Échographie de la plaque plantaire et syndrome du 2e rayon : sémiologie normale, aspects...

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J Radiol 2010;91:543-8 © Éditions Françaises de Radiologie, Paris, 2010 Édité par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés revue iconographique ostéoarticulaire Échographie de la plaque plantaire et syndrome du 2 e rayon : sémiologie normale, aspects pathologiques et proposition d’une classification échographique J Borne (1, 2), B Bordet (1, 2), O Fantino (1), JC Bousquet (1), JY Coillard (3) et JB Pialat (2) a plaque plantaire est une épaisse structure fibrocartilagineuse sur la- quelle repose la tête métatarsienne (fig. 1). Elle limite la flexion dorsale mé- tatarsophalangienne et stabilise l’orteil lors de la phase digitigrade du pas. Le syndrome du 2 e rayon est lié à une attein- te dégénérative de celle-ci liée à un excès de contrainte mécanique sur la 2 e articu- lation métatarsophalangienne. Il atteint avec prédilection la femme d’âge moyen et se rencontre le plus souvent en associa- tion avec un hallux valgus qui s’accom- pagne d’un varus et d’un raccourcisse- ment géométrique du 1 er métatarsien avec un transfert des contraintes mécani- ques sur le 2 e rayon et sa plaque plantaire (1, 2). Nous proposons une classification lésion- nelle inspirées des travaux cliniques de Myerson (fig. 1, 2, 3 et 4) (3) : stade 0 : douleur mais examen clinique normal ; stade I : douleur articulaire métatarso- phalangienne avec signe inflammatoire local traduisant une synovite mais sans laxité métatarsophalangienne ; stade II : rupture avec possible instabi- lité débutante ; stade III : luxation réductible ; stade IV : luxation irréductible. La distinction clinique entre une atteinte débutante et une rupture de la plaque plantaire peut être difficile en particulier en cas d’hallux valgus associé (1). La rapi- dité d’évolution du syndrome du 2 e rayon est parfois brutale suite à un traumatisme minime, ou après une injection de dérivés cortisoniques délétère (5). Le traitement est médical dans les stades cliniques 0 et I (sans rupture de la plaque plantaire) et repose avant tout sur les orthèses plantaires dont le but est de compenser la fonction du premier rayon, de décharger la deuxième tête métatar- sienne et favoriser l’appui rétro-capital. Dans le stade I fortement douloureux avec une plaque plantaire amincie mais incomplètement rompue et des signes d’instabilité débutante, un traitement chirurgical peut se discuter, ceci est affai- re d’école. À partir du stade II (rupture de la plaque plantaire) le traitement chi- rurgical est l’option thérapeutique la plus souvent adoptée. Son principe est de di- minuer les contraintes mécaniques plan- taires par ostéotomies de surélévation et d’accourcissement. Le geste chirurgical réalisé dans notre centre repose sur des ostéotomies proximales et/ou distales qui peuvent être classiques « open » ou « mini invasives » (6). Anatomie et histologie de la plaque plantaire La plaque plantaire est une structure fi- brocartilagineuse triangulaire à base dis- tale mesurant en moyenne 20 mm de long pour 9 mm de diamètre transversal et 2 mm d’épaisseur (fig. 1). Son insertion proximale est fine et commune avec celle du récessus sous métatarsien proximal de l’articulation métatarsophalangienne (7, 8). Son insertion distale est large et moins flexible et se fait sur la face plantaire de la base de P1 (9). Abstract Résumé Plantar plate and second ray syndrome: Normal and pathological US imaging features and proposed US classification J Radiol 2010;91:543-8 Second ray syndrome is due to degenerative changes of the plantar plate frequently associated to hallux valgus that may require dedicated surgical correction. An US classification is proposed and its impact on patient management is assessed. A total of 52 patients with hallux valgus and associated metatarsal pain scheduled for surgery were imaged. US resulted in modification of the treatment plan in 32% of patients. The surgical procedure was modified due to a plantar plate lesion not suspected on clinical and routine imaging findings. US improves the surgical management of patients with hallux valgus and second ray syndrome. Le syndrome du 2 e rayon est une atteinte dégénérative de la plaque plantaire fréquemment associé à l’hallux valgus et peut nécessiter une chirurgie spécifique. Nous proposons une classification lésionnelle échographique et observons si l’échographie modifie sa prise en charge. Nous étudions 52 patients devant êtres opérés d’un hallux valgus avec métatarsalgies associées. L’échographie modifie le traitement initialement envisagé chez 32 % des patients. Un geste chirurgical complémentaire est réalisé du fait d’une atteinte de la plaque plantaire non suspectée sur les données radio-cliniques. L’échographie permet ainsi d’affiner la prise en charge chirurgicale du syndrome du deuxième rayon sur hallux valgus. Key words: Plantar plate. US. Metatarsal pain. Hallus valgus. Mots-clés : Plaque Plantaire. Échographie. Métatarsalgies. Hallux valgus. L (1) Imagerie Médicale du Parc, Clinique Orthopédique du Parc, 155, bis bd Stalingrad, 69006 Lyon. (2) Service de Radiologie osseuse et articulaire, Pavillon B, Hôpital Edouard Herriot, 5, Place d’Arsonval, 69437 Lyon cedex 03. (3) Département de chirurgie du pied, Clinique Or- thopédique du Parc, 155, bis bd Stalingrad, 69006 Lyon. Correspondance : J Borne E-mail : [email protected]

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J Radiol 2010;91:543-8

© Éditions Françaises de Radiologie, Paris, 2010Édité par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

revue iconographique

ostéoarticulaire

Échographie de la plaque plantaire et syndrome du 2

e

rayon : sémiologie normale, aspects pathologiques et proposition d’une classification échographique

J Borne (1, 2), B Bordet (1, 2), O Fantino (1), JC Bousquet (1), JY Coillard (3) et JB Pialat (2)

a plaque plantaire est une épaissestructure fibrocartilagineuse sur la-quelle repose la tête métatarsienne

(fig. 1)

. Elle limite la flexion dorsale mé-tatarsophalangienne et stabilise l’orteillors de la phase digitigrade du pas. Lesyndrome du 2

e

rayon est lié à une attein-te dégénérative de celle-ci liée à un excèsde contrainte mécanique sur la 2

e

articu-lation métatarsophalangienne. Il atteintavec prédilection la femme d’âge moyenet se rencontre le plus souvent en associa-tion avec un hallux valgus qui s’accom-pagne d’un varus et d’un raccourcisse-ment géométrique du 1

er

métatarsienavec un transfert des contraintes mécani-ques sur le 2

e

rayon et sa plaque plantaire(1, 2).Nous proposons une classification lésion-nelle inspirées des travaux cliniques deMyerson

(fig. 1, 2, 3 et 4)

(3) :

– stade 0 : douleur mais examen cliniquenormal ;– stade I : douleur articulaire métatarso-phalangienne avec signe inflammatoirelocal traduisant une synovite mais sanslaxité métatarsophalangienne ;– stade II : rupture avec possible instabi-lité débutante ;– stade III : luxation réductible ;– stade IV : luxation irréductible.La distinction clinique entre une atteintedébutante et une rupture de la plaqueplantaire peut être difficile en particulieren cas d’hallux valgus associé (1). La rapi-dité d’évolution du syndrome du 2

e

rayonest parfois brutale suite à un traumatismeminime, ou après une injection de dérivéscortisoniques délétère (5).Le traitement est médical dans les stadescliniques 0 et I (sans rupture de la plaqueplantaire) et repose avant tout sur lesorthèses plantaires dont le but est decompenser la fonction du premier rayon,de décharger la deuxième tête métatar-sienne et favoriser l’appui rétro-capital.Dans le stade I fortement douloureuxavec une plaque plantaire amincie maisincomplètement rompue et des signesd’instabilité débutante, un traitement

chirurgical peut se discuter, ceci est affai-re d’école. À partir du stade II (rupturede la plaque plantaire) le traitement chi-rurgical est l’option thérapeutique la plussouvent adoptée. Son principe est de di-minuer les contraintes mécaniques plan-taires par ostéotomies de surélévation etd’accourcissement. Le geste chirurgicalréalisé dans notre centre repose sur desostéotomies proximales et/ou distalesqui peuvent être classiques « open » ou« mini invasives » (6).

Anatomie et histologie de la plaque plantaire

La plaque plantaire est une structure fi-brocartilagineuse triangulaire à base dis-tale mesurant en moyenne 20 mm de longpour 9 mm de diamètre transversal et2 mm d’épaisseur

(fig. 1)

. Son insertionproximale est fine et commune avec celledu récessus sous métatarsien proximal del’articulation métatarsophalangienne (7,8). Son insertion distale est large et moinsflexible et se fait sur la face plantaire de labase de P1 (9).

Abstract Résumé

Plantar plate and second ray syndrome: Normal and pathological US imaging features and proposed US classification

J Radiol 2010;91:543-8

Second ray syndrome is due to degenerative changes of the plantar plate frequently associated to hallux valgus that may require dedicated surgical correction. An US classification is proposed and its impact on patient management is assessed. A total of 52 patients with hallux valgus and associated metatarsal pain scheduled for surgery were imaged. US resulted in modification of the treatment plan in 32% of patients. The surgical procedure was modified due to a plantar plate lesion not suspected on clinical and routine imaging findings. US improves the surgical management of patients with hallux valgus and second ray syndrome.

Le syndrome du 2

e

rayon est une atteinte dégénérative de la plaque plantaire fréquemment associé à l’hallux valgus et peut nécessiter une chirurgie spécifique. Nous proposons une classification lésionnelle échographique et observons si l’échographie modifie sa prise en charge. Nous étudions 52 patients devant êtres opérés d’un hallux valgus avec métatarsalgies associées. L’échographie modifie le traitement initialement envisagé chez 32 % des patients. Un geste chirurgical complémentaire est réalisé du fait d’une atteinte de la plaque plantaire non suspectée sur les données radio-cliniques.

L’échographie permet ainsi d’affiner la prise en charge chirurgicale du syndrome du deuxième rayon sur hallux valgus.

Key words:

Plantar plate. US. Metatarsal pain. Hallus valgus.

Mots-clés :

Plaque Plantaire. Échographie. Métatarsalgies. Hallux valgus.

L

(1) Imagerie Médicale du Parc, Clinique Orthopédique du Parc, 155, bis bd Stalingrad, 69006 Lyon. (2) Service de Radiologie osseuse et articulaire, Pavillon B, Hôpital Edouard Herriot, 5, Place d’Arsonval, 69437 Lyon cedex 03. (3) Département de chirurgie du pied, Clinique Or-thopédique du Parc, 155, bis bd Stalingrad, 69006 Lyon.Correspondance : J BorneE-mail : [email protected]

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Les bords médiaux et latéraux de la pla-que plantaire sont renforcés par les liga-ments collatéraux métatarsophalangiens,et plus bas par le ligament intermétartar-sien transverse profond

(fig. 5)

.Histologiquement, la plaque plantaire estcomposée de plusieurs contingents. Soncorps est constitué de tissu conjonctif ri-che en collagène de type 1 avec sur le ver-sant superficiel une disposition en septaparallèles lui conférant un rôle de surfacearticulaire pour la tête métatarsienne (9).La quantité de cartilage hyalin augmenteprogressivement jusqu’à l’os sous chon-dral de la base de P1, ceci expliquant lesmodifications d’échostructure et de signalvisibles en échographie (10) et en IRM(11-13).

Imagerie normale de la plaque plantaire

En échographie, dans le plan longitudinal,la plaque plantaire normale est modéré-ment échogène, homogène et présenteune échostructure discrètement piquetéesouvent comparée à celle d’un labrum ar-ticulaire

(fig. 6)

. Sa morphologie est trian-gulaire à base phalangienne distale. Labase est la zone où siègent de façon quasi-constante les lésions dégénératives et lesruptures (2, 5). C’est aussi la zone où desimages pièges sont fréquentes du fait deraisons techniques, anatomiques et histo-logiques (9, 11). Une large plage hypo-échogène distale mal limitée liée à un effet

d’anisotropie peut être visualisée ; lesmanœuvres dynamiques permettent ce-pendant de s’affranchir de cet artéfact enpositionnant l’orteil de façon à ce que l’in-sertion distale soit perpendiculaire aufaisceau ultrasonore

(fig. 7)

. Une finebande hypoéchogène traversant la plaqueplantaire au niveau de son insertion dista-le est parfois visible, attribuée par la plu-part des auteurs à l’augmentation dunombre de chondrocytes (tissu cartilagi-neux hypoéchogène) au niveau de cetterégion enthésique (7, 10). Il est parfois dif-ficile de distinguer cet aspect normal delésions dégénératives débutantes qui sontde localisation identique.Il existe un contraste échographique na-turel qui rend aisée la distinction entre la

Fig. 1 : Schéma de l’articulation métatarsophalangienne en coupe longitudinale : la plaque plantaire est représentée en jaune. Il s’agit d’une structure triangulaire à base distale s’insérant sur le bord inférieur de la base de P1 (tête de flèche noire). Elle soutient la tête métatarsienne. Son insertion proximale est commune avec le récessus sous métatarsien proximale de l’articulation métatarsophalangienne. Sa face inférieure repose sur les deux tendons fléchisseurs (représentés en marron).

Fig. 2 : Schéma de l’articulation métatarsophalangienne en coupe longitudinale : illustration du stade I qui se traduit en écho-graphie par une modification de l’échostructure et de l’épaisseur de la zone distale de la plaque plantaire avec épanchement intra-articulaire métatarsophalangien et arthrosynovite réactionnelle.

Fig. 3 : Schéma de l’articulation métatarsophalangienne en coupe longitudinale : illustration du stade II qui se traduit en écho-graphie par une solution continuité hypoéchogène liqui-dienne traversant de part en part la plaque plantaire. Elle est parfois mise en évidence uniquement sur les manœu-vres dynamiques. Des signes d’instabilité débutante peu-vent être présents à ce stade.

Fig. 4 : Schéma de l’articulation métatarsophalangienne en coupe longitudinale : stade III et IV : rupture de la plaque plantaire avec instabilité (se traduisant par une luxation dorsale de P1 par rapport à la tête métatarsienne) qui reste réductible au stade III et est irréductible au stade IV.

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fine ligne arrondie de cartilage hyalin hy-poéchogène de la tête métatarsienne et laplaque plantaire échogène qui la recouvreà sa face plantaire

(fig. 6)

.Dans le plan axial, la plaque plantaire ap-paraît de morphologie discoïde biconcaveou ovalaire, située entre le cartilage hyalinhyoéchogène de la tête métatarsienne enhaut et les tendons fléchisseurs discrète-ment hyperéchogènes et piquetés en bas

(fig. 8)

. À la partie centrale, il peut exister

Fig. 5 : Schéma de la plaque plantaire en coupe transversale passant par les têtes métatarsiennes. Les pla-ques plantaires des quatre der-niers orteils sont représentées en orange sous forme d’une struc-ture discoïde interposée entre le cartilage de la tête du métatarsien en haut (bleu) et les tendons flé-chisseurs des orteils en bas (mar-ron). La plaque est soutenue laté-ralement par des ligaments collatéraux métatarsophalan-giens (représentés en vert vertica-lement) et par le ligament inter-métatarsien transverse profond (vert) qui est horizontal et relie la face inférieure de chaque tête métatarsienne.

une plage hypoéchogène qui comme dansle plan longitudinal est liée à la composi-tion cartilagineuse de l’enthèse.En IRM, la plaque plantaire apparaîtcomme une structure triangulaire dansle plan sagittal et discoïde dans le plancoronal. Elle présente un signal homogè-ne hypointense sur toutes les séquences,analogue à celui des tendons fléchisseurssous jacent avec lequel on ne distinguepas le plan de clivage (11, 13). Proche del’insertion distale, il existe une bandegrossièrement linéaire parallèle à la basede la phalange de signal augmenté maisnon liquidien que la plupart des auteurs(2, 11, 14) attribuent comme pour l’écho-graphie à la présence d’une proportion

plus importante de tissu cartilagineuxdans cette zone d’attache distale de laplaque plantaire.

Imagerie pathologique de la plaque plantaire

Sur les clichés simples, un hallux valgusdoit toujours faire rechercher une at-teinte du 2

e

rayon associée qui peut pas-ser au second plan cliniquement. Avantla rupture, un petit ostéophyte de tractionsur la base de P1 à son bord inférieurpeut-être objectivé. L’élargissement del’interligne métatarsophalangien traduit

Fig. 6 : Coupe échographique longitudinale de l’articulation métatarsophalangienne du deuxième rayon par voie plantaire (face plantaire en haut de l’image). La plaque plan-taire est modérément échogène, triangulaire, d’échostructure homogène piquetée (flèche blanche). Elle soutient la tête métatarsienne qui est recouverte d’une fine ligne arrondie de cartilage hypoéchogène (tête de flèche blanche). La plaque plantaire repose sur les tendons fléchisseurs sous-jacents qui ont l’apparence d’un seul tendon en coupe longitudinale (flèche noire).

Fig. 7 : Coupes échographiques longitudinales par voie plantaire passant par l’articulation métatarsophalangienne du deuxième rayon. a Il existe une large plage hypoéchogène distale de la plaque plantaire et mal limitée (tête de flèche blanche) liée à un effet échographi-

que d’anisotropie (le tissu exploré n’est pas perpendiculaire par rapport au faisceau ultrasonore et ne réfléchit pas les ultrasons reçus).b La correction de l’artefact (flèche blanche) se fait en modifiant la position de la sonde de façon à ce que l’enthèse distale de la plaque

plantaire soit perpendiculaire au faisceau ultrasonore et l’artefact se déplace sur les structures qui ne sont plus perpendiculaires en l’occurrence le tendon fléchisseur et la plaque plantaire dans sa zone proximale (2 têtes de flèches blanches).

a b

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un épanchement témoignant de la souf-france articulaire. Une tête métatarsienneun peu basse, un début de verticalisationde P1 et une ébauche de déformation engriffe de l’orteil peuvent se voir sur lecliché de profil en charge avant la ruptu-re. Apparaît ensuite un pseudo-pince-ment de l’interligne sur le cliché de facetraduisant une subluxation dorsale. Austade de rupture, le cliché de profil encharge montre le degré de subluxationvoir une véritable luxation dorsale del’articulation métatarsophalangienneavec sur le cliché de face un chevauche-ment de la tête métatarsienne par labase de la phalange luxée (signe de lamouette).

En échographie, l‘analyse de la plaqueplantaire repose sur son échogénicité, sonhomogénéité, sa continuité, sa morpholo-gie et son épaisseur (7, 14). L’étude de l’ar-ticulation métatarsophalangienne à la re-cherche de signes indirects d’atteintes dela plaque ainsi que les manœuvres dyna-miques sont impératives.Au stade de début, une perte de l’homo-généité, avec de petites zones hypoécho-gènes peut être visible malgré une mor-phologie triangulaire et une épaisseurconservée. Seule une hydarthrose méta-tarsophalangienne du 2

e

rayon peut êtreconstatée

(fig. 9a)

. Des signes d’arthro-synovite réactionnelle visibles en Dopplerpuissance affirment la souffrance articu-

Fig. 8 : Coupe échographique transversale passant par la tête métatarsienne du deuxième rayon par voie plantaire. Dans le plan axial la plaque plantaire apparaît de morpholo-gie discoïde (petite flèche blanche) un peu moins échogène que le tendon fléchisseur sous-jacent (grande flèche blanche). On repère aussi dans ce plan la fine bande arron-die de cartilage hypoéchogène recouvrant de la tête métatarsienne (tête de flèche blanche).

laire

(fig. 9b)

. Des remaniements ostéo-phytiques hyperéchogènes de la base deP1 sont parfois visibles. Le tissu cellulo-graisseux sous capito-métatarsien peutêtre le siège d’une bursite réactionnelle

(fig. 10)

. Cette bursite siège en regard dezones d’hyperkératose plantaire sous-capitales qui apparaît du fait d’unecontrainte mécanique excessive sur le2

e

voire le 3

e

rayon.Un amincissement distal va ensuite appa-raître avec perte de la morphologie trian-gulaire de la plaque plantaire

(fig. 11 et12)

. Cet amincissement volontiers quali-fié de « rupture partielle » (partial tear)par les Anglo-Saxons atteint d’abord laface articulaire de la plaque, en respectantsa face plantaire. Les manœuvres dyna-miques comparatives sont systématique-ment réalisées. Elles permettent de s’af-franchir de l’effet d’anisotropie et dedépister une instabilité métatarsophalan-gienne dorsale débutante avant la rupturecomplète de la plaque (stade IB de notreclassification).Au stade de rupture, une solution decontinuité hypoéchogène liquidienneplus ou moins large s’étend depuis la fa-ce articulaire jusqu’à la face plantaire dela plaque. Elle représente la sémiologieéchographique la plus parlante. Les cou-pes longitudinales montrent la taille dela rupture sur une vue globale de la pla-que. Les coupes axiales, précisent le siè-ge central, latéral ou médial de la ruptu-re ainsi que sa position par rapport à latête métatarsienne. Dans notre expé-rience, l’analyse morphologique seule àce stade est souvent insuffisante. Lesmanœuvres dynamiques sont parfois les

Fig. 9 : Coupes échographiques longitudinales de l’articulation métatarsophalangienne du deuxième rayon par voie dorsale chez une patiente présentant un stade clinique I (douleur avec hydarthrose).

a-b Mise en évidence d’un épanchement hypoéchogène du récessus capsulo-synovial dorsal (a) (flèche blanche) avec signe d’arthro-syno-vite réactionnelle se traduisant par une hyperhémie capsulo-synoviale en Doppler de puissance (b) (flèche blanche).

a b

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seules permettant d’affirmer la rupture

(fig. 13)

et de préciser le degré d’instabi-lité

(fig. 14).

L’IRM peut au stade de début mettre enévidence des modifications de signalisointense en T1, hyperintense en densi-té protonique et en T2 traduisant lasouffrance de la zone d’insertion distalede la plaque plantaire (5, 12). Cependant,plus qu’en échographie, cette sémiologieest d’interprétation difficile du fait du si-gnal cartilagineux de cette zone (14) etpeut parfois ne correspondre qu’à une

variante du normal. L’analyse de la mor-phologie de la plaque (amincissement duversant articulaire avec perte de l’aspecttriangulaire) et la recherche de signesassociés prennent alors toute leur im-portance. L’hydarthrose et la synovitemétatarsophalangienne sont les signesindirects les plus fréquents et traduisentla souffrance articulaire. Une bursite cel-lulo-graisseuse peut être présente sansatteinte de la plaque par simple modifi-cation des appuis. Les manœuvres dyna-miques ne sont pas réalisables en IRM et

l’instabilité dorsale débutante ne peutpas être détectée.Au stade de rupture, la sémiologie estplus évocatrice. On visualise le défect sousla forme d’un signal liquidien siégeant leplus souvent sur l’enthèse distale. On éva-lue sa taille dans le plan longitudinal et saposition par rapport à la tête métatarsiennedans le plan transversal (2, 14). Une su-bluxation voire même une luxation dor-sale métatarso-phalangienne spontanée estpossible, mais l’instabilité est le plus souventprovoquée et échappe à l’IRM (15).

Fig. 10 : Coupe échographique transversale par voie plantaire pas-sant par les trois premières têtes métatarsiennes par voie plantaire.Aspect échographique de bursite cellulo-graisseuse sous-capito-métatarsienne avec épanchement hypoéchogène (têtes de flèches blanches) et infiltration hyperéchogène du tissu cellulo-graisseux plantaire.

Fig. 11 : Coupe échographique longitudinale de l’articulation méta-tarsophalangienne du deuxième rayon par voie plantaire chez une patiente présentant un stade clinique 0 (douleurs isolées du deuxième rayon).L’échographie retrouve un début d’amincissement de la plaque plantaire sur sa face articulaire avec une perte de la morphologie triangulaire (flèche blanche). Les manœuvres dynamiques n’objectivent pas à ce stade d’instabilité. Notez la bursite cellulo-graisseuse sous-cutanée (têtes de flèches blanches).

Fig. 12 : Coupe échographique longitudinale de l’articulation métatarsophalangienne du deuxième rayon par voie plantaire chez une patiente présentant un stade clinique I (douleur avec hydarthrose sans signe de rupture).Plage hypoéchogène et amincissement marqué (tête de flèche blanche) de l’enthèse distale de la plaque plantaire sur la base de P1. Les manœuvres dyna-miques ne montrent pas solution continuité hypoéchogène ni d’instabilité. Stade I.

Conclusion

L’échographie est une technique non in-vasive ayant une spécificité dynamique,facilement disponible qui nous paraît per-formante pour authentifier les lésions dela plaque plantaire et définir avec préci-sion son stade lésionnel. Sa réalisationpermet d’affiner la prise en charge théra-peutique du syndrome du deuxièmerayon associée à un hallux valgus.

Références

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Fig. 13 : Coupes échographiques longitudinales par voie plantaire passant par l’articulation métatarsophalangienne du deuxième rayon sans et avec manœuvres dynamiques chez une patiente présentant un stade clinique I (douleur avec hydarthrose sans signe de rupture)

a En position statique il existe une plage hypoéchogène avec une disparition de l’échostructure habituelle de la plaque plantaire qui rem-placée par un défect jusqu’à son insertion distale la base de P1 (tête de flèche blanche).

b Les manœuvres dynamiques montrent une suffusion liquidienne (tête de flèche blanche) avec défect hypoéchogène signant la solution de continuité et la rupture de plaque plantaire : stade II échographique.

a b

Fig. 14 : Coupes échographiques longitudinales par voie plantaire passant par l’articulation métatarsophalangienne du deuxième rayon sans et avec manœuvres dynamiques chez une patiente présentant un stade clinique II (rupture sans instabilité).

a En position statique, il existe un large défect (tête de flèche blanche) en lieu et place de l’insertion distale de la plaque plantaire ce qui confirme la rupture (tête de flèche blanche).

b Les manœuvres dynamiques montrent une luxation dorsale de la base de P1 et une descente de la tête métatarsienne qui n’est plus soutenue par la plaque plantaire (tête de flèche blanche) : rupture avec subluxation réductible (stade III).

a b