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8/8/2019 Duns Scot (J.) http://slidepdf.com/reader/full/duns-scot-j 1/13 Duns Scot , article Universalis, par M. de Gandillac DUNS SCOT (J.) Le franciscain Duns Scot – le Docteur subtil – attire par une certaine modernité pensée plus encore qu’il ne rebute par les difficultés ou les finesses de son système. Une clefs du scotisme est sa réaction contre le primat de l’intellect, lié à une certaine lectu d’Aristote. Plus proche d’Avicenne (980-1037) que d’Averroès (1126-1198), Duns Scot dévelop une métaphysique des essences. Sans faire de l’acte d’exister un accident, il se garde – dan mortel à ses yeux pour la théologie comme pour la philosophie – de concevoir le monde manière d’une conséquence découlant d’un principe. Sa revendication essentielle, celle d “liberté”, l’a fait un peu vite rapprocher de Descartes. Il reste que le Dieu de Duns Scot c sans être soumis à la règle du Bien, qu’il envoie son Fils indépendamment du péché d’orig Il reste que l’homme de Duns Scot aime son Dieu d’un mouvement qui est entièrement sie ne doit rien, en tout cas, à quelque raison nécessitante. 1. Le Docteur subtil La vie Les origines de Jean Duns Scot, la date et le lieu de sa naissance laissent encore plac quelque incertitude. Après l’avoir cru fils d’un comte Ninian Duns, de Maxton, près Barwick, on pense plutôt aujourd’hui qu’il est né dans le village de Duns, au sud-e d’Édimbourg, et c’est là que les participants du Congrès international d’études scotistes 1966 ont inauguré une statue et une plaque commémorative. Malgré les prétentions l’Irlande et même de l’Angleterre, il est reconnu, comme le dit l’inscription (d’ailleurs tard de son tombeau colonais, que si l’Angleterre l’a “accueilli”, si la France l’a “instruit” Cologne “conserve” sa dépouille, c’est bien l’Écosse qui le “vit naître”. L’hypothèse qui sit cette naissance vers 1274 est, d’autre part, contredite par des documents d’archives qui situ l’entrée du futur Docteur subtil chez les Franciscains de Dumfries en 1278 ou 1279, et ordination sacerdotale au 19 mars 1291; compte tenu des règlements canoniques qui fixaie vingt-cinq ans l’accès des Frères mineurs à la prêtrise, on peut penser que Jean Duns Scot né dans les derniers mois de 1265 ou au début de 1266; cette dernière date a été retenue p la célébration de son septième centenaire. Plus précise est la date de sa mort, 8 novembre 1308, mais, sur les diverses étapes 1

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DUNS SCOT (J.)

Le franciscain Duns Scot – le Docteur subtil – attire par une certaine modernité pensée plus encore qu’il ne rebute par les difficultés ou les finesses de son système. Une

clefs du scotisme est sa réaction contre le primat de l’intellect, lié à une certaine lectud’Aristote.

Plus proche d’Avicenne (980-1037) que d’Averroès (1126-1198), Duns Scot dévelopune métaphysique des essences. Sans faire de l’acte d’exister un accident, il se garde – danmortel à ses yeux pour la théologie comme pour la philosophie – de concevoir le monde manière d’une conséquence découlant d’un principe. Sa revendication essentielle, celle d“liberté”, l’a fait un peu vite rapprocher de Descartes. Il reste que le Dieu de Duns Scot c

sans être soumis à la règle du Bien, qu’il envoie son Fils indépendamment du péché d’origIl reste que l’homme de Duns Scot aime son Dieu d’un mouvement qui est entièrement siene doit rien, en tout cas, à quelque raison nécessitante.

1. Le Docteur subtil

La vie

Les origines de Jean Duns Scot, la date et le lieu de sa naissance laissent encore placquelque incertitude. Après l’avoir cru fils d’un comte Ninian Duns, de Maxton, près

Barwick, on pense plutôt aujourd’hui qu’il est né dans le village de Duns, au sud-ed’Édimbourg, et c’est là que les participants du Congrès international d’études scotistes1966 ont inauguré une statue et une plaque commémorative. Malgré les prétentions l’Irlande et même de l’Angleterre, il est reconnu, comme le dit l’inscription (d’ailleurs tardde son tombeau colonais, que si l’Angleterre l’a “accueilli”, si la France l’a “instruit”Cologne “conserve” sa dépouille, c’est bien l’Écosse qui le “vit naître”. L’hypothèse qui sitcette naissance vers 1274 est, d’autre part, contredite par des documents d’archives qui situ

l’entrée du futur Docteur subtil chez les Franciscains de Dumfries en 1278 ou 1279, et ordination sacerdotale au 19 mars 1291; compte tenu des règlements canoniques qui fixaievingt-cinq ans l’accès des Frères mineurs à la prêtrise, on peut penser que Jean Duns Scotné dans les derniers mois de 1265 ou au début de 1266; cette dernière date a été retenue pla célébration de son septième centenaire.

Plus précise est la date de sa mort, 8 novembre 1308, mais, sur les diverses étapes

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sa brève carrière, les renseignements tout à fait sûrs restent trop rares. Sa présence probable, entre 1291 et 1293, au “studium” écossais de Northampton et ensuite, dans un cli

politique troublé par la lutte du roi Édouard Ier contre le royaume d’Écosse (au temps deBaliol et des Bruce), son transfert à l’Université d’Oxford; on admet qu’il vint à Paris u première fois entre 1293 et 1297, mais que c’est à Cambridge, entre 1297 et 1300, qu’il lutSentences de Pierre Lombard, c’est-à-dire commenta, comme bachelier, le manu

théologique en usage depuis le XIIe siècle dans toutes les écoles de l’Occident chrétien. Ilcontinua cet enseignement, de nouveau, à Oxford dans les deux premières années

XIVe siècle, puis à Paris. Ayant refusé en 1303 d’approuver les positions de Philippe le Bcontre Boniface VIII, il dut retourner quelque temps à Oxford, mais c’est à Paris qu’en 130accède au grade demagister regens(c’est-à-dire au doctorat). Dans des circonstances maléclairées, son ordre l’envoie à Cologne à la fin de 1307, comme lecteur principal au studfranciscain, et c’est là qu’il meurt prématurément à l’automne de l’année suivante.

Les œuvres

Nous empruntons au feu Père Charles Balic, animateur incomparable des étudscotistes, la liste des œuvres authentifiées de Duns Scot. Celles qui figurent dans l’éditWadding-Vivès (1891-1895, 25 vol.), sont lesQuestions sur les universaux de Porphyre, les

Catégories, le Traité de l’interprétation, les Réfutations sophistiques, le Traité de l’âmeetla Métaphysique d’Aristote, un ouvrage dogmatique intitulé Du premier principe de touteschoses, dont les Théorèmes (souvent suspectés, mais que Balic joint à sa liste) sont probablement une annexe à laquelle il se peut qu’un “compagnon” ait mis la main, un recde Questions quodlibétiques, mais surtout deux commentaires suivis desSentences, connussous les titres traditionnels d’Œuvre d’Oxford et de Reportations parisiennes( Reportata indique qu’il s’agit de notes prises par des auditeurs, non d’un texte rédigé directement l’auteur). Encore manuscrites ou publiées déjà, soit dans des éditions anciennes, so partiellement, dans la nouvelle édition monumentale procurée par la Commission scotisteRome (Opera omnia, 1950 et années suivantes), diversesCollations, Reportations et Lectures complètent le cours d’Oxford, qu’on va pouvoir lire à présent, sous le titd’Ordinatio, d’après un manuscrit probablement revu et complété par l’auteur lui-même (cC. Balic, De ordinationeI. Duns Scoti Disquisitio historico-critica, t. I desOpera omnia).

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Si certaines des œuvres reconnues comme inauthentiques ont souvent servi de préteà des jugements critiques mal fondés sur la pensée scotiste, il est arrivé aussi qu’on en appà elles pour créditer le Docteur subtil de thèses assez proches des siennes mais qui ne appartiennent pas en propre. C’est ainsi que Heidegger, alors disciple de Husserl, s’ beaucoup appuyé dans sa thèse d’habilitation ( La Doctrine des catégories et de la signification chez Duns Scot ) sur uneGrammatica speculativaqui est l’œuvre de Thomasd’Erfurt. LesQuestions disputées sur le principe des choses, que leur titre avait faitrapprocher du très authentique De primo rerum omnium principio, ont été restituées à Vital duFour; une Exposition de la métaphysique d’Aristoteest d’Antoine Andréas; et l’on s’accorde pour rejeter d’autres commentaires aristotéliciens, un traité inachevé sur la connaissanceDieu, des questions concernant les trop célèbres “formalités” et une étude sur la “perfect

des états” que suspectaient déjà les anciens éditeurs.Au temps où Scot enseignait, le thomisme, loin d’être devenu une sorte de doctri

officielle, restait suspect à plusieurs titres; certaines thèses du Docteur angéliquintentionnellement mêlées à des formules averroïstes et à des propositions naturalisempruntées à la littérature courtoise et au Roman de la rose, avaient même été condamnées,notamment en 1277 par l’évêque de Paris et par l’archevêque de Cantorbéry. Le simple relde ses œuvres montre que Duns Scot attachait du prix à l’apport logique, voire métaphysiqdu Stagirite; tout en combattant certaines thèses de la philosophie arabe, c’est à Avicenne qemprunte explicitement sa théorie de l’être. Plus traditionaliste que saint Thomas, et par place qu’il fait aux décisions libres et contingentes du Tout-Puissant, et parce que le péoriginel limite davantage pour lui les pouvoirs effectifs de la raison humaine, il est cependde plusieurs façons le précurseur de manières plus “modernes” de penser, et il se peut qu’ilété plus attentif au changement des structures économiques et politiques. Sans pouvoir exposer tous les problèmes sur lesquels Duns Scot a pris des positions originales, on retiendra quelques-uns qui paraissent plus importants.

2. La foi et la raison (positions comparées de Thomas d’Aquin et de Duns Scot)

À l’exemple d’Étienne Gilson, il nous paraît éclairant d’interroger d’abord le prologde l’Ordinatio, parce qu’il contient un véritable dialogue entre les théologiens et le philosophes. La question est de savoir s’il y a place, à côté de la réflexion naturelle, pour révélation surnaturelle. Longtemps on s’était plutôt demandé quelle aide le théologien pou

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recevoir de la philosophie; l’invasion d’Aristote conduit en quelque sorte à renverser

problème. Les condamnations de 1277 prouvent, en effet, que, dès la fin du XIIIe siècle, l’idéeapparaît d’une métaphysique et d’une éthique naturelles qui se suffiraient à elles-mêmesdéjà saint Thomas consacre le premier article de saSommeà réfuter, non seulement ceux qui pensent que l’esprit humain n’a pas à “scruter ce qui est au-dessus de ses forces” (Eccli., 22), position fidéiste qui exclurait la théologie comme science, mais aussi ceux qui, avAristote, voient dans la philosophie un tout achevé, comportant, à côté de la physique et mathématiques, cette connaissance naturelle du divin qui constitue la “philosophie premièTout en évoquant dans sa réponse un texte paulinien (II Tim., III, 16) qui lie la sagessel’étude des saintes Lettres et le salut à la foi, le Docteur angélique évite avec soin de séparadicalement deux sources de vérité. Il admet qu’avec beaucoup de temps, et au prix

maintes erreurs, la raison peut connaître l’existence de Dieu et certains de ses attributs,vertu d’une lumière intellectuelle commune à tous les hommes, mais non certains mystècomme la Trinité et l’Incarnation (et même la création dans le temps, domaine où la raisonheurte à de véritables antinomies); et il juge en tout cas “plus sûr et plus convenable” que philosophie, sur le terrain où elle est incontestablement compétente, dispose du secours d’lumière surnaturelle. Cependant, théologie naturelle et théologie révélée portent sur un sobjet, connu de deux manières (comme la rotondité de la Terre se démontre également

voie astronomique ou par voie physique). C’est pourquoi la doctrine sacrée (c’est-à-dl’enseignement qui se donne à la faculté de théologie) est une vraie science, authentiquemspéculative, encore que ses syllogismes fassent place à des prémisses de foi; car les vérités “croit” l’homme ici-bas selon l’autorité de l’Écriture et de l’Église sont celles mêmes dl’ange et le bienheureux ont l’authentique savoir, et, pour justifier sa position, l’Aquinrecourt encore à une analogie quelque peu surprenante et que refusera Duns Scot: en vertula distinction aristotélicienne entre sciences “architectoniques” et “subalternées”, perspectiviste et le musicien exercent une activité proprement scientifique, encore qureçoivent tout faits leurs principes de la géométrie et de l’arithmétique; n’en va-t-il pas

même du théologien? (cf.Sum. theol., Ia, qu. 1, art. 2).

Duns Scot ne s’oppose directement à saint Thomas ni sur l’existence légitime de dedisciplines (métaphysique et théologie) ni sur l’impossibilité de toute contradiction entre dordres de vérité. On notera même que, ayant reçu d’Avicenne un aristotélisme en quelque s

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“replatonisé”, il reconnaît en droit plus de pouvoir à l’intellect humain que ne le faisl’Aquinate; pour lui, l’objet propre de cet intellect n’est pas la simple “ quiddité de la chsensible” (le terme barbare dequidditas traduisant l’expression grecque qui indique “cequ’est” proprement une chose), mais cette chose même comme “étant”, d’une manière nous aurons plus loin à préciser. Même la “lumière de gloire” (celle qui illumine l bienheureux) ne saurait transformer totalement la puissance intellective; si, par hypothècette dernière, à la différence de celle des anges, était, par sa nature, inapte à saisir la “quidde la substance immatérielle” (disons pour simplifier: à assurer la saisie intuitive l’intelligible), non seulement son éventuelle béatification resterait impossible, mais, dès bas, toute vraie métaphysique serait exclue, car elle ne s’élèverait pas au-dessus l’imagination. S’il est vrai qu’en fait nous devons saisir l’intelligible à travers le sensible (e

nécessaire à travers le contingent), c’est là une suite du péché originel, et le caractère mêmece que Duns Scot appelle “ status iste”, la situation “factuelle” de l’homme déchu.

Cette distinction entre le droit et le fait est très caractéristique de la méthode scotisElle apparaît dès le début de la “controverse entre philosophes et théologiens”. Le Doctsubtil précise que le dialogue ici ne saurait se situer sur le plan de la raison naturelle, cAristote (considéré comme le plus perspicace des philosophes purs) ignorait tout ensembldésobéissance d’Adam et les promesses divines d’une destinée surnaturelle. Il n’a concevoir, au mieux, qu’une béatitude limitée à la contemplation des intelligences “séparéqui sont censées mouvoir les astres, mais sans savoir même qu’un tel dessein est humainemirréalisable. Si Avicenne est allé plus loin que le Stagirite dans la définition de l’Être premil le doit moins à la réflexion philosophique qu’à son éducation coranique. Aussi bien arguments que Duns Scot fait valoir contre les prétentions de la raison naturelle à connaîtrvraie fin de l’homme ne sont, de son propre aveu, que des “persuasions théologiques, allanchoses crues à chose crue” ( Prol., I, 2, texte nouveau de l’édition romaine). En effet, dans le“statut présent” de l’homme, rien d’“inhérent à sa nature” ne lui enseigne, de faç

“distincte”, l’existence d’une destinée suprasensible, moins encore que seul un don gracidu Dieu créateur et rédempteur rende les actes humains méritoires pour le salut. Pussent par hypothèse, discerner ce qui, en Dieu, procède de sa nature même, les philosophessauraient rien encore de ses libres décisions, comme ils ignorent que sa substance e“communicable à trois personnes” (et comme les Arabes qui interprètent philosophiquem

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leur “Loi”, ayant appris que la béatitude consiste dans la contemplation d’une réalité éterneassimilent cette réalité aux substances hypothétiques de la cosmologie aristotélicienne ptoléméenne, tenues pour nécessairement émanées et indestructibles).

Comparer, avec saint Thomas, la démarche philosophique concernant notre fin ultimla démonstration “physique” de la rotondité terrestre (démonstration à partir de la gravité,tendance des corps lourds à s’agglomérer régulièrement autour d’un point central) etdémarche théologique visant le même objet à la démonstration “astronomique” (laque beaucoup plus évidente et immédiate, renvoie à la figure géométrique que présente sur la Léclipsée l’ombre portée de la Terre), n’est-ce point suggérer que, puisque le physicien abodans ce domaine à une conclusion déjà sûre, celle de l’astronome serait superfétatoire et qde manière analogue, le philosophe n’aurait pas toujours besoin du secours théologique?

Mais, s’il est clair que, pour Duns Scot, la raison naturelle est impuissante à détermila vraie béatitude de l’homme, on peut se demander si, du moins dans le statut du péchédéfinition même de la métaphysique n’exige point un recours préalable à la foi (et, dans c perspective, les historiens thomistes, rapprochant le scotisme de l’ockhamisme, y dénonc parfois des tentations “fidéistes”). Averroès avait défini comme objet propre de métaphysique le moteur immobile de la première sphère; c’était la faire dépendre de physique, science inférieure du mouvement créé; Duns Scot préfère la thèse avicennienne voit dans la métaphysique la science de l’“étant”, capable de remonter jusqu’à l’Étant premsans recourir à des arguments tirés de la structure contingente d’un monde qui aurait pu ne être ( In Met.,VI, 4, 2). Il est vrai que, s’il n’avait eu indirectement quelque lumière de foAvicenne n’aurait pas discerné que l’objet propre de l’intellect humain se situe au-delà d“quiddité” d’une chose “sensible”. Mais le Docteur subtil ne nie pas pour autant que ce soune vérité proprement philosophique, et ses propres arguments, par exemple dans le De primo principio, reposent sur une analyse qui garde sa pleine valeur hors de toute référencscripturaire. Il tient seulement que, dans le “statut” présent, “notre” métaphysique re

nécessairement fort imparfaite, comme “notre” théologie, ordonnée à notre salut, ne mérited’être assimilée à un savoir proprement “spéculatif” (car “croire” que les bienheureux “voin’est aucunement “voir”, même de façon indirecte et subalternée). Et, si la théologie, dont principes et les conclusions sont toujours “pratiques” (Ord., prol., pars 5, qu. 1-2) et qui nenous révèle la vraie fin de l’homme quein particulari, est d’une importance première, même

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pour la métaphysique (à qui seule elle enseigne que Dieu est effectivement unens infinitum),la valeur spéculative de la métaphysique reste entière chez Scot, qui n’est à cet égaaucunement pragmatiste.

3. L’essence et l’existence

Mais cette métaphysique serait-elle “essentialiste” et privilégierait-elle la conceptiabstraite de l’étant indéterminé au détriment d’une saisie concrète de l’existant comme tInterprété dans des cadres strictement thomistes, le langage de Scot peut tromper, de mêqu’une exégèse “phénoménologique” de la visée “intentionnelle” comme structuindépendante à la fois de lares extra-mentale et de son propre contenu psychologique risquede faire méconnaître le réalisme foncier de la gnoséologie scotiste. S’il est vrai que la fame“distinction formelle” n’atteint ni des réalités physiquement séparables ni de purs “êtresraison”, elle a toujours son fondement dans la chose elle-même ( In Met., VII, 19, 15). C’est pourquoi l’existence ne s’ajoute pas du dehors à l’essence comme un attribut supplémentamais la saisie de l’étant ne serait d’emblée saisie de l’existant que si tout ce qui est étai priori nécessaire. La réalité même du contingent impose que la métaphysique soit d’abscience de l’“existible”; de ce qui n’est ni singulier ni universel, ni fini ni infini, ni parfaiimparfait, et qui, saisi dans sa pureté originaire, n’est pas une simple copule logique mairéalité commune à tout ce qui “est” (“en soi” ou “en autrui”) et à tout ce qui “peut” être.

cette réalité “intelligible”, qui n’est pas une idée platonicienne mais le substrat de tous “ transcendants ” (passions convertibles: un, vrai, bien; passions disjonctives: infini et finécessaire et contingent, etc.; perfections modales: sagesse, connaissance, volonté, etn’était pas “univoque”, tout discours serait “équivoque” et finalement inconsistant. C’ pourquoi Duns Scot réduit l’usage de l’“analogie” thomiste au niveau des modes; car, pocomme caractère foncier de l’étant comme tel, elle empêcherait toute stricte communaontologique entre l’infini et le fini, entre l’incréé et le créé, et interdirait, croit-il, tou

inférence valable concernant le premier Étant.Aussi bien les preuves de l’existence de Dieu prennent chez lui un caractère origina

ne se réduisent ni aux “voies” de saint Thomas ni à cet argument anselmien que Kqualifiera d’ontologique. Pour une métaphysique “en elle-même”, Dieu se démontrerai priori; dans sa condition présente, l’homme doit recourir non point aux créatures contingemais aux propriétés de l’être visées à travers elles. Au lieu de considérer avec saint Thoma

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présence effective de corps “mus” pour remonter au premier “moteur”, Scot envisage“muable” comme tel, et c’est d’une “aptitude effective” (bien autre chose qu’un simp“possible” de caractère logique) qu’il remonte (de “dépassé” en “dépassant”) jusqu’à l’ac productrice de l’Étant premier qui ne peut dépendre d’aucun autre; mais, bien que l’argumde saint Anselme puisse être alors d’une certaine façon incorporé à la démonstration, ils’agit pas de faire sortir magiquement l’existence de la pure essence, car le premier ens visé àtitre d’existible contenait déjà virtuellement référence à l’étant concret (mais au-delà de présence “mondaine” comme créature qui pourrait ne pas être). Le Dieu ainsi atteint premier dans l’ordre de la causalité et de la finalité, éternel et vivant, source de toute vérité De primo principio). Il lui manque ce que seule enseigne la théologie révélée: les libredécisions du Tout-Puissant et ce qui fait de lui plus qu’un étant, même premier (immens

omniprésence, justice, miséricorde, providence); et, si Duns Scot use largement subtilement) de ses concepts opératoires logico-ontologiques pour raisonner sur les donnéefoi, ce n’est pas au niveau de la métaphysique comme telle qu’il définit, à titre de théologila différence réelle des personnes dans la Trinité, le statut des “idées” divines et le rôfondamental de la Volonté justifiante ou réprobatrice, moins encore ses thèses célèbres l’Immaculée Conception et sur le motif de l’Incarnation (qui ne peut tenir principalement plui au fait contingent du péché, mais exprime l’exigence d’une élévation effective de la nahumaine au sommet de l’amour).

4. Intellect et volonté

La réflexion philosophique ne joue pas cependant le seul rôle d’une préparationaturelle à la foi (importante dans la mesure où Scot sépare soigneusement le “su” du “cruattache une importance primordiale à la vocation propre de l’intellect), ni même celui dsimple auxiliaire utile à l’exposition systématique des vérités révélées requises pour le saEn fait, même dans des perspectives laïcisées, le scotisme appartient à l’histoire de la pen

humaine de plusieurs manières, encore que le Docteur subtil n’ait traité qu’en passant (maifaçon souvent perspicace) des questions touchant le savoir scientifique ou la morale sociselon les exigences particulières de tel commentaire d’Aristote ou du Lombard. Il serdifficile ici d’insister sur sa doctrine des universaux, mais il faut souligner l’importance q joue chez lui l’activité constitutive de l’esprit. Que ce soit directement (intention premièreindirectement (intention seconde), l’intellect vise toujours un étant ou les relations forme

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de cet étant, par une “négociation” qui, par exemple, saisit d’un seul mouvement des réalsuccessives ou, par-delà l’indifférence foncière de l’être univoque à ses modalités, considère, soit dans sa singularité unique (que les successeurs de Scot qualifierod’“haeccéité”), soit dans sa forme spécifique ou générique. À cet effet, il n’a besoin d’auc“illumination” de type augustinien; mais (sauf dans le cas du miracle où Dieu se substitue chose), il n’agit, à titre de cause principale, que “synergiquement” avec ce que noappellerions en langage moderne la présence objective du connu, et qui est ici une causubordonnée; car l’esprit est supérieur en dignité, sinon toujours à la chose elle-même,moins à ce qu’il sait de cette chose. Ainsi la théorie scotiste de l’induction, tout en faisant u place remarquable à l’expérience (d’autant plus nécessaire que la liberté divine nous inteune déduction a priori des structures créées), évite l’écueil du simple empirisme probabil

en permettant le passage à ce qu’on nomme aujourd’hui la “loi” (ou relation constante) grau principe selon lequel “tout ce qui advient le plus souvent sous l’effet d’une cause non li(c’est-à-dire ici une cause seconde agissant selon l’ordre librement prédéterminé par Dieu)l’effet naturel de cette cause” (Ord., I; dist. 3, pars 1, qu. 4). Or ce principe même ne se trouve“quiescent dans l’âme” que parce que l’intellect, même soumis, dans son statut actuell’exigence de passer par la médiation du sensible, saisit de droit et dès l’abord la communaontologique entre tous les étants.

Un schéma analogue peut éclairer la relation entre le connaître et le vouloir, souvedéfigurée par des exposés superficiels et tendancieux. Il est certain que la liberté est, pScot, la plus “noble cause” parce qu’elle seule conduit à la jouissance d’un Dieu qui est avtout amour (et, sur un plan plus profane, Descartes, qui ne se réfère guère à la visi béatifique, sera bien dans la ligne scotiste lorsqu’il verra dans la volonté libre la véritamarque du Créateur sur la créature pensante). Qu’il s’agisse de Dieu ou de l’homme, DScot refuse assurément de sacrifier cette liberté à aucune “nécessité” qui s’imposerait d’emême à la décision comme la chute vers le bas s’impose, dans l’ancienne physique, aux co

lourds, ou même comme un Éros platonicien détermine la remontée des âmes vers leur lieunaturel. C’est librement que Dieu aime et veut; les bienheureux eux-mêmes ne jouissent dgrâce béatifiante que parce qu’ils ne cessent, instant après instant, de vouloir Dieu. L’ Agapè chrétienne est l’acte volontaire d’une créature capable de toujours refuser le don qui lui libéralement offert. Toutes ces décisions, humaines et divines, seraient-elles assez “arbitrai

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pour qu’on ose, avec des historiens qui n’ont guère lu les textes, les décrire comme dcaprices de “despote oriental”, comme les fantaisies gratuites nées d’une pure spontanéiToute l’œuvre du Docteur subtil s’inscrit en faux contre une telle interprétation.

Discutant les thèses qui semblent subordonner le vouloir au “fantasme”, à l’“objconnu” ou, dans une perspective thomiste, à la réflexion raisonnable sur la hiérarchie des fDuns Scot tient fermement qu’il n’est de vrai vouloir que si celui qui veut, à l’instant mêmeil veut, peut vouloir autrement; et c’est bien ce qu’il entend signifier lorsqu’il écrit: “Rd’autre que la volonté n’est cause totale de la volonté dans la volonté” (Op. ox., II, dist. 25,n. 20). Mais, si le vouloir comme tel est par définition irréductible à toute déterminatiextérieure, il s’insère néanmoins dans un acte entier où le libre arbitre, comme cau principale (et non plus totale), entre en synergie avec d’autres éléments. Interviennent,

effet, pour produire l’effet final, l’objet connu ou la représentation qu’en a le sujl’intellection de cet objet, l’intellect lui-même, c’est-à-dire tout ce qui permet la décision, s jamais la nécessiter. En d’autres termes, la connaissance du “bien” joue ici un r“présentatif”, non “directif” (Ord., prol., pars 5, n. 300). Mais jamais le vouloir, qui estd’ordre pratique, n’empiète sur le plan spéculatif, celui de la vérité qui s’imponécessairement à l’intellect (Quodl. XVI, 6).

5. Éthique, sociologie et politique

On s’est parfois mépris sur la morale scotiste en confondant certaines thèses dDocteur subtil avec les paradoxes “dialectiques” que les ockhamistes, un peu plus tafonderont sur la même distinction entre ce qui appartient à la “puissance absolue” de Dieuce qui relève seulement de sa “puissance ordonnée”. Ni pour Duns Scot ni pour Ockhamliberté du Tout-Puissant n’implique assurément que ses décisions puissent contrevenir principe de non-contradiction et que, par exemple, il nie sa propre essence en voulant le mni davantage qu’ayant prescrit un vrai bien il le déclare ensuite expressément mauvais. M

Ockham écrira que, pour nous, les choses prescrites ne sont bonnes que parce qu’elles scommandées; la formule de Scot est exactement inverse. Les nominalistes déclareront qdans une autre économie, également bonne puisque voulue par Dieu, il n’eût pas impossible que l’homme fût tenu d’adorer un âne (tout comme Descartes, sur un tout auterrain, celui des structures mathématiques, affirmera que Dieu aurait pu créer d’autres “idéternelles”). Pour Scot, les deux premiers commandements du Décalogue (soumission au D

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unique et interdiction de profaner son nom) répondent à des exigences absolues du “dnaturel” entendu stricto sensu,et le troisième (fixation du sabbat) l’est au moins en ceci qu’il prescrit un culte régulier (le jour de ce culte variant toutefois de l’Ancienne à la Nouvelle LLes sept autres commandements (ou “deuxième Table”), n’ayant pour objet que des relatientre créatures contingentes, auraient pu prendre d’autres formes et n’ont pas le mêmcaractère rigoureusement “indispensable”. Encore que cette doctrine soit traditionnelle (otrouve en termes très voisins dans le De praecepto et dispensationede saint Bernard), ellediffère sensiblement de celle de saint Thomas qui, plus proche ici du stoïcisme, réfère tol’“intention du Législateur” au même et unique “droit naturel”, nécessaire, universelimmuable. Pour le Docteur angélique, si les Hébreux ont pu dépouiller les Égyptiens (Ex., X

35), c’est qu’ils ne prenaient que leur bien légitime (Sum. theol.,Ia, IIae, qu. 100, art. 8).

Duns Scot refuse au contraire de situer dans le cadre rigide d’une même loi divine ddécisions qui, en toute hypothèse, se fussent imposées à moins que Dieu ne contredît à propre essence, et celles qui ne sont liées qu’à sa puissance “ordonnée” et comportent, conséquent, en vue d’un bien meilleur, de vraies “dispenses” (Op. ox., IV, dist. 33, qu. 1,n. 4).

Ce n’est pas à dire que l’interdiction du meurtre, du vol et de l’adultère soit une simpconvention arbitraire, née des caprices provisoires du Tout-Puissant, ou des hasards

l’histoire. Au sens “large” du terme, on peut parler d’un jus naturale non totalementirréformable, mais fondé sur la “nature” des choses créées. Sous la seule réserve que cchoses “auraient pu” être créées autrement et que les circonstances peuvent conduirquelques modifications dans le contenu concret des préceptes (passage de la polygamie monogamie, de la communauté des biens à la possession privée, etc.), les commandementsla deuxième Table sont en “consonance évidente” avec les “principes et conclusions” du dnaturel stricto sensu, encore qu’ils n’en découlent pas “nécessairement” (Op. ox., IV, dist. 26,qu. un., n. 7). Cette distinction subtile, mais non captieuse, éclaire les positions scotistes sumariage, la propriété, le pacte social, l’esclavage, la légitimité du profit commercial, etc.

Pour saint Thomas, famille et cité sont deux réalités foncièrement naturelles; elldépendent l’une et l’autre de la définition aristotélicienne de l’homme comme “anim politique”. Pour Duns Scot, la cité proprement dite est une institution tardive et contractuele mariage est primitif, mais ne dépend que d’une loi divine “positive” et contient, lui aussi

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libre contrat d’échange. Au paradis terrestre, la fécondité d’êtres immortels était un braisonnablement voulu, non une nécessité absolue; après la chute, l’union charnelle n’qu’une permission en vue d’un moindre mal. Il a fallu dès lors que Dieu promulguât unecapable de fournir quelque norme certaine à des instincts que le péché privait de touharmonie. Instituées pour assurer la survie du peuple élu, les lois anciennes présentaient dun caractère relatif (inceste primitif, épisode des filles de Loth, bigamie de Lamegénéralisation du concubinat au temps des Prophètes, tolérance mosaïque de la répudiatiDans la perspective même de l’échange des corps, celui du mari vaut plus que celui defemme, puisqu’il peut rendre mères plusieurs épouses; en “puissance absolue”, la polygaétait donc légitimable, même au paradis, mais, moins juste que la monogamie en ce concerne l’amitié conjugale et le rapport interpersonnel, elle n’a été permise que comme

moindre mal pour que crût le nombre des serviteurs de Dieu (Op. ox., IV, dist. 33, qu. 1, n. 2sq.). En cas de catastrophe, il n’est pas strictement impossible que Dieu l’autorise de nouvemais non la polyandrie, car, inutile en soi, elle contreviendrait doublement à la justice contrat matrimonial (ibid., n. 6).

Dans le statut d’innocence, à l’exception des femmes, qui sont des personnes et ndes choses (on voit la différence avec l’utopie platonicienne), les biens étaient communs; dle statut du péché, cette communauté n’est plus possible, pense Duns Scot, que dans le cad’une règle religieuse fondée sur les conseils évangéliques. Il a donc fallu procéder à d“partages” (comme celui des fils de Noé) pour assurer au mieux la participation de tous fruits du travail humain. C’est dire que le droit communautaire, pour juste qu’il fût, a dû ê“révoqué” après la faute, non pour faire place au pur désordre, mais au contraire pour éviteloi de la jungle. D’où l’importance d’une juste législation, mais adaptée aux conditions status iste.Le problème est de savoir qui a autorité pour définir sagement et prudemment contenu des lois. Dans des groupes restreints, celle du père de famille suffit. Lorsque la soc patriarcale s’étend et que des “étrangers” s’y agglomèrent, uneauctoritas politicadevient

indispensable. Tel que le décrit Duns Scot, le “ contrat social” a des aspects qui évoquenlibre soumission des Juifs à leurs premiers rois, mais d’autres traits dépassent le “pactesujétion” et font songer à l’alliance, en 1291, des trois premiers cantons suisses. Républicou monarchique, le pacte délègue à un seul ou à quelques-uns (et peut à la limite confier “communauté” entière) le soin de légiférer en faveur du bien public. Toute autorité légiti

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repose sur le consensus des citoyens, convergence réfléchie de libertés singulières.À propos de l’esclavage, Scot rappelle que les hommes “naissent naturellement libr

et que la mise en servitude des vaincus correspond à un “droit positif” barbare et despotiqumanifeste également son esprit “progressiste” lorsqu’il justifie le “transfert” des biens que possesseur ne met point en valeur dans l’intérêt commun; et son attention aux phénomèéconomiques de l’époque est évidente là où il loue ces hommes “industrieux” qui, se livrangrand commerce, méritent honneurs et bénéfices proportionnés aux risques courus et aservices rendus. La règle essentielle du “contrat de société” (moyen de plus en plus répandutourner l’interdit qui concerne le prêt à intérêt) reste pourtant qu’aucune partie ne soit assud’un gain fixe, alors que l’autre est exposée à un possible dommage. On voit que, même dle statut du péché, Duns Scot fait encore confiance à l’homme et à son travail ici-bas. C

aspect de son œuvre, trop négligé parfois, donne leur plein sens à sa théorie de l’intellopératif comme à sa théologie du libre amour.

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