DOSSIER LES « TOP » 5 DE LA NEUROLOGIE · Gilles Huberfeld (Paris) ... au neurologue...

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DOSSIER Neurologies • janvier 2016 • vol. 19 • numéro 184 • cahier 1 111 Dans ce numéro : > 1/ Le Top 5 de l’épilepsie � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � P� 12 « L’idée serait d’avoir des molécules visant à empêcher le cerveau de devenir épileptique » Gilles Huberfeld (Paris) > 2/ Le Top 5 du neurovasculaire � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � P� 16 « Une année riche en matière de traitement à la phase aiguë de l’infarctus cérébral » Mikael Mazighi (Paris) > 3/ Le Top 5 de la pathologie cognitive � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � P� 21 « Des avancées importantes dans la compréhension des aphasies primaires progressives » Marc Teichmann (Paris) Dans un prochain numéro : > 1/ Le Top 5 de la pathologie inflammatoire Marc Coustans > 2/ Le Top 5 de la pathologie neuromusculaire et nerf périphérique Thierry Maisonobe > 3/ Le Top 5 de la pathologie pyramidale Frédéric Bourdain La session « TOP 5 » des Rencontres de Neurologies a 7 ans 7 ans, l’âge de raison. C’est l’occasion de remercier tous les orateurs qui se sont pliés à l’exercice au fil des années*. Ils nous ont permis, à nous, auditeurs nombreux et motivés, d’actualiser intelligemment nos connaissances des apports principaux de la littérature de chaque année écoulée dans chaque grand domaine de la neurologie clinique. Pour réus- sir cela, il faut une grande capacité de discrimina- tion, un bon discernement de ce qui va être utile au neurologue généraliste ou qui pratique un autre domaine surspécialisé, et enfin des capacités didac- tiques et d’animation pour réussir l’exercice difficile de faire tenir le tout dans la ½ heure impartie en restant clair, simple et pratique. Le programme, chaque année, est dense. La quan- tité et la qualité des informations reçues justifient largement que les conférences soient retransmises, permettant aux auditeurs présents de revenir sur des informations et des données qu’ils n’auront pas eu le temps de noter, et aux auditeurs n’ayant pas pu assister à la session des TOP 5 – session qui est sainement concurrencée par les ateliers concomi- tants des Rencontres – d’actualiser leurs connais- sances en différé. C’est dans ce même esprit de partage que paraissent les six articles de ce dossier spécial « TOP 5 » de Neurologies, trois dans ce numéro et trois dans un suivant. Merci aux orateurs et à Claude Mékies qui réalisent ce travail supplémentaire de rédaction pour nous mettre à disposition les principales informa- tions qui nous ont été délivrées cette année. n Thomas de Broucker (Chef du service Neurologie, Centre hospitalier de Saint-Denis) LES « TOP » 5 DE LA NEUROLOGIE Coordonné par Thomas de Broucker (Saint-Denis), avec la collaboration de Claude Mékies (Toulouse) * REMERCIEMENTS • Vasculaire : Emmanuel Touzé, Sonia Alamowitch, Fernando Pico, Jean-Philippe Neau, Mathieu Zuber, François Mounier-Véhier et Mikael Mazighi. • Pathologie inflammatoire : Alain Créange, Patrick Vermersch, Chris- tine Lebrun-Frenay, Hélène Zephir, David Laplaud, Jean-Christophe Ouallet et Marc Coustans. • Épilepsie : Philippe Ryvlin, Franck Semah, Sophie Dupont, Vincent Navarro, Laurent Vercueil et Gilles Huberfeld. • Fonctions supérieures et dé- mences : Catherine Thomas-Anté- rion, François Sellal, Marie Sarazin, Olivier Godefroy, Bernard Croisile et Marc Teichmann. • Parkinson et mouvements anor- maux : Gilles Fénelon, Marc Vérin, Emmanuel Flamand-Roze, Mathieu Annheim et Frédéric Bourdain. • Neuro-oncologie : Damien Ricard, Khê Hoang et Alexandra Be- nouaich-Amiel. • Nerf périphérique et muscle : Thierry Maisonobe. • Migraine et céphalées : Anne Ducros et Anne Donnet. • Neurogénétique : Alexandra Dürr.

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DOSSIER

Neurologies • janvier 2016 • vol. 19 • numéro 184 • cahier 1 111

Dans ce numéro :

> 1/ Le Top 5 de l’épilepsie � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � P� 12 « L’idée serait d’avoir des molécules visant à empêcher le cerveau de devenir épileptique » Gilles Huberfeld (Paris)

> 2/ Le Top 5 du neurovasculaire � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � P� 16 « Une année riche en matière de traitement à la phase aiguë de l’infarctus cérébral » Mikael Mazighi (Paris)

> 3/ Le Top 5 de la pathologie cognitive � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � P� 21 « Des avancées importantes dans la compréhension des aphasies primaires progressives » Marc Teichmann (Paris)

Dans un prochain numéro :

> 1/ Le Top 5 de la pathologie inflammatoire Marc Coustans

> 2/ Le Top 5 de la pathologie neuromusculaire et nerf périphérique Thierry Maisonobe

> 3/ Le Top 5 de la pathologie pyramidale Frédéric Bourdain

La session « TOP 5 » des Rencontres de Neurologies a 7 ans

7 ans, l’âge de raison. C’est l’occasion de remercier tous les orateurs qui se sont pliés à l’exercice au fil des années*. Ils nous ont permis, à nous, auditeurs nombreux et motivés, d’actualiser intelligemment nos connaissances des apports principaux de la littérature de chaque année écoulée dans chaque grand domaine de la neurologie clinique. Pour réus-sir cela, il faut une grande capacité de discrimina-tion, un bon discernement de ce qui va être utile au neurologue généraliste ou qui pratique un autre domaine surspécialisé, et enfin des capacités didac-tiques et d’animation pour réussir l’exercice difficile de faire tenir le tout dans la ½ heure impartie en restant clair, simple et pratique. Le programme, chaque année, est dense. La quan-tité et la qualité des informations reçues justifient largement que les conférences soient retransmises,

permettant aux auditeurs présents de revenir sur des informations et des données qu’ils n’auront pas eu le temps de noter, et aux auditeurs n’ayant pas pu assister à la session des TOP 5 – session qui est sainement concurrencée par les ateliers concomi-tants des Rencontres – d’actualiser leurs connais-sances en différé. C’est dans ce même esprit de partage que paraissent les six articles de ce dossier spécial « TOP  5  » de Neurologies, trois dans ce numéro et trois dans un suivant. Merci aux orateurs et à Claude Mékies qui réalisent ce travail supplémentaire de rédaction pour nous mettre à disposition les principales informa-tions qui nous ont été délivrées cette année. n

Thomas de Broucker (Chef du service Neurologie, Centre hospitalier de Saint-Denis)

LES « TOP » 5 DE LA NEUROLOGIE

Coordonné par Thomas de Broucker (Saint-Denis), avec la collaboration de Claude Mékies (Toulouse)

* REMERCIEMENTS• Vasculaire : Emmanuel Touzé,

Sonia Alamowitch, Fernando Pico, Jean-Philippe Neau, Mathieu Zuber, François Mounier-Véhier et Mikael Mazighi.

• Pathologie inflammatoire : Alain Créange, Patrick Vermersch, Chris-tine Lebrun-Frenay, Hélène Zephir, David Laplaud, Jean-Christophe Ouallet et Marc Coustans.

• Épilepsie : Philippe Ryvlin, Franck Semah, Sophie Dupont, Vincent Navarro, Laurent Vercueil et Gilles Huberfeld.

• Fonctions supérieures et dé-mences : Catherine Thomas-Anté-rion, François Sellal, Marie Sarazin, Olivier Godefroy, Bernard Croisile et Marc Teichmann.

• Parkinson et mouvements anor-maux : Gilles Fénelon, Marc Vérin, Emmanuel Flamand-Roze, Mathieu Annheim et Frédéric Bourdain.

• Neuro-oncologie : Damien Ricard, Khê Hoang et Alexandra Be-nouaich-Amiel.

• Nerf périphérique et muscle : Thierry Maisonobe.

• Migraine et céphalées : Anne Ducros et Anne Donnet.

• Neurogénétique : Alexandra Dürr.

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ratoire a pu mettre en évidence un pattern systématique pré-SUDEP : ventilation rapide (18-50/min) du-rant 3  minutes avant dysfonction cardiovasculaire transitoire ou terminale. Ceci était associé à un pattern EEG typique avec un EEG quasiment nul (post ictal genera-lized EEG supression [PGES]). La question posée était celle de la cause de cette dysfonction neuro-végétative post-ictale.Ce pattern de PGES est retrouvé très souvent dans la littérature (16-90 % des crises généralisées tonicocloniques) et on se demande si cela peut être prédictif du risque de SUDEP. Dans une étude récente publiée par un groupe lyonnais [5], 99 CGTC (crise généralisée toni-coclonique) chez 69 patients ont été enregistrées en vidéo-EEG. Ces PGES sont survenus dans 47,5 % des crises, avec une durée moyenne de 37,5 secondes (12-157). Ces PGES étaient plus fré-quents lorsque la phase tonique était longue, lorsque la CGTC était typique (c’est-à-dire non asymé-trique ou directement clonique). Un autre élément important était le fait qu’on ne retrouvait pas de PGES chez les patients bénéficiant d'une administration rapide d’O2

nasal. Ceci a donc une incidence pratique, qui consiste, en cas de généralisation, à administrer très vite de l’oxygène.

Le top 5 de l'épilepsie« L’idée serait d’avoir des molécules visant à empêcher le cerveau de devenir épileptique »

1. LES SUDEP (SUDDEN UNEXPECTED DEATH IN EPILEPSY)

1. Shorvon S, Tomson T. Sudden unex-pected death in epilepsy. Lancet 2011  ; 378 : 2028-38.2. Sillanpää M, Shinnar S. Long-term mortality in childhood-onset epilepsy. N Engl J Med 2010 ; 363 : 2522-9.3. Thurman DJ, Hesdorffer DC, French JA. Sudden unexpected death in epile-psy: Assessing the public health bur-den. Epilepsia 2014 ; 55 :1479-85.4. Ryvlin P, Nashef L, Lhatoo SD et al. Incidence and mechanisms of cardio-respiratory arrests in epilepsy moni-toring units (MORTEMUS): a retros-pective study. Lancet Neurol 2013 ; 12 : 966-77.5. Alexandre V, Mercedes B, Valton L et al. Risk factor of postictal genera-lized EEG suppression in generalized convulsive seizures. Neurology 2015  ; 85 :1598-603.6. Aiba I, Noebels JL. Spreading depo-larization in the brainstem mediates sudden cardiorespiratory arrest in mouse SUDEP model. Sci Transl Med 2015 ; 7 : 282ra46.

Il s’agit d’un sujet qui a long-temps été tabou, mais pour lequel on commence à avoir un certain

nombre de données. Globalement, l’incidence globale des SUDEP est estimée à 4/1 000 patients/an [1]. Si on étudie le risque cumulatif sur une période de 40 ans, en cas d'épi-lepsie pharmacorésistante ayant débuté dans l’enfance, ce risque est de 12,5 % [2]. Dans une autre étude, le risque cumulatif à 70 ans pour des épilepsies ayant débuté à l’âge de 15 ans était de 7,2 % [3]. Les auteurs estimaient le nombre de décès liés à un SUDEP à 3 000/an (aux États-Unis). En revanche, si on retient un autre critère corres-pondant au nombre d’années per-dues, on aboutit à 100 000/an, ce qui en fait la deuxième pathologie après les AVC, et donc une problé-matique non négligeable.

■■ QU’EN EST-IL DE LA PHYSIOPATHOLOGIE DE CES MORTS SUBITES CHEZ LES PATIENTS ÉPILEPTIQUES ?L’étude Mortemus publiée par Ryvlin et al. [4] avait pour but de recueillir les cas de mort subite chez des patients épileptiques mo-nitorés dans 147 unités de vidéo-EEG (sur 1 an). 16 SUDEP et 9 near SUDEP (“morts rattrapées”) ont été enregistrées, soit une incidence de 5,1 (95 % CI [2,6-9,2])/1 000 pa-tients/an. Ces décès survenaient uniquement en post-généralisa-tion de crise tonicoclonique. Pour dix cas, un monitoring cardiorespi-

Claude Mékies*, d'après l'intervention de Gilles Huberfeld**

*Polyclinique du Parc, Toulouse**Département de neurophysiologie clinique - UPMC - CHU Pitié-Salpêtrière ; U1129 Épilepsies de l’enfant et plasticité cérébrale

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les « Top 5 » de la neurologie

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Dans cette même thématique, une étude expérimentale [6] coordon-née par une équipe des États-Unis a amené à étudier la physiopathologie de la dysfonction neurovégétative du SUDEP. Cette équipe possède deux modèles animaux d’épilepsie avec SUDEP : KO Kv1.1 (Canal K+) et Scn1a (+/R1407X) (Canal Na+), modèles qui présentent également un phénomène de spread ing depres-sion (SD) qui correspond à une onde de dépolarisation lente des neu-rones et des astrocytes liée à une augmentation de la libération de glutamate et du taux de K+ extra-cellulaire. Ces souris épileptiques présentaient facilement des crises (induites par 4-AP), associées à une SD se propageant du foyer cortical aux régions de contrôle de l’activité cardiorespiratoire du tronc (dorsal medulla), responsable d'une dys-fonction cardiorespiratoire. Il a éga-lement été noté des morts subites par initiation d’une SD dans le tronc après infusion de KCl (suppression EEG, apnée, bradycardie, asystolie). On peut modifier le seuil de surve-nue de ces SD, par manipulation génétique (délétion du gène tau) qui normalise le seuil de SD et donc prolonge la survie. La meilleure connaissance de la physiopathologie des SUDEP doit permettre de mieux les prévenir et les prendre en charge.

2. LE MÉTABOLISME EN ÉPILEPTOLOGIE

1. Chang P, Augustin K, Boddum K et al. Seizure control by decanoic acid through direct AMPA receptor inhibi-tion. Brain 2015.2. Sada N, Lee S, Katsu T et al. Epile-psy treatment. Targeting LDH enzymes with a stiripentol analog to treat epile-psy. Science 2015 ; 347 : 1362-7.

Au tout début du XXe siècle, la diète cétogène était le principal traite-ment des épilepsies. Puis, l’arrivée du phénobarbital et ensuite de la phénytoïne a fait de ce traitement une solution alternative. Dans les années 1970, ce traitement a été réutilisé, notamment chez l’enfant, avec des résultats parfois plus qu'encourageants, mais sans pour autant comprendre le ou les méca-nismes antiépileptiques de cette diète cétogène.Globalement, l’effet d’une diète cétogène consiste à augmenter le taux de corps cétoniques, notam-ment de bétahydroxybutyrate et d’acétoacétate avec des cibles po-tentielles  : canaux KATP, transpor-teurs vésiculaires du glutamate et récepteurs A1 de l'adénosine.Dans cette étude [1], les auteurs ont montré que, lors de la diète cétogène, il y avait une augmenta-tion considérable des taux d'acide décanoïque. L’acide décanoïque bloque les décharges épileptiques in vitro. Il réduit les courants sy-naptiques excitateurs (diminution du PPSE glutamatergique par effet sur les récepteurs AMPA). Il agit de manière non compétitive par rapport au glutamate, sur un site spécifique différent de celui du pérampanel, qui est un nouvel an-tiépileptique (premier antagoniste sélectif non compétitif de ces ré-cepteurs AMPA). La diète cétogène possède donc une cible presque commune, mais avec une modalité thérapeutique très différente.

Une autre étude [2] visant à étudier le métabolisme énergétique est issue des diverses modalités de fa-brication de l’ATP dans les neurones pour alimenter le cycle de Krebs. Plusieurs voies sont connues : • Une première voie consiste à transformer le glucose en pyruvate

pour alimenter le cycle de Krebs.• Une deuxième voie est une ali-mentation directe par les corps cétoniques.• Une troisième voie, qui va nous intéresser, est la transformation dans l’astrocyte du glucose en lac-tate par la lactate déshydrogénase (LDH). Ce lactate est transformé par le LDH en pyruvate qui va ali-menter le cycle. Dans cette étude, des neurones issus du tronc cérébral ont été iso-lés. Si on les met en présence de glucose, les neurones déchargent. Si on administre des corps céto-niques (β-hydroxybutyrate ou acé-toacétate), on provoque une hyper-polarisation et une inhibition de la décharge neuronale. En revanche, l’administration de lactate, forçant la troisième voie du métabolisme énergétique, engendre une dépo-larisation du neurone qui se met à décharger. Le blocage de la trans-formation du lactate en pyruvate par inhibition de la LDH hyperpola-rise aussi les neurones. L'effet est médié par le pyruvate qui semble être à l’origine des décharges. Cet effet métabolique est in fine mé-dié par des canaux K+ sensibles à l'ATP : lorsque les taux d'ATP dimi-nuent, comme c'est le cas quand le métabolisme énergétique est perturbé, ces canaux s'ouvrent et hyperpolarisent les neurones.In vitro, et dans l’hypothèse d’une action antiépileptique, l’idée serait d’utiliser un inhibiteur de cette LDH neuronale (oxamate). Si on met directement l’oxamate dans la cellule, on observe une hyperpola-risation inhibitrice. In vivo, le blocage de la LDH (oxa-mate) contrôle les décharges épi-leptiques (souris KA).Cette équipe est allée plus loin en étudiant si, parmi les antié-pileptiques, certains bloquaient

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la LDH. Cet effet a été retrouvé pour le stiripentol, médicament essentiellement utilisé en pratique pédiatrique, pour interagir phar-macocinétiquement avec d’autres molécules. Les effets in vivo du sti-ripentol sont restés modestes, mais un analogue (isosafrole), inhibiteur de LDH, semble plus efficient. Une fois de plus, la meilleure compréhension des mécanismes de production des activités épilep-tiques permet de développer de nouveaux traitements.

3. LES CANNABINOÏDES

1. Schultes RE. Man and marihuana.Nat Hist 1973 ; 82 : 59.2. Koppel BS, Brust JC, Fife T et al. Systematic review: efficacy and safety of medical marijuana in selected neu-rologic disorders: report of the Guide-line Development Subcommittee of the American Academy of Neurology. Neu-rology 2014 ; 82 : 1556-63.3. Gloss D, Vickrey B. Cannabinoids for epilepsy. Cochrane Database Syst Rev 2014 ; 3 : CD009270.4. Friedman D, Devinsky O. Cannabi-noids in the treatment of epilepsy. N Engl J Med 2015 ; 373 : 1048-58.

Les effets antiépileptiques du can-nabis sont connus de très longue date : décrits par les Sumériens en 1800 avant JC [1], puis tombés en désuétude avec l’arrivée des antiépi-leptiques. Dans les années 1990, on a découvert la voie de signalisation de ces endocannabinoïdes, notam-ment de la voie principale (voie de type 1 avec des récepteurs de type cannabinoid receptor 1 : CB1 R). Ces récepteurs activent une protéine G, puis modulent des canaux Ca++ vol-tage-dépendants et des canaux K+ présynaptiques. On lui connaît deux ligands endogènes  : 2-arachido-

noylglycérol (2-AG) et anandamide. Dans des tissus de patients épi-leptiques, il existe une diminution de concentration d’anandamide et une down regulation des récepteurs CB1. Le système CB1 et l’ananda-mide sont donc bien impliqués dans l’épilepsie.Concernant le cannabis récréatif, on compte jusqu’à 545 substances actives. Parmi elles, deux ont un intérêt sur le plan pharmacolo-gique : • le Δ9-tétrahydrocannabinol (Δ9-THC) qui a les effets psycho-affec-tifs et des effets antiépileptiques démontrés in vivo et in vitro via CB1. • le cannabidiol qui n’a pas d’effet psycho-affectif, mais une action an-tiépileptique in vivo et in vitro sans passer par les récepteurs CB1. Il fonctionne via certains récepteurs : Transient Receptor Potential chan-nels et des récepteurs adénosine A1, en diminuant la libération de glutamate.

■■ QU’EN EST-IL DES EFFETS ANTIÉPILEPTIQUES CHEZ L’HOMME ?En 2014, les conclusions de cette revue Cochrane confirmaient l’ab-sence de données tangibles  : “no reliable conclusions can be drawn at present regarding the efficacy of cannabinoids as a treatment for epi-lepsy” (Cochran review  : Gloss D 2014) [2]. Les autres données de la littérature étaient également très limitées, jusqu’à la parution de cet article dans le New England Journal of Medicine [3]. Celui-ci retrouve quelques effets positifs dans des publications de case reports (avec notamment quelques aggravations post sevrage). Quatre études pros-pectives, contrôlées cannabidiol versus placebo, ont été publiées avec des effectifs faibles et des

résultats variables (deux études positives versus deux études néga-tives). Une autre étude, un consor-tium (États-Unis) utilisant l’épidio-lex (99  % cannabidiol et  <  0,10  % Δ9-THC), en ouvert, a montré une réduction médiane du nombre de crise de 54  % chez 137 patients. Des essais sont en cours, notam-ment dans le syndrome de Dravet et le syndrome de Lennox-Gastaut (en phase III). Concernant la sécurité d’emploi, notamment avec le cannabis ré-créatif, on note une addiction chez 9 % des utilisateurs récréatifs. Des risques cognitifs et développemen-taux ont été notés avec diminution de la connectivité préfrontale et du précuneus, des baisses de volume de l’amygdale et de l’hippocampe et des baisses de QI. Dans les extraits de cannabis utili-sés pour la spasticité dans la SEP, on observe un arrêt du traitement pour effet indésirable dans 6,9  % des cas.Dans le cadre de l’utilisation du cannabidiol chez l’enfant avec épi-lepsie, on retrouve plusieurs effets secondaires  : somnolence (21  %), diarrhée (17  %), fatigue (17  %), diminution de l’appétit (16  %), augmentation de la fréquence des crises, perte de poids et anomalies des enzymes hépatiques (< 7  %). Le risque toxicomanogène est pos-sible. Par ailleurs, il faut se méfier des interactions avec d’autres molécules via le cytochrome P450, avec effet inducteur enzymatique. De plus, le métabolisme du Δ9-THC et du cannabidiol peut être modifié par d’autres molécules.

4. L’ÉPILEPTOGENÈSE

1. Cho KO, Lybrand ZR, Ito N et al. Aberrant hippocampal neurogenesis

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les « Top 5 » de la neurologie

Neurologies • Janvier 2016 • vol. 19 • numéro 184 • cahier 1 151

contributes to epilepsy and associated cognitive decline. Nat Commun 2015 ; 6 : 6606.2. Becker C, Bouvier E, Ghestem A et al. Predicting and treating stress induced vulnerability to epilepsy and depression. Ann Neurol 2015  ; 78  : 128-36.

En neurologie, nous disposons de nombreuses molécules en préven-tion de la survenue de crises, mais l’idée serait d’avoir des molécules visant à empêcher le cerveau de devenir épileptique. Le proces-sus qui rend le cerveau épilep-tique est l’épileptogenèse. Celle-ci correspond à la phase dynamique de création d’un foyer et/ou d’un réseau épileptique. Nous savons qu’il existe une neurogenèse aber-rante dans les modèles d’épilepsie du lobe temporal, c'est-à-dire la naissance de nouveaux neurones. On sait également que les crises induisent une neurogenèse, sans savoir si ces nouveaux neurones sont délétères ou s’ils contribuent à protéger des crises. Dans cette étude [1] chez l’ani-mal, le but était de bloquer la neu-rogenèse, puis d'en étudier les conséquences sur l'épilepsie et ses comorbidités, par une souris KO conditionnel pour le gène de la Nestin. L'épilepsie était induite par administration de pilocarpine qui, à l'issue d'un état de mal ini-tial reconfigurant l'hippocampe, s'exprime sous la forme de crises spontanées. Le blocage de la neu-rogenèse diminuait la fréquence des crises de 40 % à la phase chro-nique. Ceci est le fait d’une dimi-nution du bourgeonnement rétro-grade des fibres moussues. Par ailleurs, l’abolition de la neuroge-nèse chez ces animaux diminuait les troubles de la mémoire hippo-campique.

Un autre élément concernait l’in-fluence du stress sur l’épilepto-genèse et les troubles dépressifs associés à l’épilepsie [2]. Le proto-cole est le suivant  : des animaux, en l’occurrence des rats, chez les-quels on a induit un stress initial (en exposant des rats étudiés avec des rats dominants : Social Defeat) sont rendus épileptiques en induisant un état de mal épileptique (KA). Après un stress initial (Social Defeat), on a observé une diminution du taux de BDNF. Certains vont conserver des taux bas de BDNF, d’autres vont voir une normalisation de ce taux. Les animaux avec un taux de BDNF res-tés bas après le stress initial avaient plus de troubles cognitifs que ceux avec BDNF normalisé une fois l'épi-lepsie induite et présentaient une épileptogenèse accélérée et une épilepsie plus active.

5. L’EEG

1. Schevon CA, Weiss SA, McKhann G Jr et al. Evidence of an inhibitory res-traint of seizure activity in humans. Nat Commun 2012 ; 3 : 1060. 2. Wagner FB, Eskandar EN, Cosgrove GR et al. Microscale spatiotemporal dynamics during neocortical propaga-tion of human focal seizures. Neuroi-mage 2015 ; 122 : 114-30.

Le signal EEG est produit par des entrées synaptiques synchrones sommées à partir de populations neuronales. Nous n’avons pas, en pratique, de mesure directe de l’activité de décharges neuronales.Des moyens innovants d’enregis-trer spécifiquement les décharges des neurones ont été développés : les microélectrodes. De types va-riés, elles ont en commun leur pe-tite taille et le recueil des activités au contact même des neurones.

Cet article [1] montre que, lorsqu’on enregistre non pas l’EEG, mais directement l’activité unitaire des neurones, on met en évidence des modalités de propagation qui n’étaient pas trop perçues par l’enregistrement EEG standard. Un noyau central de recrutement de neurones, très actif, va se pro-pager et envahir une zone dite de pénombre ictale à la périphérie, impliquée dans la propagation. Le noyau ictal est le siège d’une haute synchronisation, alors qu’au sein de la zone de pénombre, la syn-chronisation est plus faible. Lors de la crise, on met en évi-dence, dans le noyau ictal, une perte de décharge neuronale, alors que dans la zone de pénombre, la décharge se maintient. Ces don-nées sont inattendues. Concernant la propagation, plusieurs patterns sont décrits. La dynamique d’acti-vation neuronale est variable d’une crise à l’autre [2].Ces techniques d’enregistrement à l’aide de microélectrodes per-mettront probablement à l’avenir de mieux comprendre la dyna-mique des crises. ■

CorrespondanceDr Gilles HuberfeldDépartement de neurophysiologie cliniqueBâtiment P. Castaigne - Sous-solUPMC - CHU Pitié-Salpêtrière47-83 Bd de l'Hôpital75013 Paris E-mail : [email protected]

✖ Gilles Huberfeld déclare avoir des liens d'intérêts avec EISAI.

Mots-clés SUDEP, Métabolisme, Cannabinoïdes, Épileptogenèse, EEG

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16 Neurologies • Janvier 2016 • vol. 19 • numéro 184 • cahier 13

*Polyclinique du parc, Toulouse**Service de neurologie et pôle neurosensoriel, Hôpital Lariboisière, Paris

1. PLACE DE LA THROMBECTOMIE DANS L’INFARCTUS CÉRÉBRAL

• Berkhemer OA, Fransen PS, Beu-mer D et al. A randomized trial of intraarterial treatment for acute ischemic stroke. N Engl J Med 2015 ; 372 : 11-20.

L’année 2015 a été très riche en matière de traitement à la phase aiguë de l’infarctus cérébral, notamment en termes de throm-bectomie  : cinq articles ont été publiés sur ce thème dans le New England Journal of Medicine. Ceci fait suite au premier papier de 2013 qui ne montrait pas de béné-fice concernant le groupe qui avait reçu un traitement fibrinolytique associé à une thrombectomie par rapport au groupe qui n’avait eu que la fibrinolyse IV, mais qui, en revanche, signalait l’absence de risque de surmortalité. Dans cet article, plusieurs biais avaient été discutés, notamment un biais de sélection, car 20  % des patients n’avaient pas d’occlusion arté-rielle documentée.Concernant l’article choisi pour le TOP 1, il s’agit d’une étude néer-

la thrombectomie.Contrairement aux années pré-cédentes, il y a eu cette fois-ci une sélection des patients qui devaient présenter une occlu-sion artérielle (artère carotide interne, segment proximal de l’artère cérébrale moyenne  : M1 et M2, segment proximal de la cérébrale antérieure  : A1 et A2). À noter : dans cette étude, aucun patient ne présente d’occlusion de la circulation postérieure. 500  patients ont été randomi-sés sur 18 centres aux Pays-Bas (233 dans le groupe “endovascu-laire” versus 267 dans le groupe “médical”). Le critère de juge-ment principal était le score de Rankin pertinent pour le handi-cap physique (mRS) (Fig. 1).Voici les résultats : • Il n’a pas été mis en évidence de différence significative pour le décès.

Intervention(N = 233)

Contrôle(N = 267)

Score de Rankin modifié

0 20 40 60

Patients (%)

Pas de symptôme 0

Décès

80 100

1 2 3

3 9 21 2122 6

6 13 16 30 12 22

18

4 5 6

FIGURE 1 - Score de Rankin.

le tOP 5 du neurovasculaire« Une année riche en matière de traitement à la phase aiguë de l’infarctus cérébral »

Claude Mékies*, d’après l’intervention de Mikael Mazighi**

landaise, randomisée, contrô-lée, pragmatique, où les patients étaient pris en charge dans les 6 heures après la survenue d’un infarctus cérébral. Un élément à signaler est le faible score re-quis pour l’inclusion des patients (NIHSS ≥ 2). Les patients ont été randomisés, soit pour une prise en charge médicale standard (fibrino-lyse IV dans les 4 h 30 ou aspirine au-delà de 4 h 30), soit pour une prise en charge endovasculaire (thrombectomie) en plus du trai-tement standard, c’est-à-dire de la thrombolyse IV, si les patients étaient éligibles à la thrombolyse. Dans cette étude, il y avait beau-coup de transferts vers d’autres centres pour la thrombectomie. Les patients bénéficiaient de la fibrinolyse IV dans le centre de sélection, puis, s’ils ne s’amélio-raient pas, étaient transférés vers des centres pour la réalisation de

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les « Top 5 » de la neurologie

Neurologies • Janvier 2016 • vol. 19 • numéro 184 • cahier 1 171

100

Scor

e de

Ran

kin

mod

ifié

0-2

(% p

atie

nts)

Risque relatif (IC 95 %)

IMS III

MR CLEAN

REVASCAT

ESCAPE

SWIFT PRIME

EXTEND-IA

90

80

70

60

50

40

30

20

10

0 0

0,5

1,0

1,5

2,0

2,5

Traitement endovasculaire Soins standard Risque relatif

3,0

FIGURE 2 - Effet du traitement endovasculaire : une grande hétérogénéité en fonction des études.

• En revanche, une différence si-gnificative pour le handicap a été montrée : évolution favorable de 0 à 2, avec dans le groupe “endo-vasculaire” une évolution favo-rable dans 33  % des cas versus 19 % dans le groupe “médical”. Le score NIHSS médian était de 17. La topographie de l’occlusion était essentiellement représen-tée par des occlusions de l’artère cérébrale moyenne (ACM ; 64 %). Dans 26  % des cas, il s’agissait d’une occlusion de la carotide interne. 89 % des patients avaient bénéficié d’une fibrinolyse (Rt-Pa). Le dispositif utilisé était un stentriever qui est déployé pour capturer le caillot, mais qui n’est pas largué, contrairement aux dispositifs utilisés les années précédentes. Le taux de reperfu-sion était de 59 %, ce qui n’est pas un taux extrêmement élevé. Lorsqu’on prend l’ensemble des études publiées en 2015, on met en évidence une grande hétéro-généité concernant l’amplitude de l’effet du traitement endo-vasculaire, en partie expliquée par l’hétérogénéité des critères d’inclusion, mais également par le temps pour rouvrir l’artère (Fig. 2). En termes de tolérance, il n’a pas été retrouvé de différence significative concernant le taux de complications hémorragiques symptomatiques (aux alentours de 6  %), ni de différence pour le décès à 1  mois et à 3 mois (aux alentours de 19 % à 3 mois). Par contre, dans le bras “endovascu-laire”, il a été noté du fait de la fragmentation du caillot, un autre infarctus cérébral (5,6 %).Au total, les résultats de cette étude, mais également des quatre autres études publiées, font de la thrombectomie asso-

ciée à la thrombolyse IV le nou-veau traitement de référence, mais cela concerne des infarctus cérébraux avec occlusion proxi-male de la circulation antérieure, chez des patients sévères. Plu-sieurs questions sont en sus-pens  : notamment concernant la sélection des patients (patients avec occlusion artérielle et déficit modéré par exemple), mais éga-lement le délai avec la question du transfert.

2. TENECTÉPLASE VERSUS ALTÉPLASE

• Huang X, Cheripelli BK, Lloyd SM et al. Alteplase versus tenecteplase for thrombolysis after ischaemic stroke (ATTEST): a phase 2, randomised, open-label, blinded endpoint study. Lancet Neurol 2015 ; 14 : 368-76.

Depuis 20 ans, nous n’avons pas de concurrent direct à l’alté-plase, produit de référence utilisé comme thrombolytique à la phase aiguë de l’infarctus cérébral. Le tenectéplase, utilisé par les cardiologues, a fait l’objet d’une

étude monocentrique, écossaise, de phase II (étude prospective, randomisée, ouverte), chez des patients ayant présenté un in-farctus cérébral de la circulation antérieure dans les 4 h 30. Les patients étaient sélectionnés sur une imagerie de perfusion et recevaient soit du tenectéplase 0,25 mg/kg en bolus (max 25 mg), soit de l’altéplase 0,9 mg/kg en bolus puis perfusion (max 90 mg). Le critère de jugement principal était le pourcentage de pénombre sauvée à 24-48 heures, c’est-à-dire le pourcentage de territoire à risque qui ne progresse pas vers un infarctus cérébral sur le scan-ner de suivi. Il n’a pas été retrouvé de diffé-rence significative sur le critère de jugement principal (68  % de pénombre ischémique dite “sau-vée” dans les deux groupes). Il en est de même pour des cri-tères secondaires (score Rankin identique, mais sur des effectifs faibles, taux de recanalisation similaire). En revanche, on notera un taux de complication hémor-ragique plus faible dans le groupe tenectéplase.

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DOSSIER

18 Neurologies • Janvier 2016 • vol. 19 • numéro 184 • cahier 13

Au final, il s’agit d’une étude pi-lote permettant de suggérer une équivalence des deux produits, mais avec deux éléments en faveur de la tenectéplase  : faci-lité d’utilisation (uniquement en bolus) et moindres complications hémorragiques. À noter, deux autres études avec le tenecté-plase, dont une avait montré un effet très net concernant l’évo-lution clinique (décès et dépen-dance à 3 mois) comparativement à l’altéplase (Fig. 3).

3. NOUVELLE CIBLE POUR LE CONTRÔLE DE L’HTA ?

• SPRINT Research Group, Wright JT Jr, Williamson JD et al. A Rando-mized Trial of Intensive versus Stan-dard Blood-Pressure Control. N Engl J Med 2015 ; 373 : 2103-16.

Concernant la prévention, le contrôle de la pression artérielle fait l’objet d’une discussion sur la cible optimale qui reste en-core très controversée. Dans ce contexte-là, l’étude SPRINT vient d’être publiée au mois de no-vembre 2015 dans le New England Journal of Medicine. Il s’agit d’une étude randomisée contrôlée, en ouvert, sur 102 sites aux États-Unis. 9 361 patients avec une pression artérielle sys-tolique ≥ 130 mmHg, avec risque cardiovasculaire élevé (28  % pts > 75 ans, Framigham > 15 %, BMI 29), sans diabète, sans AVC, ont été randomisés. Ces patients ont été randomisés en deux groupes  : traitement in-tensif où la cible était inférieure à 120 mmHg ou traitement stan-dard avec une cible inférieure à 140 mmHg (Fig. 4).

Le critère de jugement principal était un critère composite : surve-nue d’un infarctus du myocarde, d’un syndrome coronarien aigu, d’un AVC, d’une insuffisance car-diaque, ou survenue d’un décès d’origine vasculaire.Quelques commentaires : dans le bras “traitement intensif”, il a été possible d’atteindre la cible, mais avec certaines difficultés pour faire baisser la PA. Par ailleurs,

lorsqu’on regarde le nombre de médicaments entre les groupes, il y a une différence d’un médi-cament seulement en moyenne et quand on sait le fait que les règles hygiéno-diététiques sont équivalentes à un médicament, cela doit amener à une réflexion sur la prise en charge de ces pa-tients. Un schéma de classe de traitement a été proposé selon les profils de patients.

Tenectéplase

En faveurdu tenectéplase

En faveurde l’altéplase

10,50,2 2

45/81

14/50

30/47

89/178

18/31

14/25

30/49

62/105

0,96 (0,69-1,42)

0,50 (0,29-0,89)

1,04 (0,76-1,43)

0,85 (0,58-1,23)

Haley et al.

Parsons et al.

ATTEST

Combiné (random)

Altéplase Odds ratio (IC 95 %)

FIGURE 3 - Mort ou dépendance à 3 mois (mRS3-6) dans des essais rando-misés comparant tenectéplase et altéplase.

1,0

0,8

0,10

0,08

0,06

0,04

0,02

0,00

0,6

0,4

Risq

ue c

umul

é

0,2

0,00

0

1 2 3Années

A. Critère principal Hazard ratio avec traitement intensif0,75 (IC 95 %, 0,64-0,89)

Traitement standard

Traitement intensif

4 5

1 2 3 4 5

Nombre d’événementsTraitement standard 4 683 4 437 4 228 2 829 721Traitement intensif 4 678 4 436 4 256 2 900 779

1,0

0,8

0,10

0,08

0,06

0,04

0,02

0,00

0,6

0,4

Risq

ue c

umul

é

0,2

0,00

0

1 2 3Années

B. Décès (toutes causes)Hazard ratio avec traitement intensif0,73 (IC 95 %, 0,60-0,90)

Traitement standard

Traitement intensif

4 5

1 2 3 4 5

Nombre d’événementsTraitement standard 4 683 4 528 4 383 2 998 789Traitement intensif 4 678 4 516 4 390 3 016 807

FIGURE 4 - Comparaison du traitement intensif (PAS < 120 mmHg) versus traitement standard (PAS > 140 mmHg).

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les « Top 5 » de la neurologie

Neurologies • Janvier 2016 • vol. 19 • numéro 184 • cahier 1 191

Concernant le critère de jugement principal, celui-ci est présenté selon une courbe de Kaplan-Meir en faveur du traitement inten-sif (1,65 %/an versus 2,19 %/an). Il n’a pas été noté d’effet sur le risque de survenue d’AVC. En re-vanche, il a été démontré un effet net sur la diminution de l’insuffi-sance cardiaque.Dans les analyses de sous-groupes, on notera un effet plus important du traitement intensif chez les personnes plus âgées et chez ceux qui ont les chiffres de pression artérielle plus élevés. Concernant la tolérance, un cer-tain nombre d’événements indé-sirables ont été notés (hypoten-sion, syncope, insuffisance rénale aiguë, chutes), plus importants dans le groupe intensif, mais sans conséquence sur le critère princi-pal qui était un critère composite.À l’heure actuelle, il s’agit d’une étude importante sur la pré-vention primaire qui permet de définir une nouvelle cible pour la pression artérielle. Aura-t-on les mêmes résultats chez des patients aux antécédents d’AVC ? Par ailleurs, le problème reste sa faisabilité. Arrivera-t-on à faire baisser la tension en dessous de 120 mmHg en pratique ?

4. LES ANTIAGRÉGANTS PLAQUETTAIRES : NOUVEAU TRAITEMENT DE RÉFÉRENCE DES DISSECTIONS CERVICALES ?

• The CADISS trial investigators. An-tiplatelet treatment compared with anticoagulation treatment for cervi-cal artery dissection (CADISS): a ran-domised trial. Lancet Neurol 2015  ; 14 : 361-67.

Concernant les dissections des artères cervicales, nous avons, pendant très longtemps, pensé que la rareté de cette étiologie ne permettrait pas de faire d’études randomisées. Or, cette étude ran-domisée vient d’être publiée. Elle a concerné 46 centres (anglais et australiens) qui ont permis de recruter 250 patients présentant une dissection extracrânienne (158 carotides, 132 vertébrales). Ces patients ont été randomisés en moyenne 3,65 jours après le début des symptômes. Il s’agis-sait pour 224 patients (90 %) d’un AVC/AIT. Les patients ont été randomisés en deux groupes  : 126 dans le groupe “antiplaquet-taires” et 124  dans le groupe “anticoagulants”. Le critère de jugement principal était la surve-nue d’AVC ou de décès à 3 mois. À noter, des taux d’événements très faibles (Fig. 5).Il s’agit d’une étude pilote qui ne montre pas de différence nette entre traitements antiagrégant plaquettaire et anticoagulant pour les dissections, mais les ef-fectifs sont faibles. Le sur-risque hémorragique avec les anticoa-gulants amènerait donc à propo-ser plutôt un traitement antiagré-gant plaquettaire.Cette étude ne permet pas de

différencier l’effet du traitement antithrombotique sur les dissec-tions avec signes locaux unique-ment de celles avec des infarctus cérébraux. En effet, il n’est pas sûr que le risque d’événements ischémiques soit le même pour les dissections avec signes lo-caux et celles se présentant par un infarctus cérébral.

5. INHIBITEUR DE LA PCSK9

• Sabatine MS, Giugliano RP, Wiviott SD et al. Efficacy and safety of evolo-cumab in reducing lipids and cardio-vascular events. N Engl J Med 2015 ; 372 : 1500-9.

L’évolocumab est un anticorps monoclonal qui inhibe la propro-tein convertase subtilisin–kexin 9 (PCSK9) et réduit le LDL-choles-térol.Il y a déjà eu deux études OSLER (1 et 2) avec une randomisation 2:1 (2 pour le bras AC mono-clonal). Le mode d’administra-tion est sous-cutané (140 mg toutes les 2 semaines ou 420 mg mensuel),ce qui peut améliorer la compliance. Dans cette étude, les patients ont été randomisés pour rece-

Hémorragie majeure

AVC/AVTAnticoagulants

1

54

1

1

00

0

2

2 4 60

2 AntiplaquettairesAVC

Décès

AVC/Décès

FIGURE 5 - Anticoagulants versus antiagrégants plaquettaires.

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DOSSIER

20 Neurologies • Janvier 2016 • vol. 19 • numéro 184 • cahier 13

voir : évolocumab associé au traitement standard ou traite-ment standard seul. Le critère de jugement était la survenue d’événements vasculaires (IDM, AVC). 4  465 patients ont été in-clus. L’âge moyen était de 58 ans. 80,4  % avaient au moins un fac-teur de risque vasculaire. Peu avaient eu des antécédents d’AVC (< 3 %). 70,1 % étaient déjà sous statines. 7,2 % des patients ont du arrêter le traitement par évolocu-mab pour effets secondaires.Le taux de LDL-cholestérol était inférieur à 0,60 g/l dans le groupe évolocumab associé au traite-ment standard versus 1,20 g/l en moyenne dans le goupe traite-ment standard (Fig. 6).Concernant le critère principal, à savoir la réduction des évé-nements vasculaires à 1 an, on notait une nette différence entre les deux groupes : (0,95 % versus 2,18 %).Si on s’intéresse à la survenue d’AVC, il n’a pas été noté de dif-férence entre les deux groupes : (la diminution de 0,1 % est équi-valente dans les deux bras).Beaucoup d’effets indésirables ont été notés dans les deux groupes (environ 65 à 70 %), mais sans différence significative entre les deux bras. Au total, il semble s’agir d’une nouvelle molécule pour la pré-vention secondaire de l’infarctus cérébral, mais dans cette étude peu de patients avaient un AVC à l’inclusion. Un des intérêts de l’évolocumab serait la com-

pliance au traitement (injections mensuelles). L’autre interroga-tion est le fait que d’autres études avaient montré qu’un taux de LDL-cholestérol très bas pouvait être à l’origine de complications hémorragiques.

CONCLUSIONOn retiendra donc :1. La thrombectomie associée à la thrombolyse IV est le nouveau traitement de référence pour le traitement à la phase aiguë de l’infarctus cérébral en rapport avec une occlusion proximale de la circulation antérieure.2. Le tenectéplase sera peut-être la prochaine molécule utilisée pour la thrombolyse IV dans l’in-farctus cérébral.3. Une nouvelle cible pour le trai-tement de l’HTA < 120 mmHg ?4. Les antiagrégants plaquet-

taires aussi efficaces que l’anti-coagulation pour les dissections cervicales.5. L’inhibiteur de la PCSK9 (évolo-cumab) : une nouvelle génération d’hypocholestérolémiants. n

CorrespondancePr Mikael MazighiService de neurologie et pôle neu-rosensorielHôpital Lariboisière2, rue Ambroise Paré75010 ParisE-mail : [email protected]

✖ Mikael Mazighi déclare avoir des liens d’inté-rêts avec Boehringer, Servier, AstraZeneca, Bayer, Medtronic et le Club NeuroVasculaire Île-de-France.

Mots-clés Thrombectomie, Thrombolyse, Infarc-tus cérébral, Tenectéplase, Altéplase, HTA, Anticoagulant, Antiagrégant plaquettaire, Hypercholestérolémiant

LDL-

chol

esté

rol (

mg/

dl)

Semaines

Thérapie standard

Évolocumab

Base-line

4 1210

20

40

60

80

100

120

140

24 36 48

Nombre d’événementsThérapie standard 1 489 394 1 388 1 376 402 1 219Évolocumab 2 976 864 2 871 2 828 841 2 508

Réduction absolue (mg/dl) 60,4 73,4 70,4 72,7 70,5Pourcentage de réduction 45,3 60,9 58,8 54,0 58,4Valeur de P < 0,001 < 0,001 < 0,001 < 0,001 < 0,001

FIGURE 6 - Taux de LDL-cholestérol : groupe évolocumab vs thérapie stan-dard.

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DOSSIER

Neurologies • Janvier 2016 • vol. 19 • numéro 184 • cahier 1 211

vivo rendaient le diagnostic peu spécifique. Depuis, l’évolution des critères par l’International Working Group [1-3] a permis de considérer la MA comme une entité clinico-biologique que l’on peut diagnostiquer précocement avec de bonnes spécificité et sen-sibilité grâce aux biomarqueurs pathophysiologiques. Ce concept est un concept unifié, car il inclut aussi bien des stades précli-niques, des stades prodromaux que des stades démentiels. Ce concept a également l’avantage d’être peu complexe puisque l’existence d’une signature bio-logique in vivo reflétant la MA (par les biomarqueurs du LCR ou le PET amyloïde), associée à un phénotype clinique de troubles de la mémoire de profil hippocam-pique, définit la MA typique. Ce groupe a proposé également que le test de référence visant à défi-nir le profil hippocampique soit le RL-RI 16 [4]. Les auteurs ont enrichi dès 2010 leurs propos en incluant également des formes non amnésiques, notamment des formes langagières (aphasie logopénique), des formes avec atteinte visuo-spatiale (formes postérieures) et des formes avec atteinte dysexécutive ou com-portementale (formes frontales) qui, associées à la positivité des

Le top 5 de la pathologie cognitive"Des avancées importantes dans la compréhension des aphasies primaires progressives"

Pour cette présentation, le Dr Teichmann a pris le parti d’aborder cinq entités principales entrant dans le champ de la cognition : • Maladie d’Alzheimer• Aphasies primaires

progressives/démence sémantique

• Paralysie supranucléaire progressive

• Syndrome corticobasal• Démence fronto-temporale.

1. LA MALADIE D’ALZHEIMER

1. Dubois B, Feldman HH, Jacova C et al. Research criteria for the diagnosis of Alzheimer's disease: revising the NINCDS-ADRDA criteria. The Lancet Neurology 2007 ; 6 : 734-46.2. Dubois B, Feldman HH, Jacova C et al. Revising the definition of Alzhei-mer’s disease: a new lexicon. Lancet Neurol 2010 ; 9 : 1118-27.3. Dubois B, Feldman HH, Jacova C et al. Advancing research diagnostic criteria for Alzheimer's disease: the IWG-2 criteria. Lancet Neurol 2014 ; 13 : 614-29. 4. Grober E, Buschke H, Crystal H et al. Screening for dementia by memory testing. Neurology 1988 ; 38 : 900-3.

Concernant la maladie d’Alzhei-mer (MA), l’évolution des cri-tères diagnostiques a amené à un changement de paradigme permettant de diagnostiquer à des stades précoces (pré-dé-mentiels). Les anciens critères NINCDS-ADRDA (1984) considé-raient la MA comme une entité clinico-pathologique. Le dia-gnostic in vivo était probabiliste, porté tardivement, très souvent à des stades démentiels. De plus, l’absence de critères spécifiques pour les autres syndromes et l’absence de biomarqueurs in

Claude Mékies*, d’après l’intervention de Marc Teichmann**

*Polyclinique du Parc, Toulouse**Département de neurologie, Institut de la mémoire et de la maladie d’Alzheimer, Centre de référence national “Démences rares”, Hôpital de la Pitié-Salpêtrière, APHP, Paris ; ICM-INSERM 1127, Frontlab, Paris

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DOSSIER

22 Neurologies • Janvier 2016 • vol. 19 • numéro 184 • cahier 13

biomarqueurs, étaient appelées “formes atypiques” de la MA. De manière générale, deux condi-tions nécessaires et suffisantes sont requises pour parler de MA : une signature biologique in vivo et des phénotypes cliniques spé-cifiques (Fig. 1).

La publication de 2014 reprend les éléments de 2010 en incluant des formes précliniques. L’ima-gerie par IRM ou PET prend une moindre place par rapport aux biomarqueurs du LCR, considé-rant qu’il s’agit de marqueurs to-pographiques, sans aucune spéci-ficité neuropathologique, mais qui permettent de stadifier la maladie (Fig. 2).

L’introduction de ces formes atypiques a permis de refaire le point sur les corrélations entre la présentation phénotypique et les données biologiques. Ainsi, la positivité des biomarqueurs peut se retrouver dans quasiment tous les syndromes neuro-cogni-tifs, mais dans des proportions variables.

2. APHASIES PRIMAIRES PROGRESSIVES

1. Hu WT, McMillan C, Libon D, Leight S et al. Multimodal predictors for Alzheimer disease in nonfluent pri-mary progressive aphasia. Neurology 2010 ; 75 : 595-602.2. Leyton CE, Villemagne VL, Savage S et al. Subtypes of progressive apha-sia: application of the International Consensus Criteria and validation using bamyloid imaging. Brain 2011 ; 134 : 3030-43.3. Teichmann M, Kas A, Boutet C et al. Deciphering logopenic primary pro-gressive aphasia: a clinical, imaging

and biomarker investigation. Brain 2013 ; 136 : 3474-88. 4. Mesulam MM, Rogalski EJ, Wieneke C et al. Primary progressive aphasia and the evolving neurology of the lan-guage network. Nat Rev Neurol 2014 ; 10 : 554-69.5. Knibb JA, Xuereb JH, Patterson K, Hodges JR. Clinical and pathological characterization of progressive apha-sia. Ann Neurol 2006 ; 59 : 156-65.6. Alladi S, Xuereb J, Bak T et al. Focal cortical presentations of Alzheimer’s disease. Brain 2007 ; 130 : 2636-45.7. Snowden J, Neary D, Mann D. Fron-totemporal lobar degeneration: cli-nical and pathological relationships. Acta Neuropathol 2007 ; 114 : 31-8.8. Cruz de Souza L, Lamari F, Belliard S et al. Cerebrospinal fluid biomar-kers in the differential diagnosis of Alzheimer’s disease from other cor-tical dementias. J Neurol Neurosurg Psychiatry 2011 ; 82 : 240-6.9. Gorno-Tempini ML, Hillis AE, Wein-traub S et al. Classification of primary progressive aphasia and its variants. Neurology 2011 ; 76 :1006-14.

L’exemple de l’aphasie primaire progressive (APP) a généré beau-coup de travaux sur les corréla-tions entre phénotype clinique et données de biomarqueurs. Même si elle représente une variante langagière possible de la MA, on

Clinical phenotypesTypical• Amnestic syndrome of the hippocampal typeAtypical• Posterior cortical atrophy• Logopenic variant• Frontal variant

Preclinical statesAsymptomatic at risk• No AD phenotype (typical or atypical)Presymptomatic (autosomal dominant mutation)• No AD phenotype (typical or atypical)

AD is defined as a clinicobiological entity

Required pathophysiological marker• CSF (low amyloid ß2-47 and high T-tau ou P-tau)or• Amyloid PET (high retention of amyloid tracer)

FIGURE 1 - La maladie d’Alzheimer : une entité clinico-biologique.

FIGURE 2 - Crtières diagnostiques de la maladie d'Alzheimer.

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les « Top 5 » de la neurologie

Neurologies • Janvier 2016 • vol. 19 • numéro 184 • cahier 1 231

distingue selon le type d’APP, des corrélations très variables : • L’aphasie primaire progressive logopénique est une MA dans 58-92 % des cas [1-4].• L’aphasie primaire progressive non fluente est une MA dans 12-44 % des cas [2, 4-6].• L’aphasie primaire progres-sive sémantique est une MA dans 0-33 % des cas [2, 4, 5, 7, 8]. Gorno-Tempini et al. (9) ont éla-boré des critères phénotypiques des APP, permettant d’homogé-néiser nos pratiques et de per-mettre d’avoir des populations homogènes pour les essais thé-rapeutiques. Leyton et al. [2] pro-posent un algorithme clinique de classification simple des 3 APP. Enfin, Mesulam et al. [4] four-nissent une revue exhaustive des données actuelles sur les APP, mais ont également le mérite de discuter de la pathogenèse de l’atteinte unilatérale qui touche sélectivement des réseaux du lan-gage, mais également du manque cruel de thérapeutique dans ce domaine. Ils rappellent égale-ment les corrélats anatomiques des trois variantes d’APP  : pour la forme logopénique, la jonc-tion temporo-pariétale gauche  ; pour la forme sémantique, le pôle temporal, souvent latéra-lisé à gauche ; pour la forme non fluente agrammatique, le cor-tex frontal postéro-inférieur aux alentours de la région de Broca.Un PHRC national, appelé CAPP, coordonné par M. Teichmann, est en cours. 17 centres y participent. Les objectifs sont multiples  : construire une des plus grandes cohortes mondiales d’APP au stade débutant, augmenter les connaissances sur les APP, four-nir un rationnel pour des straté-gies thérapeutiques, utiliser les

modèle APP pour l’exploration du fonctionnement et de l’anatomie du langage.

3. LA PARALYSIE SUPRANUCLÉAIRE PROGRESSIVE (PSP)1. Williams DR, Lees AJ. Progressive supranuclear palsy: clinicopatholo-gical concepts and diagnostic chal-lenges. Lancet Neurol 2009 ; 8 : 270-9.

Dans cette revue exhaustive d'études neuropathologiques pu-bliée en 2009 [1], les auteurs ont pu individualiser cinq phénotypes distincts de PSP, selon la charge et la distribution lésionnelle : • Le classique syndrome de Ri-chardson avec une charge lésion-nelle la plus élevée.• La PSP-p (p pour Parkinson) qui a une moindre charge lésionnelle, qui ne présente pas de trouble oculomoteur et qui a une dopa-sensibilité partielle.• L’akinésie pure avec gait-free-zing (PSP-PAGF) qui a la moindre charge lésionnelle et qui touche surtout le pallidum.• La PSP-CBS (corticobasal syn-drom) et la PSP-APP non fluente/agrammatique (PSP-PNFA) avec une charge lésionnelle accrue au niveau du cortex frontal et parié-tal.Il faut signaler que le phénotype clinique n’est pas un prédicteur robuste de la neuro-pathologie sous-jacente.

4. LA DÉGÉNÉRESCENCE CORTICOBASALE (DCB)

1. Armstrong MJ, Litvan I, Lang AE et al. Criteria for the diagnosis of cor-ticobasal degeneration. Neurology 2013 ; 80 : 496-503.

Ce consortium [1], coordonné par Armstrong, a permis d’étudier 267  cerveaux de patients atteints de DCB. Il a permis d’individuali-ser quatre phénotypes distincts : • Le syndrome corticobasal avec un syndrome akinétorigide, des myo-clonies, une dystonie et quelquefois une sensation de “membre étran-ger” fortement latéralisée et des troubles cognitifs de type apraxique.• la DCB DFT like où les signes inauguraux sont de type compor-temental.• La DCB AAP non fluente agram-matique.• La PSP-DCB. Cette littérature montre donc une forte hétérogénéité sur le plan clinique et neuropathologique avec pour exemple cet overlap qui existe entre PSP et DCB.

4. LA DÉGÉNÉRESCENCE FRONTO-TEMPORALE (DFT)

1. Rascovsky K, Hodges JR, Knopman D et al. Sensitivity of revised diagno-sis criteria for behavioural variant of frontotemporal dementia. Brain 2011 ; 134 : 2456-77.

Dans cette étude [1], les auteurs ont étudié 176 cerveaux de patients atteints de dégénérescence lobaire fronto-temporale (DLFT). Ils ont comparé leurs nouveaux critères diagnostiques de DFT aux critères de référence de Neary (1998). Ils ont montré que ces nouveaux cri-tères étaient plus sensibles. La spécificité n’a pas été explorée, car il n’y avait pas de groupe compara-teur neuropathologique. Il existe trois points majeurs qui distinguent ces nouveaux critères des anciens :• Il y a moins de critères d’exclu-

Page 14: DOSSIER LES « TOP » 5 DE LA NEUROLOGIE · Gilles Huberfeld (Paris) ... au neurologue généraliste ou qui pratique un autre domaine surspécialisé, et enfin des capacités didac-tiques

DOSSIER

24 Neurologies • Janvier 2016 • vol. 19 • numéro 184 • cahier 13

sion comme des troubles mné-siques.• Une plus grande flexibilité des critères d’inclusion, avec seule-ment trois composantes compor-tementales (sur six) pour définir une DFT avec une grande proba-bilité.• L’inclusion des critères cognitifs, c’est-à-dire un syndrome dysexé-cutif. Ces nouveaux critères permettent de définir, avec trois traits com-portementaux et une sensibilité de 85 %, les patients DFT qui ont une véritable pathologie DLFT sous-jacente versus 55 % pour les critères de Neary (1998) (Fig. 3).L'ensemble de la littérature neu-

rocognitive implique d’avoir, à ce jour, une vue quadridimension-nelle des maladies neurocogni-tives, avec plusieurs niveaux de complexité croissante  : un niveau clinique (le phénotype), un niveau anatomique (la localisation de l’atteinte), un niveau biologique, un niveau génétique.Malgré cette complexité de cor-rélations, il est indispensable de fournir l’analyse diagnostique la plus complète possible, au moins tridimensionnelle, les enjeux étant d’affiner la qualité diagnostique des ces maladies neurocognitives et de lancer les bases pour sélec-tionner des patients pour des es-sais thérapeutiques.

Pour chaque niveau, une approche pourra être proposée. Celles-ci sont résumées dans la figure 4.

CONCLUSIONPlusieurs points à retenir :• On assiste à un changement de paradigme diagnostique dans la maladie d’Alzheimer.• Des avancées importantes sont à noter dans la compréhension des aphasies primaires progressives.• De nouveaux critères diagnos-tiques pour la MA, les APP, la PSP, le syndrome corticobasal et la DFT sont disponibles.• Il existe des corrélations com-plexes entre un syndrome anato-moclinique et la biologie sous-ja-cente, avec une complexification supplémentaire par les décou-vertes génétiques.• Il y a nécessité de poser un dia-gnostic anatomo-clinique avec l’utilisation et l’élaboration de bio-marqueurs.• Le diagnostic précoce permettra une inclusion rigoureuse et précoce dans des essais thérapeutiques. n

CorrespondanceDr Marc TeichmannDépartement de neurologieCentre de référence Démences rares - IMMA - Bât F. LhermitteCHU Pitié-Salpêtrière47, boulevard de l’Hôpital75013 ParisE-mail : [email protected]

✖ Marc Teichmann déclare ne pas avoir de liens d'intérêts.

Mots-clés Maladie d’Alzheimer, Paralysie supra-nucléaire progressive, Dégénérescence corticobasale, Dégénérescence fronto-temporale

Détérioration progressivea

Désinhibition précoceApathie précoce

Perte d’empathie précocePersévération précoce

HyperoralitébvFTD profil neuropsychologique

0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100

% cas avec caractéristiques% Total échantillon (n = 176) aNécessaire pour répondre aux critères

de maladie neurodégénérative% Échantillon commun (n = 137)

Stratégies thérapeutiques pour chaque dimension

Caractérisation del’atteinte au sein dusystème cognitif

Caractérisation desréseaux neuronauximpliqués (anatomie)

Caractérisation biologique(biomarqueurs in vivo)

Caractérisation génétique

Rééducationsspécifiques

Stimulation transcrânienne

Essaispharmacologiques

Thérapie génique

FIGURE 3 - Nouveaux critères permettant de définir les patients DFT qui ont une véritable pathologie DLFT sous-jacente.

FIGURE 4 - Stratégies thérapeutiques pour chaque dimension.