Développer l'Employabilité Des Salariés

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    DEVELOPPER

    LEMPLOYABILITE DES

    SALARIES : RHETORIQUEMANAGERIALE OU REALITE

    DES PRATIQUES

    EstelleMERCIERMatre de Confrences / ISAM-IAE Nancy

    Chercheur au CEREFIGE

    25, rue Baron Louis - CS 10399 - 54007 NANCY Cedex

    [email protected]

    LUniversit Nancy 2

    CEREFIGE

    ISAM-IAE Nancy

    Cahier de Recherche n2011-06

    CEREFIGEUniversit Nancy 2

    13 rue Marchal Ney54000 Nancy

    France

    Tlphone : 03 54 50 35 80Fax : 03 54 50 35 [email protected]

    www.univ-nancy2.fr/CEREFIGE

    n ISSN 1960-2782

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    DEVELOPPER LEMPLOYABILITE DES SALARIES :RHETORIQUE MANAGERIALE OU REALITE DES

    PRATIQUES ?

    Estelle MERCIER (CEREFIGE, ISAM-IAE Nancy)Matre de Confrences / ISAM-IAE Nancy

    Chercheur au CEREFIGE

    25, rue Baron Louis - CS 10399 - 54007 NANCY Cedex

    [email protected]

    Rsum :Le concept demployabilit prend des dimensions et des contours assez varis dans la

    littrature. Cet article propose un tat de lart des approches de lemployabilit et de ses

    dterminants dans le champ de lconomie de travail, du management des carrires, et de la

    psychologie de travail. Il met en perspective les dbats actuels sur la responsabilit de la

    carrire, de lindividu lorganisation, de lvolution de la relation demploi et du contrat

    psychologique. LEtat de lart permet galement de dgager quatre visions diffrentes de

    lemployabilit : lemployabilit initiative et dichotomiquedj dcrites par Gazier en 1999 et

    lemployabilit-dveloppement et mobilit rsultant de la confrontation des approchesthoriques sur le sujet. En seconde partie sont exposes les principales critiques de

    lemployabilit comme nouvelle dimension de la GRH. Elles posent avec pertinence la

    question de lutilisation de ce concept : nouvelle rhtorique managriale vs ralit des

    pratiques ?

    Le cas dune grande entreprise de service est dvelopp en troisime partie. Lentreprise a

    sign en 2004 un nouveau contrat social qui met la qualit demploi et la flexibilit au cur

    de la relation demploi. Lemployabilit des salaris saffiche alors dans la stratgie RH

    comme un enjeu majeur dans une optique demployabilit-dveloppement. Or, les premiers

    entretiens mens auprs des agents montrent des diffrences de perception de leur

    employabilit selon les mtiers et lge ; et des pratiques RH qui sinscrivent encore dans le

    modle traditionnel de la carrire. Dans ce cas, lemployabilit est encore du domaine de larhtorique managriale.

    Mots cls: employabilit, carrire, contrat psychologique, mobilit.

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    1. Lemployabilit : un concept aux dimensions varies

    Si lemployabilit sentend de prime abord comme la capacit dun individu tre

    employ , elle prend des dimensions et des contours assez varis selon les auteurs et les

    champs disciplinaires. La notion demployabilit nest pas nouvelle mais gnre un intrt etdes dveloppements thoriques importants depuis une quinzaine dannes.

    Selon Smith (2010), le concept demployabilit trouve sa pertinence dans lvolution des

    marchs du travail. Quatre grandes tendances sont gnralement soulignes dans la

    littrature :

    (1) la turbulence des marchs et lenvironnement incertain qui conduit de multiples

    restructurations, fusions des entreprises depuis une vingtaine dannes.

    (2) les transformations actuelles des catgories demplois vers plus de prcarit et de

    flexibilit (quantitative et qualitative).

    (3) lexternalisation des marchs du travail : les parcours professionnels seffectuentdsormais dans et hors organisation. Un glissement sopre donc de la notion de

    mobilit interne employabilit.

    (4) la croissance du chmage long terme et des personnes considres en sous-emploi .

    De ces volutions nat, ce que la plupart des auteurs nomment la culture de linscurit de

    lemploi sur les marchs. Cest en rfrence cette inscurit demploi que se construisent la

    plupart des approches thoriques. Linscurit et/ou le non-emploi est tudi depuis

    longtemps dans le champ de lconomie du travail et des politiques publiques. Cest bien plus

    tard que les gestionnaires et les psychologues du travail vont semparer de cette nouvelle

    problmatique et de ses consquences dun point de vue organisationnel - dans le cadre dumanagement des carrires et de lvolution de la relation demploi, mais galement dans ses

    dimensions plus individuelles - via le contrat psychologique ou la capacit dadaptation dun

    individu face aux risques du march du travail (interne et externe).

    Lemployabilit est gnralement prsente comme un objectif, un rsultat atteindre. Ce

    sont avant tout ses dterminants qui intressent les auteurs. Nous les avons regroups

    schmatiquement autour de deux axes principaux (cf. graphique) :

    (1) Type de ressources mobilises : Les dterminants de lemployabilit sont-il abordscollectivement, via la mobilisation de ressources collectives / organisationnelles, ou sont-ils

    surtout lis ses ressources individuelles ?Cet axe - mobilisation des ressources individuelles et/ou collectives-permet de diffrencierdans les approches thoriques, celles qui survalorisent les dterminants individuels de

    lemployabilit et celles, qui estiment que lemployabilit est dabord une responsabilit des

    organisations et/ou des institutions (Etat, agences de lemploi etc.)

    (2)Orientation interne / externe: les dterminants de lemployabilit dpendent galementde lorientation quon lui donne. Lemployabilit nest plus seulement analyse dans le cadre

    du march externe du travail mais de plus en plus comme un lment majeur de la relation

    demploi, voire comme une nouvelle dimension de la GRH.

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    Chaque cadrant correspond un modle demployabilit trait dans la littrature.

    Lemployabilit interactive, dichotomique et initiative sont celles dj dfinies par Gazier

    (1999). Lemployabilit dveloppement et lemployabilit mobilit rsultent de ltat de lart

    dtaill ci-aprs et dune mise en perspective des approches. Lobjectif ici est didentifier les

    points de convergence et de divergence et de dessiner une cartographiedes thories sur le

    sujet.

    Figure 1- Les modles demployabilit dans la littrature

    1.1 De lemployabilit dichotomique lemployabilit interactive :

    Historiquement, lemployabilit est utilise pour classer les individus sur le march du

    travail. Ainsi, selon la typologie dfinie par B. Gazier en 1999, que lon sinscrive dans une

    perspective demployabilit dichotomique (politiques des annes 30), ou demployabilit de

    flux / mdico-social (Annes 50),lide est de pouvoir caractriser les personnes les moins

    employables sur le march, den identifier les raisons (mdicales, sociales, conomiques) et

    de mettre en place des actions daccompagnement de cette non-employabilit via des

    politiques publiques actives (cration de centre daides par le travail, dveloppement de la

    formation etc.) ou passives (indemnisation des personnes handicapes par exemple).

    Lemployabilit est ainsi aborde comme un objectif majeur des politiques publiques,

    caractristiques du contexte franais.

    March

    interne

    Mobilisation desressources

    collectives

    Mobilisation

    des ressources

    individuelles

    Approche des

    politiques

    publiques de

    lemploi

    Dispositifs de reconversionreclassement / orientation

    Dispositifs RH rgulateurs :

    carrires amnages.Formation interne. Critres

    davancement /anciennet

    Approche

    traditionnelle de la

    carrire

    Dveloppement des

    comptences individuelles

    Flexibilit / adaptabilit

    Capacit progresser

    Approche par les

    ressources

    Pro-activit

    Rsilience

    Ouverture aux

    changements

    Identit rofessionnelle

    Approche des carriressans frontires

    Travailleur-entrepreneur

    Rseau

    E.Interactive

    E.initiative

    E.dichotomi ue/flux

    March

    externeManagement

    E.Mobilit

    E. Dveloppement

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    Les dveloppements les plus rcents abordent lemployabilit comme la capacit individuelle

    retirer un revenu sur le march du travail, cest lemployabilit performance attendue

    (Gazier, 1999). Elle sinscrit dans une perspective dynamique des marchs et non plus

    statique comme prcdemment. On y retrouve les crits anglo-saxons les plus rcents de

    lemployabilit sous langle des caractristiques individuelles telles que les attributs de la

    personnalit, les prdispositions et/ou le rseau social (Fugate et ali, 2003, 2004, 2008). Danscette approche de lemployabilit initiative, la responsabilit est uniquement apprhende

    comme une capacit individuelle vendre son travail.

    Cette vision soppose lapproche dveloppe par les conomistes du travail en France et en

    Europe, pour lesquels les caractristiques du march du travail et le poids des diffrents

    acteurs (Etat, Organisations etc..) doivent tre pris en compte. Lemployabilit est alors

    tudie dans une visioninteractive(Gazier, 2005), comme la capacit relative que possde

    un individu dobtenir un emploi satisfaisant compte tenu de linteraction entre ses

    caractristiques personnelles et le march du travail (Dfinition du Canadian Labor Force

    Developemnt Board, Gazier, 1999).

    Plus gnralement, le concept demployabilit chez les conomistes du travail sinscrit dans

    une volution de la relation demploi et du salariat.

    1.2 une rponse la rupture du schma conomique classique du salariat

    Les conomistes du travail expliquent le salariat travers la prise de risques sur le march.

    Ainsi, traditionnellement, un travailleur se soumet lautorit dun employeur afin dviter de

    prendre un risque, lequel risque est port par lemployeur. Toutefois, depuis 20 ans, les

    risques lis lemploi et ses modalits sont plus importants et se reportent sur lindividu.

    On assiste donc une rupture progressive du schma classique de la relation demploi :

    scurit (minimisation des risques) contre subordination (statut de salari). Une nouvelle

    figure du travailleur merge, linstar du travailleur indpendant, dont il faut pouvoir tudier

    les diffrentes mobilits, les transitions . Ces transitions initialement conues comme des

    phases temporaires et relativement limites. A terme () pourraient bien absorber lessentiel

    des situations demploi, lemploi tant de plus en plus apprhend comme unprocessus

    dynamique et non comme un tat. (Gazier, 1999,p. 8).

    Lobjectif demployabilit vis par les politiques publiques ne doit plus se limiter aux seules

    catgories de chmeurs longue dure ou de sous-employs, mais devient un lmentdterminant de lensemble des mobilits quun travailleur vit tout au long de sa vie

    professionnelle. Il sagit donc de mettre en place des dispositifs de scurisation des

    parcours : les marchs transitionnels selon Gazier, qui consistent en lamnagement

    systmatique et ngoci des mobilits sur le march du travail, dans les et hors des

    entreprises (1999, p.7).

    Les dernires rformes portant sur la formation professionnelle continue (2004 et 2009) sont

    trs largement inspires de cette approche par les marchs transitionnels. Le modle Danois

    de flexicurit souvent montr comme un exemple nest possible que par la coordination et

    limplication des diffrents acteurs et institutions sur les marchs.

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    Dvelopper lemployabilit des travailleurs, y compris pendant les transitions, permettrait de

    compenser la rupture du schma classique de subordination du salariat en termes de risques.

    Cest galement cette ide de compensation qui intervient dans lanalyse de la relation

    demploi en management des carrires.

    1.3 De lemployabilit mobilit lemployabilit dveloppement : une volution ducontrat psychologique

    La plupart des recherches anglo-saxonnes dans le champ du management des carrires

    annoncent la fin de la carrire dite organisationnelle .

    Ce type de carrire correspondait un contexte de stabilit, de plein emploi et permettait aux

    travailleurs, une fois entr dans lorganisation, dvoluer tout au long de leur vie

    professionnelle selon des rgles tablies de manire collective. La responsabilit de la carrire

    est donc essentiellement organisationnelle. Les dterminants de lemployabilit interne,

    traditionnellement appele mobilit interne , sont de nature collective : rgles dvolutionngocies, dispositifs de formation interne visant ajuster sur le long-terme les besoins et les

    ressources de lorganisation.

    Pour les mmes raisons que celles voques prcdemment (incertitude de lenvironnement,

    externalisation des marchs du travail, culture de linscurit), de nouveaux types de carrire

    et trajectoires apparaissent : les boundaryless career(Arthur et Rousseau, 1996), cest--dire

    des carrires qui dpassent les frontires, qui se font dans et hors de lorganisation.

    Lattnuation de la responsabilit organisationnelle est manifeste : cest lmergence dun

    modle-type du travailleur, indpendant, autonome, rationnel, capable de dtecter des

    opportunits de carrire et de faire des choix.Cest galement cette prise en main de la carrire par lindividu que dcrit Hall travers ce

    quil nomme les protean career in the protean career, the person is figure, and the

    organization is ground. Organizations provide a context, a medium in which individuals

    pursue their personal aspirations (Hall, 1996). Plus rcemment, les travaux de Parker et al.

    (2009) parlent de intelligent career : dans une conomie de la connaissance (socit post-

    industrielle), les savoirs individuels sont vite obsoltes et il faut pouvoir sans arrt cumuler

    des expriences apprenantes et dvelopper ses comptences. Lintrt du travailleur est

    dorienter sa carrire vers la progression permanente de ses connaissances, plus souvent en

    rfrence son mtier qu une organisation en particulier. Lidentit professionnelle se

    construit en dehors des frontires de lorganisation.

    Cette nouvelle donne amne une volution de la relation demploi, souvent analyse travers

    le concept de contrat psychologique :un contrat implicite, informel et individuel qui dfinit

    les attentes mutuelles de lemployeur et de lemploy. (Schein, 1965, Rousseau, 1996).

    Les multiples travaux sur le sujet ont depuis approfondi ce concept, particulirement pertinent

    dans le champ des carrires. Ainsi, selon ses auteurs, dans lenvironnement relativement

    stable de la carrire organisationnelle, le contrat psychologique reposait sur un quilibre entre

    scurit demploi, amnagement de carrires, formation et dveloppement des salaris du ct

    employeur en change de la loyaut, limplication et lengagement. De nombreuses

    recherches ont ensuite dmontr que ce contrat tenait grce la confiance mutuelle entre les

    parties (Rousseau, 1996 ; Hallier et James, 1997 ; Hall, 1996)

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    Le contexte actuel denvironnement faible et incertain, des carrires sans frontires ,

    fait voluer les modalits du contrat psychologique. Les attentes des employeurs sorientent

    vers plus de flexibilit (horaires notamment), de responsabilits et dautonomie, un plus haut

    niveau de comptences et une forte capacit dadaptation aux changements. En change, ils

    proposent une rmunration plus leve, une rcompense/reconnaissance individuelle de la

    performance et le fait davoir un emploi (Baruch, 2001 ; Guerrero, Cerdin, Roger, 2004).Mais ce nouveau contrat nest pas tout fait quilibr- ou quitableau sens dAdams - pour

    permettre lchange entre les parties. Cest ainsi que la promesse demployabilit apparat

    comme un nouvel lment de la relation via lengagement de lorganisation dapporter les

    meilleures formations et de dvelopper les comptences des employs The organization

    makes a new promise : we will invest in you, make you attractive for other employers. Thus if

    you have to leave, you will be able to find a new job easily (Baruch, 2001, p. 545).

    Cest clairement dans une approche par les ressources1, que les travaux de Nauta et al (2009)

    et Van der Heijden et Van der Heidjen (2006) font merger lemployabilit comme un bon

    compromis entre les intrts individuels et organisationnels. Lquilibre du contratpsychologique autour de lemployabilit est un facteur cl du modle. Viennent sajouter

    ensuite lexpertise professionnelle, la capacit dadaptation aux changements dans le travail,

    la flexibilit personnelle et enfin le sens donn laction (les valeurs).

    Ainsi, lemployabilit est perue comme le nouvel ingrdient indispensable lquilibre du

    contrat psychologique. La promesse demployabilit se substitue la promesse de scurit

    demploi et motive le salari faire progresser sans cesse ses comptences, au cas o il aurait

    besoin de les vendre sur le march externe du travail.

    Cette vision de lemployabilit est appele ici Employabilit-dveloppement. Elle reste dominante interne, avec lide que les employeurs et les employs sont dans une relation

    gagnant-gagnant. En dveloppant les comptences individuelles (y compris gnriques),

    lorganisation devient plus performante et plus adaptable aux changements.

    1.4 Lemployabilit vue comme une prdisposition individuelle : lemployabilitinitiative

    Toujours dans le champ du management des carrires, les psychologues du travail valorisent

    les dterminants individuels de lemployabilit.

    Dans la continuit des travaux sur le concept dadaptabilit de Ashford et Taylor (1990),lemployabilit est prsente comme a multidimensional form of work specific active

    adaptability that enables workers to identify and realize career opportunities (Fugate et

    Ashforth, 2003).

    Lemployabilit est alors dcrite comme un processus dynamique comprenant trois

    dimensions importantes :

    (1) ladaptabilitde Ashford et Taylor mais dans sa version purement proactive (Crant, 2000)

    (2) lidentit professionnelle et de carrire (qui suis-je ? qui je veux

    tre professionnellement?)

    (3) le capital social et humain(connaissances, formation, comptences, rseau etc.)

    1Les comptences des employs sont traites comme des actifs ayant une forte valeur ajoute pourlorganisation quil faut savoir nourrir et dvelopper

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    Lindividu employable est une personne proactive face aux changements, capable de dtecter

    les bonnes opportunits sur le march, dobtenir de linformation utile via son rseau

    professionnel, et qui sait donner du sens ses choix grce une forte identit. Notamment,

    dans le cadre thorique des carrires sans frontires, la rfrence lemploi et des valeurs

    professionnelles lies au mtier se substitue aux valeurs de lorganisation.

    Lemployabilit ici, est un concept plus englobant qui permet ainsi dexpliquer les succs de

    carrire chez les individus. Dans cette version, lemployabilit est linterface entre

    lindividu, son environnement et le march et se prsente comme un construit psychosocial

    qui englobe les caractristiques individuelles et favorisent ladaptation cognitive et le

    comportement (Fugate et Ashforth, 2003)

    Pourtant, dans les travaux plus rcents de Fugate et Kinicky (2008a), cette dimension

    interactive avec lenvironnement disparat peu peu au profit duneprdisposition(en amont

    du comportement) faisant appel essentiellement des caractristiques psychologiques

    individuelles qui interagissent les unes avec les autres. La construction thorique de cetteprdisposition fait la synthse de multiples travaux en psychologie du travail sur chacune des

    dimensions (cf. figure 2 ci-dessous)

    -Louverture au changement dans le travail: considrer le changement comme un dfi, une

    opportunit plutt quune contrainte (Fugate, Kinicky, Prussia, 2008b)

    - Rsilience au travail et dans sa carrire2. Cette dimension reprend des thories de

    lvaluation cognitive : valuations positives de soi, image, confiance et optimisme amne au

    succs. Un individu rsilient a une vision positive des vnements futurs et de sa capacit

    surmonter les dfis. Cette dimension fait rfrence galement la notion de self-efficacy,

    souvent tudie dans le champ des carrires. Bien que les deux concepts soient thoriquement

    distincts, le renforcement des perceptions demployabilit ont des effets bnfiques sur lescomportements de croyances en soi et de confiance (Bernston, Naswall, Sverke, 2008).

    -Les objectifs de carrire. Est un lment de la motivation dun individu qui a un fort besoin

    de contrle. Plus les objectifs sont levs, plus la personne a de probabilit de russir et se

    donne les moyens. Est un levier individuel propice lapprentissage et au dveloppement des

    comptences.

    - Pro-activit dans la carrire et le travail: capacit dtecter et anticiper les volutions,

    chercher les informations utiles sur le march afin de bien orienter ses choix de carrire

    (Ashford et Taylor, 1990 ; Crant, 2000 ; Fugate et Ashforth, 2003)

    - Identit de travail rgule et soutient le comportement des individus. La construction

    psychologique individuelle de lidentit se substitue la construction organisationnelle. Cestun atout dans un contexte de carrires sans frontires (Fugate et Ashforth, 2003).

    2En psychologie, la rsilience dfinit le processus par lequel un individu parvient surmonter des chocsimportants

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    Figure 2 - Theoretical structure of dispositional employability - Fugate et Kinicky, 2008a

    Lemployabilit devient alors pour Fugate et Kinicky, un concept synthtique permettant deprdire de multiples comportements dans le champ des carrires mais aussi de la gestion des

    ressources humaines. Lobjectif est donc den trouver une mesure psychomtrique afin de la

    mettre en lien avec des probabilits de comportements.

    1.5 De lemployabilit relle lemployabilit perue

    Une autre faon dapprhender lemployabilit dans la littrature est lemployabilit perue.

    Nous avons vu prcdemment dans la construction de lemployabilit, limportance donne

    aux croyances et aux perceptions, lestime et la confiance en soi. Ces attributs de la

    personnalit sont corrls avec la capacit dinitiative, ladaptabilit et/ou les succs de

    carrire (Fugate et Kinicky, 2008a).

    Aussi, plusieurs auteurs analysent lemployabilit perue comme un indicateur de

    lemployabilit relle. Plus facile apprhender mthodologiquement, elle serait galement

    lie dautres variables de gestion des ressources humaines comme le bien-tre, le turn-over

    ou la sant.

    Un individu qui apprhende les changements positivement dans son environnement et croit en

    sa capacit rsoudre les problmes (optimism et self-efficacy) est moins stress.

    Lemployabilit perue serait donc corrle positivement avec la sant, le bien-tre,

    lengagement dans la structure et la satisfaction au travail (Bernston et Marklund, 2007).

    Employability

    Openness to

    change at work

    Work andcareer

    resilience

    Work andcareer

    proactivity

    Career

    motivationWork identity

    OPE

    NNESS

    1

    OPE

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    OPE

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    RES

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    1

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    PRO

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    1

    MOT

    IVATION

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    2

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    IDE

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    PRO

    ACTIVITY

    2

    PRO

    ACTIVITY

    3

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    Dans le mme ordre dides, dvelopper le sentiment et la culture de lemployabilit

    renforcerait la loyaut des salaris et diminuerait ainsi le taux de turn-over (Nauta et al.,

    2009).

    Les observations de Wittekind et al. (2010) sur les dterminants de lemployabilit et ses

    relations aux autres composantes de la GRH sont plus contrastes. Les auteurs relativisent le

    poids des attributs de personnalit par rapport dautres variables plus traditionnelles. Cest

    ainsi que les comptences en lien avec lemploi (techniques ou professionnelles) restent un

    lment dterminant de lemployabilit perue selon ces auteurs. Par contre, la capacit

    dvelopper de nouvelles comptences, laptitude dtecter des informations pertinentes sur le

    march du travail et les croyances individuelles en sa capacit se prsenter ne sont pas des

    variables suffisamment significatives dans ce cas.

    Outre lide selon laquelle les modles demployabilit devraient intgrer des effets

    modrateurs, les auteurs montrent que dautres variables de type organisationnel et/ou

    individuel ne sont pas assez prises en compte. Lge par exemple serait un facteur important

    dans la construction de lemployabilit perue.

    Quels que soient les dterminants prsupposs de lemployabilit et/ou de lemployabilit

    perue, la mesure de lemployabilit merge comme une nouvelle variable pertinente

    prdictive de certains comportements organisationnels. Elle deviendrait ainsi une nouvelle

    dimension de la GRH utile la gestion des carrires, au recrutement, la gestion de la

    formation, de la mobilit, des comptences etc.

    2. De la rhtorique managriale la ralit des pratiques : approche critique delutilisation de lemployabilit en GRH

    Lemployabilit est devenue en quelques annes une nouvelle dimension de la gestion des

    ressources humaines. Elle merge dans un contexte dinscurit demploi comme une faon

    dquilibrer le nouveau contrat psychologique, elle suppose une nouvelle vision du

    travailleur, indpendant, qui prend des risques sur le march et rompt ainsi avec la vision

    classique du salariat. Elle est considre comme une prdisposition individuelle ncessaire au

    succs de carrire et devient un indicateur pertinent dautres comportements organisationnels

    tels que laptitude au changement, la flexibilit, la sant, le bien-tre.

    Dun point de vue individuel, lintrt port lemployabilit sentend et sinscrit clairementdans les nouvelles stratgies de carrire ou de dveloppement des individus. Par contre,

    lemployabilit, telle quelle est dcrite prcdemment et hors contexte de restructurations,

    peine trouver un vritable cho dans les pratiques de GRH. Les quelques tudes de cas sur le

    sujet montrant des stratgies et des pratiques de dveloppement de lemployabilit en France

    concernent essentiellement quelques grands groupes toujours cits en rfrence (Baruel

    Bencherqui, 2005 ; Baruel, Flanchec, Mullenbach, 2009).

    Si la littrature ne cesse de montrer quels sont les avantages pour les employeurs de

    dvelopper lemployabilit, trois critiques majeures sont souvent apportes lutilisation du

    concept demployabilit dans les organisations : le modle du travailleur indpendant quil

    sous-tend, la dfiance dans les relations employeurs-employs et le discours lgitimateur des

    gestionnaires.

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    2.1 La remise en cause du modle du travailleur entrepreneur

    Dans la plupart des approches dveloppes, le caractre turbulent et inscure des marchs du

    travail fait merger une nouvelle figure du travailleur : indpendant et capable de vendre sa

    force de travail comme un petit entrepreneur. Non seulement cette approche rompt avec la

    vision classique conomique du salariat (cf. supra) mais elle limite selon certains chercheursla porte du concept demployabilit.

    Le modle dentrepreneur est difficilement gnralisable car le risque idal concerne

    essentiellement les classes moyennes et suprieures des salaris (Wittekind et al., 2010 ;

    Baruch, 2001 ; Hallier, 2009). Ainsi, le concept demployabilit nest viable que pour ceux

    qui possdent un niveau minimum dducation, de formation, dautonomie et de capital

    culturel (Smith, 2009). Le critre de lge est galement nonc comme une limite au modle

    (Wittekind et al, 2010). En France, notamment, la fin annonce de la carrire

    organisationnelle samorce doucement et lattachement des salaris leur organisation reste

    une ralit. La culture de linscurit est plus rcente quaux Etats-Unis et les carrires sansfrontires concernent surtout les plus jeunes travailleurs.

    Le travailleur entrepreneur est souvent prsent comme un tre rationnel, capable de dtecter

    des opportunits de carrire sur le march et de faire des choix clairs . On retrouve ici les

    limites habituelles et dj dveloppes concernant lindividualisme mthodologique et le

    concept de rationalit limite. Ce modle survalorise les caractristiques individuelles de

    lemployabilit et attnue le rle des dispositifs organisationnels (van der Heidjen et van der

    Heidjen, 2006) mais aussi des marchs ou des institutions (Gazier, 2003).

    Or, des tudes rcentes tendent prouver que la substitution de responsabilit de lun lautre

    nest pas si vidente que cela. Lieps-Wiersma et Hall (2009) observent une prise en charge

    plus active de la carrire chez les individus, mais ils mettent en vidence galement un

    engagement et des dispositifs de gestion des carrires dans les entreprises quils tudient

    largement plus dvelopps que par le pass.

    Les pratiques effectives seraient plus complexes et nuances que ce que les thoriciens

    annoncent depuis 15 ans.

    Enfin, le rle des politiques publiques nest jamais identifi, seule la relation lemployeur

    est voque dans le cadre du contrat psychologique, hors contexte et caractristiques des

    marchs du travail (bassin demploi, surplus de main-duvre et/ou tension, qualifications

    etc). La transposition de ce modle libral du travailleur entrepreneur pour comprendre les

    mobilits internes et externes et/ou les transitions sur les marchs rguls en France et en

    Europe est forcment limite et ne sinscrit que dans une approche de lemployabilit

    initiativedfinie par Gazier.

    2.2 Les dangers de la culture de lemployabilit

    Lapproche par les ressources (van der Heidjen et van der Heidjen, 2006 ; Nauta et al, 2009)

    prconise le dveloppement dune culture de lemployabilit qui permettrait ainsi de concilier

    les besoins individuels et organisationnels. Lentreprise aurait toujours disposition une

    main-duvre forme et comptente, plus apte rpondre aux besoins dvolution de

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    lorganisation et du march, en mme temps quelles satisfont la demande croissante des

    salaris de dvelopper et dapprendre de nouvelles comptences.

    La culture de lemployabilit amnerait mme une forme de loyaut des salaris et un

    engagement plus fort (Nauta et al, 2009). Elle diminuerait le turnover, le stress et favoriserait

    le bien-tre.

    Mais, selon Baruch (2001), ces arguments sont difficilement tenables pour plusieurs raisons.

    La premire est que le nouveau contrat psychologique ne peut gure amener une relation

    demploi gagnant-gagnant. En effet, court terme, la relation est gagnant-perdant pour le

    salari car cest la peur de perdre son emploi qui le contraint tre plus productif. La

    productivit exige par le nouveau contrat psychologique se fait sur la base de la peur. A

    long-terme, le risque est que relation volue vers du perdant-gagnant si les meilleurs salaris

    parviennent valoriser leurs comptences ailleurs ou vers du perdant-perdant lorsque les plus

    dmotivs et les moins employables restent dans lorganisation.

    Lancien contrat psychologique tait bas sur la confiance mutuelle entre les parties, le

    nouveau contrat serait-il bas sur la peur ? La crainte de perdre son emploi est un moteurpuissant. Quel avenir pour une organisation qui base ses relations sur la crainte ? Dautant

    plus que le modle du salari indpendant napporte pas de solutions la majorit des

    employs.

    Autre argument voqu par Baruch, la culture de lemployabilit repose sur des pratiques de

    GRH qui favorise la formation des salaris. Comment concevoir de former des salaris, les

    prparer pour de nouvelles fonctions et prendre le risque ensuite de les voir partir ? Quel sens

    donner ce type de pratique ? Si ce nest que denvoyer un message dvastateur sur la

    probabilit dune restructuration ou dun licenciement venir ?

    Selon lenqute quelle a mene auprs dun chantillon de DRH, lemployabilit nest pas unmessage quils peuvent valoriser auprs de leurs salaris pour quilibrer le nouveau contrat

    psychologique. Lemployabilit ne se substitue pas dans la relation demploi lengagement

    long-terme, la loyaut ou les relations mutuelles de confiance.

    Enfin, dans les moyens rgulirement noncs pour dvelopper lemployabilit, la formation

    apparat la fois comme une solution et un problme. Cest le levier dont dispose

    lorganisation le plus sr et le plus attendu par les salaris. Toutefois, la question du type de

    formation est loin dtre tranche. La thorie du capital humain argumente que seules les

    comptences spcifiques intressent lorganisation et que le salari doit par ses propres

    moyens dvelopper ses comptences plus gnrales. Or, ce sont les plus transfrables et cellesqui alimentent le concept demployabilit Lapproche par les ressources, telle que nous

    lavons dj voque, stipule au contraire que lorganisation a intrt combiner au mieux

    lensemble de ses comptences pour favoriser lapprentissage collectif et accrotre son

    avantage concurrentiel sur le march.

    Les recherches sur le sujet rvlent des pratiques de formation plutt htrognes (Kuhn,

    Moulin, 2009) qui illustrent finalement cette contradiction apparente entre comptences

    gnrales et comptences spcifiques.

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    2.3 Une nouvelle rhtorique managriale ?

    Le concept demployabilit a dabord merg du champ smantique des politiques publiques.

    En ce sens, il fait rfrence explicitement des priodes de crise, de restructurations, de

    dveloppement du chmage ou du sous-emploi. Lemployabilit ne concernait alors que les

    personnes vivant des situations de rupture professionnelle (ou au mieux de transitions) dansun contexte de reclassement et de reconversion.

    Elle serait devenue aujourdhui une proccupation majeure de tous : les organisations, lEtat,

    les travailleurs en transition professionnelle mais galement les travailleurs en situation

    demploi stable. Tous les acteurs sont concerns par lemployabilit des travailleurs et tous

    ont intrt la dvelopper (Gazier, 2003). Il existe donc lheure actuelle un discours

    construit par chacun de ces acteurs sur ce quest lemployabilit et les moyens de la

    dvelopper.

    En France par exemple, les recherches sur lemployabilit dans la gestion des ressources

    humaines analysent la perception quen ont les acteurs-cls tels que les DRH, les recruteurs,les consultants ou les conseillers dorientation / ANPE (ST Germes, 2008 ; Kuhn, Moulin,

    2009 ; Baruel Bencherqui, 2005). Ces acteurs-cls construisent leur propre norme de

    lemployabilit au regard des pratiques, du contexte professionnel, et des personnes quils

    sont amens accompagner. Ainsi, St Germes (2008), travers la grille dEymard Duvernay

    montre quel type de convention de qualification ces acteurs mobilisent pour apprhender

    lemployabilit interne et externe. Il est intressant de noter que la dimension individuelle de

    lemployabilit et les possibilits dajustements de la personne par rapport son contexte sont

    perus comme des dterminants forts de lemployabilit (externe et interne).

    Autre rsultat marquant : les discours convergent globalement vers lide dune responsabilit

    organisationnelle du dveloppement de lemployabilit interne. Par contre, les modalits

    pratiques sont floues et assez gnrales. St Germes montre alors quil existe un cart entre undiscours de lemployabilit dont les responsabilits seraient partages et des pratiques

    effectives.

    Cest lide que dveloppe Hallier (2009) dune employabilit qui sinscrit plutt dans le

    domaine de la rhtorique managriale : employability is at most just one more hollow

    employer rhetoric with little relevance to the practices of most organizations and the work

    reality encountered by the majority of workers (2009, p.847).

    Selon des arguments similaires ceux de Baruch (2001), Hallier dmontre que le message

    dlivr de lemployabilit est loin de correspondre aux pratiques (formation, management,

    comptences utiles). Celles-ci confirment quil nest pas cohrent pour les employeurs dedvelopper lemployabilit par rapport aux besoins de lorganisation. Toutefois, il sinterroge

    sur la raison pour laquelle le message de lemployabilit, quil dcrit comme une prophtie,

    continue dalimenter les dbats et finit par avoir un impact sur les comportements des salaris.

    Selon lui, le discours sur lemployabilit serait un nouveau moyen de maintenir un contrle

    sur la main-duvre. En effet, en lgitimant lvolution de la relation demploi et du contrat

    psychologique par les nouvelles exigences des marchs du travail : comptences, flexibilit,

    adaptabilit etc., ils parviennent faire passer lide selon laquelle linscurit est une donne

    de lenvironnement et en dgager leur responsabilit.

    En dveloppant lide du travailleur indpendant qui doit prendre en charge sa carrire et

    trouver ses propres opportunits, le message de lemployabilit fait galement reposer surlindividu la seule responsabilit de son chec. En abordant lemployabilit dans un contexte

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    dindividualisation des pratiques, ils amnent peu peu le salari se voir comme un

    comptiteur sur le march interne et accrotre sa performance.

    Ainsi, selon Hallier, lemployabilit nest autre quun moyen de donner un sens aux

    volutions actuelles de la relation demploi ( Employability as the management of

    meaning, p851) et de persuader les employs daccepter les nouvelles modalits du contrat

    psychologique qui leur sont initialement dfavorables.

    Les rflexions actuelles sur lutilisation du concept demployabilit en GRH et de sa

    pertinence ne permettent pas de faire merger un consensus sur la question.

    Alors que certains auteurs y voient un largissement de la notion de mobilit, prenant en

    compte les nouveaux dfis du march du travail en termes de flexibilit et comptences

    individuelles, dautres lidentifient comme un nouveau concept la mode servant lgitimer

    le dsengagement des organisations et le climat dinscurit sur les marchs du travail.

    Les auteurs saccordent nanmoins sur le fait que lemployabilit sous-tend une nouvelle

    vision du travailleur, dans une perspective largie, hors des frontires classiques de

    lorganisation. Il est galement admis que les comportements en termes de carrires voluentvers une plus forte implication du travailleur.

    Les tudes empiriques, quant elles, montrent une diversit des pratiques RH et de

    lutilisation du concept demployabilit. Il serait intressant de confronter notre grille de

    lecture aux pratiques des entreprises travers un double questionnement :

    - Discours managrial autour de lemployabilit : Y-a-t-il un discours dans lapolitique RH sur lemployabilit ? si oui est-il orient vers linterne et/ou

    vers lexterne ? et dans ce discours, quel est le rle attribu aux dispositifs

    organisationnels et lindividu ?

    - Employabilit perue par les agents et effectivit des pratiques : quels sont

    les dterminants de lemployabilit perue par les acteurs ? (salaris,managers directs et RH de proximit) : outils RH, dispositifs de formation,

    attributs individuels (rsilience, adaptabilit, proactivit), rseau, identit

    professionnelle etc.

    3. Exemple dune Grande Entreprise de Service

    La problmatique de lemployabilit est tudie ici travers lexemple dun grand groupe

    franais, vivant depuis 15 ans de profondes mutations internes. Dadministration entreprise

    publique dlivrant un service public, G.E.S (Grande Entreprise de Service) est devenue depuis

    peu socit anonyme et dploie quatre grandes activits sur lensemble du territoire :logistique, livraison, rseau de points de vente et services bancaires. Les deux activits

    historiques de service public : la livraison et les points de vente, vivent une baisse croissante

    de leur activit depuis 10 ans tandis que la logistique et les services bancaires sont en plein

    essor.

    GES a donc entam une profonde modernisation de ses activits et de son organisation afin

    daccrotre sa productivit et sa rentabilit. Dans le secteur livraison , les centres ont t

    moderniss, mcaniss et regroups en ple industriel dans les rgions, traitant ainsi

    plusieurs millions de pices livrer par jour.

    Les points de vente se sont moderniss et offrent de nouveaux services marchands la

    clientle. Le rseau sest recentr sur les lieux forte concentration de population

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    G.E.S a filialis ses activits en quatre mtiers constituant dsormais un Groupe. Chaque

    filiale mtier bnficie dun directeur des ressources humaines et de correspondants RH

    rpartis sur lensemble du territoire. Toutefois, les politiques RH slaborent toujours au

    niveau du Groupe.

    Depuis plus de 10 ans, G.E.S recrute des contractuels qui reprsentent aujourdhui 40% des

    personnels (les autres 60% sont sous statut fonction publique).

    En 2004, G.E.S a sign un accord dfinissant un nouveau modle social avec les organisations

    syndicales fond sur la qualit de lemploi: contrats longue dure et temps plein. Ce contrat

    est qualifi d atypique par les DRH dans un contexte o les entreprises concurrentielles

    privilgient flexibilit et prcarit de la main-duvre.

    Dans le cadre de ce nouveau contrat et des rorganisations actuelles des activits du Groupe,

    lemployabilit des salaris devient une proccupation majeure. Les rsultats prsents ici

    sinscrivent dans le cadre dune demande de la DRH Groupe en 2010, auprs des chercheurs,

    dtudier la contribution des dispositifs RH au sentiment demployabilit .

    La mthodologie retenue pour cette tude sarticule en deux phases :

    Une premire phase qualitative et exploratoire du sujet

    1- Entretiens semi-directifs prliminaires de 8 cadres dirigeants : le DRH Groupe, le Dir. du

    Pilotage Stratgique RH, les 4 DRH de chaque mtier, et 2 responsables du suivi emploi et

    mobilit sur le dveloppement de lemployabilit, lefficacit des dispositifs RH mis en place,

    les volutions au sein du Groupe et les enjeux en termes de GRH

    2- Analyse de documents internes, notamment de prsentation des dispositifs RH mis en place

    3- Entretiens semi-directifs individuels avec 25 agents, avec comme critres de segmentation

    de lchantillon : le mtier (les 4 branches de lentreprise), le statut (fonctionnaire /

    contractuel), lge et/ou lanciennet, le lieu gographique du poste (urbain / rural et Paris /

    rgions).

    Grille dentretien Pourriez-vous me dcrire votre parcours professionnel jusqu prsent,

    avant et

    Avez-vous le sentiment que la politique de gestion des ressources

    humaines de La Poste a favoris ou orient ce parcours ? Si oui, de

    quelle manire ?

    Connaissez-vous les dispositifs/outils RH mis en uvre par La Poste

    pour vous aider dans ce parcours ? Quen pensez-vous ?

    Pensez-vous que dautres dispositifs seraient utiles ? Lesquels et

    pourquoi ?

    Idalement, si cela ne tenait qu vous, comment envisageriez-vous

    votre parcours professionnel ? Quels sont vos souhaits dvolution ?

    Daprs ce que vous en percevez aujourdhui, quelles pourront

    effectivement tre vos perspectives professionnelles par la suite ? A

    court terme, et plus long terme ?

    Vous sentiriez-vous capable de quitter le groupe La Poste ?

    Dans quelle mesure avez-vous reu de La Poste ce quelle stait

    engage vous donner ? Ce sentiment a-t-il volu au cours du temps ?

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    4 - Retranscription intgrale de tous les entretiens individuels

    5 - Analyse de contenu thmatique des entretiens. Traitement et codage des entretiens sur

    NVivo 9

    Une deuxime phase vise confirmatoire : les entretiens de groupeOnt t rencontrs 4 groupes de 8 12 agents (au total 40 personnes) choisies selon les

    mmes critres de segmentation que prcdemment.

    Les rsultats de la phase prcdente ont t prsents et discuts dans les diffrents groupes

    afin de valider les premires hypothses. Ces entretiens ont galement permis de travailler sur

    un dterminant plus collectif de lemployabilit : lidentit professionnelle.

    Nous avons choisi de prsenter dans cet article, uniquement les rsultats qui illustrent la

    problmatique dfinie prcdemment, savoir : que sous-tendent les discours actuels sur

    lemployabilit ? Quels sont les dterminants perus de lemployabilit par les salaris ? et

    quel type de modle demployabilit le groupe G.E.S correspond t-il ?

    3.1 Dvelopper lemployabilit des salaris de G.E.S : une volont avant toutmanagriale

    Les entretiens exploratoires mens au sein de la DRH Groupe et des DRH mtiers nous

    donnent une premire ide des enjeux de lemployabilit au sein de G.E.S et des dimensions

    valorises par les discours managriaux.

    Dans le nouveau contrat social sign en 2004, G.E.S garantit la qualit demploi (dure

    longue et temps plein) en change dadaptabilit et de flexibilit des salaris. (cf. figure 3).

    Figure 3 le nouveau contrat social de G.E.S

    Dautre part, le plan Ambition 2015 affiche ainsi la volont de faire lentreprise de

    demain avec les salaris daujourdhui et ainsi de se positionner en employeur-dveloppeur.

    G.E.S sengage et reoit en retour

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    Si lon reprend le modle des dimensions de lemployabilit, ce nouveau contrat social

    sinscrirait plutt dans une approche par les ressources(Employabilit dveloppement) quitente de concilier en interne les besoins collectifs dadaptation et de performance aux besoins

    individuels de progression via le dveloppement continu des comptences.

    Ce nouveau contrat social fait voluer la relation demploi au sein du groupe mais ne fait pas

    apparatre lemployabilit comme un lment de la relation. Les organisations syndicales lui

    prfrent le terme de dveloppement professionnel, moins centr selon eux sur la

    responsabilit individuelle.

    Tableau 1 - Evolution du contrat social

    Ancien contrat Nouveau contrat

    G.E.S sengage Scurit demploi

    Carrireorganisationnelle

    Anciennet

    Qualit demploi

    Dveloppement professionnelConsidration reconnaissance

    Diversit

    En change de Productivit

    Loyaut / appartenance

    Culture du service public

    Productivit

    Flexibilit/ Adaptabilit

    Engagement

    Lemployabilit est bien une notion dont limpulsion ici est avant tout managriale et qui

    porte une attention particulire aux dterminants individuels et dans une moindre mesure, aux

    possibilits dvolution lextrieur du groupe. Le but cest de les rendre acteurs, quils

    soient conscients de leurs comptences et quils puissent faire un choix de carrire, interne ou

    externe (vers la fonction publique notamment) .La ncessit de dvelopper lemployabilit est dailleurs justifie en premier lieu en rfrence

    des lments extrieurs denvironnement la crise, baisse de lactivit livraison les

    concurrents flexibilit des marchs.

    Les discours sont trs convergents sur la ncessit dvoluer, sur les mutations profondes que

    connat le Groupe et sur le besoin davoir une main-duvre plus flexible et plus adaptable

    dans les annes venir. Lexigence de productivit est systmatiquement voque, efforts

    de productivit faire, le coefficient dexploitation est encore trop lev, ncessit

    dliminer les doublons .

    Une ambigut demeure nanmoins dans les entretiens des DRH sur les orientations donnes

    lemployabilit :- dominante interne : dans ce cas il sagit surtout d activer la mobilit, de

    dcloisonner les mtiers doffrir des perspectives de carrire de mettre en

    place une GPEC transverse

    - ou dominante externe : Ils ne savent pas se vendre ils ne savent pas ce quilsvalent, formuler en termes de comptences ce que fait un postier est difficile : on a

    tous les outils RH mais on ne sait pas expliquer ce quun postier sait faire, en termes

    de moyens, la seule faon de faire serait un plan social.

    Cette double orientation est surtout reprsentative des mtiers : Dans les points de vente et la

    livraison, du fait des nombreuses restructurations, lemployabilit est plus clairement voque

    lextrieur du groupe.

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    Enfin, le dficit de confiance des agents est clairement voque comme une difficult

    nouvelle dans ce contexte de rorganisation ces derniers temps il y a eu beaucoup de

    productivit et de rorganisations() si on promeut un modle social sur un discours qui ne

    parle pas ceux qui on sadresse en interne, ca ne va pas fonctionner () la question est

    alors comment tablir une relation de confiance ? () (Directeur dlgu des RH et des

    Relations Sociales).

    Ainsi, lemployabilit est bien un message que lon envoie aux salaris on investit pour

    vous, on sengage pour vous . Lemployabilit sapprhende en termes de communication

    interne pour rtablir la confiance, les amener accepter les changements et lvolution du

    contrat social (Hallier, 2009).

    En filigrane dans les entretiens, est pose la question de la sant au travail et lexemple

    dautres entreprises ayant connu une forte exposition mdiatique ces dernires annes dans un

    contexte de restructuration similaire. Limage et la communication du groupe sont bien en

    jeu, en interne comme en externe.

    Il semblerait donc que lutilisation du concept demployabilit soit surtout une initiative

    managriale double objectif : (1) faire accepter lvolution de la relation demploi vers le

    nouveau contrat social et psychologique (2) communiquer en interne pour rtablir la relation

    de confiance et lexterne afficher les bonnes pratiques de G.E.S..

    3.2 Des pratiques proches de lEmployabilit-Mobilit

    Les entretiens exploratoires mens auprs de trois mtiers (Livraison / Points de Vente /

    Services Bancaires) donnent un premier aperu de la faon dont les salaris peroivent cette

    volution de la relation demploi et leur employabilit. Ils permettent de faire un diagnostic

    des ressources collectives dont disposent les agents au sein du Groupe, et la faon dont ils les

    mobilisent.

    3.2.1 Des ressources collectives qui existent et sont reconnues

    Depuis 2004, lentreprise a mis en place une srie de dispositifs visant favoriser la mobilit

    des agents, quil sagisse des RAP, RPP, REP3, des conseillers mobilit, de la cration dun

    intranet ddi, de bilans de comptences ou des entretiens professionnels. Globalement, ces

    ressources collectives organisationnelles sont bien connues des agents et sont naturellementcites dans les entretiens.

    Toutefois, il semble que ces ressources ne favorisent pas lemployabilit-dveloppementtelle

    que souhaite par la direction du groupe mais quelles soient plus proches du modle

    traditionnel de la carrire, favorisant lemployabilit-mobilit en fonction des besoins

    spcifiques de lorganisation.

    3RAP: Reconnaissance des Acquis ProfessionnelsRPP: Reconnaissance du Potentiel ProfessionnelREP: Reconnaissance de lExprience Professionnelle

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    Des formations dadaptation au poste

    De ce point de vue l, G.E.S a conserv les rflexes de la fonction publique avec une forte

    tradition de formation interne, centre sur ladaptation au poste. Le recrutement se fait sur des

    mtiers de base partir du concours. Les dispositifs de formation interne prennent ensuite le

    relais pour adapter les personnes aux emplois tenus tout au long de la carrire. Les

    comptences dveloppes restent spcifiques lactivit de G.E.S.

    La formation, cest pas leur point fort (agent point de vente)

    Ctait de la formation interne, rien de plus. Cest pas de la formation pour

    progresser, cest de la formation obligatoire pour se servir dun outil ou dun produit

    () Cest pour donner aux gens limpression quils sont acteurs de leur trajectoire. On

    apprend soit ce quon sait dj, soit ce quon va devoir utiliser, mais il ny a pas

    douverture sur dautres mtiers (agent point de vente)

    Nos comptences ne sont pas transfrables (agent point de vente)

    Une mobilit gographique ou verticale

    Dans les entretiens, la mobilit est voque selon deux dimensions : verticale et

    gographique. Les deux dailleurs sont parfois contradictoires, le souhait dtre proche de

    chez soi peut tre plus fort que laugmentation du grade. Par ailleurs les postes sont corrls

    au grade. La mobilit sapparente alors une chasse lchelon.

    Jai fait des demandes de mobilit interne mais cest pareil en 3.1 ils ne demandent

    personne, le minimum requis cest toujours 3.2 (agent point de vente)

    La promotion a t beaucoup utilise pour faire bouger les gens, mais on a atteint la

    limite du systme (DRH mtier)

    Les dispositifs de RAP et REP sont bien connus des agents car ils permettent de passer dun

    chelon lautre sur examen de dossier et valuation des comptences professionnelles.Toutefois, pour la plupart, ces dispositifs manquent de transparence et savrent dcevants.

    La plupart du temps on sait que les postes sont dj pris ! on a aucune illusion. Je

    mtais inscrite pour une RPP en 3.2 mais sachant pertinemment bien que la RPP a t

    cre pour mettre une personne. Cest un mode de fonctionnement habituel (agent

    point de vente)

    Tout est jou davance (..) ca sert rgulariser le grade de personnes qui sont dj

    sur les postes et qui font fonction de (agent services bancaires)

    Lanciennet plutt que la comptence

    Les entretiens mettent en vidence la prdominance du critre de lanciennet pour voluer,Notamment, chez les contractuels et les plus jeunes qui le considrent comme injuste mais

    faisant partie du systme.

    Cest lanciennet qui prime, plus que les comptences (agent point de vente)

    Les demandes de mutation a se joue lanciennet (livreur)

    Des filires de plus en plus cloisonnes

    La mise en place des mtiers en 1997 a conduit un fort cloisonnement des filires.

    Le changement est notable, notamment pour les anciens qui voquent des perspectives de

    carrire plus larges dans le pass.

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    Avant quand je suis rentre en 1994 ctait mlang : on faisait le livreur et le point

    de vente () maintenant cest un peu la bagarre () cest super compliqu pour passer

    de lun lautre () les deux DRH passent un accord (agent point de vente)

    Le sentiment de ne pouvoir voluer que verticalement au sein des filires et dtre bloqu est

    trs frquemment voqu. Il est mme question denfermement pour certains agents.

    Ceux qui veulent rester dans le mme poste ils sont bien plus tranquilles. Alors que si

    on bouge, parfois on est coinc dans un ghetto (agent point de vente)

    Cette remarque est nanmoins nuancer selon les mtiers, chez les livreurs par exemple le

    nombre de postes proposs est plus important que dans les points de vente qui vivent plus

    durement les rductions deffectifs.

    On peut bouger. Pour les livreurs, il y a beaucoup de postes douverts (livreur)

    La mobilisation ou non des ressources collectives est aussi une question individuelle. De ce

    point de vue l, les entretiens rvlent des diffrences importantes entre les agents, lesquelles

    diffrences expliquent en partie les diffrences de perception de lemployabilit.

    3.2.2 Les dimensions individuelles de lemployabilit

    Dans la plupart des approches sur lemployabilit, le concept dadaptabilit est voqu

    comme une dimension individuelle importante. Elle est gnralement partage en deux

    dimensions : adaptabilit ractive et adaptabilit proactive . Les dfenseurs du modle

    du travailleur-entrepreneur survalorise la partie proactive, qui met en jeu une capacit

    danticipation des individus et de recherche dalternative.

    Les entretiens ne permettent pas de faire une analyse approfondie des dimensions

    individuelles ayant trait la personnalit des agents. Toutefois, ils permettent de noter des

    diffrences significatives de perception sur les dispositifs RH, lesquelles diffrences

    pourraient sexpliquer par la nature plus ou moins proactive des agents.

    Une adaptabilit aux changements

    Que ce soit auprs des DRH ou des agents, les entretiens rvlent une bonne capacit

    dadaptation aux changements des agents.

    Ce qui est transfrable cest la capacit dassimilation des gens, on est en

    transformation constante. A G.E.S on est des gens qui nous adaptons beaucoup (agent

    point de vente)

    Cest la vie qui ma men l, au rythme des rorganisations

    La baisse des effectifs fait que cest plus dur, tout va plus vite mais on sentraide. Du

    coup je nai aucune crainte dtre mute ailleurs (agent services bancaires)

    Toutefois cette capacit dadaptation collective que lon peut aisment lier au statut et la

    culture de lentreprise est plutt de nature ractive. Les mobilits sont plus souvent subies que

    choisies ou anticipes.

    La gestion du changement se fait dj pas mal mais cest un changement subi

    mme sil y a toujours moyen de rester dans son poste (DRH mtier)

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    Ractivit vs proactivit chez les plus jeunes

    Ainsi, la plupart des entretiens rvlent une vision plutt passive de la carrire.

    On ne ma rien propos , on ma dit de candidater , on ma dit de demander ma

    retraite et de faire une formation dassistante maternelle Ils mont propos un poste

    dans le nord du dpartement mais jai refus

    La conseillre mobilit, jen ai entendu parler mais je ne lai jamais vue (agents

    point de vente, livraison et services bancaires)

    Toutefois, mais sans que nous puissions le mesurer et laffirmer quantitativement, certains

    contractuels et les plus jeunes agents font preuve de plus de proactivit dans la gestion de leur

    carrire.

    Il y a plein de formations. Tout le monde y a accs. Il y a une borne l. Il suffit de

    regarder (livreur)

    La conseillre mobilit jai demand la voir, je voulais bouger (agent services

    bancaires)

    Tout passe par lintranet, faut aller chercher

    Faut faire les dmarches soi-mme, faut pas attendre (agent de point de vente) G.E.S cest une bonne bote, si on veut on peut bouger (livreur qualit)

    Les conseillers mobilit quand je suis arrive ici au bout de deux mois, jai demand

    un entretien avec le conseiller mobilit () qui ma clairement dit ben l a va pas

    tre facile (..) donc je me suis dit daccord, je me suis toujours dmerde seule donc

    je vois pas pourquoi jy arriverais pas toute seule (agent maitrise services bancaires)

    Les fonctionnaires ont par ailleurs le sentiment partag que pour les contractuels, les carrires

    sont plus faciles, sans que lon puisse vritablement en dfinir les raisons.

    il y a des grosses diffrences entre les fonctionnaires et les contractuels, cest plus

    facile pour eux (agent point de vente)

    Limportance du rseau

    Si les dispositifs RH sont connus, ils sont nanmoins dclars comme inefficaces ou inutiles

    par la plupart des agents rencontrs. Un lment-cl de la mobilit, largement dvelopp par

    les plus mobiles sont le bouche oreille (sur les postes vacants avant dtre publis par

    exemple) et/ou limportance du rseau.

    Avec lexpriencecest plus simple de tlphoner directement l o on veut aller, de

    prendre contact (agent services bancaires)

    Tout le monde se connat la Poste enfin par Rgion, on a tous travaill ensemble un

    jour ou lautre() moi jai t inform du poste comme a..(responsable bureau pointde vente)

    Une employabilit perue variable selon le mtier et lge

    Lemployabilit ici est apprhende lexterne, car nous avons vu quen interne, la mobilit

    est frquente et accepte. La perception de lemployabilit diffre selon lge (moins de 10

    ans danciennet) et selon les mtiers.

    Avec toute la prudence que mrite ces premiers rsultats, on distingue un cart entre les

    agents plus gs dont lactivit tait le cur de mtier de G.E.S (livraison- point de vente) et

    qui ne vivent pas de concurrence immdiate ; et ceux des services bancaires et logistique. En

    effet, ils ont en gnral plus de mal valuer leur employabilit lextrieur, par manque derfrence.

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    G.E.Scest trs spcifique de toute faon. Une comptable de G.E.S ne vaudra rien

    dans une autre comptabilit. Il faudra quelle rapprenne tout (agent point de vente)

    Alors que les plus jeunes - qui ont vcu parfois dautres expriences professionnelles avant

    dintgrer le groupe - ont une meilleure perception de leur employabilit, y compris dans les

    mtiers de base de G.E.S

    Si la concurrence simplante, des gens comme moi pourront apporter une expertise

    (livreur)

    Mais ces diffrences de perception restent affiner, les entretiens ne nous permettent pas de

    valider de faon rigoureuse et systmatique cette hypothse. Cet cart lie lge serait assez

    conforme aux rsultats prsents par Wittekind et al. (2010). On peut supposer en effet que

    les plus jeunes agents sont moins imprgns de la culture de G.E.S et plus rceptifs ce qui se

    passe lextrieur du groupe. Ils correspondent mieux aux critres de ce que les auteurs

    nomment les nouveaux travailleurs des boundaryless career (Arthur et Rousseau, 1995) et

    protean career(Hall, 1996).

    Conclusion: Ces rsultats - dont la porte reste limite par la mthode et la dimensionexploratoire de la recherche - illustrent certains dbats autour de lutilisation de

    lemployabilit en GRH. Dans le cas de G.E.S, lemployabilit est amene en contrepartie

    dune qualit demploi. A premire vue, elle est oriente vers le march interne afin dassurer

    de la fluidit entre les emplois et permettre les multiples ajustements actuels et venir du

    groupe : restructurations, volutions des mtiers, rduction des effectifs et accroissement de la

    productivit.

    Lemployabilit dans ce contexte nest pas un lment dquilibre du contrat psychologique,

    mais sapparente plutt une exigence managriale nouvelle en change de la garantie dun

    emploi stable, laquelle stabilit tait dj acquise. Sauf considrer que la menace

    dinscurit pse non pas sur lemploi mais sur le poste. Certains agents par exemple

    voquent la crainte des mobilits subies et de lloignement gographique.

    Lhypothse de Hallier (2009) de lemployabilit utilise comme management of meaningde

    lvolution de la nouvelle relation demploi semble pertinente dans ce contexte.

    Lemployabilit sapprhende en premier lieu comme une nouvelle dimension de la

    communication RH, en accord avec les discours managriaux de flexibilit et de fluidit

    interne.

    Elle est dautant plus pertinente que les pratiques observes et dcrites par les agents de G.E.S

    sont trs loignes du modle de lemployabilit-dveloppement voqu par les RH. Les

    pratiques sapparentent encore au modle traditionnel de la carrire organisationnelle typique

    des grandes organisations publiques : concours gnraux, progression favorisant lanciennet,

    manque de transparence, formations dont les contenus restent spcifiques G.E.S,

    cloisonnement des filires, course lchelon, vision collective et quantitative.

    Toutefois, si les ressources collectives organisationnelles sont identiques pour tous, les

    dterminants individuels ne sont pas absents des rsultats : on note des diffrences de

    parcours et de perceptions assez importantes lies lge, le mtier, lidentit, la capacit

    danticipation et le rseau personnel des agents etc. Ces rsultats convergent avec lapproche

    de Fugate et Ashforth (2003) dans leur vision interactive de lemployabilit entre attributs de

    la personnalit (adaptabilit) et environnement (capital social et identit).

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    Ces dterminants individuels et la porte de leur influence sur lemployabilit perue

    mriteraient un traitement plus approfondi. La dmarche mthodologique choisie ici ne

    permet que desquisser des hypothses de travail et des prolongements possibles.

    Lemployabilit, du fait des dbats quelle suscite, et du contexte de dfiance

    organisationnelle dans lequel elle merge a du mal saffirmer comme une nouvelledimension de la GRH. Quelque soient les discours, elle est troitement lie dans les approches

    thoriques comme dans les perceptions des acteurs la question de linscurit demploi. Les

    dterminants de lemployabilit dcrits dans la littrature sont multiples, contradictoires et

    difficiles isoler les uns des autres. Cest encore, pour le moment en GRH, une dimension qui

    se rfre plus de la rhtorique managriale et de la communication qu de vritables

    pratiques.

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