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DU PRÉSIDENT 12 Jean Dutourd, de l’Académie française LE FRANÇAIS DANS LE MONDE 13 Aux membres de DLF. Abdou Diouf 18 Vade-mecum relatif à l’usage de la langue française dans les organisations internationales. 10 Construction en cours. Alejandro Evuna Owono Asangono 12 Plume d’or 2006. Jorim Ndukauba 13 Les brèves. Françoise Merle LES LANGUES DE L’EUROPE 16 Les Chinois et les langues européennes Claire-Lise Dautry LE FRANÇAIS EN FRANCE V ocabulair e 20 L’Académie gardienne de la langue. 21 Mots en péril. Jean Tribouillard 22 Acceptions et mots nouveaux. 23 Mots d’été. Bruno Dewaele 24 Usage et terminologie officielle. Marcienne Martin 26 Prélude ou finitude ? Pierre Delaveau 28 Souris. Bernie de Tours 29 Rat. Pierre Delaveau 30 Sauvons l’emploi ! François Thouvenin 31 Débâclons l’embâcle ! Jacques Groleau 33 La mesure de l’homme. Bernard Moreau-Lastère S tyle et grammair e 34 Corrigé de La Rapière d’or 2007. Anne-Marie Lathière 35 Palmarès de La Rapière d’or. 36 Le mot épicène. Anne-Marie Lathière 38 Extrait de La Lettre du CSA. 39 Le saviez-vous ? Humeur / humour 43 L’aire du taon. Jean Brua 44 Mots familiers du monde du spectacle. Serge Lebel 46 Scriptorat défaillant. Bernard Leconte 46 Rêve de la vie d’un homme. Xavier Boissaye 47 Jeux de mots. Compr endr e et agir 47 La méthode Thimonnier. Raymond Besson 50 Une orthographe à deux niveaux... et plus. Claude Gruaz 52 À vous de jouer. LA LANGUE FRANÇAISE POUR UN CHEF D’ORCHESTRE 53 Frédéric Lodéon. NOUVELLES PUBLICATIONS 57 Claudie Beaujeu, Jacques Dhaussy, Claude Gruaz, Anne-Marie Lathière et Romain Vaissermann I à XX VIE DE L’ASSOCIATION Défense de la langue française 222, avenue de Versailles, 75016 PARIS Téléphone : 01 42 65 08 87 Courriel : [email protected] Site : www.langue-francaise.org N o 224 Avril - mai - juin 2007 Directrice de la publication : Guillemette Mouren-Verret Paul Koch Imprimeur - 94130 NOGENT-SUR-MARNE, tél. : 01 48 76 09 55 - DÉPÔT LÉGAL P - 2007 - 2 Revue trimestrielle Dépôt légal n o 8 CPPAP n o 0308 G 83143 Photo de la couverture : Palais de l’Institut où siègent les cinq Académies et les studios de Canal Académie diffusé sur internet. DLF 224.qxp 26/11/2007 17:53 Page 1

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DU PRÉSIDENT12 Jean Dutourd, de l’Académie française

LE FRANÇAIS DANS LE MONDE13 Aux membres de DLF. Abdou Diouf18 Vade-mecum relatif à l’usage de la langue

française dans les organisationsinternationales.

10 Construction en cours.Alejandro Evuna Owono Asangono

12 Plume d’or 2006. Jorim Ndukauba13 Les brèves. Françoise Merle

LES LANGUES DE L’EUROPE16 Les Chinois et les langues européennes

Claire-Lise Dautry

LE FRANÇAIS EN FRANCEVocabulaire

20 L’Académie gardienne de la langue.21 Mots en péril.Jean Tribouillard22 Acceptions et mots nouveaux. 23 Mots d’été. Bruno Dewaele24 Usage et terminologie officielle.

Marcienne Martin26 Prélude ou finitude ? Pierre Delaveau28 Souris. Bernie de Tours29 Rat. Pierre Delaveau30 Sauvons l’emploi! François Thouvenin31 Débâclons l’embâcle ! Jacques Groleau33 La mesure de l’homme.

Bernard Moreau-Lastère

Style et grammaire34 Corrigé de La Rapière d’or 2007.

Anne-Marie Lathière35 Palmarès de La Rapière d’or.36 Le mot épicène.Anne-Marie Lathière38 Extrait de La Lettre du CSA.39 Le saviez-vous ?

Humeur / humour43 L’aire du taon. Jean Brua44 Mots familiers du monde du spectacle.

Serge Lebel46 Scriptorat défaillant. Bernard Leconte46 Rêve de la vie d’un homme.

Xavier Boissaye47 Jeux de mots.

Comprendre et agir47 La méthode Thimonnier.

Raymond Besson50 Une orthographe à deux niveaux... et plus.

Claude Gruaz52 À vous de jouer.

LA LANGUE FRANÇAISE POUR UN CHEF D’ORCHESTRE

53 Frédéric Lodéon.

NOUVELLES PUBLICATIONS57 Claudie Beaujeu, Jacques Dhaussy,

Claude Gruaz, Anne-Marie Lathièreet Romain Vaissermann

I à XX VIE DE L’ASSOCIATION

Défense de la langue française2 2 2 , a v e n u e d e Ve r s a i l l e s , 7 5 0 1 6 PA R I S

Téléphone : 01 42 65 08 87

Courriel : [email protected] • Site : www.langue-francaise.org

No 224 Avril - mai - juin 2007

Directrice de la publication : Guillemette Mouren-VerretPaul Koch Imprimeur - 94130 NOGENT-SUR-MARNE, tél. : 01 48 76 09 55 - DÉPÔTLÉGAL P- 2007 - 2

Revue trimestrielle Dépôt légal no 8 CPPAP no 0308 G83143

Photo de la couverture : Palais de l’Institut où siègent les cinq Académies et les studios de Canal Académie diffusé sur internet.

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Le 31 mars 2007, dans les salons du Sénat, Son Exc. Abdou Diouf, secrétaire général del’Organisation internationale de la Francophonie, était l’invité d’honneur du déjeuner quisuivit l’assemblée générale de DLF (voir p. III). Nous publions son allocution pagesuivante. Notre président lui adressa ce message.

Monsieur le Président,

Mon état de santé m’a malheureusement empêché de

venir vous souhaiter la bienvenue. C’est moi qui en

suis désolé, car j’ai pour vous et votre œuvre de la

reconnaissance, de l’admiration et, j’oserai dire, de

l’affection.

Vous savez combien l’Académie française vous

aime, vous savez qu’elle vous considère en quelque

sorte comme un de ses dieux tutélaires. Notre confrère

Léopold Sédar Senghor est toujours en esprit parmi

nous et rien ne pouvait nous rendre plus heureux que

votre accession à la présidence du Sénégal.

L’association Défense de la langue française a pour

vous les mêmes sentiments que l’Académie. Elle pense

que vous êtes un des personnages les plus importants

du monde actuel et que c’est un bonheur pour tous

qu’un tel homme parle français comme s’il était né sur

notre terre elle-même.

Au nom de Défense de la langue française, en notre

nom à tous, je vous souhaite, Monsieur le Président,

avec un certain égoïsme, une longue vie et une

heureuse santé.

Jean DUTOURDde l’Académie française

DU PRÉSIDENT

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M ierci, tout d’abord,ide votre accueil

amical, de votre invitationà partager, ensemble, cesquelques moments convi-viaux autour de la languefrançaise qui nous ras-semble.

Le hasard a voulu que jerelise, il y a quelques jours, ce trèsbeau conte d’Alphonse Daudet, « Ladernière classe ». Un textehistoriquement marqué puisqu’il apour toile de fond la guerre franco-prussienne de 1870. Et pourtant, ceconte où l’on voit un instituteur fairesa classe en français, pour la dernièrefois, après que l’ordre fut venu deBerlin de ne plus enseigner quel’allemand dans les écoles de l’Alsaceet de la Lorraine, pourrait aisément seprêter à une transposition.

Il est fort heureusement révolu letemps des guerres meurtrières pour laconquête des territoires. Mais d’unecertaine manière, ce qui se joue,aujourd’hui, c’est une guerre pour laconquête des esprits et des imaginaires.Une guerre propre, silencieuse, sansvictimes. Une guerre dans laquelle lapuissance militaire a cédé le pas à lapuissance culturelle et linguistique !

Une guerre qui représenteune menace d’autant plusinsidieuse qu’elle ne ditpas son nom.

Certes, l’on n’est pas prèsde voir l’anglais supplan-ter le français, l’allemandou l’espagnol dans la viepolitique nationale, dans

la vie de la rue, dans la vie des foyers.Il n’en demeure pas moins quel’anglais s’est imposé comme linguafranca du monde contemporain dansles domaines économique, scienti-fique, technologique.

Il gagne chaque jour du terrain àl’ONU, dans les institutions euro-péennes, au FMI, à la Banquemondiale, dans les organisationsrégionales de sécurité, renforçant dumême coup la capacité de la super-puissance d’influer sur la déter-mination des grandes questions àl’ordre du jour international, commesur les décisions qui émanent desorganismes économiques, financiers,politiques ou stratégiques, et quiengagent le devenir de la planète.

Certes, l’on n’est pas près de voirs’éteindre la littérature, la chanson, lecinéma, la création en français, en

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LE FRANÇAIS DANS LE MONDE

Aux membres de DLF

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allemand ou en espagnol. Il n’endemeure pas moins que quelquesentreprises globales ont aujourd’hui lacapacité quasi monopolistique devendre, et par conséquent de contrôler,partout dans le monde, le divertisse-ment, le rêve, l’information, la pensée.

On comprend mieux, dans cesconditions, le refus des États-Unisd’adopter la Conven-tion sur la diversitéculturelle à l’Unesco,surtout quand on saitque les industriesculturelles sont de-venues leur premierposte d’exportation. La Francophonie,pour sa part, a été aux avant-postes dece combat, dans la mesure où elle faitpleinement siennes les avancéeshistoriques qu’il consacre.

En effet, pour la première fois, onreconnaît que les biens et les servicesculturels sont porteurs d’identité, devaleurs et de sens et qu’ils ne peuventêtre considérés comme des marchan-dises ou des biens de consommationcomme les autres.

On reconnaît, aussi, la nécessité pourles États de protéger et de promouvoirla diversité des expressions culturelles,tout en assurant la libre circulation desidées et des œuvres.

On reconnaît, enfin, l’urgence deredéfinir la coopération internationale,

singulièrement au profit des pays duSud, plus que d’autres encore sacrifiéssur l’autel de la marchandisation d’uneculture de masse.

Nous sommes bien là au cœur desmissions de la Francophonie, car, àtravers la promotion de la languefrançaise et des valeurs qu’elle porteen elle-même, nous entendons, plus

largement, militer enfaveur du respect etde l’épanouissementde toutes les langueset de toutes lescultures.

Je sais le scepticisme de ceux qui nousopposent, au nom du réalisme, qu’il estutopique de vouloir préserver lesquelque 6 000 langues aujourd’huiparlées dans le monde. Qui plus est,l’histoire montre que les langues,comme les civilisations, sont mortelles.Paul Valéry nous l’a rappelé.

Certes ! Mais si neuf pays possèdentaujourd’hui plus de 200 langues,Claude Hagège nous fait à juste titreremarquer que « la majorité des États,que l’on peut considérer commesouverains, ont pour langue officielle,unique ou non, l’anglais, le français,l’espagnol, l’arabe, le portugais, quisont parmi les plus parlées dumondei».

C’est à cette échelle, que je qualifieraisde « macro linguistique », que doit être

Pour la première fois, onreconnaît que les biens etles services culturels sont

porteurs d’identité, devaleurs et de sens...

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donnée l’impulsion en faveur de ladiversité linguistique. C’est d’ailleurstout le sens de la coopération étroiteque la Francophonie a engagée depuisquelques années avec ses organisationssœurs : la Lusophonie, l’Hispano-phonie, l’Arabophonie, l’Union latine,le Commonwealth.

J’ajouterai que ce partenariat, entre lesgrandes aires linguistiques et cultu-relles, ne se fait pas au détriment desautres langues parlées dans cesespaces. Bien au contraire ! Carn’oublions pas que ces grandeslangues de communication inter-nationale sont l’expression de lienshistoriques, culturels, affectifs, maisaussi de valeurs partagées entre lespays qui les ont adoptées.

N’oublions pas non plus qu’elles sont,pour ces pays,l’instrument privi-légié qui leur permetde communiquer,de travailler, de col-laborer ensemble,et d’entrer en réso-nance culturelle. LaFrancophonie, qui fait coexister etcoopérer les cultures, la languefrançaise et les langues nationales, enest une parfaite illustration.

La diversité culturelle et linguistiquen’est donc pas le nouveau slogan à lamode ! C'est un enjeu géopolitiquemajeur !

Défendre la diversité culturelle, et ladiversité linguistique qui en est lefondement, c’est en effet refuser ledarwinisme culturel, parce que toutesles cultures sont égales en dignité !C’est refuser l’hégémonie d’unehyper-culture et d’une hyper-languequi recouvrirait par le haut toutes lesautres jusqu’à devenir l’idiomecommun de la mondialité !

Défendre la diversité culturelle, c’est,à l’autre bout, refuser la réclusionculturelle parce qu’elle contient engerme l’exacerbation des passionsidentitaires, et la négation de toutecoexistence et de tout dialogue, aunom de la différence.

Défendre la diversité culturelle, c’estdonc, tout à la fois, défendre laspécificité de chaque culture par

rapport à toutes lesautres, et la néces-sité pour toutes decoopérer avec cha-cune des autres.

Disant cela, on estbien loin du chau-

vinisme linguistique ou culturel, duprotectionnisme frileux, de l’ana-chronisme dont certains taxent encoretrop souvent la Francophonie.

Et je voudrais redire fermement, ici,que ce qui menace, d’abord, unelangue, c’est l’idée, chez ses locuteurs,qu’il ne sert à rien de la promouvoir.

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Ce qui menace, d’abord,une langue, c’est l’idée,chez ses locuteurs, qu’il

ne sert à rien de lapromouvoir.

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Surtout lorsque ceslocuteurs font, dans lemême temps, la promo-tion d’une langue quin’est pas la leur – par fatalité ? parsnobisme ? – je ne saurais le dire.

Le fait est que je m’explique mal laréserve des Français lorsqu’il s’agit derevendiquer leur identité, de revendi-quer leur langue ! Les autres États etgouvernements de la Francophonien’ont fort heureusement pas les mêmespudeurs !

Je ne prendrai qu’un exemple. Quelmessage les Français envoient-ils à cespeuples qui ont choisi d’apprendre lalangue française, de la parler pours’ouvrir au monde, quand ilsconstatent que certains Français sontles premiers à renoncer à l’utilisationde leur langue, au profit de l’anglais,dans les instances internationales ?

Les États et gouvernements de laFrancophonie se sont engagés,solennellement, lors du Sommet deBucarest, à utiliser le français dans lesorganisations internationales lorsqueleur langue n’était pas représentée. Etje veillerai personnellement à ce queces engagements soient tenus, car cettepratique est encore insuffisammentrépandue. Cela étant, il conviendraitque les Français montrent la voie.

La Francophonie ne se réduit pas à laFrance, loin s’en faut, mais la

Francophonie ne pourrase faire sans les Français!

Je sais qu’au fil desannées votre association a tenu àintégrer cette dimension universelle dela Francophonie, à travers notammentces très belles manifestions que sontleiconcours Philippe-Senghor et leconcours de la Plume d’or. Ouvertureguidée par un double principe querésume votre devise : « Ni purisme, nilaxisme ».

Ces deux mots d’ordre me paraissentessentiels.

Veiller à la pureté de la langue est de laplus grande importance, et il est desinstitutions françaises dont c’est lamission première. Je le dis clairement,ce n’est pas celle de la Francophonie !

La Francophonie s’appuie sur les deuxcents millions de francophonesrépartis sur l’ensemble des continents.Elle est là pour susciter et favoriser cedésir de français, à travers des actionsde coopération dans les domaineséducatif, économique, mais aussi dansle domaine politique et diplomatique,au nom de ces valeurs que véhicule lalangue française, et qui ont pour nomla solidarité, la démocratie, les droitsde l’homme et la paix.

Elle est là, aussi, pour diffuser et nousfaire partager les trésors des culturesen langue française qui l’irriguent.

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La Francophonie ne pourra se faire sans les Français !

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Une langue française que les créateursde l’espace francophone enrichissentsans cesse de mots nouveaux,d’idiotismes nouveaux, d’imaginairesnouveaux. Il y a bien désormais unfrançais d’Afrique, du Québec, deBelgique, des Caraïbes, et de biend’autres contrées encore. Et je forme levœu, une nouvelle fois, que lesFrançais ouvrent plus largement leursmédias, leurs collections, leursmanuels scolaires à cette créationvenue d’ailleurs.

Refuser le laxisme, je le disais, meparaît tout aussi essentiel. Le laxismeest à la fois un état d’esprit, et undéficit d’action. Le dénoncer ne suffitpas. C’est dire que la prise deconscience qui doit s’opérer autour del’impérieuse nécessité de protéger etde promouvoir la diversité des langueset des cultures doit aller de pair avecdes actes forts.

Qu’il s’agisse de se donner les moyensde veiller, dans la pratique, au respectdu statut et de l’emploi de la languefrançaise dans les instancesinternationales – je n’irai pas jusqu’àdire sur le territoire français car il neme revient pas de m’immiscer dans lesaffaires intérieures d’un État membre.

Qu’il s’agisse également de promouvoirune politique ambitieuse de l’enseigne-ment des langues vivantes. L’Europeme semble à cet égard pouvoirconstituer un espace privilégié de

l’expression de la diversité. Encorefaudrait-il rendre obligatoire, danstous les pays européens, l’appren-tissage d’une deuxième ou d’unetroisième langue vivante, sachant quela première langue choisie estmajoritairement l’anglais.

Et je suis convaincu que la France a unrôle de chef de file à jouer dans cetteentreprise. Elle a, en effet, unepolitique linguistique ancienne. Elle a,par ailleurs, plus qu’aucun autre pays,fait de la langue un enjeu politique.C’est dire qu’elle a vocation nonseulement à défendre et à promouvoirsa langue, mais aussi à promouvoir lemultilinguisme.

Je dirais même que les autres payseuropéens attendent d’elle qu’elle lefasse. Sa volonté de défendre la languefrançaise serait, à n’en pas douter,perçue dans toute la force de sonsymbole, serait surtout perçue commeun espoir, celui, pour les autresgrandes langues, d’être à leur tour,reconnues.J’ai bien conscience que mes proposvont à contre-courant de l’histoire quela mondialisation et les forcesdominantes voudraient laisser s’écrire.Mais je sais aussi que les idées qui nevont pas dans le sens de l’histoire ontété, très souvent, celles qui ont conduità écrire les plus belles pages de notreHistoire.

Abdou DIOUF

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Vade-mecum relatif à l’usage de la langue française dans les organisations internationales

adopté par la 22e session de la Conférence ministérielle de la FrancophonieBucarest, le 26 septembre 2006

Nous, Ministres participant à la Conférence ministérielle de la Francophonie,réunis à Bucarest, le 26 septembre 2006,

sensibles aux difficultés que rencontre l’usage du français dans les organisationsinternationales et régionales ;

soulignant notre attachement, au titre de la diversité culturelle et linguistique, auplein respect du statut de langue de travail ou de langue officielle reconnu par lestextes organiques des organisations internationales et régionales dont nos États etgouvernements sont membres ;

rappelant que le français est l’une des deux langues de travail des Nations unieset de ses organes spécialisés ;

dans les organisations internationales et régionales, où le français bénéficie dustatut de langue de travail ou de langue officielle, nous nous engageons, ainsi quenos représentants et délégués :– à nous exprimer en français lorsque c’est notre seule langue nationale ouofficielle ;– à faire une part équitable et équilibrée à l’expression en français lorsque notrepays reconnaît plusieurs langues nationales ou officielles, illustrant ainsi notrediversité culturelle ;– à privilégier l’expression en langue française dans tous les autres cas où l’usagede notre ou de nos langues nationales ou officielles, autres que le français, n’estpas possible.

Nous assurerons en outre, lors des assemblées générales et des sessionsministérielles, si nous n’utilisons pas le français, qu’en cas de distribution deversions écrites, une version française soit fournie par le secrétariat de l’organisationou par notre propre délégation si celle-ci choisit d’en distribuer le texte.

Par ailleurs, nous nous engageons à ce que nos représentants et délégués auprèsde ces organisations :

1) s’assurent auprès des secrétariats de ces organisations :– de l’interprétation simultanée des interventions lors de la tenue de séancesofficielles et aux étapes importantes de l’examen d’un texte ;

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– qu’il n’y ait pas d’abus de réunions informelles sans interprétation ;

2) veillent à ce que :– toute la documentation et les publications, y compris électroniques, de cesorganisations soient disponibles en français ou, en cas de traduction, dans uneversion française de qualité, conforme à l’original ;– les textes essentiels à la négociation soient également disponibles en françaisen temps utile ;

3) formulent, au sein des groupes d’ambassadeurs francophones, despropositions pour favoriser l’usage du français et réagissent auprès dessecrétariats, collectivement si nécessaire, en cas de manquement aux règles dumultilinguisme ;

4) veillent à l’allocation par ces organisations de ressources financières ethumaines adéquates pour que le statut des langues de travail ou des languesofficielles soit respecté dans les faits ;

5) interviennent collectivement afin qu’elles appliquent de manière rigoureuse lemultilinguisme comme critère de recrutement ;

6) interviennent pour que, dans les opérations de maintien de la paix conduitessur le territoire d’un État francophone, les contingents de l’organisationinternationale ou régionale concernée soient en mesure de communiquer avec lesautorités et la population en français et que cette nécessité soit prise en comptedans le recrutement et la formation des personnels des opérations de maintien dela paix ;

7) travaillent de concert avec les représentants des autres groupes linguistiquesreconnus au sein des organisations internationales et régionales, pour fairerespecter les principes du multilinguisme et de la diversité culturelle ainsi que lestatut des langues de travail et des langues officielles.

À cet effet, nous appuyons les initiatives prises au sein de ces organisations pourfavoriser l’apprentissage des langues par leur personnel et soutenons les actionsen cours de l’OIF en vue d’enseigner le français aux fonctionnaires de cesorganisations et des États et gouvernements membres dont le français n’est paslangue officielle ; nous nous concerterons également pour favoriser lerecrutement d’agents maîtrisant la langue française à des postes de responsabilitéau sein de ces organisations.

Nous invitons le Secrétaire général de la Francophonie à poursuivre résolumentson engagement en faveur de l’usage du français dans les organisationsinternationales, notamment à travers les représentations permanentes de l’OIF etles autres actions d’accompagnement que nous jugerons souhaitables.

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À l’instigation de Mme Françoise Etoa, présidente du Cercle des enfants, unebibliothèque-ludothèque francophone pour les jeunes enfants devait être créée en Guinéeéquatoriale (voir DLF, no 221). Cette création a été quelque peu retardée comme l’expliquela lettre du ministre chargé de mission auprès du président, traduite ci-dessous etreproduite page suivante.

Chère Madame,

C’est avec un grand plaisir que le gouvernement de la République deGuinée équatoriale a pris connaissance de votre projet de création d’unebibliothèque pour les enfants de Guinée équatoriale, qui porterait le nom de«iMaison de la francophonie », ainsi que du don de tout le matériel nécessaireà son équipement, des livres et des jeux pour enfants, qui sont actuellemententreposés dans des conteneurs sur le quai de Bata.

À cet effet, en vous transmettant les remerciements du gouvernementpour l’intérêt que vous portez à la promotion de la langue française en Guinéeéquatoriale, j’ai l’honneur de vous informer que Son Excellence le présidentde la République a décidé de construire un bâtiment approprié, exclusivementréservé à ladite bibliothèque, en prenant en compte que l’école qui avait étédestinée à votre bibliothèque ne réunit pas les conditions nécessaires et doitêtre détruite.

L’entreprise choisie pour la réalisation du projet a pour nom SEGUIBATet c’est avec elle que nous sommes en voie de choisir l’architecture de l’édificeet de prévoir son emplacement. Je vous serais très reconnaissant de bien vouloirnous informer de tous les secteurs que devra posséder la bibliothèque.

Je profite de l’occasion pour vous adresser mes salutations les plusamicales.

Alejandr o EVUNA OWONO ASANGONO

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Construct ion en cours

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C’est avec beaucoup d’émotion que je m’exprime devant vous ce soir. Ceprix est un immense honneur et les mots me manquent pour montrer toute magratitude à l’association DLF qui, par son choix, m’a attribué cette distinctionexceptionnelle.

Permettez-moi, bien sûr, de remercier tout particulièrement Monsieur leSénateur André Ferrand représentant des Français à l’étranger, pour sonsoutien infatigable auprès de l’association DLF, qui joue un rôle importantdans la promotion de la langue de Molière.

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P l u m e d ’ o r 2 0 0 6le Nigeria à l’honneur

Le 16 mars 2007, comme chaque annéedepuis 2001, M.André Ferrand, sénateurdes Français établis hors de France,accueillit notre lauréat de la Plume d’or.Et cette année encore, au cours d’une belleréception, cet accueil eut lieu, à l’invita-tion de M. Christian Poncelet, présidentdu Sénat, dans les salons de sa résidence.

Le Nigérian Jorim Ndukauba, dont lefrançais est la seconde langue étrangère,sut exprimer sa reconnaissance enverstous ceux qui avaient préparé sa venue etorganisé son séjour à Paris et à Reims.

Le sénateur André Ferrand et Jorim Ndukauba

Jorim Ndukauba entouré par notre vice-présidente Françoise de Oliveira et par le sénateur André Ferrand

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13LE FRANÇAIS DANS LE MONDE

LES BRÈVES... LES BRÈVES... LES BRÈVES...

de la Francophonie de chez nous et d’ailleurs

• Et ailleurs :De fait, la Semaine de la langue françaiseet de la francophonie a été célébrée avecenthousiasme dans des centaines de villessur les cinq continents. Colloques, confé-rences, expositions, concours, dictées,festivals, spectacles et autres rendez-vousont été organisés par de nombreusesassociations, par les Alliances françaises,les centres culturels, les écoles, collèges etlycées, les ambassades de France...– Au Québec, « dans le milieu de l’édu-cation, de la culture ou du travail », lesactivités liées à la « Francofête » se sontdéroulées du 2 au 25 mars ! – En Belgique, les activités organisées dansle cadre de « La langue française en fête »ont occupé tout le mois de mars.Pour découvrir la plupart des actionsmenées, y compris en France, rendez-voussur le site de l’OIF* : www.20mars.francophonie.org

• En SUISSE :C'est avec beaucoup de ferveur que laSemaine de la langue française et de lafrancophonie [10 au 20 mars] a été vécue,non seulement en Suisse romande, maisaussi dans les parties germanophone etitalophone du pays. Outre des émissionsradiophoniques et nombre d'articles depresse, des conférences, des concoursd'écriture et des animations dans les écolesont eu lieu à La Chaux-de-Fonds, Fribourg,Genève, Lausanne, Neuchâtel, ainsi qu'àBâle, Berne, Zurich, Bellinzona et Lugano.À Delémont, après une brillante conférencesur l'éloquence donnée par un maître dubarreau de Genève, a été créé un Prixromand de l'éloquence, tandis qu'àPorrentruy s'ouvrait une exposition intitulée« Si la langue française m'était contée ».(Informations transmises par M. ÉtienneBourgnon, président de la délégation deSuisse.)

Permettez-moi aussi de remercier bien chaleureusement l’Alliance française,qui s’est tant dévouée pour préparer mon séjour à Paris, et M. Jacques Dargaudqui m’a fait découvrir la belle ville de Reims et les charmes du champagne...

Enfin, je remercie également le gouvernement de mon pays, le Nigeria, quia œuvré pour la diffusion du français sur toute l’étendue du territoire nationali:aujourd’hui, au Nigeria, le français est une langue officielle.

Comme chaque aventure a une fin, je ne cesserai jamais de remercier toutesles personnes qui ont contribué positivement à transformer en réalité mon rêvede faire un voyage en France.

Jorim NDUKAUBA

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• TRAVAUX DE L’OIF*– « 200 millions de francophones sontrecensés dans le monde, dont 72 millionspartiels », telle est l'une des statistiquesprésentées, le 13 mars, à l'occasion dulancement de l'ouvrage La Francophonie dans

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de la Francophonie de chez nous et d’ailleurs

• L'Université Jean-Moulin Lyon 3 vient demettre en place un Institut pour l’étude de laFrancophonie et de la mondialisation.L’Iframond délivrera un diplôme de 3e cycleaprès une formation de onze semaines.Iframond, 1, rue de l'Université, BP 0638, 69239 Lyoncedex 02, tél. : 04 78 78 73 73, fax : 04 78 78 73 74,courriel : [email protected] : http://iframond.univ-lyon3.fr/

•MAROC :L'université Mohammed V-Agdal de Rabat,créée par le roi Mohammed V, fête soncinquantième anniversaire. Cette universitéhéberge le Campus numérique franco-phone de l’AUF*.

•NOUVELLE-CALÉDONIE :L’Alliance Champlain remettra, pour latreizième fois, une centaine de livresquébécois à la bibliothèque Bernheim deNouméa, le 23 aoû[email protected]

•CANADA :L’université de Toronto vient d’ouvrir unCentre d’études de la France et du mondefrancophone, qu’elle met en œuvre enpartenariat avec le gouvernement français.(Lettre de l’AUF*, no 35.)

• Pour ceux que fascine l’empire du Milieu,le site www.toutelachine.com fourmilled’informations, y compris sur les activitésdu centre culturel français de Pékin.

• L’AUF* offre près de 700 allocationsd’études à dist ance . Une priorité estaccordée, à qualité scientifique égale, auxcandidatures féminines. Les candidats sontsélectionnés par les universités, selon descritères élaborés par le Conseil scientifiquede l’AUF, et bénéficient d’une importanteprise en charge des frais pédagogiques etd’inscription. S’inscrire avant le 30 août :http://www.auf.org/article350.html

• Cinq entreprises de presse – Les Échosdu jour (Bénin), L'Indicateur du renouveau(Mali), Le Rénovateur (Laos), Le Populi etOuest échos (Cameroun) – ont été retenuespar la Commission du fonds d'appui à lapresse francophone du Sud pour bénéficierd'une modernisation de leurs équipementset du renforcement de leurs capacités enmatière de gestion. Depuis 1998, plus dequatre-vingt-cinq journaux du Sud, répartisentre l'Afrique, l'Asie, le Moyen-Orient et laCaraïbe, ont bénéficié du soutienqu'apporte l'OIF* à la presse pluraliste .

• La Cellule de réflexion stratégique de laFrancophonie mise en place par M. AbdouDiouf, le 26 février, est dirigée parDominique W olton . Cette structure légèreassure certaines des fonctions imparties àl'ancien Haut Conseil de la Francophonie.Associant de façon ponctuelle à ses travauxdes chercheurs et des spécialistes franco-phones de divers horizons, elle sera amenéeà réfléchir sur quatre thèmes principaux : lesmigrations internationales, l'identité franco-phone, le dialogue des civilisations, l'Europeélargie et la Francophonie. Le statut desindustries culturelles et l'éducationconstituent un thème transversal.(La Francophonie en brèves, février 2007.)

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Les 23es Francofolies de La Rochelle aurontlieu du 11 au 16 juillet.Renseignements : tél : 05 46 28 28 28,courriel : [email protected] site : www.francofolies.fr

• Pour célébrer le 250eianniversaire de lanaissance du marquis de La Fayette et afinde mieux faire connaître le rôle qu'il jouadans la guerre d'Indépendance, France-Louisiane Franco-Américanie propose unvoyage aux Ét ats-Unis du 14 au 26ioctobre :de Philadelphie, à la Nouvelle-Orléans, enpassant par Washington, Williamsburg,Yorktown...FLFA, 17, avenue Reille, 75014 Paris, tél : 01 45 88 02 10, fax : 01 45 88 03 22, courriel : [email protected], site : flfa.free.fr/

• À Dakar , du 4 au 6 novembre, les thèmesde la 22e Biennale de la langue françaiseseront : la diversité linguistique dans lessciences et les techniques ; la place deslangues africaines ; la place du français,langue africaine et internationale.Renseignements auprès de M. GildasOgéei: [email protected]

Françoise MERLE

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de la Francophonie de chez nous et d’ailleurs

* AUF : Agence universitaire de la Francophonie* OIF : Organisation internationale de la Francophonie

le monde 2006-2007, préfacé par Abdou Diouf(Nathan, 320 p., 21,10 €). Ce rapport est notamment consacré à lasituation de la langue française et à ladiversité culturelle et linguistique, tant dansles 68 États et gouvernements membres etobservateurs de l'OIF qu'en dehors de lasphère francophone. (Rappelons que L'OIFcompte 55 États et gouvernementsmembres et 13 pays observateurs.)– À lire aussi : Abdou Diouf et l’Organisationinternationale de la Francophonie, textesrassemblés par Lamine Tirera (L’Har-mattan, 2006, 404 p., 32 €).

• Le VIIIe Congrès quadriennal del’association des professeurs de françaisd’Afrique et de l’océan Indien se tiendra à

Lusaka (Zambie), du 24 au 28 septembre. Il aura pour thème : « Le français, une languepartenaire pour le développement del’Afrique. »

• Le 22e Festival international du filmfrancophone de Namur, du 28 septembreau 5ioctobre, s'inscrit dans le combat pourlaidiversité culturelle en présentant pour lapremière fois des films belges en langueflamande sous-titrés en français. (Nouvellesde Flandre, no 42.)

• Ambroise Queffélec , professeur de lin-guistique à l'université de Provence etéditeur de la revue Le français en Afrique,nous fait part de la sortie de l’ouvrage qu’ila rédigé avec Omer Massoumou , directeurdu département de langue et littératurefrançaises à l'université Marien Ngouabi deBrazzaville : Le français en République duCongo . Sous l'ère pluripartiste 1991-2006(Archives Contemporaines, 2007, 450 p.,45 €). Cet ouvrage « comporte un inventairelexical traduisant la vitalité et le dynamismede ce “régiolecte” ».

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Ein préambule, je voudrais dire queije ne suis en aucun cas

«ispécialiste » de la Chine, catégoriebien difficile à définir, ni des langueseuropéennes, et que mettre à plat cetteintervention prévue au préalable àl’oral a mis en évidence la faiblessedes sources vérifiées et datées.Ces lignes ne peuvent donc prétendre àun travail de recherche universitaire,mais tendent simplement à partagerune certaine vision, inscrite dans letemps et l’espace, sur l’appétit desjeunes Chinois des villes, pétris parune morale confucéenne qui perdureetilittéralement « aspirés » par unemodernité pour les langues eu-ropéennes en général et le français enparticulier.Cette vision est shanghaïenne, villesingulière à plus d’un titre dans lepaysage chinois, et si j’ai eu la chancede travailler pendant cinq ans en totalesynergie avec le consulat général deFrance sur des projets de coopérationéducative, je ne peux présenter qu’uneexpérience relativement étroite, cellede l’Alliance française de Shanghai,que j’ai dirigée de 2000 à 2006.

Quelques équivalences de termesParler de langues européennes est unepremière contradiction : en effet, laquasi-totalité des étudiants, jeunescadres, professionnels bien formés enpartance pour la France ou un paysfrancophone, « cols blancs » quiforment le gros du public de l’Alliancefrançaise de Shanghai (soit près de6i000iapprenants en 2006) sont debons anglophones. Ces citadinsinstruits, majoritairement enfantsuniques, portés par l’investissementaffectif et financier de toute leurfamille, riches au regard d’une sociétéchinoise de plus en plus inégalitaire,représentent 20 % de leur classe d’âgeet possèdent de fait un réel capitalsocial et culturel, même si cetteterminologie occidentale est à prendreavec prudence. Ils parlent un anglaisde communication qui va d’acceptableà très bon (l’anglais, obligatoire dansles textes dès la fin du primaire, estune matière obligatoire du très sélectifconcours d’entrée à l’université). Ilssurfent sur internet, consommentfilms, musiques, modes de vie anglo-saxons avec une distance critique très

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LES LANGUES DE L’EUROPE

Les Chinois et les langues européennes

Mme Claire-Lise Dautry, directrice de l’Alliance française de Bruxelles-Europe et maîtrede conférences en sciences du langage, a eu la gentillesse de transcrire pour la revue laconférence qu’elle a prononcée au cours du dîner qui suivit l’assemblée générale de ladélégation de Bruxelles-Europe de DLF, le 30 novembre 2006.

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variable… (Je n’aborde pas ici laquestion de l’offre éducative dans lescampagnes, ni celle des enfants demigrants – ouvriers ou plus souventpaysans venus de l’intérieur vers lesvilles côtières, dont les enfants, ensituation irrégulière, peuvent trèsdifficilement être scolarisés –, tant ilest évident que ces populationssouffrent d’un déficit important entermes d’accès à l’éducation.)L’appétit pour les langues de cettegénération de citadins me semble êtreprioritairement une volonté d’ouverturesur le monde, qui passe aussi (mais ils’agit là d’une hypothèse optimiste) parla recherche de modalités d’apprentis-sage différentes. En effet, si les réformespolitiques ont progressivement permisde choisir ses études (en 1977, DengXiao Ping rétablit le concours d’entréeà l’université, après les dix annéesd’interruption liées à la Révolutionculturelle, de 1966 à 1976), lespresque dix millions d’étudiants dusupérieur identifiés en 2006 ont suivides formations scientifiques, littérairesou techniques traversées de contra-dictions fortes, incluant par exemplel’étude du marxisme-léninisme et de lapensée de Mao Zedong, dans lesquellesl’apprentissage par cœur reste privilégié,où les évaluations s’appuient sur descompilations d’informations et nondes recherches personnelles, et où lescompétences communicatives sontpeu valorisées en tant que telles.

Place du français à ShanghaiDans ce cadre, pourquoi choisird’étudier le français dans uneinstitution non certifiante telle quel’Alliance française de Shanghai ?On peut identifier deux types depublic. Le premier (52 % des inscritsen 2001, mais moins de 40 % en 2006,alors que les chiffres bruts passent de2i000 à 6i000 inscrits) rassemble les«ivrais » étudiants en partance vers laFrance, avec un projet relativementconstruit. Il peut s’agir d’un jeunedéçu par son cursus ou par sonclassement à l’université et qui veuttenter sa chance ailleurs, sans parcourstrès défini, ou encore d’une jeunechercheuse bien informée qui aidentifié la filière qui lui convient(telle cette doctorante en chimie quipart pour Toulouse faire une recherchesur le traitement des eaux usées). Lafinalité d’un départ à court ou moyenterme est claire, et l’investissementdans l’étude du français représente unélément fort du projet. Les frais descolarité, tant en Chine qu’en France,sont pris en charge par les familles.Tous ces étudiants doivent présenterun dossier géré par le Centre pour lesétudes en France, organisme mis enplace par le consulat de France pourvalider la qualité des dossiers entermes académique et linguistique. Ilssont encouragés à suivre un nombred’heures de langue qui va de 200 à500, et s’inscrivent le plus souvent à

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des formations complémentaires defrançais langue étrangère à leur arrivéeen France. L’autre public, moins captif, plus dis-ponible, plus festif, est constitué dejeunes cadres : majoritairement compo-sé de jeunes femmes (20-28 ans), dontle revenu mensuel tourne entre 300 et500 €, il a les moyens de financer sesétudes (de 150 à 180 heures de langue,étalées sur 4 à 6 mois, soit 400 € envi-ron pour la formation). Le français apour ces jeunes Shanghaïennes unevaleur ajoutée « romantique », liée àdes représentations littéraires ouculturelles. Shanghai a été villefrançaise de 1849 à 1949 : les tracesdans l’architecture mais aussi dansl’imaginaire de la ville restentnombreuses, et découvrir le français àShanghai n’est probablement pas lamême aventure qu’à Pékin ouChengdu… Pour ce public déjàanglophone, tourné vers l’Occident,apprendre le français, acheter desproduits français, boire des vinsfrançais, envisager un voyage enFrance (nécessairement dans le cadred’un groupe) font la différence. Lamarque L’Oréal, qui connaît un extraor-dinaire développement en Chine, estemblématique de cette image… Cesjeunes femmes et leurs compagnonsparticipent à la fête de la Musique, àcelle du Beaujolais nouveau,découvrent la chanson françaisecontemporaine, s’enthousiasment pour

le festival du film francophone et, defaçon générale, font les beaux jours desactivités culturelles proposées (deuxévènements par mois, tout confondu).

La situation du français face auxautres langues européennesHistoriquement, la pénétration desidées occidentales en Chine s’est faiteà la fin du siècle dernier par le Japon,et l’apprentissage du japonais (quisupposait un séjour linguistique dansl’archipel) a longtemps été un signed’ouverture et de modernité pour lesjeunes réformateurs de la PremièreRépublique (1911). Pendant longtemps,le japonais est resté la première langueétrangère pratiquée par les élites, enparticulier scientifiques.Après 1949, et à partir des années 60,les relations avec le « grand frèresoviétique » ont donné au russe uneplace prépondérante, rapidementconcurrencée néanmoins par celle del’anglais. Aujourd’hui, on y observe lamême désaffection pour le russe quedans les pays de l’ex-bloc soviétique,et si la place du japonais reste importantepour des raisons géographiques etpolitiques, l’anglais est sans contestela première langue étrangère enseignéeet pratiquée.On estime à 50 000 personnes (publicsscolaires, universitaires, institutionsprivées) le nombre de locuteurs defrançais sur le plan national, chiffrepresque équivalent au nombre de

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germanophones. Je ne dispose pas dechiffres précis pour les autres langueslatines (espagnol, portugais, italien),mais les recherches semblent montrerqu’ils sont largement inférieurs.L’État français mène une politiqueambitieuse de promotion du français,par son soutien aux Alliancesfrançaises (le réseau compte dixcentres, soit 16i000iapprenants) et auxlycées francophones (15 sections dansla seule ville de Shanghai), par sesprojets de coopération éducative (dontle beau programme des classes prépara-toires aux grandes écoles, qui formentchaque année entre 50 et 100ijeunesscientifiques de très haut niveau), en

lançant en 2004-2005 les Annéescroisées France-Chine, en faisantpression, au niveau gouvernemental,pour imposer le français commelangue officielle au concours d’entréeà l’université…Il devient banal de répéter que laChine représente un énorme marché.Le marché des langues en fait partie,et le désir d’ouverture des jeunesChinois, qui passe par l’apprentissagedes langues et le plurilinguisme,donne toute sa place au françaislangue étrangère et à la culture qu’ilvéhicule.

Clair e-Lise DAUTRY

Si vous souhaitez que nous adressions un numéro de DLF à l’un ou l’autr ede vos amis, il vous suffit de recopierou de remplir le bulletin ci-dessous

et de l’envoyerà DLF, 222, avenue de Versailles, 75016 Paris.

M. (en capitales) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

suggère à Défense de la langue française d’envoyer gratuitement un numéro à:

M. ou Mme (en capitales) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

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Adresse : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

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M. ou Mme (en capitales) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

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Adresse : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

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Sur les 542 entrées du dernier fascicule*, 202, signalées par un astérisque, sont nouvelles. Nousen avons choisi quelques-unes susceptibles d’intéresser les lecteurs.

PAUCITÉ n. f. XIII e siècle. Emprunté du latin paucitas, « petit nombre », lui-même tiré de pauci,«ipeu nombreux ».Didact. Faible quantité, petit nombre. Paucité de ressources, de moyens.

PÉAGISTE n. XXe siècle. Dérivé de péage.Personne employée par une société concessionnaire habilitée à percevoir des droits de péage. Lespéagistes des autoroutes.

PEAUFINAGE n. m. XXe siècle. Dérivé de peaufiner.Fam. Action de peaufiner. Fig. Le peaufinage d’un discours.

PEAUFINER v. tr. XIX e siècle. Dérivé de peau-fine, « camarade imberbe », dans l’argot des écolesmilitaires.Fam. 1. Vieilli. Nettoyer une surface avec une peau de chamois ; par ext., nettoyer avec minutie.Pron. se peaufiner, faire une toilette soignée.2. Fig. Apporter tous ses soins à l’exécution, à la finition d'un travail, d’un ouvrage, parfaire,fignoler. Peaufiner un ouvrage d’ébénisterie. Peaufiner son style.

PÊCHETTE n. f. XVIII e siècle. Dérivé de pêcherII [v. tr. XII e siècle. Issu du latin piscari, de mêmesens, lui-même dérivé de piscis, « poisson »].Régional. Petit filet rond employé pour la pêche aux écrevisses, et appelé aussi balance.

PENALTY (e se prononce é) n. m. (pl. penaltysou penalties). XIX e siècle, penalty goal, « but depénalité » ; XXe siècle, penalty kick, « tir de pénalité », puis penalty. Mot anglais signifiant « sanction,pénalité ».Au football, pénalité sanctionnant une faute grave commise par un joueur dans la surface deréparation de son équipe et qui consiste en un tir au but accordé à l’équipe adverse ; par méton., cetir lui-même (le penalty est également prévu par les règles du handball, du hockey). Le gardien doitêtre seul face au tireur du penalty. Siffler un penalty. Marquer un penalty, sur penalty. Arrêter unpenalty. (On dira mieux coup de pied de réparationou tir de réparation.)

PENDILLON n. m, XVI e siècle. Dérivé de pendiller.THÉÂTRE. Chacune des deux pièces de tissu ou des deux toiles peintes que l’on suspend de part etd’autre de la scène pour la réduire.

PÉNÉPLAINE n. f. XXe siècle. Emprunté de l’anglais peneplain, de même sens, lui-même composéde pene-, tiré du latin paene, « presque », et plain, « plaine ».GÉOGR. Vaste plaine faiblement ondulée, parfois dominée par des reliefs résiduels, et qui résulte del’action prolongée de l’érosion.

* Extraits du fascicule PATTÉ àPÉRIODIQUEMENT(21 mars2007) de la neuvièmeédition du Dic-tionnaire de l’Académie française. Les fascicules sont publiés par le Journal officiel, au fur et à mesurede l’avancement des travaux de l’Académie, et sur l’internet : http://atilf.atilf.fr/academie9.htm

LE FRANÇAIS EN FRANCE

L’Académie gardienne de la langue

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21LE FRANÇAIS EN FRANCE

FAÇONNER v. Faire des difficultés, des façons pour exécuter une chose.« J’ai de l’esprit, et je ne fais point de difficultés de le dire, car à quoi bon façonnerlà-dessus ?» (La Rochefoucauld.)

FAÇONNIER , IÈRE adj. Qui fait trop de façons, de cérémonies.« Il a épousé une jeune nymphe de quinze ans, fille de M. et Mme de la Bazinière,façonnière et coquette en perfection.» (Mme de Sévigné.)

FAFELU, UE adj. Espiègle.« Cette petite infante éveillée et fafelue… » (Mme de Sévigné.)« N’est-ce pas, demande Littré, le même que farfeluequi signifiait chose légèrei?i»

FAILLANCE n. f. État de celui à qui le courage fait défaut.« Par faillance de cœur et défaut de génie, Louis-Philippe a reconnu des traités quine sont point de la nature de la révolution.» (Chateaubriand.)Déverbal de faillir , « c’est le simple de défaillance, précise Littré, il mérite d’êtrerepris à l’exemple de Chateaubriand.»

FALLACE n. f. Action de tromper en quelque mauvaise intention. Du latin fallacia,« fourberie, tromperie ».« Un homme sans fraude ni fallace.» (Académie.)

FAQUIN n. m. 1. Portefaix, « sens propre, précise Littré, qui n’est plus du tout usité». De l’italienfacchino, « crocheteur, porteur ».2. Homme de néant, mélange de ridicule et de bassesse.

« Quel avantage a-t-on qu’un homme vous caresse,Vous jure amitié, foi, zèle, estime, tendresse,Et vous fasse de vous un éloge éclatant,Lorsqu’au premier faquin il court en faire autant ?» (Molière.)

FAQUINERIE n. f. Action ou caractère du faquin.« Un homme qui se croit des plus braves du monde, veut porter le nom d’une terre aulieu que la terre devrait porter le sien, quelle faquinerie !» (Sorel.)

FARFADET n. m. 1. Esprit follet, lutin.« Ulysse voit, à l’entrée des enfers, des farfadets, des ombres qui viennent lécher dusang et boire du lait dans une fosse.» (Voltaire.)2. Familièrement, homme vif en ses mouvements, frivole en ses goûts et en sesdiscours.« C’est un farfadet, un véritable farfadet.» (Littré.)

Jean TRIBOUILLARD

Mots en pér i l

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CONSEIL D’ENTREPRISE (pour business consulting) : Activité d’une société deconseil consacrée à la stratégie et la gestion de l’entreprise.

DÉONTOLOGUE (pour compliance officer) : Personne chargée, au sein d’uneentreprise, de contrôler la conformité des actes et des procédures aux lois et aux règlesde bonne conduite, et de sensibiliser le personnel à celles-ci.

DISCOMPTE EN CASCADE (pour price rollback, roll back, roll-back, rollback) :Baisse des prix consistant à faire bénéficier systématiquement le client des réductionsobtenues des fournisseurs.

DISTRIBUTEUR EN LIGNE (pour pure player) : Acteur économique quicommercialise des produits ou des services exclusivement sur l’internet.Note : L’expression anglaise pure player est souvent utilisée improprement pourdésigner une entreprise spécialisée dans la vente d’un produit.

FILTRAGE (pour screening) : Pratique consistant à sélectionner des titres deportefeuille d’investissement en fonction de divers critères, notamment d’ordre socialou environnemental.

MARCHANDISAGE (pour merchandising) : Ensemble des méthodes et techniquesayant trait à la présentation et à la mise en valeur des produits sur les lieux de vente.Note : Les spécialistes invoquent la règle dite des « 5B », qui consiste à présenter lebon produit, au bon prix, au bon moment, au bon endroit et en bonne quantité.

MARCHANDISA TION (pour marketisation) : Passage d’une forme non marchandeà une forme marchande de l’offre de biens et services.

MARCHANDISEUR , -EUSE (pour merchandiser) : Spécialiste de la gestion deslinéaires des magasins en libre-service.

MERCATIQUE DE TERRAIN (pour field marketing) : Assistance aux vendeurs quivise à rendre plus efficace l’animation commerciale des points de vente.

MERCATIQUE INTERACTIVE (pour interactive marketing) : Stratégie reposantsur l’ajustement permanent de l’offre aux besoins des consommateurs grâce à unéchange régulier d’informations entre l’acheteur, le distributeur et le vendeur.

* Extraits de « Vocabulaire de l’économie et des finances », adopté par la Commission générale determinologie, et publiés au Journalofficiel le 28 décembre 2006, consultables sur CRITER, base dedonnées terminologiques de la Délégation générale à la langue française et aux langues de France :www.culture.gouv.fr/culture/dglf/Nouvelle liste : « Vocabulaire des télécommunications » (28 décembre 2006).

AA ccept ions et mots nouveaux*

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23LE FRANÇAIS EN FRANCE

M o t s d ’ é t é

Sious les pavés, la plage, clamait-onien mai 68. Mais sous la plage ?...

La poésie ! Celle des mots, revisitéspar l’étymologie.

Août. C’est le mois d’Auguste, censéperpétuer le souvenir de l’empereurromain Octave, lequel avait accumuléles victoires durant ce sixième mois del’année (elle débutait alors en mars). Ilse dit même que s’il compte trente etun jours, c’est parce qu’Octaven’entendait en rien être le parentpauvre de son oncle César, à qui avaitété dédié le mois de juillet !

Cerf-volant. Si cet habitué de nosplages a été ainsi baptisé, c’est, selonBernard Galey, qu’il imite le vol mala-droit de son homonyme le coléoptère(dont les mandibules évoquent peu ou

prou les bois du cerf). Alain Reysoupçonne pour sa part une déforma-tion de serpent : il est vrai que leslégendes faisant état de dragons ou deserpents volants abondent...

Pétanque.Ceux qui prétendent que lapétanque c’est le pied ne croient pas sibien dire : en provençal, pétancosigni-fiait « pied fixé ». Faut-il rappeler icique la pétanque est le seul jeu deboules qui se pratique sans élan ?

Parasol. L’été sans lui, c’est la galère !Normal, au fond : le premier du genrefut sans doute, dans l’Antiquité, cettetente que l’on dressait sur la poupe dela galère en question afin de protégerles officiersdu soleil.

Bikini. Sesouvient-onencore quece costume de bain doit son nom à unatoll du Pacifique, où eut lieu, en 1946,une explosion atomique expérimentalei?Celle qui en était vêtue espéraitproduireile même effet que la bombeaméricaine...

Bruno DEWAELE

NDLR : Un dimanche sur deux, dans La Voix du Nord, Bruno Dewaele publie une chroniqueintitulée « Langage ».

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Usage et terminologie officielle

Siouvent interrogée à propos de laipropagation des expressions et

mots nouveaux, je propose quelquesexemples de mots en usage surl’internet en France ainsi que dans laprovince du Québec (Canada), quipermettent de distinguer entre usage etterminologie officielle.

Causette, « clavardage » ou « chat »Ces termes renvoient à la pratique deconverser en ligne, par le biais dumédia internet, en utilisant le clavierpour taper les échanges conver-sationnels, lesquels s’affichent surl’écran. Ces activités sont appeléescommunément «ichat » ou encore«ichatter », néologisme créé à partir duverbe anglais to chatterqui veut dire«ibavarder » ou « converser ». Cetteterminologie est celle qui est la plususitée sur l’internet : de grandsserveurs comme Ifrance et Francité laproposent dans leurs onglets, surlesquels sont répertoriées leursdifférentes rubriques. Néanmoins, laCommission générale de terminologieet de néologie en France a proposé leterme causette. Selon Le PetitLarousse, édition spécifique à laprovince du Québec au Canada, cetteterminologie est issue du latin causari,qui signifiait « plaider ». Pardéplacement sémantique, il veut dire«iconverser familièrement avecquelqu’un ». Quant à l’Office de la

langue française au Québec, il a pré-conisé, en octobre 1997, le néologisme« clavardage ». Cette lexie est unmot-valise formé à partir des motsCLAVier et bavARDAGE. Cependant,un écart important existe entre destermes adoptés officiellement, commecausette ou clavardage, et ceux,comme « chat », utilisés sur internet.En effet, ce sont ces derniers, dontl’usage est informel, qui sont les plususités par les locuteurs sur ce média.

« Webmestre », « webmaster» et«owebmistress»Les mots « webmaster» et «iweb-mistress » se réfèrent à la personneresponsable de la mise en place et de lamaintenance d’un site ou d’un serveursur le média internet. Issus de lalangue anglaise, ces termes signifientrespectivement « maître du web » et«imaîtresse du web ». Nous trouvonségalement quelques occurrences fran-cisées comme «iwebmaîtrei» ou «imaîtretoilier », en référence au net anglais,qui signifie « toile » en français. Bienque la Commission générale determinologie et de néologie ait adoptéles termes administrateur de site etadministrateur de serveur afin deprendre le pas sur l’anglicisation de laterminologie des NTIC (Nouvellestechnologies de l’information et de lacommunication), l’usage de ceux-cireste marginal. L’Office de la langue

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française au Québec recommandel’utilisation de « webmestre» en réfé-rence à l’ancien mot français mestre,signifiant « maître ». Cette terminologiecourte et épicène offre l’avantage deprocéder à une économie de langageavec deux syllabes en place des huit dela terminologie française préconisée.Le néologisme «iwebmestre » est porteurde modernité avec sa racine webet detradition avec son suffixe -mestre. Parailleurs, certains suffixes ont pris unevaleur sémantique spécifique à cetespace particulier. Ainsi, le suffixe -ciel,issu de la lexie logiciel, dont l’emploidans la création de néologismescomme «igraticiel » ou « partagiciel »permet un décryptage facile des diteslocutions. En effet, sachant qu’ausuffixe -ciel est associée la notion deprogramme informatique en relationau terme logiciel dont il découle, laracine grati, issue du latin gratis, quisignifie « gratuitement », et le motpartage induisent les valeurs séman-

tiques de logiciel gratuit pour«igraticiel » et, partage de logiciel,pouro«ipartagicieli».

Force est de constater qu’il n’y a pastoujours adéquation entre lanormalisation langagière préconiséevia le Journal officielpour la France,l’Of fice de la langue française pour leQuébec et l’usage que les utilisateursfont de leur langue. Cependant, certainstermes réactualisés sont issus delangues mortes comme le latin (ex. :forum), de langues considérées commevernaculaires, voire patoisantes,comme pour le terme québécois«ibinette », ou encore de l’ancienfrançais comme «iwebmestrei» avec lesuffixe -mestre. Il a fallu que lacommunication devienne mondialepour que ces mots passent d’un statutminoré et archaïque à celui d’avant-gardiste et novateur.

Mar cienne MARTIN

Bibliographie Dictionnaire de langue québécoise, de Léandre Bergeron (VLB Éditeur, Canada, 1980, 575 p.).Langues et discours, de Patrick Charaudeau (Hachette, 1986, 176 p.).Dictionnaire canadien français, de Sylva Clapin (Les Presses de l’université de Montréal, Canada,1974, 388 p.).Structures étymologiques du lexique français, de Pierre Guiraud (Larousse, «iLangue et langage »,1967, 211 p.).Répertoire des avis terminologiques et linguistiques, de l’Office de la langue française, Canada,1998, 360 p.).

NDLR : docteur en sciences du langage, Marcienne Martin est l’auteurdu Pseudonyme sur Internet, une nomination située au carrefour del’anonymat et de la sphère privée(L’Harmattan, « Langue et parole »,2006, 180 p., 16 €) et du Langage sur l’Internet, un savoir-faire anciennumérisé (L’Harmattan, « Langue et parole », 2007, 160 p., 14,50 €).

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L ’ iintroduction un peu inattendueide gouvernance nous avait

invités à observer des mots en -ancedans une première liste, insuffisanted’ailleurs, car un érudit nous a gratifiéd’un plus large ratissage, procurantune abondante récolte. Cette aimableattention montre qu’il existe parmi leslecteurs des auteurs en puissance dontla collaboration serait la bienvenue.Cette fois-ci, c’est sur les mots en -ude,plus précisément en -itude qu’il seraitamusant de nous pencher. Serait-ceune nouvelle tendance ou une simpleinexactitude de langage? L’origine deces mots est toujours latine, maisplusieurs innovations sont des calquesde l’anglais, par exemple finitude ,pour parler d’un monde limité entredes frontières (fines) restreintes – unpeu étriqué en somme.Le suffixevient du latin -itudo.

En prélude, amusons-nous en évitantqu’à cause d’efforts trop rudes le sangtranssude ou même exsude. Ce nesera qu’un interlude et venons-enavec exactitude au noyau de notrepropos, à la vérité que l’étude,nécessairement prude, pourtantdénude. Tout est question d’attitude et decomplétude. Notre prétention seheurte à uneinquiétude venant déjàde l’inhabitude (contraire del’ habitude), probablement aussi de

l’ inaptitude pour tant d’incertitudes.Il faut donc implorer la mansuétudedu lecteur dans la plénitude et larectitude de son jugement. Non menacé par une multitude demots visés –pas defoultitudesi! – lechamp manque un peu d’amplitude.Allons d’abord vers des termesgénéraux.« La solitude effraye une âme de vingtans. » (Misanthrope, V, 4.)Cette réplique de Célimène décou-ragera définitivement les prétentionsd’Alceste, qui aspirait au désert,peut-être à la quiétude, voire à labéatitude, en échappant à la servi-tude, voire à la turpitude, causes devicissitudes.En psychologie, l’incomplétude est lesentiment de «n’être pas assez un, den’être pas assez vivant, de n’être pasassez réel» selon la définition dePierre Janet, célèbre psychiatrefrançais. Mais peut-être le lecteur va-t-il déjàressentir une certaine lassitude, voireune hébétude devant ces platitudesrépétitives, redoutant la décrépitude.S’il exige la certitude d’une procheconclusion, prions-le de manifester sasollicitude, non son ingratitude ,même s’il aspire aux habitudes de labrièveté.

Toutefois, dans le domaine scientifique,plusieurs termes méritent davantage

P r é l u d e o u f i n i t u d e ?

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d’attention. Latitude (de latitudo,signifiant « largeur, étendue, ampleuri»)a perdu son sens figuré de largeextension, pour ne garder que celui de« faculté d’agir en toute liberté », et lemot s’est spécialisé en géographie, àpartir du XVI e siècle, au moment desgrandes découvertes: les marinsdevaient disposer de repères sur lesocéans et la localisation dans le plans’est faite par le jeu concomitant deslatitudes et des longitudes. Silongitudo se rapportait à la notion delongueur, c’est maintenant la définitiond’un point dans le plan par rapport àun méridien – celui de Paris, dont letrajet figure sous forme de plaques debronze, marquées Arago, sur les

trottoirs, depuis l’Observatoire jusqu’àdes points plus septentrionaux de lacapitale, fut détrôné par le méridien deGreenwich. De son côté, longitudinala gardé seulement la référence à lalongueur. À Paris, le Bureau deslongitudes collectionne les données

géographiques utiles à tout repérage etau suivi des marées. En épistémologie,on parle d’études longitudinales,différentes des études transversales.L’introduction de l’altitude permettoute localisation de façon tridimen-sionnelle (en 3D).On parle de magnitude à la fois enastronomie, pour le flux derayonnement reçu d’un astre, et engéophysique, pour l’expression del’énergie d’un séisme. Quant à l’assuétude, c’est un étatd’accoutumance et d’asservissement àune substance toxicomanogène(drogue), qui cause une dépendance dusujet toxicomane.Cistude qui désigne une tortue vivantdans la vase – cistus : corbeille ;tortudo : tortue – est d’une autre sériequi inviterait à des innovations.

« Incertitudes ô mes délicesVous et moi nous en allonsÀ la façon des écrevissesÀ reculons, à reculons. »

(Apollinaire.)

Enfin, pour rester dans le domaineproprement linguistique, redoutons ladésuétude des mots, en nous référantà la pensée du grand Africain Senghor,si fier de ses deux cultures associées:« Il n’y a pas de contradiction entre lanégritudeet la francité.»

Pierre DELAVEAU

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S o u r i s

Ein anglais, la souris seidit mouse icomme

Mickey et en allemandMaus. En sanskrit, lasouris se dit moucha, et sielle est de petite taillemouchaka. Notez la mêmedésinence diminutive qu’enslave (baba > babouchka, mats >matriochka, voda> vodka). Or la racine indo-européenne meus-oumuh- a le sens de « voler, dérober »,mouchaka, c’est donc littéralement«ila petite voleuse », on se demandepourquoi, puisqu’il faut bien qu’ellesvivent, ces petites bêtes !, comme l'a sibien exprimé Anjalika.En grec comme en latin, sourisse ditmus(prononcez mouss), en hollandaismuis, en danois muus, en suédois mus,en persan-iranien mush, en russemuish. Et si je vous disais que le mot fran-çaisiou anglais muscle, l’allemandMuskel, l’espagnol musculo, l’italienmuscolo, etc., ont la même racine quele latin musculus, qui signifie « petite

souris » en raison, jepense, d’une analogiemorphologique entrele muridé et l’organeanatomique contrac-table.

Et que dire de la première syllabe dumot MYOSotiset pour la même raisonque le mot précédent, les feuilles et lespétales de cette plante ayant la formed’« oreille »(otis) de « souris » (myos).

Cette souris (dans leslangues germaniques :allemand, anglais, scan-dinave, etc.) fait partie desrongeurs comme lesmulot, rat, gerbille, chin-chilla, hamster, cochond’Inde, mais pas la

MUSaraigne qui fait partie des in-sectivores (malgré son prénom : mus,« souris »). En fait, musaraigne, c’estla « souris araignéei». Elle a cinqiorteilsgriffus et non quatre comme lesrongeurs. Araignée, venant du grecarakné, d’où sont dérivés le latinaranea, les mots français arachnéenetaraignée, ainsi que l’espagnol ragnaqui désigne la toile d’araignée.

D’où nous vient donc le mot souris?À mon avis, d’un verbe anciend’origine onomatopéique d’où estdérivé par exemple le latin susurrus,dont l’acception est le bruit fait parune souris qui se déplace furtivement(on en revient avec fur au sanskritmeus, « dérober ». Cf. le latin furax, oùfur signifie « voleur », le roumain oule breton fur, le français furet). En grec, la sémantique de sourisnousmène à hurax (avec un esprit rude,d’où l’h soufflé), en latin à sorex, enespagnol à sorce et en italien à sorcio,tous ces mots ayant le sens de « souris ».Quant au rat, en sanskrit, il est connusous ces différents noms : musa, muska,musika. Mais le mot rat me semblederechef d’origine onomatopéique. En

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effet, la racine indo-européenne rat ale sens de «igratter ». En sanskrit, radaest une « dent », mais j’ai entendu auRajasthan nommer un éléphant « rad ».Quoi qu’il en soit, rat se dit ratus enlatin, ratto en italien, rato en espagnol,rat en anglais et hollandais, rotte en

danois, råtta en suédois, Ratte ouRatze en allemand. À noter qu’enanglais le verbe rat s’emploie pourl’action de « quitter un groupei»,«iquitter un navire quand il coule ».

Bernie de TOURS

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R a tDans son magnifique ouvrage, Bestiaire végétal, ces animauxparmi les plantes(Pharmathèmes, 2007, 128 p., 34 €), leprofesseur Pierre Delaveau attise, lui aussi, notre curiosité. Duchapitre intitulé « Des souris et des plantes... » – où apparaît,évidemment, le myosotis –, nous reproduisons, avec sonautorisation, les lignes et l’image consacrées au rat (p. 59).

Raisin de rat et Mauerpfeffer, poivre de muraille,en allemand, sont des surnoms de l'Orpinblanc (Sedum album) à côté de Vermiculaireet de Triquemadame (en anglais Trickmadame). Ce dernier mot serait une défor-mation de Trippe-Madame, se référant au vieux français trippe pour une danse au cours de laquelle on sautillait en trépignant ;cette petite plante, alors cultivée pour fournir un condiment un peu poivré, passait, en effet, pour exciter.

Achyrantes aspera (Amarantacées) est dit Queue-de-rat , à cause de la forme de l'épi floral allongé et un peu rugueux.

« Les Levantins en leur lØgende

Disent qu�un cert ain rat, las des soins

d�ici-bas,

Dans un fromage de Hollande

Se retira loin du tracas. »

Extrait de la planche CXXVIIde Jean-Baptiste Oudry,illustrant la fable « LeRat qui s’est retiré dumonde » (éd. Desaint &Saillant et Durand,1755-1759).

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M ialgré l’urgence de la causeisociale que semble invoquer ce

titre, c’est de français qu’il seraquestion ici.

Depuis quelque temps, on constate unenette tendance à préférer le verbeutiliser au verbe employer(ou user deou se servir de) et le substantifutilisation au substantif emploi (ouusage). Sans doute l’anglais a-t-ildéteint une fois de plus sur notrelangue, car en la matière, il ne connaîtguère comme verbe que to use etcomme substantif que use. Denombreux textes français étant àprésent traduits de l’anglais (et l’art dela traduction n’étant pas toujoursinné), ce verbe et ce substantif anglaissont paresseusement rendus par utiliseret utilisation, d’où un appauvrissementdu vocabulaire français courant. Onpeut même constater ce penchant(horresco referens !) dans le derniernuméro d’une revue fort savantecautionnée par les immortels…

Non seulement il ne faut pas enterrerle verbe employer et le substantifemploi, mais il est permis de lespréférer souvent à utiliser etutilisation. C’est particulièrement vraien matière linguistique : ainsi, onparlera de l’emploi d’un termeplutôtque de son utilisation, on emploiera

un termeplutôt qu’on ne l’utilisera. Laraison en est la suivante.Dans son premier sens, qui est aussi leprincipal, utiliser signifie surtout«irendre utile » (une chose qui ne l’estpas en soi : les restes, par exemple) ; ilne veut dire « employer » qu’à titresecondaire, sans doute sous l’effetd’une dérive sémantique comme ils’en produit beaucoup (et de plusgraves, c’est vrai). Employer, lui, apour sens premier et principal « faireservir à une fin » (une chose qui, en soi,est déjà utile à cette fin : un marteau,entre autres). Il y a donc entre les deuxnotions une différence de sens réelle,quoique subtile, qui vaut mutatismutandis pour les deux substantifscorrespondants. Ainsi, la phrase«iPuis-je utiliser votre dictionnaire ? »sonne moins juste que la phrase«iPuis-je me servir de votredictionnaire ? » (ou mieux : « Puis-je

consulter votre dictionnaire ? »), demême que l’expression « utilisation du

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S a u v o n s l ’e m p l o i !

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pluriel » est moins correcte quel’expression emploi du pluriel.

Ce n’est pas couper les cheveux enquatre que de faire un distinguo entreces deux notions. À preuve l’exemplesuivant : « Il faut savoir utiliser ses échecs pourmieux employer ses capacités deréussite. »

Si l’on intervertit utiliser et employerdans cette phrase, elle devient moinscompréhensible, ce qui montre bienque les deux verbes en question nesont pas exactement synonymes.

François THOUVENINDélégation d’Alsace

31LE FRANÇAIS EN FRANCE

D é b â c l o n s l ’ e m b â c l e !

Tout le monde connaît le mot débâcleet sait, au moins à DLF, que, au senspropre de « dégel des eaux d’un coursd’eau », le contraire, c’est l’embâcle.Mais avez-vous remarqué la différencede genre : le premier est féminin tandisque le second est masculin, commel’atteste l’expression parfait embâcledeG. Duhamel, citée par le Grand Robert ?Comment cette bizarrerie, d’ailleurspeu soulignée par les linguistes, etdont aucun ne la justifie, peut-elledonc s’expliquer ?Serait-ce par l’étymologie ?Celle de débâcle est toute simple :c’est, depuis 1690, le déverbal dedébâcler(1416), dont le sens premierest « ôter la barre qui ferme une porteou une fenêtre », tandis que mettre labarre, c’est bâcler la porte (1892),cette barre n’étant devenue une bâclequ’en 1866.

L’origine du mot embâcle, enrevanche, est beaucoup moins évidente,même pour Alain Rey, puisquel’étymologie en question a connu aveclui une évolution aussi complexe quediscutable. Dans le Grand Robert,précité, il date le mot de 1755,«id’après débâcle», tout en précisantcurieusement « de bâcler », alors quel’un ou l’autre suffirait. Mais leséditions successives du Petit Robertviennent compliquer la situation.Notre sympathique lexicographe adécouvert qu’en réalité le mot estapparu en 1640, avec le sensd’«iembarras », venant de l’ancienfrançais embâcler (sic, alors quel’accent circonflexe n’apparaît qu’en1531), d’après débâcle. Dans leDictionnaire historique de la languefrançaise, il se montre à la fois prudentet maladroit. Prudent, lorsqu’il écrit :

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«iEmbâcle est probablement formé surdébâcle », et (encore, en apparence)lorsqu’il précise : « n’a aucun lienavec l’ancien français enbacler,“tromper” » (sans doute le mêmeverbe que ci-dessus, avec la bonneorthographe). Mais il devient maladroit,d’abord lorsqu’il explique que le mot aété formé « par changement desuffixei» (sic), et surtout lorsqu’il datel’étymon supposé de 1690 et le dérivéde… 1640. Il faut dire que cet anachro-nisme, qui figurait déjà dans le PetitRobert est repris purement et simple-ment du dictionnaire de Dauzat, où iléclate en raison du laconisme propre àcet ouvrage : à trois lignes d’intervalle,on lit : « débâcle, 1690[…] embâcle,1640, formé sur débâcle.» Le dernierouvrage d’A. Rey, Le Dictionnaireculturel en langue française, simplifiela question : ce mot a été formé en1640 «ipour servir de contraire àdébâcle ». Il oublie l’ancien verbe engardant l’anachronisme.

Alors, à qui se fier, et comment sortirde cette aporie qui fait venir embâcled’un mot postérieur, et sans expliquer

la différence de genre. En l’occurrence,à l’Académie, bien sûr ! Son Dictionnaire a été suffisammentbrocardé et il est suffisamment négligé

par ses confrèrespour être mis àl’honneur lorsqu’il lemérite. Jugez vous-mêmes :«iEmbâcle,déverbal deil’ancienverbe embâcler,“ e m b a r r a s s e r,

tromper”, lui-même dérivé de bâcler. »Cette précision ne s’imposait pas, maiscette étymologie a l’avantage d’êtrechronologique, et si le mot a d’abordété synonyme d’embarras, on peutcomprendre qu’il soit né masculinpuisqu’il était sans rapport avec unedébâcle alors inconnue, dont il n’a prisle sens contraire qu’en 1855. Ainsi,l’Académie n’a pas manqué de«itravailler avec tout le soin et toute ladiligence possibles», et elle a faitsauter la « bâcle étymologique » : ellea débâclé l’embâcle.

Jacques GROLEAU

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C a d e a u d e b i e n v e n u e !

À t o u t n o u v e l a d h é r e n t s e r a o f f e r t

u n a b o n n e m e n t d ’ u n a n ,

p o u r l a p e r s o n n e d e s o n c h o i x .

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33LE FRANÇAIS EN FRANCE

Nios ancêtres n’éprouvaientiapparemment pas le même

besoin de précision maniaque quenous lorsqu’il s’agissait de mesurer oude peser. Il est vrai qu’ils ignoraient lesystème métrique et l’existence dukrypton 86, dont on utilise l’une deslongueurs d’onde de radiation dans levide, pour définir lemètre. Les malheureuxne disposaient que deleur propre corps. Ilsne manquèrent pas dele mettre largement àcontribution pour établiret nommer un certainnombre d’unités demesure, plus ou moinsapproximatives, il fautbien le dire.Du francique, alina,«iavant-bras », l’auneavait l’énorme inconvé-nient de varier selonles régions, voire selonla nature de ce qu’elleservait à mesurer. Ellevariait même d’unefaçon considérablepuisque sa valeur, selon les contrées,allait d’environ 50 centimètres à2,30imètres ! Quelques expressionsnous l’ont conservée comme : savoirce qu’en vaut l’aune, « savoir ce qu’ilen est d’une chose » ; juger les autres

à son aune, « juger les autres d’aprèssoi-même ». La brasse, de brachia, «ibrasi»,correspondait à l’origine à la longueurd’une main à l’autre, bras étendus. EnFrance, elle valait environ 1,60 mètre,Dans la marine, sa valeur était un peusupérieure.

La coudée, distanceentre pli du coude fléchià angle droit et extré-mité du majeur, mainouverte, est une très an-cienne mesure souventcitée dans la Bible, savaleur variant de 40 à50 centimètres.Du francique spannan,«iétirer », l’empanétaitl’espace compris entreles extrémités du petitdoigt et du pouce, doigtsécartés au maximum.Sa valeur allait de 22 à24 centimètres.De palma, « paume »,le latin avait tirépalmus, mesure delongueur correspon-

dant à la distance entre les bordsopposés de l’index et de l’auriculaire,doigts accolés ; chez les Romains, ellevalait 7,4 centimètres ;nous en avonstiré le palme, variant de 24 à30icentimètres.

L a m e s u re d e l ’ h o m m e

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Gradus (dont nous avons tiré grade,degré, etc.) était le pas, longueurromaine valant 74icentimètres, maisc’est passus, double du précédent, quinous a donné le pas, 1,48 mètre,évidemment. Inutile de dire à quelle partie du corpsse rapporte le pied ; en France, onemployait jadis le « pied du roi », roiqui vivait assurément sur un grandpied puisque celui-ci valait plus de30icentimètres. Du latin pollex, lepouce, considéré dans sa largeur,valait la douzième partie du pied, soit

2,5 centimètres environ. La toiseenfin,de tensa, «iétendue (de chemin)i»,n’appartient pas en principe à cettecatégorie... mais certains (peunombreux, à vrai dire) la font venir detensa, sous-entendu bracchia ; « desbras », alorsi!... Elle valait environ2imètres...Et maintenant, pour vous détendre unpeu, ne prendrez-vous pas un doigt deporto ?

Bernard MOREAU-LASTÈREDélégation de Bordeaux

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Corrigé de La Rapière d’or 2007

M ierci aux candidats qui ontiparticipé au concours. Nous

apportons ici quelques éléments deréponse aux questions qui furentsoumises à leur sagacité.

• Le phénomène d’homonymie, quifait l’objet de la 1re question, concerneplusieurs noms qui, à défaut d’uneforme commune, sont homophones,mais possèdent un senset un genredifférents. Ce genre est signalé parl’article : un aulne, une aune. Lesadjectifs n’interviennent pas ici : à

quelques exceptions près (un maraissalant, une œuvre pie…), ils n’ont pasde genre propre. Nous rappelons enfinque cette question ne prenait encompte que les homonymes de genredifférent.

• La 3e question a été parfois sourcedeiperplexité : c’est pourquoi un article[p. 36] est consacré aux mots épicènes.

• Les questions 2 et 4 ne posaientaucun problème d’interprétation. Ilétait judicieux, pour répondre à la

Vous retrouverez les questions de ce concours, dans le numéro 222 de notre revue (p. 52).

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question 2, de s’en tenir aux prin-cipaux termes d’une même famille,afin d’éviter des énumérations troplongues. Les réponses à la question 4

étaient : ressortait, ressortissait,ressortent, ressortissant.

Anne-Marie LATHIÈRE

35LE FRANÇAIS EN FRANCE

Le lauréat, M. C. VANHAVERBEKE, est invité au dîner du 19 juin, aurestaurant Lizarran.Les documents rédigés par les candidats et leur diplôme de lauréat sont à leurdisposition à DLF, 222, avenue de Versailles, 75016 Paris.

Nous publions l’essai qui nous a semblé le plus réussi sur le mode nostalgique,œuvre de M me Marie-Andrée Ferrari .

Regret de l’enfance« Longtemps je me suis couchée de bonne heure. » Allongée dans mon lit,

j’attendais. Ma joie commençait en entendant ma mère monter l’escalier. Lebruit de ses pas, sur chaque marche, résonnait en faisant craquer le bois.Chacune avait son timbre. Mon impatience grandissait au fur et à mesureque se rapprochait le bruit familier. Inévitablement, lorsqu’elle arrivait dansma chambre, son sourire entendu m’emplissait de bien-être.

Ces petits craquements, il me semble les entendre encore, les attendrepeut-être… cependant, ils ne seront jamais plus.

Palmarès de La Rapière d’or 2007

1er M. Claude VANHAVERBEKE , de Faches-Thumesnil (Nord)2e M. Philippe DESSOULIERS,de Belfort (Territoire-de-Belfort)3e Mme Marie-Andrée FERRARI , de Saint-Antoine-du-Rocher (Indre-et-Loire)4e M. François JOURDAIN, de Charenton (Val-de-Marne)5e M. Joseph DESHUSSES, de Lyon (Rhône)

Nous félicitons également: M. Paul COURBOILLET, de Dijon (Côte-d’Or), Mmes Michèle FARAUT, deMer (Loir-et-Cher), Cécile HÉRISSÉ, de Landemont (Maine-et-Loire),Raymonde JACCOD, de Barcelone (Espagne), M. Jacques PLATEAU, duMans (Sarthe), MmesiPaulette SCHNUNT, de Saint-Maur-des-Fossés (Val-de-Marne), Marie de SINETY-ELZEAR, de Nice (Alpes-Maritimes).

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L ia troisième question de notreiconcours la Rapière d’Or 2007

évoquait une catégorie de mots épicènessusceptibles de féminiser des noms defonctions, de métiers, de professions,ainsi que des titres. Il convenait donc,pour délimiter le sujet, de définirl’adjectif épicène, qui vient du grecépikoinos, signifiant «icommun ». Eneffet, le sens du mot s’est élargi avec letemps.

• Dans la grammaire de Grevisse(7eiédition, 1961, paragraphe 249), lemot épicènepossède une forme, unsenset un genre uniques, communsaux mâles et aux femelles de certainesespèces animales. Lorsque l’on parled’une souris ou d’un mille-pattes, unmot de forme invariable désigne unanimal unique (sens), dont le genren’est pas marqué. L’originalité de ladéfinition de Grevisse tient au fait quele mot épicènese caractérise par ungenre non marqué, qu’il soitmasculin ou féminin. Correspondentaussi à cette définition des motsmasculins appliqués à des êtreshumains que Grevisse appelle, dans laremarque qui termine le paragraphe249, « mots hermaphrodites» : il citeascendantet conjoint (l’édition datede 1961).

• Dans une édition récente duLarousse et dans Le Robert, apparaîtune nouvelle définition du mot

épicène, qui complète parfois lapremière : le mot épicène possède uneforme et un senscommuns aux deuxgenres, qui sont marqués. Unantiquaire, une antiquaire sont desêtres désignés par un mot de formeidentique, définis par une professioncommune (sens) et dont le genre,variable, est exprimé par l’article. Onpeut encore citer un aigle (oiseau) etune aigle (sa femelle), tandis qu’unaigle (oiseau) et des aigles, fémininpluriel (enseigne nationale oumilitaire) sont homonymes, cardifférents par le sens.Grevisse, au paragraphe 248 quiprécède celui que nous avons cité,donne une liste de mots dont la formeet le sens sont identiques, mais legenre variable (aide, enfant, élève…).Il ne les assimile pas aux motsépicènes à cause de cette dernièrecaractéristique.

L’acception du mot épicèneproposéepar le Larousse et Le Robert permet,sans créer de formes nouvelles, deféminiser certains noms masculins :

• Tout d’abord, des noms de métierset de professions qui se prêtent à laféminisation car ils se terminent parun e muet. Quand le besoin s’en estfait sentir, des noms tels quejournaliste, cinéaste, notaire oucosmonautesont devenus épicènes,sans susciter de réactions négatives.

Le mot épicène

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37LE FRANÇAIS EN FRANCE

• D’autres noms de métiers et deprofessions ne se prêtent à aucuneféminisation. Si l’on désire, par soucide clarté ou par idéologie, lesféminiser, le mot épicène peut offrirune solution, qui sera sans doutebrocardée par les sceptiques. On songeà des noms composés comme clerc denotaire, maître nageur, ou chef decuisine, à une époque où la premièrefemme chef de cuisine vient d’obtenirtrois étoiles. Il s’agit là d’uneévolution possible de la langue dontl’avenir et – espérons-le – le bon goûtautant que le bon sens décideront.

• La fonction, c’est-à-dire une activitéqui n’est ni une profession ni unmétier, pose de façon aiguë leproblème de la féminisation en raisonde l’accès des femmes à desresponsabilités nouvelles. La pratiquea vu apparaître « la ministre », « lamaire »… formes condamnées parl’Académie française qui distingue lafonction de la personne qui l’exerce etdéfend le masculin en tant que genrenon marqué.

• Le titr e est une qualification quidonne le droit d’exercer une fonction,une profession, un métier. Si l’onprend l’exemple du mot docteur, onconstate que le substantif doctoresse

est souvent dédaigné : on ne voit jamais ce titre figurer sur une ordonnance. Laféminisation à la québécoise, quiaboutit à la forme docteure, estcritiquée parce qu’elle n’est justifiéepar aucune tradition grammaticale. Lemot épicène un docteur, une docteurs’imposera-t-il ? Au contraire, le genrenon marqué l’emportera-t-il ?

Nous vivons une époque dechangement très intéressante. Quelsque soient les opinions et les partispris, il est probable qu’il faudraconserver, dans certains cas, la formemasculine pour éviter la cacophonie etle ridicule. Les adeptes de laféminisation se consoleront à lapensée que l’on admet un genre nonmarqué de forme féminine pourcertains titres : Sa Saintetés’appliqueau Pape, Sa Majestéà un roi ou à unereine…Il est en tout cas souhaitable que soientévitées des formules telles que «iLaprix Nobel de la paix » (France Info,23 février 2007, 14 h 25) : l’emploi decette périphrase pour désigner unefemme ne saurait en aucun casféminiser le mot prix, fût-il Nobel !

Anne-Marie LATHIÈRE

À t i t re de promot ion :chaque adhérent c i té dans la revue

reçoi t deux exemplaires supplémentaires de DLF .

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Du danger d’être t rop l iant

Analysant la façon dont s’expriment les journalistes et animateurs de télévision,Henriette Walter, linguiste et membre du Conseil supérieur de la langue française,observe une tendance à faire trop de liaisons : « Quand les journalistes et lesanimateurs lisent leur texte ou leur prompteur, on assiste à un phénomène trèscurieux, ils font plus de liaisons que nécessaire. Dans le langage courant on ne faitpas de liaison avec le t, eux si. Par exemple, ils diront en “chantant t’et parlant”. Cequi paraît presque incongru ! »1

Cette remarque ne contredit en rien les lettres et courriels reçus par le Conseil pourdénoncer l’absence de liaison pourtant indispensable entre l’adjectif numéral et le moteuro, régulièrement évoquée dans cette rubrique depuis janvier 2002, date d’adoptionde la monnaie européenne.

Les liaisons obligatoires sont parfois omises mais il arrive très souvent, comme lesouligne Henriette Walter, que par souci de bien dire – la «iprononciation liée » étant,bien à tort, perçue comme une marque du beau langage2 – l’on fasse des liaisonsabusives, en particulier entre le substantif singulier et l’adjectif, comme « legouvernement t’actuel », « le Crédit t’agricole », relevées dans les journaux télévisésou encore « un sujet t’intéressant», « le président t’américain».

Toutefois, si en direct nul n’est à l’abri d’un lapsus, il n’en est pas de même pour lesmessages publicitaires qui passent à l’antenne. Or, un message télévisé pour unemarque automobile, diffusé en décembre dernier, comportait une phrase qui résonnaitbizarrement à l’oreille : « Moi, je m’en suis offert t’une ». Fallait-il entendre « Moi,je m’en suis offerte une », avec une faute d’accord du participe passé ou « Moi, jem’en suis offert t’une », avec une liaison erronée qui équivaudrait à dire : « je me suisoffert t’une voiture » ? Véritables chausse-trappes3 de l’oral, il est une fois de plusdémontré que les liaisons nécessitent une constante vigilance.

* Numéro 202 (janvier 2007).1. Henriette Walter : « Le langage à la télé s’uniformise », Le Figaro, 11 novembre 2006.2. L’annonce téléphonique « Veuillez laisser r ’un message après le bip » est ressentie comme plus chic quele simple « Veuillez laisser un message », malgré la règle qui veut qu’on ne lie pas le r final des verbes ener excepté dans la tradition théâtrale et en poésie. Personne ne songerait à dire : « Il a dû renoncer r ’à sesprojetsi» ou « Nous allons assister r ’à cette réunion. »3. Orthographe conforme à celle du Dictionnaire de l’Académie française, Le Petit Robert 2006 et Le PetitLarousse illustré 2005, indiquant deux orthographes possibles : « chausse-trape » ou « chausse-trappe ».NDLR : Voir à la page XVII la lettre que nous a adressée M. Michel Boyon, président du CSA.

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Extrait de la Lettre du CSA*

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L e s a v i e z - v o u s ?

L E S V E R B E S F R A N Ç A I S

VERBES EN -DRE (sui te)

POINDRE (suite et fin)b) intransitif, « commencer à paraître ». Il est défectif. On le trouve à l’infi-

nitif et à la 3e personne du singulier de tous les temps et de tous les modes.Littré ne le voyait pas défectif. Aujourd’hui, il a tendance à être remplacé parun néologisme, le verbe pointer : le jour pointe; le génie pointa tôt chez lui.

B. Verbes n’ayant pas de i à l’infinitif

1. Verbes en -andre, -endre, -ondre, -erdre, -ordre, -ourdreIls ont le participe passé en u, sauf prendreet sourdre. Ils ont perdu le t final,

caractéristique de la 3e personne du singulier du présent de l’indicatif desverbes du 3e groupe.

Je rends, il rend, je rendais, rendis, rendrai(s), que je rende, rendissei;rendant; rendu(e).

• PRENDRE (et ses dix composés : APPRENDRE, COMPRENDRE,DÉPRENDRE, DÉSAPPRENDRE, ENTREPRENDRE, S’ÉPRENDRE,SE MÉPRENDRE, RÉAPPRENDRE, REPRENDRE, SURPRENDRE) aun participe passé en is : j’ai pris i; la décision fut prise.

• SOURDRE est très défectif. Il n’a plus que l’infinitif et les 3es personnesdu singulier et du pluriel de l’indicatif présent et imparfait : l’eau sourd,sourdait ; les émotions sourdent, sourdaient. Son participe passé était sours;il a disparu en laissant un dérivé substantivé : source.

2. Verbes en -oudreIls se conjuguent comme les verbes ci-dessus, mais le d se change à

certaines formes en une consonne étymologique : COUDRE, DÉCOUDRE,RECOUDREi; MOUDRE , ÉMOUDRE , REMOUDRE .

• Je cousais, cousis, que je couse, cousisse; cousant; cousu(e).• Je moulais, moulus, que je moule, moulusse; moulant; moulu(e).Attention au u du passé simple de l’indicatif et de l’imparfait du subjonctif.

Philippe LASSERRE

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L e s a v i e z - v o u s ?

Q U E L Q U E S E X P R E S S I O N S . . .Q U E L Q U E S E X P R E S S I O N S . . .à proposde la peau

Mourir dans sa peauNe pas changer, être incorrigible.

« Croyez-moi, vous mourrez, monsieur, dans votre peauEt vous mériterez cet illustre tombeau.» (Corneille.)

Faire peau neuveChanger complètement de conduite, de manière d’être.Changer de peaus’emploie métaphoriquement au sens de « changer de mode de

vie ».« Ah ! C’est dur de refaire peau neuve à cinquante ans !» (Flaubert.)

Avoir quelqu’un dans la peauC’est en être amoureux, entiché.

« Je l’ai tell’ment dans la peauQu’j’en d’viens marteau... » (« Mon homme », d’Albert Willemetz et

Jacques Charles, chanté, notamment, par Édith Piaf.)

Entr er (se mettre) dans la peau de quelqu’unS’identifier à lui par imagination.« D’ordinaire, devant tout ce qui différait de lui, il éclatait. Incapable de se mettre

dans la peau des autres, il réagissait par des coups de sang et de fureur.i» (PaulGuth.)

La métaphore est souvent utilisée en parlant des acteurs qui doivent entrer dans lapeau de leur personnage, s’y incarner.

« Je crois que je suis entré dans la peau du bonhomme.» (création de l’acteurBignon dans le rôle de Danton en 1850.)

Peau de balle !Expression populaire signifiant « rien du tout », la peau étant considérée comme

sans valeur. On dit aussi, pour la renforcer : peau de balle et balai de crin !et aussi :peau de zébi !

« Ici, les hommes d’la classe, comme v’là moi, ont tout juste peau de zébi, peau deballe et balai de crin.» (Courteline.)

Peau... d’hareng !Terme d’injure. Suivi du nom d’une chose comestible, d’un fruit, d’une partie du

corps..., peaua des connotations très péjoratives.« C’est cette peau de poubelle de Bonvillain, mais il ne perd rien pour

attendrei!i»i(René Fallet.)

Jean TRIBOUILLARD

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L e s a v i e z - v o u s ?

L E S F I G U R E S D E S T Y L EL E S F I G U R E S D E S T Y L E

Figures de pensée: après adynaton, allusion et anacénose(DLF, no 213), allégorie (noi214),anacéphaléose, antapodose, antéisagoge(no 215), antéoccupation, antiparastase, antithèse(noi216),apagogie, astéisme, atténuation (no 217) autocatégorème, auxèse, déprécation (no 218), cir-conlocutionet diasyrme(no 219), dubitation, enthymèmeet épanorthose (no 220), épiphonème,épiphrase, euphémisme (no 221), gradation, hyperboleet hypotypose (no 222), imprécation, litote etmétaphrase(no 223).

NOÈME n. m., du grec noêma, « pensée (au sens de maxime) ». Cette figureest construite sous la forme d’une pensée ou d’une sentence. Il s’agit d’undiscours complet et non d’une figure rapportée, comme dans l’épiphonème etl’épiphrase (voir ces mots).• LesPensées de Pascal :« L’homme n’est qu’un roseau, le plus faible de la nature ; mais c’est un roseau

pensant. »« L’homme n’est ni ange ni bête, et le malheur veut que qui veut faire l’ange

fait la bête.»

• LesMaximesde La Rochefoucauld :« On ne blâme le vice et on ne loue la vertu que par intérêt. »« Tout le monde se plaint de sa mémoire, personne de son jugement. »

On peut citer à côté du noème :

L’ APHORISME , n. m., du grec aphorismos, « séparation, distinction, sentencei».On connaît les aphorismes de Lichtenberg :« Non cogitant, ergo non sunt.»« Dieu créa l’homme à son image, dit la Bible ; les philosophes font le

contraire, ils créent Dieu à la leur. »À l’origine, les aphorismes n’étaient que des sentences médicales : Les

Aphorismesd’Hippocrate.

L’ APOPHTEGME , n. m., du grec apophthegma, « maxime, sentence ». Ils’agit d’une maxime mémorable de personnages connus. Plutarque a écrit les«iApophtegmes des rois et capitaines célèbres »

Il ne faut pas confondre le noème (noêma), au sens de pensée comme moyen deréflexion, et la noèse (noêsis) au sens d’action de penser.

Philippe LASSERRE

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L e s a v i e z - v o u s ?

Courrier des internautes

Q. : Le mot « raciste » est un non-sens puisque tous les êtres humains sontde la même race : la race humaine. Leurs différences sont morphologiquesmais ils sont TOUS de la même race. Il faudrait inventer un autre mot.Pourquoi pas « rejettiste » ?

R. : La signification d’origine de race est celle d’un groupe dont lesindividus ont des caractéristiques communes, dans un concept varié (famille,catégorie sociale ou professionnelle, milieu...). Le glissement s’est faitnaturellement plus tard vers l’idée de personnes ayant des caractèresbiologiques ou morphologiques acquis.

Le premier Dictionnaire de l’Académie(1694), nous dit :Lignée, lignage, extraction, tous ceux qui viennent d’une mesme famille. Il

est d’une race illustre, ancienne. Il vient d’une noble race, d’une race de gensde bien, il est de la race royale. Il y a eu de grands hommes, de grands Princesdans cette race.

Race, se dit aussi des animaux domestiques, comme Chiens, chevaux, bestesà cornes. Ce chien, ce cheval est de bonne race.

C’est dans la septième édition (1878) qu’on trouve la nouvelle acception :Race, se dit, par extension, d’Une multitude d’hommes qui sont originaires

du même pays, et se ressemblent par les traits du visage, par la conformationextérieure. La race caucasienne. La race mongole. La race juive. Leshabitants de ce royaume, de cette province sont une belle race d’hommes. Ilse dit également d’Une variété constante dans l’espèce humaine. La raceblanche. La race noire. La race jaune.

Cet élargissement du sens premier vers celui d’ethnie s’est donc établi assezrécemment, permettant de définir une distinction en fonction d’une régiond’origine et de certains caractères physiques devenus héréditaires. C’est unprocessus d’évolution sémantique extrêmement fréquent. Si l’on n’acceptepas le mot racismeparce qu’on le restreint à la signification originelle de race,rejettismene serait pas mon choix ; je dirais plutôt ethnophobie. Mais je nevois pas de raison d’abandonner le vocabulaire actuel, qui ne paraît pas, dansson extension, en contradiction avec l’étymologie.

Jacques PÉPIN

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Mots familiers du monde du spectacle

Le « showbiz » (comme on dit en excellent français) a apporté à notre languede nombreux mots, très souvent d’essence anglo-saxonne. Ces mots, adoptéspar l’immense majorité, sont tellement incrustés dans notre tissu linguistique,chic ou vernaculaire, qu’on n’y peut plus rien changer : music-hall, star,casting*, scotch... sont notre quotidien. D’autres mots du monde du spectaclesont moins connus. Ce sont des termes de métier d’un monde relativementfermé. Ouvrons-le. (Liste non exhaustive.)

MusiqueGRATTE : guitare sèche ou électrique. Si vous demandez à « une » guitariste

si elle joue aussi bien de la mandoline, vous risquez de recevoir une gifle. (Necherchez pas à savoir pourquoi. Ne le faites pas, c’est tout.).

MATÉRIEL : partitions. PARTOCHE : partition. PLEIN DE NOIR : partition comprenant de nombreuses notes. SANDWICH : harmonica. TROMPINETTE : trompette de jazz (selon Boris Vian). SAUCISSON ou TUBE : grand succès populaire avec grosse vente à la clé.FAIRE UN TABAC : triompher en public (au théâtre aussi). FAIRE UN BIDE ou UN FLOP, ou PRENDRE UNE TASSE, UNE BOLÉE : échouer

face à un public, qui n’applaudit pas ou vous injurie. PINCER DU JAMBONNEAU : jouer de la guitare.

ThéâtreTORCHON : rideau de scène. CÔTÉ JARDIN : côté de la scène, à droite de l’acteur regardant la salle. CÔTÉ COUR : côté de la scène à gauche de l’acteur. BOULER : aller trop vite et mal articuler le texte. PARLER À LA CANTONADE : lancer le texte vers les coulisses, à l’intention

d’une personne invisible des spectateurs.

CinémaGAMELLE : projecteur de lumière. PROJO : projecteur pour la lumière ou la bande film.

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L’APPAREIL : la caméra. (Raimu disait : « La machine qui fait cra-cra !»).PERCHE : long tube avec micro suspendu, tendu à bout de bras par le

perchiste que d’aucuns continuent à nommer «iperchman ». TRAVELLING -MAN : le machiniste qui pousse le chariot de travelling. SCRIPT : traitement complet du film, imprimé, avec indications précises de la

technique et des dialogues. RUSHES : premières projections, en privé, des prises de la journée.DÉCOUVERTE : élément du décor le plus éloigné de la caméra : le fond. Aller

vers la découverte... TRANSPARENCE : écran où est projeté une séquence. Les acteurs, sur le

plateau, se superposent à l’image agrandie. TOILE : l’écran. FRIMANT : figurant. FRIME : figuration. PANNE, PANOUILLE , SILHOUETTE : petit rôle visible à l’image, parfois nanti

d’un texte bref. BALANCER LA SAUCE : allumer les projecteurs lumière. (Dans le passé, ces

projos, dits « 1i000 kilos », ne devaient jamais être regardés, comme le soleil.Certains y ont perdu la vue, telle Arletty.)

DOUBLEURS : post-synchronisateurs. Des comédiens tels que Roger Rudel(voix de Kirk Douglas), Robert Dalban (voix de Clark Gable), Sophie Leclair(voix de Liz Taylor et Shirley MacLaine), Jean Martinelli (sociétaire de la

Comédie-Française),furent des doubleursfameux, auxquels lesgrandes «istarsi» étran-gères doivent une part deleur succès en France(Laurel et Hardy entêtei!)...

CLAP DE FIN .

Serge LEBEL

* NDLR : il est recommandé d’employer auditionou distribution.

Dans Münchhausen(1943), Hans Albers a été « doublé » deux fois enfrançais. Preuve : La scène du duel dans l’obscurité. Dans la premièreversion, il dit «iCoucoui!i» et dans la seconde : « À toi ! ».

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Apparemment, le Français actuel,quand il croit parler français, déteste lesingulier collectif. Il ne dit plus lepersonnel, mais les personnels;l’ef fectif, mais les effectifs. J’ai enten-du dire que 80 % « des populationsi»d’un département allaient se fairevacciner contre les troubles desméninges.

Apparemment, dis-je, car en fait, leFrançais actuel, s’il en délaisse de bonsvieux, adore les singuliers collectifsquand il peut les féconder lui-même invitro, ou, s’il en adopte un tout fait, ille rajeunit en lui transfusant un senstout neuf (le lectorat, par exemple,

désignait initialement, dans l’Église,la charge de lecteur et non l’ensembledes lecteurs). On a vu ainsi apparaîtrel’ auditorat. Plus récemment, un salona bénéficié d’un très gros «ivisitorat ».Je n’ai pas encore vu de spectatorat,mais ça va venir. Quand le spectatoratest trop turbulent, c’est le vidorat quientre en action. Si cet article ne plaîtpas à quelqu’un, qu’il s’en prenne, nonà moi, car j’utilise des compétencespour l’écrire (certains diraient desnègres), qu’il s’en prenne donc à monscriptorat défaillant.

Bernard LECONTE

S c r i p t o r a t d é f a i l l a n t

Rêves de la vie d’un homme

À deux ans, on rêve de parler et de marcherÀ six ans, on rêve de lire et d’écrireÀ quinze ans, on rêve de séduire les fillesÀ dix-huit ans, on rêve d’obtenir son permis de conduireÀ vingt ans, on rêve de se marierÀ vingt-cinq ans, on rêve d’avoir des enfantsÀ quarante ans, on rêve d’être toujours mariéÀ cinquante ans, on rêve d’avoir des petits-enfantsÀ soixante ans, on rêve de séduire encore À soixante-dix ans, on rêve de pouvoir encore conduireÀ quatre-vingts ans, on rêve de toujours lire et écrireAprès quatre-vingt-dix ans, on rêve de courir encore.

Xavier BOISSAYE

NDLR : Voir page 57 la présentation du nouvel ouvrage de Bernard Leconte : À la recherche du bonfrançais

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Pour vous faire sourire, nous avons retenu quelques-uns de ces « On ne ditpasi», qui circulent sur l’internet et que nous a transmis Alfred Gilder.

On ne dit pas « Hélène Segara », mais Hélène s’est perdue.On ne dit pas « polémiquer » mais Paul et sa souris.On ne dit pas « c’est l’Amazone », mais c’est là que j’habite.On ne dit pas « la maîtresse d’école », mais l’institutrice prend l’avion.On ne dit pas « javéliser », mais j’avais lu.On ne dit pas « mine de rien », mais gisement épuisé.On ne dit pas « dégâts des eaux », mais des marins.On ne dit pas « adéquation », mais y a-t-il des questions.On ne dit pas « un conquistador », mais un imbécile qui t’aime.

Jeux de mots

La méthode Thimonnier*

Dians un article paru le 9 février etiintituléi:i«iOrthographe: les collé-

giens de cinquième sont tombés auniveau des élèves de CM2 de 1987i»,Le Monde rend compte d’une récenteenquête selon laquelle l’orthographedes jeunes Français serait de plus enplus mauvaise. Et l’une des enquê-trices, Danielle Manesse– maître deconférences à l’IUFM de Paris – deproposer comme remède une…réforme de l’orthographe. Une de plus,une fois de plus.

Est-ce à dire que rien ne doit changer?Certainement pas. Mais il conviendrait

d’abord de réformer l’enseignementde l’orthographe. Car notre ortho-graphe comme notre grammaire sont,depuis 1835, enseignées selon desméthodes irrationnelles fondées sur peude règles et beaucoup d’exceptions.

Or, il existe une méthode rationnelle.Elle a été créée par René Thimonnieren 1967 – après quinze ans de travail –,exposée dans un ouvrage publié cetteannée-là chez Plon et intitulé Lesystème graphique du français.Introduction à une pédagogierationnelle de l’orthographe (ouvragepréfacé par Étiemble), puis développée

* NDLR : Cet article est publié parallèlement dans Le Dévorant, revue du Cercle littéraire desécrivains cheminots, dont Raymond Besson est le président.

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dans un Code orthographiqueet grammatical paru chezHatier en 1970 et couronné parl’Académie française.

Le principe de la méthodeThimonnier est simple. Prenonsl’exemple du vocabulairei:i«iEncentrant son analyse, non point sur desmots isolés, mais sur des sériesanalogiques, Thimonnier démontrequ’au lieu de 35i000 mots à consi-dérer, il suffit de 4i500 séries, ce quidiminue les difficultés dans la pro-portion de sept à un», dit Étiemble.Voyons cela.

Les mots en im(m)Les préfixés s’écrivent tousavec deuxim, les non-préfixés(familles de image et imiter)n’en prennent qu’un. Partantdeilà, on peut définir une règlesimple et rigoureusementexhaustive : elle s’applique auxquelque 2i000 mots quicommencent par i-, et elle ne comporteaucune exception.

Les mots en -ionL’ n est toujours doublé, sauf dans lecas du suffixe -al, qui est d’originesavante. D’où: impressionner, ac-tionnaire, ascensionniste, collectionneur,fusionnement, traditionnel ; maisnational et traditionaliste. Dans les 93ifamilles de mots en -ion,on ne trouve que deux graphies«iexceptionnelles »: confessionnal et

millionième, qui devraientnormalement s’écrire:confessional et millionnième.

La famille de honneurIl y a 11 mots avec l’n simple(honorer, honorable…) et 10avec l’n double (honneur,

honnête…) Eh bien ! Mettez ces motssur deux colonnes et vous constaterezque tous ceux qui comptent un secondo (honorer, honorable, honoraire,honorifique…) n’ont qu’un seul n ; lesautres en ont deux!

Voilà ce qu’est le travail de génie deRené Thimonnier. Je peux vous

assurer que tous ceux quiprennent le temps de lire lesouvrages cités ci-dessus sontsubjugués, conquis, marquésàivie… et cessent aussitôtdeocritiquer l’orthographefrançaise et de vouloir laréformer.

Et tenez-vous bien: lorsque les35i000 mots que Thimonnier a étudiésont ainsi été « mis en règles », il nereste que 228 exceptions, que RenéThimonnier propose de rectifier.Encore faut-il dire que 22 seulementde ces 228 mots appartiennent auvocabulaire courant. Les voici, avec,entre parenthèses, l’orthographe quel’auteur suggère:– agrément (agréement) – becquée (bequée)i; becqueter(bèqueter)i; bifteck (biftec) ;

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boursouflé (boursoufflé)i; bracelet(brasselet)– cantonade (cantonnade)i; chariot(charriot)i; châtiment (châtiement)i;clown (cloun)i; club (cleub)i; courrier(courier)– déjeuner (déjeûner)i; discussion(discution)i; dissous (dissout)– favori (favorit)– gaiement (gaiment)i; groseillier(groseiller)– limonade (limonnade)– oignon (ognon)– patronage (patronnage)– zinc (zing).

Bien entendu, le travail de RenéThimonnier, que nous avons illustrépar le vocabulaire, porte aussi surl’ ensemble de la grammaire.

Alors, direz-vous, pourquoi la réformede René Thimonnier n’a-t-elle jamaisété appliquée ? Sans doute parce queThimonnier n’avait pas les «isacre-mentsi» utiles. Il n’était ni linguiste,niigrammairien, ni normalien, niacadémicien, ni journaliste ; il ne futque simple professeur de français. Etcela pèse, même si Joseph Hanse aécrit : «iVotre originalité est d’avoirdécouvert des structuresdont la plu-part n’étaient même pas soupçonnées.Grâce à elles, on peut enfin délimiterle champ d’une réforme sage etsuffisante. » Même si Étiemble aassuré : « Ce n’est rien de moins

qu’une révolution que vous faites danscette république qu’est la pédagogietraditionnelle de l’orthographe dontvous êtes le Christophe Colomb.»Même si Maurice Grevisse a confié:«iL’avantage de cette découverte,c’est que bien des difficultésd’écriture, qui échappaient à toutecodification, vont être désormaissurmontées.»

J’ai rencontré une fois RenéThimonnier. C’était lors d’un débat surla langue française organisé parRaymond Barre, au milieu des annéesquatre-vingt. Perdu dans une immensesalle, il s’est levé et a pris la parole.L’homme était âgé, voûté, déjà ravagépar la maladie de Parkinson. Mais,lorsqu’il a parlé, lorsqu’il a expliquésa théorie des séries en prenantl’exemple de la famille d’honneur, ilm’a séduit, à tout jamais. Et jevoudrais remercier Jeanne Ogée, vice-présidente de la Biennale de la languefrançaise, de m’avoir permis depénétrer dans la méthode pour laquelleelle s’est tant battue. Et si l’on mepermet un vœu,c’est que laDélégation générale à la languefrançaise et aux langues de Franceétudie à fond la méthode Thimonnieravant d’engager toute nouvellerévision de l’orthographe.

Raymond BESSON

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Une orthographe à deux niveaux… et plus

QiUE de qualificatifs ne rencontre-t-onipas pour définir les méthodes

d’apprentissage de la lecture et de l’ortho-graphe : phonétique, phonologique, alphabé-tique, syllabique,globale, mixte, etc., lestermes syllabique, phonétique, phonologiqueet alphabétiqueétant d’ailleurs souventmis les uns pour les autres, ce qui n’est passans surprendre...L’opposition principale repose sur ladistinction entre syllabique et global. Pourles partisans du premier, les unités sont lalettre et la syllabe, la syllabe étant consti-tuée de plusieurs lettres. Pour les partisansdu second, l’unité serait le mot.

Le français est essentiellement écrit aumoyen de lettres, ce qui explique qu’ilpuisse être rangé parmi les languesalphabétiques. La lettre se définit commel’unité récurrente dépourvue de sens. Quoide plus logique alors que de commencerl’apprentissage de la lecture par laconnaissance de l’alphabet, puis deprocéder au groupement des lettres ensyllabes et des syllabes en mots.Mais connaitre les lettres de l’alphabet estune chose, connaitre leurs combinaisons enest une autre, fort différente.Quel est le statut de la lettre dansl’orthographe du français?Retenir la lettre comme unité du «isys-tèmei» graphique du français conduit àune impasse, dans le domaine de la lecturecomme dans celui de l’orthographe.En effet :– pour la lecture, p et a font [PA] danspapa mais pas dans pantoufle, pain oupaupière. Donc dire que p et a font [PA],c’est enseigner quelque chose qui est trèssouvent faux. Et tout enseignant sait quel’on ne doit pas fixer dans la mémoire d’un

enfant, même provisoirement, quelquechose qui est faux, c’est une fautepédagogique majeure. Et les difficultés netarderont d’ailleurs pas à apparaitre:comment l’enfant lira-t-il et écrira-t-il lemot oiseau ?– pour l’orthographe, c’est la catastrophei:la réalité est que si l’on applique le principede correspondancelettres / phonèmes, onenseigne à l’enfant une écriture dite(d’ailleurs à tort) phonétique, que mêmeles réformateurs les plus audacieuxhésitent à proposer! Appliquer cettedémarche, c’est enseigner par exempleque bateaudoit s’écrire bato, que oiseaudoit s’écrire wazo ou peut-être oazo, etc’est effectivement ce type de graphiequ’induit très souvent la méthode ditesyllabique.La réalité est que la lettre n’est pas l’unitéfonctionnelle du français écrit. Elle n’estqu’une unité de premier niveau: elle estl’outil au moyen duquel on construit lavéritable unité de l’orthographe française,le graphème, unité de second niveau,véritablement fonctionnelle par sesrelations avec l’oral et ses valeursmorphologique et distinctive.Autant le fait d’associer systématiquementune lettre à un phonème constitue uneerreur grave, autant associer un graphèmeà un phonème est conforme au principefondamental de l’orthographe française,celui de la relation de l’écrit à l’oral. Eneffet 83i% des graphèmes transcrivent desphonèmes. Ces graphèmes peuvent êtreconstitués d’une lettre, ex. b, a, ldans bal,ou de plusieurs, ex. ai dans balai, ain dansbain, an dans maman, etc. Mais, me dira-t-on, on parle depuis longtemps de«igroupes de lettres». Certes, mais sanspréciser le contenu de cette notion, de

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sorte qu’un «igroupe de lettresi» désigneaussi bien gn que ouf, ec, est, str, parfoisavec des équivalences surprenantes, tellesii = y, oii = oy, aii = ay, ce qui, d’un pointde vue théorique, n’est pas erroné maisintroduit des graphies inexistantes etconstitue de ce fait une difficultésupplémentaire. Qui plus est, certaines équi-valences, telles eu = œu, in = ain = ein,éi= er = et = ez, donnent à croire que l’onpeut écrire à volonté l’une ou l’autre deces graphies (on aura reconnu une méthodefort prisée des partisans de la méthodesyllabique). Or depuis les années 1980, lesgraphèmes ont fait l’objet d’étudesapprofondies. Ils sont classés, en fonctionde leur fréquence et de leur fonctionalité,en quatre classes, ce qui permet d’envisa-ger une progression. Sans développer icices travaux, je dirais simplement que lapremière classe regroupe 33 graphèmesqui permettent de transcrire tout discoursoral. Cependant, cette transcription est prochedu phonologique et, à mon sens, ne sauraitconstituer la première étape dans l’acqui-sition de l’orthographepuisqu’elle induiraitpar exemple la graphie bato. En revanche,la deuxième zone, celle des 45igraphèmesde base, est certainement celle qui doit êtreprivilégiée. Dans cette zone se trouvent eneffet des mots tels que bec, règle, chairpourla transcription de [E], sol, pot, chevaux,bateau, oiseaupour celle de [O], etc.Les graphèmes ne se définissent passeule-ment par la fonction de rapport àbl’oral.

S’ajoutent la fonction morphologique, quipeut être lexicale (par exemple le t de haut,prononcé dans hauteur) ou grammaticale(conjugaison, marques de genre et denombre), et la fonction distinctive (ex.bè / aidans père / paire, an / en danspense / panse).Avoir conscience que l’orthographe fran-çaise est une orthographe à deux niveaux,voilà qui permet d’entrer au cœur même deses régularités et de participer à la compré-hension de son fonctionnement réel.Mais ces deux niveaux ne concernent quela strate graphémique. Une démarche péda-gogique cohérente doit également retenir lesautres strates, celles des structuresmor-phologique, morphémique (où se situentles composants du mot, tel eau dansrenardeau, perdreau, mais aussi dansbateau, chapeau), lexicale, syntaxique ettextuelle. Une même graphie relèvesouvent de plusieurs strates. Ainsi, eauserencontre dans les strates graphémique,morphémique et lexicale. C’est en prenanten compte l’ensemble de ces niveaux etstrates, et à tout moment duiparcoursd’acquisition, dans des proportionsvariables et en des termes toujourscompréhensibles par l’apprenant, que semettra en place une pédagogie efficace,fondée sur la capacité de réflexion, car «cequi ne peut se faire par la raison, et par pru-dence et adresse, ne se fait jamais par laforce » (Montaigne, Essais, livre II, 8).

Claude GRUAZ

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NDLR : Cet article tient compte des rectifications orthographiques de 1990.

* Pour cette approche de l’orthographe: L’or thographe française,traité théorique et pratique, de Nina Catach, avec la collaboration deClaude Gruaz et Daniel Duprey (Nathan, 1re édition 1980) ; égalementAspects du mot français, écriture, structure et sens, de Claude Gruaz(L’Harmattan, 2005).

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À v o u s d e j o u e r !

Horizontalement :1. Nous connaissions son maître, sa biographie nous est maintenant révélée. 2. Instrument à vent. Démonstratif.3. Il défend ardemment notre cause en Europe. Danse.4. Château picard. Comptes et dépenses.5. Bien charpentées. Oui.6. Se fait sous un orme.7. Remorquant.8. Bien petits sur la carte.9. Appréciation. Les disparus de ce Saint en sont tout retournés.10.Repaire de sorcières. Celui de l’intérêt varie.11. La mouette l’est parfois. Petit serpent grec.

Verticalement :A. Quand Richelieu s’intéresse à la musique. Combien de deniers ont-ils ?B. Naturels. Poisson qui pourrait rendre alcoolique.C. De son boulevard, on voit les Pyrénées. Roi biblique. Environ 576 m.D. Montagne utilisée comme préfixe. Après si. Rhéteur célèbre.E. Prétendument utilisée pour laver le verre. Mis en mouvement.F. Pronom ou préposition. Capitale en Corée.G. Si ce n’en est pas, c’est du cochon. Si c’est de l’art, ce n’est pas du cochon.H. Tout bleu. Belle forêt pour les promenades de Poutine.I. Rien de nouveau pour eux.J. Photo. Eliot. Après le nu.

Solution dans le prochain numéro.

A B C D E F G H I J

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L AL A L A N G U E F R A N Ç A I S E P O U R L A N G U E F R A N Ç A I S E P O U R

U N C H E FU N C H E F D ’ O R C H E S T R ED ’ O R C H E S T R E

F r é d é r i c L o d é o n

Permettez-moi de vous dire tout d’abord la joie que j’éprouve à être en votrecompagnie, et aussi, la confiance que je ressens. Confiance, parce que je suis certainde ne pas entendre jusqu’à la fin de cette réunion : « un espèce de», « les événementsavec lequel nous sommes confrontés», « le train pour Bordeaux partira de la voieune», ou pire : « de la voie numéro une», « un autoroute», «iun HLM», « aller envélo », « pour pallier à ce problème», «iune gageure » – prononcé comme unmalheurau lieu de « gajure » – « j’en ai les oreilles rabattuesi», « vingts élèves», ouencore, entendu récemment : « Avec ces gens-là, Monsieur, tout est capable.»

Mais pourquoi en vouloir au Québécois qui vous dit : « J’vais chercher mablonde avec mon char », même si son amoureuse a les cheveux couleur de jais, etmême si sa voiture n’a que deux places ? Et si à la Martinique, terre d’origine dema famille, on vous demande « Ça ou fé ? », (Comment ça va ?),vous aurez peut-êtreplaisir à répondre : « Tout douce... » Et si on vous y propose le « Pété pied », necraignez pas une agression contre vos membres inférieurs. C’est que l’on veutvous offrir successivement un verre de rhum blanc, un verre d’absinthe – toléréelà-bas –, et pour adoucir le tout, une rasade d’eau de coco. Après la troisièmetournée, essayez donc de vous lever, surtout si ce rituel a eu lieu en plein soleil surla plage des Salines. Et ne rougissez pas, Mesdames, en entendant au marché deFort-de-France les joyeuses doudous appeler les petites bananes des « rhabillez-vous, jeune homme » et les grosses, des « ouaille, maman ! ».

D’un vieil homme qui a un peu perdu la tête et se met à raconter sa vie dans ledésordre, on dit qu’il «idéparlei». N’est-ce pas plus imagé que de dire «iil délire »i?Et plus délicat que « Ouah, le vioque, il a pété un câble ! » Toutes ces inventions,toutes ces licences, poétiques ou non, et quelles que soient leurs qualités, sont unhommage à la langue mère et lui donnent des couleurs bien pittoresques.

Les remerciements du lauréat de notre prixRichelieu 2007 (voir p.iIII) furent un hymne à lalangue française et à la musique.

Outre une médaille et trois ouvrages offerts parDLF, Frédéric Lodéon reçut Le Grand Robert de lalangue françaiseen six volumes, cadeau des éditionsLe Robert.

Rappelons que ce prix est aussi subventionné par laDélégation générale à la langue française et auxlangues de France.

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Et ce n’est pas négliger le français que d’accepter dans le domaine musical :pianissimo, piano, mezzo pianoou mezzo forte, forte, fortissimo. Ou adagio,adagietto, lento, andantino, andante, allegretto, allegro, vivace, vivacissimo. Cestermes sont compris des musiciens du monde entier, de même qu’arco (avecl’archet), pizzicato(en pinçant la corde avec les doigts), col legno(avec le bois),et bien sûr, concerto. En revanche, nous n’avons pas eu à emprunter ou féminiserles noms d’instrumentistes, puisque l’on dit : un ou une pianiste, violoniste,hautboïste, harpiste, etc. Mais pourquoi soprano, mezzo-soprano, alors que cesmessieurs sont appelés ténor, barytonet basse? Ce sont les mystères de l’usage,et ses facilités qui font que courriel a du mal à s’imposer face à « e-mail », etapparenceface à « look ». Mais nous avons bien réussi à prononcer les noms deBach, Mozart ou Schubert à la française.

Comme la langue, la musique a ses origines, ses règles et ses plaisirs. On peutimaginer sa naissance ainsi.

Les bruits de la nature ont impressionné les premiers habitants de la terre :grondements de l’orage ou des éboulements rocheux, sifflements, mugissements,ululement du vent, rumeur de l’eau qui s’écoule paisiblement ou qui éclate en cas-cades, cris inquiétants ou familiers des animaux. Rugissements ou feulements descarnassiers, pépiements, roulades, trilles des oiseaux... Les nuances sont multiples etl’oreille de nos lointains ancêtres s’en est trouvée richement éduquée. Un chasseur aurepos a pu s’amuser à faire vibrer la corde de son arc pour reproduire le son entendulors du lâcher de ses flèches : il venait d’inventer le principe de la harpe. Un enfantà l’affût au bord d’une mare a peut-être soufflé un jour dans un roseau et entendu unson nouveau qu’il pouvait reproduire à sa guisei: la flûte était née. Mais la voix futcertainement le premier moyen d’expression à tendance musicale. Les cris dedétresse, de joie, de triomphe, les appels, les gémissements plaintifs ou voluptueuxont constitué une gamme d’intensités, de significations, d’émotions reconnaissablesqui, petit à petit, ont imprégné les consciences : les sons ont acquis une identité, ilssont devenus des codes affectifs. Tout cela a favorisé la naissance du chant, moyenplus ou moins harmonieux de partager des sentiments, d’éveiller chez l’autre lacompassion, la joie, l’angoisse, d’exprimer la crainte ou l’amour. Qu’est-ce qui a pupousser certains individus à vouloir perfectionner ces rudiments pour arriverprogressivement à la mélodie, au rythme et à l’harmonie ? Encore une question quimet en relief les capacités d’évolution et d’invention de nos ancêtres.

Bien plus tard, Grégoire Ier Le Grand, pape de 590 à 604, fera codifier les chantsliturgiques de la chrétienté et créera le chant grégorien. Au XIe siècle, le moine Guid’Arezzo posera les bases du solfège moderne en utilisant les premières syllabesd’une hymne à saint Jean-Baptiste :

Ut queant laxisResonare fibris

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Mi ra gestorum Famuli tuorum Solve pollutiLabii reatumSancte Johannes

(Afin que tes serviteurs puissent chanter, à gorge déployée, les merveilles de tesactions, ôte, saint Jean, le péché de leurs lèvres souillées.)

L’ Ut sera changé en Do, pour plus de facilité de prononciation, par des Italiens,au XVII e siècle. Les peuples anglo-saxons et allemand ont préféré se servir delettres de l’alphabet (C, D, E, F, G, A, B ou H). Peu importe. On pouvait dès lorsdésigner les notes clairement.

Il a fallu attendre le XIV e siècle pour que la musique instrumentale soit, elle aussi,copiée, et donc préservée en partie d’un oubli définitif. Ainsi, de tâtonnements entâtonnements, d’expériences en expériences, se sont développés deux magnifiquessupports de la pensée humaine : le langage et l’art des sons. Grand merci à tousnos prédécesseurs sur cette planète. Merci à Monteverdi, Vivaldi, Rameau,Couperin, Bach, Mozart et tant d’autres. Merci pour la langue française à Ronsard,Molière, Corneille, Racine, Rimbaud, Verlaine, Marguerite Yourcenar, AnatoleFrance, Jean Dutourd, vous ici présents, et tant d’autres. Et à ceux qui, venusd’ailleurs, ont choisi notre langue : le regretté Henri Troyat, Andrei Makine, prixGoncourt et Médicis pour Le Testament français, Daï Sijie, auteur de Balzac et lapetite tailleuse chinoise, François Cheng, de l’Académie française, Léopold SédarSenghor, bien sûr, Assia Djebar et tant d’autres.

Mozart pensait que le français ne convenait pas à l’opéra. Il a été contredit parGounod, Bizet, Massenet, Debussy et son fameux Pelléas et Mélisande, et biend’autres compositeurs, tels aujourd’hui Pascal Dusapin, Philippe Hersant, ouBéatrice Thiriet et Laurent Petitgirard, de l’Institut, présents tous les deux ce soir.

Le français est peut-être moins sonore que l’italien, moins percutant quel’allemand, ses accents toniques sont moins marqués. C’est une langue polie pardes générations de beaux esprits, et on connaît le mot prêté à Frédéric II Le Grand(et avant lui, à François Ier) : « Je parle allemand à mes chevaux, italien à mesmaîtresses, et français à mes amis. » Eh oui ! Quel régal de savourer et de partagerdes mots tels que melliflu, coruscant, amour, douceur, gentillesse, tendresse;glaïeul, iris, pensée, rose, coquelicot. De parler d’un vin gouleyant, de sa robe, desa jambe, de sa cuisse... De pouvoir humer un livarot, un rocamadour, un saint-nectaire ou un reblochon. Notre langue est riche de la diversité de ses régions etdes apports extérieurs qu’elle a acceptés avec discernement. Je n’oublie pas quemon prénom, Frédéric, vient du germain Friedenreich, qui signifie « riche de paix ».

Je pense maintenant à mon instituteur de l’école en briques rouges du boulevardBessières, Monsieur Fertout, qui me laissait terminer mes rédactions au fond de la

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Frédéric Lodéonest né le 26 janvier 1952 à Paris.

Formation : 1er prix de violoncelle et de musique de chambre du Conservatoire national supérieurde Paris.

Carrièr e : Premier concert à Radio-France et participation au festival Yehudi Menuhin de Gstaad(Suisse) (1972). Participation au festival de Prague (Tchécoslovaquie) (1972, 1974, 1976). Concerts àWashington (États-Unis) sous la direction de Mstislav Rostropovitch, en Europe de l’Ouest et de l’Est,au Canada, direction de l’Orchestre symphonique européen. Auteur et présentateur de l’émission«iMusique Maestro » sur FR 3 (1990). Producteur et présentateur de « Carrefour de Lodéon » surFrance-Inter (depuis 1992). Direction de l’Orchestre du Capitole de Toulouse, l’Orchestresymphonique de Lyon, l’Orchestre philharmonique des Pays de la Loire... (1993). Direction desorchestres de Bretagne et de Bordeaux (1995). Direction de l’orchestre de Basse-Normandie (1996).Direction de l’orchestre de Bucarest, de l’Opéra de Marseille et de l’Orchestre philharmonique deRadio France (1997). Direction de l’orchestre de Paris et de l’Ensemble orchestral de Paris (1998).Collaborateur régulier de la chaîne de télévision Mezzo (à partir de 1998).Présentateur de l’émission« Le Pavé dans la mare » sur France Musique et coprésentateur des «iVictoires de la musiqueclassique » sur France 3 (depuis 2002). Président d’honneur du festival de Pontlevoy (depuis 2003).Présente «iPlaisirs d’amour » sur France Musique (depuis 2006).

Œuvres: nombreux enregistrements discographiques, dont les concertos pour violoncelle de Vivaldi,Haydn, Boccherini, Schumann, l’Épiphanie de Caplet (Grand Prix de l’académie Charles-Cros), lasonate de Schubert, le Trio opus 50 de Tchaïkovski (Grand Prix de l’académie du disque français).

Distinctions : 1er prix au concours Maurice Maréchal (1972). Prix du président de la République(2ifois), 1eriprix au concours Rostropovitch (1977). Lauriers du Club de l’audiovisuel 1999. Grandprix Animai4 du meilleur animateur radio de l’année 2001, décerné par la Communauté des radiospubliques francophones. Commandeur du Tastevin (2005).

Décorations: chevalier de la Légion d’honneur, officier des Arts et des Lettres.

classe, alors qu’il continuait ses cours d’histoire ou de géographie pour les autresélèves, moins portés sur l’écriture. Je pense à Jacques Chancel, qui m’a appris queje pouvais aussi faire aimer la musique par le verbe.

Je pense à mon maître Rostropovitch qui vient de fêter son quatre-vingtième anni-versaire à Moscou, malgré sa maladie[NDLR : Rostropovitch s’est éteint le 27 avril].Il y a trente ans, j’ai eu la joie de remporter le concours qui porte son nom ;aujourd’hui, vous me faites l’honneur de m’octroyer le prix Richelieu. Ainsi, lesefforts que j’ai poursuivis au service de mes deux passions sont-ils récompensés dela manière la plus touchante à mes yeux.

Conscient que ce nouvel honneur implique de nouvelles responsabilités, jem’appliquerai à être encore plus vigilant lorsque je m’exprimerai jour après joursur les ondes de France Inter, ou semaine après semaine sur celles de FranceMusique.

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À LA RECHERCHE

DU BON FRANÇAIS*

de Bernard LecontePréface de Maurice Druon,

de l'Académie française

Sans la vanité, sans la sottiseet ses avatars comme le besoinde compliquer pour faire savant,sans les prosaïques préciositésde notre temps, nous serionsprivés de ce nouveau livre deBernard Leconte : À larecherche du bon français,second recueil de billets inéditsou parus dans Top ValléesMagazine en 2003 ou Le Figarode 2002 à 2005, et suite de Quia peur du bon français ? Dansune brève et brillante préface,Maurice Druon, de l'Académiefrançaise, déplore que cejournal prive ses lecteurs duplaisir de le lire. Les articles deBernard Leconte, commeautrefois les chroniques dues àdes plumes choisies et les « Encourant » de Georges Ravonouid'André Frossard, retenaientde très nombreux lecteurs,aujourd'hui sevrés de ces petitsbonheurs quotidiens.

Si Bernard Leconte n'avait pasappris par une chaîne de radioque Clara Schumann se réservaitun « espace compositionnel »,si la maxime de Chamfort : « Ilfaut que le cœur se brise ou sebronze », n'avait pas été traduitepar « On atteint le fond de ladéprime ou on obtient larésilience », si certaine spique-rine du petit écran ne pronon-çait pas le u français « eu »(«icroissant de leune », « teube

d'aspirine », etc., nous n'aurionspas ces réactions de BernardLeconte, émoustillantes pourl'esprit, et ces sourires amuséspromenés sans amertume surles expressions prétentieuses etles travers souvent contagieux denos contemporains. Voici donccent soixante-quatre articlestous plus drôles les uns que lesautres – castigat ridendo mores ! :ils constituent, avec trois index(thématique, grammatical et desnoms de personnes), un chef-d'œuvre de bon sens etd'humour. À lire.

Jacques D HAUSSY

* LANORE, 2007, 192 p., 15€

LA PONCTUATION OU L'ART

D'ACCOMMODER LES TEXTES*

d’Olivier Houdart et Sylvie Prioul

Le sujet est d'importance. Il y aune ponctuation française,comme il y a une languefrançaise : fruit de la tradition etdu génie du lieu, part irrempla-çable du patrimoine littérairemondial. Le sujet ne bénéficied'ailleurs pas de nombreusesmonographies. Un grand éditeura eu l'honnêteté de l'admettre etle courage d'y remédier parl'ouvrage qui nous occupe. Unchapitre de ce livre couvrechaque signe, la liste des signestraités étant quelque peu limita-tive, n'incluant ainsi ni astérisqueni barre oblique. Mais l'exhaus-tivité n'est pas le propos de cetouvrage, qui sait pour notredivertissement faire une part àl'histoire des signes de ponc-tuation et aux signes inventés

qui ne « prirent » pas, à la théo-rie linguistique et aux exempleschoisis. Là où le Drillon mettaità l'honneur la virgule, c'est iciaux points que revient la part duroi. Une bibliographie succinctemais à jour complète le tout.

Romain VAISSERMANN

* Seuil, 2006, 204 pages, 12 €

LE VERBE CONTRE LA BARBARIE

APPRENDREÀ NOS ENFANTS

À VIVRE ENSEMBLE*

d’Alain Bentolila

Cet ouvrage, qui a reçu le prixFrance-Télévision au début del’année 2007, analyse de façonremarquablement lucide les ra-vages causés, dans une partienon négligeable de la jeunesse,par une insuffisante maîtrise dulangage qu’Alain Bentolila appelle« insécurité linguistique ».Pour y remédier, l’auteur retraceles différentes étapes de l’appren-tissage du langage qui devraientconduire l’enfant à comprendrece qui l’entoure et à exprimer cequ’il ressent, à la maison d'abord,avec le soutien de la famille, puisà l’école, grâce à une pédagogieappropriée à son âge et à sapersonnalité. Le propos n’est nipédant ni aride : des anecdotesillustrent avec fraîcheur et humourune expérience personnelle,souvent familiale.Il faut lire le récit d’une tentatived’explication de texte dans uneclasse technique de ZEP pourentrevoir l’abîme dans lequel esttombée l’Éducation nationale, fauted’avoir pu maîtriser la démocra-tisation massive de l’enseigne-

NOUVELLES PUBLICA TIONS

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ment, et l’arrivée d’enfants dontle langage est « incompatible »avec celui des auteurs qui consti-tuent notre culture. Alain Bentolilaa le mérite de décrire sans faux-fuyants les deux réactions pos-sibles du professeur face à un teldésastre : maintien de la culturetraditionnelle inaccessible à unepartie du public, qui devientincontrôlable, ou rejet de l’héri-tage culturel et enfermementdes élèves dans des ghettosd’inculture qui débouchent surla violence. En effet, la conditiond’homme civilisé s’acquiert grâceà la médiation du langage, qui sesubstitue à la violence du barbare,de celui qui n’appartient pas à lacité des hommes cultivés. Unlangage correct – répondant à desrègles communes qui rendentpossible la communication –, etriche, susceptible d’exprimer avecexactitude l’opinion de chacun ,doit permettre de comprendre laparole de l’autre, et de convaincre« ceux que nous n’aimons pas »,et qui, pour la même raison, nenous aiment pas.Souhaitons que cette réflexionhumaniste et ce projet ambi-tieux rencontrent l’écoute qu’ilsméritent.

Anne-Marie L ATHIÈRE

* Odile Jacob, 2006, 202 p.,21,90 €

DITES-LE EN COULEURS !DICO DES EXPRESSIONS FLEURIES*

de Pierre Merle

Ce n'est pas parce que vous avez«ile noir dedansi» qu'il faut «iavoirles arcanettesi», vous pouvez àla rigueur «iavaler quelques

couleuvresi» mais jamais «ivotrecuillère ou votre chaloupei»...Le Dico des expressions fleuriesveut nous en faire voir, et surtoutdire, de toutes les couleurs.La liste des expressions estcertes colorée. Dans son avant-propos, l'auteur les annonce«ifleuries, savoureuses, jouis-sives, pimentées, amusantesou surprenantes ». Il nousprévient que beaucoup d'entreelles sont liées au sexe, àl'alcool et à la drogue. En effet ils'agit le plus souvent de langueverte. Pour chaque expression noussont proposées une traductionou une explication, une datationou une hypothèse sur sonorigine. Ainsi apprenons-nousque le fameux «icoup deboulei», illustré par Zidane l'étédernier, daterait de... 1892 !Si la lecture de ce dictionnaireest instructive, elle est parfoisun peu déconcertante. La listeva du connu (à l'emporte-pièce)au plus rare (à loilp) et du plusancien (graisser la patte, êtresur son propre) au plus récent(être rock'n roll). Car cet ouvrageà la couverture rose et verte estun travail d'érudition, qui faitappel à des travaux de spécia-listes qui remontent jusqu'auXVIIIeisiècle (Philibert-JosephLeroux, 1750). Et il comprendune bibliographie de 24 titres.Dans une seconde partie d'unevingtaine de pages, l'auteurambitionne de nous convertir àla pratique de la langue fleurie,qu'il affectionne, en nous propo-sant des expressions variées,sur des thèmes divers et classéspar ordre alphabétique, qui vontd'Amour à Sport. De quoi fleurirnos conversations ! Succèsgaranti !

Claudie B EAUJEU

* Mots & Cie, 2006, 340 p.,13,50 €

L'ÉTONNANT VOYAGE

DES MOTS FRANÇAIS

DANS LES LANGUES ÉTRANGÈRES*

de Franck Resplandy

Déjà auteur d'un dictionnaire d'ex-pressions idiomatiques (Libertéd'expressions, Hors Collection,1995), Franck Resplandy s'estentouré de très bons corres-pondants pour aborder un sujetméconnu : les expressions etmots français utilisés dans leslangues étrangères. On connaîtbien l'histoire de ces motsfrançais venus des languesétrangères, mais lerayonnement passé et encoreprésent de notre langue nousréserve des surprises. Duhongrois (smafu, de « je m'enfous ») à l'amharique (babour,de « vapeur ») en passant parle russe ou le persan (fokoli de« faux col »), c'est tout un lot d'in-ventions que ce livre nous amèneà découvrir : raffinesse enallemand, skubilitic en roumain,d'après les « Scoubidous » deSacha Distel, simoléon mêlanten argot anglo-américain « Si-mon » (nom familier de la piècede six pence) et « Napoléon »(le franc-or) – car les termes argo-tiques ne sont pas oubliés, mêmes'ils ne donnent pas la meilleureimage qui soit de la France.Chaque article est développéi;de nombreux encadrés, portantsur les doublets roumains ouencore sur le franponais (si !),aèrent le texte et sont biencompris dans l'index final.Bibliographie à jour, index desites internet spécialisés : lelivre est tout simplementcomplet, même s'il ne pouvait

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59LE FRANÇAIS EN FRANCE

être exhaustif : allemand, anglais,bulgare, hongrois, italien et turcont conspiré à faire descendrenotre « Madame » de son pié-destal, et sans doute d'autreslangues encore, le russe à toutle moins.

R. V.

* Bartillat, 2006, 208 p., 20 €

À MOTS DÉCOUVERTS*

d’Alain Rey

Linguiste de grand renom, AlainRey a, par ses chroniques mati-nales sur les ondes, donné unenouvelle profondeur au vocabulairede l'actualité. Ce sont certainesde ces chroniques qu'il publie danscet ouvrage. Partant du sensactuel d'un terme-titre, l'auteurremonte à son origine, ou, dumoins, à un moment particulierde son histoire, et présente leschangements de sens successifsdu mot. Il démontre ainsi defaçon probante que la langueévolue avec la société. Elle estcertes l'héritière du passé, maisvit dans le présent. C'est danscette optique que l'auteur aborde,avec un réel souci d'objectivité,le sujet de l'enseignement : « Lesadmirables fondamentaux… lire,écrire et compter [sont] néces-saires, indispensables, certes,dans une société à écriture. Maisil existe une base, un socle préa-lable, qui est : penser, parler,comprendre… Ce sont destêtes bien faites, que réclamaitMontaigne, pas des ordinateurset des traitements de texte surpattes ». Et dans les dernièreslignes de l'ouvrage, A. Rey conclutfort pertinemment : « L'antiévolu-

tionnisme pourrait être tout simple-ment un régressionnisme ».

Claude G RUAZ

* Robert Laffont, 2006, 462 p.,21i€

AU CŒUR DES MOTS

LES RUBRIQUES DE MONSIEUR DICO*

de Jacques MercierPréface d’Alain Berenboom

Issu d'une rubrique quotidiennetenue dans La Libre Belgique,ce recueil examine les usagesdu français contemporain tel qu'ilse parle dans la communautéfrancophone de Belgique.Facilité et joie de passer du coqà l'âne, par des mots de France– aussi variés que germanopratin,loustic et vernissage – ou deBelgique. Ces derniers ne sontpas les moins intéressants :cuistax et débéloire, racrapoteret wallon. Expressions (l'affaireest dans le sac, le torchonbrûle) et anglicismes (hype etlounge) ne sont pas oubliés. Labibliographie montre quel'auteur, par ailleurs très attentifau langage le plus contemporain,sait puiser aux bonnes sources,afin de ne pas asseoir son juge-ment sur de simples présomp-tions. Quel est finalement sonpoint de vue ? « Ni puriste, nilaxiste », en accord avec ladevise de notre association. Aucœur des mots est à offrir àtous ceux qui ne sont pasabonnés à La Libre Belgique !

R. V.

* Éditions Racine, Belgique, 2005,320 p., 19,95 €

TOUTE L'ORTHOGRAPHE*TOUTE LA GRAMMAIRE*

TOUTE LA CONJUGAISON*

de Bénédicte Gaillardet Jean-Pierre Colignon

Il s'agit là de trois livres publiéspresque en même temps. Lepremier est de facture scolaire,par son plan (l'orthographe etles signes, orthographe lexicale,orthographe grammaticale)comme par la taille de ses leçons,qui toutes tiennent en une seulepage – c'est bien commode. Ledeuxième, de présentation aussiplaisante, décrit l'essentiel delaigrammaire par le menu : deila nature à la fonction, de laproposition à la phrase. Le troi-sième ne se contente pas dedonner les modèles de conjugai-son, qu'il commente systéma-tiquement, mais explique lesdifficultés morphologiques sou-vent rencontrées à conjuguerasseoir, conclure ou vaincre. Lestrois composent une somme quidevrait satisfaire bien des élèves,nombre d'étudiants et maintsautres curieux !

R. V.

* Magnard, « Les dicos d'or »,2005, 220 p., 256 p. et 222 p.,9,90j€

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Nous vous recommandons ces ouvrages de nos adhérents :

• The Defence of French. A Language in Crisis ?, de Robin Adamson (Multilingual Matters,2007, 200 p., 29,56 £).• Les Noms d’origine gauloise. La Gaule des dieux, de Jacques Lacroix (Éditions Errance,2007, 286 p., 38 €).• Pierrette qui roule, de Claude Duneton (Mots & Compagnie, 2007, 128 p., 9 €). • Dictionnaire des difficultés du français médical, de Serge Quérin (Edisem/Maloine,nouvelle édition, revue et augmentée, 2007, 312 p., 37 €).• Gare à l’« infractus ». Améliorer son français en s’amusant. de Jean-Pierre Colignon(L’Archipel, 2007, 216 p., ill., 17,95 €).• Langue française : 101 jeux, de Jean-Pierre Colignon et Hélène Gest (Archipoche, 160 p., 6i€).• DeRené Pommier :– Études sur le XVIIe siècle(Eurédit, 2006, 181 p., 44 €) ;– Explications littérairesIII (Eurédit, 2006, 204 p., 32 €).• Voyage à la source des mots, de Rolande Delguste-Devismes (Éditions Tarmeye, 2006,210ip., 14,95 €).Signalons aussi :

• Dans le jardin des mots, de Jacqueline de Romilly, de l’Académie française (Éditions deFallois, 2007, 318 p., 18 €).• Grammaire bleue. La grammaire française en 80 leçons, de Pascale Marson-Zito et PaulDésalmand (Armand Colin, 2007, 505 p., 16,50 €).• Mille ans de langue française. Histoire d’une passion, d’Alain Rey, Frédéric Duval et GillesSiouffi (Perrin, 2007, 1 466 p., 29,80 €).• Conversations sur la langue française, de Pierre Encrevé et Michel Braudeau (Gallimard,2007, 200p., 16,50 €).

MOTS DE CUISINE

d'Emmanuelle Maisonneuveet Jean-Claude Renard

Ce recueil de termes culinairesrépartis sur deux tomes, l'un consa-cré aux « Tours de main etmatériel », l'autre aux « Prépara-tions et ingrédients », se présentecomme un « dictionnaire ludique,littéraire et informatif ». « Auxgourmands, aux cuisiniersamateurs ou professionnels, auxpassionnés de la langue », les

auteurs – une journaliste gastro-nomique et un journalistelittéraire – ont concocté un sa-voureux livre de référence qui,sous une présentation élégante(cartonnage, papier, typographie,illustrations), est beaucoup plusambitieux qu'un simple lexiquei:il témoigne brillamment de l'évo-lution de la cuisine française. Ony puisera avec bonheur pourpréciser une notion courante(braiser, chemiser), un vocableancien (buisson, roux), destermes liés à la grande cuisinetraditionnelle (abricoter, fleuron)ou même contemporains(plancha, carpaccio). Les défini-tions s'appuient sur les sourcesétymologiques « rebondissantsur l'Histoire, la culture,l'anecdote ». Une bibliographiecomplète l’ensemble.

Mieux que de simples ouvragesde référence, ces deux volumesse lisent avec bonheur car, s'ilsinstruisent dans la bonne humeur,ils font aussi appel à notremémoire des saveurs, à notreimaginaire le plus délicieux. Maisdeux charmantes préfaces nousramènent à la réalité gastrono-mique et trente-sept recettesoriginales et point trop savantesfont saliver d'envie en attendantle plaisir de leur réalisation et dela dégustation de mets de rêve...Ajoutons que, si vous cherchezune idée de cadeau ou simple-ment à vous faire plaisir, cetouvrage ne pourra que voussatisfaire.

C. B.

* Buchet/Chastel, 2005, 2 tomesde 120 p. et 132 p., 25 € les deux.

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