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Ministère de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie www.developpement-durable.gouv.fr séi sme du 29 avril 1897 à la Guadeloupe L e Courrier de la Guadeloupe n’a pas pu paraître vendredi dernier parce que son imprimerie a été à moitié détruite par un tremblement de terre. » C’est en ces termes que le dit journal annonce, dans son édition du 4 mai 1897, sa reparution, priant ses lecteurs de bien vouloir l’excuser de ce « retard ». » Encore un tremblement de terre destructeur aux Antilles. Un de plus serait-on tenté de dire. Une cinquantaine d’années après la catastrophe du 8 février 1843 où un millier de personnes perdirent la vie, principale- ment à Pointe-à-Pitre, voici que s’annonce à la Guadeloupe une journée « noire », noire par le malheur, la ruine et le deuil : le jeudi 29 avril 1897. Ce jour-là, le temps est superbe et la tempé- rature très chaude. Tout le monde est à son travail. Subitement, à 10 h 20 du matin, une forte détonation comparable à celle d’un coup de canon accompagné d’un grondement sou- terrain est entendue par la population poin- toise. Ce bruit n’est pas encore atténué qu’une violente secousse ébranle le sol. Pendant une durée de dix à douze secondes, la terre se met à trembler, d’abord dans un mouvement de trépidation puis dans un mouvement d’os- cillation. On croit que c’est la fin de tout tant l’agitation apparaît furieuse : les maisons sont secouées « d’une façon vertigineuse et bondissent comme des êtres vivants ». Bien des années plus tard, une personne, alors enfant, se souvient : « Le 29 avril 1897, à 10 heures du matin, une terrible secousse de tremble- ment de terre causa de graves dégâts à la Guadeloupe et surtout à la Pointe-à-Pitre, où la plus grande partie des maisons de la ville s’effondrèrent. Nous étions, mes sœurs et moi, en visite chez une amie de ma mère. Je me souviens qu’assise devant une armoire à glace qui menaçait de m’écraser tant elle était ballotée, je me jetai à genoux, et demeurai là, immobile par terre sans oser bouger. Dès que ce fut possible, à travers les ruines qui encombraient les rues, nous rentrâmes à la maison où, dans une grande émotion, nous rejoignîmes mon père accourant lui aussi pour retrouver, Dieu merci, sains et saufs, ma mère chez nous. Les mois qui suivirent furent bien pénibles. La terre tremblait sans cesse. Il fallut se camper dans les étages inférieurs des maisons et vivre là dans l’angoisse d’une catastrophe. Dure épreuve pour des nerfs d’enfant. »

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Ministère de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie

www.developpement-durable.gouv.fr

séisme du 29 avril 1897 à la Guadeloupe

Le Courrier de la Guadeloupe n’a pas pu paraître vendredi dernier parce que son imprimerie a été à moitié détruite par un tremblement de terre. » C’est en ces termes que le dit journal annonce, dans son édition du 4 mai 1897, sa reparution, priant ses lecteurs de bien vouloir l’excuser de ce « retard ».

»

Encore un tremblement de terre destructeur aux Antilles. Un de plus serait-on tenté de dire. Une cinquantaine d’années après la catastrophe du 8 février 1843 où un millier de personnes perdirent la vie, principale-ment à Pointe-à-Pitre, voici que s’annonce à la Guadeloupe une journée « noire », noire par le malheur, la ruine et le deuil : le jeudi 29 avril 1897.

Ce jour-là, le temps est superbe et la tempé-rature très chaude. Tout le monde est à son travail. Subitement, à 10 h 20 du matin, une forte détonation comparable à celle d’un coup de canon accompagné d’un grondement sou-terrain est entendue par la population poin-toise. Ce bruit n’est pas encore atténué qu’une violente secousse ébranle le sol. Pendant une durée de dix à douze secondes, la terre se met à trembler, d’abord dans un mouvement de trépidation puis dans un mouvement d’os-cillation. On croit que c’est la fin de tout tant l’agitation apparaît furieuse : les maisons sont secouées « d’une façon vertigineuse et bondissent comme des êtres vivants ».

Bien des années plus tard, une personne, alors enfant, se souvient : « Le 29 avril 1897, à 10 heures du matin, une terrible secousse de tremble-ment de terre causa de graves dégâts à la Guadeloupe et surtout à la Pointe-à-Pitre, où la plus grande partie des maisons de la ville s’effondrèrent. Nous étions, mes sœurs et moi, en visite chez une amie de ma mère. Je me souviens qu’assise devant une armoire à glace qui menaçait de m’écraser tant elle était ballotée, je me jetai à genoux, et demeurai là, immobile par terre sans oser bouger. Dès que ce fut possible, à travers les ruines qui encombraient les rues, nous rentrâmes à la maison où, dans une grande émotion, nous rejoignîmes mon père accourant lui aussi pour retrouver, Dieu merci, sains et saufs, ma mère chez nous. Les mois qui suivirent furent bien pénibles. La terre tremblait sans cesse. Il fallut se camper dans les étages inférieurs des maisons et vivre là dans l’angoisse d’une catastrophe. Dure épreuve pour des nerfs d’enfant. »

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Le séisme de 1897 n’épargnera pas le phare du Gosier (carte postale du début du xx e siècle, avec l’aimable autorisation de Antanlontan-Antilles)

Des destructions, il y en eut. Particulièrement à Pointe-à-Pitre. Encore une fois, c’est la plus touchée. Un rapport de la commission ins-tituée par le gouverneur Morachini fait état de 6 morts et de 42 blessés.

Dans la ville, pas une habitation n’a échappé aux dommages. 19 maisons se sont effondrées et les pignons en maçonnerie de 150 autres se sont écroulés, écrasant dans leur chute les maisons voisines. Les murs sont tous lézardés, à tel point que nombre d’entre eux devront être détruits pour être rebâtis entièrement. Les édifices publics n’ont pas échappé à ce sort. L’église cathédrale a eu toute sa façade « déchiquetée », des pierres de taille s’en étant détachées et les murs de ses bas-côtés pré-sentent des fendillements tels que son accès y sera bientôt condamné.

À l’hôpital militaire, les cloisons en briques sont presque toutes renversées et tous les murs sont à reprendre. L’école de garçons, celle des filles, les bâtiments de la police municipale, de l’Hôtel-Dieu, de l’orpheli-nat, de la douane, les bâtiments du musée

Schœlcher et de la prison, tous ont sérieuse-ment souffert. Le dépôt d’huiles minérales, construit tout en briques avec une ossature métallique, s’est totalement effondré. Tout le système d’alimentation et de distribution d’eau de Pointe-à-Pitre est mis hors d’usage (aqueducs, conduites, réservoirs…).

Dans les rues, les bordures des trottoirs se sont descellées, tandis qu’au port de la Darse les quais se sont crevassés sur toute leur lon-gueur à une distance de 2 à 10 mètres du bord de l’eau.

À l’usine sucrière d’Arboussier, située à l’entrée du port, la corniche de la grande cheminée s’est en partie effondrée, tuant un cabrouetier (conducteur de charrette).

Nul doute. Pointe-à-Pitre concentre à elle seule les plus grands dommages, mais au-delà, diverses communes en attestent aussi.

À Petit-Bourg, la façade de l’église s’est déta-chée du corps principal et le clocher est fendu en deux : il faudra l’abattre. Le bâtiment de la mairie est lézardé ; il en est de même de la prison où les murs devront être reconstruits. Des conduites d’eau en fonte se sont fendues en plusieurs places.

Àux Abymes, à Baie-Mahault, à Goyave, à Deshaies, les églises ont toutes souffert et particulièrement celle de Capesterre ; dans cette dernière, les murs devront être abattus pour être rebâtis. À Bouillante, le presbytère en maçonnerie est à reconstruire entièrement.

Au Lamentin, la façade de l’église s’est déta-chée du corps principal… Divers dégâts sont aussi signalés aux ouvrages d’art.

À l’ilet du Gosier, la tour du phare, construite en moellons calcaires, est fendue sur toute sa circonférence.

À Marie-Galante, la culée du pont de Saint-Louis, ayant glissé sur sa base et fléchissant en aval, nécessite la remise à niveau du tablier.

Vers Lamentin, les culées du pont de la ravine Boucan ont été fendues, obligeant la recons-truction de l’ouvrage. Sur la commune de Pointe-Noire, les murs de culée des ponts de la rivière des Plaines et ceux de la rivière Caillou ont aussi été fendus. À Deshaies, la passerelle permettant la traversée de la rivière doit être réparée.

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Carte des intensités du séisme de la Guadeloupe du 29 avril 1897, d’après les données SisFrance-Antilles

29 avril 1897 : un léger tsunami entre dans le port de La Pointe-à-Pitre et inonde faiblement la place de la Victoire (carte postale du début du xx e siècle, avec l’aimable autorisation de Antanlontan-Antilles)

D’après les comptes de la commission d’en-quête destinée à évaluer les dommages subis, le chiffrage des pertes totales des biens publics et privés (meubles, immeubles et marchan-dises) s’élève à 5 438 468 francs.

En dehors de Pointe-à-Pitre, les communes pour lesquelles les particuliers ont subi le plus de pertes sont Petit-Bourg, Baie-Mahault, Les Abymes, Goyave, Capesterre, Deshaies, Lamentin et Sainte-Rose.

À plus grande distance, en direction du nord, la secousse est perçue dans les iles de St-Kitt’s, Antigua et Montserrat, mais sans dommages. Vers le sud, la secousse s’étend à La Domi-nique et se prolonge jusqu’en Martinique où « une série d’oscillations de durée assez longue mais de très faible intensité » est constatée à Saint-Pierre.

Du point de vue sismologique, le mouvement de propagation des ondes (vertical d’abord, puis horizontal ensuite à Pointe-à-Pitre), asso-cié à la répartition des intensités et à l’occur-rence de nombreuses répliques, milite pour la prise en compte d’un épicentre en mer, dans la baie du Petit Cul-de-Sac marin, à peu de distance, au sud-ouest de la ville. L’intensité à l’épicentre est supposée avoir atteint le degré Viii (échelle d’intensité MSK en xii degrés).

La magnitude du choc principal est estimée voisine de 5,6 (échelle de Richter en 9 degrés), la profondeur du foyer étant superficielle, aux environs de 5 kilomètres.

Un léger tsunami a d’ailleurs été observé à Pointe-à-Pitre. En effet, selon le journal La Vérité, « les eaux de la darse ont franchi le mur des quais, et se sont répandues dans l’extrémité sud de la place de la Victoire, sur une étendue de quelques mètres ».

Au cours du xix e siècle, la secousse du 29 avril 1897 à 10 h 20 constitue l’un des plus forts séismes ressentis à la Guadeloupe après celui du 8 février 1843.

Comme dans bien des séismes d’importance, de nombreuses répliques furent ensuite res-senties dans les heures et les jours qui suivi-rent. Un mois et demi plus tard, le Courrier de la Guadeloupe du 11 mai rapporte que « chaque jour et chaque nuit, de faibles secousses continuent de se faire ressentir ».

Effets sismiques Échelle d’intensité MSK

VIII : destructions nombreusesVII : dommages notablesVI : dommages mineursV : forts, sans dommagesIV : modérés

Épicentre

Ressenti (intensité non précisée)

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