Dossier Jeunes et SST - Une culture de préventionEn 2001, la CSST lançaitson Plan d’action...

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Dossier Photo : Veer / Juice Images Photography Une culture de prévention Une culture de prévention Par Julie Mélançon Jeunes et SST Jeunes et SST

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En 2001, la CSST lançait sonPlan d’action jeunesse destiné, commeson nom l’indique, aux jeunes, de lamaternelle au marché du travail. Lastratégie cible trois éléments clés : l’édu-cation, la formation et l’intégration autravail. Le but? Redresser le bilan desaccidents et des maladies du travailchez les 24 ans et moins. Pour la pre-mière fois, les interventions de la CSSTvisaient une population et non un risqueou un secteur d’activité. En 2004, le planpoursuivait les activités entreprises avecla volonté de les intensifier par la contri-bution de ressources consacrées à l’actionjeunesse. Ainsi, des milliers de jeunessont sensibilisés à la prévention grâceaux programmes Défi prévention jeu-nesse et Escouade jeunesse. Sept ansplus tard, qu’en est-il ?

Le plan, version 2007, responsabilisedavantage les milieux qui accueillent etforment les jeunes pour qu’ils contri-buent activement à l’acquisition d’uneculture de prévention. « Depuis notrepremier plan d’action, qui mettaitl’accent sur nos objectifs et nos pro-grammes, on a fait un virage majeur,explique Diane Rodier, chef d’équipe à l’Action jeunesse, de la Direction de la prévention-inspection à la CSST. Leplan s’appuie davantage sur la contri-bution active des partenaires et des

Contribuer activement

à la prévention des accidents

et des maladies du travail

auprès des jeunes. Voilà

l’objectif pour le moins

ambitieux que s’est fixé

la CSST. Mais pour arriver

à implanter une culture de

prévention, elle a besoin

de la collaboration des

écoles, des centres de forma-

tion professionnelle, des

carrefours jeunesse emploi,

des syndicats, des milieux

de travail… Parce que ce

sont eux qui accueillent et

forment les jeunes.

milieux qui accueillent et forment les jeunes pour qu’ils acquièrent une cul-ture de prévention. Le projecteur estorienté vers les établissements scolaires,les centres de formation, les milieux detravail, etc. »

La parole est donc au milieu.

Le Défi prévention jeunesse

Depuis maintenant dix ans, la CSST offre une aide financière aux écoles desniveaux primaire et secondaire pourqu’elles organisent des activités incul-quant des valeurs de prévention. Sensi-biliser les jeunes dans leurs activitésquotidiennes peut les aider à devenirplus conscients des risques auxquels ilssont exposés. Les élèves sont ainsi in-vités à étudier un problème, à repé-rer les risques qui y sont associés et à trouver des moyens de prévention àconcrétiser.

Conformément aux principes énon-cés par le renouveau pédagogique, le Défi prévention jeunesse vise à in-culquer aux jeunes une culture de laprévention en favorisant l’adoptiond’attitudes et de comportements sécu-ritaires ainsi que d’habitudes de pré-vention avant l’accès au marché du travail.

Il est le fruit d’une collaboration entre la CSST, la Centrale des syndi-cats du Québec (CSQ), la Fédération des commissions scolaires du Québec(FCSQ) et le ministère de l’Éducation,du Loisir et du Sport du Québec (MELS).Pour l’année scolaire 2006-2007, plus de 500 écoles, soit 20% d’entre elles, ycompris les services de garde, ont par-ticipé en présentant plus de 1 000 pro-jets qui ont permis de mobiliser plus de 200000 jeunes, c’est-à-dire 30% desécoliers. Place aux exemples.

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Plus de 500 écolesparticipentchaque année auDéfi préventionjeunesse.

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tracteurs, l’utili-sation de la scie

mécanique, les dan-gers reliés à l’exploi-

tation forestière, lesdangers à la ferme,le matériel agri-cole, les fosses sep-tiques, les premierssoins, la survie en

forêt, etc. Certainesannées, il y a même

un salon santé et sécu-rité. L’instigateur du projet

est Benjamin Gagnon, profes-seur chargé du cours de prépa-

ration au marché du travail. « Je me suis lancé dans ce pro-jet quand je me suis renducompte, en voyant des élèvesen stage, qu’il y avait des en-

droits où c’était dangereux. Lescours en santé et sécurité débutent

en quatrième secondaire. On a doncun peu devancé ce qu’ils apprennentnormalement plus tard. Les sujets sont imposés parce qu’on cible les en-droits les plus dangereux. Sept ou huitéquipes de deux ou trois participantssont formées. Chacune aborde un sujetdifférent. On leur fournit quelques documents produits par la CSST, maison travaille surtout avec Internet. Ceprojet se déroule sur quelques mois. »

L’exercice n’est pas facile pour les jeunes. Ils doivent présenter leur projetdevant public, aller chercher l’informa-tion et la donner de façon convenable.Toutefois, selon M. Gagnon, « l’expé-rience est très bénéfique pour les jeuneslorsqu’ils vont en stage. Peut-être aussipour leurs maîtres de stage. Il y a en-core beaucoup à faire en milieu de travail. Le défi pour les prochaines an-nées sera d’inciter les personnes quireçoivent nos jeunes en stage à êtreelles-mêmes des exemples à suivre surle plan de la sécurité. Nous avons l’in-tention de poursuivre dans cette voie.C’est vital d’entreprendre cette for-mation à l’école, car elle va suivre les jeunes leur vie durant… » On ne sau-rait mieux dire !

Les Carrefours jeunesse-emploi

Ces organismes à but non lucratif ont pour mission d‘appuyer les jeunesadultes de 16 à 35 ans dans leur che-minement professionnel. Peu importeleur situation économique et sociale. Les Carrefours jeunesse-emploi (CJE)

Une école primaire

À l’école Saint-Sacrementde Saint-Hyacinthe, chaqueannée, les élèves parti-cipent à plusieurs pro-jets dans le cadre duDéfi prévention jeu-nesse. Selon ChantalLangelier, directricede l’école, « ces pro-jets sensibilisent lesécoliers aux risques etaux dangers autour d’eux,dans leur vie de tous lesjours. Parfois, les règles existentdéjà, mais le fait qu’elles soient énon-cées dans un projet réalisé par des jeunes les renforce et conscientise lesélèves à un danger. Ils comprennentvraiment pourquoi certaines règlessont adoptées. Certains projets ontun effet durable et modifient parfoisles comportements pour longtemps. »

Quelques exemples de projets ? Glissade sur surfaces glacées en hiver, circulation dans les corridors, risquesd’accidents au gymnase, sac à dos,lavage des mains, etc. « Nous avons euun projet sur les chaussures, mené àbien par des élèves en adaptation sco-laire, poursuit Mme Langelier. Ils ont enquêté auprès des membres de leurfamille, du concierge qui doit porter des chaussures de sécurité, etc. Ils ontréussi à bien exprimer leurs idées. Quelssont les meilleures chaussures pour unécolier ? À quels risques s’expose-t-on enportant des « gougounes » ? Nous avonségalement eu un projet en lien avecl’aménagement paysager de plates-bandes à l’extérieur de l’école. L’utilisa-tion sécuritaire de pelles, de râteaux,etc. Lors de l’aménagement, tout s’esttrès bien déroulé, sans aucun incident.De plus, cette année, en collaborationavec l’école professionnelle de Saint-Hyacinthe, nous avons élaboré un pro-jet portant sur les risques présents dansles fermes. Demeurant en milieu ur-bain, en zone défavorisée, certains denos élèves n’étaient jamais allés à lacampagne. Cette initiative leur a per-mis de vivre une journée à la ferme, defaire un camp en agriculture. Cette ex-périence a été très enrichissante pourles élèves. Ils ont pu établir des paral-lèles avec leur vie, pour ensuite trouverdes dangers qui peuvent survenir en milieu urbain, cette fois. Les projets de la CSST nous permettent d’élargirl’horizon des élèves. »

Pour Mme Langelier, aucun doute, lesprojets ont des répercussions dans toutel’école. Les élèves sont sensibilisés à différents aspects de la santé et de la sé-curité. Et présentées par leurs pairs, lesrègles de sécurité sont acceptées bienplus facilement que lorsqu’elles sont imposées par la direction.

Une école secondaire

La Maison familiale rurale (MFR) duGranit, de Saint-Romain en Estrie, estune école secondaire spécialisée en agri-culture et en foresterie. Son programmescolaire combine les cours et les stages.Théorie et pratique alternent tout aulong de la formation. Les élèves passentdeux semaines en classe, puis deuxautres en stage. Une particularité : lesjeunes résident à l’internat de la MFR.Pendant les stages, ils habitent chez le producteur forestier ou agricole. Depuis quelques années, dans le cadredu Défi prévention jeunesse, les élèvesde troisième secondaire font une pré-sentation PowerPoint sur la santé et lasécurité en milieu de travail devant pa-rents, maîtres de stage et autres élèves.Plusieurs thèmes sont abordés : les

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M. Hurtubise, « le rôle de sensibilisa-tion à la sst s’inscrit très bien dans lamission. L’atelier que nous sommes entrain de structurer sera aussi donné aux jeunes participants de deux pro-grammes. Le projet Initiative Décou-verte Exploration Orientation (IDEO)concerne de jeunes décrocheurs de 16 et17 ans. Notre but est de les aider à retour-ner aux études ou à entreprendre unedémarche leur permettant de joindre lemarché du travail. Le deuxième projet,Jeunes en action, vise des jeunes de 18 à24 ans présentant des difficultés à in-tégrer le marché du travail. »

Au CJE de Verdun, on prend vrai-ment le dossier au sérieux. En 2007, la sst va se retrouver pour la premièrefois dans son plan d’action. Histoire àsuivre, donc…

La sécurité… même à l’étranger

Au CJE de Franchevil le, à Trois-Rivières, les responsables ont conçu des ateliers adaptés à leur popula-tion. « Nous voulons que les jeunescomprennent l’impact de la santé et dela sécurité du travail, explique Isabelle

offrent des services de recherche d’emploi, d’orientation scolaire et pro-fessionnelle ou de sensibilisation à l’en-treprenariat. Des services spécialisésd’évaluation des besoins, d’intervention,de références et de suivi sont proposés.

Le Réseau des carrefours jeunesse-emploi du Québec et la CSST ont conve-nu de collaborer pour améliorer lapréparation des jeunes en vue de leurparticipation au marché du travail enmatière de santé et de sécurité du tra-vail (sst). Chacun des CJE a été appro-ché par la CSST, désireuse d’atteindreles 24 ans et moins, une population exposée aux risques d’accident. Petit rappel, ces jeunes subissent 66 acci-dents par jour. Chaque semaine l’und’entre eux se fait amputer d’un membre et l’un d’eux meurt chaquemois. La CSST soutient les CJE pourqu’ils contribuent à former les jeunesdes carrefours et à les informer sur lesaspects de la sst.

Des débuts prometteurs

Au CJE de Verdun, le projet est encoreà l’état embryonnaire. Pierre Hurtubise,conseiller en développement profession-nel, relayeur d’information sur la sst auCarrefour, vient tout juste d’assister àune séance de formation de la CSST.Son but? Savoir comment aborder lesjeunes, les sensibiliser, les informer surleurs obligations, leurs responsabilités.À la suite de cette séance, une équipecomposée de quatre conseillers s’estréunie pour décider de la façon d’initierles jeunes à la sst. Conclusion? « Par lepassé, on a eu de la difficulté à formerdes groupes, répond M. Hurtubise. Ona donc décidé d’opter pour une ap-proche individuelle. » Les jeunes pro-viennent de tous les milieux de travail.Certains ont des diplômes universi-taires, alors que d’autres n’ont pas ter-miné leurs études secondaires. Ils seretrouvent autant dans des emplois nonspécialisés et semi-spécialisés que dansdes métiers spécialisés ou des postes deprofessionnels. Plusieurs sont appelés àtravailler dans les milieux où les risquesd’accident sont élevés (industrie, restau-ration, entrepôts, etc.) « Nous pensonsdonner un atelier d’environ une heure »,enchaîne Pierre Hurtubise.

La mission du CJE est de soutenir lesjeunes pour les intégrer au marché dutravail ou pour les y maintenir. Selon

Moreau, conseillère au Carrefour jeunesse-emploi de Francheville. Toutse déroule très bien. La majorité des jeunes ne sont pas sensibilisés parcequ’ils n’ont jamais travaillé. Ou parfoisparce qu’ils sont insouciants. Les jeunesn’ont pas nécessairement la même notion de la sécurité qu’un adulte de 30 ans. Il s’agit donc de les alerter et deleur faire entendre des témoignages, deleur raconter des histoires vécues. » Lemessage passe toujours mieux avec desexemples concrets. Parce qu’un accident,ça n’arrive pas qu’aux autres !

Certains de ces ateliers sont donnésdans le cadre du projet Eldorado. L’ini-tiative permet à de jeunes adultes nondiplômés de faire un retour aux étudesles menant à l’emploi. Le projet d’unedurée de 18 semaines comprend deuxphases : une première, au cours delaquelle le jeune adulte assiste à des ateliers de développement personnel, 75 heures de rafraîchissement sco-laire lui donnant des crédits dans lesmatières de base, 50 heures de coursd’espagnol, un processus d’orientationet des activités préparatoires au stage

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qu’ils aiment les risques, les défis, ledanger. Il faut leur expliquer tout desuite qu’on s’attend à un comportementsécuritaire. »

À partir d’un diagnostic de la si-tuation en santé et sécurité du tra-vail, réalisé en collaboration avec uneconseillère jeunesse de la CSST, leCFMA s’est attaqué à la mise en œuvred’une véritable prise en charge de laprévention, notamment en créant uncomité de santé et de sécurité. Il estcomposé de trois enseignants, d’un conseiller pédagogique, d’un maga-sinier, d’un représentant de la direc-tion et d’une technicienne en travail social. « Pour l’année scolaire 2007-2008, un élève fera partie du comité, ajoute M. Boulé. Nous voulions commencerpar mettre le comité en place. Quantaux élèves, ils étaient partie prenante dela sst lors de réunions se tenant tous leslundis matins. Un peu comme ce qui sefait sur les chantiers de construction. »

Dans la foulée des actions du co-mité, d’importants changements ont été entrepris. Une période d’exer-cices d’échauffement et d’étirement de 15 minutes a été ajoutée au début dechaque journée. Une attention parti-culière est portée lors des achats des

équipements de protection in-dividuelle. Autre exemple ? « Ily a des appareils de levagedans les ateliers, dont les com-mandes étaient reliées au pontroulant par un câble, constateM. Boulé. Nous les avons avan-tageusement remplacées pardes commandes à distance.L’élève ne se trouve donc plussous la charge ou à proximité

d’initiation à l’aide humanitaire àl’étranger qui clôt le projet. « Un stageau Guatemala par exemple, précise Mme Moreau. Il faut donc sensibiliserles jeunes encore davantage à la sst. Là-bas, ils ne sont pas outillés commeici. Les derniers projets en lice ? La construction d’une école primaire et un aménagement paysagé. »

Apprendre… un métier à risque

Le Centre de formation des métiers del’acier (CFMA) d’Anjou offre des pro-grammes d’études qui mènent à l’exer-cice de métiers à risque sur les chantiersde construction et dans les ateliers defabrication. Manutention de marchan-dises et utilisation d’appareils de levage,fabrication de structures métalliques etde métaux ouvrés, montage structural etarchitectural, pose d’armature de bétonet chaudronnerie.

Phénomène tout récent, la popula-tion de l’école rajeunit. « Les jeunes sontà la recherche d’adrénaline, observeBernard Boulé, directeur du CFMA. Parexemple, dans le programme montage

structural et architectural qui aboutit,entre autres, au métier de monteurd’acier de structure, les jeunes se voienttout de suite grimper dans un gratte-cielsur les poutres. Mais on leur expliquequ’avant de monter, il y a des notionsde sécurité, de gréage, d’assemblage,d’échafaudage à apprendre. Ça peutprendre trois mois avant de faire des apprentissages en hauteur. Sur les de-mandes d’admission, ils nous disent

lorsqu’il manutentionne les pièces. Toutse fait à distance avec beaucoup plus de sécurité. »

Toujours selon le directeur, la priseen charge de la sst par l’école a desrépercussions sur le climat de travail, lacohésion entre les élèves, la collabo-ration des enseignants. « Ensemble, onpeut trouver des façons de faire plussûres et plus avantageuses pour tout lemonde. Ainsi, auparavant, on travaillaitavec des lunettes de sécurité et on s’estrendu compte que c’est souvent en lesenlevant que l’élève recevait une pous-sière dans l’œil, parce qu’il y en avait surses gants. On a donc opté pour desvisières. Si on les avait imposées unlundi matin, de but en blanc, peut-êtrequ’il y aurait eu de la résistance. Maiscomme la décision a été prise en com-mun, de façon paritaire, tous portentdes visières, sans rechigner et ensachant très bien pourquoi. »

Comme dans la vraie vie !

Le CFMA veut vraiment coller à la réalité du marché du travail. Les em-ployeurs veulent des travailleurs com-pétents et parmi leurs compétences,selon M. Boulé, il y a la sst. « C’est pri-mordial pour la rentabilité des entre-

prises. Il n’y a aucun intérêt pourun employeur à avoir quelqu’unqui a un comportement non sé-curitaire. Cela peut causer du

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Des jeunes participant au projet Eldorado, plus précisémentà un aménagement paysager, au Guatemala. Rappelons que les normes en sst dans ces pays ne sont pas celles qui s’appliquent au Québec.

Avant d'entreprendre leurstravaux pratiques et de mettreleur visière, les étudiants font une séance d'exercicesd'échauffement et d'étirement.

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tort aux collègues, entraîner des dom-mages aux matériaux et du retard surun chantier. Ce qu’on dit aux élèves,c’est qu’ils ne se feront jamais repro-cher d’être trop prudents. Quand on est dans un métier à risques, il faut sesoucier de soi… et des autres. »

Le Centre de formation est en cons-tante évolution, en accord avec ce quise fait sur le marché du travail. Il doits’adapter aux nouvelles normes. D’uneannée à l’autre, la formation évolue. Lapopulation des élèves change aussi. Denouveaux programmes ont vu le jour.De nouveaux appareils doivent êtreachetés, les infrastructures modifiées. « En soudage, la réglementation estmaintenant beaucoup plus sévère, es-time M. Boulé. Le captage est primor-dial. Ce qui nous a incités à aménager20 cabines de soudage avec captation à la source. On est continuellement enévolution, d’où l’importance d’intégrerla sst à la démarche de renouvellementdu matériel. »

Un syndicat

Au début des années 2000, la FTQadopte une politique jeunesse et met sur pied un comité jeunes FTQ. Cecomité a pour mandat de conseiller lesyndicat sur les questions touchant lesjeunes, notamment en matière de santéet de sécurité.

Jacques Théorêt est conseiller syndi-cal et responsable du dossier jeunesse à la FTQ depuis 1998. À cette époque,les statistiques sur les jeunes et la santéet la sécurité au travail n’étaient pas encore connues. On sait maintenant que les moins de 24 ans subissent unefois et demie plus d’accidents que leursaînés. Plus de 50 % des accidents du travail surviendraient dans les six pre-miers mois d’un nouvel emploi. « Onvoyait déjà qu’une précarité dans l’em-ploi était en train de s’installer. Les jeunes sont considérés comme une po-pulation qui passe. Les employeurs etmême les organismes syndicaux lestraitent d’une façon différente. On lesvoit arriver sur le marché du travail, en-tre autres comme sous-traitants. Onleur accorde donc moins d’importance.Puis, on se rend compte que des acci-dents surviennent, qui n’auraient pas dû se produire. C’est un des effets de laprécarité de l’emploi. » Mais ce discoursétait marginal à l’époque. « C’était la

première fois qu’on faisait un lien entre la précarité del’emploi et les accidents dutravail, soutient M. Théorêt.Depuis ce temps, on a beau-coup travaillé avec l’Institutde recherche Robert-Sauvéen santé et en sécurité du travail (IRSST), qui a été àl’avant-garde par rapport auxinstances gouvernementales.Toutes leurs études confir-ment ce qu’on disait. Que laprécarité de l’emploi est enlien avec la sst. »

Accueil des nouveaux

employés

Par ailleurs, les syndicats af-filiés à la FTQ proposent desséances d’accueil à tous leursnouveaux membres dans lesmilieux de travail. « Oui, onleur parle de leurs droits etdes conditions de travail engénéral, mais il y a un voletsst, explique Jean Dussault, respon-sable du service de santé et sécurité à la FTQ. »

« Dans beaucoup de milieux de tra-vail, il n’y a pas eu d’embauche pendantun certain temps, poursuit M. Théorêt.Avec les départs à la retraite massifs, il y a eu énormément de roulement de personnel. Souvent, les entreprisesn’étaient plus habituées à accueillir desnouveaux employés. Depuis dix ans, lesprogrammes d’accueil sont devenus unenjeu majeur des négociations. Les genssont surpris de nous voir arriver avec

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ces points-là à la table de négociation.Mais les employeurs ne sont pas néces-sairement réticents, parfois c’est justeque ce n’est pas une priorité. On se rendcompte qu’il y a des effets directs sur lenombre d’accidents. C’est là où il y a lesmeilleurs programmes d’accueil que lenombre d’accidents est le moins élevé. »

La formation syndicale

Pour Jean Dussault, ce qui caractériseson organisme, « c’est l’importance don-née dans l’ensemble des dossiers à laformation. Ainsi, entre 1982 et 2005, ils’est donné 210640 jours-personnes deformation en sst au travail. Nous for-mons des relayeurs d’information ensanté et sécurité dans tous les milieuxde travail où nous sommes présents.Toutefois, le taux de syndicalisation auQuébec est de 40 %. Nous sommes doncloin de rejoindre l’ensemble des travail-leurs. Et dans certains secteurs, nous ne sommes pas présents du tout ».

C’est pourquoi la FTQ a commencéà travailler, dans le cadre d’une mesurede la stratégie jeunesse gouvernemen-tale 2006-2009, avec des personnes duSecrétariat jeunesse, du ministère del’Éducation, de la CSST, de la Fédérationdes cégeps, des commissions scolaires,du Conseil du patronat pour inclure unvolet de formation en santé et sécuritéauprès des élèves du deuxième cycle,au secondaire et au collégial.

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« Une de nos revendications pre-mières, enchaîne M. Dussault, est d’ins-taurer une formation directe pour tousles jeunes avant qu’ils arrivent sur lemarché du travail. On est déjà pré-sents dans les écoles, c’est-à-dire dansles cours de citoyenneté donnés au se-condaire. Mais on souhaite une forma-tion portant spécifiquement sur la sst. Siune formation de base est donnée à tous, c’est un bon pas vers une culturede prévention. Pour que les jeunes,avant d’entrer sur le marché du tra-vail, aient une idée de ce que sont leSIMDUT, les comités sst, le droit à laformation et le droit de refus. Qu’ilsaient des notions de base, qu’ils con-naissent leurs droits fondamentaux ensst. Et acquièrent ainsi le bon réflexed’utiliser les outils de prévention pourleur arrivée sur le marché du travail. Si on peut inculquer quelques notionsde sst à tous les jeunes du réseau sco-laire, ils vont en retenir quelque chose.Ne serait-ce que savoir que chaque incident ou accident du travail doit être déclaré. On a tendance à interve-nir dans les écoles professionnelles, mais il faut aussi aller dans tout le réseau scolaire. Des travailleurs non formés,il y en a sur le marché du travail ! Avecune cinquième secondaire, certains vontconduire des chariots élévateurs, tra-vailler dans la restauration et autres domaines où les risques sont présents. »D’où l’importance de sensibiliser les jeunes d’âge scolaire afin qu’ils ac-quièrent une culture de prévention.

Un milieu de travail

Alcoa emploie 122 000 personnes et estprésente dans plus de 200 usines dis-séminées dans 44 pays. L’aluminerieABI, située à Bécancour, fait partie dela division des usines de métal primairedu groupe mondial Alcoa. Avec la ma-tière primaire qui provient d’outre-mer,les travailleurs extraient l’alumine duminerai et la fondent dans des moulesqui permettent la livraison sous troisformes. L’alumine est extraite grâce àun procédé appelé électrolyse, excessi-vement énergivore, qui constitue unelimite à la production. L’usine est di-visée en trois grands secteurs. Celui ducarbone où les matières premières en-trent, celui de l’électrolyse où l’alumineest extraite du minerai dans 720 cuves

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ont malheureusement un dossier de sst un peu moins bon. Cela se comprendet s’explique parce que c’est un travailnouveau, dans un nouveau milieu. On a donc un programme de formation très complet. » La compagnie embaucheen priorité les enfants de parents quitravaillent dans l’usine. Ce qui crée unsentiment d’appartenance. Mais toutétudiant de 18 ans et plus peut tra-vailler chez ABI pendant les vacances, pour autant qu’il soit encore aux études. « Ce sont essentiellement des jeunes du cégep et de l’université, précise M. Guilbert. On commence à les ac-cueillir début mai et on termine le pro-gramme de formation à la mi-juin. »

Contrairement à ce que l’on pourraitpenser, depuis quelques années, l’usined’Alcoa emploie autant de filles que degarçons. Est-ce que ça change quelquechose ? Selon M. Guilbert, « les fillessont un peu plus prudentes. On doittenir compte de l’exigence physique dela tâche, car il y a de lourdes charges àsoulever. Il faut faire plus attention. Etfournir les moyens, les outils, l’environ-nement, pour qu’elles soient capablesd’accomplir ces tâches. Tout le mondeen sort gagnant, y compris les garçons.Ça contribue à rendre les tâches plussûres ».

et enfin le secteur de la fonderie, oùl’aluminium prend la direction demoules.

L’ennemi numéro un des travailleursd’alumineries, y compris celle de ABIBécancour, est le béryllium. Un métaldont les poussières se trouvent dans l’airlors de l’électrolyse du minerai. Il estcontrôlé le plus possible. Il a été déclarécancérigène, il y a une dizaine d’années.Au même titre que l’amiante.

ABI Bécancour a été fondée en sep-tembre 1986. Presque tous les travail-leurs ont été embauchés à ce moment-là.Par conséquent, l’âge des employés estassez similaire et une grande majoritéseront admissibles à une retraite dansun avenir très rapproché. Ce qui vacréer une situation problématique deremplacement massif. Selon MarcelGuilbert, responsable du service de for-mation chez ABI Bécancour, « il faut sepréparer à renouveler notre personnel.À commencer par celui de l’entretienmécanique. D’où l’intérêt d’avoir unprogramme d’accueil des nouveaux tra-vailleurs très bien préparé ».

Embauche massive d’étudiants

Deux fois l’an, à Noël et pendant les vacances d’été, ABI embauche un trèsgrand nombre d’étudiants, appelés àassurer des remplacements. Environ 80,pour le temps des fêtes, et 275 pour lesvacances d’été. « C’est comme si on as-sistait à un départ massif, explique M. Guilbert. Historiquement, les jeunes

Deux jeunes travailleurs à la coulée de métal en fusion chez ABI Bécancour.

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La restauration est un domaine oùl'on retrouve beaucoup de jeunes.Et les risques de blessures y sonttrès présents.

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La formation

en milieu de travail

D’abord, l’accueil de chaque nouveautravailleur ou élève dure deux jourscomplets. Il a droit à une visite de l’usineet à une présentation des normes de sst. Il reçoit ses vêtements de travail,une formation de base sur l’hygiène in-dustrielle, notamment sur le béryllium,on lui parle aussi des procédures ISO,etc. Pendant cet accueil, le directeur del’usine, Pascal Cléry, rencontre tous lesétudiants. Et il répète invariablementcette petite phrase, pour leur faire com-prendre que la sst est une priorité dansl’usine : « Il est plus facile de justifierune baisse de production que d’expli-quer que l’un d’entre vous vient de subirun accident et se retrouve à l’hôpital. »

À la suite de l’accueil, trois phases deformation suivent. Le premier moduleporte sur la théorie de la tâche assignéeà l’étudiant. Lors du deuxième module,pratique celui-là, l’étudiant est observa-teur. Il est jumelé à un instructeur quiexécute toutes les activités du poste etlui enseigne comment accomplir latâche. Le troisième module porte sur le compagnonnage. L’étudiant exécutetoutes les activités du poste devant unopérateur habituel auquel il est jumelé.Combien de temps dure cette forma-tion? « Chaque poste a une prescriptionde formation qui diffère, répond MarcelGuilbert. En moyenne, une ou deux journées de formation théorique, de trois à huit jours de travail pour l’obser-vation, et de trois à dix jours pour lecompagnonnage. Au cours des mois demai et de juin, il se donne, en moyenne,15 000 heures de formation chez ABI, réparties sur quatre à six semaines.Heureusement, les étudiants reviennentchaque année. »

En plus de cette formation, un guideécrit précise toutes les particularités dechaque poste. Chaque tâche est décor-tiquée en chacune de ses activités. Et

les dangers inhérents à cette activitésont décrits. Y sont également préci-sées les normes de production à appli-quer. « Donc, un étudiant qui travailleà la fonderie, par exemple, aura en main un guide encadrant une cinquan-taine de gestes qu’il doit faire lors de lacoulée du métal, explique M. Guilbert.Les causes de danger sont présentées,de même que les solutions. L’étudiantreçoit ce guide sur le plancher de pro-duction. »

L’Escouade jeunesse

À la demande des étudiants, un poste desuperviseur, étudiant lui-même, souventà son troisième été dans l’usine, a étécréé. « Les étudiants sont plus à l’aisepour discuter avec un autre étudiant,une personne de leur âge, soutient M. Guilbert. Depuis quelques années,nous recevons l’Escouade jeunesse de la CSST. » Cette escouade est composéed’une vingtaine de jeunes formés poursensibiliser d’autres jeunes travailleursà la santé et à la sécurité au travail. Pendant l’été, ils visitent des centainesde milieux de travail, à travers le Québec.

D o s s i e r

14 Prévention au travail Hiver 2008

À surveiller dans les prochainsnuméros, une étude menée parl’Institut de recherche Robert-Sauvéen santé et en sécurité du travail(IRSST) portant sur l’approche de sensibilisation de jeunes travailleursdans les secteurs de la restaurationet du commerce de détail. Ph

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« J’ai assisté à plusieurs de leurs pré-sentations, enchaîne Marcel Guilbert. Legroupe se resserre, le partage est plusspontané. C’est apprécié des jeunes. Lesenvironnements qu’on doit créer pourfavoriser un meilleur apprentissage sont des facteurs déterminants. On apprend mieux dans un certain envi-ronnement plutôt que dans un autre.Les jeunes aiment ce que disent d’autres jeunes. On retire un immense gain del’Escouade jeunesse. »

À n’en pas douter, voilà un pro-gramme de la CSST apprécié sur le terrain.

De plus en plus d’établissementsd’enseignement et d’organismes s’en-gagent dans des projets d’intégration de la sst, avec le soutien de la CSST.Car, en tant qu’individus et collectivité,nous sommes tous concernés par lasanté et la sécurité des jeunes au travail.Il importe que nous poursuivions nosefforts auprès d’eux, futurs travailleurset employeurs, pour prévenir les acci-dents et maladies du travail. Perdre savie en commençant à la gagner, nonmerci. PT

L'Escouade jeunesse de la CSST à l'été 2005.