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A UJOURD HUI Éditorial › L’homme d’État québé- cois. Un éditorial de Bernard Descôteaux. Page A 8 Idées › Un grand Monsieur. Une chronique de Francine Pelletier. Page A 9 Actualités › Ottawa se souvien- dra. Une chronique de Manon Cornellier. Page A 7 Actualités › La vie de « Monsieur ». Page A 2 Actualités › Le premier ministre. Page A 3 Actualités › L’économiste. Page A 4 Actualités › L’inspirateur. Page A 5 Avis légaux.................. B 8 Décès............................ B 6 Météo............................ B 2 Mots croisés............. B 10 JACQUES NADEAU LE DEVOIR JACQUES PARIZEAU 1930-2015 MARCO BÉLAIR-CIRINO Correspondant parlementaire à Québec A près avoir encaissé le choc de son décès, la classe poli- tique a été unanime mardi à sa- luer le legs considérable du « grand bâtisseur du Québec mo- derne», Jacques Parizeau. « Tous les Québécois et Québé- coises sont aujourd’hui en deuil, privés d’un homme d’État excep- tionnel, un homme qui a consa- cré sa vie au Québec et au ser- vice public », a déclaré l’actuel chef du gouvernement, Phi- lippe Couillard, dans le hall de l’Hôtel du Parlement. L’État québécois perpétuera la mémoire de ce « personnage important de notre histoire » à qui « [il] doit tant » — en nom- mant le siège social de la Caisse de dépôt et placement du Québec à Montréal l’« Édi- fice Jacques-Parizeau » , a af- firmé M. Couillard dans le Sa- lon bleu, là où prenait place M. Parizeau il y a 20 ans. M. Parizeau laisse dans le deuil son épouse Lisette La- pointe, ses deux enfants, Ber- nard et Isabelle, ainsi que des milliers et des milliers de Qué- bécois de toute allégeance poli- tique. « On peut désormais dire à son sujet que sa mémoire ap- partient au Québec tout entier, à tous les Québécoises et Québé- cois sans exception, et ce, au- delà des appartenances poli- tiques », a-t-il souligné. Le temps s’est arrêté mardi sur la colline parlementaire. N’ayant pas le cœur à la joute politique, les élus libéraux, pé- quistes, caquistes et solidaires ont convenu de suspendre pendant 24 heures les travaux parlementaires. Ils se sont tou- tefois rassemblés pendant plus d’une heure dans la Salle de l’Assemblée nationale afin d’honorer la mémoire de « Monsieur » Parizeau, notam- ment en observant une minute de silence. Le chef de l’opposition offi- cielle, Pierre Karl Péladeau, a rendu hommage à « l’homme de la modernité du Québec ». «Il a été un grand serviteur de l’État. Il a fait le choix de consacrer sa vie à ses concitoyens et à ses compatriotes. Il leur a offert un des plus beaux legs, la moder- nité », a-t-il déclaré. À titre de conseiller écono- mique et financier de la figure de proue de la Révolution tran- quille, Jean Lesage, il a notam- ment « obtenu un prêt impor- tant auprès des institutions fi- nancières américaines, alors que les syndicats financiers de la Le Québec moderne perd un grand bâtisseur V OL .CVI N o 122 LE DEVOIR, LE MERCREDI 3 JUIN 2015 1,13 | S+ TAXES =1,30 | S www.ledevoir.com D ans le touchant film-portrait simple- ment intitulé Monsieur que lui avait consacré Francine Pelletier en 2003, Jacques Parizeau apparaissait comme un homme blessé. « Aucun homme n’a été plus in- sulté que moi », disait-il. Huit ans après sa malheureuse déclaration au sujet de «l’argent puis des votes ethniques», il n’avait toujours pas digéré la condamnation que lui avait infligée «une société à genoux, les bras en croix, le bec en cul-de-poule», qui semblait avoir oublié une vie entièrement consacrée au service public. Il est heureux que ce soit un fédéraliste aussi ardent que le premier ministre Couillard qui ait pris l’initiative de souligner l’extraordinaire contribution de M. Parizeau à l’édification de l’État québécois en décidant que le siège social de la Caisse de dépôt portera désormais son nom. Qu’on approuve ou non son engagement souverainiste, sa recherche de l’intérêt supé- rieur du Québec a toujours transcendé les considérations partisanes. Depuis la disparition de René Lévesque et de Camille Laurin, il était l’unique survivant du trio de géants qui avait entrepris de convaincre les Québécois qu’ils étaient parfaitement capables de prendre leur destin en main. Son passage au mi- nistère des Finances, notamment marqué par la création du régime d’épargne-actions (REA), a été un formidable exercice pédagogique, qui leur a permis d’apprivoiser l’économie, qu’ils croyaient depuis deux siècles réservée à d’autres. Monsieur MICHEL DAVID JACQUES NADEAU LE DEVOIR René Lévesque et Jacques Parizeau, en 1983 ROBERT DUTRISAC Correspondant parlementaire à Québec D urant toute sa carrière poli- tique, Jacques Parizeau fut en butte aux circonvolutions des étapistes, puis aux com- promissions des promoteurs du « beau risque ». Après sa démission à la suite de la défaite référendaire, c’est avec les tenants des conditions ga- gnantes qu’il a eu maille à partir. À l’automne de 1984, Jacques Pari- zeau, dans un mouvement qui entraîne six autres ministres et trois députés, abandonne ses fonctions de ministre des Finances et son siège de député, in- Son combat contre l’ambiguïté et la peur VOIR PAGE A 10 : PARIZEAU VOIR PAGE A 10 : COMBAT VOIR PAGE A 10 : MONSIEUR

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AUJOURD’HUI

Éditorial › L’homme d’État québé-cois. Un éditorial de BernardDescôteaux. Page A 8

Idées › Un grand Monsieur. Unechronique de Francine Pelletier.Page A 9

Actualités › Ottawa se souvien-dra. Une chronique de ManonCornellier. Page A 7

Actualités › La vie de «Monsieur».Page A 2

Actualités › Le premier ministre.Page A 3

Actualités › L’économiste. Page A 4

Actualités › L’inspirateur. Page A 5

Avis légaux.................. B 8Décès............................ B 6Météo............................ B 2Mots croisés............. B 10

JACQUES NADEAU LE DEVOIR

JACQUES PARIZEAU1930-2015

M A R C O B É L A I R - C I R I N O

Correspondant parlementaireà Québec

A près avoir encaissé le chocde son décès, la classe poli-

tique a été unanime mardi à sa-luer le legs considérable du«grand bâtisseur du Québec mo-derne», Jacques Parizeau.

«Tous les Québécois et Québé-coises sont aujourd’hui en deuil,privés d’un homme d’État excep-

tionnel, un homme qui a consa-cré sa vie au Québec et au ser-vice public », a déclaré l’actuelchef du gouvernement, Phi-lippe Couillard, dans le hall del’Hôtel du Parlement.

L’État québécois perpétuerala mémoire de ce «personnageimportant de notre histoire» —à qui «[il] doit tant» — en nom-mant le siège social de laCaisse de dépôt et placementdu Québec à Montréal l’«Édi-

fice Jacques-Parizeau », a af-firmé M. Couillard dans le Sa-lon bleu, là où prenait placeM. Parizeau il y a 20 ans.

M. Parizeau laisse dans ledeuil son épouse Lisette La-pointe, ses deux enfants, Ber-nard et Isabelle, ainsi que desmilliers et des milliers de Qué-bécois de toute allégeance poli-tique. «On peut désormais direà son sujet que sa mémoire ap-partient au Québec tout entier,

à tous les Québécoises et Québé-cois sans exception, et ce, au-delà des appar tenances poli-tiques», a-t-il souligné.

Le temps s’est arrêté mardisur la colline parlementaire.N’ayant pas le cœur à la joutepolitique, les élus libéraux, pé-quistes, caquistes et solidairesont convenu de suspendrependant 24 heures les travauxparlementaires. Ils se sont tou-tefois rassemblés pendant plus

d’une heure dans la Salle del’Assemblée nationale afind’honorer la mémoire de« Monsieur » Parizeau, notam-ment en observant une minutede silence.

Le chef de l’opposition offi-cielle, Pierre Karl Péladeau, arendu hommage à «l’homme dela modernité du Québec». «Il aété un grand serviteur de l’État.Il a fait le choix de consacrer savie à ses concitoyens et à ses

compatriotes. Il leur a offert undes plus beaux legs, la moder-nité», a-t-il déclaré.

À titre de conseiller écono-mique et financier de la figurede proue de la Révolution tran-quille, Jean Lesage, il a notam-ment « obtenu un prêt impor-tant auprès des institutions fi-nancières américaines, alorsque les syndicats financiers de la

Le Québec moderne perd un grand bâtisseur

V O L . C V I N o 1 2 2 L E D E V O I R , L E M E R C R E D I 3 J U I N 2 0 1 5 1 , 1 3 |S + T A X E S = 1 , 3 0 |S

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w w w . l e d e v o i r . c o m

D ans le touchant film-portrait simple-ment intitulé Monsieur que lui avaitconsacré Francine Pelletier en 2003,

Jacques Parizeau apparaissait comme unhomme blessé. « Aucun homme n’a été plus in-sulté que moi», disait-il.

Huit ans après sa malheureuse déclaration ausujet de «l’argent puis des votes ethniques», il n’avaittoujours pas digéré la condamnation que lui avaitinfligée «une société à genoux, les bras en croix, lebec en cul-de-poule», qui semblait avoir oublié unevie entièrement consacrée au service public.

Il est heureux que ce soit un fédéraliste aussiardent que le premier ministre Couillard qui aitpris l’initiative de souligner l’extraordinairecontribution de M. Parizeau à l’édification del’État québécois en décidant que le siège socialde la Caisse de dépôt portera désormais sonnom. Qu’on approuve ou non son engagementsouverainiste, sa recherche de l’intérêt supé-rieur du Québec a toujours transcendé lesconsidérations partisanes.

Depuis la disparition de René Lévesque et deCamille Laurin, il était l’unique survivant du triode géants qui avait entrepris de convaincre lesQuébécois qu’ils étaient parfaitement capables deprendre leur destin en main. Son passage au mi-nistère des Finances, notamment marqué par lacréation du régime d’épargne-actions (REA), a étéun formidable exercice pédagogique, qui leur apermis d’apprivoiser l’économie, qu’ils croyaientdepuis deux siècles réservée à d’autres.

Monsieur

MICHEL DAVID

JACQUES NADEAU LE DEVOIR

René Lévesque et Jacques Parizeau, en 1983

R O B E R T D U T R I S A C

Correspondant parlementaireà Québec

Durant toute sa carrière poli-tique, Jacques Parizeau futen butte aux circonvolutionsdes étapistes, puis aux com-promissions des promoteurs

du «beau risque». Après sa démission à

la suite de la défaite référendaire, c’estavec les tenants des conditions ga-gnantes qu’il a eu maille à partir.

À l’automne de 1984, Jacques Pari-zeau, dans un mouvement qui entraînesix autres ministres et trois députés,abandonne ses fonctions de ministredes Finances et son siège de député, in-

Son combat contrel’ambiguïté et la peur

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