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DU PRÉSIDENT 12 À Frédéric Lodéon. Jean Dutourd, de l’Académie française LE FRANÇAIS DANS LE MONDE 14 La francophonie, seul choix possible face à l’uniformité qu’incarne l’anglais. Claude Hagège 17 Le vrai gagnant du concours. Françoise de Oliveira 10 Une revue à découvrir ou à redécouvrir. Jean-Claude Amboise 11 Les brèves. Françoise Merle LES LANGUES DE L’EUROPE 14 Il est minuit moins cinq. Philippe Lalanne-Berdouticq 16 Non au protocole de Londres qui condamnerait la langue française ! LE FRANÇAIS EN FRANCE V ocabulair e 18 L’Académie gardienne de la langue. 19 Mots en péril. Jean Tribouillard 20 Acceptions et mots nouveaux. 21 Aubergine. Bernie de Tours 22 Le mystère de Guinée. Pierre Delaveau 24 Nigéria. Ange Bizet 25 Cachet d’aspirine. Jacques Pépin 26 Le fakir et le caviar. Jacques Groleau 27 La pomme. Philippe Lasserre 29 Extrait de La Lettre du CSA. 30 Entre « françois » normé et parlure vernaculaire. Marcienne Martin S tyle et grammair e 32 « Niveaumania ». Jean-Roger Le Gall 34 Être ou avoir. Jacques Moulinier 36 Du bon usage des parenthèses. Armand Hadria et Pierre Gaussot 37 La métonymie. Jean Tribouillard 39 Le saviez-vous ? Humeur / humour 43 L’aire du taon. Jean Brua 44 De la beauté dans l’apprentissage de la lecture. Claude Duneton 46 Chaussettes et sens de la vie. Bernard Leconte 46 Quand le hasard a le génie des mots. Serge Lebel 48 Pléonasmes. Jean Fenech 48 Néologismes ou néolangage ? Philippe Rallion 49 Animaleries. Compr endr e et agir 50 Catherinebourg. Ange Bizet 54 Petits cours d’arithmétique. Armand Hadria ; Joseph Sans 55 Mots du sport. Douglas Broomer 57 Les mots croisés de Melchior. UN ÉCRIVAIN AU PLUMIER D’OR 58 Didier Decoin. NOUVELLES PUBLICATIONS 60 Claudie Beaujeu, Anne-Marie Lathière Jacques Pépin et Romain Vaissermann I à XVIII VIE DE L’ASSOCIATION Défense de la langue française 222, avenue de Versailles, 75016 PARIS Téléphone : 01 42 65 08 87 Courriel : [email protected] Site : www.langue-francaise.org N o 225 Juillet - août - septembre 2007 Directrice de la publication : Guillemette Mouren-Verret Paul Koch Imprimeur - 94130 NOGENT-SUR-MARNE, tél. : 01 48 76 09 55 - DÉPÔT LÉGAL P - 2007 - 3 Revue trimestrielle Dépôt légal n o 8 CPPAP n o 0308 G 83143

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DU PRÉSIDENT12 À Frédéric Lodéon.

Jean Dutourd, de l’Académie française

LE FRANÇAIS DANS LE MONDE14 La francophonie, seul choix possible face

à l’uniformité qu’incarne l’anglais. Claude Hagège

17 Le vrai gagnant du concours. Françoise de Oliveira

10 Une revue à découvrir ou à redécouvrir.Jean-Claude Amboise

11 Les brèves. Françoise Merle

LES LANGUES DE L’EUROPE14 Il est minuit moins cinq.

Philippe Lalanne-Berdouticq16 Non au protocole de Londres

qui condamnerait la langue française !

LE FRANÇAIS EN FRANCE

Vocabulaire18 L’Académie gardienne de la langue.19 Mots en péril.Jean Tribouillard20 Acceptions et mots nouveaux. 21 Aubergine. Bernie de Tours22 Le mystère de Guinée. Pierre Delaveau24 Nigéria. Ange Bizet25 Cachet d’aspirine. Jacques Pépin26 Le fakir et le caviar. Jacques Groleau27 La pomme. Philippe Lasserre29 Extrait de La Lettre du CSA.30 Entre « françois » normé et parlure

vernaculaire. Marcienne Martin

Style et grammaire32 « Niveaumania ». Jean-Roger Le Gall34 Être ou avoir. Jacques Moulinier 36 Du bon usage des parenthèses.

Armand Hadriaet Pierre Gaussot37 La métonymie. Jean Tribouillard39 Le saviez-vous ?

Humeur / humour43 L’aire du taon. Jean Brua44 De la beauté dans l’apprentissage

de la lecture. Claude Duneton46 Chaussettes et sens de la vie.

Bernard Leconte 46 Quand le hasard a le génie des mots.

Serge Lebel48 Pléonasmes.Jean Fenech48 Néologismes ou néolangage ?

Philippe Rallion49 Animaleries.

Comprendre et agir50 Catherinebourg. Ange Bizet54 Petits cours d’arithmétique.

Armand Hadria; Joseph Sans55 Mots du sport. Douglas Broomer57 Les mots croisés de Melchior.

UN ÉCRIVAIN AU PLUMIER D’OR58 Didier Decoin.

NOUVELLES PUBLICATIONS60 Claudie Beaujeu,Anne-Marie Lathière

Jacques Pépinet Romain Vaissermann

I à XVIII VIE DE L ’ASSOCIATION

Défense de la langue française2 2 2 , a v e n u e d e Ve r s a i l l e s , 7 5 0 1 6 PA R I S

Téléphone : 01 42 65 08 87

Courriel : [email protected] • Site : www.langue-francaise.org

No 225 Juillet - août - septembre 2007

Directrice de la publication : Guillemette Mouren-VerretPaul Koch Imprimeur - 94130 NOGENT-SUR-MARNE, tél. : 01 48 76 09 55 - DÉPÔTLÉGAL P- 2007 - 3

Revue trimestrielle Dépôt légal no 8 CPPAP no 0308 G83143

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La plupart des gens quipeuplent l’univers sont persuadésque la beauté est austère et que legrand art est assommant. C’estévidemment le contraire qui estvrai : la beauté est très amusanteet le grand art est très gai. Tousles artistes vous le diront, sitoutefois vous arrivez à capterleur petite voix au milieu desbraillements péremptoires desTrissotins qui gouvernentaujourd’hui la vie dite culturelle.

Quelques mots de FrédéricLodéon au micro de France Inter,et l’on a tout à coup le sentimentque la belle musique est là,

qu’elle n’attend qu’un signe pour nous consoler de vivre et mêmenous apporter de l’espoir pour l’avenir individuel. Cela tient à ladouble vocation de Frédéric Lodéon, qui dès son plus jeune âgesentait qu’il y avait une affinité profonde entre la langue françaiseet toutes les musiques du monde. Tous les arts se ressemblent, ou dumoins empruntent les mêmes chemins mystérieux. Peut-être

DU PRÉSIDENT

Comme chaque année, depuis douze ans, c’est au cours d’une réception dans les salonsde l’Institut de France qu’a été remis notre prix Richelieu au chef d’orchestre, animateurde radio (voir DLF, no 224, p. 53 et III).

À F r é d é r i c L o d é o n

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Frédéric Lodéon eût-il été écrivain : c’est la musique qu’il a choisieou par laquelle il a été choisi.

Il a concilié ses deux passions en faisant de la musique et en laracontant d’une façon familière, bonhomme, spirituelle et sensible,autrement dit comme un artiste qui parle de ce qu’il connaîtintimement et non pas comme un de ces cuistres qui pullulentdepuis une trentaine d’années et qui, hélasi!, font la loi. C’est cetartiste que nous couronnons aujourd’hui.

Cher Frédéric Lodéon, vous êtes notre lauréat du prix Richelieupour l’année 2007.

Jean DUTOURDde l’Académie française

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Si vous souhaitez que nous adressions un numéro de DLF à l’un ou l’autr ede vos amis, il vous suffit de recopierou de remplir le bulletin ci-dessous

et de l’envoyerà DLF, 222, avenue de Versailles, 75016 Paris.

M. (en capitales) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

suggère à Défense de la langue française d’envoyer gratuitement un numéro à:

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4 DLF 2254

Avant de traiter de l’influence deila France dans le monde, il me

semble utile de réfuter le discours dudéclin, dangereux lieu commun. Jene fais pas partie de la cohorte deceux qui tiennent ce discours, miseen scène d’un pessimisme national.L’examen de certains indices écono-miques pourtant éloquents, tels quela bonne tenue des cours de laBourse de Paris, ou le haut niveau de(fortune) prospérité des plus grandesentreprises nationales, montre que laFrance reste au contraire un paysriche et puissant, même si l’on doitdéplorer l’existence de lourds pro-blèmessociaux, touchant notammentl’emploi et la répartition des biens.

L’influence d’un pays se mesure-t-elleà la diffusion de sa langue ? Certes,

nous savons qu’en plusieurs périodesde l’histoire, le français aaconnu unepuissance de rayonnement sanspareille, façonnant – dans notreconscience nationale – l’idée quenotre langue était le flambeau d’unecivilisation exceptionnelle, et avaitvocation à briller au-delà de sonterritoire géographique. Rappelons-nous que, de Constantinople àNicosie, le français fut, jusqu’à la findu XIII e siècle, la langue dominantede la chrétienté occidentale. Dès lafin du XVII eisiècle, porté par le succèsdes grands auteurs classiques et lesfastes de la monarchie bourbonienne,le français commença de rayonnerdans les cours d’Europe, acquérantun statut de langue diplomatiquequiine s’est démenti qu’au XXeisiècle.Mais gardons-nous de prendre la

LE FRANÇAIS DANS LE MONDE

La francophonie, seul choix possibleface à l’uniformité

qu’incarne l’anglais

Tous les lecteurs de DLF connaissent le linguiste et essayiste Claude Hagège, titulairede la chaire de théorie linguistique au Collège de France et directeur d’études enlinguistique structurale à l’École pratique des hautes études.

Nous le remercions vivement de nous avoir autorisés à reproduire cet article publié dansLe Figaro (11 avril 2007). Nous le remercions plus encore d’avoir immédiatement acceptéde présider le comité de soutien contre le protocole de Londres, créé le 13 juillet pouréviter une nouvelle fois cette ratification qui sonne le glas de la langue française et de ladiversité linguistique (voir p.i18).

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conséquence pour la causei: lefrançais bénéficiait d’une prospéritédémographique, économique etpolitique importante, bien que sanscommune mesure avec la situationcontemporaine.

Quelle place tiennent donc lefrançais et sa diffusion dans le rôleque la France joue aujourd’hui àl’échelle du monde ? Une place trèsimportantei: la preuve en est l’exis-tence d’une association de 55ipays,regroupés sous la bannière del’Organisation internationale de laFrancophonie (OIF). Le désir depromouvoir la langue française de lapart de pays dont un grand nombreont longtemps été des coloniesfrançaises, statut que leurs élitesindépendantistes ont longtempscombattu, le souhait de se saisir dufrançais pour gagner un droitd’insertion dans le monde contem-porain et assurer une présence dansle concert des nations, laissentapparaître un pouvoir d’influenceencore très important.

Malheureusement, il existe unesituation, en France même, vis-à-visdu français, une situation qui estdénoncée en termes paradoxaux parAbdou Diouf. Le secrétaire généralde la Francophonie, par ailleursancien président du Sénégal etsuccesseur d’un des illustres pèresfondateurs de l’entreprise franco-

phone, Léopold Sédar Senghor, arécemment déclaré qu’il aimerait queles Français soutiennent leur proprelangue autant que les membres del’OIF. Il faut dénoncer, à cet égard,une pratique hélas fort répanduedansiles entreprises françaises, et quiconsiste à imposer en leur seinl’usage de l’anglais à leurs employés,pourtant francophones en majorité.Beaucoup de dirigeants, de mêmequ’une partie des élites politiques,économiques et scientifiquess’attachent à promouvoir l’anglais,associé à la modernité, au progrès etau libéralisme, doctrine économiquerépandue aujourd’hui dans la plusgrande partie des pays développés.Outre qu’elle encourage une unifor-misation des comportements et despensées, qui est désastreuse pourl’esprit, cette pratique semble releverd’un aveuglement assez surprenanti:en effet, personne n’a pu produire lamoindre preuve du fait que l’utili-sation de l’anglais puisse accroîtrel’ef ficacité économique et lesbénéfices. Selon la même inspirationerronée, de nombreuses grandesécoles de commerce françaises dis-pensent aujourd’hui plusieurs deleurs cours en anglais. Les instancesbruxelloises neifont guère mieux. LaCommission européenne n’a cesséde transgresser les statuts garan-tissant le respect du plurilinguisme,assuré par les textes de lois depuis1958. On peut déplorer, notamment,

5LE FRANÇAIS DANS LE MONDE

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que beaucoupde responsables del’Union européenne négligent oucondamnentlesimesures destinées àpromouvoir le plurilinguisme, etpartant le français, dès lors que leplurilinguisme leur paraît, à l’opposémême de ce qu’il est en réalité,entraver la libre circulation desbiens.

Mon combat pour le français est enfait, à bien y réflé-chir, un combat pourla diversité, puisquele français est bien laseule langue autourde laquelle seréunissent volontairement un grandnombre de pays. Aucune autrelangue, pas même l’espagnol, l’alle-mand, l’italien ou le russe, n’est lelieu d’une association visant à en-courager un autre choix quel’anglais. Autrement dit, la franco-phonie est le seul choix possible dansle monde contemporain pouraffronter le redoutable défi de l’uni-formité qu’incarne l’anglais. Jem’étonne que l’on n’introduise pasdeux langues obligatoires à l’écoleprimaire, afin d’établir un contre-poids à l’anglais. Nous n’en sommespas encore là. Nous observons plutôtune situation absurde : c’est enFrance que le français a le plusd’ennemis, même si nous pouvonsnous réjouir de quelques exceptions

notables. En mars 2006, le présidentChirac a quitté ostensiblement uneréunion de l’Assemblée parlementairedu Conseil de l’Europe au momentprécis où le patron des industrielsfrançais allait discourir en anglais,sans aucune nécessité ; le geste étaitaussi courageux qu’éloquent. Maismalheureusement, autour du prési-dent et au sommet de l’État, il nemanque pas de personnalités qui,

sans l’avouer expli-citement, pensentque le français doitcéder le pas devantl’anglais. Je noted’ailleurs qu’aucun

des trois grands candidats à la prési-dentielle n’a inclus la promotion dufrançais et de la diversité culturelledans son programme, ni même faitmention de la diversité en soi.

Au contraire d’un général de Gaulle,qui n’aurait jamais toléré qu’undiplomate se présentât à lui enanglais, aujourd’hui, dans l’espritd’un certain nombre de hautsresponsables, vanter l’importance dufrançais revient à faire preuve d’unenostalgie bien peu conforme auxoukases de la « modernité ». Ilimporte de réagir avec la dernièreénergie contre ces idées absurdes !

Claude HAGÈGE

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C’est en France que le français

a le plus d’ennemis...

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7LE FRANÇAIS DANS LE MONDE

Le vrai gagnant du concours

Ils étaient encore plus nombreux cette année, ces étudiants de l’Alliancefrançaise, à participer à la Plume d’or. L’Albanie, la Birmanie, la Chine, laMongolie, l’Ouganda, la Pologne, les Seychelles, pour ne citer que ces pays, nousont fait le très grand plaisir de concourir.

Nous récompensons de notre mieux lescent meilleurs : ils reçoivent un diplômesigné par Jean Dutourd et un livre. C’estgrâce au sénateur André Ferrand qu’ilnous est possible de le faire. Malheu-reusement, certains envois dans des payslointains, comme l’Inde, arrivent enmauvais état, et nous ne pouvons guère yremédier. Que les lauréats malchanceuxtrouvent ici l’expression de notre regret etnos excuses !

En revanche, la lauréate 2007, Mme Lucia Mastrojeni, de Livourne (Italie), serareçue à Paris pendant une semaine au moment de la célébration de notrecinquantenaire, grâce à la générosité d’Air France, et nous ferons tout notrepossible pour lui rendre son séjour agréable.

Préparer ce concours n’est pas une mince affaire, mais Jeanine Aubrun, ClaudieBeaujeu, Grégoire Boucher, Pierre Edrom, Claudie et Jean-Baptiste Guérin,Monique Labrousse, Anne-Marie Lathière, Annie Sagalow s’y sont consacrésavec ferveur, et leurs efforts ont parfois été récompensés par des lettres que desdirecteurs de l’Alliance française ont jointes aux copies.

Voici ce qu’a écrit Mme Tatiana Petre, directrice de l’Alliance française dePloiesti, en Roumanie :

« L’Alliance française de Ploiesti a participé cette année, pour la deuxième fois, auconcours international organisé par votre association. Le concours “Plume d’or” aenregistré cette année un vrai succès : 118 participants, élèves des écoles de notredépartement. Suite à la festivité de remise de diplômes pour les quatre lauréats del’année passée, qui a eu lieu en présence de son Excellence M. l’AmbassadeurHervé Bolot, des autorités locales du département (Conseil départemental,Préfecture, Inspection académique), de la presse locale, des professeurs et desélèves, le concours a gagné une place importante parmi les activités traditionnellesorganisées au niveau départemental… Nous espérons que nos participants serontsélectionnés par le comité du concours comme gagnants et nous sommesconvaincus que le vrai gagnant du concours est la langue française !»

Françoise de OLIVEIRA

Le sénateur André Ferrand, entouré par nos vice-présidents, Françoise de Oliveira et MarceauDéchamps, lors de la réception au Sénat, le 16 mars2007 (voir DLF, no 224, p. 12).

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1re Lucia Mastrojeni Livourne Italie 46 ans2e Anne-Muriel Raharimanana Tamatave Madagascar 16 ans3e Jerry Laurence Lemogo Dschang Cameroun 20 ans4e Andreea Minea Ploiesti Roumanie 17 ans5e Cristina Fediuc Constanta Roumanie 15 ans

Tonia Kostova Bourgas Bulgarie 18 ans7e Iryna Satygo Tchernivtsi Ukraine 20 ans

Maria Helena Guinle Nova Friburgo Brésil 58 ansAmos Prophete Cap-Haïtien Haïti 21 ans

10e Maurice Mbah Dschang Cameroun 22 ansOlga Kolodina Perm Russie 19 ansThato Seutloali Ladybrand Afrique du Sud 23 ans

13e Ana Cacho Malaga Espagne 28 ansFlorence Rasoaveromanitra Toamasina Madagascar 56 ans

15e Elizabeth Whitehorn Cambridge Royaume-Uni 55 ansKerry Mc Broom Saint-Malo France 24 ansIdana-Mihaela Stan Ploiesti Roumanie 17 ans

18e Giorgiana Pavaloiu Ploiesti Roumanie 17 ansNairi Chikoc Barreda La Havane Cuba 28 ans

20e Donato Calace Bari Italie 19 ans21e Anna Dychlova Tchernivtsi Ukraine 18 ans

Maïté Carole Ruckstuhl Salvador/Bahia Brésil 16 ans23e Yannick Bayingana Goma RD du Congo 17 ans

Sammy Perez Jarvis La Havane Cuba 36 ans25e Ioana-Gabriela Toma Ploiesti Roumanie 19 ans25e Devika Vinay Bombay Inde 16 ans

Madalina Niculescu Ploiesti Roumanie 17 ansAnton Kounine Saint-Pétersbourg Russie 17 ansLéonard Bardy Tamatave Madagascar 62 ans

30e Zornitsa Markova Pleven Bulgarie 19 ansFy Andriamiarana Ambositra Madagascar 17 ansStefan Morgado Santos Brésil 35 ans

33e Armelle Line Likeufack Dschang Cameroun 22 ansAline Sainsoivil Cap-Haïtien Haïti 19 ansJavier Zubillaga Montévidéo Uruguay 27 ans

36e Iary Tina Rakotonindrainy Mahajanga Madagascar 35 ansAlexandra Tripalina Rostov-sur-le-DonRussie 16 ansEdwin de Groot Bergen Pays-Bas 62 ans

39e Mia Maassen-Schrievers Nimègue Pays-Bas 68 ansAnca-Madalina Elisei Ploiesti Roumanie 17 ans

41e Iulia carmen Trandafirescu Ploiesti Roumanie 18 ans42e Catherine Partina Rostov-sur-le-DonRussie 17 ans

Saia Both Györ Hongrie 17 ansIrène Nunes Coïmbra Portugal 20 ansSabri Paolo Louis Cap-Haïtien Haïti 16 ans

46e Matselin Jaka Ladybrand Afrique du Sud 18 ans47e Alecsandra-Maria Ticu Ploiesti Roumanie 18 ans

Irina Iouchmanova Saint-Pétersbourg Russie 39 ans49e Maria Victoria Portelles La Havane Cuba 27 ans

L a u r é a t s d e l a P l u m e d ’ o r 2 0 0 7

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9LE FRANÇAIS DANS LE MONDE

Monika Kucmarska Szczecin Pologne 30 ansMarko Bicanic Zagreb Croatie 25 ansVova Sydorchouk Tchernivtsi Ukraine 16 ansA. RandimbisoarimananaAmbositra Madagascar 23 ansPitchou Bintu Bora Goma RD du Congo 26 ansRuxandra Brebeanu Ploiesti Roumanie 18 ans

56e Mitko Angelov Pleven Bulgarie 19 ans57e Jeanty Fils Exalus Santiago Cuba 23 ans

Debora Zerneri Madras Inde 54 ans59e Cristina Chirvas Nisporeni Moldavie 17 ans60e Arbi Jaupi Korce Albanie 17 ans

Valérie Radeva Pleven Bulgarie 18 ansLaura Bognar Pecs Hongrie 19 ans

63e Deepti Sah Jaïpour Inde 28 ansIulia Nicoleta Pop Ploiesti Roumanie 18 ans

65e Dolly Singh Jaïpour Inde 23 ans66e Patrick Tokuna Kikwit RD du Congo 17 ans

Daniel Leal Rio de Janeiro Brésil 25 ansNina Novikova Perm Russie 19 ans

69e Claudia Miccolis Bari Italie 17 ansDaniele Ramos Nova Friburgo Brésil 26 ansValeria Wein Angeli Caixas do Sul Brésil 32 ans

72e Aline Kajabdika-AkonkwaGoma RD du Congo 20 ansKalyani Pandey Bhopal Inde 40 ansRui Alves Coïmbra Portugal 46 ans

75e S. M. Villela dos Anjos DuarteRio de Janeiro Brésil 61 ans76e Gyenis Reka Pecs Hongrie 17 ans

Valentine Karapets Rostov-sur-le-DonRussie 16 ansAlessia Laforgis Bari Italie 18 ansLeticia Ferreira da Costa Nova Friburgo Brésil 18 ansMaristela Deves Caixas do Sul Brésil 32 ansSrividya Krishnan Madras Inde 36 ansLynn Keeys Ladybrand Afrique du Sud 52 ans

83e Bruno Tsengele Katietia Kikwit RD du Congo 38 ansManisha Gargi Jaïpour Inde 26 ans

85e Emma Pap Pecs Hongrie 15 ansMihaela-Jeanina Toma Ploiesti Roumanie 19 ansHenri Ncenda Kikwit RD du Congo 53 ans

88e Mariana Budelli Montévidéo Uruguay 33 ansVeronika Kapoor New Delhi Inde 34 ans

90e Louisa de Oliveira Gama Luanda Angola 21 ansMeenal Gakhar Chandigarh Inde 16 ans

92e Marcelo Luiz Vieira Pinto Rio de Janeiro Brésil 24 ansXiaoqing Qian Nankin Chine 21 ans

94e Paul Harry Toussaint Jacmel Haïti 19 ansPallavi Brara New Delhi Inde 23 ansSantiago Sanguinetti Montévidéo Uruguay 21 ans

97e N’Deye Marieme Dramé Ziguinchor Sénégal 20 ansSalah Eddine Ouadia El Jadida Maroc 14 ansRanjhana Viswanathan Madras Inde ..........

100e Robinson Remonville Santiago Cuba 26 ans

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V OULUE par Alain Decaux, alorsaministre de la Francophonie et

dirigée par Loïc Hervouet, président del’association Agora francophoneinternationale (AFI, Paris), ainsi que duCentre international de documentationet d’échange de la francophonie(CIDEF, université Laval, Québec),L’Année francophone internationale1estune publication annuelle franco-québécoise bénéficiant du soutien desministères canadien, français etquébécois.Publiée depuis 15 ans sous forme delivre (414 pages en 2007), plus d’unecentaine d’universitaires, chercheurs,journalistes, responsables associatifs…du monde entier dressent chaque annéeun bilan détaillé de l’actualité politique,économique, sociale et culturelle del’espace francophone.Des dossiers thématiques portant sur desévènements majeurs de la dernière annéeenrichissent cet « État du monde »de laFrancophonie. « La Francophonie,moteur de la diversité culturelle dans lemondei» (entretiens d’Abdou Diouf, de

Clément Duhaime et d’Edgar Morin),ainsi que l’« Hommage à deuxhumoristes francophones », RaymondDevos et Marc Favreau, constituent lesdeux dossiers de l’édition 2007.Un compte rendu des activités desprincipales institutions officielles etassociations œuvrant pour la franco-phonie, un répertoire des coordonnéesde plus d’une centaine d’organismesfrancophones (dont DLF), ainsi qu’unebibliographie de trente pages confèrent àcet ouvrage les caractères à la fois d’uninstrument de travail pour tout profes-sionnel impliqué dans la francophonie etd’un outil de référence pour tous ceuxqui sont intéressés par ce domaine.Les nombreux encadrés, illustrations,photos, cartes, graphiques, tableaux,accompagnés d’une carte en couleur dela francophonie, tout en apportant desinformations complémentaires,rendentparticulièrement lisible et attrayantecette publication.

Jean-Claude AMBOISE

10 DLF 225

Une revue à découvrirou à redécouvrir

Fidèle rédacteur de l’actualité de la chanson francophone pour L’Annéefrancophone internationale, Me Jean-Claude Amboise, administrateur deDLF, nous présente cette revue.

1. Tirée à 15 000 exemplaires, L’Année francophone internationaleest disponible au prix de 15i€ enlibrairie (diffusion La Documentation française), à La Documentation française, 29, quai Voltaire,75344 Paris cedex 07, tél. : 01 40 15 71 05, au siège de l’association AFI, 3, rue Émile-Duclaux,75015 Paris, tél. : 01 47 34 33 60, courriel : [email protected], site : www.ulaval.ca/afi

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11LE FRANÇAIS DANS LE MONDE

• La romancière Gisèle Pineau présidaitleijury du Prix du jeune écrivain francophone2007 1. Les six lauréats – canadiens,camerounais, haïtien et marocain – ont étésélectionnés parmi 393icandidats, issus de59 pays. Ils recevront des livres et effec-tueront des stages culturels. Leursnouvelles seront publiées, en mars 2008,aux éditions Buchet-Chastel.1. Ce prix est organisé depuis 1999 par l'Association duprix du jeune écrivain (www.pjef.net/), avec le soutiende l’OIF* et de la fondation BNP-Paribas.

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de la Francophonie de chez nous et d’ailleurs

• SUISSE :– La bibliothèque de l'université de Lausannea signé un accord avec Google dans le cadrede son programme «irecherche de livres ».C’est la cinquième université européenne àrejoindre le projet « Bibliothèque de Googlei»et la première de langue française. Les deux partenaires se sont mis d’accordpour numériser des milliers d'ouvrages dudomaine public issus de l'Université. (Le Monde des livres, 18 mai 2007.)

– L'École polytechnique de Zurich, sou-cieuse « d'intensifier à nouveau l'étude deslangues nationales et de leurs culturesi», acréé deux chaires de professeurs invités, enlittérature et en culture, l'une italienne etl'autre française. Elles seront attribuées, parsemestre, à «ides scientifiques de premierplan ».– Lors de la dernière Semaine de la languefrançaise fut créé à Delémont (canton du Jura)un Prix de l'éloquence française, parrainé parMe Marc Bonnant, célèbre avocat genevois.Les candidats – appartenant au monde poli-tique de la Suisse romande – sont invités àadresser au jury, jusqu'au 31 décembre2007, un ou plusieurs discours prononcésau cours de cette année. Six orateurs serontsélectionnés. Le 20 mars 2008, à l'occasionde la Journée de la francophonie, ils serontdépartagés au terme d'un exposé oral.

• Depuis qu’elle a admis, le 28 mai 2007,vingt-deux nouveaux établissements d’en-seignement supérieur et de recherche,l’AUF* compte 656 membres dans 74 pays,répartis en 467 membres titulaires et189imembres associés.(Lettre de l’AUF, no 36.)

• La version française du « Glossaire àl'usage des délégués à l'ONU », réalisé parl'Institut des Nations unies pour la formationet la recherche avec la contribution del'OIF*, a été tirée en 300 exemplaires pourles fonctionnaires des organisationsmultilatérales africaines. Ce glossairedéfinit plus de 700 termes, abréviations etacronymes utilisés dans les réunions et lesconférences multilatérales.

• Pour aider les professeurs de françaislangue étrangère, Franc-p arler , site del’OIF* (www.francparler.org/), déniche sur latoile les ressources nouvellement publiées :supports d'activités, outils d'autoformation,expériences pédagogiques, etc. Exemples :

– À l'occasion de la Coupe du monde derugby du 7iseptembre au 20ioctobre 2007,le ministère des Affaires étrangères apublié, en collaboration avec l'associationJeune Planète Rugby, « une méthode pourapprendre le français par le rugby ». Lefrançais dans la mêlée !, cédérom interactif,a été diffusé dans l'ensemble du réseauculturel français à l'étranger.

– FrancoClic : « fruit d'un partenariat entrel'ambassade de France au Brésil et leministère brésilien de l'Éducation, ce sitepropose différents modules d'appren-tissage de la langue française, libresd'accès. »

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• VIETNAM :La XXVIIe Assemblée générale de l'AIMF*se tiendra à Huê, du 24 au 26 octobre. Sesdeux principaux thèmes seront : «iBonnegouvernance locale et financementsinternationaux » et « Villes, patrimoine etdéveloppement local ». Site de l’AIMF : www.aimf.asso.fr/

• CÔTE D'IVOIRE :Les 39es Assises internationales de lapresse francophone (UPF*) se tiendront àAbidjan, du 3 au 9 novembre.UPF, 3, cité Bergère,75009 Paris, tél. : 01 47 70 02 80,fax : 01 48 24 26 32, site : www.presse-francophone.org/

• AUSTRALIE :Organisées par l'Institut pour lafrancophonie dans le Pacifique, les2esiRencontres francophones se déroulerontà Gold Coast du 13 au 15 septembre, avecla participation de représentants deNouvelle-Calédonie, de Polynésiefrançaise, du Vanuatu et de Nouvelle-Zélande. (UPF*, mai 2007.)

• Pour le 6e Prix des cinq continents de laFrancophonie, dix romans ont été choisisparmi les 121i reçus (dont les auteurs sontdes ressortissants de 20 pays). Le prix (dotéde 10i000 €) sera remis au lauréat le18ioctobre, à Bruxelles, à l’occasion desmanifestations de La Fureur de lire (17 au21 octobre).

• ESPAGNE :La francophonie est à l’honneur à l'institutfrançais de Barcelone 1 : – Le 24 mars 2006, c’est en présence duconsul général de France, des consulsfrancophones de Suisse et du grand-duchéde Luxembourg, ainsi que de l’écrivaintunisien Ali Smaoui – lauréat de l’Académiefrançaise –, que MmeiRaymonde Jaccod,présidente de la Société des poètesfrançais, remit les prix du 3eiConcours depoésie. – Le 21 mars 2007, à l'instigation dunouveau directeur, Pierre Raynaud, avecdes « amis québécois, suisses, belges,marocains et haïtiens » a été créé lepremier Printemps francophone deBarcelone, fête qui rassemblait musiciens,danseurs, dramaturges, poètes et peintres.1. Site : www.institutfrances.org/

• ZAMBIE :Le VIIIe Congrès quadriennal de l’Associa-tion des professeurs de français d’Afrique etde l’océan Indien se tiendra à Lusaka, du24iau 28 septembre et aura pour thème :«iLe français, une langue partenaire pour ledéveloppement de l’Afrique. »

• NOUVELLE-CALÉDONIE :Comme chaque année depuis 1996,l’Alliance Champlain a remis, le 23 août,une cinquantaine de nouveaux ouvragesquébécois à la bibliothèque Bernheim deNouméa. Alliance Champlain, 1, rue de Salonique, BP 8133,98807 Nouméa cedex, Nouvelle-Calédonie, tél. : +687 24 11 59, courriel : [email protected],site : www.alliance-champlain.asso.nc/

• Sur le site Juricaf (www.juricaf.org), lepersonnel des institutions judiciairestrouvera la jurisprudence des hautesjuridictions de cassation, membres del'Association des hautes juridictions decassation des pays ayant le françaisenipartage. En bref, il aura accès aux43i604iarrêts issus de 35 Cours decassation, réunis dans la base de donnéesde ce site, lequel est financé par le Fondsfrancophone des inforoutes !

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• À Paris, les 22, 23 et 24 novembre 2007,le Congrès de France-Louisiane Franco-Américanie fêtera le 30e anniversaire del'association et le 250eianniversaire de lanaissance du marquis de La Fayette, appelé« héros des deux mondes ».FLFA, 17, avenue Reille, 75014 Paris, tél. : 01 45 88 02 10fax : 01 45 88 03 22, site : http://flfa.free.fr/

• Les 60es Journées internationalesfrancophones d’angéiologie se dérouleront àParis les 11 et 12 janvier 2008.Renseignements : docteur Michèle Cazaubon, tél. : 01 47 27 10 63, fax : 01 47 27 21 47, courriel : [email protected], site www//.sfa-online.com

Françoise MERLE

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de la Francophonie de chez nous et d’ailleurs

* AATF: American Association of Teachers of French (Association américaine des professeurs de français)* AIMF : Association internationale des maires francophones* AUF : Agence universitaire de la Francophonie* FIPF : Fédération internationale des professeurs de français* OIF : Organisation internationale de la Francophonie* UPF : Union internationale de la presse francophone.

• La 23e session de la Conférenceministérielle de la Francophonie aura lieu auLaos les 20 et 21 novembre 2007.

• À consulter sans modération le Florilègefrangloricain . Lexique des principauxanglicismes et de quelques termestechniques anglais courants, de RolandFerrier (édité par Wallonie-France asbl,2007, 16 p., 6 € – port compris – à adresserpar chèque au trésorier, M.iJacquesBonnivert, 14, rue des Aubépines, BE-4130Tilft, Belgique).

• HONGRIE :Comment ne pas regretter la fermetureduiservice français de Radio Budapest,alors que ce pays fait partie de l’Unioneuropéenne (depuis 2004) et que la radio yreste un moyen de communication trèsimportant ?

régional du 6iau 9 décembre à l’universitédu Caire et à la Bibliotheca Alexandrina. Cecongrès aura pour thème : «iArabophonie,francophonie : actions et interactions ».

• ÉGYPTE :L’Association égyptienne des professeursde français (AEPF) et l’Association libanaisedes enseignants de français (ALEF), membresde la Commission du monde arabe (CMA)de la FIPF*, coorganisent le premier congrès

• EUROPE :Un concours de traduction pour les jeunesde 17 ans a été lancé par la Commissioneuropéenne : 2 760 élèves de 345 écoles,choisiront parmi les 23 langues de l'UE.L'épreuve aura lieu le 14 novembre,simultanément dans toutes les écolesinscrites avant le 15 juin.

• ÉTATS-UNIS :L’AATF* 1 organise du 5 au 11 novembre,dans les écoles et leur ville, sa 7eiSemainedu français. Il s’agit de « montrer au publictoutes les raisons d’apprendre le français ».1. Site de l’AATF : www.frenchteachers.org/

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LES LANGUES DE L’EUROPE

I l e s t m i n u i t m o i n s c i n q

L iE CALENDRIER a voulu que notreiassemblée générale tombât juste

huitijours après le colloque « Europeet Francophonie » qui couronnait unesemaine consacrée à notre langue.N’ayant pas perdu une miette desinterventions, souvent remarquables,qui se sont succédé lors de ce colloquedu 23 mars – notamment celle de SonExcellence Klaus Neubert, ambas-sadeur d’Allemagne –, je voudraisvous faire part des impressions quis’en dégagent.1. Notre langue est aimée. En dépit deses reculs, elle garde un capitald’amour impressionnant, dont té-moignent, entre autres, aussi bien desdélégués africains ou des écrivainsissus des quatre coins du monde, quede jeunes étudiants passés parl’organisation Erasmus et qui, parfoisvenus au français sans l’avoir apprisdès leur adolescence, le maîtrisentaujourd’hui remarquablement etl’aiment.Alors, la roue est-elle en train detourner en notre faveur ? NON. Car :2. L’amour, aujourd’hui, pèse moinslourd que l’intérêt. – Comment ?L’intérêt est-il donc monopolisé parnos concurrents ? Il ne l’est quelorsque ceux-ci trouvent en face d’eux,chez nous, résignation et complicité.

La première étape est celle de la rési-gnation. Tous les orateurs ont évoquéle recul du français en face del’anglais, ou plutôt de l’américain. Ycompris, en Afrique, considérée à tort,il y a peu, comme une chasse gardée.La plupart déploraient cet effacement.D’autres s’abstenaient de commen-taire, comme si la chose allait de soi.Chez quelques-uns perçait comme unsoupçon de satisfaction.Car la deuxième étape est celle de lacomplicité. Telle chaîne d’hôtels estcarrément passée à l’adversaire. Neparlons pas – car tel n’était pas lepropos des invités – du déferlement deformules, de publicités, d’enseignes ensimili-anglais dans les rues de Pariscomme dans n’importe laquelle de nosvilles. Cela « fait bien ».Aujourd’hui, nous en sommes à latroisième étape. Elle témoigne d’unemaladie de l’esprit, la même quicorrompt notre enseignement et notrevue de l’histoire : le reniement de soi-même est devenu la religion de notreépoque. Peut-on longtemps persister àaimer quelqu’un qui se détruit ?Et pourtant ! Nous venons de com-mémorer la naissance de l’Unioneu-ropéenne à six, il y a cinquante ans. Laconstruction de l’Europe pouvait – etaurait dû – être une chance majeure

Prononcée à l’occasion de l’assemblée générale de DLF (31 mars 2007), cette mise engarde de notre administrateur Philippe Lalanne-Berdouticq mérite l’attention de tous noslecteurs.

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pour notre langue et pour celle de nosprincipaux associés.Or voici que le français se laisserefouler chaque année davantage. Lepourcentage de documents écrits enfrançais au sein des institutions deBruxelles est tombé de 40 % en 1997à 14 % en 2006, tandis qu’il s’élevaitpour l’anglais à 72 %. L’allemand,troisième langue de travail, subit lamême érosion.Pendant que DLF en France et VDS(Verein Deutsche Sprache) enAllemagne s’évertuent auprès de nospopulations respectives à freiner dansles esprits le passage à ce qui n’est ni plusni moins qu’un changement de langue,nos représentantsà Bruxelles laissent,sans mot dire, s’instituer, depuis lapréparation à l’entrée des dix, devenusdouze, nouveaux membresde l’Union,l’obligation pour tout pays candidat deprésenter son dossier de candidatureuniquement en anglais.La mesure est comble. Et le but n’estque trop clair : celui d’une hégémonielinguistique anglo-américaine. Le

premier signal d’un redressement doitêtre l’abolition de cette mesureintolérable – ainsi qu’un refus définitifde ratifier le « protocole de Londres »,qui prétend supprimer la versionfrançaise des brevets européens.Il faut corrélativement renforcer à toutprix la recherche et la création dansnotre langue, comme le font nos plusproches voisins dans la leur.Le terrain perdu est si vaste qu’il nesera regagné que par une allianceculturelle étroite des deux piliersfondateurs de notre Europe, la Franceet l’Allemagne – en allant jusqu’àinstituer dans chacun des deux pays lalangue de l’autre comme premièrelangue étrangère d’enseignement.Voulons-nous réagir, oui ou non ?Voulons-nous faire éclater l’évidencede cette nécessité aux yeux deséquipes dirigeantes des deux côtés duRhin ?Il est minuit moins cinq.

Philippe LALANNE-BERDOUTICQCercle François-Seydoux

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Non au protocole de Londres qui condamnerait la langue française !

Préambule

Les soussignés approuvent le projet de développer la recherche française etl’innovation, qui passe notamment, mais pas seulement, par l’augmentation dunombre de dépôts de brevets en France et en Europe, mais ils dénoncent lesrisques d’une éventuelle ratification du protocole de Londres dont les grandesentreprises étrangères bénéficieraient au détriment des PME et TPE françaises, etsurtout ses conséquences dramatiques pour la langue française.

La ratification de ce protocole, signé en juin 2001, fortement soutenue par unepartie des grandes entreprises françaises et internationales, aboutirait en effet, enEurope, à la suppression de l’obligation actuelle de traduire en français tous lesbrevets rédigés en langue anglaise ou allemande, sous prétexte de diminuer le coûtdes brevets d’invention.

La vérité sur le coût des brevets

Or, le prix de revient élevé des brevets européens ne résulte pas des traductions,contrairement à ce que prétendent abusivement ceux qui soutiennent la ratificationdu protocole de Londres. En effet, selon une étude réalisée par l’OEB (Officeeuropéen des brevets), le coût de la traduction représente seulement, en moyenne,15 % de celui du dépôt et non 40 % comme l’avancent les plus fervents défenseursdu protocole de Londres.

La suppression de la traduction obligatoire en français des brevets déposés enlangue anglaise n’aurait donc qu’un effet très limité sur la baisse du coût de dépôtdes brevets. Ce n’est pas le coût de la traduction qui est un frein au dépôt debrevets européens, mais bien plus le niveau élevé des taxes prélevées par l’OEBet le manque de culture des petites et moyennes entreprises pour ce type dedémarche en France.

Une atteinte inadmissible au respect de la langue française et à la diversitécultur elle

La ratification du protocole de Londres par le Parlement français reviendrait àadmettre, en réalité, l’usage de l’anglais en droit français et serait très dangereuse

C’est sous ce titre qu’a circulé durant l’été le texte du « Comité de soutien contre leprotocole de Londres », comité présidé par Claude Hagègeet auquel de nombreusesautres personnalités ont adhéré.

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pour la pérennité de la langue française comme langue scientifique, technique etcommerciale.

C’est le plurilinguisme, reflet de l’identité et de la culture de l’Europe, quiest directement menacé parle protocole de Londres.D’ailleurs, de nombreuxpays l’ont compris et, à ce jour, sur les 31 concernés, seuls 13 ont ratifié ce texte(dont le Royaume-Uni, l’Allemagne, les Pays-Bas…), mais 17 pays ont refusé dele signer et continueront d’exiger une traduction obligatoire des brevetseuropéens dans leurlangue nationale : Autriche, Espagne, Italie, Finlande,Portugal, Pologne, Irlande, Belgique, Grèce, etc. ; et deux pays, la France et leLuxembourg, ont signé, mais pas encore ratifié, ce protocole. L’accord de laFrance étant indispensable pour que ce traité entre en vigueur, c’est elle quidétient le sort de notre langue et du plurilinguisme.

Au moment où le gouvernement français réaffirme l’importance de lafrancophonie, le fait de refuser le protocole de Londres serait cohérent avec lapolitique clairement affichée par le président de la République et le Premierministre pour défendre la langue française et une Europe civique.

En conséquence, les signataires demandent aux parlementaires de ne pasratifier le protocole de Londres, afin que la langue française demeure unelangue obligatoire pour le dépôt des brevets en Europe. Les enjeux et les«ivices cachési» de ce protocole sont trop importants pour que celui-ci soitapprouvé « en catiminii» au cours d’une prochaine session parlementaire sans unvéritable débat national sur ses conséquences pour l’avenir de la langue française.

Le comité de soutienParmi : les académiciens: MM. François Cheng, Alain Decaux, Michel Déon, Jean Dutourd, Max Gallo, Érik

Orsenna, Yves Pouliquen... ; les industriels, conseils en propriété industrielle et chercheurs: MM. Vincent Boutineau,M.iLoïc Brehu, Mme Béatrice Daubin, MM. Christian Derambure, Jacques Dousset, Jean-Michel Duhamel, André Eggen,Michel Fosseprez, Thierry Geismar, Thierry et Gérard Gillardeau, Guillaume Grand, Philippe Guigné, Mehdi Holubec,Claude Jacobson, Jacques Lagrange, Christian Lapointe, Michel Moncheny, Laurent Nuss, MmeiIrène Orès, MM. PierrePagesse, Patrick Papot... ; les parlementaires: M. Jean-Paul Amoudry, Marc Bernier, Laurent Béteille, Daniel Boisserie,Jean-Pierre Brard, Jean-Pierre Dufau, Nicolas Dupont-Aignan, Pierre Forgues, Daniel Goldberg, Louis Grillot,MmeiMaryse Joissains-Masini, MM. Jean-René Lecerf, Roland du Luart, MmeiMuriel Marland-Militello, MM.iKléberMesquida, Alain Milon, Étienne Mourrut, Jacques Myard, Jacques Pelletier (†), Jean-Frédéric Poisson, Mme GisèlePrintz, MM. Jacques Remiller, Yvan Renar, Rudy Salles, Pascal Terrasse, Jean Ueberschlag, Christian Vanneste, PhilippeVigier, François-Xavier Villain.

Autres personnalités : MM. Jean Amadou, Jacques Attali, Mme Nadine Beauclercq, MM. Michel Bénard, Alain deBenoist, Malik Berkane, MmeAnita Bersellini, MM. Raymond Besson, Bernard Billaud, MmesSuzanne Boizard, FrançoiseCartano, Madeleine Chapsal, Me Alain Chevalier Jehan de Johannis, MM. Guillaume Ciquera, Jean-Laurent Cochet,Alain Cotta, Bernard Defaix, professeur Pierre Delaveau, MM. Patrick Dubois, Claude Duneton, Jean-Yves Duyck, Jean-Pierre Escofier, Mme Sylvie Franchet d’Espèrey, MM. Denis Griesmar, Éric Heidsieck, Mme Hélène Hervet,MM.iJacques Hiver, Me Jacques Isnard, Professeur Walter Krämer, MM. Laurent Lafforgue, Jean Marcel Lauginie,James Lawler, Jean-Marie Leblanc, Frédéric Lodéon, Olivier Mannoni, Michel Masson, Dominique Noguez, Me SylvieNourrigeon, S.A.R. la Duchesse d’Orléans, MM. Étienne Parize, Alain Patry, Pierre Pénisson, Jean Piat, Jean-RobertPitte, Jean Raspail, Alain Rey, Orlando de Rudder, Philippe de Saint Robert, Julio Sorjus-Aguade, Mme Marguerite-MarieStéphan, MM. François Tailllandier, Michel Tauriac, Mme Pascale Thibaudeau, MM. Henri Tisot, Georges Touzet,MeiPhilippe Tuffreau, MM. Jean Vautrin, Enrique de Verdonces...

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PENTATHLON (ense prononce in) n. m. XVI e siècle, pentathle; XXe siècle, pentathlon. Emprunté,par l’intermédiaire du latin pentathlum, du grec pentathlon, de même sens, lui-même composé depente, « cinq », et athlon, « combat, épreuve ».SPORTS. Nom donné à une compétition comportant cinq épreuves. Pentathlon moderne, disciplineolympique comprenant l’équitation, l’escrime, le tir, la natation et le cross-country.

PENTECÔTISME n. m. XXe siècle. Dérivé de pentecôtiste.RELIG. CHRÉTIENNE. Vaste courant religieux issu du méthodisme, qui est apparu aux États-Unis audébut du XXe siècle, et dont la spiritualité est fondée sur la recherche des charismes de l’Esprit-Saint,tels que les dons de guérison, de prophétie, de glossolalie ; l’ensemble des Églises protestantes néesde ce courant et des mouvements religieux qui s’y rattachent. Le pentecôtisme est à l’origine du«irenouveau charismatique » qui s’est développé dans les différentes Églises chrétiennes. Du fait deleur prosélytisme, le pentecôtisme nord-américain comme le baptisme[...] connaissent une grandeexpansion en Amérique latine, en Afrique et même dans une partie de l’Europe.

PÉPONIDE n. f. (se rencontre aussi au masculin). XVe siècle, pepon, « melon » ; XIX e siècle, au sensactuel. Issu, par l’intermédiaire du latin pepo, peponis, « pastèque, melon », du grec pepôn, « mûr,cuit ».BOT. Fruit des Cucurbitacées. Le melon, la citrouille, la courge sont des péponides.

PERCHIS n. m. XVIII e siècle. Dérivé de percheII [n. f. XII e siècle, pour désigner une longue gaulede bois ; XIII e siècle, comme mesure agraire. Issu du latin pertica, de même sens.]1. Très jeune futaie dont les pousses ont de dix à vingt centimètres de diamètre. Dans ledéveloppement d’un peuplement forestier le perchis succède au gaulis(voir ce mot). 2. Clôture faite de perches.

PERCOLATION n. f. XXe siècle. Emprunté au latin percolatio, « filtration ».1. HYDROL. Circulation lente d’un liquide à travers une substance poreuse. La percolation de l’eaude pluie dans la craie.2. TECHN. Opération qui consiste à faire circuler lentement un solvant dans un mélange pulvérisé,afin d’en extraire les constituants solubles (on dit aussi lixiviation).

PERFORMANT, -ANTE adj. XXe siècle. Dérivé de performance.ÉCON. TECHN. Qui est capable de performances élevées. Machine performante. Ordinateurperformant. Entreprise performante.L’emploi de ce mot dans le langage courant, notamment en parlant de personnes, estdéconseillé ; on utilisera de préférence efficace.

* Extraits du fascicule PATTÉ àPÉRIODIQUEMENT(21 mars2007) de la neuvièmeédition du Dic-tionnaire de l’Académie française. Les fascicules sont publiés par le Journal officiel, au fur et à mesurede l’avancement des travaux de l’Académie, et sur l’internet : www.journal-officiel.gouv.fr/dae.html

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L’Académie gardienne de la langue

Voici quelques autres nouvelles entrées (voir DLF, no 224, p. 20) susceptiblesd’intéresser les lecteurs :

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FATUITÉ n. f. Du latin fatuitas, de fatuus, « sot ». Satisfaction de soi-même quis’étale d’une manière insolente et ridicule.« …ils [ces gens] se croient de l’esprit, ils donnent le dernier dégoût par leur fatuitéet par leurs fadaises.» (La Bruyère.)« …ces pièges à paon où la fatuité française laisse toutes ses plumes pour le plaisirde les étaler. » (Barbey d’Aurevilly.)

FÉMINIE n. f. L’ensemble des femmes, leurs habitudes, leur domaine.« Avec eux vinrent tant de suitte de dames et damoiselles, qu’il sembloit que leroyaume de feminie y fut arrivé. » (Lacurne.)

FERRER (SE LAISSER) v. Être docile, obéissant, soumis, se laisser dominer.« Béatrice mit, pour se laisser ferrer, juste le temps nécessaire à bien s’assurer prisesur celui qui la voulait prendre.» (Maurice Druon.)

FESSE-MATHIEU n. m. Usurier sordide, homme qui prête sur gage. L’expressionsignifie littéralement celui qui bat saint Mathieu avec des verges pour lui soutirer del’argent, et pas forcément sur les fesses ! Ce saint était le patron des changeurs.« Vous êtes la fable et la risée de tout le monde, et jamais on ne parle de vous quesous les noms d’avare, de ladre, de vilain et de fesse-mathieu.» (Molière.)

FOLÂTRE adj. Qui aime à faire gaiement de petites folies. De fol, « un peu foui».« Je suis vieux, aveugle et sourd, et ces petits agréments ne rendent pas un hommeexcessivement folâtre.» (Voltaire.)

FOLÂTRERIE n. f. Action, parole folâtre. On a dit folastrie.« On trouve la felicité par la guayeté et la folastrie.» (Montaigne.)

FORFANTE n. m. Hâbleur, fanfaron, charlatan. De l’italien furfante, «icoquin,friponi».« Il y a encore une infinité de telles forfanteries qui ont esté inventées par lesforfantes, pour affliger et tourmenter les hommes.» (Paré.)

FORFANTIER n. m. Celui dont le caractère est la forfanterie, c’est-à-dire celui duforfante.« Je me suis longtemps inquiété pour savoir au vrai si Jean-Jacques [Rousseau]était devenu enthousiaste de la vertu, ou s’il n’était qu’un forfantier. »(Beaumarchais.)

Jean TRIBOUILLARD

Mots en pér i l

LE FRANÇAIS EN FRANCE

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ÉPOQUE (D’ ) (pour vintage) : Se dit d’un objet, autrefois en usage, qui revient augoût du jour.

RÉTRO (pour vintage) : Se dit d’un objet qui imite un style passé ou une moderévolue.Note : On dit aussi à l’ancienne.

TIRAGE D’ÉPOQUE (pour vintage, vintage print) : Photographie dont le tirage estcontemporain de la prise de vue.

* « Vocabulaire de la culture »,adopté par la Commission générale de terminologie, et publié auJournal officiel le 7 juin 2007, consultables sur CRITER, base de données terminologiques de laDélégation générale à la langue française et aux langues de France :www.culture.gouv.fr/culture/dglf/

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AA ccept ions et mots nouveaux*

COMPAGNIE À BAS PRIX 1 (pour low cost airline, low cost company, low fare airline) : Compagnie aérienne dont l’offre commerciale repose principalement surles tarifs les plus bas possible, obtenus en réduisant les coûts d’exploitation,notamment ceux qui sont liés aux conditions d’utilisation des appareils et auxservices proposés aux passagers.Note : On trouve aussi le terme compagnie à bas coûts.

1. Ce seul terme, appartenant au « Vocabulaire des transports », a été publié au Journal officieldu 7 juin 2007.

SALLE D’ÉPOQUE 1 (pour period room) : Espace réunissant un ensemble d’élé-ments destinés à reconstituer un décor typique d’un moment dans l’histoire dugoût.

1. Ce seul terme, appartenant au « Vocabulaire de la culture », a été publié au Journal officieldu 16 février 2007.

JOURNALISTE EMBARQUÉ 1 (pour embedded journalist, embedded reporter)i:Journaliste intégré, sur la base d’un accord contractuel, à une unité combattanteen opération.

1. Ce seul terme, appartenant au « Vocabulaire de la communication », a été publié au Journalofficiel du 2 mai 2007.

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A u b e r g i n e

Les Perses ont nommébatingan cette plantepotagère de la familledes Solanacées. LesArabes l’ont apportéeen Occident, en yajoutant leur articledéfini al-badinjan. De la Catalognel’ alberginia est remontée vers lenord, où les botanistes l’ont appeléeSolanum melongena, de l’italienmelanzana. Mot directementemprunté au grec melanzana, oùles deux premières syllabessignifient «ide couleur sombre, noir», et c’est ainsi qu’en France, avantl’apport arabe, le fruit se nommait«imélongène ».Amusant de noter qu’en raison desa forme l’aubergine indienneestappelée « plante ovoïde » enallemand (Eierpflanze) et de mêmeen américain (eggplant), alors queles Anglais disent aubergine. À laRéunion, j’ai entendu « bringette »et à Moscou, baklajane.La plante est annuelle sous nosclimats, alors que je l’ai vue vivace

au Sénégal et en Inde.En Israël, elle sedécline sous toutes lescouleurs.De goût amer désa-gréable lorsqu’on lamange crue, elle est

délicieuse fourrée, frite en beignet,braisée ou, mieux encore, cuite à lavapeur, avec cet avantage deposséder beaucoup de vertus(magnésium, zinc, potassium,fibres) et très peu de calories, àl’instar de la tomate, de l’endive etde la laitue. Si vous avez trop decholestérol (LDL), une cured’aubergine à l’étuvée vous aidera.Si de plus vous en consommez lapeau, c’est un excellent anti-oxydant.Mais évitez de manger trop demoussaka, spécialité culinairegrecque, car l’aubergine, la tomateet le bœuf y sont noyés dans labéchamel.

Bernie de TOURS

Le livre, tant attendu par les étudiants de Bernie et par les lecteurs de sa chroniquehebdomadaire dans La Manche libre, vient de paraître. Il s’intitule Le mauvais tour deBabel. Pérégrinations ludiques au royaume des mots. Et il est préfacé par Jacquelinede Romilly, de l’Académie française (Scali, 608 p., 29 €).

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L ie nom propre Guinée estaconsidéré comme ancien pour

désigner la vaste zone côtière del’Ouest africain comprise entre leCap-Vert (Sénégal) et l’Angola, en-globant donc l’actuelÉtat de Guinée, laGuinée-Bissau (ex-Guinée portugaise)et la Guinée équa-toriale, sans oublierle grand golfe deGuinée. Pourquoicette même expres-sion peut-elle êtreacceptée pour couvrirdes surfaces aussidiversifiées et étendues ? En 1663, le mot guineafut donné àune pièce d’or qui deviendra«iguinée » en français en 1669.Voltaire nous éclaire : « On trouvaenfin de l’or sur les côtes de Guinée,mais en petite quantité, sous le roiJean II [Joao II de Portugal] ; c’estde là qu’on donna depuis le nom deguinées aux monnaies que les Anglais(sous l’autorité de Charles II) firentfrapper avec l’or qu’ils trouvèrentdans le même pays» (Mœurs, 141).Les pièces de la Compagnie deGuinée portaient même un éléphantqui marquait l’origine africaine etauthentifiait la monnaie. Cetteguinée valait vingt et un shillings.

Elle fut remplacée par le sovereign(souverain)en 1817.Guinéedésignait en outre une piècede tissu de coton de qualité courante,souvent teinteen bleu, utilisée pour

pratiquer des trocsauprès des habitantsafricains. Le motconvint aussi à desarticles de cuir, debuffleterie. Un oiseau est par-fois rattaché à cetteorigine supposée :la pintade. Or,Meleagris est lenom grec de ce

volatile, utilisé en particulier parAristote et que l’on retrouve chez desauteurs latins avec numidameleagris, la «ipintade de Numidie ».

Cet oiseau avait donc existéanciennement en Afrique du Nord,

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L e m y s t è re d e G u i n é e

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puis avait dû disparaître pour êtreredécouvert plus tard, au Sud, par lesnavigateurs portugais. Le motsouligne l’aspect d’« oiseau peinti»,depuis pintar, «ipeindre », enportugais, à partir du latin pingere,supin pictum. On dit actuellementgalinha-d’angola, ce qui fait allusionà une autre province d’outremer.Guinette est un vieux mot parcequ’on disait cet oiseau venir deGuinée, comme on parlait aussi de«ipoule de Guinéei». Mais quellerégion était exactement viséei? Quant au mot anglais correspondant,au moins deux noms d’animauxl’utilisent en composition :guineafowlet guinea pig. Ce dernierconvient au « cobaye », que lefrançais surnomme cochon d’Inde.Pourquoi ces divers mots ? Guinéepourrait être ici la déformation d’unautre terme exotique convenant à laGuyane, que Christophe Colombavait abordée et fait connaître en1498, année de l’arrivée aux Indes(les vraies !) de l’expédition deVasco de Gama. La référence auxIndes (occidentales) se retrouve dans

le portugais porquinho-da-India etl’italien porcellino d’India, tandisque cochonpourrait se justifier parl’émission de petits cris analogues àceux du porc. Le nom savant estd’ailleurs Cavia porcellus, tandis que

l’espagnol compare l’animal à unpetit lapin (conejillo de Indias,depuis cuniculus, qui a laissé conilen vieux français et dans deslangages patoisants).Quant à guineahenet à guinea-cock,ils signifient respectivement «ipintadefemellei» et «ipintade mâlei». Etl’expression anglaise Guinea wormdésigne un petit animalparasite,Dracunculus medinensis, la « filairede Médinei», qui se rapporte à lafameuse ville d’Arabie, lieu d’origineencore plus éloigné. Quel lecteursavant expliquera l’énigme ?

Pierre DELAVEAU

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NDLR : Rappelons les titres des deux derniers ouvrages publiés, auxÉditions Pharmathèmes, par le professeur Delaveau : Expliquez-moiles épices. Aromates ou médicaments ?(2006) et Bestiaire végétal,ces animaux parmi les plantes (2007).

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N i g é r i a

Des lecteurs se sont étonnés de trouver dans notre revue (no 224, p. 12) «iNigeria » àl’anglaise, sans accent. Nos correcteurs (peut-être à regret) n’ont fait que suivre lesdictionnaires. Nous avons donc demandé à notre spécialiste de ces questions, Ange Bizet,de faire le point.

I iL EST surprenant que des défenseurside la langue française aient cru voir

un péril dans la mini-réformette desrectifications orthographiques de 1990éliminant quelques exceptions injusti-fiées et procédant à quelques régula-risations (la modification de quelquesaccents avait alors provoqué une levéede boucliers largement relayée par lesmédias), alors que personne n’avait réagià une réforme radicale qui, pour les nomsgéographiques, avait été imposée contrel’usage et en contravention avec lesystème.Au nom du «ivrainomi», pour une uni-fication internationaleniant la spécificité dechaque langue (effetde la mondialisationen marche avant la lettre), lesdictionnaires, qui prétendent pourtantenregistrer l’usage, ont, comme norme,substitué aux formes françaises, desnoms étrangers, ignorant que le nomne dépend pas de la chose mais de lalangue dans laquelle on s’exprime.L’usage de la forme française restelargement répandu. La requête surGoogle [Nigéria -Nigeria] donne

presque deux millions de pages fran-cophones comportant exclusivementNigéria. Il faut y ajouter celles,innombrables, sur lesquelles figurentles deux formes (parce que bilinguesou incluant une citation ou une adresseen anglais), sans compter avec lacroyance erronée selon laquelle on nedevrait pas accentuer les majuscules.[Libéria -Liberia] donne des résultatssimilaires.Pour ceux que l’argument d’autoritérassure, sachez qu’à l’ONU, Nigériaest la seule forme enregistrée pour le

français, et que lanomenclature de laCommission nationalede toponymie et la listeofficielle du ministèredes Affaires étrangères

ont rétabli l’accentuation régulière pourles noms de pays. Alors, écrivonsnormalement, Nigéria, Libéria,Vénézuéla, Guatémala… comme onécrit vénézuélien, guatémaltèque…, etles dictionnaires suivront.Jamais la norme n’a imposé, parexemple, Yémensans accent. La raisonen est que le nom originel s’écrit enarabe dans un autre alphabeta;

Alors, écrivonsnormalement, Nigéria,

Libéria, Vénézuéla,Guatémala…

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Venezuelaserait espagnol, donc sansaccent. Mais quel est donc le nomfrançais de ce pays ? Quelle est cetterègle absurde selon laquelle on doitsavoir écrire le nom dans la langueofficielle locale, avant de pouvoirl’orthographier dans notre proprelangue, sans accent s’il se composedes mêmes lettres ?

De même qu’on écrit Panamaet non«iPanamá», parce que cet accent surle á ne correspond à rien dans lesystème français, écrivons les accentssur les e où ils sont indispensables.

Ange BIZET

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C a c h e t d ’ a s p i r i n e

L IE cachet d’aspirine est commeile yéti : tout le monde le

connaît et personne, pourtant, nepeut se vanter d’en avoir jamais vuun. L’expression, bien installée dansles habitudes langagières, estd’usage courant, admise par tous. Etcependant elle est impropre.

Le cachet, aujourd’hui détrôné par lagélule, était une capsule en paind’hostie, qui contenait une dose depoudre médicamenteuse. Aussi loinque remontent mes souvenirs,l’aspirine m’est toujours apparue encomprimés qui, comme le nom

l’indique, sont des pastilles dematière que l’on a comprimée pourlui donner une consistancecompacte.L’attrait du terme cachetest étrange,car dans les films, les romans, lesfeuilletons, on l’emploie toujours àpropos de médicaments présentés

sous une forme solide, quelle qu’ellesoit. Il existe pourtant un vocabulairebien spécifique selon les cas :granules, comprimés, pilules,pastilles... Ayons le souci du motjuste.

Jacques PÉPIN

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NiON, ce n’est pas le titre d’uneifable !

Considérant qu’il y a peu de chancesque le premier rencontre un jour lesecond, quel peut bien être le rapportentre les deux ? Il est d’ordre éty-mologique : fakir ne vient pas d’Inde,contrairement au cochon du mêmenom, et caviar n’est pas venu deRussie.

Aujourd’hui, lefakir est définicomme un ascètemusulman ou hin-dou. Le mot faitson apparition en1653, probable-ment chez legrand voyageurTavernier. Absent

de la première édition du Dictionnairede l’Académie (1694), il est enrevanche connu de Furetière dès 1690,lequel le définit fort curieusement, aupluriel, comme «icertains devotserrants dans les Indes[...] Il y a auxIndes huit cens mille FaquirsMahometans & douze cens milleIdolatres», et de donner beaucoup dedétails, assez croustillants. Le motfigure dans la cinquième édition del’Académie, où Faquir renvoie à Fakiret les deux formes coexistent danstousales dictionnaires jusqu’auxannéesitrente. Il y a deux siècles, il ne

désignait qu’une « espèce de dervis oureligieux mahométan», et c’étaitlogique, puisque Dervis (ou Derviche)est antérieur. Comme le signalait déjàl’Académie, il signifie « pauvre » enpersan, tout comme faqir en arabe. Le mot fakir se retrouve dans lesautres langues européennes : tel quelen anglais, allemand, néerlandais etdans les langues slaves et scandinaves,et au contraire naturalisé dans lesautres langues latines, espagnol,italien, portugais ou roumain. Mais ilest devenu péjoratif, dans la mesure oùle fakir a tendance à se mortifier enpublic, tandis que le yogi ou, plusexactement, yogin (« unifié » ensanskrit) est un vrai sage, un ascèteplus authentique.

À la différence du fakir, dégustonsmaintenant le caviar.Si le mets vient principalement deRussie, il est sûr aujourd’hui que, enfrançais, l’étymon est le turc kavyar, etque le mot nous est venu par l’italien,plus exactement par le vénitiencaviaro, Mais le Grand Dictionnaireuniversel de P. Larousse le faisait venirdu grec moderne caviari (!), et l’Ency-clopédie Petrossian(sur la toile) hésiteentre le grec avyron « œuf » (sic) et leturc khävar (resic) « œufs depoissoni». Surtout, en allemand, ledictionnaire Kluge, dictionnaire

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L e f a k i r e t l e c a v i a r

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L a p o m m e

étymologique de référence, estformeli: kaviar vient du vénitien,emprunté… au grec chaviarion, attestédepuis le IXe siècle.Petrossian fait remonter le mot aumilieu du XVe siècle, ce quicorrespond à 1432, premièreapparition («icavyairei»)indiquée par les étymo-logistes, dans le récit devoyage de B. de la Broquière.Toutefois, Chantal Tanet,dans le Dictionnaire culturel d’AlainRey, note qu’« on en donne des recettesau XIVeisiècle dans Le Mesnagier deParis », qui date en effet de 1393. Maisalors, quid de l’autre date ?

Rabelais l’emploie deux fois, maiscurieusement il l’écrit caviat (TiersLivre), et même caviatz au pluriel(Pantagruel), et sans éprouver lebesoin de le définir. « On ne sait pas,

précise Ch. Tanet, si le “caviat” dontparle Rabelais était d’esturgeon etprovenait de nos rivières ou si c’étaitdéjà un produit d’importation.» Mais,puisque le mot est lui-même

emprunté… En revanche, ilest exact que, sous saplume, il n’apparaît ninouveau ni précieux.

Si caviar n’est pas venude Russie, quel est le motcorrespondant ? C’est ikra,

qui n’est nullement un emprunt. Leserbo-croate dispose des deux mots, etil serait intéressant de connaître leursdates d’apparition respectives.Coïncidence amusante : dans leslangues polynésiennes, notamment enfidjien, ika, c’est le poisson.

Jacques GROLEAU

L iA POMME est le fruit le plusirépandu dans le monde ; elle ne

compte pas moins de 7i000 variétés.Dans le domaine du vocabulaire, sonemploi analogique ou symbolique esttrès riche ; c’est lui qui nous intéresseici.Sa forme a donné naissance, paranalogie, à de nombreux nomsd’autres végétaux ou d’objets divers :

pomme de pin, pomme de terre,pomme d’amour, c’est-à-dire latomate, pomme d’arrosoir, pommede douche, pomme d’Adam, pommeau sens de « tête, figurei», et, parmétonymie, ma, ta, sa pommepour«ima, ta, sa personne ». On trouveencore les dérivés pommette,pommeau, pommade, produit grasaromatisé à la pomme d’api (pomme

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produite à Rome par Appius Claudius).Elle est par ailleurs le symbole denombreuses allusions mythologiques,historiques, littéraires, scientifiques ouanecdotiques : la pomme du paradis,la pomme de la discorde, lespommes du jardin desHespérides, la pomme deGuillaume Tell, la pommede Newton, la pommeempoisonnée de Blanche-Neige. La pomme mordue,symbole de la marque dumatériel informatique Apple,a été choisie en souvenir desrepas, composés seulement depommes, des deux pionniersde la marque, qui manquaientde temps et d’argent pour senourrir autrement.Certains emplois méritent une explica-tion. Dans la Bible (Genèse 2, 17), ilest dit : « … de l’arbre de la connais-sance du bien et du mal tu nemangeras pas…» Il n’est jamaisquestion de pomme. En latin, malum,selon la prononciation, désigne la«ipomme » ou le « mal » ; pomum, quinous a donné le mot pomme, désignaitle fruit à pépins. Quand le texte grecfut traduit en latin, c’est le mot malum,pour «imali», qui fut employé ; lestraducteurs du latin le confondirentavec l’autre malum, et l’arbre fut prispour un pommier, d’où la naissance dela légende d’Ève et de sa pomme. Si lapomme a été bien avalée par Ève, celle

d’Adam lui est restée dans le gosier,d’où la saillie du cou appelée pommed’Adam, formée en fait par le cartilagesupérieur du larynx.Au Moyen Âge, quand l’orange arriva

d’Orient en Méditerranée, onl’appela, toujours par analogie,malum auratum, « pommedorée ». Une confusion avecles pommes d’or des Hespé-rides s’installa dans l’espritdes botanistes et ils donnèrentà la famille des oranges lenom d’hespéridée. « Hespé-rides » est tiré du grec hesper,« soir, couchanti», car lesGrecs disaient que le jardindes Hespérides était situédans les îles de l’océanAtlantique, du côté du

couchant, les îles Canaries peut-être.Les concepteurs des Hespérides,résidences pour personnes âgées, ontchoisi comme symbole une pommedorée, celle du jardin du soir de leurvie.Éris, déesse de la discorde, lança sur latable des dieux de l’Olympe unepomme en or destinée à la déesse laplus belle. Pâris, chargé du choix, ladonna à Aphrodite qui lui avait promisl’amour de la belle Hélène dontl’enlèvement déclencha la guerre deTroie.

Philippe LASSERREDélégation de Bordeaux

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Extrait de la Lettre du CSA*

AlternativeSouvent dénoncé dans le courrier des téléspectateurs, l’emploi d’alternative

dans le sens de solution de rechange, sous l’influence de l’anglais alternativequisignifie «iune solution, une possibilité », est aussi critiqué par les dictionnaires desdifficultés du français. Traditionnellement, une alternative est un « choixnécessaire entre deux propositions, deux attitudes dont l’une exclut l’autre ».Aujourd’hui, notamment dans la langue des médias, le mot prend le sens de«ipossibilité, option, parti, éventualitéou solution». Il arrive même que l’on parlede « deux alternatives» ce qui, au sens propre, signifie « quatre solutions ». Enréalité, on n’a pas à choisir entre deux alternatives, mais bien entre les deuxtermes d’une seule et même alternative.

Le glissement de sens du mot alternativeentraîne un glissement de sens du motdilemme (avec deux m et non pas mn par confusion avec indemne) qui signifieune «iobligation de choisir entre deux partis possibles, comportant tous deux desinconvénientsi», alors que dans alternative, une au moins des solutions estfavorable.

ConséquentEmprunté au latin consequens, participe présent du verbe consequi, « ce qui

suiti», l’adjectif conséquentsignifie « qui suit quelque chose de manièrelogiquei».

L’adjectif conséquents’applique à une personne qui agit ou raisonne aveclogique, qui ne met pas en contradiction ses paroles et ses actes : être conséquentet agir selon ses principes.

C’est à tort que l’on considère souvent que l’emploi de conséquentau sensd’«iélevé, important, grave, notable », appartient à la langue soignée. C’est aucontraire dans la langue familière qu’est né ce glissement de sens.

* Numéro 196 (juin 2006).

À t i t re de promot ion :

chaque adhérent c i té dans la revue

reçoi t deux exemplaires supplémentaires de DLF .

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A iFIN de mieux appréhenderil’évolution des langues française

et québécoise telles qu’elles sontparlées aujourd’hui, il m’a sembléintéressant de procéder à l’analyse dequelques termes considérés dans uneapproche de type diachronique. Pour ce,j’ai fait appel d’une part à un ouvrageclassique, soit le dictionnaire Le PetitRobert pour ce qui concerne la languefrançaise, et d’autre part à l’excellentouvrage de Léandre Bergeron1 quiprocède à un relevé taxinomique desdifférentes locutions usitées actuellementau Québec. Il rappelle également lespoints essentiels de la charte de lalangue québécoise.

En 1635, le cardinal de Richelieufonde l’Académie française, qui doit«iréglementer et gouverner la langue,[...] nettoyer la langue des orduresqu’elle avait contractées ou dans labouche du peuple, ou dans la foule duPalais, ou dans les impuretés de lachicane…» (projet de l’Académie du24imars 1634). Toujours à la mêmeépoque, Claude Favre, seigneur deVaugelas (1585-1650), grammairien etqui se veut le défenseur du bien-parler«ifrançois », relègue dans le parlervernaculaire des locutions savoureusesqui sont présentées dans le tableau ci-dessous avec, en regard, leursignification en français standard.

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Entr e « françois » normé et parlure vernaculaire

québécois français standard

mauvaiseté méchanceté, malice paroles grivoises

abîmage action de confondre un interlocuteur.Ex. : un vrai abîmage en règle

maganer maltraiter, malmener

magniéreux maniéré

barouettée brouettée

Ce parler va traverser l’Atlantiqueavec les premiers Québécois. Cesderniers étaient pour la plupart despersonnes de condition modeste, leurbagage étant la langue de leur région.

Ainsi, la langue québécoise est-elle unmélange des vernaculaires de régionscomme l’Île-de-France, la Saintonge,le Poitou, la Normandie, la Beauce, leBerry, etc. En ce qui concerne, par

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exemple, la culture berrichonne,George Sand, dans sa série de romanschampêtres tels La Mare au diableetFrançois le Champi, utilisait destermes comme barguigner, quisignifiait « hésiter ». Ce dernier estd’ailleurs toujours en usage auQuébec. Dans les deux romansprécités, un certain nombre de termesdont l’usage est tombé en désuétude enFrance sont encore d’actualité dans laBelle Province, comme celui dedésenfarger qui, au XIX e siècle en terreberrichonne, signifiait « à qui l’on aenlevé les entraves » et qui est usitéactuellement au Québec sous la formes’enfarger, qui signifie « se prendredans/se cogner suri». Quant à lalangue française, sous l’injonctionrévolutionnaire des années 1789, elleva devenir la langue officielle de latoute nouvelle république et lesdifférents dialectes en vigueur dansl’ancien royaume de France prendrontle statut de parlers marginalisés, carrejetés en tant que langues verna-culaires.

George Sand, dans l’avant-proposintroduisant François le Champi, oùelle propose, sous la forme d’un dia-logue, une petite réflexion philo-sophique sur le sens du beau et du vrai

chez « le paysan le plus simple et leplus naïf», évoque le problème générépar l’obligation d’utiliser le françaisnormé en place de la langue régionale.En page 166, elle soulignei: « C’estpour moi une cause de désespoir qued’être forcée d’écrire la langue del’Académie, quand j’en sais beaucoupmieux une autre qui est si supérieurepour rendre tout un ordre d’émotions,de sentiments et de pensées.i» Cetteévocation de l’Académiefrançaisecréée par Richelieu et dans le secret delaquelle se forge le bon usage de lalangue française est rappelée page 170du même ouvrage, à propos du termechampi, lequel signifie «ienfant trouvéi».Toujours, sous forme dialogale, soninterlocuteur rétorque que « champin’est pas français », à quoi l’auteurrépond : «iJe te demande pardon… Ledictionnaire le déclare “vieux”, maisMontaigne l’emploie, et je ne prétendspas être plus française que les grandsécrivains qui font la langue.» Lalangue française deviendra donc lalangue de l’État, celle de l’enseigne-ment et de la rédaction des textesofficiels, tandis que les mots de cesparlures régionales intégreront lalangue québécoise d’aujourd’hui.

Mar cienne MARTIN

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1. Dictionnaire de langue québécoise (VLB Éditeur, Montréal, Canada, 1980, 575 p.) etDictionnaire de langue québécoise, précédé de La Charte de la langue québécoise(VLB Éditeur,Montréal, Canada, 1981, 168 p.).NDLR : Marcienne Martin est l’auteur du Pseudonyme sur Internet, unenomination située au carrefour de l’anonymat et de la sphère privée(L’Harmattan, « Langue et parole », 2006) et du Langage sur l’Internet, unsavoir-faire ancien numérisé (L’Harmattan, « Langue et parole », 2007).

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Dans son roman La Peste, AlbertCamus écrivait :« Les plus pessimistes[...] avaientépuisé d’avance toute l’amertume deces mois à venir, hissé à grand-peineleur courage au niveau de cetteépreuve, tendu leurs dernières forcespour demeurer sans faiblir à hauteurde cette souffrance... »Ce n’est pas la peste que nous voulonsdécrire ici, mais une nouvelle maladiecontagieuse, qui frappe toutes lesclasses sociales : c’est la « niveaumania »autrement dit la manie d’utiliser, à tortet à travers, l’expression au niveau de.Cette locution signifie textuellement«ià la hauteur de » et, comme dans letexte magnifique d’Albert Camus, ellene devrait pas être utilisée dansd’autres sens. Hélas, non seulementelle envahit les ondes de la radio et de latélévision (y compris celles des chaînes« culturelles »), les textes politiques etles éditoriaux, mais elle sévit égalementdans les meilleures revues.Presque aucun des constituants de laphrase n’est à l’abri de cette maladie.

Le plus souvent, il s’agit ducomplément circonstanciel de lieu:«iLes participants ont beaucoup discutéau niveau de l’amphithéâtre » (dansl'amphithéâtr e) ; « l’enquête a étéeffectuée au niveau de plusieurs pays»(dans plusieurs pays) ; « le malade est

tombé au niveau du trottoir » (sur letr ottoir ) ; « les antibiotiques sontdosés au niveau du liquide pleural»(dans le liquide pleural).La maladie peut toucher le complémentcirconstanciel de temps. « Aucunnouveau cas n’a été observé au niveaude 1988» (en 1988) ; « Au niveau desquatre derniers mois, 6i000 maladesont été hospitalisés » (pendant lesquatre derniers mois).Elle frappe le complément d’agent:«iUn expert a été désigné au niveau del’Ordre des médecins» (par l’Ordr edes médecins) ; « Cet argument a étérepris au niveau des syndicats» (parles syndicats).Elle atteint le complément d’objetdir ect : « Au niveau des étudiants, ilfaut les sensibiliser » (il fautsensibiliser les étudiants) ; lecomplément d’objet indirect : « Lesmédecins ont appliqué tous leursefforts au niveau de la poursuite dutraitement » (à la poursuite) ; « laCEE fournira une aide au niveau duSénégal» (au Sénégal).Elle atteint le complément de nom:«iL’incitation aux travaux d’évaluationau niveau des praticiens» (l’incitationdes praticiens aux travaux d’évalua-tion).Souvent l’ordr e de la phrase estinversé : « Au niveau des infirmières,une solution a été proposée» (les

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« N i v e a u m a n i a »

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infirmièr es ont proposé une solution) ;«iÀ ce niveau-là, l’administration nefait pas beaucoup d’efforts » (l’admi-nistration ne fait pas beaucoupd’efforts en ce sens).Les comptes rendus médicauxsontsouvent affligeants : « Il n’y a pas deproblème d’hémorragie au niveau dela jambe» (la jambe ne saigne plus) ;« Le malade présente une douleur auniveau du genou» (le malade a malau genou).En dehors des textes médicaux, la«iniveaumania » s’associe volontiers àun langage apparemment recherché,comme dans une émission récente deFrance Culture : « Un ancrage s’est faitau niveau du Théâtre de la Ville. » ;«iLes programmes ont fait tached’huile au niveau du festival.»Cette maladie du langage parlé et écrittémoigne-t-elle d’une paresse intellec-tuelle et d’un appauvrissement duvocabulaire ? Quand l’orateur ou lescripteur dit ou écrit : « Au niveau dugouvernement, la situation est en voied’apaisement», l’allongement de laphrase permet de réfléchir tout en ladisant. Ne serait il pas préférable de ré-fléchir avant à ce que l’on veut dire ?

Que les lecteurs et les rédacteurss’efforcent de corriger ce défaut. Larefonte des phrases, comme nousl’avons fait ci-dessus, est un excellentexercice. Les discours et les écritsdeviennent plus clairs, plus précis etplus élégants.

Ne terminons pas sans citer quelquesexemples tirés du Littré où la tournureest employée à bon escient :« Quelle horrible peine a un hommequi est sans prôneur et sans cabale[...] et qui n’a que beaucoup de méritepour toute recommandation, de sefaire jour à travers l’obscurité où il setrouve, et de venir au niveau d’un fatqui est en crédit» La Bruyère, LesCaractères.« Ce poème est mis par les Anglais auniveau de L’Iliade, et beaucoup depersonnes le préfèrent à Homère, avecquelque apparence de raison» Voltaire,Essais.« Avec les gens de lettres, elle était aupair des plus ingénieux et au niveaudes plus instruits » Marmontel,Mémoires.

Jean-RogerLE GALL

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* Le professeur Jean-Roger Le Gall est chef du service de réanimation de l’hôpital Saint-Louis, àParis.

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Qui n’a pas, un jour, hésité sur l’emploi correct des verbes être et avoirquandiils sont employés comme auxiliaires de certains verbes intransitifsi? Larègle est la suivante : conjugués avec avoir, ces verbes intransitifs exprimentl’action (ces taches ont apparusubitement), avec être le même verbe exprime lerésultat de l’action accomplie (ces taches sont apparuesindélébiles). Cette règleest subtile et il faut reconnaître qu’elle n’est pas rigoureusement appliquée.Pourtant, n’est-ce pas la qualité première de notre langue que de permettre des’exprimer avec précision ? Pour les lecteurs du «iParler franc »*, voici quelques-uns de ces verbes.

Accoucher : Elle a accouchéavec les forceps (action). Elle est accouchéedepuis cinq jours(exprime le résultat de l’action).

Accourir : Ils ont accourudès qu’il eut appelé. Ils étaient accouruspour fêterses vingt ans(l’auxiliaire être met en valeur le résultat de l’action).

Changer : Il a changéde l’argent à la banque(action). Depuis qu’il a eu larougeole, cet enfant est bien changé (l’auxiliaire être n’est autorisé que pourparler de l’état d’un malade).

Commencer: Il a commencéà tousser aux premiers jours de l’hiver(action).La séance est commencéedepuis un quart d’heure (l’auxiliaire être insiste surl’état, le délai d’un quart d’heure).

Descendre : Avec ses nouveaux skis, il a descendula piste à toute vitesse(l’auxiliaire avoir est réservé à l’emploi transitif, mais, dans l’emploi transitifabsolu, il permet d’insister sur l’action : Il a descendutrès vite). Dès qu’on m’aappelé, je suis descendu(l’emploi intransitif avec l’auxiliaire êtreest correct danstous les cas. Ce qui est répréhensible, c’est le pléonasme bien connu « descendreen basi»i!).

Disparaître : attention ! La conjugaison de ce verbe se distingue de celle duverbe apparaître par l’usage actuellement constant de l’auxiliaire avoir pourexprimer aussi bien l’action : D’après la gendarmerie, il aurait disparu aprèsl’accident, que l’état résultant de l’action : Depuis qu’il a disparu, nous sommes

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Ê t r e o u a v o i r

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très inquiets.On réserve l’auxiliaire être à l’expression être disparu, euphémismepour dire « être mort », ou pour marquer le sens irréparable et très ancien de ladisparition : Il y a longtemps que ces anciennes coutumes sont disparues.

Divorcer : Ils ont divorcérécemment(action). Depuis qu’ils sont divorcés, ils sontheureux l’un et l’autre (résultat de l’action).

Éclore : Si la tendance actuelle est de généraliser l’auxiliaire être : Les œufs sontéclosdans la nuit, l’Académie rappelle que ce verbe peut se conjuguer parfoisavec l’auxiliaire avoir pour indiquer le résultat de l’action : Ces œufs ont éclosdans la nuit.

Embellir : L’Académie, dans la dernière édition de son Dictionnaire, ne faitaucune différence entre les auxiliaires être et avoir dans la constructionintransitive de ce verbe. Cependant : Votre fille a beaucoup embelli ces dernierstemps(avoir permet d’insister sur cet embellissement), alors que : Depuis leravalement des façades des immeubles, la ville de Bordeaux estbien embellie, oninsiste sur l’état résultant du ravalement.

Empir er et maigrir se conjuguent, de nos jours, avec avoir, alors que passeretressusciteradmettent l’auxiliaire être.

Pour monter, dans sa forme intransitive, on ne respecte plus guère la règle desauxiliaires être et avoir : Il est(au lieu de il a) monté dans sa chambre à minuit,sauf pour le niveau de l’eau ou le prix des choses (le niveau de l’eau a monté; leprix de l’essence a monté).

Enfin, vieillir et rajeunir se trouvent réunis pour respecter la bonne vieille règled’emploi des auxiliaires : Grâce au sport, il a rajeuni de dix ans(on insiste sur lefait). Avec la pratique du sport, il est rajeuni de dix ans(on insiste sur l’état).Depuis son départ à la retraite, il a vieilli considérablement.iAujourd'hui, il estbien vieilli .

Jacques MOULINIERDélégation de Bordeaux

* Titre de la chronique hebdomadaire que la délégation de Bordeaux assure depuis dix ans dans SudOuest Dimanche.

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À IL’ INSTAR des guillemets (articleaprécédent, DLF, no 223, p. 32),

les parenthèses apparaissent enimprimerieau XVI e siècle.Comme les guillemets, elles fontl’objet, dans les écrits ou les propos denos contemporains, d’une inquiétanteinflation.À quoi cette intempérance répond-elleet que peut-on en penser ?

Étymologiquement, le mot parenthèserenvoie (en grec) à l’action de placer àcôté (parenthesis).Ainsi s’emploie-t-elle quand on veut in-tercaler dans une phrase une indicationou une réflexion non indispensable ausens. Littré dit de la parenthèse :«iphrase formant un sens distinct,séparé de la période où elle estinséréei». Exemples : Victor Hugo (1802-1885) fut le plusgrand poète du XIXeisiècle.« On conte qu’un serpentvoisin d’un horloger(c’était pour l’horloger uncurieux voisinage) entradans sa boutique...» (LaFontaine, V, 16.)« Spendius (car c’était lui)annonça qu’il allait direquelque chose d’important.i»(Flaubert, Salammbô.)On comprend que laiparen-

thèse, action de « placer à côté »,amène celui qui écrit ou parle às’écarter de son sujet. Elle équivaut àune digression.Autre exemple :« S’il conte une nouvelle, il tombe endes parenthèses qui font oublier le motde l’histoire.» (La Bruyère, Caractères.)Dans ce cas, la parenthèse, remarqueincidente ou digression, nuit à la clartéde l’exposé et constitue une surchargequ’il faut bannir parce qu’elle inter-rompt la construction syntaxique et ledéroulement clair de la pensée.« Il faut s’interdire les digressions etles parenthèses. Par digression, j’en-tends les sentiers de côté, les déviationsque peut prendre une idée principale enpassant trop brusquement d’une idée àune autre. » (Antoine Albalat, L’Artd’écrire, VIII, p. 152.)Citons l’exemple de Proust, qui use etabuse de la parenthèse dans La

Recherche du temps perdu(le passage consacré à lamadeleine). Mais n’est pasProust qui veut. Dansleipassage évoqué, lerecours aux parenthèses estun effet de l’art : il s’agitpour l’auteur de reconsti-tuer uneiaventure intérieureoù, dans le dédale d’unpassé aboli, une mémoirecherche patiemment à

Du bon usage des parenthèses

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resurgir par tâtonnements et approxi-mations successifs.N’allons pas au-delà de nos moyens etde nos ambitions, quand, dans la viecourante et hors de toute visée

littéraire, nous voulons simplementexprimer notre pensée.

Usons avec discrétion des guillemetset économisons les parenthèses.

L a m é t o n y m i e

Au cours d’une récente émission radiophonique à laquelle participait HenrietteWalter, la linguiste signala que le terme cabaretpouvait désigner un plateau utilisépour servir le thé, le café, les liqueurs. Une telle remarque m’a inspiré les lignessuivantes relatives à la métonymie qui, conformément à l’étymologie, exprime undétournement du sens d’un mot, s’opposant à la métaphore par le fait qu’elle estde type discursif et non plus analogique.

Les maîtres de l’art restreignent la métonymie aux usages ci-après.

1. La cause pourl’ef fet« L’Amour languit sans Bacchus et Cérès. »Bacchus évoquant le vin et Cérès le blé, cet énoncé signifie qu’on ne songe

guère à l’amour quand on n’a pas de quoi vivre.C’est une bonne plumedésigne un auteur qui écrit bien.

2. L’effet pour la causeQuand Ovide dit que « Le mont Piléon n’a point d’ombres», il expose que ce

mont n’a point d’arbres qui sont la cause de l’ombre.Les poètes disent « la pâle mort », « les pâles maladies », ces états provoquant

la pâleur ; on donne ainsi à la cause une épithète qui ne convient qu’à l’effet.

P. S.: Petite récréation en prime !On dit de quelqu’un aux jambes arquéesqu’il les a « entre parenthèsesi». Pourqu’on puisse dire qu’il les a « entreguillemets », il faudrait y ajouter les

bras ! (Raymond Devos, Sens dessusdessous.)

Armand HADRIACercle Blaise-Pascalet Pierre GAUSSOT

* * *

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3. Le contenant pourle contenuL’expression il aime la bouteillesignifie qu’« il aime le vin ».« La terre se tut devant Alexandre » veut dire que « les peuples de la terre se

soumirent à lui ».

4. Le nom du lieu où une chose se fait, pourla chose mêmeC’est une Perse, c’est-à-dire « une toile peinte venant de Perse ».Il a un vrai Damas, « il a un sabre ou un couteau fait à Damas ».

5. Le signe pourla chose signifiée« Dans ma vieillesse languissante, Le sceptre que je tiens pèse à ma main tremblante.»

C’est dire que je ne suis plus dans un âge convenable pour me bien acquitter dessoins qu’impose la royauté.

6. Le mot abstrait pour le concret« Une nouvelle servitude se forme tous les jours chez vous», écrit Horace, pour

dire « vous avez tous les jours de nouveaux esclaves ».Sensible à leurs charmes, l’homme se plaît à désigner les femmes par le beau sexe.L’envoi des couleursest, en langue militaire, « l’action de hisser notre drapeau

et de lui rendre les honneurs ».

7. Les parties du corps pourleurs fonctionsLe poète latin Perse dit que « le ventre », c’est-à-dire la faim, le besoin, « fait

apprendre aux pies et aux corbeaux à parler. »C’est une méchante languedésigne « un médisant ».

Jean TRIBOUILLARD

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L e s a v i e z - v o u s ?

L E S V E R B E S F R A N Ç A I S

VERBES EN -DRE (sui te et f in)

B. Verbes n’ayant pas de i à l’infinitif ( suite et fin)3. Verbes en -soudre. Ils ont un participe passé irrégulier en -ous, -oute. Ils ont gardé le t de la

3e personne du singulier du présent de l’indicatif, mais perdu le d duradical.

• Absoudre et dissoudre sont défectifs ; ils n’ont pas de passé simple etdonc pas d’imparfait du subjonctif : j’absous, il absout, j’absolvais,absoudrai(s), que j’absolve; absolvant; absous, absoute.

Le participe passé en u a disparu en laissant un dérivé comme adjectif etun dérivé substantivé, mais avec des sens différents : pouvoir absolui; viedissolue; l’absolu.

• Résoudre a deux sens.a) « Trouver une solution ». En ce sens, le participe passé est resté naturel

et régulier, résolu(e) : il a résolu un problème; l’équation qu’il a résolue.Bien que n’ayant pas disparu, ce participe passé a donné un adjectif dérivéavec un sens bien différent : un homme résolu.

b) « Changer d’état » (en parlant de la matière). En ce sens, le participepassé est irrégulier : résous, résoute. Le froid a résous la vapeur en eau;la vapeur que le froid a résoute en eau; le brouillard a été résous en pluiei;la vapeur a été résoute en eau. Il peut être employé à la formepronominalei: la neige s’est résoute en eau.

* * *Ainsi se termine l’étude des verbes français du 3e groupe, tous irréguliers.Le classement initial par l’infinitif est arbitraire, mais il a l’avantage de

correspondre à celui qui est employé pour tous les verbes, quels qu’ilssoient, dans les dictionnaires. Par ailleurs, le double classement parl’infinitif et le participe passé s’appuie sur l’importance que cesdeuxiformes verbales représentent dans les verbes irréguliers.

Philippe LASSERRE

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L e s a v i e z - v o u s ?

Q U E L Q U E S E X P R E S S I O N S . . .Q U E L Q U E S E X P R E S S I O N S . . .à prà propos opos du sangdu sang

Avoir du sang dans les veinesÊtre vif, bouillant, énergique.« Étienne l’avait laissé parler, la parole coupée par l’indignation. Puis il criai:– Nom de Dieu ! Tu n’as donc pas de sang dans les veines !» (Zola.)

Se faire du mauvais sangC’est s’inquiéter. L’image est celle de se faire de la bile ou un sang d’encre.« Je me suis fait assez de mauvais sang de ne pouvoir parler. » (Augier.)

Suersang et eauFaire de grands efforts, se donner beaucoup de peine. L’eau est ici la sueur.

« Je suais sang et eau, pour voir si du JaponIl viendrait à bon port au fait de son chapon.» (Racine.)

Prendre un coup de sangEntrer dans une violente colère.« Tu parles comme grand-mère, quand elle voit les filles se promener sans

chapeau au soleil, c’est elle qui prend un coup de sang.» (Triolet.)

Pleurer des larmes de sangPleurs témoignant d’une intense douleur, d’un très grand chagrin.

« Pourvu qu’Adélaïde, au désespoir réduite,Pleure en larmes de sang l’amant qui l’a séduite.» (Voltaire.)

Sang bleuSang noble.« L’ancienne noblesse répugnait si bien à cette conformation absolue des

organes qu’elle déclarait bleu le sang qui coulait dans ses veines.» (Duhamel.)

Se battre (demander la vie) au premier sangC’est arrêter le duel à la première blessure. « À l’exemple des cavaliers qui se battent, je tiens aussi lâche celuy qui veut

passer un arrest par appointé que celuy qui, au combat singulier, demande la vieau premier sang. » (Furetière.)

Jean TRIBOUILLARD

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L e s a v i e z - v o u s ?

L E S F I G U R E S D E S T Y L EL E S F I G U R E S D E S T Y L E

Figures de pensée: après adynaton, allusion et anacénose(DLF, no 213), allégorie (noi214),anacéphaléose, antapodose, antéisagoge(no 215), antéoccupation, antiparastase, antithèse(noi216),apagogie, astéisme, atténuation (no 217) autocatégorème, auxèse, déprécation (no 218), cir-conlocutionet diasyrme(no 219), dubitation, enthymèmeet épanorthose (no 220), épiphonème,épiphrase, euphémisme (no 221), gradation, hyperboleet hypotypose (no 222), imprécation, litote etmétaphrase(no 223), noème, aphorismeet apophtegme(no 224).

MÉTASTASE n. f., du grec metastasis, « changement, en particulierchangement de personne ou de gouvernement ».

C’est une figure dans laquelle le discours consiste à rejeter sur le compted’autrui un tort ou un échec qu’on serait, sans cela, obligé d’avouer. C’est lagrande figure des enfants, des sportifs, des hommes politiques.

C’est moi qui l’ai cassé, mais c’est de la faute de mon frère. Réponse d’unenfant accusé d’avoir cassé un objet.

On a perdu, mais c’est de la faute de l’arbitre. L’arbitre, c’est bien connu, estla principale cause des échecs dans les rencontres de football.

Bien sûr les impôts ont augmenté, mais c’est de la faute du gouvernementprécédent.Heureusement, il y a toujours un gouvernement précédent.

PARADOXISME , n. m. Il s’agit d’une figure dans laquelle on emploie unparadoxe, du grec paradoxos, « contraire à l’opinion commune ».

« Pour réparer des ans l’irréparable outrage.» (Racine.)Qui veut sauver sa vie la perdra.

Remarques

• On l’appelle parfois « antilogie », car, dans ces phrases, la logique semblebien n’être pas respectée.

• Certains paradoxes sont difficiles à déceler.« Le sage faisait preuve de folie» est un paradoxe.« Il agissait avec une sage folie» est un oxymore.Je mensest une formule paradoxale. Si le locuteur ment, c’est qu’il ne dit pas

la vérité : il est donc faux qu’il mente. Si le locuteur dit la vérité, il est donc vraiqu’il ment. S’il ment..., etc.

Philippe LASSERRE

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L e s a v i e z - v o u s ?

Courrier des internautes

Q. : Chacun est un pronom indéfini masculin SINGULIER (au féminin :chacune). On doit donc dire « chacun le sien » ou « chacune la sienne ». Orcombien de fois n’entend-on pas dire « Ils ont chacun le leur » ?

R. : Après vérification, je confirme l’accord d’intention pour ce qui concerne lepossessif ou le pronom personnel :

– Yves et Serge, chacun dans sonou dans leurdomaine, sont des spécialistesi;– Elles ont reçu chacune la récompense qui lui ou qui leurétait due. Avec un participe présent le singulier est seul permis : Ils prirent la parole à tour

de rôle, chacun expliquant sonpoint de vue. De même avec de : – chacune des élèves avait ouvert soncahier ;– chacun d’entre eux entrera à sontour.

* * * * * * * *

Q. : Après avoir assisté à une discussion passionnée tendant à savoir si latomate était un légume ou un fruit, j’en suis venue à la conclusion que, de nosjours, la notion de légume n’était plus botanique, mais culinaire.

R. : En botanique, on appelle fruit toute excroissance charnue issue d’une fleur.La poire, la framboise sont des fruits, mais aussi le concombre, le haricot vert, etles non comestibles comme la coloquinte, les petites boules rouges qui se formentsur le muguet, etc.

En art culinaire, fruit est réservé à ceux qui se consomment ordinairementsucrés, en dessert. La courgette, le potiron, la tomate... sont des légumes, que l’ondésigne aussi plus précisément sous le nom de légumes fruits, pour les distinguerdes légumes racines, des légumes tubercules, ou feuilles ou tiges ou fleurs ougraines suivant la partie consommée.

Légumefut aussi féminin dans la langue classique au XVII e siècle, les deux genrescoexistant, mais le masculin s’est rapidement imposé partout, le féminin demeurantdans la langue argotique ou familière au sens métaphorique de «ipersonnageimportant ». Grosse légume,apparu vers 1860, se disait à l’origine dans l’arméepour désigner les officiers supérieurs.

Jacques PÉPIN

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J’ AI lu et relu plusieurs fois l’article deiClaude Gruaz dans le numéro 224 de

la revue. Je ne voudrais pas faire lemauvais esprit, mais cet article me laisseune impression de malaise, commesouvent les expositions d’allure«iscientifique » des gros bonnets de lapédagogie. D’abord je trouve curieuxque le débat soit si passionné quepersonne, jamais, nulle part, ne prennele parti des apprentissages alphabétiquesde la lecture, que personne n’ose jamaisen évoquer la pertinence, du moinsl’efficacité éprouvée pendant deux outrois siècles – ce qui n’est pas rien,comparé à la cinquantaine d’annéesdetraits de génie pédagogiques successifset contradictoires qui ont«iscientifiquement » détraqué en Franceces apprentissages fondamentaux.Existe-t-il une terreur non avouée quifait se voiler la face ?Mon malaise vient de ce que des phrasesd’apparence anodine m’intriguent,comme « connaitre les lettres del’alphabet est une chose, connaitre leurscombinaisons en est une autre, fortdifférente». Oh ! Fort différente? Pluscompliquée, certes, mais « fortdifférente » me chiffonne. Et puis :«iretenir la lettre comme unitédu“système” graphique du françaisconduit à une impasse». Ah bon ?...L’étrange, c’est que l’impasse sedébloque toute seule si vous changez determe : au lieu de dire « la lettre » vousdites le graphème, et là, ça marche.Exemple « b, a, l dans bal » (on peut en

ajouter une sacrée liste : p, a, l dans pal,c, a, l dans cal, m, a, l dans mal, pour nerien dire de bol, col, fol, mol...)Affirmer que « p et a font [PA] danspapa mais pas danspantoufle, pain oupaupière » me paraît contenir un légersophisme, puisqu’en effet le graphème anreprésente un a nasalisé ! Ce n’est plusun a. Puisque le graphème ain, ou inreprésente le son è nasalisé – ce n’estplus ni un a ni un è. Bref on frisel’entourloupe grave avec : « Donc direque p et a font [PA], c’est enseignerquelque chose qui est très souvent faux.[...] c’est une faute pédagogiquemajeure. Et les difficultés ne tarderontd’ailleurs pas à apparaître : commentl’enfant lira-t-il ou écrira-t-il le motoiseau ? » Pour mettre en lumière le grossophisme que contient ce passage, ilsuffit de remplacer le mot enfant parl’un des quatre-vingts noms glorieuxénumérés dans la 4e page de couverturede la revue. Je prends plaisir à dire :comment M. Gabriel de Broglie lira-t-ille mot oiseau ? CommentMmeiJacqueline de Romilly lira-t-elle lemot oiseau? Jean-Marie Rouart, PhilippeBouvard, et tous ces académiciens dessciences diverses ! Comment cesinfortunés sont-ils parvenus à lire le motoiseau ? Et bateaui? Voilà quinécessiterait une enquête scientifique,au moins. Comment a fait Baudelaireavant eux ? Surtout lui, « beau de l’air »,vous parlez d’une complication ! Et lerein beau ? Ah la la ! pauvre de nous ! Etles vessies. Et les lanternes?

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De la beauté dans l’apprentissage de la lecture

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La dernière phrase de M. Gruaz éclaireje crois son propos : « se mettra en placeune pédagogie efficace, fondée sur lacapacité de réflexion». Mais je ne suispas certain que l’orthographe dite«id’usage », c’est-à-dire lexicale, aitgrandement à voir avec la capacité deréflexion. Je crois qu’il existe des stratesplus profondes chez l’enfant, desfonctionnements inconscients, quel’obligation de « réflexion » perturbe,justement, chez « l’apprenant ». Qui dirapar exemple le pouvoir d’incantation, enprincipe totalement stupide, de larépétition syllabique, le fameux b, a, ba,t, a, ta, qui a fonctionné à merveillependant des siècles ? Je dis bienl’ incantation produite par lesânonnements fastidieux qu’ont connusmessieurs les académiciens de la 4e decouverture.

C’est de la provocation ? Je n’en suis passi sûr. Je crois surtout que les péda-gogues se fabriquent chacun des marottesauxquelles ils finissent par vouer unculte, en leur donnant une petite toucheprétendument «iscientifique », et qu’ilsse font beaucoup d’illusions. Il y atellement d’irrationnel dans l’apprentis-sage d’une langue et de sa représentationécritei! J’ai connu une institutrice quiapprenait à lire à tous les enfants à elleconfiés au cours préparatoire en un

temps record, aux doués et aux pasdoués. Ce qui distinguait cette personnedes autres institutrices, c’est qu’elle étaittrès jolie – mais vraiment, d’une beautérayonnante et sereine, et qu’en plus elles’habillait toujours avec beaucoupd’élégance. Elle se déplaçait calmementdans sa classe, telle une reine gentille (etje crois savoir que le fondement de saméthode consistait – hélas ! – à«iassocier systématiquement une lettre àun phonème»). Les petits garçonsapprenaient à lire pour lui plaire,syllabiquement, les petites filles pour luiressembler, et tout le monde savait lireplus ou moins à Noël, très bien à Pâques,et parfaitement à la Trinité. C’est sansdoute un cas limite, mais j’aimeraissavoir comment la morphologie de labelle institutrice se combine avec lesmorphèmes de monsieur Gruaz.Ce qui me vient impérieusement àl’esprit après lecture et relecture del’article en question, c’est la réplique deSganarelle dans Le Médecin malgré lui:« Oui, cela était autrefois ainsi ; maisnous avons changé tout cela, et nousfaisons maintenant la médecine d’uneméthode toute nouvelle». Excusez-moi,c’est presque un tic. C’est plus fort quemoi...

Claude DUNETON

NDLR : Romancier, essayiste, chansonnier... et auteur de la chronique duFigaro littéraire intitulée«iLe Plaisir des mots », Claude Duneton vient depublier un récit émouvant : La Chienne de ma vie(Buchet/Chastel, 2007,80 p., 10 €) et un livre qui traite par l’humour la question de la féminisationdes titres et focntions : Pierrette qui roule (Mots & Compagnie, 2007,128ip., 9 €).

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Chaussettes et sens de la v ie

Quand le hasard a le génie des mots

UiN FABRICANT de chaussettes, quiine peut plus faire dans la

quantité à cause de la concurrencedesaofficines chinoises, adéclaré à l’adresse de toutun peuple réuni devant latélévision dans le désird’acheter des chaussettes :« J’ai désormais un butdans la vie : aller vers le qualitatif. »

Les philosophes des années 50 et 60,qui nous ont cassé les pieds

(dépourvus de la protection de bonneschaussettes) à clamer qu’ils n’arrivaientpas à trouver le sens de la vie, gisent

heureusement quelquespieds sous terre, sinon ilsn’auraient plus qu’à aller serhabiller. La vie a un but : lequalitatif ! Outre que c’estun but, le qualitatif, c’est

long, ample, majestueux, tandis que laqualité, ça pue des pieds.

Bernard LECONTE

NDLR : Bernard Leconte a rassemblé ses chroniques du Figaro dansdeux ouvragesi: Qui a peur du bon français ?(2005) et À la recherche dubon français(2007).

L iES LANGUES, il a fallu les créer.iAvec des bribes du passé, des

innovations constantes. Ainsi ââttrrrserait devenu symbole de « feu » (voirRosny aîné) pour les futurs Français,donnant âtre, « foyer, cheminée ».Pour parvenir à l’excellence d’unelangue, il a fallu maints essais, néolo-gismes et bizarreries diverses. Maistout n’a pas été jeté des archaïsmes, ettant mieux si l’on trouve encoreaujourd’hui ces mots qui amusent tantles touristes étrangers : saperlipopette,scrongneugneu, abracadabrant(sans«itesquei» !). L’expérience, l’usage, le

savoir façonnent les langues. Maisaussi : l’ignorance, le hasard. Cesderniers étant souvent fort drôles etmême géniaux. Sans le faire exprès.Pour son conte « Cendrillon », Perraultavait doté, rappelons-le, son héroïned’une pantoufle de vair , une fourruregrise et blanche due à l’écureuil«ipetit-grisi». Banal. Le public, lesenfants, qui lisaient peu maisécoutaient beaucoup le soir à laveillée, ont donc traduit : pantoufle de«iverre ». Ce qui est beaucoup plusoriginal, étincelant, étrange, magique,féerique... Qui peut porter des

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pantoufles – à haut talon – en cristal ?La plus délicate des jeunes « fillottes » !Dans le film de Disney, le fait que lapantoufle soit de verre permet le jeu descène du chambellan laissant sonexemplaire de la pantoufle explosersur le carrelage... Essayez avec unecharentaise en fourrure, pour voir.Effet nul ! Le conte est devenucélébrissime grâce, surtout, àl’improbable pantoufle de verre.En son temps, Molière, dans LeBourgeois gentilhomme, donne le nomde Grand Mamamouchi à uneprétendue dignité turque de soninvention. Or, le mot (qui n’est pasturc ni ottoman, selon l’ambassade àParis) signifie «igrand propre à rien !i».Par extension, cela désigne unfonctionnaire quelconque qui se prendau sérieux... Le Petit Laroussede 1913cite le mot. Pour lui, il est d’originearabe. En 2007, le docteur MichelSoussana, marocain d’origine, nereconnaît pas ce mot, pensant qu’il estplutôt ottoman. MM. M’Hamed Maddiet Sofiane Semmam, d’origine algé-rienne, ne reconnaissent pas ce mot.Puis en réfléchissant, ils mettent le doigtsur la vérité : deux grands footballeursactuels se nomment respectivementLamouchi et Namouchi.Cela sonnecomme «imamamouchi » et c’est...tunisien ! Bien que fort drôle, il nefigure plus dans les dictionnaires.Mais on l’emploie, pour flétrir notam-ment les vanités des grands qui nousgouvernent : voir Philippe de Villiers,avec son livre Les Turqueries duGrand Mamamouchi. Si l’on démontele mot, on trouve, grâce à l’internet :

«iNom masculin, XVIIe siècle. Peut-êtreadapté de l’arabe baba mouchir(pèreipacha).» «iVoyez l’impertinente,de parler de la sorte à unMamamouchii!i», dit le Bourgeois àMme Jourdain. Est-ce qu’il n’y a pas là,plus d’allure et d’esprit que dans«iidiot galonné ! » ? Que l’on redonneà ce mot sa place dans les dictionnairesserait un hommage à l’esprit deMolière, à l’esprit de la France, et àcelui des... Tunisiens d’hier...Guiller et, guillerette, voici des motsanciens, charmants, signifiant «ipleinde vivacité, de gaîté, libre, leste ».Conte guilleret. On se souvient de«iCompère Guilleri ». Qui était-il ? Etpourquoi le masculin compère, alorsque, nous le savons depuis la chro-nique sur l’éducation du dauphin(futur Louis XIII), on disait « saguillerie » en parlant du petit pénisduifils du grand bretteur Henri IV? Ilreste une charmante scie sur le«icompère », qui s’est transmise àtravers les âges, alors que guillerie adisparu au profit de mots infâmes.Les mots d’enfants peuvent être reprispar les adultes avec profit, comme chezQueneau, avec des barbarismes telsque : «iElle fait rien qu’à dire des mente-ries, des méchanteries, des cochonce-tés ! » Voyons le mot spectacle. Lespetits ont du mal à le prononcer, etdisent plus facilement pestak. On a pulire en 2003, au Jardin d’Acclima-tation de Paris une affichette de cestyle : « À 15 h., grand pestak, avec lesclowns... Blédine et Cacao...»

Serge LEBEL

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« L’électorat Bayrou [...] est la clé duscrutin, car c’est là qu’on y trouve [...]le plus grand nombre d’indécis. »« Du campuschampêtre de Virginie,le tueur fou en a fait un décor decauchemar. »« Il [un sportif de haut niveau]poursuit sa rééducation dansl’établissement sportif raphaélois [...]où il y côtoie d’autres patients... »

Ces perles ont été découvertes enquelques jours, dans un grandquotidien régional.Ce genre de pléonasme peut paraîtreanodin, tellement subreptice, furtifqu’il en deviendrait tolérable. Pourtantil pèse son poids de LOURDEUR etd’inutilité.Ici, il n’est pas question de procédégrammatical, de justification par ledésir de donner du relief à un élémentde la phrase.

« Où tu vas, j’y serai toujours. »(Musset, citation du Robert.)

Les scripteurs en cause ont perdu leurcapacité d’alerte. Chez eux, l’ultra-sensible balance de pharmacien estdevenue un pont-bascule sur lequelseul un camion à pleine charge peutfaire osciller l’aiguille de contrôle.Curieusement, ces handicapés de lalangue cohabitent dans les rédactionsde nos journaux avec des profes-sionnels très appréciés, quelquefoisprestigieux. Les lecteurs agacés,agressés sont sous leurcoupe et, le plussouvent, rongent leur frein.

L’existence de DLF, ses interventionssont plus que jamais précieuses. Au secours, DLF !

Jean FENECH

P l é o n a s m e s

Néologisme ou néolangage ?

Le premier terme est positif mais le second... dérive, abus ou au contraire enri-chissement sémantique (avec, pour certains, une sous-jacence anglo-saxonne) ?

Portabilité. Était portable ce que l’on pouvait porter ; aujourd’hui, ce serait aussice que l’on peut transférer (portabilité d’un numéro de téléphone).

Interopérabilité. Était opérable celui que l’on pouvait opérer ; aujourd’hui,interopérable, ce serait ce que l’on peut lire sur un support numérique quelconque ouindifférencié (interopérabilité d’une œuvre numérique).

Dédier. Était dédié ce que l’on consacrait au culte sous une invocation particulière ;

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Animaler ies

aujourd’hui, ce serait aussi ce que l’on rend spécifique à telle ou telle utilisation (sitedédié).

Éligibilité . Était éligible quelqu’un pouvant se présenter à une élection ; aujourd’hui,ce serait aussi ce que l’on peut faire entrer dans un cadre contractuel (placementéligible au PEA).

Frilosité. Était frileux celui qui craignait le froid ; aujourd’hui, ce serait aussi celuiqui est pusillanime (frileux à s’engager).

Volatilité. Était volatil ce qui s’évaporait facilement ; aujourd’hui, ce serait aussi cequi est instable et fluctuant (volatilité d’un marché boursier).

Et cætera, car la liste est, comme un gouffre sans fond, illimitée.

Philippe RALLION

Que vous soyez fier comme un coq, fortcomme un bœuf, têtu comme une mule,malin comme un singe, chaud lapin oufine mouche, vous êtes tous, un jour oul’autre, devenu chèvre pour une cailleaux yeux de biche.Vous arrivez fraiscomme un gardon àvotre premier rendez-vous et là, pas un chat !Vous faites le pied degrue, vous demandant sicette bécasse vous aréellement posé unlapin. Le type qui vous aobtenu ce rancard, aveclequel vous êtes copain comme cochon,vous l’a certifié :– « Cette poule a du chien, Une vraiepanthère ! »C’est sûr, vous serez un crapaud mortd’amour. Mais tout de même, elle voustraite comme un chien. Vous êtes prêt à

gueuler comme un putois, mais non, ellearrive. Bon, dix minutes de retard, il n’ya pas de quoi casser trois pattes à uncanard. Sauf que la fameuse souris, avecsa crinière de lion, est en fait platecomme une limande, myope comme une

taupe, souffle comme unphoque et rit comme unebaleine.Vous restez muetcomme une carpe. Elleessaie bien de vous tirerles vers du nez, maisvous sautez du coq àl’âne et finissez parnoyer le poisson. Vous

avez le bourdon, envie de verser deslarmes de crocodile. Vous finissez parvous inventer une fièvre de cheval quivous permet de filer comme un lièvre.Vous avez beau être doux comme unagneau, faut tout de même pas vousprendre pour un pigeon !

Notre ami Alfred Gilder nous a transmis ce « bel exercice de langue française ».

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PiIERRE LE GRAND a fondé cetteplace iforte sur le glacis oriental

de l’Oural en la dédiant à son épouseCatherine, qui lui succéda sous le nomde Catherine première. La ville,débaptisée pendant la périodesoviétique, a repris son nom originel

.

Les divergences dans le choix de laforme officielle de ce toponyme enfrançais sont révélatrices d’un malaise,celui de l’adaptation des noms russes.Il existe bien un système tradi-tionnellement adopté en français, maisl’usage est parasité par d’autres formesque véhiculent les divers médias.Pendant la plus grande partie duXXeisiècle, le nom historique a disparudes atlas ; il n’est resté que dans desdictionnaires avec renvoi à Sverdlovsk.Malgré la complexité apparente de cedernier nom, sa forme n’a jamais subide variation. Il est vrai que son usage asurtout été limité à la torture descandidats au baccalauréat, dont seule

une infime élite, slavisante si possible,était capable de débiter la triplette desvilles de l’Oural : Magnitogorsk,Sverdlovsk, Tchéliabinsk.Pour étudier le cas, je suis d’abord allévoir l’usage d’avant Sverdlovsk.L’ancien et nouveau nom présente unegrande variabilité de forme enfrançais. Plutôt que de me lancer dansune analyse critique systématique desdifférentes graphies, qui serait foison-nante et fastidieuse, je préfèreexceptionnellement livrer le matériaubrut de ma recherche que chacun peutainsi explorer à sa guise… etcompléter.En annexe I*, on trouvera les relevésdans les ouvrages de référence (dic-tionnaires et atlas), classés par ordrechronologique, en regroupant autantque possible les différentes éditionsd’un même auteur ou éditeur.Ce corpus révèle 59 formes différentes2,classées à l’annexe II, dans l’ordrealphabétique, et par nombre d’occur-

C a t h e r i n e b o u r g * 1

* Les lecteurs trouveront cet article avec ses annexes sur le site de DLF : www.langue-francaise.org1. La France a ouvert un poste consulaire dans cette ville, dont le nom doit de ce fait figurer sur laliste officielle du ministère des Affaires étrangères établie par la commission spécialisée de néologieet de terminologie dans le cadre du dispositif institué par la loi de 1994, dont le décret d’applicationprévoit approbation et diffusion par la Commission générale (pilotée par la Délégation générale à lalangue française et aux langues de France) et l’Académie.2. Catherinbourg, Catherinebourg, Catherinenbourg, Cathérinenbourg, Ecaterinbourg,Ecaterinenbourg, Ecatherinbourg, Ekaterimbourg, Ekatérimbourg, Ékaterimbourg, Ékatérimbourg,Ekaterimburg, Ekaterinbourg, Ekatérinbourg, Ékatérinbourg, Ekaterinburg, Ekaterinebourg,Ekaterinenbourg, Ekatérinenbourg, Ékaterinenbourg, Ékatérinenbourg, Ekaterinenburg,Ekatherinbourg, Ekathérinbourg, Ekatherinebourg, Ekatherinenbourg, Hecaterimbourg,

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rences. La méthode employée pourcette statistique à valeur indicative aconsisté à concaténer toutes lesoccurrences (plus de 200) du relevé,puis à procéder au classement, aucomptage et au tri. La valeur en estrelative mais le résultat est d’autantplus significatif que ce procédé atendance à avantager les formescommunes et les renvois qui sontrépétés, pourtant, la forme la plusfréquente ne représente même pas ledixième du total. Vingt cas ne sontrépertoriés qu’une seule fois, ce nesont pas pour autant des hapax, notionincompatible avec ce genre de sourcesdont la fonction de référence estdidactique.En plus de la diversité des formes, onest frappé par le manque de cohérencede beaucoup d’ouvrages dont l’essenceest pourtant de fournir la norme. Dansle même atlas, le nom peut différerd’une carte à l’autre. Plus surprenant,dans les dictionnaires, la vedette necorrespond pas forcément au renvoides entrées secondaires, Cf. par exemple,Vosgien 1803, 1823 ; Bouillet 1843,1855 ; P. Larousse 1870i; Larive &Fleury, 1905... Cette caractéristiquen’est pas spécifique de l’époqueancienne, comme le montre leNouveau Larousse universelde 1948

en pleine période soviétique, ou leMaxidicode 1996.La restauration de l’ancien toponymen’a pas supprimé les hésitations ni lavariété. Sur un corpus de référence,très cohérent et restreint, formé desmanuels de géographie utilisés actuelle-ment dans les classes de terminale(édition 2003), je relève cinq formesdifférentes (Ekaterinbourg, Ekatérin-bourg, Ékaterinbourg, Ékatérinbourg,Iekaterinbourg) pour sept éditeurs(Belin, Bertrand-Lacoste, Bréal,Hachette, Hatier, Magnard, Nathan),avec parfois des variantes dans lemême ouvrage (Bréal : Ékatérinbourgp.i322, 337 ; Ekatérinbourg p. 323,334 ;Nathan : Ekaterinbourg p. 327, 335,Iekaterinbourg p. 358, 359).Cette instabilité est le signe d’un grandmalaise et montre la difficulté d’em-ployer en français un nom dont lescaractéristiques graphiques s’écartentde la tradition orthographique de lalangue.Aucune forme internationale n’obtientun consensus. L’aperçu donné parl’extrait de Wikipédia, en annexe IV,est suffisamment convaincant sansqu’il soit besoin de se livrer à unelourde investigation dans chaquelangue. La commodité d’adopter uneforme qui permette de conserver la

Iecatherinbourg, Iecatherinenbourg, Iekaterimbourg, Iékatérimbourg, Iekaterinbourg,Iekatérinbourg, Iékaterinbourg, Iékatérinbourg, Iekaterinburg, Iékaterinburg, Iékatérinburg,Iekaterinebourg, Iékaterinebourg, Iékatérinebourg, Iekaterinenbourg, Iekatérinenbourg,Iékaterinenbourg, Iékatérinenbourg, Iekaterinenburg, Iékaterinenburg, Iékathérinbourg,Iékatherinenbourg, Jecatherinebourg, Jekaterinbourg, Jekaterinburg, Katharinenbourg,Katharinenburg, Yekaterinbourg, Yékaterinbourg, Yekaterinburg, Yékaterinburg, Yékaterinenbourg.

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place du nom dans l’ordre alpha-bétique ne peut donc pas être invoquéeen l’occurrence. Les différentesgraphies en français sont à chercher àc, e, é, h, i, j, k, y ; la diversité del’initiale n’est évidemment pasmoindre dans l’ensemble des langues.

Pour trouver une solution, il fautreprendre le problème à la base.Le nom est formé par compositiond’un générique en position suffixalesur un prénom. Bourg français, estemprunté en russe à l’allemand Burgdésignant une place forte. Nul nesonge à appeler la tsarine éponymeautrement que Catherine en français.Je propose donc d’en revenir àCatherinebourg, attesté de longuedate. Bien que ne figurant plus dansles ouvrages de référence, il subsistedans l’usage courant actuel. Il estattesté sur internet autrement que dansdes occurrences historiques. Ontrouvera à l’annexe III, en exemples,un site de chimie et des forums, enfrançais et en russe.Les solutions fondées sur destranscriptions ou translittérations (lepluriel s’impose, car différentssystèmes sont en concurrence) sont

instables, souvent hétérogènes voireincohérentes. Aucune n’est satisfaisantepour le système graphématique (relationécrit/oral) du français, d’où la diversité.Catherinebourg est transparent, chaqueélément est clairement identifiable.

Mais pourquoi faire simple si on peutfaire compliqué ?Sans analyser toutes les formes recensées,faisons-le pour Iekaterinbourg, quecertains veulent imposer.Du point de vue graphématique,Iekaterinbourg est incompatible avecle système français sur plusieurspoints :– accentuation des e,– in pour ine,– la séquence nb.Comme translittération (calque surl’écrit de la langue source), deuxvoyelles simples russes sont renduespar deux groupes de caractères :– Ie pour noter la diphtongaison du Einitial qui en russe est mouillé, c’est-à-dire précédé de l’yod. Les habitudesen français sont hétérogènes, Iénisséimais Eltsine3 ;– ou pour transcrire le y [u]. Cettetranslittération est donc pour une partune transcription.

3. Pour le premier e la prononciation yé [je] vient facilement, entrant dans une série, Iéna (del’Allemand Jena), Iénisseï… L’usage en français a été d’écrire Eltsine, en italien Eltsin, là oùl’anglais et l’espagnol donnent Yeltsin, le portugais Iéltsin, l’allemand Jelzin, le néerlandais Jeltsin,le tchèque et le hongrois Jelcin, le croate Jeljcin… (sans compter les variantes). La forme Poutinen’a été adoptée que lorsqu’il est arrivé au sommet de l’État, en remplacement de la forme«iinternationale », susceptible d’engendrer une prononciation malheureuse, Putin, employée enanglais, allemand, espagnol, italien, portugais, tchèque, croate. Cette forme est aussi incompatibleavec le hongrois, Putyin, et le néerlandais, Poetin…

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Comme transcription (adaptation del’orthographe dans la langue ciblepour noter la prononciation dans lalangue source), Iekaterinbourg ne peutatteindre non plus son objectif, laissantde nombreuses ambiguïtés :– Comment prononcer les e ? De toutefaçon, la séquence initiale iek- est unxénisme ; mais le second ? Est-il,comme dans Catherine, muet ouprononcé ? Faudra-t-il prévoird’enseigner spécialement qu’en russeil est prononcé é, une troisièmesolution, étrangère au système dufrançais ?

– Comment prononcer -in- ? Commedans Martinville, Limbourg etÉdimbourg (Edinburgh), ou commedans Léningrad?– La graphie bourg incite à prononcerà la française, pourtant en russe lafinale se prononce.L’objectif de coller à la forme russe

n’est donc pas atteint par Iekate-rinbourg qui laisse perplexe le fran-cophone, sans même adhérer à uneforme internationale consensuelle. Catherinebourg est le nom enfrançais, exonyme, certes, mais toutesles autres solutions, bâtardes, ne lesont pas moins.Ce toponyme ne mériterait certaine-ment pas une telle étude s’il n’étaitqu’un cas particulier, mais il a valeurd’exemple pour alimenter la réflexionsur la remise en cause de la doctrine desuppression de l’exonymie qui nerevient qu’à créer des xénismes

Quand cela est possible, la francisationbasée sur l’analyse morphologiquedevrait l’emporter sur les solutionsphonétiques ou «ilettristesi», incom-patibles avec le système du françaisessentiellement morphologique.

Ange BIZET

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À ILA MANIÈRE D’Aisberg* : « La ra-idioi?…mais c’est très simple !»,

nous dirons : « L’arithmétique, ce n’estpas si simple que cela… »

Mais alors, pourquoi utiliser le«ilangage » d’un domaine que l’on neconnaît pas ?Nombreux sont ceux qui veulentimiter les « précieuses ridicules » encherchant entre divers sujets le pluspetit dénominateur commun… Alors

qu’en arithmétique, c’est le plusgrand commun diviseur (P.G.C.D.)qui s’obtient en prenant le plus petitcommun multiple (P.P.C.M.) desnombres considérés…

Conclusion : « le plus petit dénomi-nateur commun » n’a pas droit decité… Qu’on se le dise !

Armand HADRIACercle Blaise Pascal

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Peti ts cours d’ar i thmét ique

P. S.: mon collègue Joseph Sans s’exprime dans le même sens dans l’article ci-après.

* Eugène Aisberg, éditions ETSF 1969, Dunod 1998.

* * * * * * * *

QiUE DE FOIS n’avons-nous pasientendu à la radio ou lu dans la

presse une expression toute faiteutilisée par des auteurs souhaitantindiquer qu’un litige ou un conflit estsur le point d’aboutir à un accord :c’est « la recherche du plus petitdénominateur commun».

C’est une expression facile à retenir,facile à placer, et bénéficiant del’indéniable attrait de la précision, dû àson emploi de termes empruntés àl’arithmétique. Et voilà une locutionpartie pour la gloire et pour acquérirune renommée lui permettantd’apparaître dans les meilleursdictionnaires comme exemplede larubrique « dénominateur ».

Et pourtant, que contient réellementcette expression ?

Rappelons tout d’abord qu’undénominateurdans une fraction est lenombre qui indique en combien departies égales une entité ou uneunité est découpéeet qui se trouve au-dessous de la barre de fraction : pour3/4 le dénominateur est 4, pour 31/365le dénominateur est 365.

La recherche d’un dénominateurcommun à un groupe de fractions, quiest une opération arithmétique usuelle,revient à trouver un nombre qui ren-ferme chaque dénominateur de chaquefraction du groupe : il en sera un multiplecommun. Si ce groupe de fractions est

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une image d’un groupe d’opinions, ledénominateur commun contiendratoutes les opinions des membres dugroupe, si divergentes soient-elles.

Or, ce n’est pas là ce que voudraitexprimer l’utilisateur de cetteexpression, qui pense au contraire autronc commun d’opinions identiquesexistant dans chacun desdénominateurs : c’est là l’idéeessentielle qu’il cherche à embellird’une métaphore arithmétique.

Prendre dans chaque dénominateur lapart qui existe dans tous, cela se faitaussi, et cela s’appelle rechercher undiviseur commun : le terme le plusapproprié à la notion qui occupel’esprit de l’auteur ci-dessus seraitdonc la «irecherche d’un diviseur

commun », et, naturellement, du plusgrand d’entre eux.

Mais il est compréhensible que cetteexpression correcte ne soit guèreengageante et qu’il soit malvenu deparler de diviseur lorsque l’on veutfavoriser un consensus.C’est pourquoi il est à craindre quel’expression incorrecte, déjà galvaudéeet entrée dans le langage-réflexe desmédias, voire des écrivains, n’ait debeaux jours devant elle, tant il est vraique les mauvaises habitudes sontdifficiles à perdre, et qu’il serait tropsimple d’évoquer tout uniment larecherche patiente d’une positioncommune.

Joseph SANSCercle Blaise-Pascal

Mots du sport

Le Cercle Pierre-de-Coubertin, consacré au bon usage de la langue française dansle domaine du sport, a repris son travail. En tant que membre de ce groupe detravail, et anglophone de naissance, je suis de plus en plus choqué par l’utilisationde vocabulaire ou d’expressions d’origine anglaise dans cette sphère d’activité. Eneffet, le mot anglais est souvent plus succinct, monosyllabique et, grâce auxjournalistes et autres commentateurs, bien ancré dans la vie quotidienne desFrançais. Mais franchement, n’est-ce pas de la paresse de dire « coach» au lieud’entraîneur ou «ichallenge » au lieu de défii? Ou est-ce du snobisme, unemanière de montrer que l’on connaît la langue anglaise. Encore faut-il bien laprononcer ! Et que dire des prétendus anglicismes qui n’existent ni en Angleterreni aux États-Unis, où l’on n’a jamais entendu parler d’un « rugbyman » ni d’un«itennisman », pas plus que d’une « tenniswoman». Sans parler des confusions

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linguistiques. Est-ce que je « supporte » le PSG bien qu’il joue mal, ou parce queje souhaite qu’il joue bien ?Pour commencer, nous vous proposons de compléter le tableau ci-dessous oud’adresser vos suggestions et commentaires au Cercle Pierre-de-Coubertin*.D’autres sports suivront, si cela vous intéresse.

Douglas BROOMER

Utilisation en françaisexistenceen anglais

utilisation anglaiseexacte(si différente)

suggestion française

un challenge oui

le coach ouithe coachthe trainer

le coaching oui

le fairplay oui

l’open oui

un recordman une recordwoman

non a recordholder

le referee oui

supporter oui to support

le team oui

Utilisation en françaisexistenceen anglais

utilisation anglaiseexacte (si différente)

suggestion française

un corner oui a corner (kick)

le goal non the goal-keeper

un penalty oui

un shoot non a shot

Généralités

Football

* Xavier BOISSAYE, président du Cercle Pierre-de-Coubertin, 8, rue du Général-Despeaux,Malassise, 60390 La Neuville-Garnier.

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L e s m o t s c ro i s é s d e M e l c h i o r

Horizontalement :1. Début du numéro à retenir par nos adhérents.2. Suite et fin du 1. Un texte l’est grâce aux alinéas.3. Les femmes de cette ville ne le sont pas toutes. On les roule à Tarbes.4. Il ne faut pas la chercher. Belle ville sainte du Maroc sens dessus dessous.5. Tissu d’ameublement. Passage difficile pour les chameaux.6. Île de retraite. Blanc, jaune, rouge ou vert. Il n’a pas de neutralité électrique.7. Ce n’est plus qu’un col. Seau provençal.8. Et ainsi, s’engagea. Asseyons-nous dessus au bord du chemin, lorsqu’il est bien herbeux etombragé !9. Beau ou belle, cette hésitation lui a tourné la tête. Il se trouve environ quatre fois dans unecorde.10. Manière de s’exprimer en de nouveaux termes.11. Fut-il ankylosé par Anchise ? Suit le mu.

Verticalement :A. Discrète et efficace. Vient en aide aux blessés.B. Après le delta. Rétablie.C. Élève de Raphaël, il a peint une ravissante charmille à la Farnésine. N’est pas toujours dansun bocal.D. Bon élève de Socrate, il en fit l’apologie. Bougie à souffler !E. Elles nous apprennent si nous sommes positifs ou négatifs. Dévidoir pour la soie des cocons.F. Les mots, pudiques, n’ont qu’un genre, eux. Les perruches aiment celui de la seiche.Chinois, russe, ou indien.G. Produire du lait, de la salive, du sébum, etc. H. Un ton féminin. Ornai.I. La célébrité de son avenue va encore augmenter.J. J’y vas t’y, j’y vas t’y pas ? Quand il précède la route, il nous met en marche. K. Celui du bœuf est cinglant. Son monstre lacustre était résurgent.

Solution dans le prochain numéro.

A B C D E F G H I J K123456789

1011

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Ma maison.. .Elle sera courte, trapue, grise sous le ciel de pluie, toute pelu-

cheuse de brume quand une éclaboussure de lune ou de soleil feraluire ses vitrages comme des écailles, elle aura l’air – un peu –d’un poisson de pierre et de bois.

Je sais où elle m’attend : à l’ouest du nord, au nord de l’ouest,là où cavale la houle verte, longue, souple, secouant ses crinièresd’écume.

Enchâssée dans le granit et la bruyère, ma maison sentira legoémon, la laisse de basse mer, le sel chaud, la voile cachoutée,le bois vernis, le pétrole lampant des lampes à cardan, le painnoir, la vareuse bleue encore gavée de mer – l’odeur océane quisera pour moi, toujours, celle du bonheur.

La pièce la plus étonnante de ma maison sera la rêvothèque,sorte d’antichambre où, comme son nom l’indique, chacunpourra venir choisir de quoi nourrir ses rêves de la nuit – ilsuffira, dans ma rêvothèque, de goûter quelques lignes d’un livre,quelques images d’un film, deux ou trois notes de musique, lasaveur d’un vin, d’une figue ou d’une huître, pour que le rêvecommence à s’épanouir.

Une autre pièce, plus intrigante celle-là, sera la salle d’eau avecsa baignoire au pourtour hérissé d’un nombre extravagant derobinets, chacun servant à faire couler des bains constituésd’eaux d’origines diverses – l’eau de torrent (la plus tonique pourse réveiller le matin), l’eau d’océan Atlantique ou Pacifique,l’Adriatique ou l’Égéenne, ou ces eaux exotiques comme celle

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U n é c r i v a i n a u P l u m i e r d ’ o r

Didier DECOINÀ la remise des prix du Plumier d’or (voir p. V), Didier Decoin a lu ce texte qu’il

avait rédigé comme les candidats.

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des îles Lofoten, ou encore l’eau glacée des Kerguelen que jemeiferai livrer surtout pour le bonus que l’on vous donne aveci:deux ou trois manchots empereurs pour jouer dans le bain.

S’il vient un jour où ma maison et moi sommes un peu las decontempler les mêmes galets bleutés, d’entendre s’égosiller le mêmemarchand de glaces et de voir sautiller les mêmes poux de merdans la même frange de varech, alors j’ouvrirai grand la porte,etila mer entrera, et nous emportera, et je n’aurai plus qu’àmettreides voiles à ma maison pour en faire la plus belle chose–ije crois – qui soit au monde : un bateau.

59LE FRANÇAIS EN FRANCE

Didier Decoin, écrivain et cinéaste, est né le 13 mars 1945 àBoulogne-sur-Seine.Carrièr e : journaliste (1964-81) à France-Soir, au Figaro, auxNouvelles littéraires, à VSD ; réalisateur à Europe no 1 (1969-72)i;président de la Société des gens de lettres (1978-79 et depuis 1987)i;directeur de la fiction (1992-95), conseiller éditorial (depuis 1996) àFrance 2 ; membre du conseil d’administration de l’Académie deFrance à Rome (depuis 1987) ; membre de l’Académie Goncourt(depuis 1995).

Œuvres, parmi les plus connues :– romans : Élisabeth ou Dieu seul le sait (1971, prix des Quatre jurys1971), Abraham de Brooklyn(1972, prix des Libraires 1972), Ceux quivont s’aimer (1973), John l’Enfer (1977, prix Goncourt 1977),L’Enfant de la mer de Chine(1981), Élisabeth Catez ou l’obsession deDieu (1991), La Promeneuse d’oiseaux(1996), Avec vue sur la mer(2005)...no– essais : Il fait Dieu (1975), Il était une joie... Andersen(1982),Autopsie d'une étoile(1987)...– théâtre : Une chambre pour enfant sage(1979), Lewis et Alice(1992)...– réalisateur de La Dernière Nuit de Marie Stuart...– scénariste de films de Marcel Carné, Henri Verneuil...– adaptateur à la télévision de la télésuiteLe Comte de Monte-Cristo(1998, 7 d’or du meilleur auteur ou scénariste 1999)...– scénariste du téléfilm Venise est une femme(1998), de la télésuiteBalzac(1999)...– adaptateur, scénariste et dialoguiste de la télésuite Napoléon(2002).

Décorations : chevalier de l’Ordre national du Mérite et chevalierdes Arts et des Lettres.

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MIEUX RÉDIGER

VOS ÉCRITS PROFESSIONELS

de Mireille Brahic

J’ai observé avec affliction le cour-rier publicitaire qui échoue dansma boîte aux lettres, et celui des-tiné à mon information de clientcommercial ou d’utilisateur desservices publics : maladroit ; styleprétentieux, mauvaise présenta-tion, familiarités inconvenantes,impropriétés, anglicismes, redon-dances, tics de langage à la mode.Nous trouvons dans ce livre un in-ventaire des méthodes d’écriture :les erreurs de néophyte à pros-crire, la structuration d’une lettreprofessionnelle, qu’elle vienne d’uneadministration ou d’une entreprisecommerciale, les formules recom-mandées ou déconseillées, la conci-sion indispensable, les gaffes àéviter, l’évolution du texte, lavaleur juridique d’un document, lapsychologie du destinataire...On apprend ainsi à rédiger dans lesmeilleures formes tout aussi bienles lettres que les courriels, comptesrendus, notes, analyses ; à rendrel’information aussi efficace quepossible, à « viser juste ». Tout cequ’il faut pour être lu et bien compris.Comment traiter un sujet ; les ordresde priorité. Des conseils de gram-maire et de nombreux exercices. Àmettre entre toutes les mainsde rédacteurs du secteur publicou privé, pour notre agrémentd’usagers ou de clients. Mais leparticulier y trouvera aussi desconseils avisés.

Jacques PÉPIN

Éditions d’Organisation, 2007,338 p. 20 €

ARGOT, VERLAN ET TCHATCHES

de Pierre Merle

Le langage qu'on peut appeler nonconventionnel a envahi la rue, l'oralet l'écrit. Ce qui explique la nouvelleédition du livre de Pierre Merle, quis'adresse à tous ceux que laisseperplexe ce phénomène de socié-té. Dans ce menu volume ontrouvera, outre une tentative dedéfinition des différents modesd'expression concernés, un histo-rique de leur apparition, qui s'étendde la langue des gueux des Coursdes miracles et coquillards au par-ler des banlieues actuel. Il évoqued'abord les divers «imilieux », plusou moins louches, dans lesquelsse développe une langue margi-nale, liée aux conditions sociales,économiques, politiques et mêmetechniques de l'époque. DepuisVillon et Rabelais, cette formed'expression populaire a inspiré lesécrivains, notamment Victor Hugo,Carco, Céline, San Antonio... Et lerecours à la langue verte estfréquent aussi dans le cinéma, lapoésie, la chanson, le rap.On se réjouira de trouver dans cefascicule des codes qui faciliterontle décryptage des largonji, louché-bem, javanais, cadogan, et surtoutdu verlan, notoire pour son succèset sa fonction identitaire. Notonsque ce petit traité ne se veut passeulement théorique, l'auteur nousinvite aux travaux pratiques ennous indiquant des lieux parisiens,authentiques, à fréquenter. Pourenrichir notre culture, figurent, endernière partie, un petit lexiqued'argot (2 p.),un glossaire (1 p.), unebibliographie filmographie (2 p.) etun index. On ne pouvait mieux

faire en 60 petites pages, d'une typo-graphie élégante, et agrémentées dedessins humoristiques. Bravo !

Claudie B EAUJEU

Milan, « Les Essentiels », 2006,63 p., 5,50 €

PARLEZ-VOUS ARGOT ?Dictionnaire argot-français

d’après Napoléon Hayard

Dans cette petite collection qui avu le jour en Vendée, et qui s’inté-resse aux langues vernaculaires,le volume Parlez-vous argot ? estune réédition partielle d’un ouvrageantérieur. Le Dictionnaire d’argot,publié en 1907, après la mort deson auteur, est l’œuvre de celuique l’on appelait « le prince descamelots », que son sens du com-merce et ses tenues excentriquesavaient rendu célèbre.Les mots qui ont été retenus ici, etqui appartiennent à la langue queparlait le Paris populaire entre laseconde moitié du XIXeisiècle et laPremière Guerre mondiale, sont lereflet des préoccupations d’unesociété citadine modeste, souventdélinquante, où la prostitution, lesembrouilles, la prison, l’échafaudmême, sont évoqués avec humour,grâce à des expressions hautes encouleur. L’argot est destiné à isoler,à garder secret un monde en margedes classes dirigeantes, et quiprend sa revanche grâce à ladésinvolture.Comme toutes les langues, l’argotévolue avec les mœurs et lesbesoins de la société ; mais sou-vent pour des raisons obscures.C’est ainsi que l’on rencontre desmots dont le sens a changé : leterme casserole désignait jadis un

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NOUVELLES PUBLICA TIONS

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marchand. D’autres semblent avoirdéfinitivement disparu, pour autantque l’on puisse juger de la perma-nence d’un langage non officiel.Mais on constate que de nom-breux termes sont passés dans lalangue courante contemporaine.La mode du film noir, le mythe dutiti parisien, un certain goût desclasses moyennes et supérieurespour le langage branché, les ontmaintenus en vie (filer quelqu’un,monter un bateau...).La présentation très soignée del’ouvrage est en harmonie avecson contenu : avant chaque lettre,une photographie ancienne faittenir à un personnage, dans unebulle, un langage argotique sou-vent décalé. Ce goût pour les tra-vaux pratiques se retrouve aprèschaque lettre, où l’on propose unexercice de style argot-français.Un petit livre qui réjouira tout par-ticulièrement ceux que, dans lesdialogues de Michel Audiard, onappelle des « caves ».

Anne-Marie L ATHIÈRE

Éditions d’Orbestier, « Le jeudes mots », 2006, 132 p., 9,50 €

PARLEZ-VOUS LE PATOIS DE PARIS ?

d’après Charles Nisard etD’Hautel

Dans la même collection, le titred’un autre ouvrage, Parlez-vousle patois de Paris ?, se présentecomme une sorte d’oxymore. Unpatois est en effet le parler d’unerégion rurale. Il désigne ici lalangue supposée du petit peuplede Paris avant la Révolution, lacapitale constituant, à elle seule,une province.

Cet ouvrage s’inspire de l’Étude surle langage populaire et le patois deParis et de sa banlieue publiée en1872 par Charles Nisard, membrede l’Institut, et du Dictionnaire dubas langage ou des manières deparler usitées parmi le peuple,édité en 1808, œuvre de D’Hautel.Ces deux auteurs avaient trouvédes témoignages de ce parler,dont l’existence hors de la scènea parfois été mise en doute , dansle théâtre «ipoissardi», ancêtre denotre théâtre de boulevard, du XVIIe

et du XVIIIe siècles principalement.La « langue poissarde » corromptla langue «iofficielle » pour créer uneffet burlesque. À cet effet, elle dé-forme les mots, souvent paradjonction de suffixes, qui leurdonnent des sonorités vulgaires oupaysannes : «iéducancei» rem-place éducation ; «ientrevoyurei»,entrevue ; «idrôlibusi», drôle, etc.Ces mots ont disparu dans leurpresque totalité.Charles Nisard avait pris soin depréciser que ces «i”parisianismes”n'étaient pas de nature à êtrerevendiqués par l’argot, quoi qu’ilsaient avec lui un air de famille ». Etil définissait l’argot (mot quidésigne, au sens propre, les extré-mités des membres, les mains etles pieds), comme un patois àl’intérieur du patois parisien : «iLelangage des porte-balles entre eux,qui se compose en partie determes burlesques... et le patoisdes vauriens, des filous, qui estinintelligible pour les honnêtesgens. »Nous retrouvons dans cet ouvragela présentation élégante déjàsignalée. Le texte est agrémentéde reproductions d’estampes,œuvres du graveur Larmessin, quiornait des livres publiés à la fin duXVIIe siècle.

A.-M. L.

Éditions d’Orbestier, « Le jeudes mots », 2006, 132 p., 9,50 €

LES PROGRAMMES SCOLAIRES

AU PIQUET

Cet ouvrage est écrit par « uncollectif d'enseignants en colèrei»,et tout parent devrait le lire. Il sedévore comme un roman policier,hélas réel, où c'est une languequ'on assassine : la nôtre. Duprimaire au lycée, des mathéma-tiques au français, tous les textesencore officiels (pour peu detemps) sont disséqués avecimpartialité ; les manuels appliquantles programmes sont finement luset cités. Le constat est accablant.Nous reprendrons particulièrementles conclusions du chapitre deux,consacré à l'enseignement dufrançais : tout y est maintenant«idiscours » (narratif, descriptif,explicatif, argumentatif), la gram-maire est devenue un simple«ioutil de la langue », la conjugai-son est totalement dépréciéecomme exercice de pure mémoire.Même la façon de noter changeen mal : l'évaluation devientpositive, mais on valorise lesgraphies correctes au lieu desanctionner les erreurs (comme siun mot avec deux lettres de tropétait vu globalement comme juste,et comme si un mot avecdeuxilettres de moins était juste...quant aux autres lettresprésentes). Tous les adhérents de DLF doiventsoutenir les efforts faits par certainsenseignants contre les nouvellesméthodes d'enseignement de lagrammaire française.

Romain V AISSERMANN

Textuel, 2006, 176 p., 19 €

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BIEN PARLER, BIEN LIRE, BIEN ÉCRIRE

de Ghislaine W ettstein-Badour

Ce livre pourrait presque se pré-senter comme un outil d'autofor-mation, même si les parents jouentun rôle irremplaçable dans l'appren-tissage de la langue. Son auteur,médecin généraliste, exerce enlibéral depuis plus de 35 ans et aaccompagné de nombreux enfantsd'âge scolaire en difficulté. Pour lesaider, elle a mis au point des mé-thodes optimisées d'apprentissagede la lecture, de l'écriture et de l'or-thographe, qui peuvent servir aussià des adultes, qu'ils soient ou nondyslexiques. Pour que son intelli-gence se développe, l'enfant doitmaîtriser ces trois activités. Afin deles aider dans leur rôle éducatif, cepetit guide pratique donne desconseils précieux aux parents. Des

pathologies comme la surdité, lesdéficits intellectuels, l'autisme, ladysphasie, le bégaiement sont dé-finies. La répétition des exercicesest justifiée comme une exigenceneurologique. Les méfaits de lalatéralisation contrariée sontexposés. On le voit, l'ensembledes sujets traités est vaste, pour lebonheur du lecteur.

R. V.

Eyrolles, 2005, 188 p., 14 €

HUGO ET LES ROIS ÊTRE ET AVOIR

HUGO JOUE À CACHE-CACHE

AVEC LES ROIS

HUGO AU ROYAUME

DES SUJETS DANGEREUX

d’Anne-Marie Gaignard

Voici les trois premiers volumesd'une collection consacrée à lagrammaire et à destination des

enfants de 8-12 ans. Il s'agit derendre attrayante une matière quipasse pour austère et d'aplanir di-verses difficultés : l'accord des par-ticipes passés (les deux premiersvolumes), celui du sujet avec leverbe (volume III). Un conte defées distrait le lecteur, tout enamenant le héros à résoudrediverses énigmes qui sont autantde textes grammaticaux à trous.Ultime stade infantilisant de lalittérature pédagogique ? Il semble,au contraire, que ces livres dé-coulent des bons résultats obtenuspar leur auteur dans sa longuepratique de formation et d'une idéeoriginale mais qui n'encombre pastrop la mémoire de considérationsaccessoires. Ces trois ouvragessont d'excellente facture : couleursvives, dessins pleins d'entrain, cou-verture cartonnée, papier agréable.Seule la typographie, incohérente,fatigue quelque peu l'œil.

R. V.

Le Robert, « Les secrets degrammaire de la fée Nina »,2003 (1er volume) et 2004 (lesdeux autres), 48 p., 9 €

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De nos adhérents :• Aille ail aïe... ma langue est malade ! 80 jeux pour tester vos connaissances en orthographe,de Jean-Pierre Colignon (L’Archipel, 2007, 240 p., 17,95 €).• Le Privilège du français, d’Axel Maugey (Humanitas, 2007, 183 p., 23,50 €, en vente à laLibrairie du Québec, 30, rue Gay-Lussac, 75005 Paris, tél. : 01 43 54 49 02).Signalons aussi :• La Révolte des accents, d’Erik Orsenna, de l’Académie française (Stock, 2007, 146 p., 13,50 €).• Une langue orpheline, de Bernard Cerquiglini (Les Éditions de Minuit, 2007, 236 p., 21,50 €).• La Comtesse de Pimbêche. Et autres étymologies curieuses, de Pierre Larousse (Points, « Legoût des mots », 2007, 126 p., 5 €).• Vous n'aurez pas le dernier mot !Petite anthologie désinvolte des plus belles reparties, deJean Piat et Patrick Wajsman (Albin Michel, 2007, 232 p., 10 €).• Mot pour mot. Kel ortograf pr 2m1 ?, de Vincent Cespedes (Flammarion, 2007, 288 p., 17 €).• Le Bon Usage, de Maurice Grevisse et André Goosse (De Boeck/Duculot, 2007, 14e édition,1i600 p., 79 €).• Abdou Diouf et l’Organisation internationale de la Francophonie, textes rassemblés parLamine Tirera (L’Harmattan, 2006, 404 p., 32 €).• La Typographie. Cent règles, de Patrick Boman et Christian Laucou, illustrations de PascalJousselin (Le Polygraphe éditeur, 2005, 96 p., 7 €).