DOSSIER PÉDAGOGIQUEstatic.apidae-tourisme.com/filestore/objets-touristiques/documents/1… · 3 ET...

Une exposition imaginée par le FRAC Auvergne pour le Musée Mobile.

Avec les œuvres d’Adam Adach, Marc Bauer, Abdelkader Benchamma, Roland Flexner, Geert Goiris, Eberhard Havekost, Seamus Murphy, Zineb

Sedira et Simon Willems, issues de la collection du FRAC Auvergne.

Ce dossier a été réalisé en collaboration avec Sandrine Cormault, historienne d'art, spécialisée en art moderne et contemporain, médiation jeune public.

DOSSIER PÉDAGOGIQUE

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ET ILS RÊVENT, LE NEZ EN L'AIR, DE BRILLANTS PARADIS...Dossier pédagogique sur les œuvres

Initié en 2011, le MuMo est un musée mobile d’art contemporain destiné à aller à la rencontre des enfants. En 2017, sa fondatrice Ingrid Brochard et la designer matali crasset ont imaginé un nouveau musée itinérant. Le MuMo 2 arpente les zones rurales et périurbaines avec une exposition du Frac (Fonds régional d’art contemporain) rattaché à chaque territoire traversé. Le musée mobile est un lieu curieux et généreux, ouvert à tous, pour le partage du sensible.

De février à avril 2019, le MuMo 2 fera une quinzaine d’étapes en Auvergne-Rhône-Alpes, dans les départements du Cantal et de la Haute-Loire, et ira à la rencontre des publics scolaires, extrascolaires et des habitants en proposant formations, ateliers, visites et rencontres autour de l’exposition « Et ils rêvent, le nez en l’air, de brillants paradis… » .

www.musee-mobile.fr

Une exposition imaginée par le FRAC Auvergne pour le Musée Mobile.

Par ces quelques mots empruntés au poème « Le Voyage » de Charles Baudelaire, le FRAC Auvergne souhaite inviter les jeunes visiteurs de cette exposition à se laisser surprendre par leur imaginaire, à se laisser aller à la rêverie, à la promesse d'un ailleurs, au fantasme d'un voyage vers des terres inconnues... Pour quelques instants, plus rien ne semble impossible, l'horizon s'élargit pour nous porter au-dessus des nuages, nous entraîner dans une expédition folle et retrouver une maison-capsule échouée au milieu d'une forêt finlandaise, nous conduire devant l'immensité de paysages situés à l'autre bout du monde, nous transporter au cœur d'une nouvelle planète... Embarqués à bord du MuMo, les enfants partent à la découverte de ces territoires inattendus à travers les récits de voyage des artistes et plongent vers un imaginaire fantastique qui réactive toute l'imagerie de science-fiction, de la conquête de l'espace aux voyages exploratoires. Un imaginaire qui, à n'en pas douter, se retrouvera stimulé par le contexte exceptionnel de cette exposition. Premiers pas vers l'art pour certains ou nouvelle étape pour d'autres, gageons que la vision du Musée Mobile se déployant au petit matin sur la place du village ou dans la cour de l'école restera longtemps gravée dans les esprits et continuera d'émerveiller petits et grands bien après son départ sur de nouvelles routes auvergnates...

www.frac-auvergne.fr

Le MuMo 2 présente

Et ils rêvent, le nez en l’air, de brillants paradis... FRAC Auvergne

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Adam Adach, Granica, 2003. 4

Marc Bauer, Sans titre (Storyboard The Architect), 2012. 6

Abdelkader Benchamma, Random, 2008-2014. 8

Roland Flexner, Sans titre #17, 2000. Sans titre #48, 2000. 10

Geert Goiris, Futuro, 2002. 12

Eberhard Havekost, Eingang (5) Bo8, 2008. 14

Marc Bauer, The Astronaut, 2013. 16

Seamus Murphy, PJ Harvey,

Panjshir Valley, Afghanistan, December 2012. 18

Zineb Sedira, The Death of a Journey 5, 2008. 20

Simon Willems, Airhead 1, 2002. 22

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Adam Adach, Granica, 2003. Huile sur médium. Dimensions : 150 x 160 cm.

© Collection du FRAC Auvergne, Clermont-Ferrand. Acquisition en 2005.

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Adam ADACHGranica, 2003Huile sur médium, 150 x 160 cm. Collection du FRAC Auvergne, Clermont-Ferrand. Dépôt du Centre national des arts plastiques. Acquisition en 2005.

Vertige enneigé

D’abord, on pense voir une peinture totalement abstraite, faite d’aplats denses gris bleutés et noirs. Puis, en s’approchant, se distinguent les cimes d’une montagne et, à ses pieds, de minuscules silhouettes perdues dans un immense manteau neigeux. Elles semblent au début de leur ascension, partant du bord d’une large étendue d’eau glacée. On est soudain pris de vertige devant ces pans colorés qui s’animent : nos repères sont littéralement écrasés par l’imposante nature. Granica en polonais signifie ligne, limite, frontière. C’est justement ce détail qui fait surgir la réalité du paysage et permet au spectateur d’imaginer une possible narration. Cette œuvre possède un pendant quasi identique, Góra (signifiant montagne) conservé également dans les collections du FRAC Alsace.

Ce diptyque a été inspiré par un voyage en Alaska au cours duquel l’artiste fit l’expérience, dans une grotte glaciaire, d’une lumière extrême et inconnue. Il tenta de rendre cette lumière palpable dans sa peinture par ces champs de neige au ton vert turquoise. De façon similaire dans A Boat - beneath a sunny sky (2017), l’artiste dissimule les silhouettes de naufragés et leurs embarcations dans le camaïeu bleu des vagues. Granica et Góra montrent les deux versants d’une montagne majestueuse, silencieuse. Cette monumentalité n’est pas sans rappeler les paysages de l’art romantique allemand, notamment ceux de Caspar David Friedrich (1774-1840).

Les cadrages de la photographie moderne l’inspirent aussi, comme la ligne d’horizon très basse ou une vue en contre-plongée. Ces effets sont également présents dans les films majeurs du début du cinéma, comme ceux de Serguei Eisenstein (cinéaste russe, 1898-1948). En transposant ces images en peinture, Adam Adach simplifie le sujet et exagère le point de vue originel. Il provoque ainsi une mise à distance nette avec le spectateur, là où l’abstraction prend le pas sur la figuration.

Transposition mémorielle

Adam Adach pratique avant tout la peinture mais son œuvre se décline aussi en dessins, installations, vidéos et photographies. Il s’inspire souvent d’objets du quotidien, d’espaces liés à des souvenirs familiaux, voire à des faits historiques (La Danse des veuves à Yalta, 2014). Il évoque souvent la petite ville où il a grandi, près de Varsovie et qui a été fortement marquée par la Deuxième Guerre mondiale : la moitié des habitants étaient des soldats et les baraquements militaires ressemblaient à ces cités construites plus tard dans les nations de l’ex-URSS. Dans Sans titre - Treblinka (2004), il tente de parler de la Shoah en présentant le plan reconstitué du camp disparu.

A cette peinture est adjointe une installation vidéo dans laquelle il restitue le témoignage de survivants juifs cachés par des paysans polonais. En gommant ce qui pourrait être rattaché à son vécu personnel, il fait de son œuvre le support d’une mémoire collective et universelle.

Mots-clés

figuration, abstraction, cadrage, aplat, camaïeu, paysage, immensité, vertige, illusion, mémoire

Galaxie d’artistes

Arts plastiques : C. D. Friedrich, La Mer de glace (1824). Claude Monet, La Pie (1869). Zao Wou-Ki, Hommage à Claude Monet (1991). Peter Doig, Blotter et Ski Jacket (1996). Xavier Zimmermann, série Paysage ordinaire (2006). Darren Almond, série Night+Fog, Monchegorsk (2007). Silke Otto-Knapp, Seascape (View from Round Head, 2013). Enrique Ramirez, Pacifico (vidéo, 2014).

Littérature, Cinéma : Serguei Eisenstein, La Grève (1924). Ernest Hemingway, Le vieil Homme et la mer (1952). Luc Besson, Le Grand Bleu (1988). Cécile Aubry, scénario de la série TV Belle et Sébastien (à partir de 1965) et son adaptation au cinéma par Nicolas Vanier (2013). Baltasar Kormakur, Everest (2015).

Biographie

Adam Adach est né en 1962 en Pologne, dans une petite ville près de Varsovie. Polyglotte (il parle polonais, allemand, russe, français et anglais), il a d’abord fait des études de vétérinaire durant les années 1980 en Pologne, où il participe à la révolte des étudiants contre le régime communiste. Diplômé en 1989, il part en France pour débuter des études artistiques à l’École des Beaux-arts de Lyon et puis à l’Énsba de Paris, dont il est diplômé en 1995. Adam Adach vit et travaille de nos jours entre Paris, Varsovie et Lisbonne. Très productif, il a participé à plus d’une centaine d’expositions depuis 1995 dans des institutions culturelles majeures telles que le Centre Pompidou-Paris, le MAC-VAL, le musée national Marc Chagall, la Kunsthalle de Munich, le Musée national de Varsovie, le Centre d’art contemporain de Malaga (Espagne), le Musée national de Kiev (Ukraine) et le musée d'Art de Hyogo à Kobe (Japon). Ses œuvres sont présentes dans les collections des FRAC Auvergne, Ile-de-France, Alsace et Franche-Comté ; le Musée national d’Art moderne - Centre Pompidou, le musée des Beaux-arts de Dole, la Fondation Colas (Paris) et l’Akzo Nobel Art Foundation à Arnhem (Pays-Bas).

Il est représenté en France par la galerie Jean Brolly à Paris. http ://adamadach.com

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Marc Bauer, Sans titre (Storyboard The Architect), 2012.Dessin sur papier. Dimensions : 4 x (23 x 32 cm).


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Marc BAUERSans titre (Storyboard The Architect), 2012Dessin sur papier, 4 x (23 x 32 cm). Collection du FRAC Auvergne, Clermont-Ferrand. Acquisition en 2013.

Heart of Darkness *1

Observée sous divers angles dans ces quatre dessins, la montagne apparaît vide et monumentale. Ses cimes nues, à peine grisées par endroits, contrastent de manière brutale avec les conifères, chargés en fusain, formant une foule éparse, silencieuse. Aucune action n’est perceptible mais ce décor semble porteur d’une narration à venir. Ces dessins sont issus du storyboard* du film d’animation de Marc Bauer, L’Architecte (2013).

Ce projet vidéo regroupe un ensemble d’œuvres que l’artiste a produites sur une décennie. Marc Bauer y décline ses paysages sombres et des personnages fictifs, s’inspirant du cinéma expressionniste* allemand et de l’Histoire du XXe siècle. L’action se situe dans l’Allemagne de l’entre-deux guerres : un jeune garçon assiste à Berlin à la première projection du film Nosferatu de Murnau et au moment où apparaît le vampire à l’écran, il est saisi de terreur. Durant quelques secondes il a une hallucination : il voit la montée du nazisme, l’éclatement puis les conséquences tragiques de la Seconde Guerre mondiale. « Très souvent, le point de départ de mon travail est la mémoire : que ce soit des souvenirs personnels […] ou des photographies de mon grand-père faites pendant [la guerre]. Je prends des événements, je les remets en ordre. » *2 Par des jeux de juxtaposition visuelle, Marc Bauer fait se rejoindre fiction, réalité historique et ses propres souvenirs de famille. Pour amplifier cette confusion, le film est projeté accompagné d’un concert, création sonore du groupe rock Kafka.

Réécrire l’histoire

« (…) Le dessin étant un médium assez lent, on a le temps. Ce n’est pas seulement le moyen de production d’une image mais aussi un moyen de pensée, de prendre du recul. »*2

Bauer souligne ici l’importance donnée à la réflexion dans sa création. Ses dessins, vignettes de storyboard* ou grands formats, ont pour mission de réactiver notre conscience. La grande Histoire influe sur nos vies personnelles et notre mémoire collective ; mais elle ne nous donne souvent qu’une version des choses. « L’Histoire devient juste une réinterprétation d’événements qui les inscrit dans une cohérence. C’est un artefact et non quelque chose d’objectif. […] Qu’il s’agisse d’une histoire personnelle ou de l’Histoire, c’est une réécriture. Ce n’est donc qu’une question de point de vue, tout comme la morale. »*3 Dans ses dessins mis en mouvement à l’écran, les visages et les corps sont floutés : on peut y voir l’effet de l’oubli d’événements qu’on pensait ineffaçables. L’Histoire hélas se répète : on décèle là une résonance toute particulière, en ces temps de repli sur soi et de la montée en Europe des nationalismes…

*2 Citations de l’artiste, issue d’une vidéo produite lors de l’exposition Cinérama, FRAC

Auvergne, 2014.

*3 Extrait du catalogue Overthrowing the King in His Own Mind, Kunstmuseum

Solothurn, 2004, pp. 106-107.

Lexique

*Cinéma expressionniste : l’expressionnisme est un terme

utilisé d’abord en peinture pour définir la production d’artistes européens de la fin du XIXe à la première décennie du XXe siècle. Il s’incarne dans deux mouvements allemands d’avant-garde : Die Brücke (le Pont) et Die Blaue Reiter (le Cavalier bleu). Le premier est né en 1905 à Dresde, le second en 1911 à Munich. Leur caractéristique principale est la déformation des lignes et des couleurs au profit de l’affirmation exacerbée des sentiments de l’artiste. On la retrouve ensuite dans les films allemands produits entre 1919 et 1930 : les décors sont anguleux et inquiétants ; les clair-obscur fortement accentués, l’expression des acteurs exagérée. La technique se met au service d’une esthétique manichéenne. Tous ces éléments sont présents dans le film précurseur de Robert Wiene, Le Cabinet du docteur Caligari (1919).

* Storyboard : document papier ou informatique, utilisé au cinéma lors de la pré-production, afin de planifier les besoins de l'ensemble des plans qui constitueront le film. Il rassemble les éléments techniques (cadrages, mouvements de caméra, effets spéciaux) et artistiques (décors construits, décors virtuels). Sa mise en page ressemble à celle d'une bande dessinée dont chaque vignette représente un plan, décrit parfois en plusieurs dessins. La création du storyboard est attribuée au cinéaste français Georges Méliès (1861-1938).

Mots-clés

fusain, contraste, manichéen, montage, vision, hallucination, histoire, mémoire, obsession


Arts plastiques : Arnold Böcklin, L’Ile des morts (1886). Edvard Munch, La Puberté (1895). Enrich Heckel, Affiche de la première exposition Die Brücke (1910). Egon Schiele, Autoportrait (1912). Charlotte Salomon, série Leben oder Theater? (1940-42). Gerhard Richter, Uncle Rudi (1965). William Kentridge, History of the Main Complaint (dessins et film animé, 1996). Marlene Dumas, Name no Names (2001). Quentin Spohn, Sans titre (2013-2017). Maxime Duveau, Warnall Ave+1305 N Flores St (2017).

Littérature : Edgar Allan Poe, The Fall of the House of Usher (1839). Guy de Maupassant, Le Horla (1886). Joseph Conrad, Au cœur des ténèbres*1 (1899). Franz Kafka, La Métamorphose (1915).

Cinéma, vidéo : Robert Wiene, Le Cabinet du Docteur Caligari (1919). Friedrich Wilhelm Murnau, Nosferatu le vampire (1922) ; Faust, une légende allemande (1926). Jean Eptein, La Chute de la maison Usher (1928). Amazing Studio, Heart of Darkness (jeu vidéo, 1998).

Musique : Kafka, The Architect (2012, www.kafka-instrumental.fr/)

Biographie

Marc Bauer est né en 1975 à Genève (Suisse), il vit et travaille à Berlin. Il s’est formé à l’École Supérieure d’Art Visuel de Genève (1995-1999) puis à la Rijksakademie (Amsterdam, 2002-2004). Il est aujourd’hui enseignant en dessin et peinture à l’Université des Arts de Zürich. Depuis les années 2000, il a été exposé dans des institutions majeures internationales, telles que le FRAC Auvergne, le MAMCO (Genève), le Stedelijk Museum (Amsterdam), la Kunsthaus de Zürich, le MAC de Santiago du Chili ou encore le Museum of Contemporary Art de Sydney (Australie). Ses œuvres sont entre autres présentes dans les collections des FRAC Auvergne, Frac PACA, Frac Alsace, du Centre Pompidou (Paris), du Nouveau Musée National de Monaco, du Museum Folkwang d’Essen (All.) Kunstmuseum de Saint-Gall (Suisse) et de la Kunsthaus de Zürich. www.marcbauer.net

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Abdelkader Benchamma, Random, 2008-2014.Encre sur papier. Dimensions : 6 x (40 x 30 cm).


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Abdelkader BENCHAMMARandom, 2008-2014Encre sur papier, 6 x (40 x 30 cm). Collection du FRAC Auvergne, Clermont-Ferrand. Acquisition en 2009.

Bouillonnement cosmique

Pluie de météorites, explosion de matière, geysers de feu, prolifération d’une nouvelle espèce… Les six dessins d’Abdelkader Benchamma exposés ici sont issus d’un projet ambitieux qui a nécessité six ans de production et réuni 300 dessins publiés depuis en un livre, Random. Ils ont été exposés pour la première fois au FRAC Auvergne en 2015. Dans un graphisme proche de la bande dessinée, ils illustrent la naissance d’un univers similaire au Big Bang originel, tel qu’il fut théorisé par les astrophysiciens depuis la fin des années 1920.

Chaque dessin possède toutes les nuances de l’encre : les traits fins matérialisent la vitesse des météorites et le magma en fusion ; les plages chargées de matière incarnent l’infini du ciel étoilé et la révolution des trous noirs ; les hachures denses et serrées précisent les contours d’une nature en pleine expansion.

Abdelkader Benchamma produit des petits formats comme des œuvres de taille monumentale. Sa narration se déroule souvent sous l’aspect d’un wall drawing (dessin mural) : les espaces, saturés de noirs et blancs, nous immergent physiquement et mentalement dans une histoire énigmatique, sans début ni fin imposés. Random signifie en effet fortuit, aléatoire : ce titre fait aussi référence au terme informatique random access memory, littéralement mémoire d’accès aléatoire ou mémoire vive. Il n’existe donc pas qu’un seul enchaînement des images mais au contraire de multiples combinaisons possibles. L’artiste explique sa démarche : « Le dessin est ce qui me permet de décrire parfaitement mon univers mais j’ai besoin que mon dessin se transforme. (…) J’ai choisi de me confronter (…) au récit, de m’emparer du médium qu’est la bande dessinée avec mon dessin, en œuvrant dans le sens du storyboard, du livre d’artiste (…). La trame est construite autour de réactions en chaîne d’une planète agissant comme un personnage à part entière. » (extrait d’interview, Art Absolument, mars 2015).

Beauté métaphysique

A travers ses paysages souvent abstraits, Abdelkader questionne nos origines métaphysiques : nous, mortels, sommes issus de cette matière stellaire, comme l’illustre bien le dessin n°4. Le projet du livre Random lui-même incarne cette idée de création originelle : les dessins, produits au départ sans lien apparent, forment ensemble un nouveau récit, imprimé en images. L’artiste prend comme point de départ de sa réflexion les recherches de Georges Lemaître (1894-1966), prêtre et astrophysicien belge qui fut le premier à avoir l’intuition que l’univers est infini et en expansion. La lecture de ses dessins réactive ainsi les légendes, romans d’anticipation et théories scientifiques sur la cosmologie : la mythologie grecque, l’Ancien Testament ; l’héliocentrisme de Copernic (1473-1543), défendu et poursuivi par Galilée (1564-1642) ; la Loi de la gravitation, dite relativité générale établie en 1915 par Einstein (1879-1955) ; la démonstration de l’expansion des galaxies par E. Hubble et G. Lemaître (1929) jusqu’aux écrits de Stephen Hawking (1942-2018) sur les trous noirs. Le cinéma contemporain a produit en parallèle des fantasmagories d’une beauté parfois prémonitoire : de 2001, l’Odyssée de l’espace de Kubrick (1968), à Solaris de Tarkovski (1972) jusqu’à Interstellar de Christopher Nolan (2014).

Lexique

Big Bang : grosse explosion qui serait à l’origine de la naissance de l’Univers.

Cosmologie : branche de l'astrophysique qui étudie l'origine, la nature, la structure et l'évolution de l'univers.

Geyser : jet d’eau ou de vapeur qui jaillit parfois de la terre.

Héliocentrisme : théorie selon laquelle la Terre tourne autour du Soleil, supposé alors au centre de l'univers.

Météorite : roche qui se trouve dans l’espace et qui percute parfois les planètes.

Trou noir : objet céleste si compact que l'intensité de son champ gravitationnel empêche toute forme de matière ou de rayonnement de s’en échapper. Un tel objet, qui ne peut ni émettre ni diffuser la lumière, est donc noir, ce qui en astronomie revient à dire qu'il est invisible.

Mots-clés

univers, genèse, expansion, storyboard, matrice, recherche, inconnu, hasard, métaphysique


Arts plastiques : Berenice Abbott, Photographies scientifiques (1939-1960). Zao Wou-Ki, Sans titre (1983). Roland Flexner, Sans titre (2000). Marc Bauer, The Astronaut (film d’animation, 2013). Chourouk Hriech, série Des pierres et des racines (2015). Fabienne Verdier, Rythmscape (2015). Quentin Spohn, Sans titre (2016). Maxime Duveau, Echo Park Palms (2017).

Littérature & science : Hésiode, Théogonie (VIIIe siècle av. J.-C.). Aldous Huxley, Le Meilleur des Mondes (1931). Georges Lemaître, L’Univers en expansion (1933). J.G. Ballard, Le Monde englouti (1962). Stephen Hawking, Une brève histoire du temps : Du big bang aux trous noirs (1988). Maxime Duveau, RingoleV.io Cosmique (fiction, 2018).

Films, clips vidéo : Stanley Kubrick, 2001, L’Odyssée de l’espace (1968). Andreï Tarkovski, Solaris (1972). Lars von Trier, Melancholia (2011). Alfonso Cuaron, Gravity (2013). Christopher Nolan, Interstellar (2014). Christophe Acker & Frédéric Alenda, clip vidéo d’Immortels, interprétée par Alain Bashung (2018).

Biographie

Abdelkader Benchamma est né en 1975 à Mazamet (Tarn, France), il vit et travaille entre Montpellier et Paris. Diplômé de l’École nationale supérieure des Beaux-arts de Paris (2003), il expose depuis les années 2000 en galeries (Paris, Berlin, Milan, Hong Kong, Dubaï) et dans des institutions culturelles majeures comme le Collège des Bernardins et le 104 (Paris), le Carré Saint-Anne (Montpellier), le FRAC Auvergne (Clermont-Ferrand) et le Mathaf, Arab Museum of Modern Art de Doha (Qatar). Il a participé à la 54e Biennale de Venise (2011). Ses œuvres font partie des collections du FRAC Auvergne, du Frac Languedoc-Roussillon et de l’Artothèque de Pessac ; de collections privées telles que les collections Farjam et Farook de Dubaï, la Barjeel Foundation à Sharjah (Émirats arabes unis) et le Mathaf de Doha (Qatar). Il a déjà publié deux livres d’artiste : Vitamin D2 : New Perspectives in Drawing (Phaïdon Publications, 2013) et Random (coédition FRAC Auvergne, galerie Agnès b. et L’Association, 2015). Il est représenté par la Galerie du Jour agnès.b à Paris : www.galeriedujour.com

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Roland Flexner, Sans titre #17, 2000. Sans titre #48, 2000.

Encre et savon sur papier. Dimensions : 2 x (30 x 27,5 cm). © Collection du FRAC Auvergne, Clermont-Ferrand. Acquisition en 2009.

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Roland FLEXNERSans titre #17, Sans titre #48, 2000Encre et savon sur papier, 2 x (30 x 27,5 cm). Collection du FRAC Auvergne, Clermont-Ferrand. Acquisition en 2009.

Cosmogonie de l’éphémère

Chacun des deux dessins exposés est une énigme pour celui/celle qui le regarde : de taille relativement petite, le support papier présente en son centre un cercle parfait dont l’intérieur n’est jamais identique, ni dans sa forme, ni dans ses tonalités de blanc, gris et noir. Quand l’œil persiste un peu, il voit apparaître tout un monde fait de vallées, de montagnes et de rivières. Ces mondes imaginaires évoquent la coupe transversale d’un papier à cigarette, la dissection d’un organe, le forage de la croûte terrestre. Après cette courte rêverie, l’esprit se heurte à deux questions : comment Roland Flexner réussit-il à contenir des paysages si complexes dans des espaces si minuscules ? Techniquement s’agit-il d’un dessin, d’une gravure ou d’une photographie ?

Souffle d’encre

Chaque œuvre est produite à partir d’un mélange précis d’encre, d’eau et de savon, inspiré de techniques picturales anciennes d’Extrême-Orient. Pour créer ses paysages étonnants, l’artiste n’utilise pas des outils ordinaires : il travaille avec son souffle qu’il instille à travers le corps de pinceaux évidés. Il forme tout d’abord la bulle en soufflant dans le tube puis la dépose sur le papier. Il observe ce qui se passe à l’intérieur. Quand les coulures obtenues lui plaisent, il ne souffle plus et laisse la bulle éclater sur le support qu’il a préalablement recouvert d’une mince pellicule d’argile. Cette technique nécessite une grande concentration et beaucoup de délicatesse pour réussir à doser le débit d’air sur ce mélange fragile et instable. Car l’encre et le savon sont des substances non miscibles, d’où ces jeux de transparence et de camaïeux obtenus du blanc jusqu’au noir.

Chaque œuvre est le fruit d’une expérimentation unique associant contrainte et hasard. À aucun moment le pinceau évidé ou la main de l’artiste ne touche le papier. Son acte peut ainsi être défini comme un geste vocal, où le souffle et ses vibrations sont directement liés à la création. On observe une technique similaire dans sa série réalisée à partir d’encre Sumi sur papier blanc (ex. Sans titre - SN 19, 2006). Au-delà de la curiosité suscitée, ces paysages sphériques, abstraits émergent tels des microsomes sublimes, des miroirs reflétant mille et un autoportraits de Roland Flexner, sorte d’alter ego profondément étranges, chaque fois différents car enregistrant l’humeur quotidienne comme l’élan vital, intrinsèque de l’artiste.

« Ces incroyables cartographies, où se mêlent la fascination d’une découverte quasi magique et l’étonnement de trouver dans les vestiges de formes détruites au moment même où elles se révèlent une suspension du temps, déclenchent un sentiment de merveilleux. » (Jean-Charles Vergne, notice du FRAC Auvergne).

Mots-clés

cercle, cellule, organique, paysage, géologie, minéralogie, coulure, souffle, maîtrise, aléatoire


Arts plastiques : Parmigianino, Autoportrait dans un miroir convexe (1524). Dessins à l’encre et lavis de Victor Hugo, Château dans les arbres (1850) et Ma Destinée (1867). Max Ernst, Fleurs de coquillages (1929), La Dernière Forêt (1960) et Maximiliana ou l’Exercice illégal de l'astronomie (1964, ouvrage illustré). Moholy-Nagy Laszlo, Max Ernst walking through war, Denton (1942, photographie). Brassaï, Graffiti, série Images primitives (1935-1950). Valérie Favre, Balls and tunnels (1996). Gao Xingjian, Enlightenment (2000). Simon Willems, Airhead 1 (2002). Gabriele Chiari, Sans titre (2009). Yayoi Kusama, Aftermath of Obliteration of Eternity (2009). Jean-Luc Verna, Silver Paramor (2011). Joana Hadjithomas & Khalil Joreige, Unconformities (2017, installation vidéo).

Biographie

Roland Flexner est né à Nice en 1944, il vit et travaille à New York (États-Unis). Il présente son travail depuis le milieu des années 1970 : il a entre autres participé à l’une des expositions inaugurales du Centre Pompidou à Paris, A Propos de Nice (1977). Depuis il a exposé dans les plus grandes institutions internationales : la Maison Rouge (Paris), le MAMC de Strasbourg, les FRAC Auvergne et Frac Picardie, le Centre Pompidou-Metz, l’IAC de Villeurbanne ; la Royal Academy of Arts de Londres, le Whitney Museum of American Art (New York), l’Andy Warhol Museum (Pittsburgh), le National Museum of Modern Art de Tokyo et le musée d’art contemporain de Shanghai. Ses œuvres sont présentes dans des collections publiques majeures telles que les FRAC Auvergne, Frac Picardie et Frac Corse, le FNAC (Paris), le MAMAC (Nice), la Fondation François Pinault (Venise/Paris), la Bibliothèque Nationale de France, le Metropolitan Museum of Art (New York) et le Musée d’Art Contemporain de Porto (Portugal). http ://rolandflexner.com

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Geert Goiris, Futuro, 2002. Épreuve Lambda contrecollée sur Dibond. Dimensions : 98,3 x 125,2 cm.

© Collection du FRAC Auvergne, Clermont-Ferrand. Dépôt du Centre national des arts plastiques. Acquisition en 2014.

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Geert GOIRISFuturo, 2002Épreuve Lambda contrecollée sur Dibond, 98,3 x 125,2 cm. Collection du FRAC Auvergne, Clermont-Ferrand. Dépôt du Centre national des arts plastiques. Acquisition en 2014.

OVNI en vue !

Au beau milieu d’une forêt enneigée, se dessine la silhouette d’un étrange vaisseau jaune. Il paraît vétuste, abandonné. Il évoque une soucoupe volante dotée de larges hublots. Sommes-nous face à un rescapé d’une invasion extraterrestre ? Ou bien sur le tournage d’un film de science-fiction ? L’artiste explique : « Quand j’avais environ neuf ou dix ans, j’ai vu une image de ce pavillon dans un magazine. En 1999, j’ai vu la même photographie dans un livre. (…) Alors, je suis parti en expédition en Finlande avec l’intention de le retrouver. Il était installé, caché, quelque part dans une forêt, et après que de nombreuses personnes nous aient chacune donné des indications pour nous aider à trouver la bonne direction, nous avons atteint le pavillon une demi-heure avant la tombée de la nuit. » *

Architecture utopiste*

Il s’agit de la maison Futuro, conçue en 1968 par l’architecte finlandais Matti Suuronen (1933-2013). Ce pavillon-capsule s’inscrit dans le mouvement futuriste qui se développa en architecture à partir des années 1960. La conquête spatiale inspire de multiples fantasmes et créations visionnaires. Les architectes imaginèrent comment nous pourrions vivre dans ces contrées encore inexplorées de l’univers. La maison Futuro illustre aussi un concept énoncé par Le Corbusier dès les années 1920, considérant la maison comme une « machine à habiter », c’est-à-dire mobile, modulable. Ce qui explique qu’on puisse la retrouver ici, en pleine forêt.

Ce module, fabriqué en plastique polyester, est similaire aux piscines Tournesol : dans les années 1970-1980, ont fleuri en France près de 200 piscines en forme d’OVNI. Elles sont l’œuvre de l’architecte Bernard Schoeller ; on leur a depuis attribué le label « Patrimoine du 20e siècle ». Certaines sont encore en état de fonctionnement, comme la piscine de La Mulatière, près de Lyon.

Dans ses photographies, réalisées au quatre coins du monde (Chili, Mongolie, Antarctique, etc.), Geert Goiris exprime sa fascination pour ces sanctuaires d’un monde idéal révolu (Eugenes neighbourhood, 2002). Ses images peuvent aussi être perçues comme un plaidoyer pour la nature, maltraitée puis délaissée par l’homme (Eologist Place, 2006). Dans l’immensité, il distingue un élément pour son étrangeté, comme ce cactus desséché (CCTS, 2009) ou ce kangourou albinos (Albino, 2003). Travaillant exclusivement à la chambre, ses clichés sont le résultat d’un temps de pose très long, cristallisant ainsi la beauté des lieux sur la pellicule.

* Geert Goiris & Lying Awake, Myths, Places and Protagonists, Roma Publications, 2013.

Lexique

*Architecture utopiste ou Utopie architecturale : rattachée à la littérature, l’utopie se développe en architecture depuis l’Antiquité. Dans la Cité idéale de Thomas More (Utopia, 1516), la perfection architecturale doit répondre à la perfection sociale, morale et politique. Les familistères du XIXe siècle sont des unités d’habitation dédiées à une vie communautaire où le collectif prime sur l’individu. A partir des années 1960, le groupe d’architectes britanniques Archigram publie une revue avant-gardiste éponyme, dans laquelle ils renouvellent l’urbanisme, en

s’inspirant de la littérature et de la bande-dessinée de science-fiction.

Mots-clés

OVNI, module, organique, science-fiction, prémonition, utopie, conquête spatiale, plastique polyester, chambre photographique


Arts plastiques : Archigram, Instant City in a Field, Long Elevation 1/200e (1969). Mike Kelley, Kandor-Con (1999). Vincent J. Stoker, Hétérotopie #PEBBI (2010). Lidwine Prolonge, 2064 cent ans plus tard - Joseph Asimov (2014).

Architecture : Eero Saarinen, Terminal 5, aéroport JFK (New York, 1962). Gérard Grandval, grand ensemble Les Choux de Créteil (1969-1974). Antti Lovag, Le Palais Bulles (1975-1989), construit pour Pierre Cardin (Théoule-sur-Mer). Oscar Niemeyer, Siège du Parti communiste français, coupole du Conseil national (Paris, 1979-80).

Littérature : Jules Verne, 20.000 lieues sous les mers (1870), L’île mystérieuse (1875). G.H. Wells, La Machine à explorer le temps (1895). Joseph Asimov, cycle David Starr (1952-1957) ; Visit to the World’s Fair of 2014, article paru dans le New York Times du 16 août 1964. Edmond Hamilton, série Les Loups des étoiles (1971).

Cinéma : Stanley Kubrick, 2001, Odyssée de l’Espace (1968) : voir les sièges Djinn du designer Olivier Mourgue (né en 1939).

Biographie

Geert Goiris est né en 1971 à Bornem (Belgique), il vit et travaille à Anvers. Diplômé de l’École Supérieure des Arts Visuels de Bruxelles (1993) et du Higher Institute for Fine Arts d’Anvers (2000), il a enseigné à l’Académie royale des Beaux-arts d’Anvers de 2012 à 2016. Son travail a notamment été présenté aux Rencontres de la photographie d’Arles, au Crédac (Ivry-sur-Seine), au Palais de Tokyo (Paris), à l’IAC (Villeurbanne), au Museum of Contemporary Photography de Chicago, au Nouveau Musée national de Monaco et au Centre Pompidou-Metz. Il a reçu en 2008 le Grand Prix de photographie de Vevey (Suisse). Ses œuvres font partie entre autres des collections du CNAP, des FRAC Auvergne, Frac Normandie-Rouen, Frac Alsace, Frac Occitanie Montpellier et Frac Réunion ; du musée d’Art moderne de la Ville de Paris, du MUDAM (Luxembourg), de la fondation LVMH (Paris) et du Seattle Art Museum (États-Unis). www.geertgoiris.info/

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Eberhard Havekost, Eingang (5) Bo8, 2008.Huile sur toile. Dimensions : 130 x 85 cm.


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Eberhard Havekost,Eingang (5) Bo8, 2008Huile sur toile, 130 x 85 cm. Collection du FRAC Auvergne, Cler-mont-Ferrand. Acquisition en 2008.

Recherche d’objectivité

Cette toile fait partie d’un ensemble de cinq panneaux intitulé Eingang (entrée). Le dernier présente le moteur d’un avion dont les courbes se détachent sur la stratosphère. On voit sur sa surface l’ombre projetée de l’appareil, qu’on imagine en plein vol. Cette peinture peut être rapprochée d’une photographie de l’artiste, Feuerland B08 (2008), montrant un avion posé sur le tarmac. Ce tableau ne possède a priori aucun lien avec les quatre autres éléments du polyptyque, peints dans des tons bruns sombres et au sujet non identifiable.

En parcourant l’œuvre d’Eberhard Havekost, on comprend que ce n’est pas tant l’objet que sa surface, sa texture qui l’intéresse. Ainsi dans sa série B08 (B. pour Bild, image), il cadre chaque sujet au plus près pour ne montrer par exemple que les plis de draps immaculés (Sauberkeit), les rides d’une feuille morte (Idee 1) ou les éclats de bitume sur la chaussée jaune (Ausgang). Chaque élément est minutieusement rendu mais semble figé sous l’effet de filtres invisibles, créant une troublante mise à distance. Malgré cette froideur, l’œil est séduit par les harmonies chromatiques des aplats.

« Je peins ce que je ne vois pas »

Depuis les années 1990, Eberhard Havekost se rattache à la nouvelle scène artistique allemande, illustrées par les Écoles de Leipzig et Dresde*. Les artistes de cette mouvance s’intéressent aux images issues des média, de la publicité et les emploient comme prétextes à questionner notre rapport au monde. Eberhard utilise aussi ses propres photographies qu’il manipule sur ordinateur pour les transposer en peinture.

Dans ses séries de façades d’immeubles (ex. Four Kabinen, 2000) ou de mobile home (Driver, 2001), Il scrute chaque sujet dans le moindre détail, tout en l’aseptisant par des cadrages impersonnels. Flickery Move (2008) est un focus sur un canapé en cuir noir selon quatre angles différents. Assemblés, ces éléments provoquent un certain vertige : la figure devient abstraction. Cette démarche est proche de celle de Gerhard Richter, jouant aussi sur cette ambivalence : "(…) Mes tableaux sont sans objet ; mais comme tout objet, ils sont l’objet d’eux-mêmes. Ils n’ont par conséquent ni contenu, ni signification, (…) ; ils sont comme les choses (…), les hommes ou les jours qui, eux aussi n’ont ni raison d’être, ni fin, ni but. Voilà quel est l’enjeu." (Gerhard Richter, Notes, 1984).

Lexique

*Nouvelle école de Leipzig : suite à la chute du Mur de Berlin, Leipzig devient l’une des scènes alternatives majeures des an-nées 1990. Pour se distinguer des générations précédentes de peintres, on parle de la Nouvelle École de Leipzig. Ces artistes, formés à l’Académie des Beaux-arts, s’inspirent du quotidien et de l'actualité, tout en critiquant leur époque. Ils partagent un vocabulaire figuratif, où le réel est traité de manière objec-tive. Neo Rauch est considéré comme le chef de file aux côtés de Matthias Weischer, Tim Eitel, Tom Fabritius et Katrin Heichel.

*École de Dresde : à la même période s’est développée l’École de Dresde : Thomas Scheibitz, Frank Nitsche et Eberhard Havekost se sont fait connaître lors d’une exposition à la Neuer Berliner Kunsttverein (Berlin, 1999). Gerhard Richter (né en 1932), ayant

lui-même étudié à Dresde, a laissé une certaine empreinte sur leur travail. Ces artistes utilisent tous l’image issue des médi-as comme point de départ de leur peinture, opérant ainsi des glissements visuels entre réalité et fiction. Tous ces peintres ont acquis depuis une renommée internationale.

Mots-clés

minutie, aseptisé, hyperréalité, figuration, illusion, filtre, photogra-phie, montage, abstraction


Arts plastiques : Gerhard Richter, Seestück (Marine, 1970). Gé-rard Schlosser, Trois jours (1971). Peter Stämplfi, Town & Coun-try num. 2 (1972). Peter Klasen, Camion Bâche Sangle P78 (1974). Gabriel Orozco, Breath on piano (1993). Thomas Demand, Bath-room (1997). Yvan Salomone, Sans titre 3/02/97 (1997). Jürgen Nefzger, série Dunkerque (2007). Pascale Rémita, série Map (2008). Katrin Heichel, Nulla Pulchritudo Sine Periculo (2010).

Cinéma : Thomas Vinterberg, Festen (1998). Luc et Jean-Pierre Dardenne, L’Enfant (2005).

Biographie

Eberhard Havekost, né en 1967 à Dresde (ex-RDA), vit et tra-vaille à Berlin. Diplômé de l’École des Beaux-arts de Dresde, il a obtenu en 1999 le prix Karl Schmidt-Rottluff Stipendium. Dès lors, il a exposé sa production plastique autant en galeries que dans des institutions majeures européennes et américaines : le FRAC Auvergne, le musée Granet (Aix-en-Provence), le musée d’Art contemporain de Nîmes ; la Saatchi Gallery (Londres), la Hamburger Bahnhof (Berlin), le Castello di Rivoli (Turin), le Mu-seum Boijmans Van Beuningen (Rotterdam), le City Art Museum d’Helsinki (Finlande) ; le Phoenix Art Museum (Arizona), le Mu-seum of Contemporary Art de Chicago (États-Unis) et le Musée d’art de São Paulo (Brésil). Professeur à la Kunstakademie de Düsseldorf depuis 2010, ses œuvres font partie d’importantes collections publiques : entre autres le FRAC Auvergne, le musée de Grenoble, le musée d’Art moderne de la ville de Paris, le Fonds d’Art contemporain de la ville de Genève (Suisse), la Tate Modern (Londres), le MoMA (New York) et le MoCA (Los Ange-les). Il est représenté en France par la galerie Éric Hussenot : www.galeriehussenot.com/

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Marc Bauer, The Astronaut, 2013.Film d’animation noir et blanc, 16 mm. Durée : 40 s.

© Collection du FRAC Auvergne, prêt de l’artiste.

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Marc BAUERThe Astronaut, 2013Film d’animation noir et blanc, 16 mm. Durée : 40’’. Collection du FRAC Auvergne, Clermont-Ferrand. Prêt de l’artiste.

Objectif Lune !

The Astronaut est un film court muet, dans lequel se succèdent des paysages (océan, montagne, rivage), dont la vision brève et mouvante nous emporte jusqu’à la Voie lactée. En plein cœur de la nuit étoilée, surgit un nouvel espace, celui de rochers lunaires face à un possible clair de Terre. Cette succession maladroite d’images pourrait correspondre à ce qui défile devant les yeux de l’astronaute, durant l’ascension fulgurante de sa fusée. Cha-cun des espaces ne peut être clairement identifié, car les élé-ments se fondent les uns dans les autres, un flou général accen-tué par le jeu permanent de stries verticales. On croirait assister à la projection vidéo du témoin du premier voyage cosmique !

Tout comme L’Architecte (2013), ce film a été conçu à partir de peintures à l’huile sur Plexiglas. Les effets de flou et de stries sont le fruit de diverses interventions sur la surface peinte : brossage, effacement, aspersion de diluant, soustraction de matière, etc. L’accumulation de ces effets donne la sensation au spectateur de voir ces paysages surgir et se détruire au même instant. Cela s’explique aussi par le fait qu’une seule plaque de Plexiglas a été utilisée pour sa réalisation. A travers le thème de la conquête spatiale, on peut y lire en filigrane celui de la con-quête de la surface de la toile, du dessin et au-delà de l’image cinématographique.

Cinerama

Dans l’ensemble de son œuvre, Marc Bauer se réfère au cinéma : aux films d’horreur et à Nosferatu de Murnau dans L’Architecte (2013) ; au Cuirasser Potemkine d’Eisenstein dans son dessin mu-ral Warship (Navire de guerre, 2009). L’artiste a même reproduit les décors du chef d’œuvre de Fritz Lang dans sa série Metrop-olis Sceneries, 1927. Durant ses études, Marc Bauer s’est d’abord approprié les techniques de montage vidéo. En parallèle, il a acquis une véritable maîtrise du dessin, qu’il a appréhendé selon une approche filmique : narration par séquences, anima-tion sonore. Ses choix se tournent vers les thèmes récurrents du pouvoir, du fascisme, de l’oppression (Triumph, 2009), de la ca-tastrophe finale (Landscape). Ses dessins et peintures prépara-toires évoqueraient plus les recherches d’un architecte que d’un cinéaste. Car l’être humain y est souvent absent, laissant place à un vaste univers où s’imposent froidement la pierre, le béton, le métal, les fluides électriques, tels qu’on en trouve dans le ré-seau interne d’un ordinateur géant (Z1, 1936 - 0,176Kb memory, 2013).

Mots-clés

narration, Plexiglas, brossage, trace, effacement, stop motion, ex-ploration, conquête spatiale


Arts plastiques : Luc Tuymans. Schwarzheide (Lande noire, 1986). Anselm Kiefer, Für Paul Celan : Aschenblume (Pour Paul Celan : Fleur de cendre, 2006). Chourouk Hriech, série Les Lan-ternes (2014).

Cinéma, vidéo : Georges Méliès, Le Voyage dans la Lune (1903). Friedrich Wilhelm Murnau, Nosferatu le vampire (1922). Sergueï Eisenstein, Le Cuirasser Potemkine (1925). Fritz Lang, Metropolis

(1927). Stanley Kubrick, 2001, Odyssée de l’Espace (1968). Infinity Ward studio, Call of Duty (jeux vidéo depuis 2003). Christopher Nolan, Interstellar (2014).

Bande-dessinée : Hergé, Les Aventures de Tintin : Objectif Lune (1953), On a marché sur la Lune (1954). NB : il est intéressant de se rappeler que ces albums ont été publiés bien avant que Niel Armstrong, l’astronaute américain, ne pose le premier pied sur la Lune en 1969.

Biographie

Marc Bauer est né en 1975 à Genève (Suisse), il vit et travaille à Berlin. Il s’est formé à l’École Supérieure d’Art Visuel de Genève (1995-1999) puis à la Rijksakademie (Amsterdam, 2002-2004). Il est aujourd’hui enseignant en dessin et peinture à l’Université des Arts de Zürich. Depuis les années 2000, il a été exposé dans des institutions majeures internationales, telles que le FRAC Au-vergne, le MAMCO (Genève), le Stedelijk Museum (Amsterdam), la Kunsthaus de Zürich, le MAC de Santiago du Chili ou encore le Museum of Contemporary Art de Sydney (Australie). Ses œu-vres sont présentes entre autres dans les collections des FRAC Auvergne, Frac PACA, Frac Alsace, du Centre Pompidou (Paris), du Nouveau Musée National de Monaco, du Museum Folkwang d’Essen (All.) Kunstmuseum de Saint-Gall (Suisse) et de la Kuns-thaus de Zürich. www.marcbauer.net

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Seamus Murphy, PJ Harvey, Panjshir Valley, Afghanistan, December 2012. C-print. Dimensions : 100 x 128 cm.


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Seamus MURPHY PJ Harvey, Panjshir Valley, Afghanistan, December 2012, 2012C-print, 100 x 128 cm. Collection du FRAC Auvergne, Clermont-Ferrand. Acquisition en 2018.

Massive désolation

Au pied de montagnes mi-glacées mi-boueuses, s’étend une lande désolée aux herbes jaunes devenues poussière. Ça et là jonchent des carcasses métalliques rouillées, des machines dont on ne peut plus deviner la fonction première. Assise seule, emmitouflée dans sa doudoune, une femme fait face à ce désolant spectacle que lui offre la vallée du Pandjchir, ou « vallée des Cinq lions ». Située au nord-est de l’Afghanistan dans le massif de l'Hindou Kouch, elle tire son nom de la rivière Pandjchi qui prend sa source dans des glaciers et se jette dans le Kaboul, un affluent de l’Indus.

Cette femme, c’est la chanteuse, poétesse et auteure-compositrice britannique de rock alternatif, Polly Jean Harvey (née en 1969). Ayant découvert les photographies de Seamus Murphy (né en 1959), elle lui demande de collaborer sur ses prochains albums. Entre 2011 et 2014, ils entreprennent ensemble une série de voyages à Washington D.C., au Kosovo et en Afghanistan. Ce cliché est issu de ce périple. Pourquoi sont-ils partis là-bas ?

Zone explosive

L’économie de la vallée du Pandjchir est basée sur l'agriculture vivrière et l'exploitation d'émeraudes dont les gisements sont connus depuis l'Antiquité. Depuis la seconde moitié du XXe siècle, c’est une zone de conflits majeure, là où les intérêts des puissances économiques mondiales viennent se cristalliser selon des enjeux idéologiques et géostratégiques. La guerre d'Afghanistan (1979-1989) opposa les moudjahidines (« guerriers saints ») soutenus par les États-Unis, à l’armée soviétique. Durant les années 1990, des guerres civiles éclatèrent, opposant les moudjahidines aux républicains démocrates afghans puis au nouveau régime de l'Émirat islamique d'Afghanistan, les Talibans. Le commandant Massoud (1953-2001), chef de l'Alliance du Nord, s’est opposé aux islamistes qui voulaient faire du pays une base d’entraînement à la guerre sainte (jihad) contre l’Occident et mettre en place la charia*. Par des jeux d’alliance (Pakistan, Arabie saoudite), les Talibans finirent par prendre le pouvoir en 2001 et éliminer Massoud, le « Lion du Pandjchir ».

Témoins du Monde

Après 30 ans de conflits, le pays entier est meurtri : les paysages reflètent ses blessures profondes. Entre 1994 et 2010, Seamus Murph effectua plusieurs voyages en Afghanistan : il en résulta un documentaire A Darkness Visible : Afghanistan (2011), puis un livre pour lequel il gagna le Liberty in Media Prize ainsi qu’un Emmy Awards. Ses clichés graves et majestueux font écho aux textes de J.P. Harvey. Ainsi dans sa chanson "The Glorious Land" (album Let England Shake, 2011), elle fait aussi référence à la guerre afghane : on entend, comme leitmotiv musical, un clairon et la marche des soldats. Elle questionne avec acidité ses concitoyens britanniques, américains sur leur implication dans ce conflit armé : « How is our glorious country ploughed ? Not by iron ploughs. Our lands is ploughed by tanks and feet. Feet, Marching » (Comment est labouré notre glorieux pays ? Non par

des charrues en fer. Nos terres sont labourées par des tanks et des pieds. Des pieds qui marchent au pas). Elle conclut le refrain par une note plus accusatrice encore, évoquant les familles endeuillées, une jeunesse à jamais abîmée : « What is the glorious fruit of our land? Its fruit is deformed children. What is the glorious fruit of our land? Its fruit is orphaned children. » (Quels sont les fruits glorieux de notre terre ? Ses fruits sont des enfants déformés. Quels sont les fruits glorieux de notre terre ? Ses fruits sont des enfants orphelins.). Par la photographie ou la musique, chacun à sa manière raconte le monde actuel et en dénonce les horreurs. Seamus réalise aussi des clips vidéo illustrant plusieurs chansons de PJ Harvey, comme "The Orange Monkey" (album The Hope Six Demolition Project, 2016). Dans celui-ci, on voit les fameux paysages de la vallée du Pandjchir. Seamus explique leur démarche : « Je ne veux pas brandir mon poing pour faire passer un message, je pense que le message est évident. Ce qui transparaît c'est l'humanité qu'on a tous les deux ressenti dans ces endroits de conflits ».

Lexique

* Charia : dans la religion musulmane, la charia regroupe les normes et règles doctrinales, sociales et cultuelles. Quand elle est la référence première d’un état, elle fait office de Loi islamique.

Mots-clés

conflit armé, guerre, destruction, désolation, intérêt géopolitique, témoin, empathie, humanité


Arts plastiques : Louis Jammes, série Ange de Sarajevo (1993). Simon Norfolk, Unrepairable military equipment, Qal-y-Shanan (Afghanistan, 2001-2002). Ed Burtynsky, Oil Fields #13, Taft, California (2002). Adam Adach, Granica et Góra (2003). Sophie Ristelhueber, série WB (2005). Zineb Sedira, The Death od a Journey 5 (2008). Marc Bauer, Sans titre (dessin, 2012). P.J. Harvey (textes) & Seamus Murphy (photos), Au Creux de la main (2017).

Musique : PJ Harvey, albums Let England Shake (2011) et The Hope Six Demolition Project (2016). Pour retrouver la discographie, la biographie, les paroles et clips vidéo de P.J. Harvey : http ://pjharvey.net/

Biographie

Seamus Murphy, né en Irlande en 1959, vit à Londres. Photojournaliste réputé, il parcourt le monde depuis les années 1990 pour rapporter les images de conflits majeurs. Ses clichés, possédant une approche à la fois historique et documentaire, ont été publiés dans les plus grands journaux : New York Times, Newsweek, The Daily Telegraph, National Geographic, Paris Match, Le Figaro, The Guardian. Il a réalisé des films pour The New Yorker et Channel 4 Television (Royaume-Uni). Ses photographies ont été exposées dans le monde entier ; en France, à Clermont-Ferrand en 2018 à l’Hôtel Fontfreyde, lors du 40e festival du court-métrage où il fut invité comme jury. Ses œuvres font partie des collections publiques du FRAC Auvergne.

Seamus Murphy est aussi l’auteur de quatre livres écrits sous forme de chroniques, dans lesquels il raconte ses voyages et son pays d’origine. Il a été gratifié de sept World Press Photo Awards, ce qui est exceptionnel dans la carrière d’un photojournaliste. www.seamusmurphy.com

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Zineb Sedira, The Death of a Journey 5, 2008. Photographie couleur, C-print contrecollé sur aluminium. Dimensions : 100 x 124 cm.

© Collection du FRAC Auvergne, Clermont-Ferrand. Dépôt du Centre national des arts plastiques. Acquisition en 2014.

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Zineb SEDIRAThe Death of a Journey 5, 2008Photographie couleur, C-print contrecollé sur aluminium, 100 x 124 cm. Collection du FRAC Auvergne, Clermont-Ferrand. Dépôt du Centre national des arts plastiques. Acquisition en 2014.

Cimetière maritime

Dominant le ciel, un puissant bateau est planté au beau milieu du rivage, immobilisé à sec sur sa cale. Sa coque arbore de tous côtés une couleur rouille, son ponton est totalement vide : ce bateau est hors service depuis bien longtemps… Pourquoi a-t-il été abandonné ? À quoi servait-il auparavant ? Le plan large de la photographie, légèrement en contre-plongée, donne la sen-sation que ce bateau s’impose, tel un géant. Un géant des mers certes, mais déchu de sa mission.

En effectuant des recherches sur internet, Zineb Sedira a découvert l’existence d’un cimetière de bateaux en Mauritanie. Précisément, il s’agit ici du cimetière d’épaves de Nouadhibou, ville portuaire située au nord-ouest du pays. Depuis les années 1940, près de 200 épaves jonchent cette baie. La plupart sont des bateaux de pêche qui ont fait naufrage ou ont été aban-donnés par leurs propriétaires. Car détruire un navire coûte très cher. Dangereuses, certaines de ces épaves ont été déman-telées à partir de 2012 selon les normes européennes. Mais on en laisse encore de nos jours pourrir en pleine mer, ce qui provoque des accidents et pollue l’océan d’hydrocarbures, de plastiques.

Mother Tongue

Dans ses séries photographiques Shipwreck (2008), The Lovers (2008) et Maritime Nonsense and Other Aquatic Tales (2009), Zineb Sedira répertorie avec la même acuité ces épaves sur div-ers rivages du monde. Son intérêt pour ces ruines flottantes est devenu une obsession, comme si chaque carcasse appelait à en trouver une autre. Ces bateaux décharnés incarnent la misère, le dysfonctionnement économique, la désillusion et l’irrespect de la nature, pourtant mer nourricière pour des millions d’ha-bitants riverains des côtes. « Le navire en déréliction, livré au grignotage de ses moindres particules, porte symboliquement tous les mouvements d’exode avortés vers l’utopie de mondes meilleurs. » (Jean-Charles Vergne, notice du FRAC Auvergne).

Zineb Sedira concentre sa production artistique (photogra-phies, vidéos, installations) principalement autour de la ques-tion des flux migratoires, de l’exode de populations et de leurs conséquences. Ainsi dans sa série Reusable space (2008), elle fait l’inventaire d’abris de fortune croisés dans le désert, fab-riqués à partir de tôles ou d’anciens containers. Les locataires n’y sont plus, seuls restent quelques objets de survie qui seront réutilisés par le prochain voyageur. Son regard se tourne aussi vers ses racines, l’Algérie : elle y immortalise des souvenirs d’en-fance (La Maison de ma mère, 2002), tente de cerner les con-tours de son histoire familiale issue de l’immigration (Mother, Father and I, 2003), comme ceux des esprits que hantent la montagne (série Djinns, 2001-2004). La mer revient encore et toujours, telle dans son film sur la vie d’un phare (Lighthouse in the Sea of Time, en trois parties, 2011).

Mots-clés

épave, hydrocarbure, pollution, environnement, recyclage, flux mi-gratoire, migrant, exode, survie


Arts plastiques : Sophie Ristelhueber, série Iraq (2001). Simon Norfolk, Destroyed Radio Installations, Kabul (2001). Nejmi Malik, La traversée - El Maghreb, série Images d’un retour au pays (2001) Olivier Jobard, Kingsley. Carnet de route d’un im-migrant clandestin (2003). Kader Attia, Correspondance (2003). Ghazel, Me (2003-2008). Bruno Serralongue, Abri #5, série Calais (2006-2008). Barthélémy Toguo, Road to exile (2008). Ed Bur-tynsky, série Shipbreaking (Bangladesh, 2009). Claire Fontaine, Foreigners Everywhere (2009). Denicolai & Provoost, A dream called macba, moca, moma, etc. (2010). Bruno Boudjelal, Harra-gas (2011).

Biographie

Zineb Sedira, née à Paris en 1963, elle vit à Londres, travaille entre Alger, Londres et Paris. Elle a fait toutes ses études à Londres (Royal College of Art, Slade School of Art et Central Saint Martins School of Art). Elle expose depuis la fin des an-nées 1990 dans des institutions internationales telles que La Criée-CAC de Rennes, les Frac Lorraine, Frac PACA et FRAC Auvergne, le Centre Pompidou (Paris et Metz), le MAC et le Mucem à Marseille ; la Tate Britain (Londres), le Palais des Beaux-Arts de Bruxelles, le musée d’Art moderne et contem-porain d’Alger, le Mumok de Vienne (Autriche), le Guggenheim Museum (New York), le Gwangju Museum of Art (Corée du Sud) ou encore le musée d’Art contemporain de Doha (Qatar). Ses œuvres font partie de collections publiques importantes : en-tre autres le CNAP (Paris), le Centre Pompidou, le musée d’Art moderne de la ville de Paris, le FRAC Auvergne, le Frac Alsace, le Frac PACA, le musée national de l’Histoire de l’immigration (Paris) et le Victoria and Albert Museum (Londres). Zineb Sedi-ra est représentée en France par la galerie Kamel Mennour : www.kamelmennour.com, http ://zinebsedira.com/

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Simon Willems, Airhead 1, 2002.Huile sur bois. Dimensions : 18 x 22 cm.


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Simon WILLEMSAirhead 1, 2002Huile sur bois, 18 x 22 cm. Collection du FRAC Auvergne, Clermont-Ferrand. Acquisition en 2003.

Cabinet de curiosité

Cette peinture se présente tel un morceau de croûte terrestre : on y voit rassemblées toutes sortes de pierres, de coquillages aux couleurs sourdes, se déclinant du beige au gris malachite. Ces fossiles semblent posés au fond de l’eau ou sur un coin de plage. Le cadrage, très serré, ne permet pas de savoir où l’on se situe. Une bulle, aux halos bleu et rose, donne un point de vue aérien à la composition. Ces deux univers, l’un plein, l’autre vide, se distinguent par des effets de matière : les minéraux stratifiés, immobiles sont déclinés dans des tons mats et froids ; tandis que la bulle légère, mouvante, reflète la lumière. Ce microcosme marin fait un écho subtil au monde galactique : la terre n’est que poussière d’étoiles. La bulle, sujet ici central, pourrait symboliser ce pont aérien (sens du titre Airhead) entre ciel et terre, entre l’infiniment grand et l’infiniment petit. Elle incarne à la fois la cellule, la sphère, un fragment d’arc-en-ciel mais aussi l’œil d’un enfant curieux, fasciné par l’étrangeté du monde.

Melancholia

On retrouve ces mêmes couleurs désuètes dans la plupart des œuvres de Simon Willems (From an edition of natural spring, Golden Opportunity). Il s’en dégage une douce mélancolie, où rien ne semble pouvoir arrêter cette fossilisation des êtres, des espaces. On perçoit cette obsession de la disparition dans les titres de certaines séries (A Certain Way to Fade ; How Not To Disappear Completely, 2010). L’artiste parvient toutefois à distancier cette angoisse par l’humour, entre autres dans Stormtrooper Mourning The Loss Of His Mother (2007-2010) : il s’approprie certains personnages de la saga Star Wars, comme le droïde C3PO et les soldats clones (stormtrooper) pour les mettre en scène dans des situations de deuil et de chagrin. Simon Willems puise aussi son inspiration dans la part obscure de l’humanité et dans les mythes qui l’illustrent : les hommes devenant pierres sous le regard de Méduse* (série Meal Deal Archive, 2010), Sisyphe* portant vainement son lourd fardeau (Motivational Pull, 2014). A travers ses natures mortes minérales et ses paysages de ruines faussement réels, l’artiste nous transmet ses visions souvent prémonitoires, parfois apocalyptiques, du monde actuel.

Lexique

* Sisyphe : personnage cité dans L’Iliade d’Homère. Parce qu’il a trahi les dieux en révélant aux hommes des secrets divins, et pour avoir enchaîné Thanatos, le dieu des Enfers, Sisyphe fut condamné à pousser un énorme rocher jusqu'au sommet d'une montagne dans le Royaume des morts. A peine ce but atteint, le rocher roulait jusqu'au pied du versant. Sisyphe devait alors le remonter, répétant cette action pour l’éternité. Pour les Grecs anciens, ce mythe rappelait aux mortels qu'une rébellion contre les dieux était une pure folie. De nos jours, l'expression "un travail de Sisyphe" qualifie une tâche interminable et ardue pour un résultat nul ou incertain.

* Méduse : dans la mythologie grecque, elle est l’une des trois Gorgones, la seule à être mortelle. Toujours représentée de face, elle est effrayante en tout : yeux exorbités, des crocs, langue pendante et chevelure entrelacée de serpents. Ses yeux ont le pouvoir de pétrifier tout mortel qui la regarde. Après avoir été décapitée par Persée, son masque est remis à la déesse

Athéna qui le fixe sur son égide, sorte de bouclier invincible. Sa représentation sera longtemps utilisée comme protection contre le mauvais œil.

Mots-clés

nature morte, cabinet de curiosité, vanité, mélancolie, minéraux, lentille photographique, cellule, sphère, planète, reflet, arc-en-ciel, aquarelle


Arts plastiques : Simon Willems, From an edition of natural spring (2002). Golden Opportunity (2001). Séries A Certain Way to Fade et How Not To Disappear Completely (2010). Jan Van Eyck, Les Époux Arnolfini (1434). Albrecht Dürer, Melencolia (1514). Hubert Robert, Vue imaginaire de la grande galerie du Louvre en ruines (1796). Odilon Redon, La Coquille (1912). Salvador Dali, L’Horizon oublié (1936). Max Ernst, Arbres solitaires et arbres conjugaux (1940). René Magritte, Le Goût des larmes (1948). William Kentridge, Moon (2004). Luc Tuymans, Speech (2010), Saint-Georges (2015).

Littérature : Victor Hugo, Melancholia (recueil de poésies Les Contemplations, 1856). Albert Camus, Le Mythe de Sisyphe (1942). Peter Sloterdijk, Sphères (trilogie) : Bulles (1998), Globes (1999) et Écumes (2004).

Cinéma : George Lucas, saga Star Wars (depuis 1977). Lars von Trier, Melancholia (2011).

Biographie

Simon Willems est né en 1971 à Shoreham-by-Sea (Angleterre). Diplômé du Royal College of Art (2000), il vit et travaille à Londres. Représenté par la galerie Polaris (Paris), il expose son travail depuis le milieu des années 1990 dans diverses galeries en Europe et aux États-Unis. En parallèle, il a exposé au FRAC Auvergne, au Frac Normandie-Rouen, à l’Artothèque de Caen, au musée d'Art moderne du Havre et au Torrance Art Museum (Californie). Ses œuvres font partie des collections des FRAC Auvergne et Frac Normandie-Rouen, le National Museum de Gdansk (Pologne), le Royal College of Art (Londres) et le Walker Art Center de Minneapolis États-Unis. www.simonwillems.com

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Pistes d’ateliersEn complément du dossier pédagogique, le MuMo 2 propose des pistes d’ateliers. En lien avec les thématiques de l’exposition, ces ateliers à mener en classe permettent de prolonger par une pratique artistique la découverte de l’exposition « Et ils rêvent, le nez en l’air, de brillants paradis… » conçue par le FRAC Auvergne.

Thème 1 Retour vers le futur !

À partir des œuvres de Marc BAUER (The Astronaut), Geert GOIRIS (Futuro), et Eberhard HAVEKOST (Eingang #5).

Prémonitions publiques

À partir de l’observation de ces trois œuvres, proposez aux enfants d’imaginer leur quotidien dans 50 ans, soit en 2069. Former des duos/petits groupes qui réfléchissent chacun sur un thème particulier : L'habitat / l'architecture ; les transports / les voyages ; l'alimentation (par exemple : sera-t-elle liée encore aux animaux ou pas ?) ; les loisirs ; l'apprentissage ; l'environnement ; le type de société (thème à explorer avec des élèves de collège / lycée).

Chaque duo ou groupe présente ses idées sous forme de dessins (pour les plus jeunes) ou d' affiches (spéciale adolescents : il imaginent une nouvelle graphie et accompagnent l'image d'un texte ou slogan) : « Selon nous, en 2069, on pourra apprendre comme ceci, on se déplacera comme cela… ».

Il est possible de le faire sous forme d’interviews effectués par le médiateur avec un enregistreur comme le ferait un journaliste qui interroge des passants.

Réaliser un montage final avec son, selon les dessins et les textes. Nommer quel est l’«oracle » le plus original, celui qui paraît le plus prémonitoire, etc.

NB : Cet atelier est une référence au projet mené par l’artiste Lidwine Prolonge, à la Villa Arson (2015), autour de son œuvre 2064, cent ans plus tard : http ://www.lidwineprolonge.com/work/cycles/systemes/#2064

Matériel

→ Feuilles de papier A4 ou A3 (pour les affiches)→ Crayons à papier→ Crayons de couleur→ Un dictaphone pour enregistrer les enfants

L’Architecture de demain

D’après l’œuvre de Geert Goiris, Futuro, et des exemples d’architecture futuriste, utopiste, proposez aux enfants de

dessiner chacun leur habitat de demain. Puis, en fonction des matériaux à disposition (carton, bois, tissus, papier calque, etc.), ils passent à une réalisation en volume : seul ou en duo, ils fabriquent la maquette de leur maison du futur

Exemples :Architecture futuriste : https ://archzine.fr/lifestyle/architecture/l-architecture-utopique-une-autre-point-de-vieux/Archigram : https ://www.archigram.net/portfolio.htmlLe Palais-bulles d’Antti Lovag : https ://www.palaisbulles.com/ Zaha Hadid : https ://deavita.fr/design-exterieur/architecture-futuriste-zaha-hadid/

Matériel

→ Feuilles de papier → Crayons à papier→ Matériaux de récupération (cartons, papier épais, bois, chutes de tissus, papier calque, ficelles…)→ Colle

Thème 2 Noirs & Blancs

À partir des œuvres de Marc BAUER (Sans titre), Abdelkader BENCHAMMA (Random) et Roland FLEXNER (Sans titre).

Effacer, c’est créer !

Quand un artiste dessine ou peint en noir et blanc, il n’ajoute pas seulement de la matière, souvent il en retire. Avec une gomme, un chiffon, une brosse ou avec ses doigts.

Exemples : l’artiste russe de street art, Nikita Gobulev, crée des œuvres sur la surface des voitures ou la porte arrière des camions, à partir de la couche de poussière et de saleté qui s’est déposée : https ://positivr.fr/nikita-gobulev-dirty-art/ Maxime Duveau réalise quant à lui des paysages urbains en réservant des espaces vierges, blancs dans sa composition, grâce à des rubans adhésifs réversibles : https ://maximeduveau.com/ Proposez aux enfants de dessiner avec du fusain (ou pastel gras) : remplir totalement la surface de la feuille avec la matière noire. Collez dessus quelques bandes adhésives qui garderont en réserve des espaces totalement noir ou colorés formant les lignes principales de la composition. L’enfant dessine en enlevant de la matière avec l’outil de son choix : gomme, doigt, pinceau, chiffon, baguette de bois, etc. pour réaliser en paysage figuratif ou abstrait. Enfin, enlevez délicatement les bandes adhésives et aspergez les dessins d’un peu de laque neutre pour fixer la matière.

Matériel

→ Feuilles de papier un peu épaisse format A5 ou A4→ Fusain, crayon à papier, pastel gras noir→ Des outils pour effacer : gommes, chiffons, pinceaux, baguettes de bois…→ Du scotch→ De la laque

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Thème 3Recomposer la Nature, imaginer son environnement

À partir des œuvres d’Adam ADACH (Granica), Seamus MURPHY (P.J. Harvey, Panjshir Valley…), Zineb SEDIRA (The Death of a Journey 5) et Simon WILLEMS (Airhead 1).

Tableau (vivant) de nature morte

Dans un premier temps, expliquez aux enfants la notion de nature morte ; leur montrer des exemples anciens et contemporains (peintures, photographies). Puis, en s’inspirant de l’œuvre de Simon WILLEMS (Airhead 1) et en fonction des éléments naturels en présence et/ou de petits objets naturels/manufacturés (bouchons, billes, tissus, feuille d’arbre, marron, etc.), les enfants essaient de concevoir une nature vivante en couleurs ou monochrome et en 3D. On peut les inciter à utiliser les images observées comme fond de leur composition (celle qui les a inspirés) : ainsi les objets seront une projection en trois dimensions de l’œuvre reproduite en 2D.

Exemple : les œuvres, sous forme d'anamorphoses en trois dimensions, de Bernard Pras : https ://bernardpras.fr/

Matériel

→ Des éléments naturels récoltés (feuilles, fruits, marrons…)→ Des petits objets de récupération (bouchons, billes, chutes de tissus…)

Les bruits de la nature

Expliquer tout d’abord aux enfants ce que sont les quatre éléments naturels : eau, air, terre, feu. Puis, pour chaque œuvre exposée dans le MuMo, ils tentent de leur attribuer un ou plusieurs éléments, en fonction des paysages représentés.

Par exemple : - Simon Willems : fond de mer, bulle de savon > eau / air - Zineb Sedira : mer, ciel, rouille (du bateau) > eau / air- Geert Goiris, Marc Bauer, Adam Adach : montagne, forêt, neige > terre & eau - Eberahrt Havekost : ciel, avion > air - Roland Flexner : bulles, encre > eau / air- Seamus Murphy / Abdelkader Benchamma : terre / feu (rouille des machines, flammes des geysers)

En fonction des nouvelles familles d’œuvres constituées par élément, les enfants imaginent les bruits qu’on pourrait entendre si l’on tendait l’oreille, si on voyait les paysages s’animer. Par exemple des cris d’oiseaux, des crissements des pieds dans la neige, les clapotis de l’eau, le vent dans les arbres, la danse des flammes, etc. Quand les « fonds sonores » sont attribués, un ou deux enfants se placent devant une œuvre pour « chanter » la musique des paysages du MuMo : chacun son tour, il fait entendre le bruit correspondant le mieux selon lui à l’œuvre ; puis on passe au suivant jusqu’à la dernière œuvre. Les bruits peuvent être accompagnés de gestes si cela peut aider

les enfants à s’exprimer. Cette création sonore est à réaliser en groupe, d’abord lentement puis rapidement, puis à l’envers du premier sens, puis tous ensemble ! S’il reste du temps, le médiateur peut enregistrer les bandes sonores inventées par les enfants pour le MuMo.

Matériel

→ En option : appareil photo ou téléphone portable pour enregistrer les créations sonores

Thème 4 Du micro au macro : une question d’échelle

Ode au Microcosme !

À partir des œuvres de Roland FLEXNER (Sans titre) et Simon WILLEMS (Airhead 1). Dans ces deux œuvres, ce qu’on voit en premier ne correspond pas à la réalité (un paysage qui semble réel est en fait une coulure d’encre chez Flexner ; la bulle de savon donne l’illusion de la lumière, d’un arc-en-ciel chez Willems). À partir d’une loupe, mieux d’un microscope, observer de près la nature d’un élément (flocon, feuille, fruit, sable, insecte, etc.). En fonction de ce qui a retenu son attention, chaque enfant tente de restituer dans un dessin, un texte ou un poème ce qu’il a découvert, aimé ou non de la chose observée. En fonction des mêmes mots employés par les enfants, tentez de créer des duos entre dessin et textes, même s’ils ne parlent pas de la même chose.

Exemple : les poèmes de Francis Ponge : https ://www.poemes.co/francis-ponge.html

Matériel

→ Loupes→ Des éléments naturels récoltés (sable, feuilles, fruits, insectes…)→ Feuilles de papier→ Stylos

Et toi, tu mets quoi dans ta valise ?

À partir des œuvres d’Adam ADACH (Granica), Eberhard HAVEKOST (Eingang #5), Seamus MURPHY (P.J. Harvey, Panjshir Valley…) et Zineb SEDIRA (The Death of a Journey 5). Pourquoi voyage-t-on ? Où avez-vous déjà voyagé (en dehors de votre ville, de votre région) ? Quand vous voyagez, que mettez-vous dans votre valise : pour un court / un long voyage hors de la maison ? Choisit-on toujours de voyager par plaisir ? Qu’est-ce qui peut pousser une personne, une famille à quitter sa maison ? Que signifie selon vous le mot migrant ? Tentez de réfléchir avec les enfants à ces notions, de répondre à ces questions en lien avec l'actualité et les différentes formes de migrations (économiques, politiques, écologiques...). Après ces échanges, chaque enfant va composer sa valise pour un voyage à venir. Sur une première feuille, soit en dessinant soit en découpant dans des magazines ou par le langage (mot),

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demander aux enfants de réunir 10 objets pour un futur voyage. Ce voyage durera une semaine.Sur une deuxième feuille demander aux enfants de réunir à nouveau 10 objets pour un autre voyage. Celui-là durera plusieurs mois voire plusieurs années. Demander aux enfants si leur valise sera la même. Que changeraient-ils ? Sur une troisième feuille demander aux enfants de faire une dernière valise pour un voyage de plusieurs mois. Cette fois le nombre d'objet est limité à 5. Quels objets seront alors choisis ? On pourra discuter alors des objets qui leur paraissent essentiels, ceux qui leur semblent les plus précieux (raison sentimentale). Après une mise en commun des réalisations, les enfants peuvent expliquer leur choix. Chaque valise est différente et dresse le portrait, unique, de chaque enfant et de son rapport à l'inconnu.

NB : Cet atelier est inspiré par celui imaginé par Corentin Buchaudon, Delphine Mistler et Rachel Werhung, médiateurs du MuMo dans le Grand Est (exposition du Frac Champagne-Ardennes, 49 Nord – 6 Est – Frac Lorraine et Frac Alsace « Trésors Communs» de 2018).

Matériel

→ Feuilles blanches→ Crayons à papier et de couleurs→ Magazines à découper→ Paires de ciseaux→ Tubes de colle→ Prévoir 1 ou 2 imprimés avec des valises pré-dessinées dans lesquelles les enfants dessinent / collent leurs objets.

Thème 5Un peu plus près des étoiles

Peindre ses rêves… avec des étoiles !

À partir des œuvres d’Abdelkader BENCHAMMA (Random) et Roland FLEXNER (Sans titre). Réalisez des cartes postales galactiques, avec des matériaux variés comme de la poussière d’étoiles, en s’inspirant notamment de l’œuvre de Robert Malaval : Orage à Créteil (1980). Sur une feuille blanche cartonnée, chaque enfant remplit toute la surface de couleurs, en utilisant des pastels gras. Il crée un motif d’arc-en-ciel sous forme de lignes ou de spirales. Quand la surface du papier est remplie, il la recouvre d’une peinture noire épaisse spéciale à gratter, mélangée au pigment paillette, avec un petit rouleau en mousse, jusqu’à ne plus voir les couleurs. Après séchage (24h), l’enfant peut alors gratter la surface par endroits et créer des motifs décoratifs. Peu à peu, on voit apparaître les couleurs sous-jacentes. Si possible, leur faire écouter de la musique pendant l’atelier, cela pourra les inspirer pour gratter en rythme !

NB : cet atelier a été expérimenté lors de la tournée du MuMo dans les Pays de la Loire en 2017-2018 avec l’exposition « Et les enfants s’en vont devant, les autres suivent en rêvant… »

Matériel

→ Feuilles blanches épaisses Canson découpées au format carte postale, format simple ou double feuillet→ Boite de pastels gras avec plusieurs nuances pour chaque couleur→ Peinture noire spéciale à gratter ; pigment paillettes (en pot ou stylo)→ Outils de grattage, manipulables sans danger par les enfants : grattoir, plume, etc

NB : on peut fabriquer soi-même cette peinture noire en mélangeant 1/3 de liquide vaisselle et 2/3 de peinture acrylique noire opaque et couvrante. Y joindre la matière pailletée ou bien la poser en toute fin sur le dessin gratté. En savoir plus : http ://trucsdemaeliane.blogspot.fr/2015/05/la-recette-de-la-peinture-gratter.html

Réinventer l’univers

À partir des œuvres de Marc BAUER (The Astronaut), Geert GOIRIS (Futuro), et Eberhard HAVEKOST (Eingang #5). La plupart des œuvres exposées dans le MuMo évoquent le voyage, des paysages gigantesques, souvent inconnus. Chaque enfant choisit une ou plusieurs œuvres et tentent d’en écrire ou raconter oralement l’histoire, différente de celle racontée par le médiateur. Il peut associer une œuvre avec une autre pour créer comme les épisodes de sa narration. Il peut aussi dessiner la suite avec des vignettes de storyboard, suivant la démarche de Marc BAUER. Enfin, le médiateur peut filmer l’enfant raconter son histoire devant les œuvres qui l’ont inspiré. Cet atelier peut se faire en duo.

Matériel

→ Feuilles blanches → Crayons à papier→ En option : appareil photo pour filmer les enfants

Crée ton MuMopour jouer au commissaire d’exposition

Crée ton MuMo est un outil de médiation numérique pour jouer au commissaire d’exposition. Découvre l’espace du MuMo 2 imaginé par la designer matali crasset et crée une exposition virtuelle en

sélectionnant des œuvres de la collection du FRAC Auvergne.

Codes d’accès http ://creetonmumo.musee-mobile.fr/fr/fracs/en-auvergne/

Identifiant MuMo_Auvergne

Mot de passe pfn5jvid

Pour toute question, contacter Caroline Pochart

Coordinatrice pé[email protected]

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