux l'aire de rpartition. Il ne faut pas oublier videmment que sous la zone photique, l'association chlorozoan disparat.

FigureVIII.2: rpartition des assemblages "foramol" et "chlorozoan" dans l'ocan mondial et comparaison avec la rpartition de grains caractristiques.3.2.Plates-formes carbonates tropicales3.2.1.Les facteurs du milieuL'action diffrentielle de certains facteurs de l'environnement sur les plates-formes carbonates permet de dfinir un certain nombre de sous-environnements (Fig. VIII.5). Ces facteurs particuliers sont lamorphologie,l'hydrodynamisme, lechimisme(salinit, oxygnation) et la pntration de lalumire. Les multiples possibilits de variation de ces facteurs expliquent la diversit des plates-formes carbonates. Il ne faut donc pas raisonner partir d'un modle fig.

- Lamorphologie de la plate-forme: elle est contrle essentiellement par l'existence, l'absence ou la localisation variable d'une barrire ou d'un haut-fond plus ou moins continu (Fig. VIII.3). Cette barrire revt une gomtrie et une nature variable et complexe. L'existence d'un relief a une influence directe sur le niveau d'nergie, le chimisme des eaux (salinit, oxygnation) et l'activit biologique: il entrane la distinction entre un milieu de plate-forme interne et un milieu de plate-forme externe ou de bassin. En l'absence de rupture de pente nette, la profondeur augmente de faon progressive depuis le littoral jusqu'au bassin: on parle alors de rampe.

Figure VIII.3: morphologie des rampes et plates-formes carbonates.

Vue d'avion d'une barrire rcifale, Tontouta, Nouvelle-Caldonie.Il est noter que le vocabulaire anglais est plus prcis: les "carbonate platforms" regroupent la fois les "ramps" (sans rupture de pente) et les "shelves" (avec rupture de pente). En franais, nous ne disposons que du terme plate-forme que l'on doit donc opposer rampe. On peut ventuellement regrouper rampe et plate-forme s.s. au sein des "plates-formes s.l."...

PLATE-FORME AVEC BARRIERERAMPE

rupture de pentepas de rupture de pente

prsence d'une barrire continuepas de barrire continue

nergie forte prs de la barrire, diminue vers le rivagenergie forte prs du rivage, formation de bancs ("shoals")

barrire=surtout framestonesbioconstructions=surtout bafflestones, bindstones

turbidites, blocs exotiques provenant de la barrirepeu de turbidites, pas d'olistolithes, tempestites

sdiments lagunaires cycliques de grande extension gographiquesdiments restreints peu tendus, non cycliques.

Tableau VIII.2: lments diagnostiques permettant de distinguer entre rampe et plate-forme s.s.- Lesfacteurs dynamiques: ils comprennent vents, courants de vagues et de mares. Leur rsultat est surtout un tri granulomtrique comme dans les systmes dtritiques. La granulomtrie des sdiments et certains types de figures sdimentaires donnent donc des informations importantes quant au niveau d'nergie du milieu, souvent en relation avec la profondeur et le degr de protection.

- Lechimisme des eaux: la sursalure, le manque d'oxygnation des eaux entranent de profondes modifications dans le contenu faunistique, ce qui peut conduire distinguer:

un milieu ouvert: la circulation des eaux marines n'est pas entrave;

un milieu restreint: la circulation des eaux marines est entrave (par exemple par une barrire rcifale) et en consquence leur qualit subit des modifications plus ou moins importantes.

Ces distinctions peuvent mme exister en l'absence d'une barrire, par exemple dans le cas d'une plate-forme trs tendue et peu profonde!

- Lecontenu en nutriments des eauxest aussi un paramtre trs important. Ce paramtre permet de distinguer des environnements oligotrophique, msotrophique, eutrophique et hypertrophique (Fig.VIII.4). En milieu oligotrophique, relativement pauvre en nutriments, les processus de recyclage de la nourriture sont essentiels et les organismes capables d'utiliser plusieurs sources d'nergie sont favoris (exemple: lescoraux hermatypiquesqui outre leur caractre htrotrophe, profitent de la photosynthse de leurs algues symbiotiques); le facteur limitant dans ce type d'environnement est l'apport de nutriments. En milieu msotrophique, l'apport de nutriments est plus important et d'autres organismes interviennent: algues, faune benthique plus riche; le facteur limitant est la comptition pour l'espace disponible.En milieu eutrophique, l'apport en nutriment est suffisant pour que se dveloppe largement le phytoplancton; le facteur limitant est la lumire et la profondeur de la zone photique et enfin, en milieu hypertrophique, le dveloppement de phytoplancton et l'accumulation de la matire organique sont tels que la dgradation de cette matire consomme une bonne part de l'oxygne du sdiment, limitant la vie benthique; dans ce dernier cas, le facteur important est la teneur rsiduelle en oxygne.

FigureVIII.4: communauts organiques et nutriments dans les eaux tropicales.- L'influence de la lumire: la pntration de la lumire permet galement de distinguer deux domaines entre lesquels les conditions biologiques varieront considrablement: un domaine photique et un domaine aphotique. L'absorption de la lumire par l'eau est slective: les infrarouges sont absorbs dans le premier mtre, tandis que les longueurs d'ondes plus courtes (bleu) pntrent relativement profondment dans l'ocan (plus de 100m). Les diffrents organismes n'utilisant pas les mmes longueurs d'onde en fonction de leur pigment (algues rouges et algues vertes, par exemple), l'tendue de la zone photique est variable suivant les communauts considres.

Il est vident que certains facteurs ne sont pas indpendants les uns des autres et que l'dification d'un accident topographique continu (barrire, banc, rcif, seuil) aura une incidence sur le chimisme des eaux et sur leur dynamique. Ds ce moment, la plate-forme interne sera circulation restreinte. Si la barrire est de nature algaire (algues vertes, cyanobactries) ou rcifale (coraux, algues rouges), elle ne pourra s'tablir que dans le domaine photique. Mme si les eaux sont peu turbides et claires, les profondeurs d'implantation n'excderont pas quelques dizaines de mtres.

3.2.2. Les grands environnements de dptL'action des facteurs du milieu est l'origine de la diffrentiation des environnements au sein des plates-formes. Pour les mers o la mare est sensible, on distingue sur la plate-forme interne (Fig.VIII.5):

unmilieu supratidal: il est trs pisodiquement envahi par les hautes mares de vives eaux ou les ouragans. Les dpts que l'on y trouve sont plus ou moins dvelopps en fonction du profil de la cte. Diffrents types de milieux particuliers s'inscrivent dans ce domaine, tels que: sebkha, marais ctiers,.... Leur nature est fortement influence par le climat (par exemple: climat aride=possibilit de sabkha, climat humide=marais). En zone tropicale, le dveloppement important de la vgtation gnre de grandes quantits de matire organique incorpore au sdiment. La prsence la fois d'eaux douces et sales en font un milieu particulirement favorable ladiagense prcoce;

A: sebkha en milieu supratidal sous climat aride (El Melah, Tunisie); les bords rebrousss des polygones mtriques sont dus la croissance d'vaporites dans le sdiment; B: mangrove paltuviers en milieu intertidal sous climat tropical; observer les pneumatophores (flche), permettant aux racines de respirer (Carnarvon, Australie). unmilieu intertidal: correspondant la zone de balancement des mares. Les priodes d'exondation et d'ennoyage se marquent par des dpts et des facis typiques (birdseyes, etc.), parfois rythmiques. L'nergie des dpts y est souvent leve; toutefois, suivant l'ampleur des mares, la direction des vents et des courants, la prsence ou non d'une barrire, les sdiments seront grossiers ou fins. C'est un milieu o la vie est gnralement abondante, mais o les conditions cologiques sont extrmement difficiles du fait des alternances entre mersion et immersion, des variations de temprature, d'insolation, de salinit, de pH, de chimisme des eaux. Seuls des organismes spcialement adapts peuvent y survivre. L'influence du climat est toujours importante, par exemple en ce qui concerne le dveloppement des tapis algo-microbiens, localiss dans l'intertidal en climat aride, dans le supratidal en climat plus humide (voir chapitre XII). C'est dans ce milieu intertidal que l'on rencontre les plages, chenaux de mare, leves, mangroves, etc. C'est aussi avec le milieu supratidal un environnement privilgi de la diagense prcoce. Une des formations les plus remarquables de la zone intertidale est le "beach-rock" ou "grs de plage" qui rsulte de l'induration rapide des sdiments par prcipitation de ciment carbonat entre les grains;

A: Beach-rock le long de la plage de Coral Bay.B: dtail d'un beach-rock montrant l'incorporation de coquilles et de fragments de grs (flche), Australie. unmilieu subtidal: dans ce milieu, l'nergie est variable en fonction de la profondeur. La diversit des facis, lie au gradient hydrodynamique, reste importante. La faune et la flore y sont plus ou moins varies en fonction du degr de restriction. Des organismes comme les ponges et les chinodermes deviennent plus abondants. On observe galement l'apparition de quelques formes plagiques. Au point de vue chimique, aux facis carbonats et vaporitiques peuvent s'ajouter des facis enrichis en silice, phosphates, oxydes de fer,...

La barrire isole ensuite la plate-forme interne de la plate-forme externe o l'environnement est beaucoup plus stable et homogne, en liaison avec le milieu ocanique.Les organismes plagiques deviennent prpondrants et les sdiments sont gnralement fins, situs sous la zone d'action des vagues. La teneur des eaux en nutriments contrle la productivit organique.

FigureVIII.5: rpartition des environnements sur une plate-forme avec barrire.

3.2.3. Critres de caractrisation des milieux de dpt-Critres lis aux facteurs biologiques: le type de communaut organique renseigne sur la bathymtrie par la prsence ou l'absence d'organismes photosynthtiques , sur l'agitation du milieu (formes robustes ou dlicates), sur la temprature (foramol-chlorozoan), sur le degr de restriction (une faune abondante et peu diversifie indique en gnral des eaux salinit anormale) et sur la teneur des eaux en nutriments (Fig. VIII.4).

Sur cette plage, le seul animal prsent est le lamellibranche Fragum erugatum. Il s'agit donc d'une faune abondante mais faible diversit, due une salinit leve. Baie des Requins, Australie.Dans le cas d'un profil complexe, barrire, les critres biologiques peuvent contribuer distinguer les zones internes par rapport au reste du profil. Le rle d'cran jou par la barrire (organismes coloniaux constructeurs) permet gnralement de diffrencier le milieu subtidal interne (organismes spcialiss) du milieu marin ouvert qui est le domaine de vie des organismes plagiques. L'utilisation (rflchie) de modles de rpartition de la faune et de la flore trouve ici sa pleine justification (voir exemples).

Si le profil est plus simple (sans barrire), la distinction entre plate-forme interne et externe est parfois difficile. Le passage peut tre graduel et correspondre une limite d'nergie entre un milieu peu profond et un milieu plus profond. La distinction entre ces milieux diffrents est alors base sur la frquence et l'oligospcificit d'organismes benthiques, plus forte en plate-forme interne et sur la frquence des algues, galement plus grande en plate-forme interne.

-Critres lis aux facteurs physiques(dynamisme des eaux): le niveau d'nergie est estim en gnral en fonction de la taille, de la densit et de l'angularit des grains d'une part et de la prsence ou non d'un matriau fin d'autre part (absence ou prsence de boue primaire). Cependant, la diffrence des sries dtritiques, l'origine in situ des carbonates joue videmment un rle important et ne permet pas d'tablir un rapport direct entre le niveau d'nergie et le facis. Les variations du niveau d'nergie seront donc dfinies par estimation de la proportion relative du matriau fin et des grains, en relation avec leurs caractristiques morphologiques initiales. Il faut toujours se rappeler que les lments pris en considration doivent tre critiqus en fonction d'autres facteurs possibles: taille des bioclastes et angularit fonction de leur origine, micrite d'origine secondaire, par microsparitisation d'un grainstone par exemple. Ceci permet en gnral de dterminer si les sdiments tudis se sont dposs en eau calme ou agite, sans indication d'environnement particulier. Dans le cas d'un profil de plate-forme complexe, le gradient des niveaux d'nergie est discontinu: la plate-forme externe et la barrire prsentent des niveaux d'nergie forts, comparables ceux de l'intertidal, alors que ceux de la plate-forme interne sont faibles. Un niveau d'nergie faible peut tre significatif d'un dpt en eau profonde, sous la zone d'action des vagues ou bien, au contraire, caractriser un dpt en eau trs peu profonde dans un domaine protg par la prsence d'une barrire.

3.3.Le talusL'tude dtaille destalusest loin d'tre acheve. Outre les plonges profondes, ce domaine exige l'emploi de mthodes sismiques lourdes.

Le talus possde une pente moyenne de 0,7 1,3 m par km et s'tage d'environ 130 m environ 2000 m, c'est--dire sous la zone photique et sous la zone d'action des vagues. Une sdimentation dclive complexe caractrise les talus: cascade de sdiments, mise en place de turbidites par glissements lis la gravit, des cisaillements mcaniques ou des contraintes tectoniques, sismes, chute de blocs, olistholithes,... (Fig.VIII.6). Le talus est de ce fait essentiellement une zone de transit des sdiments. A la base des talus, les dpts sont tals sous la forme de lobes profonds, coincs contre la base du talus et s'pandant vers les fonds ocaniques (cf.sdiments dtritiques). Leur superficie est parfois considrable, avec chenaux d'pandages, interfluves, ravinements intraformationnels et slumps.

Figure VIII.6: diffrents types de transfert de sdiment sur le talus en fonction d'une vitesse croissante des courants ocaniques: droite, cascade de sdiments; au centre, formation de canyons et coulements gravitaires chenaliss; gauche: vannage des sdiments et accumulation de blocs. D'aprs T.Mulder et le membres de la mission ocanographique CARAMBAR (2010).3.4.Le bassinLa temprature des eaux y est pratiquement constante et comprise entre -1 et 4C. Au point de vue biologique, on y observe une dominance des organismes plagiques. Le benthos est rduit, sauf pour certaines communauts spcialises: certains types de crinodes, rcifs profonds Lophelia(ch. XI). On note l'absence totale d'algues, naturellement.

Par rapport aux eaux baignant les plates-formes, en gnral bien oxygnes par l'agitation due aux vagues et la production photosynthtique d'oxygne, les eaux plus profondes peuvent prsenter des phnomnes de sous-oxygnation.Un lment important est la prsence de la zone d'oxygne minimale (ZOM), rsultant de la consommation d'oxygne par la respiration des organismes et surtout par la dcomposition de la matire organique.Cette ZOM se dveloppe dans l'ocan actuel entre -500 et -1200 m environ. Les fonds baigns par des eaux sous-oxygnes se caractrisent par des sdiments anoxiques (sombres etnon bioturbs). Rappelons qu'au contraire, la prsence d'eaux arctiques ou antarctiques de fond, froides, denses et sales, contribue l'oxygnation des fonds ocaniques.

En ce qui concerne l'quilibre des carbonates, le degr de saturation de la calcite est inversement proportionnel la profondeur, quel que soit le type d'ocan concern. L'augmentation de la pression et l'abaissement de la temprature augmentent le taux de solubilit du CaCO3, d'o une tendance la dcalcification gnrale des sdiments partir d'une profondeur critique appelelysocline(on note une trs brusque diminution du CaCO3vers -4000 -5000 m). Dans les sdiments, la lysocline peut tre dfinie par le passage d'un facis organismes carbonats bien prservs un facis organismes partiellement dissous (Fig.VIII.7). Inversement, le contenu en SiO2et phosphates augmente progressivement avec la profondeur. Des concentrations en Fe et Mn, sous l'influence de mcanismes bactriens, sont galement possibles.

Il faut remarquer que la dissolution des tests carbonats est slective et dpend de paramtres comme la minralogie (par rsistance croissante: aragonite-calcite Mg-calcite), la taille, la prsence ventuelle d'enduits organiques, la prsence de courants de fond froids qui favorisent la dissolution. Cette particularit permet de subdiviser la lysocline en plusieurs zones caractrises par la nature des tests prservs (exemple: de bas en haut: lysocline des coccolites, lysocline des foraminifres).

En consquence, les sdiments ocaniques profonds ne peuvent tre constitus de boues carbonates qu'au-dessus de la lysocline. Il s'agit alors essentiellement de dbris d'organismes planctoniques: coccolithes, foraminifres (globigrines), ptropodes. Au-dessous ou des latitudes non favorables, s'observent des boues radiolaires et diatomes (euplagique) et des boues terrignes (hmiplagique) auxquelles s'ajoutent des turbidites (Fig.V.1). Il semble qu'un autre facteur important de la formation de carbonates profonds soit la prcipitation de ciments (calcite Mg et surtout calcite) dans des zones sdimentation trs ralentie.

FigureVIII.7: profondeur de la CCD dans l'ocan mondial et relation entre lysocline et CCD.Pour en savoir plus J.J. Fornos & W.M. Ahr, 1997. Temperate carbonates on a modern, low-energy, isolated ramp: the Balearic platform, Spain. J. of Sedimentary Research, 67, 364-373. A. Lees & A.T. Buller, 1972. Modern temperate-water and warm-water shelf carbonate sediments contrasted. Marine Geology, 13, M67-73. M.Mutti & P. Hallock, 2003.Carbonate systems along nutrient and temperature gradients: some sedimentological and geochemical constraints. Int.J. Earth Sci., 92, 465-475. B.H. Purser, 1980. Sdimentation et diagense des carbonates nritiques rcents. Tome 1: les lments de la sdimentation et de la diagense. Ed. Technip, 367 pp. B.H. Purser, 1983. Sdimentation et diagense des carbonates nritiques rcents. Tome 2: Les domaines de sdimentation carbonate nritique rcents; application l'interprtation des calcaires anciens. Ed. Technip, 389 pp. A.N. Strahler & A.H. Strahler, 1983. Modern physical geography. John Wiley & Sons, 532 pp. J.L. Wray, 1979. Paleoenvironmental reconstructions using benthic calcareous algae. Bull. Cent. Rech. Explor. Prod. Elf-Aquitaine, 3 (2), 873-879. http://www.ig.uit.no/~bjarne/Rafaelsen&Nielsen_2005_ver_1_01.html

IX. Description et interprtation des roches et paloenvironnements carbonats1.GENERALITESLes roches carbonates regroupent descalcaires francs, descalcaires dolomitiqueset desdolomies, voire des roches franchement magnsiennes. Lorsque l'on dispose d'analyses chimiques, on peut distinguer plusieurs termes en fonction du rapport Ca/Mg (Fig. IX.1A). Sur le terrain, on se contentera de distinguer la dolomie du calcaire en se basant sur la raction l'HCl 10% : le calcaire ragit franchement, alors que la dolomie ne ragit qu' chaud (mettre un petit peu de roche dans une cuillre et chauffer au briquet !).

Figure IX.1 : A : classification des roches carbonates en fonction du rapport Ca/Mg. B : classification des roches carbonates en fonction de la teneur en argile.Les roches carbonates peuvent aussi contenir de l'argile et constituer descalcaires marneux,marnes calcaires,marnes(Fig. IX.1B). En gnral, un calcaire pur est relativement cassant, alors qu'une marne est plus friable. L'introduction d'argile dans le calcaire facilite aussi l'apparition de la schistosit et la formation de nodules diagntiques.

Certains calcaires peuvent tre durs, d'autres plus tendres, comme les craies. Ces diffrences sont dues au degr de consolidation acquis lors de la diagense.

Pour aller plus avant dans la description et la classification des calcaires, une analyse ptrographique (lame mince) est en gnral ncessaire (voir ci-dessous). On pourra cependant distinguer l'il ou la loupe sur cassure frache des calcaires grenus et des calcaires fins.

2.CLASSIFICATION DES ROCHES CARBONATEESLes roches carbonates peuvent tre classes en fonction de leur composition chimique ou minralogique, de proprits physiques comme leurporositou encore en fonction de leur texture, matrice ou ciment et grains. Actuellement, les classifications les plus utilises font appel des paramtres accessibles sur chantillon ou en lame mince tels que proportionmatrice-ciment-grains.

Un consensus semble s'tre progressivement tabli au sein de la communaut des sdimentologues quant la classification la plus commode: il s'agit de la classification propose par Dunham (1962) et complte par Embry & Klovan (1972) et Tsien (1981). La classification de Folk (1959) possde galement des adeptes.

2.1. Classification deFolk (Fig. IX.2)On considre que les constituants majeurs des calcaires sont:

- les "allochems" (grains, corpuscules, lments figurs):

lesintraclastes: sdiments remanis;

lespellets: grains ovodes de micrite de taille inframillimtrique;

lesoolithes;

lesfossiles, bioclastes et grains squelettiques;

- lamatrice(micrite);

- le ciment (sparite).

Les appelations obtenues par combinaison d'un prfixe (intra-, pel-, oo-, bio-) et d'un suffixe (-micrite ou -sparite) peuvent tre compltes par l'adjonction du terme "rudite" pour les grains dont la taille est suprieure 4 mm (exemple: "biosparrudite" dcrit un calcaire grands bioclastes ou fossiles ciments par de la sparite).

FigureIX.2: classification des roches calcaires selon Folk (1959).2.2. Classification deDunham complte par Embry & Klovan et Tsien (Fig. IX.3)Cette classification est base essentiellement sur la texture de la roche et sur le type de liaison entre les grains. Les diffrents termes de la classification sont ensuite combins avec les noms des types de grains les plus abondants. On a:

- contenant moins de 10% d'lments > 2 mm:

avec matrice micritique:

mudstone: moins de 10% de grains;

wackestone: plus de 10% de grains, mais texture non jointive ("mud-supported");

packstone: texture jointive, c'est--dire empilement des grains en quilibre mcanique ("grain-supported")

avec ciment sparitique:

grainstone: texture jointive;

- contenant plus de 10% d'lments > 2 mm:

boundstones, constructions rcifales, c'est--dire roches dont les lments taient lis d'une manire ou d'une autre ds le dpt:

bafflestone: organismes rigs pigeant le sdiment en suspension par ralentissement de l'coulement du fluide transporteur (exemple: bryozoaires);

coverstone: organismes lamellaires ou tabulaires stabilisant le sdiment par leur simple prsence (exemple: tabuls lamellaires des monticules frasniens);

bindstone: organismes stabilisant le substrat par encrotement (exemple: algues corallines);

framestone: organismes difiant une charpente rigide (exemple: coraux constructeurs actuels);

non construit:

floatstone: texture non jointive;

rudstone: texture jointive.

Figure IX.3: classification des roches calcaires selon Dunham (1962) et Embry & Klovan (1972).3.DESCRIPTION DES PALEOENVIRONNEMENTS CARBONATES:LA NOTION DE FACIESA la base de cette notion coexistent la fois un souci de simplification et de standardisation de la description sdimentologique et une volont de clarifier l'interprtation. Dtaillons ces deux aspects.

- Il est videmment possible, pour dcrire une succession de types de sdiment, de reprendre chaque banc, niveau, etc. une caractrisation dtaille de ce que l'on observe. Si certains de ces types de sdiment sont "raisonnablement" identiques, il est beaucoup moins fastidieux de dfinir une srie de "sdiments-types" (facis) et de reprsenter leur succession en regard de la coupe.

- Dans l'esprit de la plupart des sdimentologues, on trouve l'espoir qu' un type de sdiment corresponde un environnement bien prcis. Des exceptions cette relation s'observent, bien entendu, mais si des types de sdiment analogues existent, ceux-ci, par des tudes plus approfondies, devraient voir leur individualit propre se dessiner de plus en plus nettement.

La description synthtique envisage ici est aussi une aide l'interprtation des paloenvironnements dans la mesure o elle permet de dtecter une organisation grande chelle des types de sdiment dans un corps sdimentaire. Cette organisation grande chelle est souvent une des cls de l'interprtation. Prcisons maintenant ces fameux "types de sdiment".

Lelithofacis: ce terme a t dfini pour la premire fois par Krumbein (1948, p. 1909) comme "the sum total of the lithological characteristics of a sedimentary rock", incluant donc outre la lithologie, la nature, l'abondance des organismes s'ils sont caractristiques de la roche en question. Ce terme est descriptif et ne doit contenir aucun lment interprtatif. Il est donc, pour prendre un exemple, injustifi de parler de "lithofacis de mer ouverte" pour ce qui devrait tre appel "lithofacis des calcaires argileux gris fonc brachiopodes".

Lemicrofacis: c'est la correspondance microscopique du lithofacis. Flgel (1982, p. 1) en propose la dfinition suivante: "Microfacies is the total of all the paleontological and sedimentological criteria which can be classified in thin-sections, peels, and polished slabs". Il va sans dire que cette notion est elle aussi purement descriptive.

L'utilisation conjointe des notions de lithofacis et de microfacis permet de respecter le principe de la gradation des chelles d'observation (on ne passe pas directement de la photo satellite au microscope balayage...). L'exprience montre qu'en gnral, chaque lithofacis correspondent un ou plusieurs microfacis. A chaque microfacis ne correspond qu'un lithofacis.

L'assemblage fossile: c'est la somme des constituants biotiques d'un sdiment. Cette notion coloration plus directement cologique est donc incluse dans la notion de facis. Un micro- ou lithofacis est caractris la fois par la nature, la texture,... du sdiment et par un assemblage fossile.

4.LES MICROFACIES STANDARDS DE WILSON-UNMODELEDEPLATE-FORMECARBONATEEAfin d'une part d'arriver une plus grande objectivit et homognit dans la description sdimentologique et d'autre part de faciliter l'interprtation des paloenvironnements, un certain nombre d'auteurs ont propos une srie de "microfacis standards", localiss dans un modle gnral de plate-forme carbonate.

Le plus connu et le plus utilis de ces modles est celui de Wilson (1975), bas sur 24 "standard microfacies types" ("SMF"), intgrs dans un systme de neuf ceintures de facis ("standard facies belts", "SFB") correspondant des grands environnements de dpt: "basin (SFB1)-open sea shelf (SFB2)-deep shelf margin (SFB3)-foreslope (SFB4)-organic buildup (SFB5)-winnowed edge platform sands (SFB6)-shelf lagoon, open circulation (SFB7)-shelf and tidal flats, restricted circulation (SFB8)-sabkhas with evaporites salinas (SFB9)". Voici ces microfacis, avec successivement leur abrviation, leur nom et ventuellement une brve description et enfin, la ceinture de facis o ils peuvent tre observs (Fig. IX.4).

Fig.IX.4: microfacis standards "SMF" et ceintures de facis "SFB" de Wilson (1975) (hauteurs fortement exagres). SMF1: spiculite: mudstones ou wackestones argileux sombres, riches en matire organique et/ou spicules d'ponges. SFB1, bassin.

SMF2: packstones microbioclastiques: grainstones et packstones trs petits bioclastes et plodes. SFB1, SFB2, SFB3.

SMF3: mudstones et wackestones organismes plagiques (exemple: globigrines, certains lamellibranches, etc.). SFB1, SFB3.

SMF4: microbrche ou packstones lithoclastes et bioclastes: mono- ou polymictique; peut inclure galement du quartz ou chert. SFB3, SFB4, avant-talus.

SMF5: grainstones/packstones ou floatstones lments rcifaux; goptes et structures d'ombrelle ds l'infiltration de sdiments fins. SFB4, flanc rcifal.

SMF6: rudstones lments rcifaux; gros fragments de constructeurs, peu de matrice. SFB4, talus d'avant-rcif.

SMF7: boundstone: organismes constructeurs en position de vie. SFB5, environnement de haute nergie, rcif.

SMF8: wackestones et floatstones avec fossiles bien conservs, quelques bioclastes. SFB2, SFB7, plate-forme ou lagon ouvert, sous la zone d'action des vagues.

SMF9: wackestones bioclastiques bioturbs; les bioclastes peuvent tre micritiss. SFB2, SFB7, plate-forme ouverte peu profonde, prs de la zone d'action des vagues.

SMF10: packstones/wackestones avec bioclastes dgrads et encrots. SFB2, SFB7, grains provenant d'environnements forte agitation, dposs en milieu calme.

SMF11: grainstones bioclastes encrots. SFB5, SFB6, corps sableux dans la zone d'action des vagues, ventuellement en bordure de plate-forme.

SMF12: grainstones/packstones/rudstones bioclastiques, avec prdominance de certains types d'organismes (crinodes, bivalves, dasycladales,...). SFB5, SFB6, bordure de plate-forme.

SMF13: grainstones oncodes et bioclastes. SFB6, agitation assez importante, profondeur trs faible.

SMF14: "lags": grains dgrads et encrots, localement mlangs des oolithes et des plodes, voire des lithoclastes; phosphates, oxydes de fer. SFB6, accumulation lente de matriaux grossiers dans des zones agites.

SMF15: grainstones oolithes, stratification entrecroise. SFB 6, bancs, dunes, cordons oolithiques en milieu agit.

SMF16: grainstones plodes, souvent mlangs quelques bioclastes (ostracodes, foraminifres,...). SFB7, SFB8, environnement trs peu profond circulation modre.

SMF17: "grapestone": grainstones grains agrgs (lumps, bahamite), quelques plodes, et grains encrots. SFB7, SFB8, plate-forme circulation restreinte, "tidal flats".

SMF18: grainstones foraminifres ou dasycladales. SFB7, SFB8, cordons littoraux, chenaux lagunaires.

SMF19: lofrite: mudstones/wackestones laminaires plodes et fenestrae, passant des grainstones plodes; ostracodes, quelques foraminifres, gastropodes et algues. SFB8, mares et lagons circulation restreinte.

SMF20 & 21: mudstones stromatolithes. SFB8, SFB9, mares intertidales.

SMF22: wackestones oncodes. SFB8, environnement calme, souvent en arrire-rcif.

SMF23: mudstones homognes, non fossilifres; vaporites possibles. SFB8, SFB9, mares hypersalines.

SMF24: packstones/wackestones lithoclastes de micrite non fossilifre. SFB8, "lag deposit" de fond de chenaux tidaux.

L'utilisation des microfacis standards peut aider lors d'une premire approche et possde le mrite certain de structurer les observations. Dans un deuxime temps, l'affinement des observations doit permettre de mieux prciser les environnements de dpt et de complter en consquence le modle standard.

Grands environnements de dpts (ceintures de facis) au sein d'une plate-forme carbonate avec barrire: Dvonien suprieur du Canning Basin, Australie.5.LEMODELEDERAMPEOn a vu dans le chapitre prcdent que les diffrences sdimentologiques entre plate-forme et rampe carbonates sont importantes, particulirement en ce qui concerne la rpartition des niveaux d'nergie. Les "SMF" et "SFB" de Wilson s'intgrent clairement dans un modle de plate-forme avec barrire rcifale. Il est donc ncessaire de considrer galement la rpartition des microfacis au long d'un modle de rampe. Ce modle a t propos par Burchette &Wright (1992) (Fig.IX.5).

FigureIX.5: rpartition des facis "RF" sur un modle de rampe carbonate (hauteurs fortement exagres).Larampe externeest localise sous la zone d'action des vagues de tempte, une profondeur de plusieurs dizaines plusieurs centaines de mtres. On y observe des sdiments carbonats fins, autochtones ou allochtones, associs des dpts hmiplagiques. Les bioconstructions y sont de type "monticule".

RF1: monticule micritique: bioconstruction isole, riche en matrice calcaire et comprenant des ponges et des microbes; tous les organismes sont en position de vie.

RF2: marno-calcaires: mudstones et wackestones argileux microbioclastiques alternant avec des argiles; la faune est benthique, nectonique, planctonique avec un net caractre ouvert: bryozoaires, ponges, foraminifres planctoniques, chinodermes, mollusques. La bioturbation est prsente.

RF3:tempestitesdistales: minces niveaux granoclasss dans des sdiments fins. Ces niveaux un peu plus grossiers peuvent inclure des sdiments remanis issus de zones moins profondes de la rampe.

Larampe mdianecorrespond la zone situe entre la base de la zone d'action des vagues de beau temps et la base de la zone d'action des vagues de tempte. La profondeur y est de quelques dizaines de mtres. Les tempestites sont les dpts dominants, associs souvent des niveaux intraclastiques.

RF4: monticules squelettiques et rcifs: il s'agit de bioconstructions faune plus diversifie, incluant des niveaux organismes en position de vie et d'autres remanis par l'action des vagues; les constructeurs comprennent des bryozoaires, coraux, ponges, chinodermes, algues rouges,...

RF5: "shoals": grainstones et packstones bioclastes remanis (bryozoaires, crinodes, brachiopodes,...), stratifications obliques.

RF6: tempestites proximales, souvent amalgames: sdiments granoclasss, transports, structuresHCS, grainstones et packstones. Les ventuelles priodes de calme sont reprsentes par des sdiments plus fins, de type wackestone, bioturbs.

Larampe internecomprend la zone situe entre la plage et la base de la zone d'action des vagues de beau temps.Cette portion de rampe est situe dans la zone photique et le fond marin est remani pratiquement en permanence par les vagues et les courants.On observe les facis suivants:

RF7: rcifs: biostromes et patch-reefs coraux, lamellibranches, rudistes, stromatopores; le