Définir les objectifs de l'éducation

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DÉFINIR LES OBJECTIFS DE L'ÉDUCATION

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AUTRES OUVRAGES DE G. DE LANDSHEERE

Les tests de connaissances, Bruxelles, Editest, 1965 (Epuisé). Rendement de l'enseignement des mathématiques dans douze pays (en colla-

boration avec T. N. Postlethwaite), Paris, Institut pédagogique national, 1969.

Introduction à la recherche en éducation, Paris, A. Colin-Bourrelier ; Liège, G. Thone, 1982, 5e édition revue et augmentée.

H. BENJAMIN, La pédagogie paléolithique ou préhistoire de la contestation. Préface et adaptation française, Collection « Education 2000 », Paris, F. Nathan ; Bruxelles, Labor, 1970.

Le test de clôture, mesure de la lisibilité et de la compréhension, Collection « Education 2000 », Paris, F. Nathan ; Bruxelles, Labor, 1973.

Recherches sur les handicaps socio-culturels de 0 à 7-8 ans, direction de la rédaction de cet ouvrage collectif, Bruxelles, Ministère de l'éducation nationale, Organisation des études, 1973.

Towards a Science of Teaching (en collaboration avec G. Chanan, G. Nuthall, M. Cameron, E. Wragg et N. Trowbridge), Londres, N.F.E.R., 1973.

Evaluation continue et examens. Précis de docimologie, Paris, F. Nathan ; Bruxelles, Labor, 1980, 5e édition revue et augmentée.

Comment les maîtres enseignent. Analyse des interactions verbales en classe (avec la collaboration de E. Bayer), Bruxelles, Ministère de l'éducation nationale, Organisation des études, 1975, 38 édition.

Research in Education (en collaboration), Itasca, Peacock Publishers, 1974. La formation des enseignants demain (avec la collaboration de F. Hotyat,

S. De Coster, W. De Coster), Paris, Casterman, 1976. Construire des échelles d'évaluation descriptives (en collaboration avec

R. Debal et J. Paquay-Beckers), Bruxelles, Ministère de l'éducation nationale, Organisation des études, 1976.

Vocabulaire de l'évaluation et de la recherche en éducation, Paris, Presses Universitaires de France — Collection « Les grands dictionnaires » — 1979.

Le comportement non verbal des enseignants. Comment les maîtres ensei- gnent I l (en collaboration avec A. Delchambre), Paris, Nathan ; Bruxelles, Labor, 1979.

La recherche expérimentale en éducation. Etat et développement, Genève, Bureau International de l'Education, — UNESCO, 1982.

Traductions du présent ouvrage :

Definire gli obiettivi dell'educazione, Florence, la Nuova Italia, 1977. Objectivos de la educaciôn, Barcelone, Oikos-tau, 1976. Définir os objectivos da educaçâo, Lisbonne, Moraes, 1977, 2e édition. On defining educational objectives, Oxford, Pergamon Press, 1977. Sà definim obiectivele educa(iei, Bucarest, Editura Didacticâ si Pedagogicâ,

1978.

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P É D A G O G I E D ' A U J O U R D ' H U I

COLLECTION DIRIGEE PAR GASTON MIAI ARET

DÉFINIR

LES OBJECTIFS

DE L 'ÉDUCATION

V I V I A N E / 6 E L A N D S H E E R E

Laboratoire de pédagogie expérimentale Université de Liège

G I L B E R T D E L A N D S H E E R E

Professeur émérite de /'Cnllt'flué de 1-ieLe

6e é d i t i o n

PRESSES UNIVERSITAIRES DE F R A N C E

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ISBN 213-042557-7 ISSN 0768-1518

Dépôt légal — 6e édition: 1989, mars

© Presses Universitaires de France,

108, boulevard Saint-Germain, 1 -

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PRÉFACE DE LA 6 ÉDITION

Depuis 1975, les mises à jour successives du présent ouvrage n'en ont pas modifié l 'économie générale. Parmi les clarifications les plus marquantes intervenues depuis la première édition, l 'une est générale et concerne la théorie de la pédagogie par objectifs, tandis que les autres sont de nature plus technique; elles portent sur la définition des domai- nes d'apprentissage à propos desquels les objectifs sont formulés, sur l 'évaluation des besoins et sur la fixation du seuil à partir duquel un objectif peut être considéré comme atteint. Ces progrès techniques sont d 'une telle ampleur qu'il a semblé utile de leur consacrer un second livre qui complète celui-ci:

V. DE LANDSHEERE, Faire réussir — Faire échouer. La compé- tence minimale et son évaluation. (Paris, Presses Universitaires de France, 1988).

La présente préface est exclusivement consacrée à la pédagogie par objectifs.

On le sait, la flambée de l'intérêt porté à la définition des objectifs résulte de la conjugaison de plusieurs causes : désir d 'une gestion plus démocratique et plus rigoureuse du processus éducatif, percée de la psychologie néobehavioriste fondée sur le conditionnement opérant, application de plus en plus large du modèle technologique «objectifs — entrée — traitement — sortie et rétroaction», nécessité de définir exhaustivement les «compor tements» pour programmer un ordina- teur, ... C'est d'ailleurs par le biais de l 'enseignement programmé et, plus particulièrement, par le petit ouvrage de Mager, que les micro- objectifs définis de façon opératoire firent leur entrée fracassante dans le monde de l 'éducation.

Fracassante est bien le mot qui convient, car les dégâts furent con- sidérables, comme c'est, hélas! souvent le cas lorsque, faute d 'une réflexion adéquate, la pédagogie se laisse piéger par des lubies ou des gadgets. On en vint rapidement à discuter, à disserter, à disséquer des objectifs en les isolant de tout contexte éducatif.

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D'aucuns sauteront vite le pas en voyant dans cette analyse le point de départ et d'arrivée d 'une méthodologie rationnelle de l'enseigne- ment : la pédagogie par objectifs, on devrait dire la mauvaise pédago- gie par objectifs dans ce qu'elle a d'artificiel et d ' impraticable, était née. Il ne faudra pas longtemps pour voir publier des listes d'objec- tifs terminaux ou comportementaux couvrant tout un programme d'enseignement. Et on ira jusqu 'à imaginer qu'il suffit de les «ensei- gner» dans l 'ordre du manuel pour être assuré du succès.

On a ainsi vu la vieille pédagogie impositive, fondée sur la structu- ration logique des savoirs achevés et sur le principe du pas à pas mili- tairement ordonné, trouver un souffle nouveau avec en plus l'étiquette de la modernité : ne parle-t-on pas dans ce contexte de design péda- gogique?

D 'où la réaction aussi aveugle que l 'action. La définition des objec- tifs de l 'éducation identifiée à une technicité desséchée fut déclarée

incompatible avec la pédagogie fonctionnelle. Il n 'en est évidemment rien. En réalité, les objectifs diffèrent profondément selon que l 'on veut transmettre un savoir préfabriqué ou susciter la découverte, la construction active des savoirs, des savoir-faire et des savoir-être, et où, à cet effet, l ' apprenant va de problème en problème, où chaque «déséquil ibrat ion» est occasion d 'apprendre , où chaque activité débouche sur une ouverture, une nouvelle recherche à entreprendre. Et, dans une mesure importante mais non exclusive, c'est l'élève qui s 'assignera lui-même les objectifs à atteindre.

Toutefois, comme toujours, on risque d'éviter un piège pour tom- ber dans d 'autres.

On a, par exemple, objecté que fixer les buts d 'une leçon au moment où on la prépare gèlerait en quelque sorte l 'enseignement. Indiscuta- blement, c'est parfois de façon occasionnelle que les objectifs les plus nobles sont le plus efficacement poursuivis. Ainsi, une discussion inat- tendue peut soulever un problème moral important qui aurait paru artificiel s'il avait été posé de manière préconçue. De là à ne plus pré- parer les leçons il n 'y a qu 'un pas.. . à ne pas franchir. Une réflexion préliminaire sur les buts à poursuivre et sur la façon de s'y prendre est bel et bien nécessaire; le tout est de pouvoir faire preuve de flexi- bilité au bon moment, comportement qui caractérise un enseignant de qualité.

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Bref, mûrement réfléchir à ce que l 'on veut faire et évaluer rigou- reusement la progression vers les objectifs ne s 'opposent nullement au principe de la pédagogie fonctionnelle, au contraire. Et si l 'on veut poser un diagnostic fin des difficultés d'apprentissage, le recours à des micro-objectifs prend toute sa valeur en permettant de construire les épreuves nécessaires.

Autre piège: croire que tout l 'enseignement peut se faire en fonc- tion d'objectifs que l'élève s'assigne spontanément.

Assurément, il importe d 'en arriver le plus tôt possible à une négo- ciation explicite des objectifs. N'est-il pas surprenant qu 'au jourd 'hu i encore, des élèves, même adultes, engagent des études sans être expli- citement informés des objectifs qui doivent être poursuivis et donc sans avoir l 'occasion d'établir si l 'enseignement leur apportera effective- ment ce qu'ils sont venus lui demander.

L 'un des apports décisifs de Paulo Freire est d 'avoir insisté sur l ' importance du dialogue entre éduqué et éducateur dans l'identifica- tion et la compréhension des objectifs.

Le dialogue éducatif, tel que le conçoit Freire (1974) est l'expres- sion d 'un rapport égalitaire entre éducateur et éduqué. Dans l 'hypo- thèse où, par exemple, en se référant à une évaluation normative, on constate qu 'un individu ou un groupe accuse un déficit de connais- sances, un besoin éducatif n'en est pas établi pour la cause. Il ne le sera que si, connaissant son déficit, l 'individu « conscientisé » le tient pour indésirable et décide de tenter de le combler. Ce n'est qu 'à par- tir de ce moment qu'il adhère authentiquement à la poursuite des objectifs.

Dans le dialogue éducatif qui amène à cette conclusion éventuelle et débouche sur la suite à lui donner, l 'éducateur informe sur le défi- cit observé, sur les remèdes possibles et leur coût humain (temps à investir, nécessité éventuelle de renoncer à d'autres choses pour accom- plir celle-ci, etc.). L 'éduqué conserve le droit de finalement rejeter la proposition, soit pour des raisons contextuelles (je n 'ai pas besoin de cela pour faire ce que je veux faire dans la situation où je me trouve), soit en raison de ses valeurs et de ses intérêts.

L'important est que l'éduqué prenne vraiment conscience de ce qu'il gagne et de ce qu'il perd (dans l ' immédiat et probablement dans l'ave- nir) en prenant sa décision.

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On sait que Paulo Freire a d ' abord fait ces propositions pour des adultes que l 'éducation doit libérer de l 'oppression. Elles ne sont pas directement applicables dans l 'éducation scolaire dès le plus jeune âge; elles constituent d 'abord une incitation renouvelée au respect de l'élève, des attitudes et des valeurs qu'il apporte à l'école, et à l 'engagement progressif et précoce d 'un «dia logue» qui préserve l 'image positive de soi chez l 'enfant ou l 'adolescent et le rend de la sorte de plus en plus responsable de sa propre éducation.

La compétence à acquérir devient alors fonctionnelle, car elle répond à un besoin d 'une personne présentant des caractéristiques particuliè- res (sexe, âge, groupe ethnique, ...) et se trouvant dans un ensemble particulier de circonstances.

Pareille conception supprime-t-elle de l'école l 'acquisition de ce que Heath (1980) appelle, par opposition, les «compétences minimales rituelles», largement déterminées par la tradition, les conventions ou les normes imposées, par exemple, pour le passage de classe ou l'obten- tion d 'un diplôme?

Heath remarque avec raison que toute société possède ses traditions, ses conventions, ses rites qui assurent sa cohésion et sa continuité. L'apprentissage de ces conventions conditionne l 'acceptation par le groupe social. Dans ce cas, il peut reprendre un caractère fonction- nel. Il en va de même pour les habiletés traditionnellement apprises à l'école — lecture, écriture, arithmétique —; sauf conditions très par- ticulières, elles restent des nécessités dans une société comme la nôtre. La question n'est pas de les maintenir ou de les abandonner, mais bien de les faire acquérir dans des contextes significatifs pour l 'enfant et de leur accorder la place qui leur revient au lieu d 'en faire l 'alpha et l 'oméga des apprentissages scolaires.

L'histoire s'accélère vertigineusement. Lorsqu'en 1975, la première édition de Définir les objectifs de l 'éducation parut, les nouvelles tech- nologies existaient certes déjà, mais celles qui nous interpellent au jourd 'hui le plus directement, — micro-informatique, robotique, biologie génétique, ... — n'étaient guère connues que des spécialistes les plus avancés. Maintenant, elles sont non seulement déjà, dans beau- coup de leurs aspects, des évidences, mais nous comprenons surtout qu'elles révolutionnent notre société.

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Une telle mutat ion appelle un changement profond de l 'éducation. Elle doit maintenant servir des hommes et des femmes qui entrent dans un monde où l'intelligence est la matière première la plus précieuse et où l 'ensemble des connaissances double en moins de dix ans.

Actuellement, tous les pays avancés préparent des curriculums nou- veaux et cherchent à augmenter la productivité de leur système sco- laire, — en commençant par lutter contre la plaie des échecs. L'interrogation sur les fins, les buts et les objectifs de l 'éducation est plus désirable que jamais.

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INTRODUCTION

1. Eduquer implique toujours un objectif

Depuis toujours, les philosophes et les politiques ont assigné des objectifs à l'éducation. Il ne pouvait en être autrement, car, comme le souligne spécialement R. S. Peters e), le concept d'objectif est essentiel à celui d'éducation.

L'étymologie du mot même l'exprime bien : éduquer, c'est con- duire, donc guider vers un but. Conduire et nulle part s'excluent mutuellement. Mais conduire quelque part ne suffit pas ; la destina- tion de l'éducation est par essence positive. On éduque au vrai, au bien, au beau — et non au faux, au mal, au laid. Que ces concepts se définissent par la voie idéaliste ou relativiste importe peu ici. L'important reste que, sans intention positive, sans norme, l'éduca- tion disparaît. Prendre pour règle de refuser toute norme est encore une norme !

Tout ceci se retrouve chez R. Peters sous une autre forme lors- qu'il écrit :

Le terme « éducation » a des implications normatives : il implique que quelque chose qui en vaut la peine est ou a été intentionnellement transmis d'une manière moralement acceptable. Ce serait une contradiction logique de dire qu'un homme a été éduqué, mais qu'il n'a pas changé en mieux, ou qu'en éduquant son fils, un homme n'a rien essayé qui en vaille la peine.

Où l'éducation trouve-t-elle sa finalité ?

Au-delà de toutes les nuances, deux courants de pensée se des- sinent nettement.

Pour les uns, les buts de l'éducation découlent (déductivement) d'une conception arbitraire de l'homme, de ses caractéristiques immuables, de sa « vraie » nature, c'est-à-dire de sa nature essentielle.

Pour les autres, le but de l'éducation est la conquête quotidienne du milieu mis au service de l'individu et de la collectivité. Dans cette

(1) R. S. PETERS, Ethics and Education, Londres, G. Allen, 1966, pp. 25 sq.

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pe r spec t ive , les bu ts ne se déf in issent p a s d é d u c t i v e m e n t à pa r t i r d ' u n p r i nc ipe o u d ' u n e vér i té abs t r a i t e , ma i s na i s sen t des nécessi tés

de l ' ac t ion , de la con t ingence .

C e r t a i n s v o n t m ê m e j u s q u ' à cons idé re r que l ' ident i té ent re les

fins et l ' a c t i on est si é t ro i te q u ' u n e f o r m u l a t i o n explici te des fins

d e v i e n t p r a t i q u e m e n t imposs ib le . P a r exemple , G. G r i e d e r d o u t e de

la va l id i té et de la nécess i té de bu ts p é d a g o g i q u e s définis formel le- m e n t à l ' avance :

Les buts d'une société ne sont-ils pas, dans une large mesure, non for- mulés, comme la constitution britannique non écrite ? Ils se développent lentement, lors d'un processus d'interaction entre différentes parties et diffé- r e n t s n i v e a u x d ' u n e s o c i é t é e t e n t r e d e s s o c i é t é s d i f f é r e n t e s (2) .

Que les buts soient dans une large mesure implicites, qu'il existe un « curriculum latent », on le sait. Il n'en reste pas moins que ceux qui créent des institutions éducatives et leur donnent des programmes poursuivent des buts qu'il importe d'étudier.

2. Du sommet à la base d'une hiérarchie pédagogique, les objectifs tendent à se diversifier

Au fil du temps, des penseurs ont tenté d'assigner à l'éducation un but unique ou suprême qui reflète directement l'idéologie domi- nante : préparer l'entrée dans la cité de Dieu, faire un citoyen res- pectueux de la démocratie capitaliste ou un travailleur fidèle à la pensée de Mao...

L'option socio-politique ne s'exprime pas toujours directement. P. Bourdieu et J. C. Passeron ont admirablement montré que la fonction de reproduction est d'autant plus efficace qu'elle est ina- p e r ç u e , i n t é r i o r i s é e p a r l e s y s t è m e d ' é d u c a t i o n ( 3 ) . E l l e s ' a b r i t e , p a r

e x e m p l e , d e r r i è r e d e s c o n s t r u c t i o n s p s y c h o l o g i q u e s o u p é d a g o g i q u e s

f a u s s e m e n t a f f u b l é e s d e l ' o b j e c t i v i t é s c i e n t i f i q u e o u d u s o u c i h u m a n i -

t a i r e : c u l t i v e r l e s f a c u l t é s , f o r m e r l e c a r a c t è r e ( S p e n c e r ) , a c q u é r i r

l e s c o n n a i s s a n c e s n é c e s s a i r e s à s o n é t a t ( H e r b a r t ) , e t c .

M a i s s i l e s c h o i x c r u c i a u x c o m m a n d e n t l ' a c t i o n é d u c a t i v e g é n é -

r a l e , i l s n e s e c o l o r e n t p a s m o i n s d e s o p t i o n s p r o p r e s a u x s o u s - g r o u p e s

(2) G. GRIEDER, IS it possible to word educational goals ?, in Nation s Schools, octobre 1961.

(3) P. BOURDIEU et J. C. PASSERON, La reproduction, Paris, Editions de Minuit, 1970.

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sociaux, aux sous-cultures, et sont aussi réinterprétés, voire rejetés au niveau des éducateurs individuels. Ceux-ci doivent, en outre, tenir

compte des situations particulières dans lesquelles ils travaillent.

V. Isambert-Jamati écrit :

L'enseignement secondaire est multiple à l'intérieur d'un seul segment par le sens que donnent les enseignants à leur action. La socialisation est réalisée dans un lycée par une action constante et très différenciée. A cette marge correspondent donc des choix à faire pour ceux qui font fonctionner l'institution, choix d'actes éducatifs, et comme tels orientés vers des fins. Aussi, poursuivent-ils dans leur action, non seulement des fins communes définies de façon générale dans les textes constitutifs des lycées, mais des fins plus particulières. Ils agissent alors comme groupement dans l'institution et peuvent être tantôt en coïncidence avec elle, mais amenés seulement à spé- cifier l'action prévue, tantôt partiellement en tension et poursuivant donc des fins autonomes (4).

Pareille remarque s'applique évidemment à tous les niveaux d'enseignement.

Ainsi, même dans un contexte autoritaire, où des fins précises sont imposées par le pouvoir, des réinterprétations, voire des rejets sont susceptibles de provoquer des déviations et des « hérésies D. A fortiori, la liaison objectif-action éducative peut-elle devenir multi- forme et parfois même inconsistante dans un régime de liberté.

Enfin, si regrettable cela puisse-t-il paraître, un nombre non négli- geable d'éducateurs enseignent sans se soucier réellement des fins poursuivies. Leur objectif le plus tangible devient d'occuper les élèves pendant le temps prévu à la grille horaire, afin de « mériter » un traitement mensuel. Car, comme l'art, la pédagogie peut aussi être alimentaire. En pareil cas, les manuels sont servilement suivis et les occasions d'échapper aux obligations professionnelles, avidement saisies.

Bref, même en présence d'une idéologie unique, clairement définie au départ, les objectifs tendent à se différencier de l'option initiale, à mesure que l'on descend vers la pratique éducative quotidienne.

L'incidence des valeurs, des attitudes des maîtres ou de groupes particuliers sur le sort réservé aux objectifs est donc considérable. Elle est pourtant mal étudiée.

(4) V. ISAMBERT-JAMATI, Crises de la société. Crises de l'enseignement, Paris, P.U.F., 1970, p. 9.

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T r o p s o u v e n t , o n se laisse l eu r r e r p a r les m o y e n s mis en œuvre ,

p a r les r é f o r m e s ins t i tu t ionne l l e s o u m é t h o d o l o g i q u e s , a lors que ce

son t , d ' u n e pa r t , la s t ruc tu re des r a p p o r t s de classes sociales et,

d ' a u t r e pa r t , les object i fs r é e l l e m e n t pou r su iv i s p a r les ma î t r e s d a n s

le q u o t i d i e n , qu i f e r o n t la déc is ion .

U n bel e x e m p l e est f o u r n i p a r les c lasses r igides h o m o g è n e s

( s t r e aming ) et les c lasses hé t é rogènes . D a n s l ' annexe qu 'e l l e écr i t

p o u r le P l o w d e n R e p o r t , J o a n B a r k e r - L u n n (5) m o n t r e q u e ce n ' e s t

p a s t e l l emen t le s t r e a m i n g o u le n o n - s t r e a m i n g , c ' e s t -à -d i re le m o y e n

p é d a g o g i q u e , qu i i m p o r t e . D a n s des écoles à classes hé té rogènes , les

m a î t r e s qu i c ro ien t a u x ve r tus d e l ' h o m o g é n é i t é o b t i e n n e n t de meil-

leurs r é su l t a t s en a r i t h m é t i q u e q u e les au t res . P a r con t re , les ma î t r e s

c o n v a i n c u s des a v a n t a g e s de l ' hé t é rogéné i t é n ' o b t i e n n e n t p a s d ' au s s i

b o n s résu l t a t s en a r i t h m é t i q u e , m a i s leurs classes c o m p t e n t m o i n s

d e re je tés ; leurs é lèves o n t m o i n s p e u r des e x a m e n s et v i ennen t à

l ' école avec p lus de p la i s i r q u e les aut res .

P lus les objec t i f s s e r o n t f o rmu lé s de façon vague , au d é p a r t , p lus

l ' a c t i o n d e l 'école r i s q u e é v i d e m m e n t d e s ' é lo igner des in ten t ions de

ses o r g a n i s a t e u r s ; à m o i n s q u e l ' impréc i s i on de la f o r m u l a t i o n ne

so i t un art if ice p e r m e t t a n t de fa i re pa s se r p o u r nob le et h u m a n i t a i r e

u n e po l i t i que sco la i re au to r i t a i r e , s e r v a n t les in térê ts d ' u n e minor i t é ,

et r éa l i sée s y s t é m a t i q u e m e n t g râce à des cad re s p é d a g o g i q u e s seuls

cha rgés de déf inir les m o d a l i t é s éduca t ives , de les i m p o s e r et de les

faire r e spec te r (6).

3. L a r é a c t i o n c o n t e m p o r a i n e c o n t r e l ' impréc i s ion des object i fs

L a p l u p a r t des sciences p a s s e n t p a r q u a t r e s tades : la magie ,

l ' e m p i r i s m e a r t i s a n a l , l e p o s i t i v i s m e e t , e n f i n , l e r e l a t i v i s m e C ) . L e s

m o y e n s m i s e n œ u v r e p o u r p o u r s u i v r e u n o b j e c t i f d i f f è r e n t s e l o n

l e d e g r é d ' é v o l u t i o n .

(5) J. BAKER-LUNN, Appendix to the Plowden Report, Londres, 1966.

(6) Nous rejoignons ainsi la fonction idéologique de la dissimulation de la relation entre la fonction propre et les fonctions externes de la fonction propre, que l'on trouve au centre de la théorie de Bourdieu et Passeron.

(7) Voir à ce propos : D. DELIÈGE, La société postindustrielle frappe à nos portes et la médecine où va-t-el!e ? in Toison d'or, 16-17, 1973, pp. 30-32.

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Actue l l emen t , le re la t iv i sme p é d a g o g i q u e est a t t e in t su r le p l a n

p h i l o s o p h i q u e , t héo r ique , mais la p r a t i q u e entre encore a v e c pe ine

d a n s la f o r m e posi t ivis te .

Il est ca rac té r i s t ique de n o t e r q u ' e n 1969, M. A m m o n s regre t te

« q u ' e n m a j e u r e par t ie , les p ropos i t i ons d 'ob jec t i f s son t l ' exp re s s ion

d ' o p i n i o n s ind iv idue l les ou col lect ives , et n o n le r é su l t a t d ' é t u d e s

e m p i r i q u e s (8) » et que J. P iaget p r o p o s e q u e le cho ix des object i fs

de l ' éduca t ion fasse l ' ob je t d ' é t udes s y s t é m a t i q u e s p a r des sciences

c o m m e la sociologie et l ' é c o n o m i e de l ' éduca t ion , a idées des résu l ta t s

de l ' éduca t i on c o m p a r é e (9).

Parei l l angage est neuf . C a r m ê m e si l ' impréc i s ion des object i fs

est dép lo rée d e p u i s l o n g t e m p s dé j à (10), il f au t a t t e n d r e le d é b u t d u

xxe siècle p o u r r encon t r e r les p r e m i è r e s p ropos i t i ons de d é m a r c h e s

objec t ives suscept ib les de r e m é d i e r à cet é ta t de choses.

Il s emble que F. Bobbi t t (11) fut le p r e m i e r à p r o p o s e r une

m é t h o d e fo rmal i sée p o u r f o r m u l e r les objectifs . Il pose d ' a b o r d

c o m m e b u t généra l de l ' éduca t ion la p r é p a r a t i o n à la vie adul te . Il

p r o p o s e a lors que soient ana lysées les di f férentes act ivi tés sociales,

c iviques, rel igieuses, sani ta i res , etc. La p r o d u c t i o n des é tud ian t s ,

en par t i cu l ie r les e r reu r s qu ' i l s c o m m e t t e n t , s e ra ien t aussi à ana ly se r

afin de savoi r sur quels po in t s l ' e n s e i g n e m e n t do i t insister.

M a i s de telles p ropos i t i ons n ' a u r o n t guère de succès. E n 1964,

A m m o n s (11) m è n e une enquê te sur trois cents sys tèmes scola i res

amér i ca in s et cons ta t e que . d a n s aucun , l ' e n s e i g n e m e n t n 'es t axé su r

des object i fs définis en t e rmes de c o m p o r t e m e n t s d 'é lèves . L à où

des object i fs é ta ien t définis, ils cons is ta ien t en desc r ip t i ons de c o m -

p o r t e m e n t s des maî t res .

(8) M. AMMONS. Object ives and ou t comes , in Encyc lopéd i e of Fducc . t ional R e s t a r c h . N e w York , M c M i l l a n . 1969, p. 908.

f9) J. PIAGET, Psycho log ie et pédagogie , Par is , D e n o c ' . 1%9. p. 32. f10) En 1889, le c h a n o i n e F é r o n regre t te jLJe le bu t des H u m a n i t é s soit

mal défini et, en 1896, le père Veres t su renché r i t : « C o m m e l'a dit for t juste- m e n t M. le c h a n o i n e F é r o n , le bu t ass igné aux H u m a n i t é s est ma l défini en Belg ique ; je dirai d a v a n t a g e : il ne l'est pas du tout. » Ci' ' ; pa r G. PLANTE, Les object i fs de l ' en se ignemen t s econda i r e d a n s le mil ieu cu l tu re l f r a n ç a i s de Belgique, M o n t r é a l , C e n t r e de psycholog ie et de pédagogie , 1954, p. 3.

(11) F. BOBBTTT, The C u r r i c u l u m . N e w York . H o u g h t o n . 1918. Sur l 'his- toire de la déf ini t ion des object i fs en éduca t ion , on consu l t e r a I. K. DAVIES. Object ives il! C u r r i c u l u m Design. Londres . M c G r a w - H i l l , 1976. Davies p a r t de H. Spencer , puis dégage success ivement le rôle de F. Bobbi t t . W. S. Gui le r , W. Char te r s . R. Tyler , B. Bloom. H. T a b a . et R. Mage r ,

(12) M. AMMÓNS, A n empi r i ca l s t udy of process and p r o d u c t in c u r r i c u l u m dève lopment , in J o u r n a l of E d u c a t i o n a l Resea rch , 57, 1964, pp. 451-457.

Page 17: Définir les objectifs de l'éducation

M . R e u c h l i n écri t e n c o r e en 1970 (13) :

Les écrits traitant des objectifs de l'éducation se caractérisent en général par la générosité de l'inspiration, par l'élévation de la pensée et la noblesse de la forme. Ils constituent de ce fait un genre spécifique, portant en lui-même sa propre justification. Les rapports pouvant exister entre ces écrits et d'éven- tuelles modifications dans la pratique éducative ou la structure de l'appareil scolaire sont plus difficiles à préciser.

E t , avec sa luc id i té hab i tue l l e , R e u c h l i n p o u r s u i t :

On peut penser qu'ils (les objectifs) constituent une sorte de commentaire lyrique à des réformes qui s'effectuent sous l'effet d'autres facteurs (14).

A c t u e l l e m e n t , on ass is te p o u r t a n t à une e x t r a o r d i n a i r e prise de

consc i ence d e la nécess i té de clarif ier la s i tua t ion . L ' exp l i ca t i on de

ce m o u v e m e n t , d ' u n e i m p o r t a n c e ex t r ême , est triple.

1° L a d é m o c r a t i e p rogres se et à la r e m i s e en cause de la s t ruc tu re

d e s r a p p o r t s de classes sociales c o r r e s p o n d une r emise en cause

de t o u t le sy s t ème d ' é d u c a t i o n . L e c o l l o q u e d ' A m i e n s conf i rmera ,

p a r e x e m p l e , la nécess i té d ' u n e « rev is ion d é c h i r a n t e des finalités

d e l ' e n s e i g n e m e n t ».

2° O r le re je t des m a n i p u l a t i o n s et la p a r t i c i p a t i o n effective au choix

d e s objec t i f s d e l ' é d u c a t i o n exige la levée des o m b r e s et des a m b i -

gu ï t é s : « T a n t q u e l ' e n s e i g n e m e n t n ' a u r a pas r e t rouvé des fina-

lités c la i res ( . . . ) , t o u t e s les dév i a t i ons se ron t poss ib les ( " . ) e S ) . »

Or , c o m m e le sou l igne E. D e Cor t e , « ce t te exp l ic i t a t ion est

d ' a u t a n t p lu s i n d i s p e n s a b l e q u e , d a n s une coex i s tence p lura l i s te ,

l ' u n a n i m i t é s p o n t a n é e à p r o p o s des bu t s p lus ou mo ins implic i tes

d i s p a r a î t » (16).

3° C o n n a i s s a n t u n e s so r pa ra l l è l e à celui de la d é m o c r a t i e et de

l ' exp los ion sc ient i f ique, la r e c h e r c h e en é d u c a t i o n p r é p a r e le diffi-

cile p a s s a g e d e l ' a r t i s a n a t é c l a t é a u re la t iv i sme pédagog ique . R e v ê t a n t a c t u e l l e m e n t u n c a r a c t è r e s u r t o u t scient is te , ins i s tan t

su r la c l a r t é des c o n c e p t s et l a nécess i té d e la mesure , elle a p p o r t e

à l ' éduca t i on une m é t h o d e p o u r f o r m u l e r ses objectifs . P lus

spéc i a l emen t , l ' en t r ée de l ' o r d i n a t e u r d a n s la vie quo t id i enne ,

(13) M. REUCHLIN, L'orientation scolaire, Plan Europe 2000, 1970, p. 6. (14) Ibid., p. 62. (15) Rapport de ia Commission d'études sur la fonction enseignante dans

le second degré, Paris, La documentation française, 1972, pp. 30-31. (16) E. DE CORTE, Onderwijsdoelstellingen, Louvain, Universitaire Pers,

1973, p. 11.

Page 18: Définir les objectifs de l'éducation

fait de l ' o p é r a t i o n a l i s a t i o n une nécess i té fonc t ionne l l e et s o u m e t

de larges secteurs de la vie in te l lec tuel le à un con t rô le imp lacab le .

D a n s ce contex te , la théor ie m o d e r n e de la cons t ruc t i on des pro-

g r a m m e s scolaires, l ' en se ignemen t p r o g r a m m é , la théor ie de l ' éva lua -

t ion fo rmat ive et s o m m a t i v e , la p lan i f ica t ion de l ' éduca t ion , insis tent

tous sur l ' i nd i spensab le p réc i s ion des object i fs à pou r su iv r e , fau te

de quo i tou tes ces en t repr i ses son t i n é l u c t a b l e m e n t vouées à l 'échec.

Le pas sage à une c o n c e p t i o n posi t iv is te de l ' é d u c a t i o n semble

bien m a r q u é p a r la nouve l le défini t ion que M. Lava l l ée p r o p o s e p o u r

la d i d a c t i q u e :

La didactique est l'étude scientifique de l'organisation des situations d'apprentissage que vit un « s'éduquant D (mot que Lavallée préfère à élève) pour atteindre un objectif cognitif, affectif ou moteur. Par étude scientifique, nous entendons que le processus est organisé de telle façon qu'il peut être soumis à l'expérimentation et vérifié par des méthodes objectives. Organiser n'a pas le sens restreint que l'on rencontre dans l'administration. Il signifie que le maître est responsable de la planification, de l'innovation et de la création de situations d'apprentissage utiles et nécessaires pour atteindre les objectifs désirés. Ces objectifs sont ceux que le maître a traduits en objectifs spécifiques pour les adapter à ses élèves et ils comprennent ceux que les élèves, parvenus à un niveau d'autonomie fonctionnelle pour leur âge et leurs conditions, se sont eux-mêmes fixés avec ou sans l'intervention du maître (17).

Il serai t c e p e n d a n t e r roné de croi re que l ' en se ignemen t doi t

deven i r une d é m a r c h e en q u e l q u e sorte mécanisée . Sous p ré tex te

de r igueur d a n s la p rogres s ion et d 'ob jec t iv i t é d a n s l ' ac t ion , une

leçon sa t i s fa isante cons i s te ra i t en une p o u r s u i t e d 'ob jec t i f s point i l - l istes à a t t e ind re p a r une ma jo r i t é d é t e r m i n é e d 'é lèves. N ' e n es t -on

pas ar r ivé à s ' i n t e r roge r d a n s le cho ix à faire en t re pédagog ie

fonc t ionne l l e et pédagog ie p a r object i fs !

Seul est v r a i m e n t f écond u n app ren t i s s age fonc t ionne l , p a r t a n t

de p r o b l è m e s significatifs p o u r l 'élève. Il f au t c o n d a m n e r sans appe l

une fo rme d ' i n s t ruc t i on où , de f açon au to r i t a i r e , on t en te ra i t (d 'ai l -

leurs v a i n e m e n t ) d ' a t t e ind re u n à u n des object i fs a r t i f ic ie l lement

isolés des contex tes p sycho log iques qui leur d o n n e n t un sens.

E n out re , et c o m m e le di t e x c e l l e m m e n t H a m e l i n e (l7a), « l ' en t rée

p a r les object i fs repose souven t sur une c o n c e p t i o n naïve de la

t r a n s p a r e n c e d a n s les r a p p o r t s h u m a i n s ».

(17) M. LAVALLÉE, P a r a d i g m e s de l ' éduca t ion et de l ' ense ignement , Mont - réal. G .R .E .C . , 1973.

(17,) HAMELINE. op. cit., p. 182.

Page 19: Définir les objectifs de l'éducation

Car, même si partir d'objectifs explicites permet de lever un certain nombre d'ambiguïtés, le « malentendu fondamental de l'inten- tion d'instruire et du désir d'apprendre » subsiste.

En effet, la personnalité profonde joue un rôle crucial dans l'apprentissage, et, depuis Freud surtout, on sait la complexité des déterminants de nos conduites. Dans les apprentissages scolaires comme ailleurs, les pulsions, la recherche du plaisir, les défenses et les censures, bref l'inconscient, jouent un rôle.

Par ailleurs, des objectifs clairs, définis rationnellement, correspon- dent rarement à l'ambiguïté des rapports sociaux. « D'une part, c'est souvent après coup que l'on apprend ce que l'on était en train de fabriquer. D'autre part, la poursuite d'un objectif peut parfois s'articuler avec d'autres, d'une manière qui défie la rationalité « pré- visionnelle », mais ne manque pas de rejoindre, par des voies diverses, l e s f i n a l i t é s s o c i a l e s e t l e u r s p r o p r e s c o n t r a d i c t i o n s ( 1 7 b ) .

On touche ici au fond de la dynamique de l'apprentissage et bien naïf est l'éducateur qui n'en est pas conscient. Son lot est hélas de travailler, presque toujours, Cil surface. Il ne lui est pas souvent donné de savoir « en profondeur » pourquoi tel élève éprouve une grande soif de connaissances, alors que tel autre n'a guère d'appétit intellectuel. Il le constate et s'efforce d'aider un peu à l'aveugle, — pourquoi ne pas le reconnaître. N'est-il cependant pas préférable qu'à certains égards au moins, il sache clairement où il s'efforce d'aller avec son élève. Mais, il serait donc bien naïf de croire que tout est ainsi résolu...

4. De l'urgence d'une action en profondeur

Une action profonde, en matière de définition d'objectifs, est nécessaire dans deux sens : préciser les objectifs et repenser les prio- rités. Cela étant acquis, il restera encore à atteindre des consensus suffisants sur les priorités à accorder, les accords devant être recher- chés non seulement entre les éducateurs, mais aussi entre éducateurs

et éduqués.

a) Préciser les objectifs. — Le manque de définition des objectifs dans une des plus grandes entreprises de construction du curriculum qui ait jamais existé offre un exemple frappant du chemin qui reste

(17H) HAMELINH, Op. c i t . , p . 183.

Page 20: Définir les objectifs de l'éducation

l e p l u s s o u v e n t à p a r c o u r i r . L e S c h o o l M a t h e m a t i c s S t u d y G r o u p d e

l ' U n i v e r s i t é d e S t a n f o r d , f o n d é e n 1 9 5 8 , a u p l u s f o r t d u m o u v e m e n t

d ' o p i n i o n r é c l a m a n t u n e m e i l l e u r e é d u c a t i o n s c i e n t i f i q u e a u x E t a t s -

U n i s , a d i s p o s é d e r e s s o u r c e s i n t e l l e c t u e l l e s e t m a t é r i e l l e s c o n s i d é -

r a b l e s e t a , e n q u i n z e a n s , p r o d u i t l a p l u s r i c h e g a m m e d e c o u r s d e

m a t h é m a t i q u e r é n o v é e q u i e x i s t e . L ' e f f o r t p o r t e s u r t o u t e l a s c o l a r i t é ,

d u j a r d i n d ' e n f a n t s à l a f i n d e l ' u n i v e r s i t é .

O r , e n a o û t 1 9 7 2 , o n l i t d a n s l ' o r g a n e o f f i c i e l d u S . M . S . G . ( 1 8 ) :

O n d o i t r e c o n n a î t r e q u e l e S . M . S . G . n e s ' e s t g u è r e p r é o c c u p é d e l a

d é f i n i t i o n d e s o b j e c t i f s p é d a g o g i q u e s , s p é c i a l e m e n t p o u r s o n a c t i v i t é d e c o n s -

t r u c t i o n d e p r o g r a m m e s s c o l a i r e s . Q u a n d l e S . M . S . G . c o m m e n ç a s o n t r a v a i l ,

e n 1 9 5 8 , o n d é c i d a d é l i b é r é m e n t d e n e p a s t r a c e r d e p l a n s d é t a i l l é s e t d e

n e p a s f o r m u l e r d ' o b j e c t i f s t r è s p r é c i s p o u r l e s c o u r s . L e s p l a n s a s s e z

g é n é r a u x , é l a b o r é s p a r l a C o m m i s s i o n d e s m a t h é m a t i q u e s d e l a C . E . E . B . , e t

l a c r o y a n c e q u e l a c o m p r é h e n s i o n d e s m a t h é m a t i q u e s é t a i t t o u t a u s s i i m p o r -

t a n t e q u e l a c a p a c i t é d e c a l c u l e r , f u r e n t e s t i m é s s u f f i s a n t s p o u r m o n t r e r la v o i e ( . . . ) •

M a i s q u a n d , a p r è s 1 9 6 0 , l e b e s o i n d ' é v a l u e r l e s d i f f é r e n t s p r o g r a m m e s

c o n s t r u i t s a p p a r u t , l a n é c e s s i t é d e d é f i n i r l es o b j e c t i f s d e c h a q u e c o u r s p a s s a a u p r e m i e r p l a n .

I l e s t p o u r l e m o i n s é t o n n a n t d e c o n s t r u i r e u n c o u r s , d e l ' e x p é -

r i m e n t e r ( d a n s l a m e i l l e u r e d e s h y p o t h è s e s ) o u d e l e f a i r e a d o p t e r

i m m é d i a t e m e n t p a r l e s é c o l e s ( c e q u i s ' e s t f a i t a s s e z s o u v e n t , n o t a m -

m e n t l o r s d e l ' i n t r o d u c t i o n d e l a m a t h é m a t i q u e n o u v e l l e ) , p u i s

s e u l e m e n t a p r è s d e s ' i n t e r r o g e r s u r l e s o b j e c t i f s p o u r s u i v i s . . .

C e r t e s , l e s c o n s t r u c t e u r s d e p r o g r a m m e s f o r m u l e n t d e s o b j e c t i f s ,

m a i s i l s s e c a n t o n n e n t g é n é r a l e m e n t a u x d é c l a r a t i o n s g é n é r a l e s .

C e t t e f a ç o n d e p r o c é d e r e n t r a î n e d e u x c o n s é q u e n c e s : l e m a n q u e

d e c l a r t é s u r l e d e v e n i r s o u h a i t é p o u r l e s é l è v e s e t l ' i m m e n s e d i f f i -

c u l t é d ' é v a l u e r l e r é s u l t a t d e l ' a c t i o n é d u c a t i v e .

D a n s l e s p r o g r a m m e s s c o l a i r e s p u b l i e s j u s q u ' à c e s d e r n i e r s t e m p s ,

o n o b s e r v e q u ' à l a f o r m u l a t i o n d e s o b j e c t i f s g é n é r a u x s u c c è d e n t

i m m é d i a t e m e n t d e s l i s t e s d e m a t i è r e s e t d e s t h è m e s d ' a c t i v i t é s .

P a r f o i s , o n t r o u v e e n c o r e q u e l q u e s i n d i c a t i o n s s u r c e q u e l e s m a î t r e s

d o i v e n t f a i r e . M a i s d e u x é l é m e n t s c a p i t a u x m a n q u e n t p r e s q u e t o u -

j o u r s : l a d é m o n s t r a t i o n d e l a l i a i s o n e n t r e l e s b u t s a s s i g n é s e t l e s

m a t i è r e s c h o i s i e s , e t l e g e n r e d e c o m p o r t e m e n t s à f a i r e a c q u é r i r p a r l e s é l è v e s .

(18) S.M.S.G., Newsletter, No. 38, août 1972.

Page 21: Définir les objectifs de l'éducation

La formulation très générale des objectifs rend presque impos- sible une évaluation des résultats acquis, du moins si l'on entend les mettre en relation avec les intentions initiales.

B. S. Bloom cite comme exemple un des documents les plus importants de l'après-guerre, aux Etats-Unis (19) :

Comprendre les idées des autres et exprimer les siennes de façon perti- nente et claire.

Des formulations fort proches se trouvent dans les plans d'études belges :

Faire de la langue un instrument qui permette à tous de se faire com- p r e n d r e e t d e c o m p r e n d r e a u t r u i , d ' é m e t t r e e t d e r e c e v o i r , t e l e s t l e b u t ( 2 0 ) .

Bloom écrit :

Les résultats que se propose cet objectif (...) sont d'une telle envergure que les méthodes pédagogiques destinées à les atteindre n'apparaissent pas clairement. En outre, le choix des instruments de mesure devant déterminer l e s h a b i l e t é s a c q u i s e s p a r l e s é l è v e s s ' a v è r e t r è s d i f f i c i l e ( 2 1 ) .

Que l'on commence par de semblables généralités semble à la fois inévitable et souhaitable. Mais il importe de préciser ensuite les types de comportements à apprendre. C'est dans cette direction que l'on s'oriente maintenant :

A la fin du premier cycle, l'élève devrait pouvoir présenter une série de diapositives en s'en tenant aux faits (22).

Le progrès est considérable. Il reste cependant à passer à une définition opérationnelle qui, elle, précisera les critères permettant de savoir si le comportement est réellement appris ou non. Et il serait vain de tenter de dissimuler la difficulté qui reste à surmonter. Mais l'effort en vaut la peine.

Plus de vingt années de recherches sur les objectifs cognitifs ont abouti à des résultats spécifiques et éloquents. Peu de chercheurs sérieux utilisent

(19) Higher Education for American Democracy, Washington, U.S.O.E., 1947.

(20) Plan d'études pour les écoles primaires, Bruxelles, 1936, p. 33, et Plan d'études pour les écoles primaires, Bruxelles, 1958, p. 33.

(21) B. S. BLOOM et collaborateurs, Taxonomie des objectifs pédagogiques, I. Domaine cognitif. Trad. Lavallée, Montréal, Educ. Nouvelle, 1968, p. 49.

(22) Document de travail préparatoire à la réforme de l'enseignement primaire belge.

Page 22: Définir les objectifs de l'éducation

maintenant des termes tels que « pensée critique », « résolution de problèmes », ou « processus mentaux supérieurs » pour énoncer des objectifs. On peut utiliser ces termes pour décrire des buts très généraux, mais pour décrire des objectifs d'un cours, en mentionnant d'une façon très spécifique des étapes d'apprentissage, les responsables des programmes emploient de plus en plus des termes tels que « application de principes », « interprétation des données », « capacité de reconnaître des hypothèses », etc. Ces expressions sont ensuite définies en termes de comportements... (23).

b) Ind iv idua l i se r , m ê m e au n i v e a u des g r a n d e s op t ions . — L ' e x p l o -

sion d u savoir , l ' e n r i c h i s s e m e n t d e la vie affect ive o n t r e n d u l ' ency-

c l opéd i sme imposs ib le . E n s e i g n e r u n p e u de t o u t à tou t le m o n d e

pe rd de p lus en p lus son sens. A l o r s que l ' éco le d u passé a vou lu

f a ç o n n e r ses élèves d a n s des m o u l e s universe ls , elle do i t a u j o u r d ' h u i

n o n s eu l emen t r econna î t r e le d ro i t à la d ivers i té , m a i s é d u q u e r en

conséquence .

D a n s no t r e m o n d e si r iche , J. R a v e n s e m b l e p r o p o s e r la seule

so lu t ion poss ib le :

... produire des individus possédant des configurations très différentes de connaissances, de techniques et d'attitudes, et capables de changer rapidement cette configuration, si nécessaire (24).

Il n e p e u t n a t u r e l l e m e n t pas être q u e s t i o n d ' a g i r n ' i m p o r t e c o m m e n t :

Un bagage d'informations surtout académiques, un ensemble d'attitudes sociales réunies au hasard, des goûts et des intérêts formés à l'aveuglette ne fournissent une base stable ni pour le bien-être des individus, ni pour celui de la nation (25).

Il ne suffit d o n c p a s d ' a p p r e n d r e à m i e u x déf inir les object i fs ;

il res te à opé re r les cho ix a p p r o p r i é s et à é v a l u e r r é e l l e m e n t les effets de l ' éducat ion .

O n do i t à J. R a v e n une é tude r e m a r q u a b l e su r les p a u v r e s résul-

ta ts de l ' é d u c a t i o n scola i re d a n s le d o m a i n e des objec t i f s n o n aca-

(23) D. KRATHWOHL, B. S. BLOOM, B. MASIA, Taxonomie des objectifs pédagogiques, il. Domaine affectif. Trad. Lavallée, Montréal, Educ. Nouvelle, 1970, p. 24.

(24) J. RAVEN et R. HANDY, Education in the last quarter of the 20ili cen- tury, Budapest, Colloque de l'I.E.A., 1971.

(25) F. T. SPAULDING, High School and Life, New York, McGraw-Hill, 1939, p. 120, cité par FRENCH et al., Behavioral Goals of General Education in High School, New York, Russell Sage Foundation, 1957.

Page 23: Définir les objectifs de l'éducation

d é m i q u e s , c eux qu i c o n c e r n e n t sans d o u t e le p lus l ' h o m m e d a n s sa

v i e q u o t i d i e n n e ( 2 6 ) .

Plusieurs aspects méritent spécialement l'attention :

1° Les objectifs considérés comme les plus importants par les pro- fesseurs ne semblent pas atteints lorsqu'on opère une mesure indépendante.

2° Elèves et professeurs ont des priorités différentes en matière d'objectifs.

3° Enfin, l'éducation peut, en quelque sorte, poursuivre des objectifs négatifs ou, en tout cas, avoir des effets tels.

5. Rendre l'action éducative plus efficace

a) Entraîner les maîtres à définir leurs objectifs. — Quand on demande à des enseignants d'indiquer les objectifs qu'ils poursuivent, la conversation tourne rapidement court. Les réponses formulées sont presque toujours très générales (développer l'esprit critique...) et non spécifiques à l'activité particulière de l'enseignant.

Il est certes normal que les buts les plus généraux se retrouvent chez tous. Car, à l'origine, les fins sont peu nombreuses et tous les efforts éducatifs doivent se conjuguer pour les atteindre.

L'embarras des enseignants interrogés témoigne, néanmoins, de leur manque d'habitude d'expliciter les objectifs poursuivis en termes d'apprentissages comportementaux et non en termes de contenus.

Or, plus on possède une conscience claire d'un objectif à atteindre, plus on est sensible aux éléments d'une situation susceptible d'aider à s'en rapprocher.

En raison même de la difficulté de l'analyse comportementale, les maîtres devraient être systématiquement entraînés, dès leur for- mation initiale, à la définition des objectifs.

On pourrait objecter que bien des enseignants sentent intuitive- ment ce qui compte pour leurs élèves. En pédagogie comme dans tous les autres domaines, une minorité d'hommes exceptionnellement doués ont toujours su compenser l'absence de théories et d'explica- tions par une sorte de compréhension immédiate. Mais, à côté de

(26) J. RAVF.N, The attainment of non-academic objectives, in International Revicw of Education, 19, 1973, pp. 305-344.

Page 24: Définir les objectifs de l'éducation

ces ma î t r e s excep t ionne l s , c o m b i e n d ' a u t r e s ne se c a n t o n n e n t - i l s pas

à la cons t ruc t i on d ' u n cours à p a r t i r d ' u n e d o c u m e n t a t i o n p lus ou mo ins riche. D e s m a t i è r e s son t sé lec t ionnées en fonc t i on de leur

e n c h a î n e m e n t , de leur c o m p l é m e n t a r i t é , d e leur log ique in te rne , et

n o n p o u r le rô le fonc t ionne l qu 'e l l es son t a p p e l é e s à j o u e r d a n s

la c o n q u ê t e d u mi l ieu , d a n s l ' i n t égra t ion sociale. U n e fois l 'édifice

ainsi élevé, le faire a s s imi l e r p a r les élèves ( p a r une m é t h o d e

« act ive » ou non) d e v i e n t / 'object if .

C ' e s t é v i d e m m e n t con t re cela qu ' i l i m p o r t e de réagir . Sans

oub l i e r q u e b i en des ense ignan t s e n f e r m é s d a n s leur ma t i è r e res tent

conva incus qu ' i l s p o u r s u i v e n t de nob les object i fs .

b) R é n o v e r la m é t h o d e de cons t ruc t i on des p r o g r a m m e s sco-

laires. — J u s q u ' à ces de rn iè res années , la m é t h o d e d ' é l a b o r a t i o n des

p r o g r a m m e s scolai res a m a n q u é de r igueur .

Les op t ions les p lus f o n d a m e n t a l e s é tan t pr ises p a r les dé ten-

teurs du pouvo i r , il res ta i t à des g r o u p e s de « spécia l is tes » — tenus

au respect de ces o p t i o n s et les ayan t souven t in tér ior isées au po in t de

n ' en être p lus consc ien ts — à les hab i l l e r o u à o r g a n i s e r un enseigne-

m e n t qu i ne les me t t en t p a s en ques t ion .

O n a t r a d i t i o n n e l l e m e n t cons idé ré c o m m e spécia l is tes soit des

érudi ts , soit des ma î t r e s a y a n t acqu is une longue expé r i ence de

l ' ense ignement . Ils mér i t a i en t , certes, le titre de spécia l is tes d a n s leur

d o m a i n e , mais pas d a n s celui de la cons t ruc t i on des p r o g r a m m e s scolaires.

O r la clé de la m é t h o d e d ' é l a b o r a t i o n des c u r r i c u l u m s est préci-

s émen t la déf in i t ion des objectifs . Auss i l o n g t e m p s q u e l ' ana lyse

ph i lo soph ique , po l i t ique , p s y c h o l o g i q u e et scient i f ique n ' a pas p e r m i s

de ce rne r les bu ts à pour su iv re , o n ne peu t rien cons t ru i r e de vrai- m e n t valable.

Il faut insis ter : les ques t ions de o ' r r i c u l u m p o r t e n t t ou jou r s

sur les fins de l ' éduca t ion , t and is que les ques t ions d ' e n s e i g n e m e n t

po r t en t su r les m o y e n s d ' a t t e i n d r e ces fins. U n ma î t r e qu i s ' in ter roge

sur le b u t par t i cu l ie r de l 'ac t ivi té qu ' i l e n t e n d susc i te r le l e n d e m a i n

t ra i te d ' a i l l eurs auss i un p r o b l è m e de c u r r i c u l u m . C ' e s t p o u r q u o i

la défini t ion des object i fs à cour t t e rme, voire des mic ro-ob jec t i f s mér i te a u t a n t l ' a t ten t ion .

c) L 'ob jec t i f se définit a v a n t la m é t h o d e d ' e n s e i g n e m e n t et

d ' appren t i s sage . Il n ' es t p a s secret . — C o m m e S. W i s e m a n et D. Pid-

Page 25: Définir les objectifs de l'éducation

geon le n o t e n t avec h u m o u r , « il n ' e s t p a s d é r a i s o n n a b l e de p e n s e r

q u ' u n m a î t r e s a c h a n t ce qu ' i l essaie de fa i re a p lus de c h a n c e d 'y

réuss i r q u e s'il ne le sa i t p a s (11) ».

Cec i n o u s r a m è n e a u p o i n t p r é c é d e n t , ma i s n o u s vou lons consi-

d é r e r ici p lus s p é c i a l e m e n t l ' a spec t d ' e n s e i g n e m e n t . Il s e m b l e incon-

cevab le q u ' u n m a î t r e s a c h a n t ce qu ' i l veu t fa i re a p p r e n d r e , et b ien

déc idé à vérif ier s'il y a réussi ( nous a l lons y revenir ) ne chois isse p a s

sa m é t h o d e d ' e n s e i g n e m e n t en c o n s é q u e n c e . Peu t - ê t r e existe-t-i l des

ense ignan t s consc ien t s d ' u n bu t à p o u r s u i v r e , ma i s t r o p i ndo len t s ou

t r o p d é p o u r v u s p o u r d é p l o y e r les s t ra tég ies nécessa i res . M a i s a lors ,

c o m m e le di t B l o o m , ils on t a u m o i n s p e r d u leur innocence .

E n fait , n o n s e u l e m e n t les m a î t r e s do iven t c o n s t r u i r e t o u t e leur

ac t iv i té su r des ob jec t i f s clairs , ma i s ils do iven t auss i fa i re c o n n a î t r e

ceux-c i , sans a m b i g u ï t é ni m y s t è r e à leurs élèves.

O n t rouve u n e des me i l l eu res p reuves de l ' e sp r i t m a l s a i n qu i

d o m i n e u n e n s e i g n e m e n t n o n focal isé sur des object i fs expl ici tes ,

d a n s le fai t q u e les é t u d i a n t s do iven t s ' a p p l i q u e r à dev ine r ce qu i

est i m p o r t a n t , soit p a r une ana lyse des m a n u e l s ou des types de

q u e s t i o n s posées a u x in t e r roga t ions , soit e n c o r e en recue i l l an t des

r e n s e i g n e m e n t s a u p r è s de leurs aînés. D o n n e r u n « t u y a u », c 'est

r évé le r un ob jec t i f p o u r s u i v i s e c r è t e m e n t p a r le ma î t r e et d é c o u v e r t

a s t u c i e u s e m e n t o u t r a g i q u e m e n t p a r l 'élève.

L ' e x i s t e n c e d 'ob jec t i f s clairs cons t i tue une au t r e s a u v e g a r d e

encore . C o m b i e n d ' e n s e i g n a n t s , d ' en t i è r e b o n n e foi, n 'ont - i l s p a s

c ru faire œ u v r e ut i le pa r ce qu ' i l s obse rva i en t des r éac t ions d ' in té rê t ,

de pa r t i c ipa t i on , d ' ac t iv i t é c h e z leurs élèves ? Cer tes , de telles réac-

t ions r evê ten t p r o b a b l e m e n t un sens posi t i f , ne fû t -ce q u e p o u r la

s an té men ta le . Il n ' es t p o u r t a n t p a s é tabl i a p r i o r i qu 'e l l es ne const i -

t uen t p a s u n e d é n a t u r a t i o n de l ' éduca t ion . O b t e n i r la pa r t i c ipa t i on

ne signifie p a s n é c e s s a i r e m e n t susc i te r un a p p r e n t i s s a g e posit if .

A g i r p o u r agir , p a r l e r p o u r pa r l e r , cons t i t uen t des act ivi tés p a r

déf in i t ion d é p o u r v u e s de finalité.

L ' u n des mei l l eu r s e n t r a î n e m e n t s à la p r a t i q u e de la p rofess ion

d ' e n s e i g n a n t cons is te à a p p r e n d r e à p r é p a r e r les act ivi tés éducat ives .

A cet te occas ion , o n dev ra i t m o n t r e r qu ' i l ne suffit p a s de p révo i r

ce q u e le m a î t r e va fa i re (ut i l iser tel l ivre, ana ly se r tel texte , d i spose r

(27) S. WISEMAN et D. PIDGEON, Curriculum Evaluation, Londres, N.F.E.R.- 1970, p. 39.

Page 26: Définir les objectifs de l'éducation

les notes au t a b l e a u de telle m a n i è r e , etc.), ma i s qu ' i l f au t auss i

savoir c l a i r emen t ce q u e les élèves a u r o n t l ' occas ion d ' a p p r e n d r e

et d o n c de faire. U n e leçon se p r é p a r e en fonc t ion des object i fs

poursuivis .

d) P a s d ' é v a l u a t i o n cor rec te s a n s objec t i f s clairs. — C ' e s t sans

dou te l ' aspec t le plus évident . Il est imposs ib l e de juger de l ' adé-

qua t i on d ' u n e condu i t e , d u degré d 'efficacité d ' u n e ac t ion , sans con- na î t r e l 'effet o u le résu l ta t recherchés .

L a pos i t ion clé des objec t i f s ressor t peu t -ê t re le m i e u x des règles

d ' h o m o g é n é i t é de l ' éva lua t ion p r o p o s é e s p a r M . Scriven. Ce t t e h o m o -

généité do i t être t r iple et t ou t e v io la t ion de l ' une des règles inva l ide l ' ensemble :

1. L a c o r r e s p o n d a n c e entre les object i fs d u p r o g r a m m e et le c o n t e n u

de l ' ense ignement .

2. L a c o r r e s p o n d a n c e en t r e le c o n t e n u de l ' en se ignemen t et les i n s t r u m e n t s d ' éva lua t i on .

3. L a c o r r e s p o n d a n c e entre les object i fs d u p r o g r a m m e et les ins t ru-

m e n t s d ' é v a l u a t i o n ( 2 8 ) .

Que le maître tente d'évaluer l'élève, de s'auto-évaluer, ou qu'un inspecteur souhaite évaluer le maître, ou encore qu'un élève tâche d'apprécier son propre progrès, des critères, des points de repère axés sur les objectifs poursuivis, sont nécessaires.

S'ils n'existent pas, on s'abrite derrière des hypothèses qui résistent difficilement à l'examen. Ainsi, l'inspecteur qui s'occupe surtout d'aspects administratifs, de caractéristiques comme l'ordre, la ponctualité, ou encore de la méthode d'enseignement employée, semble supposer que ces aspects sont prédictifs de l'efficacité avec laquelle un enseignant conduit ses élèves vers le but souhaité. Il semble aberrant que l'inspection ne consiste pas d'abord et avant tout en une évaluation directe de cette efficacité. Et l'on est sans doute justifié à croire qu'elle n'est pas tentée parce que les partenaires de l'entreprise pédagogique ne possèdent pas une vision claire des effets recherchés.

Objecter, comme on le fait souvent, que le plus important en éducation échappe à la mesure, est contestable.

(28 ) M . SCRIVEN, T h e m e t h o d o l o g y o f e v a l u a t i o n , i n R . TYLER, R . G A G N É

a n d M . SCRIVEN, P e r s p e c t i v e s o f C u r r i c u l u m E v a l u a t i o n , A . E . R . A . M o n o g r a p h

s e r i e s o n c u r r i c u l u m e v a l u a t i o n , N o . 1, C h i c a g o , R a n d M c N a l l y , 1 9 6 7 .

Page 27: Définir les objectifs de l'éducation

R. Ebel écrit :

Si l'on prétend qu'un produit de l'éducation est important, mais non mesurable, vérifiez la clarté avec laquelle il a été défini. Si une définition opérationnelle est possible, le produit peut être mesuré. Sinon, il est impos- sible de vérifier si le produit est vraiment important (29).

Cette position semble bien justifiée dans la mesure où, comme le remarque Ebel, les personnes ayant atteint l'objectif, quel qu'il soit, doivent différer des autres ; dans ce cas, une définition opéra- tionnelle du comportement est possible. Si l'on n'observe aucune diffé- rence entre ceux qui ont atteint un objectif et les autres, on se trouve, c'est le moins qu'on puisse dire, devant une affirmation suspecte.

Une analyse comme celle-ci risque cependant de conduire à des conclusions injustes. Car, entre poser le problème, si évident paraisse- t-il, et le résoudre, un long chemin peut exister. Et il existe réellement.

La mesure et l'évaluation en sciences humaines soulèvent des difficultés considérables. Il suffit de retracer la lente évolution du

testage pédagogique pour s'en convaincre. Mais c'est précisément en ce domaine que la science de l'éducation a probablement le plus avancé au cours de ces dernières années.

De toutes les techniques éducatives, écrit Bloom, le testing s'est le plus complètement développé (...). Il a montré la voie conduisant à la définition et à l'évaluation de beaucoup d'objectifs de l'éducation (30).

Les progrès actuels revêtent une importance capitale ; toutes les questions que nous venons de rencontrer le démontrent à suffisance.

Or une meilleure maîtrise de l'évaluation aura d'autres consé-

quences encore. Aussi longtemps que les maîtres ne peuvent mesurer l'avance de leurs élèves que vers certains objectifs, ils tendent à se concentrer sur ceux-ci. On néglige souvent les domaines sur les- quels les évalutions ne peuvent pas porter (les élèves agissent de la même manière). Ainsi s'explique aussi pourquoi les connaissances factuelles continuent à jouer un si grand rôle dans les écoles, au détriment de tant d'autres apprentissages plus dignes d'intérêt.

( 2 9 ) R . EBEL, T h e r e l a t i o n o f t e s t i n g p r o g r a m s t o e d u c a t i o n a l g o a l s , i n

W . FINDLEY, E d . , T h e I m p a c t o f S c h o o l T e s t i n g P r o g r a m s , C h i c a g o , 1 9 6 3 ,

N o . 32, c i t é p a r D E CORTE, p . 26. ( 3 0 ) B. S . BLOOM, L ' i n n o c e n c e e n p é d a g o g i e , i n E d u c a t i o n , 135, 14, 1 9 7 2

Page 28: Définir les objectifs de l'éducation

6 . L e n œ u d d u p r o b l è m e : A l l i e r l a s c i e n c e e t l ' a r t d e l ' é d u c a t i o n

L a d é f i n i t i o n d e s o b j e c t i f s , à d i f f é r e n t s d e g r é s d e p r é c i s i o n , e s t à

l a f o i s l e p o i n t d e d é p a r t p o u r l a p r é p a r a t i o n d ' u n e a c t i v i t é é d u c a t i v e ,

e t l e p o i n t d ' a r r i v é e , p o u r é v a l u e r l e s r é s u l t a t s d e c e t t e a c t i o n .

I l i m p o r t e t o u t e f o i s d ' e m p ê c h e r q u e l a s y s t é m a t i s a t i o n d e l a

r é f l e x i o n s u r l e s o b j e c t i f s n e s e t r a n s f o r m e e n « m o d è l e à t e n d a n c e

i m p é r i a l i s t e q u i s u b s t i t u e à l a f o r m a t i o n d e l a p e r s o n n e l a r é u s s i t e

à des apprentissages scolaires » (31). Mais les deux ne s'excluent pas mutuellement. Une orthographe correcte n'est pas incompatible avec l'équilibre et le bonheur de l'enfant. Tout dépend du chemin suivi...

Comme l'écrit M. L. Poeydomenge, le pédagogue doit pouvoir « assumer deux démarches différentes, sinon opposées, l'une analy- tique et rationnelle qui démultiplie et agence les objectifs, l'autre synthétique et intuitive qui aide l'enfant à intégrer, de façon signifi- cative, personnelle, expérientielle, les acquis scolaires rationnellement préparés et tous ceux qui échappent à cette programmation » (32).

Les objectifs ne sont donc pas qu'intellectuels ; l'homme est moins un être de raison que d'affectivité. Les objectifs affectifs tels que prendre confiance en soi, développer des attitudes positives vis-à-vis du savoir, etc., revêtent une importance capitale. Pourquoi alors ne pas les poursuivre plus systématiquement que par le passé où tant d'éducateurs agissaient comme si le développement affectif devait nécessairement rester dans le flou des influences subtiles et incontrôlées ? Le mérite des recherches actuelles est de ne plus vouloir laisser à d'heureuses et rares conjonctures l'aspect de l'éducation que beaucoup s'accordent à reconnaître comme le plus important.

Si les mêmes objectifs sont assignés à tous et peuvent être également atteints par tous, l'action pédagogique ne débouchera-t-elle pas sur une standardisation plutôt que sur le développement de la personne ? Cette question est souvent soulevée à propos de la péda- gogie de la maîtrise, dont certains protagonistes portent, pour une bonne part, la responsabilité du doute qui a pu naître, à ce propos, dans certains esprits.

Quel éducateur respectueux de la personne humaine songerait, un seul instant, à fabriquer les mêmes hommes, comme à la chaîne ?

(31) M. L. Poi yi/omi NGt . Réussir à l 'école, in Psycho log ie de l ' e n j u m et pédill!ol!il' expér imenta le , Société A. Binet et Th. Simon, ] <)K2. 82. 5S4. pp. 5-9.

(32) Idem, p. 8.

Page 29: Définir les objectifs de l'éducation

Le but poursuivi ne se situe évidemment pas là, mais bien sur le terrain des apprentissages nécessaires à tous, pour atteindre des objectifs démocratiquement acceptés. Par exemple, si l'on estime que tout le monde doit savoir lire et si les techniques d'individualisa- tion de la pédagogie de la maîtrise permettent d'atteindre ce résultat, où est la standardisation coupable ? De même, si un groupe d'élèves désirent apprendre l'allemand ou l'algèbre, n'est-il pas plus éducatif d'assurer la maîtrise des notions clés, en respectant le style cognitif et affectif de chacun, plutôt que de laisser au hasard le succès de ces apprentissages ?

De toute façon, la pédagogie de la maîtrise n'est devenue panacée que dans l'esprit de ceux qui, une fois de plus, ont érigé en système intégral une technique éducative particulière, à mettre au service d'apprentissages qui doivent trouver leur place dans un projet global.

S'engage-t-on ainsi erronément dans une « pédagogie néo- directive qui laisse de côté la pensée divergente, le champ de la sensibilité et de l'effort fourni, et qui intègre mal le travail de recherche en groupe » (33) ?

Remarquons d'abord que la divergence, le travail en petits groupes, notamment, occupent une place considérable dans la théorie de la pédagogie de la maîtrise. Mais la question est beaucoup plus générale que cela.

De même que l'utilisation de la carte et de la boussole, dans un voyage de quelque complexité, peut être difficilement taxée d'aliéna- tion, de même toute fermeté dans le dessein éducatif et toute

organisation ou structuration sérieuses des situations d'apprentissage ne procèdent pas d'une directivité condamnable. A force de refuser toute rationalité dans l'œuvre éducative, on détruit celle-ci et l'on

détruit en même temps ceux qui ont droi- à l'éducation.

Enfin, à ceux qui continueraient à craindre le danger de standardisation des hommes par la pédagogie de la maîtrise, on ne peut trop conseiller la lecture du récent ouvrage de B. S. Bloom (34). Il y montre que les processus éducatifs qui ont conduit un ensemble d'individus au degré d'accomplissement le plus élevé dans les domaines artistique, psychomoteur ou cognitif sont précisément ceux de la pédagogie de la maîtrise.

(33) M. L. POEYDOMENGP., Op. cit., p. 8. (34) B. S. BLOOM, Teaching and Learning Conditions for E.r/reme Levels

of Talent Development, 1982.

Page 30: Définir les objectifs de l'éducation

SECTION 1

LES TROIS NIVEAUX DE DÉFINITION DES OBJECTIFS

Page 31: Définir les objectifs de l'éducation
Page 32: Définir les objectifs de l'éducation

Au-delà de bien des nuances, presque tous les auteurs s'accordent pour distinguer trois niveaux dans la définition des objectifs.

Le premier, le plus général, est celui des fins ou des buts de l'éducation. La fin est « ce qui est à la fois terme et but, ce pourquoi quelque chose se fait ou existe » (Robert). C'est, peut-on dire aussi, la ou les raisons d'être. Cette dernière formulation paraît la plus éclairante, car elle indique pourquoi il importe de commencer par les fins quand on pose le problème des objectifs de l'éducation. A quoi servirait-il, en effet, de discuter des modalités, des particularités d'une action que l'on n'aurait aucune raison d'entreprendre ?

Les fins peuvent prendre un caractère tellement synthétique qu'une seule peut devenir la justification de toute une vie. Par exemple, « sauver son âme » ou « élever l'homme en respectant sa nature » constituent ce que le xixe siècle appelait des principes suprêmes de l'éducation, finalités auxquelles tout le reste devait être subordonné.

Hameline e ) préfère le mot finalité au mot fin, parce que ce dernier implique « que, réellement, cette orientation est assignée, contrôlée, et que les moyens sont effectivement pris pour la pour- suivre et l'évaluer », alors que finalité marque plus l'ititentioti sans garantir une poursuite effective, ce qui correspond mieux à la réalité. Cette distinction ne nous convainc pas.

Le mot but désigne pour nous les objectifs les plus généraux qui découlent directement des fins. Exemples : faire des adultes, développer l'esprit critique ; c'est le tout premier pas vers l'opé- r a t i o n a l i s a t i o n , H a m e l i n e r e p r e n d l e s q u a t r e c r i t è r e s d e D u l u d e l 2 )

pour définir le but :

1. Les finalités sont de l ordre du désir ou du vieil. les buts comportent déjà des éléments d'analyse, des besoins et des tâches.

2. Les buts sont circonscrits à un champ ou à lin programme particuliers. alors que les finalités s'imposent à une institution tout entière.

(1) D. HAMELINE. Les objectifs pédagogiques en formation initiale et Cil formation continue, Paris. Editions E.S.F./Entreprise Moderne d'Edition, 1979. p. 97.

(2) J. DLLUDE, Les objectifs d'upfJrcnlisluge, Montréal. Service Pédago- gique de l'Université. 1975.

Page 33: Définir les objectifs de l'éducation

3. Il y a but quand apparaît déjà une certaine gestion du temps : on vise non plus un long terme sans échéances précises, mais un moyen terme susceptible de faire l'objet d'un certain calendrier.

4. Formulés en termes déjà plus opératoires, Les buts peuvent provoquer un consentement circonstancié et négocié, de la part de gens qui divergent sur les finalités.

L e s bu ts i n t r o d u i s e n t donc , d a n s le p ro je t p é d a g o g i q u e , l a n o t i o n

de résu l ta t , ma i s ici le r é su l t a t est r echerché , sans q u ' o n puisse

encore p o s e r avec u n m i n i m u m de crédibi l i té qu ' i l sera a t te in t .

Il va de soi q u e de tels « p r inc ipes » ne p e u v e n t être q u e très

géné raux . M a l g r é l eu r i m p o r t a n c e crucia le , ils ne cons t i t uen t d o n c

pas des gu ides sûrs et clairs p o u r l ' a c t ion quo t id i enne . L ' exégèse a

a lors p o u r miss ion d ' a p p o r t e r des précis ions . Sans m é t h o d e o u

d é m a r c h e définies et su f f i s amment c la i res p o u r être c o m m u n i q u é e s ,

l ' exégèse dev ien t s imple p ro j ec t ion de la p e r s o n n a l i t é ou des ar r ière-

pensées de l 'exégète .

D e p u i s ces deux de rn iè res décenn ie s su r tou t , on a auss i tenté de

définir des m é t h o d e s d ' a n a l y s e et de c lass i f icat ion qu i p e r m e t t e n t

de je te r u n p o n t en t re les fins ou les bu ts de l ' éduca t i on et l ' ac t ion

quo t id i enne . Ce m o u v e m e n t i n t e r m é d i a i r e cons t i tue le d e u x i è m e

n i v e a u de l ' ana lyse , celui o ù l 'on se d e m a n d e quel t ype de c o m p o r -

t e m e n t s (cognit i f , affectif, p s y c h o m o t e u r ) j oue u n rô le pr ivi légié d a n s

le voyage, par fo is si long, vers la fin o u le but . Les t a x o n o m i e s ,

a u j o u r d ' h u i si cé lèbres , c o n c e r n e n t su r tou t ce d e u x i è m e n iveau .

P o u r t a n t , ob j ec t en t les behav io r i s t e s , des t a x o n o m i e s c o m m e celle

de B l o o m res tent menta l i s t es . El les n ' i n f o r m e n t pas l ' é d u c a t e u r des

c o m p o r t e m e n t s concre t s , obse rvab le s , qui cons t i t uen t c e p e n d a n t la

seule p ie r re de t o u c h e sûre des app ren t i s s ages et d o n c de l ' enseigne-

men t . O n a r r ive a ins i a u t ro i s i ème n iveau , celui des object i fs

opé ra t ionne l s .

Il va de soi q u ' u n e uni té auss i pa r fa i t e q u e poss ib le do i t exis ter

en t re les trois n i v e a u x de déf ini t ion, s inon l ' éduca t i on verse d a n s

l ' i ncohérence .

Or , en de rn i è r e ana lyse , la d é m o n s t r a t i o n r a t ionne l l e de cet te

uni té g loba le se révèle difficile, s inon imposs ib le . Il a r r ive t ou jou r s

un m o m e n t o ù le j u g e m e n t d ' a d é q u a t i o n o u de compa t ib i l i t é dev ien t

subjectif .

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