Diane Rousseau et les bienfaits de l’argent

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Volume 3 Numéro 1 Mars 2005 Diane Rousseau et les bienfaits de l’argent 1 Cas produit par Annie VIEL, Vincent RENAUD et la professeure Silvia PONCE. Au Canada, plus de 4500 personnes sont hospitalisées chaque année pour des brûlures 2 . Au Québec, plus de 600 personnes par année subissent des brûlures graves de deuxième degré profond et de troisième degré 3 . À l’Hôpital de Montréal pour enfants du Centre universitaire de santé McGill, l’urgence traite en moyenne une victime de brûlures aux deux jours 4 . L’accident Longueuil, 1990. La journée d’été s’achevait sur un spectacle impressionnant. Le coucher du soleil composait un tableau parfait où les couleurs du ciel ressemblaient à un feu brillant et lumineux. Au bord de la rivière, un petit groupe d’adolescents se promenaient insouciants. Ils aperçurent un contenant d’essence oublié par des visiteurs distraits. D’emblée, le spectacle du ciel flamboyant attisa leur imagination et leur donna l’idée de faire un feu de champ. Voilà l’aventure qui allait « illuminer » leur soirée et en faire une expérience inoubliable. À la hâte, les adolescents se lancèrent à la recherche de tout ce qui pouvait être brûlé. Ils ramas- sèrent des branches d’arbres sèches, du bois, des morceaux de papier et des cartons éparpillés par-ci, par-là. En quelques minutes, tout était prêt pour la cérémonie. Quelques-uns, se rappro- chant de la pile, voulurent y participer directement; d’autres, plus prudents, se tenaient à l’écart, choisissant de jouer plutôt le rôle de spectateurs. Malgré leurs efforts, le feu ne prenait pas! Impatient et téméraire, un d’entre eux prit le contenant d’essence et arrosa abondamment la pile de bois sec. Le feu se ranima, mais la flamme agressive atteignit et enflamma ses vêtements. 1 L’excellence de ce cas a mérité à ses auteurs de recevoir, en 2004, le prix Alma-Lepage décerné pour la rédaction d’un cas au féminin. M me Alma Lepage a fait don à HEC Montréal d’un fonds dont les revenus servent à l’attribution de bourses et d’un prix dans le but de promouvoir l’avancement des femmes en gestion et de perpétuer l’esprit avant-gardiste dont a fait preuve, tout au long de sa vie, cette première femme diplômée de l’École. 2 Nancy, Dominique. « L’enfer de grands brûlés », Forum, Université de Montréal, vol. 35, n o 27, 9 avril 2001. 3 Portes, Florence. « Les grands brûlés : une douleur qui peut se prolonger ». La Science au Québec, 20 juin 2001. http://www.sciencepresse.qc.ca/archives/quebec/capque0601e.html . 4 Centre universitaire de santé McGill, communiqué de presse, Montréal, le 7 avril 2003. http://www.much.mcgill.ca/News/2003_05_23_ld_pain_fr.html . Copyright © 2005. HEC Montréal. Tous droits réservés pour tous pays. Toute traduction ou toute modification sous quelque forme que ce soit est interdite. Ce cas est destiné à servir de cadre de discussion à caractère pédagogique et ne comporte aucun jugement sur la situation administrative dont il traite. Déposé sous le n°9 50 2004 030 au Centre de cas HEC Montréal, 3000, chemin de la Côte-Sainte-Catherine, Montréal (Québec) Canada H3T 2A7.

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Volume 3 Numéro 1

Mars 2005

Diane Rousseau et les bienfaits de l’argent1 Cas produit par Annie VIEL, Vincent RENAUD et la professeure Silvia PONCE. Au Canada, plus de 4500 personnes sont hospitalisées chaque année pour des brûlures2. Au Québec, plus de 600 personnes par année subissent des brûlures graves de deuxième degré profond et de troisième degré3. À l’Hôpital de Montréal pour enfants du Centre universitaire de santé McGill, l’urgence traite en moyenne une victime de brûlures aux deux jours4.

L’accident

Longueuil, 1990. La journée d’été s’achevait sur un spectacle impressionnant. Le coucher du soleil composait un tableau parfait où les couleurs du ciel ressemblaient à un feu brillant et lumineux. Au bord de la rivière, un petit groupe d’adolescents se promenaient insouciants. Ils aperçurent un contenant d’essence oublié par des visiteurs distraits. D’emblée, le spectacle du ciel flamboyant attisa leur imagination et leur donna l’idée de faire un feu de champ. Voilà l’aventure qui allait « illuminer » leur soirée et en faire une expérience inoubliable. À la hâte, les adolescents se lancèrent à la recherche de tout ce qui pouvait être brûlé. Ils ramas-sèrent des branches d’arbres sèches, du bois, des morceaux de papier et des cartons éparpillés par-ci, par-là. En quelques minutes, tout était prêt pour la cérémonie. Quelques-uns, se rappro-chant de la pile, voulurent y participer directement; d’autres, plus prudents, se tenaient à l’écart, choisissant de jouer plutôt le rôle de spectateurs. Malgré leurs efforts, le feu ne prenait pas! Impatient et téméraire, un d’entre eux prit le contenant d’essence et arrosa abondamment la pile de bois sec. Le feu se ranima, mais la flamme agressive atteignit et enflamma ses vêtements. 1 L’excellence de ce cas a mérité à ses auteurs de recevoir, en 2004, le prix Alma-Lepage décerné pour la rédaction d’un cas au

féminin. Mme Alma Lepage a fait don à HEC Montréal d’un fonds dont les revenus servent à l’attribution de bourses et d’un prix dans le but de promouvoir l’avancement des femmes en gestion et de perpétuer l’esprit avant-gardiste dont a fait preuve, tout au long de sa vie, cette première femme diplômée de l’École.

2 Nancy, Dominique. « L’enfer de grands brûlés », Forum, Université de Montréal, vol. 35, no 27, 9 avril 2001. 3 Portes, Florence. « Les grands brûlés : une douleur qui peut se prolonger ». La Science au Québec, 20 juin 2001.

http://www.sciencepresse.qc.ca/archives/quebec/capque0601e.html. 4 Centre universitaire de santé McGill, communiqué de presse, Montréal, le 7 avril 2003.

http://www.much.mcgill.ca/News/2003_05_23_ld_pain_fr.html.

Copyright © 2005. HEC Montréal. Tous droits réservés pour tous pays. Toute traduction ou toute modification sous quelque forme que ce soit est interdite. Ce cas est destiné à servir de cadre de discussion à caractère pédagogique et ne comporte aucun jugement sur la situation administrative dont il traite. Déposé sous le n°9 50 2004 030 au Centre de cas HEC Montréal, 3000, chemin de la Côte-Sainte-Catherine, Montréal (Québec) Canada H3T 2A7.

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L’aventure de la soirée d’été se terminait ainsi abruptement et tragiquement. Le jeune de 15 ans, grièvement brûlé, fils de Diane Rousseau, fut transporté d’urgence à l’hôpital.

Après le choc…

Le fils de Diane Rousseau fut conduit immédiatement au Centre des grands brûlés de l’Hôtel-Dieu de Montréal, plutôt qu’à l’urgence la plus proche. Les soignants savaient que les brûlés supportent généralement bien le transport durant les premières heures qui suivent le traumatisme. Dans ce centre spécialisé, l’adolescent reçut rapidement les premiers soins. On vérifia la présence de lésions associées, on lui appliqua les règles de réanimation classique (l’oxygénation et la sédation); puis on détermina la sévérité de ses brûlures1. Ses parents furent rapidement informés de son état : son cas n’était pas rare (la cause la plus fréquente des brûlures étant d’origine thermique2); mais le jeune avait des brûlures graves sur plusieurs parties du corps. Pour évaluer la sévérité des brûlures, on considère trois facteurs : l’étendue, la profondeur et l’emplacement3. L’étendue signale l’aire totale brûlée de la victime et s’exprime en pourcentage de surface corporelle. Plus de la moitié des victimes décèdent lorsque l’étendue dépasse de 70 %. Heureusement, ceci n’était pas le cas chez l’adolescent. La profondeur est mesurée par l’atteinte des couches de la peau, l’épiderme et le derme. Les brûlures superficielles, qui n’impliquent que les couches supérieures, sont classifiées de premier ou de deuxième degré léger. Bien qu’un érythème douloureux soit formé sur la surface de l’épiderme, ce type de brûlure peut guérir spontanément en une semaine ou deux; et, si l’étendue est en deçà de 10 %, le patient n’a généralement pas besoin d’être hospitalisé. La détermination de l’emplacement des brûlures vise à évaluer l’atteinte des zones fonctionnelles et de grande mobilité. Si des zones fonctionnelles sont atteintes, il y a normalement des séquelles majeures. Le fils de Diane Rousseau subit des brûlures sévères, classifiées de deuxième degré profond et de troisième degré. Ces brûlures sont celles qui détruisent les couches plus profondes de la peau et classent le patient de « grand brûlé ». Il faut beaucoup de temps de guérison. L’attention, les soins et les traitements requis par ce type de patient sont normalement longs, en plus des risques et effets divers qui se présentent normalement, tels le traumatisme, la douleur et les infections. Suite aux premiers soins, les grands brûlés peuvent être soumis à trois types de traitements : des traitements traditionnels, spécifiques ou chirurgicaux. Le traitement traditionnel le plus fréquem-ment utilisé est la balnéothérapie, qui consiste en des bains quotidiens dans l’eau antiseptique pour laver doucement les plaies. Après le nettoyage, le patient est recouvert de linges stériles chauds, soit des pansements qu’on applique sur ses plaies sur une mince couche de 2 à 3 mm de sulfadiazine d’argent à 1 % de concentration. Ce traitement est douloureux et requiert l’adminis-tration d’analgésiques. 1 Idéalement, on prend aussi le poids du patient pour un contrôle nutritionnel ultérieur. 2 Nancy, Dominique. Op.cit. 3 Annie Malenfant dans Nancy, Dominique (2001).

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Le traitement de type spécifique est généralement celui du lit fluidisé, conçu particulièrement pour les brûlures de deuxième degré profond du dos. Il s’agit d’un traitement à sec, sans panse-ment, destiné à former un milieu stérile pour la plaie1. Quant aux traitements chirurgicaux, ils consistent en des greffes de peau de plusieurs types – minces, en filets, semi-épaisses, de peau totale2. Répondant très bien aux premiers traitements, l’adolescent fut soumis à des traitements conven-tionnels, et ce, malgré la gravité de ses brûlures et tous les inconforts qui y sont associés. L’âge et le bon état de santé du jeune ainsi que l’équilibre de sa famille lui procurèrent un environnement et des conditions optimales favorisant une prompte guérison. Il profita également de l’expertise québécoise dans le traitement des grands brûlés. La douleur, la perte d’autonomie, l’inconfort, les troubles de sommeil détériorent considérable-ment la qualité de vie des patients. La vie des grands brûlés étant bouleversée sur tous les plans, plusieurs programmes intégrés ont été développés au Québec. Les experts expliquent que la souffrance des victimes de brûlures sévères peut se transformer en un véritable cercle vicieux. Leur douleur les empêche de bien dormir et leur manque de sommeil nuit à leur guérison. Lors de la publication des résultats de sa recherche auprès de 28 patients traités au Centre des grands brûlés de l’Hôtel-Dieu, Isabelle Raymond, signalait : « Le simple fait de respirer peut faire mal… Un lien étroit existe entre le sommeil et la douleur des victimes de brûlures… Moins bonne est la qualité de leur sommeil, plus ils sont sensibles à la douleur3. » Dans une situation pareille, la famille des victimes, notamment la personne le plus proche de l’accidenté, peut être sensiblement affectée. Ainsi, les programmes comportent des solutions intégrées, des interventions et réadaptation spécifiques accompagnées d’un soutien psycholo-gique à la victime et aux membres de sa famille4. Le fils de Diane Rousseau répondit rapidement aux traitements initiaux et les effets adverses de ses brûlures furent significativement minimisés. Ainsi, après le choc de l’accident et les premiers soins et traitements, l’adolescent et sa famille envisagèrent sa récupération avec beaucoup d’espoir.

1 Ce milieu sec et stérile est formé en soumettant la surface brûlée du patient à un courant d’air stérile, chaud et sec, pulsé au

travers de granules très fines de silice. Ces granules sont placées dans une cuve recouverte d’une membrane semi-perméable, de fine texture pour permettre l’aération et le contrôle de la taille de la silice déposée sur la plaie.

2 On effectue des autogreffes (qui utilisent des fragments de la peau du patient), des homogreffes (qui utilisent la peau d’autres personnes) et des hétérogreffes (qui utilisent la peau d’animaux, généralement du porc). Selon les spécialistes, le succès de ces chirurgies repose principalement sur la présence des capillaires sanguins pour alimenter les tissus greffés et empêcher la mort ou le rejet des cellules d’épiderme greffé. Afin d’augmenter le succès de ces interventions chirurgicales, les chercheurs mettent au point, depuis quelques années, une méthode de culture cutanée qui viendrait activer significativement la guérison de grands brûlés. À partir des cellules prélevées aux patients, on cherche à fabriquer des vaisseaux sanguins qui irrigueraient les tissus cutanés pour que la revascularisation des aires greffées puisse s’effectuer plus rapidement (voir Hamann, James « Au secours des grands brûlés », 14 janvier 1999. http://www.ulaval.ca/scom/Au.fil.des.evenements/1999/01.14/brules.html).

3 Dans Dominique Nancy, « Le cauchemar des grands brûlés », Forum, Université de Montréal, vol. 37, no 19, 3 février 2003. 4 Consulter, par exemple, le Programme des grands brûlés de l’Hôpital de réadaptation Villa Medica : www.villamedica.ca.

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Un créneau d’affaires

À l’époque de l’accident de son fils, rien n’annonçait le tournant qu’allait prendre la vie de Diane Rousseau. Née à Montréal, elle quitta l’île à l’âge de six ans avec ses parents qui allaient s’instal-ler sur la Rive Sud. Elle y resta après son mariage et la naissance de ses deux enfants. Du côté professionnel, elle avait occupé divers postes administratifs, et ce, de façon continue depuis la fin de son secondaire. Avec les années, elle était devenue responsable de ventes chez quelques distributeurs, poste qu’elle occupait au moment de l’accident. Les habiletés acquises dans ce domaine allaient se révéler déterminantes pour le succès de ses activités futures. Ce type de poste lui avait permis, d’une part, de mettre à l’épreuve son caractère : sa patience, sa gentil-lesse mais aussi sa débrouillardise et son efficacité. D’autre part, elle s’était développée une approche personnalisée misant sur la satisfaction des clients par l’efficacité de son travail. Toutefois, comme elle se considérait étant une mère d’abord et avant tout, ses priorités se tour-nèrent entièrement vers sa famille après l’accident. Elle prit un rôle très actif et décisif dans le processus de guérison de son fils, notamment lorsqu’il s’est agi de trouver l’habit de compression que le jeune devait porter 24 heures sur 24, à l’étape de la récupération. Pressés de se procurer l’habit et de redonner à leur fils plus de confort et d’autonomie, Diane Rousseau et son mari constatèrent vite, et avec grand étonnement, qu’un tel vêtement n’était disponible ni à Montréal, ni au Québec, ni même au Canada. Face aux délais inévitables et aux effets adverses que la situation pouvait produire sur la récupération du jeune, le couple réagit immédiatement. C’était la qualité de vie de leur fils qui était en jeu! C’est ainsi qu’à leur insu, un problème vital non résolu s’est transformé en une occasion d’affaires très pointue. L’élément déclencheur

Paradoxalement, l’accident de son fils offrait à Diane Rousseau un créneau unique à exploiter. Guidée par ses sentiments maternels, elle acquit une connaissance très intime de la vie quoti-dienne des grands brûlés. Sagement, sans succomber à la dramatisation de la situation, elle transforma courageusement cette dure épreuve en une source d’apprentissage. Elle fut amenée, involontairement, à découvrir le monde des grands brûlés, et ce, dans ses détails le plus intimes. Elle connut leurs attentes, leurs inconforts et angoisses, leurs besoins hygiéniques, physiques et psychologiques. En accompagnant son fils et en l’appuyant de sa compassion active, elle vécut, pour ainsi dire, l’expérience tragique dans sa propre peau. Elle observa de près les difficultés et limites auxquelles les patients sont confrontés, les caractéristiques douloureuses des traitements, les contraintes des intervenants qui y participent. Elle voyait tout et gardait tout en pensée. Les routines de l’hospitalisation, les divers traitements, les attentes, les visites aux spécialistes lui firent connaître dans une mesure importante le réseau dans lequel les accidentés doivent évoluer. Elle apprit vite. Elle acquit une compréhension très fine et complète du contexte des grands brûlés en saisissant ses spécificités. Au fur et à mesure que le temps passait, elle brossait menta-lement un tableau complexe de toutes les dimensions entourant la qualité de vie de ce type de patient. De plus, ses apprentissages n’en restèrent pas là. En cernant une grande partie de leurs problèmes et besoins, elle commença inconsciemment à envisager des pistes de solution à leurs problèmes.

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Par exemple, en cherchant à se procurer l’habit prescrit à leur fils, Diane Rousseau et son mari remarquèrent qu’aucun fournisseur au Québec ni au Canada ne semblait intéressé à la fabrication des vêtements à pression contrôlée. Contrariés, le couple plaça une commande aux États-Unis alors que le jeune n’avait d’autre choix que de continuer à subir les dérangements et l’inconfort de ses pansements. Trois semaines d’attente s’écoulèrent cependant avant que le jeune et ses parents subissent une autre déception : l’habit ne lui faisait pas! Malgré les spécifications de la prescription et une prise de mesures minutieuse, l’habit livré n’était pas conforme aux standards de qualité que la mère avait fixés au vêtement. Patiemment, Diane Rousseau reprit les mesures et réexpédia l’habit rejeté, accompagné de nouvelles informations au fournisseur. Deux autres semaines plus tard, le vêtement tant attendu arrivait enfin. Mais nouvelle déception : l’habit ne faisait toujours pas! La situation devint inac-ceptable. Sachant que l’habit était destiné à faciliter la guérison de son fils et minimiser la formation des cicatrices hypertrophiées1, Diane Rousseau se révolta. Cinq semaines d’attente, c’était beaucoup trop de temps perdu dans le processus de guérison de son fils. C’est ainsi que, en faisant appel à la formation en haute couture qu’elle avait eue plus jeune, elle décela que le problème se trouvait dans la conception du produit. Déterminée à résoudre le problème à sa source, elle décida de confectionner elle-même le vêtement. Ce faisant, Diane Rousseau posait la première pierre de l’entreprise qui porterait bientôt ses propres initiales : « D.R. » Médical.

Le lancement de l’entreprise

Été 1991. Un an après l’accident, l’adolescent est convalescent. Diane Rousseau s’apprête de son côté à faire son entrée dans le monde des affaires. Prudente et perfectionniste, elle veut d’abord apprendre les rudi-ments des affaires pour mieux donner forme à ses idées. Elle s’inscrit avec son mari à un cours de gestion qui se donne les soirs dans une université. Tout de suite après, elle prépare son plan d’affaires, quitte son emploi et organise le démarrage. En juin 1991, Diane Rousseau ouvre les portes de Confections D.R. Médical inc., (DRM). La mission de sa petite entreprise est de venir en aide aux grands brûlés.

Pour faire face à la taille des fournisseurs américains, la petite entreprise spécialisée mise sur la réduction du temps d’attente, sur le sur mesure et sur la proximité. DR Médical fait la conception, la fabrication et la vente des vêtements sur mesure, livre ses produits dans un délai d’une semaine et offre des ajustements rapides si nécessaire. Les commandes pour des vêtements à pression contrôlée ne se font pas attendre. Ses produits contribuent rapidement à réduire les besoins de médication et le temps d’hospitalisation des grands brûlés. DR Médical : des patrons et des coutures? Certes, mais autrement

La qualité des produits de DRM est irréprochable. Ils sont tous fabriqués dans un atelier aménagé avec de l’équipement conventionnel. Le secret repose principalement sur un choix soigné des matières premières, le respect le plus strict des spécifications prescrites et la maximisation du 1 Cicatrices qui se caractérisent pour un développement excessif des tissus sur les aires de peau brûlée.

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confort de ses clients : les patients. Rien n’est laissé au hasard. Tous les produits sont laborieu-sement conçus et développés à l’appui des informations et conseils recueillis par Diane Rousseau auprès des spécialistes et professionnels du domaine de la santé. Dans son souci d’efficacité pour améliorer la qualité de vie des grands brûlés, elle n’hésite pas à se déplacer aux centres, s’impli-quant dans l’état des patients et s’informant auprès des médecins spécialistes et des ergothéra-peutes sur leurs besoins. Elle développe ainsi un savoir-faire qu’elle traduit et transmet avec minutie à chaque couturière à l’emploi de DRM. À la base, Diane Rousseau réalise qu’il lui faut garantir la perfection intérieure de chaque vête-ment. Pour ce faire, elle s’aperçoit des limites des standards traditionnels de la confection des patrons et de la couture. Bien que les machines utilisées soient conventionnelles, les patrons et la couture ne peuvent pas l’être. Pour réussir dans la fabrication des produits conçus pour ses clients, elle fixe des nouveaux standards de qualité et établit des procédures. À titre d’exemple, un simple gant à compression contrôlée pour une main brûlée exige 25 mesures différentes pour respecter ses standards (voir l’annexe 1). La main-d’œuvre chez DRM est donc plus qualifiée, comparée à celle de l’industrie du vêtement traditionnel, et ses salaires doivent être légèrement plus élevés. D’ailleurs, pour devenir coutu-rière à son atelier et y rester, il faut être particulièrement minutieuse, se conformer aux standards et procédures et… réussir à « coudre à l’envers » afin de rendre confortables l’intérieur des vête-ments.

Les bienfaits de l’argent

Dans son processus d’acquisition de connaissances du monde des grands brûlés, Diane Rousseau a appris les bienfaits de l’argent. Ce métal blanc et brillant, que les alchimistes appellent par coïncidence Diana, d’après la déesse de la lune, fut connu très tôt par les civilisations1. On l’a utilisé d’abord dans des ornements, ustensiles2, monnaies3, soins de santé; plus tard, en photogra-phie et dernièrement, en électronique. Les vertus médicales de l’argent

Les propriétés de l’argent en médicine, pour la prévention et le traitement de certaines maladies, en particulier des infections, sont connues depuis longtemps. Déjà dans la Grèce antique et à Rome, on se servait des contenants en argent pour préserver l’eau et certains liquides de la contamination.

1 Des mines d’argent sembleraient avoir été exploitées vers 2500 av. J.C., en Asie mineure. Il est le métal le plus ductile et

malléable après l’or, le meilleur conducteur métallique de la chaleur et de l’électricité existant dans la nature. On le rencontre rarement à l’état pur dans le sol; le plus souvent, il est sous forme de sel combiné au soufre ou à l’antimoine. Le métal n’est pas oxydable par l’oxygène mais noircit au contact avec l’air.

2 Les ustensiles de thé sont fabriqués avec des alliages d’argent de 92,5 % et cuivre 7,5 %. 3 Aux États-Unis, la monnaie d’argent est fabriquée jusqu’à l’année 1965, d’un alliage d’argent 90 % et cuivre 10 %. En 1965, le

contenu en argent fut réduit à 40 % pour les monnaies de 50 cents de dollar tandis que l’argent des monnaies de 1 et 25 cents fut éliminé.

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L’argent n’est pas toxique; on ne lui connaît qu’une seule complication, l’argyrisme, un trouble uniquement cosmétique. Manifestée à une époque chez des nobles et aristocrates d’Europe, l’argyrisme désigne le teint bleuâtre permanent de la peau, dû à la pénétration d’argent dans l’organisme au contact prolongé avec le métal1, d’où l’appellatif de « sang bleu » pour désigner les membres de familles royales. Aujourd’hui, en raison de ses propriétés anti-bactériennes, remarquées d’ailleurs par les médecins depuis le XIXe siècle, la NASA continue à utiliser l’argent pour garantir la pureté de l’eau dans les vaisseaux spatiaux. En médicine, on utilise le nitrate d’argent depuis le XIXe siècle, pour soigner les ulcères et plaies suppurantes et pour laver les yeux des nouveaux nés. Sous forme de fil d’argent, on l’a employé également dans les sutures, afin d’éviter les problèmes d’infection. Vers la fin du même siècle, on a avancé que ses propriétés étaient dues à la migration des ions d’argent vers la plaie. Le XXe siècle a connu la commercialisation à grande échelle de l’argent sous forme de gel. La pommade d’argent, l’argyrol, a été mise en marché en 1910. Environ 40 ans plus tard, le marché des pommades d’argent à usage antibactérien fut massivement réduit par l’arrivée des antibio-tiques. Ce n’est que dans la dernière décennie, que les recherches pharmaceutiques, le dévelop-pement de la nanotechnologie de l’argent et la résistance développée par certaines formes de bactéries favorisèrent à nouveau l’emploi des propriétés anti-bactériennes de l’argent. L’utilisation de l’argent dans le traitement des brûlures fut introduite vers l’année 1965. Deux produits virent le jour en parallèle : le nitrate d’argent 0,5 %, (de l’argent en solution)2, et la sulfadiazine d’argent, une crème soluble dans l’eau (à base d’alcools propylène glycol, alcool stéarique et isopropanol)3. Depuis l’introduction de cette crème, son application devint le traite-ment le plus utilisé pour les brûlures car le produit présente des propriétés antibactériennes et une bonne capacité de libération des ions d’argent (les agents antimicrobiens). Le tissu argenté et son mécanisme d’action

En observant les traitements donnés aux grands brûlés, Diane Rousseau prit connaissance des avantages et des limites des produits en argent. En fait, le sel d’argent en solution, le nitrate d’argent, humidifie la surface des plaies. Son utilisation exige pourtant des soins plus intensifs et prolongés car les pansements doivent être constamment humidifiés pour que l’activité anti-microbienne puisse se manifester. Ainsi, les pansements doivent être changés plus fréquemment, ce qui augmente considérablement les risques d’infection. Quant à la sulfadiazine d’argent en crème, celle-ci présente des risques d’inflammation, voire certains niveaux de toxicité, attribués aux composants attachés à l’argent, pas à l’argent même. Non seulement les crèmes contribuent difficilement à humidifier la surface des plaies, mais elles en enlèvent.

1 Le contact prolongé chez les nobles de l’Europe se produit à cause de leurs habitudes : la consommation d’eau préservée dans

des contenants d’argent et l’utilisation des verres, des plats et des ustensiles en argent pour manger. 2 Utilisé par le docteur Carl Moyer. 3 Développée par le docteur Charles Fox.

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Diane Rousseau constata également que les propriétés de l’argent sont pourtant extrêmement puissantes. Des tests signalaient que seulement une partie par 100 millions d’argent peut rendre effective l’activité antimicrobienne d’une solution. Théoriquement, on postulait que les ions d’argent tuaient les micro-organismes instantanément par le blocage du système respiratoire et l’altération de l’ADN et les parois des cellules des microbes, sans toxicité pour les cellules humaines! C’était pour cette raison que l’argent cristallin pur, utilisé directement sur les plaies, permettait à la fois de surmonter les difficultés des produits couramment employés et de rendre l’activité anti-microbienne plus efficace. Mais comment appliquer l’argent pur alors qu’il est très peu soluble dans l’eau? La réponse était simple : en utilisant directement des pansements en argent. De fait, vers 1970, et sans trop connaître les limites des traitements récemment introduits, on développa et on lança sur le marché un tissu argenté, une fibre de nylon recouverte d’une fine couche d’argent. À l’époque, cepen-dant, la qualité du produit ne se prêtait pas à une utilisation si délicate. Il aura fallu attendre envi-ron 15 ans, pour faire avancer la technologie associée aux tissus argentés et constater ses effets bénéfiques. En 1984, alors qu’un groupe de médecins cherchait à démontrer scientifiquement que l’effet bénéfique de l’argent dans le tissu argenté provenait effectivement des ions d’argent entraînés dans la plaie, le docteur Bart Flick entamait des recherches appliquées. Tout près de Montréal, à l’Université du Vermont, cet orthopédiste américain développa des techniques de plaquage d’argent sur le nylon, en effectuant des études cliniques en parallèle. Ses résultats se montrèrent irréfutables. Le tissu argenté agissait là où aucun autre médicament, même pas les antibiotiques, avait réussi à arrêter des infections et guérir les plaies. Le mécanisme proposé par le docteur Flick signalait qu’un pansement d’argent modifiait le potentiel électrique à la surface du corps. Une blessure de la peau est une porte ouverte aux bacté-ries. Or, les mécanismes de défense du corps, fonctionnant normalement, ferment cette porte spontanément et, à l’application d’un tissu argenté sur la plaie, celui-ci restituait le potentiel électrique de la zone endommagée, diminuant la cascade inflammatoire et aidant à sa guérison1. Le potentiel de l’argent attira finalement l’attention de la firme américaine Westaim Corporation à Exester, New Hampshire, qui en 1993, avec le concours des chercheurs de l’Université d’Alberta, entreprit des recherches systématiques, fondamentales et appliquées, portant sur des nouvelles méthodes de déposition d’argent et la caractérisation des propriétés des tissus argentés. Les travaux d’Alan Thompson

Convaincue des bénéfices de l’argent, Diane Rousseau n’hésita pas à chercher à l’incorporer à ses produits. Mais où pouvait-elle se procurer le tissu argenté? Ou encore, pourrait-on lui en fournir dans des quantités voulues et en conformité avec ses standards de qualité? Il était du domaine public qu’il y avait un fournisseur en Angleterre, la firme Articoat Burn Dressing, qui fabriquait elle aussi des vêtements. Cependant, dans son cercle de contacts au sein du réseau des grands

1 À l’heure actuelle, on connaît bien les effets de l’action de l’argent; mais les mécanismes de son action sont encore en dévelop-

pement. Le mécanisme proposé par le docteur Flick semblerait être le plus accepté. Il concerne l’activité biologique de l’argent qui est encore sous étude.

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brûlés, Diane Rousseau eut connaissance des travaux d’Alan Thompson, de la Silverleaf Technology Inc. en Ontario. Consultant industriel et géologue de formation, M. Thompson s’intéressait depuis une quinzaine d’années au tissu argenté. Sa rencontre avec le docteur Flick, au moment où celui-ci effectuait ses recherches cliniques, s’était avérée déterminante. Impressionné par les bénéfices du tissu argenté, il avait travaillé ardûment au développement d’un procédé de fabrication, obtenant des résultats exceptionnels. Son procédé conférait des caractéristiques uniques au tissu tout en gardant les propriétés de l’argent. Le procédé breveté de la fabrication du tissu argenté de la Silverleaf comportait trois étapes : le choix de matières premières, le conditionnement du tissu et la méthode de déposition de l’argent. C’était un procédé d’enduction1 qui débutait par le choix d’un tissu de qualité, le nylon. Ensuite, le tissu était soumis à un lavage avec de l’eau complètement de-ionisée. Et finalement, l’uti-lisation d’argent pur, à plus de 99 %, venait compléter la méthode de déposition. Les tests de laboratoire confirmaient que ce procédé permettait l’obtention d’un tissu avec de l’argent pur à 99,99999 %! Les prix des tissus étaient élevés. Selon les caractéristiques du nylon, un mètre carré pouvait facilement coûter 500 dollars canadiens. Mais aux yeux de Diane Rousseau, la qualité des matières premières rencontrait entièrement ses standards. En plus, Silverleaf offrit à DRM de fabriquer des tissus de divers niveau d’élasticité et de compression. L’entreprise ontarienne devint ainsi son fournisseur. Les particularités du domaine médical

Le contexte dans lequel DR Médical s’était positionné s’avérait pourtant complexe. Avec les années, Diane Rousseau constata que l’identification des besoins des grands brûlés s’accompa-gnait d’une foule d’entraves qui impliquaient, entre autres, les délais d’acceptation des prescrip-tions par des assurances, de longues démarches pour les autorisations et paiements des factures par certaines institutions, de même que la formation aux personnes qui assistaient les patients à l’usage et l’entretien adéquats des vêtements. Bien que l’utilisation des vêtements à compression contrôlée ne représentât aucune difficulté majeure, un lavage mal fait ou l’emploi des substances nocives pouvait nuire à sa durée et à son efficacité. De plus, et ce, malgré que les bienfaits de l’argent étaient indiscutablement démontrés, l’usage du tissu argenté, pourtant encouragé par certains médecins, n’était toujours pas bien connu ni accepté. Le docteur Bart Flick, suite à sa longue expérience dans le milieu, arriva à la conclusion que ceci était dû au fait des particularités du contexte de la santé. Selon lui, il fallait comprendre que la médecine, étant un domaine très conservateur, il y était difficile de faire avancer une nouvelle idée2.

1 Action par laquelle on recouvre et imprègne la surface d’un textile d’une couche (viscoélastique), dans ce cas d’argent, pour lui

conférer des propriétés particulières. 2 Découverte, émission télévisée, Société Radio-Canada, 8 avril 2001.

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Alan Thompson, de Silverleaf Technologies Inc., était du même avis. Sur la base de ses propres expériences, il avouait : « Je dirais qu’il est extrêmement frustrant d’avoir un produit dont on est certain qu’il est très utile dans certains cas et pourtant, d’être incapable de convaincre les gens du domaine médical de s’y intéresser. Ce n’est pas d’une supercherie. Ce n’est pas de la magie. Ce sont des faits indiscutables1. » Diane Rousseau comprit très vite que le combat pour l’adoption du tissu argenté n’était pas encore gagné. Pour introduire un nouveau traitement dans le domaine, il y avait en plus une lourde réglementation à respecter. Elle ne se laissa pourtant pas intimider et pour faire face aux résistances de toutes sortes, elle puisa dans sa patience et adopta une approche personnalisée, cas par cas. Ce faisant, elle gagna des adeptes un à un et bâtit une réputation d’excellence et d’efficacité sans égal pour DRM. Sa stratégie, qui s’accordait d’ailleurs très bien à sa personna-lité, n’encouragea certainement pas la croissance rapide de l’entreprise mais elle allait lui permettre surtout d’affirmer la vocation de DR Médical. La force de DR Médical : sa flexibilité

DR Médical se voulait flexible sur des nombreux aspects. Elle offrait aux patients trois moyens pour l’envoi de ses commandes : par télécopie ou par voie électronique (en direct des centres spécialisés), par visite d’un représentant aux patients (normalement aux centres spécialisés) et par rendez-vous dans ses locaux. Dans ce dernier cas, on avait aménagé les installations à cette fin : à l’entrée, une petite salle d’attente accueillait les clients. Passés à la réception, ils étaient conduits dans une des trois salles prévues pour la prise des mesures. Tout près de ces salles, se trouvait le bureau de la conception des patrons assistée par ordinateur, et au fond des installations, l’atelier de confection. L’atelier était muni de deux entrées; avec ses grandes fenêtres, il offrait un environnement de travail agréable, tranquille et bien illuminé. Les machines à coudre, d’origines américaines et allemandes, étaient disposées au centre; les autres étapes de fabrication se faisaient autour, selon une ligne en forme de U. La table de réception des spécifications et mesures se situait juste à côté de la première entrée. En face, trois postes : la table de coupe et la zone de stockage des patrons était suivie de la table de coupe des tissus (y compris le tissu argenté); la table du pré-assemblage des vêtements et des retouches complétait la rangée. Le pliage et l’emballage des vêtements s’effectuaient à côté de la deuxième entrée. Les commandes étaient fabriquées au fur et à mesure qu’elles arrivaient, sans planification rigide de la production. À partir de l’autorisation, provenant généralement des assurances, on prenait de trois à cinq jours pour la livraison. Mais DRM avait aussi la capacité de répondre à des urgences. Les matières premières étaient généralement achetées aux États-Unis et en Ontario. Le nombre de fournisseurs était restreint, environ une quinzaine. Le partenariat avec certains de ses fournisseurs lui permettait d’établir des délais de livraison convenables et de respecter les délais promis, ses commandes étant de faible volume. Les matières premières n’avaient pas de limites de durée de vie. Le matériel était stocké dans des cylindres fermés (y compris le tissu argenté), pour le

1 Découverte, op. cit.

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protéger. La seule contrainte à ce stade se trouvait lors de la confection, car les couturières devaient porter des gants afin de préserver la qualité des produits. L’entreprise ne possédait pas d’inventaire informatisé. Il y avait un contrôle une fois par année (au moins), ce qui ne causait pas vraiment de problème car tout était bien ordonné. Par ailleurs, il n’y avait presque pas de stockage de produits finis car la majeure partie de sa production était sur mesure. Les principaux coûts étaient ceux de la commercialisation et de la production. Parmi ces derniers, outre les matières premières et la main-d’œuvre, on devait couvrir la stérilisation et l’emballage ainsi que les assurances pour le risque de défauts de production pouvant causer des effets secondaires aux patients. L’ensemble de son système de production permettait à DRM de garantir une qualité exception-nelle pour ses produits et la rapidité de ses services. Les grands brûlés devaient être traités très rapidement. Grâce à sa flexibilité, DR Médical s’était adaptée continuellement à la fluctuation de cette demande souvent imprévisible.

DR Médical à l’entrée du XXIe siècle

L’arrivée du nouveau millénaire trouva la petite DR Médical sur la rue Rouen, dans l’est de Montréal. Une dizaine d’employés y travaillaient à accomplir sa vocation. Diane Rousseau, femme d’affaires profondément dévouée à la mission de son entreprise, continuait de diriger son organisation. Elle préparait d’ailleurs son expansion. La petite entreprise devint familiale. Son conjoint et copropriétaire, Guy Houde, avait pris la direction du marketing et du développement des affaires. Suite à l’obtention de son diplôme universitaire, sa fille Véronique devint respon-sable des finances et de la comptabilité. Son fils, entièrement guéri et rendu au milieu de la vingtaine, avait à sa charge la technologie, plus particulièrement la conception des patrons assistée par ordinateur. L’accident n’était plus qu’un mauvais souvenir pour la famille, mais qui ajoutait néanmoins à la crédibilité de la mission de l’entreprise : aider les patients victimes de brûlures et autres plaies. Le développement de nouveaux produits

L’innovation chez DR Médical s’était toujours greffée à l’approche personnalisée, caractéristique de la flexibilité de l’entreprise. L’exemple le plus probant de ce processus était celui du traite-ment du déséquilibre de l’organisme dans la production de collagène. Appelée à confectionner un habit à compression pour une petite fille, survivante unique de sa famille à l’incendie de sa maison, Diane Rousseau trouva l’occasion de combiner le tissu argenté à la compression. Il n’y avait pas de plaies, et la petite fille récupérait de ses brûlures. Mais les cicatrices lui défor-maient entièrement le visage et le corps. Les spécialistes lui prescrivirent la compression. Les propriétés de l’argent n’étant pas vraiment exploitées à son maximum, Diane Rousseau ajouta le tissu argenté. La combinaison du vêtement et de l’argent s’avéra rapidement un assemblage exceptionnel. Les résultats étaient concluants et surprenants. En quelques mois, l’équilibre de l’organisme de la petite fille se rétablit significativement et les cicatrices déformées laissèrent

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place à une peau d’apparence beaucoup plus lisse et saine. Diane Rousseau, soutenue par des intervenants du milieu dans ce cas, révéla ainsi une autre propriété du tissu argenté. Ce cas a d’ailleurs fait l’objet d’un reportage à l’émission télévisée Découverte1, sur les ondes de la Société de Radio Canada, en avril 2001. Toujours en collaboration avec des intervenants du milieu, parmi lesquels le docteur Jean-Pierre Daigle, chirurgien plasticien, s’est avéré d’une aide précieuse, l’approche personnalisée à l’inno-vation de DR Médical faisait tourner tranquillement l’entreprise vers la connaissance des marchés connexes dont celui des vêtements post-opératoires. Dans la conception et la fabrication de ce type de produits, la qualité et les propriétés importantes aux yeux des patients étaient encore la priorité. Mais Diane Rousseau devint de plus en plus convaincue que son processus d’innovation devait se rendre plus formel. Interviewée à l’époque à ce sujet, elle signala : « Il nous faut améliorer nos produits. Les employés comptent sur nous… il y a beaucoup à faire encore ». Toujours détermi-née, elle entama des conversations avec le Centre des technologies textiles (CTT) de Saint-Hyacinthe, une division du Groupe CTT, qui offrait un soutien technique et de recherche-développement (R-D) aux entreprises du domaine. Ne pouvant pas compter sur une équipe de R-D à l’interne, elle envisageait de consolider sa posi-tion avec de la R-D à l’externe. La capitalisation de plus de dix années d’apprentissages lui avait montré que les concurrents de DR Médical étaient de deux sortes : des petits et des gros. Pour ce qui était des petits, ils ne posaient pas de problèmes sérieux à DRM : ils émergeaient souvent mais s’en allaient aussi souvent qu’ils apparaissaient. Quant aux grands, parmi lesquels Nucryst était devenu de loin le plus important, ils ne pouvaient pas être ignorés. En 1998, allant rapidement au-delà de son concept scientifique initial, soit le domaine des appa-reils médicaux, Nucryst s’était dirigée vers le pharmaceutique et les soins de la santé. La société avait lancé les produits ActicoatTM, une gamme des vêtements pour des patients brûlés et autres plaies chroniques. Filiale de la Westaim Corporation, son management avait cumulé par recrute-ment, en peu d’années, une expérience de plus de 100 ans en pharmacie et biotechnologie2. Son équipe de R-D, composée de scientifiques et ingénieurs hautement spécialisés, travaillait en nanotechnologie de l’argent. L’entreprise est devenue ainsi propriétaire d’une technologie unique, SILCRYSTTM, détenant une dizaine de brevets aux États-Unis, en nanocristallisation de l’argent, avec plusieurs autres en cours. Cette technologie et la gamme de produits ActicoatTM, fabriquée à Fort Saskatchewan (Alberta) constituaient les premiers fruits de leurs travaux3. En 1999, les ventes de NucrystTM atteignaient trois millions de dollars US et vers la fin de l’année 2000, ses produits étaient déjà utilisés dans plus de 100 des 120 centres spécialisés en Amérique du Nord. Pour la même année ses ventes passèrent à cinq millions de dollars US4. 1 Dans la même émission, on présente aussi les travaux du docteur Jean-Pierre Daigle, chirurgien plasticien, du docteur Bart

Flick, orthopédiste, et d’Alan Thompson, consultant et géologue. 2 Site www.nucryst.com. 3 Rappelons que ce n’est qu’en 1993 que la société mère de Nucryst, la Westaim Corporation, et la faculté de médecine de

l’Université d’Alberta commencent conjointement le développement des traitements des brûlures en utilisant des vêtements recouverts d’argent nanocristallin.

4 Site www.nucryst.com.

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En 2000, la petite DRM, quelque peu diversifiée mais ayant toujours à son avantage le sur mesure, avait des ventes qui se rapprochaient du million de dollars canadiens. Cependant, outre son savoir-faire et sa flexibilité, l’entreprise ne détenait pas de technologie distinctive. En plus, Nucryst se préparait à entrer en partenariat avec une grande entreprise internationale qui possé-dait un réseau de distribution de plus de 500 représentants sur la planète : la vocation principale de DRM était-elle menacée? L’entente d’exclusivité avec Silverleaf Technologies Inc.

Contrairement à la simplicité du procédé de fabrication chimique du fournisseur de DRM, la nanotechnologie de Nucryst utilisait de l’équipement hautement sophistiqué pour déposer des nano cristaux d’argent1. Ce faisant, la technologie permettait une variété élevée de substrats2 pour les rendre ultérieurement utilisables dans la fabrication des vêtements. D’ailleurs, de nombreux travaux de recherche avaient confirmé les caractéristiques de ses tissus argentés3. On reconnais-sait des vertus diverses sans effet toxique, des propriétés antibactériennes, du contrôle des infec-tions, de l’accélération de guérison, de l’augmentation et conservation de l’humidité des zones affectées, des propriétés anti-inflammatoires, de la versatilité, de la diminution de l’inconfort des patients (le tissu n’exigeant que des changements à tous les 5 à 7 jours), de l’absence de risques de toxicité et de la diminution des coûts de traitement. Face à cette forte concurrence et consciente du rôle joué par le tissu argenté dans ses produits, Diane Rousseau entama des conversations avec son fournisseur principal, la firme ontarienne Silverleaf Technologies Inc. L’analyse de la documentation disponible et des tests des labora-toires permettait de constater que les produits résultants des procédés de Nucryst et Silverleaf étaient comparables sur plusieurs aspects, par exemple, en ce qui concernait l’efficacité de l’activité antimicrobienne et les vitesses et durées de cette activité. Leurs différences principales semblaient se trouver dans la sophistication de l’équipement exigée par la nanotechnologie de l’argent et la pureté de l’argent déposé sur le tissu. Le tissu développé par le docteur Robert E. Burrel, de la Westaim Corporation à Saskatchewan, n’était que de 99,99 % en argent4. On perce-vait aussi un moindre risque de séparation des cristaux d’argent des substrats dans le procédé détenu par Silverleaf. Dans l’année 2000, Diane Rousseau conclut alors une entente d’exclusivité avec son fournisseur. À l’établissement de ce partenariat stratégique, DR Médical est sortie technologiquement plus forte. En 2001, elle obtint le financement de la Coopérative Santé 3e millénaire (S3M), spéciali-sée dans la commercialisation des produits de santé. L’entreprise se diversifiait davantage et

1 Une forme nouvelle de magnétron à bafouillage (magneton sputtering), développée entièrement à l’interne. 2 L’argent est normalement composé de cristaux de grande taille qui vont se dissoudre très lentement, en limitant la teneur en

argent des solutions. La nanotechnologie de Nucryst change la structure des cristaux d’argent en les rendant beaucoup plus accessibles et en accélérant son activité antimicrobienne.

3 Il faut souligner que Nucryst possède un avantage concurrentiel sans égal en matière de sa technologie. Parmi ses scientifiques, on compte des autorités mondiales de la nanotechnologie dont Robert E. Burrel, Ph.D., Westaim Corporation, Fort Saskatchewan, Alberta. Voir par exemple, « The beneficial effects of nanocrystalline silver as a topical antimicrobial agent », publication conjointe avec Robert H. Demling, M.D., Professeur de chirurgie à la Harvard Medical School et Directeur du Burn Center, à Brigham & Women’s Hospital, Boston, MA., sur le site www.burnsurgery.com.

4 Demling, R.H. et Leslie DeSanti, « The beneficial effects of a nanocrystalline silver delivery system for management of wound », www.burnsurgery.org, 2002.

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élargissait sa mission sans s’éloigner du domaine de soins de santé. Les produits de DRM furent homologués par Santé Canada et la FDA (Food and Drug Administration) aux État-Unis. Sa gamme de produits comportait, outre les produits DRMTM Silver, des pansements en tissu argenté, et divers vêtements à compression pour les grands brûlés, des vêtements post-opératoires standard et sur mesure pour chirurgies esthétiques; des vêtements et orthèses de protection, de soutien, de contention; des protecteurs de hanche intégrés dans un sous-vêtement; des chapeaux refroidissant pour les patients cancéreux suite aux traitements de chimiothérapie; des vêtements pour les victimes de lymphœdème et autres. Plusieurs de ces produits furent brevetés. À l’époque, et ce, selon les propres mots de Diane Rousseau, elle avoua avoir perdu un peu de sa naïveté à ce sujet! Le concept de DRM : plus qu’un vêtement, de la qualité intégrale de vie pour les patients

Au cours de ses dix premières années, DR Médical avait acquis une expérience sans égal dans le service aux patients de brûlures et autres plaies. Pendant ces années, Diane Rousseau conduisit la petite DRM à petit pas. À l’entrée du deuxième millénaire, elle se sentait prête à franchir des pas de géant. Grâce au leadership et à la vision de sa fondatrice, DRM était devenue une entreprise de métier, ayant une connaissance approfondie de son milieu et de son marché, appuyée par des partenariats stratégiques et le déploiement d’une approche personnalisée et unique. À l’entrée du XXIe siècle, l’entreprise était bien positionnée. Elle faisait de la conception et de la fabrication des produits et proposait des solutions intégrées. DR Médical offrait des solutions qui allaient de la salle d’opération à la convalescence. Plus que la confection d’un vêtement, DRM assistait les patients, rapidement et efficacement, dans leur démarche d’amélioration de leur qualité de vie et dans leur retour à la normalité (voir l’annexe 1).

À l’assaut de nouveaux marchés

Le nombre de grands brûlés n’étant pas très élevé au Canada, pour sa croissance, DRM devait se trouver un marché où il y aurait une plus grande demande. Vers l’année 2000, DR Médical desservait principalement le marché québécois, où sa part de marché était d’environ 30 %. Mais dans sa lutte pour maintenir sa place et faire face à la concurrence des grands joueurs américains, l’esprit fonceur de Diane Rousseau était devenu plus fort que jamais. Désireuse de rendre dispo-nible les bienfaits de l’argent au plus grand nombre possible de patients, elle lance les panse-ments SilverLeafTM au Canada, en 2001. Au mois d’avril de la même année, ces produits sont présentés au marché américain, à Boston, lors du Symposium de l’American Burn Association. Ambassadrice engagée des grands brûlés, la présidente de DR Médical expliquait à l’occasion : « En enduisant des tissus d’une couche d’argent pur à 99,99999 %, nous rendons ses propriétés plus accessibles. Les pansements pourront servir lors du traitement en salle d’opération. Appli-qués sur les endroits atteints, ce procédé réduira le temps d’hospitalisation, permettra de réduire considérablement la médication administrée au patient et améliorera la qualité de vie de ce patient1. »

1 Diane Rousseau, présidente de DR Médical, CNW, Montréal, le 17 avril 2001.

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Une année plus tard, elle partit pour l’Europe et le Moyen-Orient. À l’intérieur d’une très courte période de temps, elle rencontra des gens des gouvernements, de la santé et des milieux hospita-liers de plusieurs pays. Le voyage s’est avéré un succès. À son retour, à la fin du mois de mai 2002, DR Médical avait établi des bureaux de liaison en France et en Syrie. Certes, la proximité géographique de DR Médical n’était pas là, mais à sa place, Diane Rousseau misait sur la proxi-mité culturelle de la langue.

Les vertus de l’argent sont reconnues davantage

Le 7 avril 2003, l’Hôpital de Montréal pour enfants (HME), du centre universitaire de santé McGill (CUSM), annonça sa nouvelle approche en matière de soins aux brûlés. Dans son communiqué de presse1, on signalait en partie :

Dans le cadre de son approche des soins aux brûlés, l’HME a commencé à utiliser une diversité de nouveaux pansements. Souvent, la réfection de ces nouveaux pansements ne s’effectue qu’une fois aux quatre jours alors que la sulfadiazine d’argent, traitement classique et encore fréquemment utilisé, nécessite la réfection des pansements et le nettoyage de la région brûlée une ou deux fois par jour. La procédure classique est très douloureuse et il faut administrer aux patients une médication pour atténuer la douleur. « Le métabolisme des brûlés fonctionnant à haute vitesse, les enfants doivent avoir une bonne alimentation. La diminution des analgésiques leur permet de retrouver un meilleur appétit », dit le Dr Dominic Chalut, directeur médical du département de l’urgence à l’HME.

De plus, les nouveaux pansements sont moins volumineux, ce qui laisse les enfants bouger plus librement. Enfin, ils permettent une meilleure circulation de l’air, point favorable à la cicatrisation.

« Dans l’ensemble, les nouveaux produits atténuent significativement la douleur et l’anxiété chez les enfants ainsi que le stress de la famille », dit le docteur Chalut. « Nous prévoyons utiliser ces nouveaux produits encore plus fréquemment. »

D’autres centres utilisent une approche semblable à celle de l’HME. Mentionnons notamment l’Hôpital pour enfants de l’Alberta, l’Hôpital pour enfants de la Colombie-Britannique, l’Hôpital Shriners de Boston et le Centre des brûlés du St. Louis Children’s Hospital.

L’esprit fonceur de Diane Rousseau, sa persévérance et son intuition ont certainement contribué à l’acceptation et l’adoption de cette nouvelle approche. Grâce à son leadership à la direction de la petite DR Médical, elle avait fait de son entreprise une pionnière dans l’innovation des traite-ments des grands brûlés. Avec des projections de ventes chiffrées à 15 millions de dollars pour l’année 2005, DR Médical consolidait sa position. Or, d’autres défis allaient se présenter en cours de route.

Des problèmes de qualité

Au cours de 2003, des problèmes répétés de qualité provenant des matières premières ont amené Diane Rousseau à prendre des mesures draconiennes. Constatant des traces de contamination sur le tissu argenté, un rappel immédiat des produits distribués aux hôpitaux s’était imposé. Comme les discussions avec son fournisseur achoppaient sur la garantie de l’uniformité des standards de 1 Communiqué de presse, Centre universitaire de santé McGill, Montréal, le 7 avril 2003.

http ://www.much.mcgill.ca/News/2003_05_23_ld_pain_fr.html.

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qualité requis par ses produits médicaux, la rupture de l’entente d’exclusivité devenait inévitable Au moment où tout semblait se consolider, Diane Rousseau s’était trouvée sans technologie propre, devant un concurrent géant et féroce, et sans fournisseur. Fallait-il déclarer faillite? Pas question! Diane Rousseau, femme d’action et de courage, agit rapidement. Elle trouva un nouveau fournisseur, aux États-Unis, et restructura l’entreprise en focalisant davantage ses opérations. Deux entités séparées ont été alors créées, Confection Médicale DR inc., destinée à la fabrication des vêtements à compression et DRM International inc., destinée aux produits argentés. Puis, avec l’apport financier de Confection Médicale DR inc., elle s’engagea à investir davantage dans le développement de ses technologies propres et de ses produits argentés. De plus, afin de démontrer l’importance accordée à la qualité chez DRM International, elle entama le processus de certification ISO 13485 : 2003, Dispositifs médicaux – Systèmes de management de la qualité, auprès de l’organisme registraire Intertek Testing Services NA, Ltd. Les résultats de ces décisions ne se sont pas fait attendre. Quelques mois plus tard, avec l’appui de l’équipe de R-D du CTT de Saint-Hyacinthe, elle obtint un premier brevet pour la fabrication du tissu argenté en utilisant un processus de déposition plasma, de nanotechnologie. Et le 9 juillet 2004, DRM International obtint sa certification ISO 13485 : 2003 (voir l’annexe 2). En réussis-sant l’audit de l’organisme registraire, DRM devint une des rares entreprises certifiées à cette norme internationale, au Québec.

Épilogue

Août 2004. Diane Rousseau continue à travailler sans relâche à la croissance et à la solidification de son entreprise. Elle sait que plus les ventes augmentent, plus de chances aura DRM d’obtenir le financement requis à la commercialisation de ses produits argentés. Sans se décourager par les résultats négatifs de quelques démarches préliminaires, elle voit à long terme. Deux priorités l’occupent : sa relève et l’analyse de quelques options de financement. Pour sa relève, elle prépare sa fille Véronique qui est prête à s’investir dans la direction générale de l’entreprise. Pour ce qui est des options, elle considère soit l’investissement privé, soit une alliance avec une grande entreprise pharmaceutique. 2005-03-02

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Annexe 1

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Annexe 2