Deuil Maniaco

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7/21/2019 Deuil Maniaco http://slidepdf.com/reader/full/deuil-maniaco 1/41 Le deuil et ses rapports avec les états maniaco- dépressifs (i) L’épreuve de la réalité constitue, comme Freud l’indique dans f^T « Deuil et Mélancolie », un des éléments essentiels du travail du deuil. Freud déclare : « our ce qui est du deuil, un laps de temps est nécessaire pour e!écuter dans ses moindres détails l’ordre imposé par l’épreuve de la réalité, et ... en accomplissant ce travail, le moi parvient " li#érer sa li#ido de l’o#$et perdu. » %&'. (t ailleurs : « )*acun des souvenirs et des espoirs qui attac*ent la li#ido " l’o#$et est amené " la lumi+re et surinvesti, apr+s quoi s’accomplit " son éard le détac*ement de la li#ido. ourquoi l’e!écution raduelle de ce décret de la réalité par cette sorte de compromis doit-elle tre si e!traordinairement douloureuse / La raison en est fort di0icile " éta#lir en termes d’économie ps1c*ique. 2l faut noter pourtant que cette douleur nous sem#le naturelle. » %3'. (t dans un autre passae : « ... nous ne connaissons mme pas les mo1ens économiques r4ce au!quels le travail du deuil s’accomplit 5 il est cependant possi#le qu’une supposition nous vienne ici en aide. La réalité prononce son verdict 6 l’o#$et n’e!iste plus 6 devant c*acun des souvenirs et c*acun des espoirs qui attac*aient la li#ido " l’o#$et perdu, et, o#lié pour ainsi dire de décider s’il veut partaer le sort de celui-ci, le moi se laisse convaincre par l’ensem#le des satisfactions narcissiques que lui donne le fait de rester en vie, et 7

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Le deuil et ses rapports avec les états maniaco-

dépressifs (i)

L’épreuve de la réalité constitue, comme Freud l’indique dans f^T

« Deuil et Mélancolie », un des éléments essentiels du travail du

deuil. Freud déclare : « our ce qui est du deuil, un laps de temps est

nécessaire pour e!écuter dans ses moindres détails l’ordre imposé

par l’épreuve de la réalité, et ... en accomplissant ce travail, le moi

parvient " li#érer sa li#ido de l’o#$et perdu. » %&'. (t ailleurs :

« )*acun des souvenirs et des espoirs qui attac*ent la li#ido "

l’o#$et est amené " la lumi+re et surinvesti, apr+s quoi s’accomplit "

son éard le détac*ement de la li#ido. ourquoi l’e!écution raduelle

de ce décret de la réalité par cette sorte de compromis doit-elle tre

si e!traordinairement douloureuse / La raison en est fort di0icile "

éta#lir en termes d’économie ps1c*ique. 2l faut noter pourtant que

cette douleur nous sem#le naturelle. » %3'. (t dans un autre

passae : « ... nous ne connaissons mme pas les mo1ens

économiques r4ce au!quels le travail du deuil s’accomplit 5 il est

cependant possi#le qu’une supposition nous vienne ici en aide. La

réalité prononce son verdict 6 l’o#$et n’e!iste plus 6 devant c*acun

des souvenirs et c*acun des espoirs qui attac*aient la li#ido " l’o#$et

perdu, et, o#lié pour ainsi dire de décider s’il veut partaer le sort

de celui-ci, le moi se laisse convaincre par l’ensem#le des

satisfactions narcissiques que lui donne le fait de rester en vie, et

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Le deuil et ses rapports avec les états maniaco-dépressifs %i'

rompt son attac*ement " l’o#$et mort. 2l nous est permis d’imainer

que la lenteur et la mani+re proressive avec laquelle cette rupture

s’accomplit, permet " l’énerie que celle-ci a requise de se dissiper "

mesure que le travail s’e0ectue. » %8'.

 9e pense qu’il e!iste un lien étroit entre l’épreuve de la réalité

dans le deuil normal et certains processus ps1c*iques de la premi+re

enfance. )e que $e prétends, c’est que l’enfant passe par des états

compara#les au deuil de l’adulte, ou plutt que ce deuil précoce est

revécu c*aque fois que, plus tard, un c*arin est éprouvé. Le plus

important des mo1ens r4ce au!quels l’enfant surmonte ses états de

deuil est, " mon avis, l’épreuve de la réalité : or, comme ;37&< Freud

le souline, le travail du deuil comprend $ustement ce processus.

Mon article intitulé « )ontri#ution " l’=tude de la s1c*oén+se

des =tats Maniaco-Dépressifs » %7' présentait la notion d’une

position dépressive infantile et montrait le lien qui rattac*ait cette

position au! états maniaco-dépressifs. >?n d’éclairer la relation

entre la position dépressive infantile et le deuil normal, $e dois

d’a#ord me reporter " quelques-unes des idées e!primées dans cet

article, pour les e!pliciter ensuite davantae. >u cours de cet e!posé,

 $’esp+re éalement apporter quelques lumi+res nouvelles sur les

rapports du deuil normal avec le deuil pat*oloique ainsi que les

états maniaco dépressifs.

 9’ai dit que le #é#é éprouvait des sentiments dépressifs qui

culminaient $uste avant, pendant et apr+s le sevrae. )’est l", c*e@ le

nourrisson, l’état ps1c*ique que $’ai appelé « position dépressive » 5

 $’émis l’*1pot*+se qu’il s’aissait d’une mélancolie in statu nascendi.

L’o#$et dont on pleure la perte est le sein de la m+re et tout ce que le

sein et le lait représentent pour la pensée enfantine : l’amour, la

#onté et la sécurité. L’enfant sent qu’il a perdu tout cela, qu’il l’a

perdu pour n’avoir pas su résister " ses fantasmes avides et

destructeurs, " ses pulsions aressives " l’éard des seins de sa

m+re. Ane nouvelle anoisse devant la perte imminente des deu!

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Le deuil et ses rapports avec les états maniaco-dépressifs %i'

parents, cette fois, naBt de la situation Cdipienne, qui s’éta#lit

asse@^ tt et en liaison asse@ étroite avec les frustrations du

sevrae, pour tre dominée " ses dé#uts par des pulsions et des

craintes orales. Le cercle des o#$ets d’amour attaqués dans les

fantasmes, et dont la perte est donc redoutée, s’élarit en raison des

relations am#ivalentes de l’enfant " ses fr+res et sCurs. L’aression

contre des fr+res et sCurs imainaires, attaqués " l’intérieur du

corps de la m+re, éveille éalement des sentiments de perte et de

culpa#ilité. La sou0rance et l’inquiétude, nées de la peur de perdre

les o#$ets « #ons », autrement dit la position dépressive, constituent,

d’apr+s moi, la source la plus profonde des douloureu! conits vécus

dans la situation Cdipienne, comme dans les relations de l’enfant

au! autres personnes. An

;37&< %7' )eci constitue la suite de cet article 5 une rande

partie de )e que $e veu!

dire ici repose nécessairement sur les conclusions que $’1 ai

formulées.

développement normal dispose cependant de mo1ens nom#reu!pour surmonter ces sentiments de détresse et ces peurs.

(n mme temps que s’éta#lit la relation de l’enfant, d’a#ord " sa

m+re, puis #ientt " son p+re et " d’autres personnes, se déroulent

les processus d’intériorisation dont $’ai tant souliné l’importance

dans mes travau!. Le #é#é, apr+s avoir incorporé ses parents, les

sent comme des personnes vivantes " l’intérieur de son corps, de

cette faEon concr+te dont sont vécus les fantasmes de l’inconscient;373< profond 5 ses parents incorporés sont, pour sa pensée, des

o#$ets « internes » ou « intérieurs », selon les dénominations que $e

leur ai données. An monde intérieur s’édi?e ainsi dans la pensée

inconsciente de l’enfant, un monde qui correspond " ses e!périences

réelles et au! impressions qu’il reEoit des ens et du monde

e!térieur, mais qui est modi?é par ses propres fantasmes et pulsions.

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i dans ce monde la pai! r+ne en énéral parmi les ens et entre

ceu!-ci et le moi, l’*armonie intérieure, la sécurité et l’intération

s’ensuivent.

Les anoisses relatives " la m+re « e!térieure » 6 comme $e

l’appellerai ici par contraste 6 et les anoisses relatives " la m+re

« intérieure », aissent constamment les unes sur les autres, et les

mo1ens emplo1és par le moi pour traiter ces deu! catéories

d’anoisse sont intimement liés les uns au! autres. Dans la pensée

du petit enfant, la m+re « intérieure » se rattac*e " la m+re

« e!térieure » dont elle est un « dou#le », #ien qu’elle ait su#i des

modi?cations dans son esprit d+s l’intériorisation et par ce processus

mme 5 cela veut dire que son imae su#it l’action de ses fantasmes

et de toutes sortes d’e!citations et d’e!périences intérieures.

Lorsque les situations e!térieures qu’il vit sont intériorisées 6 et $e

consid+re qu’elles le sont d+s les premiers $ours de la vie 6 elles

suivent la mme voie : elles deviennent, elles aussi, les « dou#les »

des situations réelles, et sont, elles aussi, modi?ées pour les mmes

raisons. >pr+s avoir été intériorisés, les ens, les c*oses, les

situations et les événements 6 tout ce monde intérieur en train de

s’édi?er 6 deviennent inaccessi#les pour le $uement et

l’o#servation précise de l’enfant et éc*appent " la véri?cation

perceptive, " laquelle on peut recourir lorsqu’il s’ait du monde

tani#le et palpa#le des o#$ets 5 ce fait e!plique la nature fantastique

de ce monde intérieur. Doutes, incertitudes et anoisses s’ensuivent

et ne cessent d’inciter le petit enfant " pratiquer o#servations et

 véri?cations sur le monde des o#$ets e!térieurs %7' dont le monde

intérieur proc+de 5 c’est ainsi

qu’il o#tient une meilleure intellience de celui-ci. La m+re visi#le

fournit donc des preuves constantes de ce qu’est la m+re

« intérieure », indique si celle-ci est aimante ou irritée, secoura#le

ou veneresse. La réalité e!térieure peut réfuter les anoisses et les

peines liées " la réalité intérieure dans une mesure qui varie d’un

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individu " l’autre, mais qui pourrait constituer un dGs crit+res de la

normalité. )*e@ les enfants dominés par leur monde intérieur au

point de ne pouvoir refuter et contrecarrer leurs anoisses en se

;378< servant des aspects aréa#les de leurs rapports avec les ens,

de raves di0icultés ps1c*iques sont inévita#les. D’autre part, une

certaine quantité d’e!périences désaréa#les n’est pas sans valeur

dans cette épreuve de la réalité si, du fait mme qu’il les surmonte,

l’enfant se sent capa#le de conserver ses o#$ets, leur amour pour lui

et son amour pour eu!, et par l" de préserver ou de réta#lir la vie

intérieure et l’*armonie face au! daners.

Tous les plaisirs que le #é#é ressent dans ses rapports avec sa

m+re sont pour lui autant de preuves que l’o#$et aimé, tant "

Vintérieur qu’à l’extérieur , n’a pas su#i de #lessures et ne s’est pas

c*ané en un tre veneur. La croissance de son amour et de sa

con?ance, la réduction de ses craintes r4ce " des e!périences

*eureuses, aident l’enfant " surmonter peu " peu sa dépression et

son sentiment d’a#andon %son deuil'. (lles lui permettent de mettre

sa réalité intérieure " l’épreuve de la réalité e!térieure. > travers

l’amour qu’on lui porte, " travers le plaisir et le réconfort qu’il trouve

dans ses rapports avec les autres, sa con?ance dans sa propre #onté

et dans celle des autres se forti?e, son espoir de voir ses « #ons »

o#$ets et son propre moi protéés et sauvés aumente, en mme

temps que décroissent son am#ivalence et ses peurs aiuHs d’une

destruction interne.

)*e@ le $eune enfant, les e!périences déplaisantes et le manque

d’e!périences aréa#les, l’a#sence, notamment, de contact intime et

*eureu! avec les personnes aimées, accroissent l’am#ivalence,

réduisent la con?ance et l’espoir et con?rment la peur de

l’anéantissement intérieur et de la persécution e!terne 5 ils

ralentissent en outre et vont $usqu’" arrter les processus salutaires

qui permettent de conquérir " la lonue la sécurité intérieure.

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 >u cours de l’acquisition des connaissances, c*aque e!périence

nouvelle doit s’a$uster au! mod+les fournis par la réalité ps1c*ique

qui l’emporte " ce moment-l" 5 celle-ci va su#ir, " son tour, l’inuence

d’une connaissance proressive de la réalité e!térieure. )*acun de

ces pror+s ira de pair avec l’éta#lissement de plus en plus ferme

des « #ons » o#$ets intérieurs et sera utilisé par le moi comme mo1en

pour surmonter la position dépressive.

 9’ai e!primé ailleurs l’idée que c*aque petit enfant éprouve des

anoisses de nature ps1c*otique quant " leur contenu %7', et que

la névrose infantile %&' est le mo1en normal de manier et de modi?er

;37I< ces anoisses. 9e puis formuler " présent cette conclusion

d’une mani+re plus précise, telle qu’elle découle de mon travail sur

la position dépressive infantile, travail qui m’a apporté la conviction

qu’il s’ait l" pour le développement de l’enfant d’une position

centrale. )’est la névrose infantile qui permet " la position

dépressive précoce de s’e!primer, de s’éla#orer et de s’éliminer

raduellement, c’est l" un aspect important du processus

d’oranisation et d’intération qui, avec le développement se!uel %3',

caractérise les premi+res années de la vie. L’enfant normal traverse

la névrose infantile et parvient proressivement, entre autres

réussites, " éta#lir une #onne relation au! ens qui l’entourent et "

la réalité. 9e pense que cette relation satisfaisante au! personnes de

son entourae dépend du succ+s qu’il a remporté dans sa lutte

contre son c*aos intérieur %contre la position dépressive' et du solide

éta#lissement de ses « #ons » o#$ets intérieurs.

(!aminons maintenant de plus pr+s les mét*odes et les

mécanismes qui permettent d’a#outir " ce résultat.

)*e@ le nourrisson, les processus de l’intro$ection et de la

pro$ection, réis par l’aressivité et l’anoisse qui se renforcent l’une

l’autre, a#outissent " la peur d’tre persécuté par des o#$ets

terri?ants. > cette peur s’a$oute celle de perdre les o#$ets aimés 5 la

position dépressive est donc atteinte. Lorsque $’ai parlé pour la

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premi+re fois du concept de position dépressive, $’ai avancé

l’*1pot*+se que l’intro$ection de l’o#$et total faisait naBtre inquiétude

et douleur devant la destruction possi#le de cet o#$et %par les

« mauvais » o#$ets et par le Ea', Kt que ces sentiments désespérés et

ces craintes, a$outés " la série dto peurs et des défenses paranodes,

constituaient la position dépressive. 2l 1 a donc deu! séries de

craintes, de sentiments et de défenses qui, malré leur variété inté-

rieure et l’intimité du lien qui les unit, peuvent, " mon avis, tre

isolées l’une de l’autre pour plus de clarté t*éorique. La premi+re

série de sentiments et de fantasmes est celle de la persécution, que

caractérise la peur de la destruction du moi par des persécuteurs

internes. La destruction des persécuteurs par des mo1ens violents,

ou au contraire sournois et rusés, constitue la principale défense

contre ces craintes. 9’ai étudié ailleurs, d’une mani+re détaillée, ces

craintes et ces défenses. 9’ai dé$" décrit la seconde série des senti-

;^iJ< ments qui font partie de la position dépressive, sans avancer de

terme pour les désiner. 9e propose maintenant de donner, " cette

peine et " cette inquiétude pour les o#$ets aimés, " ces craintes de

les perdre et " ces désirs de les retrouver, un nom tr+s simple tiré du

lanae courant, la « nostalie » de l’o#$et aimé. ref, la persécution

%par de « mauvais » o#$ets' et les défenses caractéristiques qui s’1

opposent, d’une part, et la nostalie de l’o#$et aimé %du « #on »

o#$et' d’autre part, constituent la position dépressive.

)ette position une fois atteinte, le moi se trouve dans l’o#liation

d’éla#orer des mo1ens de défense supplémentaires propres "

com#attre cette « nostalie » en particulier. )es mo1ens sont d’une

portée fondamentale pour l’oranisation du moi dans son ensem#le.

 9’ai désiné ailleurs quelques-uns de ces mo1ens sous le nom de

défenses maniaques, ou de position maniaque, " cause du lien qui les

unit " la maniaco-dépressive %!'.

L’oscillation entre la position dépressive et la position maniaque

est un élément essentiel du développement normal. Le moi est

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Le deuil et ses rapports avec les états maniaco-dépressifs %i'

amené, par ses anoisses dépressives %sa peur d’une destruction de

ses o#$ets aimés et de lui-mme' " éc*afauder des fantasmes de

 violence et de toute-puissance, tant pour dominer et maBtriser les

« mauvais » o#$ets danereu!, que pour sauver et réparer les o#$ets

aimés. D+s le dé#ut, ces fantasmes de toute-puissance, qu’ils soient

destructeurs ou réparateurs, s’introduisent dans toutes les activités,

tous les intérts et toutes les su#limations de l’enfant, et les

stimulent. Le caract+re e!trme de ses fantasmes sadiques comme

de ses fantasmes constructeurs s’aline sur la cruauté e!trme des

persécuteurs de l’enfant, et, " l’autre #out de l’éc*elle, sur la

perfection a#solue de ses « #ons » o#$ets %&'. L’idéalisation est une

;3!J< i6 ) K )ontri#ution " l’=tude de la s1c*oen+se des =tats

Maniaco-Dépressifs ».

%&' 9’ai plusieurs fois indiqué %et d’a#ord dans « Les tades

récoces au )onit Odipien »' que la peur de la fantastique

« méc*anceté » des persécuteurs et la cro1ance dans la fantastique

« #onté » des autres o#$ets sont liées l’une " l’autre. L’idéalisation

constitue un processus essentiel de la pensée du $eune enfant, car il

ne poss+de pas encore d’autres mo1ens pour lutter contre sa peur de

la persécution %dont sa propre *aine est la source'. 2l faut que les

anoisses de la premi+re enfance aient été su0isamment soulaées

par des e!périences propres " a0irmer l’amour et la con?ance, pour

qu’un processus d’une importance capitale puisse se déclenc*er 5 ce

processus, c’est la s1nt*+se des divers aspects des o#$ets %e!terne,

interne, « #on » et « mauvais », aimé et *a', qui permet " la *aine

d’tre

partie essentielle de la position maniaque et se rattac*e " un

autre ;37N< élément important de cette position, " la néation. Le

moi ne peut, sans recourir " une néation partielle et temporaire de

la réalité ps1c*ique, supporter le désastre dont il se sent menacé

quand la position dépressive atteint son point culminant. La toute-

puissance, la néation et l’idéalisation, liées intimement "

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Le deuil et ses rapports avec les états maniaco-dépressifs %i'

l’am#ivalence, permettent au moi du $eune enfant de s’a0irmer,

 $usqu’" un certain point, face " ses persécuteurs internes et face "

une dépendance servile et danereuse " l’éard de ses o#$ets aimés 5

ce qui ouvre la voie " de nouveau! pror+s. 9e voudrais citer ici un

passae tiré d’un article précédent %p. 33P'.

« endant la p*ase la plus précoce, les o#$ets persécuteurs et les

o#$ets #ons %les seins' restent tr+s éloinés dans l’esprit de l’enfant.

Quand, lors de l’intro$ection de l’o#$et réel et total, il se rapproc*e, le

moi revient tou$ours et sans cesse au mécanisme suivant, si

important pour le développement des relations au! o#$ets : $e veu!

parler du clivae de ses imaos en imaos aimées et *aes, c’est-"-

dire #onnes et danereuses.

« Rn peut penser que c’est " ce moment que l’am#ivalencce

s’éta#lit 5 celle-ci concerne en e0et les relations au! o#$ets, c’est-"-

dire " des o#$ets réels et totau!. L’am#ivalence, o#tenue par un

clivae des imaos, permet au $eune enfant d’acquérir une con?ance

et une foi plus rande dans ses o#$ets réels et par l", dans ses o#$ets

intériorisés, lui permet de mieu! les aimer et de mieu! produire ses

fantasmes de restauration de l’o#$et aimé. Les anoisses et les

défenses paranodes se dressent en mme temps devant les

« mauvais » o#$ets. Le soutien que reEoit le moi d’un « #on » o#$et

réel s’aumente d’un mécanisme de fuite qui l’entraBne,

alternativement, aupr+s de ses #ons o#$ets e!térieurs et intérieurs.

%)’est l’idéalisation.'

« > ce stade du développement, l’uni?cation des o#$ets e!térieurs

et intérieurs, aimés et *as, réels et imainaires, s’accomplit, sem#le-

t-il, de telle sorte que c*aque pror+s dans ce sens entraBne un

nouveau clivae des imaos. Mais " mesure que l’adaptation au

monde e!térieur s’améliore, ce clivae s’e!erce sur des plans de plus

en plus proc*es de la réalité. )e processus se poursuit $usqu’" ce que

e0ectivement mitiée par l’amour et qui entraBne ainsi la décrue

de l’am#ivalence. >ussi lontemps qu’une coupure entre ces aspects

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Le deuil et ses rapports avec les états maniaco-dépressifs %i'

contraires 6 conEus par l’inconscient comme des objets contraires 6

demeure trop marquée, les sentiments de *aine et d’amour su#issent

un tel divorce que l’amour ne peut adoucir la *aine.

Melitta c*mide#er %dans « s1c*otic Mec*anisms in )ulturel

Development »,  I.y.!".  ,vol. 2, 7S3U' constata que la fuite vers le

« #on » o#$et intériorisé était un des mécanismes fondamentau! de la

sc*i@op*rénie 5 cette fuite fait donc partie éalement du processus

de l’idéalisation auquel le $eune enfant a normalement recours dans

ses anoisses dépressives. (n outre, Melitta c*mide#er attira

l’attention " plusieurs reprises sur les liens qui e!istent entre

idéalisation et mé?ance " l’éard de l’o#$et.

l’amour pour les o#$ets réels et intériorisés et la con?ance en eu!

soient solidement éta#lis. L’am#ivalence, qui prot+e en partie contre

la *aine du su$et lui-mme et contre les o#$ets *as et terri?ants,

décroBtra alors plus ou moins dans le développement normal %7'. »

)omme $e l’ai dé$" dit, la toute-puissance r+ne sur les fantasmes

précoces, les destructeurs comme les réparateurs, et ait sur les

su#limations aussi #ien que sur les relations d’o#$et. )ependant,;37P< la toute-puissance est si intimement liée, dans l’inconscient,

au! tendances sadiques avec lesquelles elle était associée d’a#ord,

que l’enfant a tou$ours et sans cesse l’impression que ses tentatives

de réparation n’ont pas réussi, ou ne doivent pas réussir. 2l a

l’impression que ses tendances sadiques peuvent sans peine avoir

raison de lui. Le $eune enfant, qui ne peut pas su0isamment se ?er,

comme nous l’avons vu, " ses sentiments réparateurs etconstructeurs, recourt " la toute-puissance maniaque. )’est pour

cette raison qu’" un stade précoce du développement, le moi ne

dispose pas de mo1ens appropriés pour traiter e0icacement la

culpa#ilité et l’anoisse. Tout ceci entraBne, c*e@ l’enfant 6 et aussi,

dans une certaine mesure et pour ce point précis, c*e@ l’adulte 6 le

#esoin de répéter o#sessionnellement certaines actions %" mon avis,

cela fait partie de la compulsion " la répétition' %&', ou le recours,

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Le deuil et ses rapports avec les états maniaco-dépressifs %i'

mét*ode contraire, " la toute-puissance et " la néation. Lorsque

éc*ouent les défenses de caract+re maniaque %les défenses oV la

toute-puissance nie et minimise les daners provenant de sources

diverses', le moi est amené " com#attre, alternativement ou

simultanément, ses craintes de détérioration et de désaréation par

des tentatives de réparation e0ectuées de mani+re o#sessionnelle.

 9’ai e!posé ailleurs %3' mes conclusions selon lesquelles les

mécanismes o#sessionnels sont une défense contre les anoisses

paranodes aussi #ien qu’un mo1en de modi?er celles-ci 5 $e me

contenterai ici de montrer rapidement le lien qui unit les

mécanismes o#sessionnels et les défenses maniaques, par rapport "

la position dépressive du développement normal.

Les défenses maniaques aissent en liaison si étroite avec les

défenses o#sessionnelles, que la peur du moi devant un éc*ec de la

réparation entreprise par des mo1ens o#sessionnels s’en trouve

accrue. Le désir de maBtriser l’o#$et, la satisfaction sadique de le

 vaincre et de l’*umilier, de l’emporter sur lui, de triomp#er  devant

lui, peuvent participer dans une mesure si importante " l’acte de

réparation %e!écuté par les pensées, les activités ou les su#limations'

fol / W %7' « )ontri#ution " l’=tude de la s1c*oen+se des =tats

Maniaco-Dépressifs. «

X37Y< %&' $a "syc#analyse des %nfants.

%3' Ibid., c*apitre 2.

que le cercle « salutaire » ouvert par cet acte se #rise. Les o#$ets

qui devaient tre restaurés se transforment de nouveau enpersécuteurs, et les peurs paranodes sont " leur tour ranimées. )es

peurs renforcent les mécanismes de défense paranodes %consistant "

détruire l’o#$et' aussi #ien que maniaques %consistant " le maBtriser,

ou " le arder en état d’animation suspendue, et ainsi de suite'. La

réparation en cours se trouve donc pertur#ée ou mme annulée,

selon la force atteinte par ces mécanismes. L’éc*ec de l’acte de

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Le deuil et ses rapports avec les états maniaco-dépressifs %i'

réparation pousse le moi " recourir tou$ours et sans cesse au!

défenses o#sessionnelles et maniaques.

Quand, dans le courant du développement normal, un équili#re

relatif ?nit par s’instaurer entre l’amour et la *aine et que les divers

aspects des o#$ets sont mieu! uni?és, une certaine pondération

s’éta#lit aussi entre ces mét*odes opposées #ien qu’étroitement

;37S< apparentées, et leur force décroBt. > ce propos, $e tiens "

souliner la portée du triomp#e,  intimement lié au mépris et " la

toute-puissance, comme élément de la position maniaque. Zous

connaissons le rle $oué par la rivalité dans l’ardent désir de l’enfant

d’éaler les Cuvres des adultes. ’a$outant " la rivalité, son désir,

mlé de crainte, de randir pour com#ler ses insu0isances

%?nalement, de vaincre ses tendances destructrices et ses mauvais

o#$ets intérieurs et d’tre capa#le de dominer ceu!-ci' ait dans tous

les domaines comme un stimulant. Mon e!périence m’a appris que le

désir de renverser la relation de l’enfant au! parents, de triomp*er

des parents et d’avoir un pouvoir sur eu!, s’associait tou$ours, dans

une plus ou moins lare mesure, au désir de remporter un succ+s.

Dans ses fantasmes, l’enfant se dit qu’un $our viendra oV il sera

rand et fort, adulte, ric*e, plein de pouvoir et de puissance, et oV

son p+re et sa m+re seront devenus des enfants compl+tement

démunis, ou au contraire des vieillards fai#les, pauvres et

a#andonnés. Le triomp*e sur les parents, dans de tels fantasmes, fait

naBtre un sentiment de culpa#ilité qui paral1se souvent tous les

e0orts. )ertaines personnes ne peuvent pas réussir, parce que le

succ+s implique tou$ours pour elles l’*umiliation ou mme le

pré$udice de quelqu’un d’autre, et d’a#ord, le triomp*e sur les

parents, les fr+res et les sCurs. Leurs e0orts pour accomplir quelque

c*ose peuvent prendre un caract+re éminement constructif, mais le

triomp*e implicite, la peine et la #lessure que celui-ci inie " l’o#$et

peuvent l’emporter dans leur pensée sur ces desseins et faire donc

o#stacle " la réalisation de ceu!-ci. 2l s’ensuit que la réparation des

7&

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Le deuil et ses rapports avec les états maniaco-dépressifs %i'

o#$ets aimés, confondus dans les profondeurs de la pensée avec les

 victimes du triomp*e, se trouve de nouveau contrariée, et que le

soulaement du sentiment de culpa#ilité est par conséquent di0éré.

Le triomp*e du su$et sur ses o#$ets implique nécessairement " scs

 1eu! leur désir de triomp*er de lui, et entraBne donc mé?ance et

sentiment de persécution. La dépression peut s’ensuivre, ou un

renforcement des défenses maniaques et une maBtrise plus violente

des o#$ets, puisque le su$et n’a pas réussi " reaner leurs faveurs, "

les réparer ou " les rendre meilleurs, et que, par conséquent, le

sentiment d’tre persécuté par eu! l’emporte " nouveau. Tout ceci a

une incidence importante sur la position dépressive infantile et sur le

succ+s ou l’éc*ec du moi dans son e0ort pour la surmonter. Le

triomp*e sur les o#$ets internes que le moi du $eune enfant maBtrise,

*umilie et torture, fait partie de l’aspect destructeur de la position

maniaque 5 celle-ci ne la réparation et la re-création du monde

intérieur, de la pai! et de l’*armonie interne 5 par conséquent, le

triomp*e empc*e le travail du deuil dans la petite enfance.

our illustrer ces processus, e!aminons " présent certains traitso#serva#les c*e@ les personnes *1pomaniaques. L’attitude de ;3&U<

l’*1pomaniaque " l’éard des ens, des principes et des événements,

se caractérise par son inclination " e!aérer dans l’évaluation :

admiration e!cessive %idéalisation' ou mépris %dévalorisation'. D’oV

sa tendance " tout concevoir sur une rande éc*elle, " penser par

&rands nombres, tout cela " la taille de sa toute-puissance, qui lui

permet de se défendre contre la peur de perdre le seul o#$et

irremplaEa#le, sa m+re, qu’il pleure pourtant au fond de lui-mme.

a tendance " minimiser l’importance des petits nom#res et des

détails, qu’il traite souvent avec désinvolture, son mépris de

l’attitude consciencieuse, tranc*ant nettement sur les mét*odes

méticuleuses, la concentration sur les plus petites c*oses %Freud',

qui font partie des mécanismes o#sessionnels.

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Le deuil et ses rapports avec les états maniaco-dépressifs %i'

)ependant, ce mépris se fonde aussi, dans une certaine mesure,

sur la néation. L’*1pomaniaque doit nier sa tendance " accomplir

une réparation compl+te et détaillée, parce qu’il doit nier ce qui rend

cette réparation nécessaire, c’est-"-dire le mal fait " l’o#$et, autant

que l’a[iction et la culpa#ilité que ce mal fait naBtre en lui.

our revenir au développement de la premi+re enfance, nous

pouvons dire que le moi utilise c*aque étape de la croissance

a0ective, intellectuelle et p*1sique comme un mo1en de surmonter la

position dépressive. L’adresse, les capacités et les talents croissants

de l’enfant aumentent sa foi dans la réalité ps1c*ique de ses

tendances constructrices, dans son aptitude " maBtriser et dominer

ses tendances *ostiles aussi #ien que ses « mauvais » o#$ets

internes. Les anoisses, quelle que soit leur source, sont ainsi

soulaées, ce qui entraBne une réduction de l’aressivité, et par

conséquent de la mé?ance devant les « mauvais » o#$ets e!ternes et

internes. lus fort et plus con?ant " l’éard des ens qui l’entourent,

le moi peut

alors continuer " proresser vers l’uni?cation de ses imaos

e!ternes, internes, aimées et *aes, vers un nouvel adoucissement de

sa *aine par l’amour, et par suite, vers un processus énéral

d’intération.

Lorsque la cro1ance et la foi de l’enfant dans son aptitude " aimer,

dans ses capacités réparatrices et dans l’intération et la sécurité de

son #on monde intérieur aumentent, r4ce au! preuves et contre-

preuves multiples et diverses fournies par l’épreuve de la réalité

e!térieure, la toute-puissance maniaque décroBt et la nature

o#sessionnelle des tendances " la réparation diminue 5 cela sini?e

en énéral que la névrose infantile est passée.

2l me faut maintenant relier la position dépressive infantile au

deuil normal. La douleur ressentie apr+s la perte réelle d’une

personne aimée est " mon avis considéra#lement accrue par certains

fantasmes inconscients selon lesquels les « #ons » o#$ets internes

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Le deuil et ses rapports avec les états maniaco-dépressifs %i'

sont perdus eu! aussi. La personne en deuil sent que ses « mauvais »

o#$ets internes prédominent et que son monde intérieur est en

daner d’éclatement. Zous savons que la perte d’une personne

aimée entraBne c*e@ celui qui la pleure le #esoin de réinstaller l’o#$et

aimé et perdu dans le moi %Freud et >#ra*am'. our moi, $e pense

;3&7< que la personne en deuil ne se contente pas de placer "

l’intérieur de soi %de réincorporer' l’tre qu’elle vient de perdre, mais

qu\elle réinstalle aussi ses #ons o#$ets intériorisés %c’est-"-dire, en

derni+re anal1se, ses parents aimés', qui font partie de son monde

intérieur depuis les stades les plus anciens de son développement.

)*aque fois que nous éprouvons la perte d’une personne aimée, ce

sont eu! éalement, pensons-nous, qui succom#ent et qui sont

détruits. L"-dessus, la position dépressive précoce, et avec elle, les

anoisses, la culpa#ilité, l’a[iction et la sensation de perte

provenant de l’allaitement, du sevrae, de la situation Cdipienne, de

toutes les autres sources, sont activées " nouveau. armi toutes ces

émotions, la peur d’tre puni et dépouillé par les parents que l’on

redoute

6 c’est-"-dire, le sentiment de persécution 6 est éalement

ranimée dans les couc*es profondes de la pensée.

ar e!emple, la perte d’un enfant, " cté du c*arin et de la

douleur qu’elle lui fait éprouver, réactive et con?rme c*e@ une

femme sa peur précoce d’tre dépouillée par une « mauvaise » m+re

qui se vene. Les fantasmes aressifs de sa petite enfance, oV elle

 volait les #é#és de sa m+re, éveillaient sa peur et son sentiment

d’tre punie, qui renforEaient son am#ivalence et soulevaient sa

*aine et sa mé?ance " l’éard des autres. Le renforcement des

sentiments de persécution dans le deuil est d’autant plus douloureu!

que les relations amicales, qui pourraient tre si secoura#les dans

ces circonstances, sont interdites du fait d’un accroissement de

l’am#ivalence et de la mé?ance.

7I

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Le deuil et ses rapports avec les états maniaco-dépressifs %i'

La douleur ressentie au cours du lent processus par lequel la

réalité est mise " l’épreuve dans le travail du deuil, sem#le donc

provenir en partie de la nécessité de renouer, certes, des liens avec

le monde e!térieur et de revivre ainsi sans cesse la perte éprouvée,

mais aussi, et r4ce " cela, de reconstruire an!ieusement le monde

intérieur que l’on sent menacé de déc*éance et d’e0ondrement %i'.

Tout comme le $eune enfant qui traverse la pos’ ion dépressive

s’e0orce péni#lement, dans son inconscient, d’éta#lir et d’intérer

son monde intérieur, la personne en deuil doit rééta#lir et réintérer

le sien " rand peine.

Dans le deuil normal, les anoisses ps1c*otiques précoces sont

réactivées. (tre en deuil, c’est en fait tre malade, mais comme cet

état d’esprit est *a#ituel et nous sem#le naturel, nous n’appelons pas

le deuil une maladie. %)’est pour des raisons analoues que $usqu’"

une époque récente, la névrose infantile de l’enfant normal n’était

pas reconnue comme telle'. our formuler mes conclusions d’une

mani+re plus précise, $e dirais que dans le deuil, le su$et

;3&&< passe par un état maniaco-dépressif atténué et passaer, et

qu’il le surmonte, répétant ainsi, #ien qu’en des circonstances et

avec des manifestations di0érentes, les processus que l’enfant

traverse normalement au cours de sa premi+re enfance.

our celui qui est en deuil, voici d’oV vient le plus rand daner :

sa *aine se tourne contre la personne elle-mme qu’il aimait et qu’il

a perdue. Dans la situation du deuil, la *aine s’e!prime, en

particulier, par un sentiment de triomp*e sur le mort. 9’ai parlé plus

*aut du triomp*e qui fait partie de la position maniaque dans le

développement de l’enfant. Les désirs de mort que l’enfant éprouve "

l’éard de ses parents, de ses fr+res et de ses sCurs, s’accomplissent

e0ectivement c*aque fois que meurt une personne aimée, car celle-ci

représente nécessairement, $usqu’" un certain point, les premiers

o#$ets, et attire donc vers elle les sentiments qui leurs sont destinés.

a mort, si #ouleversante qu’elle soit pour d’autres raisons, est

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Le deuil et ses rapports avec les états maniaco-dépressifs %i'

éalement ressentie comme une victoire, donne lieu au triomp*e, et

par conséquent " une culpa#ilité accrue.

 9e dois constater que mes idées di0+rent ici de celles de Freud,

qui déclare : « Rn peut dire d’a#ord que dans la douleur normale,

cela est *ors de doute, la perte de l’o#$et est surmontée, et que l"

aussi, ce processus a#sor#e toutes les éneries du moi aussi lon-

;3&&< %7' 9e pense que ces faits permettent d’imainer une

réponse " la question de

Freud citée au dé#ut de cet article : « ourquoi l’e!écution

raduelle de ce décret de la réalité par cette sorte de compromis

doit-elle tre si e!traordinairement douloureuse / La raison en estfort di0icile " éta#lir en termes d’économie ps1c*ique. 2l faut noter

pourtant que cette douleur nous sem#le naturelle. »

temps qu’il se poursuit. ourquoi, dans ce cas, celui-ci n’éta#lit-il

pas les conditions économiques d’une p*ase de triomp*e qui lui

succéderait, ou du moins, pourquoi ne montre-t-il aucun indice de la

présence d’un tel état / 9e me trouve dans l’impossi#ilité de répondre

maintenant " cette o#$ection. » %i' D’apr+s mon e!périence, unsentiment de triomp*e se rattac*e inévita#lement au deuil normal

lui-mme, et a pour e0et de retarder le travail du deuil, ou plutt

d’accroBtre les di0icultés que rencontre la personne en deuil et la

sou0rance qu’elle éprouve. Lorsque la *aine de l’tre aimé et perdu,

sous ses diverses manifestations, l’emporte, cette victoire transforme

le mort en persécuteur, mais é#ranle aussi la foi du su$et dans ses

#ons o#$ets intérieurs. )e trou#le douloureu! entrave le processusde l’idéalisation, qui est une étape intermédiaire essentielle du

développement ps1c*ique. )*e@ le $eune enfant, la m+re idéalisée est

une sauvearde contre une m+re morte ou veneresse et contre tous

les mauvais o#$ets 5 elle représente donc la sécurité et la vie elle-

mme. Le souvenir de la #onté et des autres qualités du mort

soulae considéra#lement, nous le savons, la personne en deuil 5 cela

7N

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Le deuil et ses rapports avec les états maniaco-dépressifs %i'

provient en partie de l’apaisement que lui procure le maintien

temporaire de son o#$et aimé " l’état d’o#$et idéalisé.

Les moments d’e!altation passa+re %&' qui surviennent au milieu

de la douleur et de la détresse dans le deuil normal sont de nature

;3&3< maniaque et proviennent du sentiment de posséder "

l’intérieur de soi l’o#$et d’amour parfait %idéalisé'. )ependant,

c*aque fois que surit, c*e@ celui qu’a frappé le deuil, la *aine de la

personne aimée et perdue, sa foi dans l’o#$et décline et le processus

de l’idéalisation est entravé. %a *aine de la personne aimée est

accrue par sa crainte qu’en mourant, celle-ci c*erc*ait " le punir et "

le frustrer 5 de la mme mani+re, il avait l’impression $adis que sa

m+re, c*aque fois qu’il en était séparé et qu’il désirait sa présence,

était morte pour lui inier punition et frustration.' Dans les cas

normau!, ce n’est que proressivement, en retrouvant sa con?ance

dans les o#$ets e!ternes et les valeurs de toutes sortes, que la

personne en deuil peut ra0ermir sa con?ance dans l’tre aimé mort.

(lle peut alors supporter de nouveau l’idée que cet tre n’était pas

parfait, sans pour cela perdre la con?ance et l’amour qu’elle ressent

" son éard, ni craindre sa veneance. Lorsque cette étape est

atteinte, de rands pror+s ont été faits dans le travail du deuil et

celui-ci est pr+s d’tre surmonté.

%7' « Deuil et Mélancolie ». ;3&&<

%&' ]oici ce qu’>#ra*am écrit au su$et d’une situation

sem#la#le : « 2l nous su0it de renverser la proposition de Freud selon

laquelle l’om#re de l’o#$et d’amour perdu tom#e sur lemoi _, et de

dire que dans ce cas, ce n’était pas l’om#re mais le #rillant éclat de

la m+re aimée qui se répandait sur le ?ls. » '(elected "a!pers,  p.

88&.'

M=L>Z2( `L(2Z. - (>2 D( )b>Z>L( &3

 ]oici un e!emple illustrant la mani+re dont une personne en deuil,

dans un cas normal, réta#lit des liens avec le monde e!térieur. Mme

 >..., pendant les premiers $ours qui suivirent la perte douloureuse de

7P

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Le deuil et ses rapports avec les états maniaco-dépressifs %i'

son $eune ?ls, mort su#itement alors qu’il était " l’école, se mit "

trier des lettres pour arder les siennes et $eter les autres. (lle

essa1ait ainsi, inconsciemment, de le réparer et de le arder "

l’intérieur d’elle-mme, sain et sauf, tout en re$etant ce qu’elle

 $ueait indi0érent, ou plutt *ostile, c’est-"-dire les « mauvais »

o#$ets, les e!créments danereu! et les sentiments répré*ensi#les.

)ertaines personnes nettoient leur maison " l’occasion d’un deuil

et c*anent la place des meu#les 5 " l’oriine de ces actions se

trouve un renforcement des mécanismes o#sessionnels qui rép+tent

une des défenses utilisées pour com#attre la position dépressive

infantile.

endant la premi+re semaine qui suivit la mort de son ?ls, Mme >.

ne pleura pas #eaucoup, et les larmes ne la soulaeaient pas comme

elles le ?rent plus tard. (lle se sentait enourdie, fermée et

p*1siquement #risée. Le contact avec une ou deu! personnes tr+s

proc*es la soulaeait un peu cependant. > ce stade-l", alors

qu’*a#ituellement elle rvait toutes les nuits, elle avait

compl+tement cessé de rver " cause de la profonde néation

inconsciente de la perte réelle qu’elle venait su#ir. > la ?n de la

semaine, elle ?t le rve suivant :

 %lle voyait deux personnes, une mre et un *ls + $a mre portait

une robe noire. me . savait que ce &ar-on était mort, ou allait

mourir. (es sentiments ne faisaient aucune place à la douleur, mais

prenaient une nuance d’#ostilité à l’é&ard de ces deux personnes.

Les associations dévoil+rent un souvenir important. >lors queMme >. était enfant, on avait o#lié son fr+re, qui avait eu des

di0icultés scolaires, " travailler sous la surveillance d’un camarade

de ;3&8< classe de son 4e %$e l’appellerai .'. La m+re de . était

 venue voir la m+re de Mme >. pour oraniser le travail des deu!

arEons, et Mme >. se rappelait l’incident avec #eaucoup d’émotion.

La m+re de . avait eu une attitude protectrice et condescendante, et

sa propre m+re lui avait sem#lé tr+s acca#lée. Quant " elle, elle avait

7S

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Le deuil et ses rapports avec les états maniaco-dépressifs %i'

l’impression que le dés*onneur le plus a0reu! s’était a#attu sur son

fr+re, qu’elle admirait et aimait #eaucoup, et sur toute sa famille. )e

fr+re, plus 4é qu’elle de quelques années, lui sem#lait plein de

science, de force et d’*a#ileté, un mod+le de toutes les vertus 5 son

idéal avait été é#ranlé lorsque les di0icultés scolaires du $eune

arEon étaient apparues en plein $our. La force de l’émotion que cet

incident avait soulevée en elle, l’impression de mal*eur irrépara#le

que sa mémoire en conservait, provenaient cependant de son

sentiment inconscient de culpa#ilité. (lle avait l’impression de se

trouver devant l’accomplissement de ses propres désirs *ostiles. on

fr+re lui-mme était tr+s morti?é par cette situation et e!primait

toute l’aversion et la *aine que lui inspirait l’autre arEon. > 

l’époque, Mme >. s’était fortement identi?ée " lui dans son

ressentiment. Les deu! personnes qu’elle avait vues dans son rve

étaient . et sa m+re, et le fait que le arEon était mort e!primait les

désirs de mort qu’elle nourrissait " son éard. ourtant, ses désirs de

mort " l’éard de son fr+re, sa volonté de punir et de frustrer sa

m+re par la perte de son ?ls, faisaient partie, #ien qu’ils fussent tr+s

profondément refoulés, des pensées de son rve. 2l apparaissait "

présent que Mme >. avec toute son admiration et tout son amour

pour son fr+re, avait été $alouse de lui " #ien des éards, qu’elle

avait envié ses connaissances plus étendues, sa supériorité p*1sique

et mentale, et aussi le pénis qu’il possédait. a $alousie envers sa

m+re #ien-aimée, qui possédait un tel ?ls, avait forti?é son désir de

 voir mourir son fr+re. ]oici donc un des t*+mes de ce rve : « Le ?ls

d’une m+re est mort, ou va mourir. )elui qui devrait mourir, c’est le

?ls de cette femme désaréa#le qui avait #lessé ma m+re et mon

fr+re. » Mais dans les couc*es plus profondes, le désir de mort qui

 visait son fr+re avait été réactivé lui aussi, dessinant le t*+me

suivant : « Le ?ls de ma m+re est mort, et non le mien. » %a m+re et

son fr+re étaient en fait dé$" morts.' An sentiment contradictoire se

manifestait ici : elle éprouvait de la s1mpat*ie pour sa m+re et du

&U

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Le deuil et ses rapports avec les états maniaco-dépressifs %i'

c*arin pour elle-mme. ]oici ce qu’elle ressentait : « Ane seule

mort de cette esp+ce su0isait. Ma m+re a perdu son ?ls 5 elle n’aurait

pas d perdre son petit-?ls aussi. » Quand son fr+re était mort, elle

avait éprouvé, " cté d’une rande douleur, le sentiment inconscient

d’un triomp*e remporté sur lui, dont l’oriine était sa $alousie

d’enfant et sa *aine, par conséquent aussi son sentiment de

culpa#ilité. (lle avait reporté quelques-uns des sentiments dont son

fr+re était l’o#$et dans sa relation " son ?ls. Dans son ?ls, elle aimait

aussi son fr+re 5 mais en mme temps, une partie de son am#ivalence

" l’éard de son fr+re, #ien que modi?ée par ses sentiments

maternels, tr+s forts, fut elle aussi reportée sur son ?ls. Le deuil de

son fr+re, avec la douleur, le triomp*e et la culpa#ilité ressentis "

cette occasion, faisaient partie de sa sou0rance actuelle et se

révélaient dans le rve.

(!aminons maintenant le $eu com#iné des défenses telles qu’elles

apparaissaient dans ce matériel. Lorsque la mort de l’enfant eut lieu,

la position maniaque fut renforcée, et la néation, notamment, fut

mise " l’Cuvre. Dans son inconscient, Mme >. re$etait

éneriquement le fait que son ?ls était mort. >u moment oV il lui fut

impossi#le de continuer " maintenir cette néation, elle n’était

pas encore capa#le d’a0ronter la sou0rance et le c*arin 5 le

triomp*e, autre élément de la position maniaque, fut alors renforcé.

« )e n’est pas triste du tout », sem#lait-elle penser, d’apr+s ce que

les associations révélaient, « qu’ arEon meure. )’est mme

satisfaisant. 9e suis venée maintenant de ce arEon désaréa#le qui

avait #lessé mon fr+re ». La ranimation et le renforcement du

triomp*e remporté sur ce fr+re ne furent dévoilés qu’apr+s un travail

anal1tique di0icile. Mais ce triomp*e se rattac*ait " la maBtrise de la

m+re et du fr+re intériorisés et au triomp*e remporté sur eu!. > ce

stade, la matrise des o#$ets intériorisés fut renforcée, l’épreuve et la

douleur furent déplacées vers la m+re intériorisée. 2ci, la néation

fut remise en Cuvre 5 il s’aissait cette fois d’une néation de la

&7

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Le deuil et ses rapports avec les états maniaco-dépressifs %i'

réalité ps1c*ique selon laquelle elle et sa m+re se confondaient et

sou0raient ensem#le. La compassion et l’amour pour la m+re

intérieure étaient niés, la maBtrise des o#$ets intériorisés, les

sentiments veneurs et triomp*ants " leur éard, étaient renforcés.

)’était, en partie, parce qu’" cause de ses propres sentiments de

 veneance, ses o#$ets étaient devenus des ?ures persécutrices.

2l 1 avait dans le rve un détail in?me pour indiquer que Mme >.

commenEait " savoir inconsciemment que c’était elle qui avait perdu

son ?ls, ce qui prouvait que la néation perdait de sa force. La veille

du rvie, elle portait une ro#e noire " col #lanc. Rr la femme du rve

avait quelque c*ose de #lanc autour du cou, sur sa ro#e noire.

Deu! nuits apr+s ce rve, elle en ?t un autre : %lle volait dans l’air 

avec son *ls. /elui!ci disparaissait. %lle sentait que cela voulait dire

qu’il était mort, qu’il s’était noyé. %lle avait l’impression de se noyer 

elle aussi, mais elle faisait alors un e0ort pour s1éloi&ner du dan&er 

et revenir à la vie.

Les associations montr+rent qu’elle avait décidé dans le rve de

ne pas mourir avec son ?ls, mais de lui survivre. 2l apparut quemme en rvant, elle sentait qu’il était #on d’tre vivant et mauvais

d’tre mort. Le savoir inconscient de la perte qu’elle venait de su#ir

était #eaucoup mieu! accepté dans ce rve que dans le précédent. La

douleur et la culpa#ilité s’étaient rapproc*ées l’une de l’autre. Le

sentiment de triomp*e avait apparemment disparu, mais il se révéla

qu’il avait seulement diminué. 2l était encore présent dans ;3&J< sa

satisfaction de rester en vie, contrairement " son ?ls qui était mort.

Le sentiment de culpa#ilité qui se faisait dé$" sentir provenait en

partie de cet élément de triomp*e.

An te!te de Freud, dans « Deuil et Mélancolie »,me revient ici en

mémoire : « la réalité prononce son verdict 6 l’o#$et n’e!iste plus 6

devant c*acun des souvenirs et c*acun des espoirs qui attac*aient la

li#ido " l’o#$et perdu, et, o#lié pour ainsi dire de décider s’il veut

partaer le sort de celui-ci, le moi se laisse convaincre par

&&

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Le deuil et ses rapports avec les états maniaco-dépressifs %i'

l’ensem#le des satisfactions narcissiques que lui donne le fait de

rester en vie, et rompt son attac*ement " l’o#$et mort. » 9e pense que

ces « satisfactions narcissiques » comprennent, sous une forme

atténuée, cet élément de triomp*e dont Freud sem#lait penser qu’il

ne participait pas au deuil normal.

endant la deu!i+me semaine de son deuil, Mme >. trouva un

certain réconfort " rearder des maisons de campane aréa#lement

situées, et " sou*aiter de posséder une telle maison. Mais des acc+s

de désespoir et de tristesse mettaient ?n, tr+s vite, " ces moments

d’apaisement. (lle pleurait #eaucoup, maintenant, et les larmes la

soulaeaient. La consolation qu’elle trouvait " rearder des maisons

 venait du fait que dans ses fantasmes, cet intért lui permettait de

re#4tir son monde intérieur 5 elle venait aussi de la satisfaction

suscitée par la certitude que les maisons et les #ons o#$ets des

autres e!istaient. Finalement, ces processus sini?aient qu’elle

recréait ses #ons parents intérieurs et e!ternes, qu’elle les uni?ait,

les rendait *eureu! et créateurs. Dans sa pensée, elle faisait

réparation, aupr+s de ses parents, pour les enfants qu’elle leur avait

tués dans ses fantasmes, et par l", elle se mettait aussi " l’a#ri de

leur col+re. >insi, sa peur que la mort de son ?ls ne soit due " une

 veneance de ses parents perdit de sa force, tout comme le

sentiment que son ?ls la frustrait et la punissait en disparaissant. La

réduction de sa *aine et de sa peur permit donc " sa douleur elle-

mme de se manifester dans toute son intensité. L’accroissement de

sa mé?ance et de sa peur avait accentué son impression d’tre

dominée, persécutée par ses o#$ets internes, et renforcé son #esoin

de les maBtriser. Tout ceci s’était e!primé par un durcissement de ses

relations internes et de ses sentiments, c’est-4-dBre par un

redou#lement des défenses maniaques %qui se manifestait dans le

premier rve'. Lorsque celles-ci décroissent " nouveau r4ce " la foi

ra0ermie du su$et dans sa propre #onté et dans celle des autres, et

lorsque la peur diminue, la personne en deuil peut s’a#andonner

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Le deuil et ses rapports avec les états maniaco-dépressifs %i'

totalement " ses sentiments et pleurer la perte réelle qu’elle vient de

su#ir.

2l sem#le que les processus de pro$ection et d’e!pulsion, dont

dépend la li#re e!pression des sentiments, sont arrtés pendant

certaines périodes du deuil par un puissant contrle maniaque, et

qu’ils peuvent recommencer " fonctionner plus facilement lorsque ce

contrle se rel4c*e. ar ses larmes, celui qu’un deuil a frappé ne se

contente pas d’e!primer ses sentiments et de soulaer ainsi une

tension 5 étant donné que dans l’inconscient, les larmes sont

assimilées au! e!créments, il e!pulse aussi ses « mauvais »

sentiments et ses « mauvais » o#$ets, ce qui multiplie le soulaement

qu’il o#tient en pleurant. Ane plus rande li#erté dans le monde

intérieur sini?e que le moi rel4c*e son contrle des o#$ets

intériorisés, qui disposent donc eu! aussi d’une li#erté plus rande 5

elle sini?e notamment qu’ils $ouissent eu!-mmes d’une plus rande

li#erté de sentiment. Dans la pensée du su$et en deuil, les sentiments

de ses o#$ets internes sont tristes eu! aussi. 2ls partaent sa douleur,

comme le feraient de #ons parents réels. Le po+te nous dit que « la

Zature est en deuil quand un deuil nous frappe ». 9e pense que « la

Zature » représente ici la #onne m+re intériorisée. )ette e!périence

de tristesse commune et de s1mpat*ie mutuelle dans les relations

internes dépend cependant " son tour des relations e!ternes. )omme

 $e l’ai dé$" dit, la con?ance accrue de Mme >. dans les c*oses et les

ens réels, l’aide reEue du monde e!térieur, concouraient au

rel4c*ement du contrle maniaque sur le monde intérieur. )’est pour

cela que l’intro$ection %aussi #ien que la pro$ection' pouvait

fonctionner plus li#rement encore, que le su$et pouvait prendre "

l’e!térieur et a#sor#er plus de #onté et d’amour, que ceu!-ci

pouvaient se manifester " l’intérieur avec une force croissante. Mme

 >., qui pendant un stade plus ancien de son deuil avait senti, dans

une certaine mesure, que sa perte lui était iniée en uise de

 veneance par ses parents, pouvait maintenant, dans ses fantasmes,

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Le deuil et ses rapports avec les états maniaco-dépressifs %i'

leur inspirer de la s1mpat*ie %ils étaient morts depuis lontemps', et

croire " leur désir de la soutenir et de l’aider. (lle sentait qu’ils

avaient su#i eu! aussi une perte tr+s dure et qu’ils partaeaient sa

douleur, comme ils l’auraient fait s’ils avaient été vivants. Dans son

monde intérieur, la dureté et la mé?ance avaient décru, tandis que la

tristesse avait aumenté. Les larmes qu’elle versait étaient un peu

aussi les larmes que versaient ses parents intérieurs, et elle voulait

les consoler comme ils la consolaient dans ses fantasmes.

Quand une sécurité plus rande s’éta#lit proressivement dans le

monde intérieur, et quand, par conséquent, les sentiments et les

o#$ets internes peuvent retrouver une certaine vitalité, les processus

recréateurs peuvent se mettre en marc*e, et l’espoir revenir.

)omme nous l’avons vu, ce c*anement provient de certains

mouvements qui se produisent dans les deu! séries de sentiments

qui constituent la position dépressive : la persécution décroBt et le

su$et ressent dans toute sa force la nostalie de l’o#$et d’amour qu’il

a perdu. >utrement dit, la *aine a reué et l’amour est li#éré. Le

propre du sentiment de persécution est d’tre nourri par la *aine et

de la nourrir en mme temps. Le sentiment d’tre persécuté et

surveillé par les « mauvais » o#$ets internes, la nécessité, qui en

découle, de les surveiller constamment, entraBne en outre une sorte

de dépendance qui renforce les défenses maniaques. )es défenses,

dans la mesure oV elles sont utilisées surtout contre le sentiment de

persécution %et #eaucoup moins contre la nostalie de

l’o#$et d’amour', sont d’une nature tr+s sadique et violente.

Lorsque ;3&P< la persécution diminue, la dépendance " l’éard de

l’o#$et, pleine d’*ostilité, décroBt en mme temps que la *aine, et les

défenses maniaques se rel4c*ent. La nostalie de l’o#$et d’amour

perdu implique aussi une dépendance " son éard, mais celle-ci est

d’une esp+ce qui ?nit par stimuler la réparation et la protection de

l’o#$et.

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Le deuil et ses rapports avec les états maniaco-dépressifs %i'

(lle est créatrice parce qu’elle est réie par l’amour, tandis que la

dépendance fondée sur la persécution et la *aine est stérile et

destructrice.

 >insi, lorsque la *aine est ressentie pleinement et que le

désespoir est " son com#le, l’amour de l’o#$et se fait $our et la

personne en deuil se met " sentir de plus en plus profondément que

la vie intérieure et e!térieure est appelée " continuer malré tout, et

qu’elle peut conserver en soi l’o#$et aimé et perdu. > ce stade du

deuil, la sou0rance peut devenir productive. Zous savons que les

e!périences douloureuses, quelles qu’elles soient, stimulent

quelquefois les su#limations, ou font mme apparaBtre des aptitudes

tout " fait nouvelles c*e@ certaines personnes : celles-ci se mettent

alors " peindre, ou " écrire, sous la pression des épreuves et des

frustrations. D’autres deviennent plus productives d’une faEon

di0érente, capa#les de mieu! apprécier les ens et les c*oses, plus

tolérantes dans leur rapport au! autres : elles deviennent plus saes.

An tel enric*issement s’o#tient " mon avis par des processus

analoues " ceu! que nous venons d’étudier dans le deuil. >utrement

dit, toute douleur provoquée par une e!périence mal*eureuse a

quelque c*ose de commun avec le deuil, quelle que soit la nature de

cette e!périence : elle réactive tou$ours la position dépressive

infantile. Le fait d’a0ronter et de surmonter l’adversité, quelle

qu’elle soit, entraBne un travail mental sem#la#le " celui du deuil.

2l sem#le que tout pror+s dans le processus du deuil provient

d’un approfondissement de la relation au! o#$ets internes, du

#on*eur de les retrouver apr+s les avoir perdus %« Le aradis erdu

et etrouvé »', d’une plus rande con?ance en eu! et d’un plus

rand amour pour eu!, car il s’est révélé ?nalement qu’ils étaient

#ons et secoura#les. )’est de la mme mani+re qu’un $eune enfant

éta#lit peu " peu ses relations au! o#$ets e!térieurs : sa con?ance

a0ermie ne vient pas seulement de ses e!périences aréa#les, mais

aussi de la faEon dont il surmonte ses frustrations et ses e!périences

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Le deuil et ses rapports avec les états maniaco-dépressifs %i'

désaréa#les en conservant cependant ses #ons o#$ets, e!ternes et

internes. Les p*ases du travail du deuil oV les défenses maniaques se

rel4c*ent et oV la vie intérieure reprend dans un approfondissement

des relations internes, sont compara#les au! étapes du

développement qui, au cours de la petite enfance, conduisent " une

indé-

pendance plus rande " l’éard des o#$ets e!ternes comme des

o#$ets internes.

evenons " Mme >. on soulaement, quand elle reardait

d’aréa#les maisons, venait de son espoir naissant d’tre capa#le

;3&S< de recréer son ?ls aussi #ien que ses parents 5 la vie avait

repris, " l’intérieur d’elle-mme et dans le monde e!térieur. > ce

moment-l", elle put rver de nouveau et commencer inconsciemment

" rearder son deuil en face. (lle ressentit alors le désir de revoir

ses amis, mais un seul " la fois et seulement pour un moment. )e

sentiment de soulaement alternait cependant avec des moments de

détresse. %Dans le deuil comme dans le développement infantile, la

sécurité intérieure ne s’éta#lit pas dans un mouvement dé?nitif, mais

par vaues successives.' >pr+s quelques semaines de deuil, par

e!emple, Mme >. sortit se promener avec un ami dans des rues

famili+res, s’e0orEant ainsi de réta#lir les liens du passé. (lle se

rendit compte tout " coup que le nom#re des ens, dans la rue, lui

sem#lait écrasant, les maisons étranes et le soleil arti?ciel, irréel.

(lle dut c*erc*er refue dans un paisi#le restaurant. Mais l", elle

eut l’impression que le plafond s’a#aissait, et que les personnes

présentes devenaient vaues et oues. a propre maison lui sem#la

soudain le seul endroit sr du monde. L’anal1se e!pliqua que

l’indi0érence e0ra1ante des ens reétait celle de ses o#$ets

internes, qui dans sa pensée s’étaient transformés en une multitude

de « mauvais » o#$ets persécuteurs. Le monde e!térieur lui donnait

l’impression d’tre arti?ciel et irréel parce qu’elle avait perdu

temporairement toute con?ance vérita#le dans la #onté intérieure.

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Le deuil et ses rapports avec les états maniaco-dépressifs %i'

Zom#reuses sont les personnes en deuil dont les pror+s "

réta#lir les liens avec le monde e!térieur ne peuvent tre que lents,

parce qu’elles luttent contre leur c*aos intérieur 5 c’est pour les

mmes raisons que le #é#é acquiert d’a#ord sa con?ance dans le

monde des o#$ets par rapport " un petit nom#re de personnes

aimées. 2l est certain que d’autres facteurs, et par e!emple, son

immaturité intellectuelle, rendent compte en partie du

développement proressif de ses relations d’o#$ets 5 mais $e

maintiens que celui-ci provient aussi de l’état c*aotique de son

monde intérieur.

Ane des di0érences entre la position dépressive précoce et le

deuil normal est celle-ci : lorsque le #é#é perd le sein ou le #i#eron,

qui ont ?ni par représenter pour lui un o#$et intérieur « #on »,

secoura#le, protecteur, et qu’il ressent une sou0rance, il ressent

celle-ci mme si sa m+re est aupr+s de lui. )*e@ l’adulte au

contraire, la sou0rance est éveillée par la perte réelle d’une

personne réelle 5 mais l’adulte a éta#li, au cours de sa premi+re

enfance, sa « #onne » m+re " l’intérieur de lui-mme, et c’est l" ce

qui lui vient en aide pour supporter cette perte acca#lante. Le $eune

enfant

lutte au contraire de toutes ses forces contre la peur de perdre

cette « #onne » m+re, interne aussi #ien qu’e!terne, car il n’a pas

encore réussi " l’éta#lir srement " l’intérieur de lui-mme. Dans

cette lutte, la relation de l’enfant " sa m+re, la présence réelle de

celle-ci, sont d’un tr+s rand secours. De la mme mani+re, si la

personne en deuil est entourée de ens qu’elle aime et qui partaent

sa sou0rance, et si elle peut accepter leur s1mpat*ie, la restauration

de l’*armonie dans son monde intérieur s’en trouve favorisée, et ses

craintes et sa détresse sont plus rapidement réduites.

 >pr+s avoir décrit quelques-uns des processus dont $’ai o#servé le

déroulement dans le deuil et dans les états dépressifs, $e voudrais

maintenant rattac*er mon étude " l’Cuvre de Freud et d’>#ra*am.

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Le deuil et ses rapports avec les états maniaco-dépressifs %i'

’appu1ant sur ce que Freud et lui-mme avaient découvert sur

les processus arc*aques qui réissent la mélancolie, >#ra*am

constata que ces processus se trouvaient éalement " l’Cuvre dans

le travail du deuil normal. 2l conclut son étude en disant que dans le

travail du deuil, le su$et réussit " éta#lir la personne aimée et perdue

dans son moi, alors que le mélancolique n’1 parvient pas. >#ra*am

décrivit éalement quelques-uns des facteurs fondamentau! dont

dépend le succ+s ou l’éc*ec de cette tentative.

Mon e!périence m’am+ne " la conclusion suivante : s’il est vrai

que l’aspect caractéristique du deuil normal consiste " éta#lir l’o#$et

aimé et perdu " l’intérieur de soi, le su$et n’e0ectue pas cette t4*e

pour la premi+re fois 5 au contraire, le travail du deuil lui permet de

réinstaller cet o#$et, comme tous ses o#$ets aimés internes, qu’il a

l’impression d’avoir perdus. 2l retrouve donc une situation qu’il avait

dé$" vécue dans son enfance.

Zous savons qu’au cours du développement de sa premi+re

enfance, le su$et éta#lit ses parents " l’intérieur de son moi. %)’est

l’e!plication des processus de l’intro$ection dans la mélancolie et

dans le deuil normal qui amena Freud, nous le savons, " reconnaBtre

l’e!istence du surmoi dans le développement normal.' Mais en ce qui

concerne la nature du surmoi et l’*istoire de son développement

particulier, mes conclusions di0+rent de celles de Freud. )omme $e

l’ai souliné plus d’une fois, les processus de intro$ec-tion et de la

pro$ection, aissant d+s le dé#ut de la vie, conduisent "

l’éta#lissement, " l’intérieur du moi, d’o#$ets aimés et *as ressentis

comme « #ons » et « mauvais », reliés les uns au! autres et tous au

moi 5 autrement dit, ces o#$ets constituent un monde intérieur. )et

ensem#le d’o#$ets intériorisés s’oranise parall+lement "

l’oranisation du moi, et dans les couc*es supérieures de la pensée,

se manifeste en tant que surmoi. >insi, le p*énom+ne reconnu par

Freud et constitué, en ros, par la voi! et l’action des

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Le deuil et ses rapports avec les états maniaco-dépressifs %i'

parents réels éta#lis dans le moi, est en fait, selon ce que $’ai pu

constater, un monde d’o#$ets tr+s comple!e que le su$et sent, dans

les couc*es profondes de son inconscient, concr+tement éta#li en lui,

et que quelques-uns de mes coll+ues et moi-mme appelons donc

« o#$ets intériorisés » ou « monde intérieur ». )e monde intérieur

comprend un nom#re in?ni d’o#$ets a#sor#és par le moi, qui

correspondent en partie au! multiples aspects, #ons et mauvais, sous

lesquels les parents %et les autres personnes' apparaissent devant

l’inconscient de l’enfant au cours des stades successifs de son

;33développement. 2ls représentent en outre toutes les personnes

réelles constamment intériorisées dans les diverses situations que

présente une e!périence multiple et c*aneante, qu’elle soit

e!térieure ou fantasmée. Tous ces o#$ets ont, dans le monde

intérieur, des rapports in?niment comple!es les uns avec les autres

et tous avec le moi.

our montrer clairement en quoi consiste mon apport " l’étude du

processus du deuil, il me su0it d’appliquer " celui-ci ma description

de l’oranisation du surmoi par rapport au surmoi de Freud. Dans le

deuil normal, le su$et recommence " intérioriser et " installer, avec la

personne réelle qu’il a perdue, ses parents aimés qui sont, dans sa

pensée, ses « #ons » o#$ets intérieurs. on monde intérieur, ce

monde qu’il #4tit depuis les premiers $ours de sa vie, a été détruit

dans ses fantasmes lorsque la perte réelle a eu lieu. La

reconstruction du monde intérieur caractérise le succ+s du travail du

deuil.

(n comprenant la comple!ité de ce monde intérieur, l’anal1ste

peut découvrir et dénouer une multitude de situations d’anoisse de

la premi+re enfance qu’il ne connaissait pas auparavant 5 cette

compré*ension est donc d’une portée t*éorique et t*érapeutique

telle, qu’il est impossi#le de l’évaluer pleinement d+s au$ourd’*ui. (n

outre, $e crois que le pro#l+me du deuil ne peut qu’tre mieu!

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Le deuil et ses rapports avec les états maniaco-dépressifs %i'

compris si l’on tient compte de ces situations d’anoisse de la

premi+re enfance.

 9’illustrerai maintenant, au su$et du deuil, une de ces situations

d’anoisse dont $’ai constaté aussi l’importance cruciale dans les

états maniaco-dépressifs. 9e veu! parler de l’anoisse devant les

parents intériorisés en train d’accomplir un cot destructeur 5 le su$et

les sent, comme il se sent lui-mme, sous la constante menace d’une

destruction violente. Le matériel que $e me propose de présenter se

compose d’e!traits de plusieurs rves faits par un de mes patients,

D., un *omme d’une quarantaine d’années avec de fortes

caractéristiques paranodes et dépressives. 9e n’étudierai pas ce cas

de faEon détaillée 5 mon seul propos est de montrer la mani+re dont

la mort de sa m+re remua c*e@ ce patient les craintes et les

fantasmes

particuliers que $e viens de décrire. L’état de santé de cette femme

empirait depuis un certain temps, et " l’époque dont $e parle, elle

était plus ou moins inconsciente.

endant une séance d’anal1se, D... parla de sa m+re avec *aine etamertume, l’accusant d’avoir rendu son p+re mal*eureu!. 2l cita

éalement un cas de suicide et un cas de folie, survenus dans sa

famille maternelle. a m+re, dit-il, avait été « détraquée » pendant

un certain temps. ar deu! fois, il utilisa le mot « détraqué » en

parlant de lui-mme, puis il dit : « 9e sais que vous alle@ me rendre

fou et m’enfermer. » 2l parla ensuite d’un animal qu’on avait enfermé

dans une cae. 9e lui proposai l’interprétation suivante : il sentait

maintenant son parent fou et sa m+re détraquée " l’intérieur ;33&<

de lui-mme, et la peur d’tre enfermé dans une cae supposait en

partie une peur plus profonde, celle de contenir en lui ces fous et de

devenir fou lui-mme. 2l me raconta alors un rve de la nuit

précédente : Il voyait un taureau couc#é dans la cour d1une ferme.

 $1animal n1était pas tout à fait mort et semblait sinistre et

dan&ereux.

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Le deuil et ses rapports avec les états maniaco-dépressifs %i'

 2. se tenait debout d1un coté du taureau, sa mre de l1autre. Il se

sauvait et entrait dans une maison, sentant qu1il avait abandonné sa

mre devant un dan&er et qu1il n1aurait pas d3 le faire  5 mais il

espérait va&uement qu1elle s1en irait.

 > son propre étonnement, la premi+re association de mon patient

" ce rve concernait les merles qui l’avaient né en le réveillant le

matin mme. 2l parla ensuite des #u[es d’>mérique, le pa1s oV il

était né. 2l avait tou$ours été attiré par ces #u[es quand il les vo1ait

et il s’était tou$ours intéressé " eu!. 2l dit que l’on pouvait les c*asser

et les maner, mais qu’ils étaient en train de disparaBtre et qu’on

devrait les protéer. 2l raconta ensuite l’*istoire d’un *omme qui

avait d rester couc*é par terre pendant des *eures, paral1sé par la

peur de se faire piétiner : il avait un taureau de#out au-dessus de lui.

2l formula une autre association encore, au su$et d’un taureau réel

qu’un ami élevait dans sa ferme 5 il avait vu ce taureau peu de temps

auparavant, et dit que l’animal était e0ra1ant.

)ette ferme éveillait en lui des associations prouvant qu’elle

représentait sa propre maison. 2l avait passé la plus rande partie de

son enfance dans une rande ferme que possédait son p+re. (ntre

temps, il avait formulé des associations sur des raines de eurs

 venant de la campane et prenant racines dans les $ardins des villes.

D. vit de nouveau, le soir mme, le propriétaire de la ferme et lui

conseilla vivement de surveiller le taureau. %2l avait appris que la

#te avait endommaé récemment certains #4timents de la ferme.'

)e mme soir, le patient apprit la mort de sa m+re.

 >u cours de la séance suivante, D. ne mentionna pas tout de suite

la mort de sa m+re, mais e!prima la *aine qu’il éprouvait "

mon éard : mon traitement allait le tuer. 9e lui rappelai alors son

rve sur le taureau, l’interprétant de la mani+re suivante : dans sa

pensée, sa m+re s’était confondue avec le taureau-p+re prt "

l’attaque, " moitié mort lui-mme, et elle était devenue sinistre et

danereuse. Moi-mme et le traitement, nous représentions " ce

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Le deuil et ses rapports avec les états maniaco-dépressifs %i'

moment-l" l’imae com#inée des parents. 9e lui indiquai que la

montée récente de sa *aine " l’éard de sa m+re était une défense

contre sa douleur et son désespoir devant la mort imminente de

celle-ci. 9e parlai de ses fantasmes aressifs qui, dans sa pensée,

avaient transformé son p+re en un taureau danereu! prt " détruire

sa m+re 5 d’oV son sentiment d’tre responsa#le et coupa#le de ce

désastre imminent. 9e citai éalement sa remarque sur les #u[es

qu’on maneait, et lui e!pliquai qu’il avait a#sor#é l’imae com#inée

des parents, et qu’il crainait donc d’tre piétiné inté-;333<

rieurement par le taureau. Le matériel antérieur avait fait apparaBtre

sa peur d’tre dominé et attaqué intérieurement par des tres

danereu! 5 cette peur avait a#outi entre autres c*oses " lui faire

adopter, par moments, une attitude tr+s riide et parfaitement

immo#ile. 9’interprétai l’*istoire de l’*omme en daner d’tre piétiné

par le taureau, immo#ilisé et dominé par celui-ci, comme une

représentation des daners dont il se sentait menacé intérieurement

%7'.

 9e montrai ensuite au patient la sini?cation se!uelle de l’attaque

du taureau contre sa m+re, en la rattac*ant " son e!aspération

lorsque les oiseau! l’avaient réveillé ce matin-l" %c’était sa premi+re

association au rve sur le taureau'. 9e lui rappelai que dans ses

associations, les oiseau! représentaient souvent des personnes, et

que le #ruit fait par les oiseau!, auquel il était parfaitement *a#itué,

sini?ait pour lui le danereu! cot de ses parents 5 si ce #ruit avait

été si insupporta#le ce matin-l", c’était " cause du rve sur le

taureau, et " cause de sa vive anoisse au su$et de sa m+re

mourante. La mort de sa m+re sini?ait donc, pour D., sa destruction

par le taureau qu’il contenait : le travail du deuil a1ant dé$"

commencé, il l’avait intériorisée dans cette danereuse situation.

 9e lui montrai aussi certains aspects optimistes de ce rve. a

m+re avait pu éc*apper au taureau. Le patient aimait #ien, en réa-

33

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Le deuil et ses rapports avec les états maniaco-dépressifs %i'

;333< %7' 9’ai souvent constaté ceci : les processus que le patient

sent inconsciemment

en lui sont représentés comme une c*ose qui se passe au-dessus

de lui ou dans son entourae immédiat. (n vertu du principe #ien

connu de la représentation par le contraire, un événement e!térieur

peut représenter un événement intérieur. )’est le conte!te dans son

ensem#le, les détails des associations, la nature et l’intensité des

a0ects, qui montrent si l’accent est mis sur la situation intérieure ou

e!térieure. ar e!emple, certaines manifestations d’une tr+s vive

anoisse et certains mécanismes spéci?ques de défense contre cette

anoisse %notamment un renforcement de la néation de la réalité

ps1c*ique' montrent que la situation intérieure prédomine.

lité, les merles et les autres oiseau!. 9e lui ?s voir éalement les

tendances réparatrices et re-créatrices dont le matériel témoinait.

on p+re %les #u[es' devait tre sauveardé, c’est-"-dire protéé

contre l’avidité de son ?ls. 9e lui rappelai, entre autres c*oses, les

raines qu’il voulait voir répandre, " partir de la campane qu’il

aimait, sur la ville, et qui représentaient de nouveau! #é#és créés

pour sa m+re par lui-mme et par son p+re, en uise de réparation 5

ces #é#és vivants étaient aussi un mo1en de la maintenir en vie.

)e fut seulement aprs cette interprétation qu’il put e0ectivement

me dire que sa m+re était morte la nuit précédente. 2l admit alors,

c*ose in*a#ituelle c*e@ lui, qu’il comprenait parfaitement les

processus d’intériorisation que $e lui avais interprétés. 2l dit qu’apr+s

avoir reEu la nouvelle de la mort de sa m+re, il avait eu mal au cCur,

et qu’il s’était dit, au mme moment, qu’il ne pouvait 1 avoir " cela

aucune raison p*1sique. )ette nausée lui sem#lait maintenant

con?rmer mon interprétation, selon laquelle il avait intériorisé la

situation imainaire tout enti+re oV ses parents se com#attaient et

mouraient.

endant cette séance, il avait fait preuve d’une rande tension,

montré #eaucoup de *aine et d’anoisse, mais u+re de douleur 5

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Le deuil et ses rapports avec les états maniaco-dépressifs %i'

 vers la ?n cependant, apr+s mon interprétation, ses sentiments

s’adoucirent, une certaine tristesse apparut, et il se sentit soulaé.

La nuit qui suivit l’enterrement de sa m+re, D. rva que . %une

imae paternelle' et une autre personne %qui me représentait'

essa1aient de l’aider, mais qu’en fait, c’est contre nous qu’il devait

lutter pour sauvearder sa vie 5 « la mort me réclamait »,e!pliqua-t-

il. endant cette séance, il parla de nouveau, avec amertume, de son

anal1se qui le désaréeait. 9e lui proposai l’interprétation suivante :

il sentait que ses parents e!térieurs, secoura#les, étaient en mme

temps les parents qui se com#attaient et se désaréeaient, qui

allaient l’attaquer et le détruire, le taureau " moitié mort et la m+re

mourante " l’intérieur de son corps 5 moi-mme et l’anal1se, nous en

étions venues " représenter les ens et les événements danereu!

qu’il contenait. L’intériorisation de son p+re comme mourant ou mort

lui aussi me fut con?rmée quand il me dit qu’" l’enterrement de sa

m+re, il s’était demandé pendant un instant si son p+re n’était pas

mort éalement. %(n réalité, son p+re était encore en vie.'

 ]ers la ?n de cette séance, apr+s que sa *aine et son anoisse

eurent décru, il redevint plus coopératif. 2l me dit que la veille, alors

qu’il reardait le $ardin par une des fentres de la maison de son

p+re et qu’il se sentait seul, il avait éprouvé une forte antipat*ie pour

un eai qu’il vo1ait dans un #uisson. 2l pensa que cet oiseau méc*ant

et destructeur allait peut-tre entrer dans le nid rempli d’Cufs d’un

autre oiseau. > ceci, il associa qu’il avait vu,

quelque temps auparavant, des #ouquets de eurs des c*amps

 $etés par terre 5 des enfants les avaient pro#a#lement cueillis puis

 $etés. 9e lui proposai de nouveau l’interprétation suivante : sa *aine

et son amertume constituaient en partie une défense contre la

douleur, la solitude et la culpa#ilité. L’oiseau destructeur, les enfants

destructeurs, le représentaient lui-mme comme ils l’avaient souvent

fait auparavant, lui-mme qui, selon ce qu’il pensait, avait ruiné la

maison et le #on*eur de ses parents et tué sa m+re en détruisant les

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Le deuil et ses rapports avec les états maniaco-dépressifs %i'

#é#és que son corps contenait. on sentiment de culpa#ilité

provenait ici de ses attaques fantasmatiques directes contre le corps

de sa m+re 5 dans le rve sur le taureau, sa culpa#ilité venait de ses

attaques indirectes contre elle, puisqu’il avait transformé l" son p+re

en un taureau danereu! qui mettait donc " e!écution les désirs

sadiques du ?ls.

La troisi+me nuit apr+s l’enterrement de sa m+re, D. ?t encore un

rve :

 Il voyait un autobus venir sur lui 5 apparemment, sa direction

n1était plus contr4lée. $1autobus roula vers un #an&ar. 2. ne pouvait

pas ;33I< voir ce qu1il était advenu du #an&ar, mais il savait en toute

certitude qu1il 5 volait en éclats ».  "uis deux personnes venues de

derrire lui ouvraient le toit du #an&ar et re&ardaient dedans. 2. ne

voyait pas pourquoi elles faisaient -a, mais elles semblaient penser 

que c1était utile.

)e rve montrait d’a#ord sa peur d’tre c*4tré par son p+re dans

un acte *omose!uel qu’il désirait en mme temps 5 il e!primait en

outre la mme situation intérieure que le rve sur le taureau, la mortde sa m+re " l’intérieur de son corps et sa propre mort. Le *anar

sini?ait le corps de sa m+re, lui-mme, et sa m+re " l’intérieur de

lui. L’acte se!uel danereu! représenté par l’auto#us qui détruisait le

*anar avait lieu, dans sa pensée, avec sa m+re aussi #ien qu’avec

lui-mme 5 mais en outre, et c’était l" l’oriine de son anoisse la

plus rande, avec sa m+re à l1intérieur  de lui.

Dans le rve, il ne pouvait pas voir ce qui s’était passé 5 celasini?ait que dans sa pensée, la catastrop*e était interne. 2l savait

éalement, sans le voir, que le *anar « volait en éclats ». L’auto#us

qui « venait sur lui » représentait le cot avec le p+re et la castration

par celui-ci, mais sini?ait aussi quelque c*ose qui « se passait "

l’intérieur de lui » %7'.

3J

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Le deuil et ses rapports avec les états maniaco-dépressifs %i'

Les deu! personnes qui ouvraient le toit du *anar, venues de

derri+re lui %il avait montré ma c*aise', étaient lui et moi, qui

reardions " l’intérieur de son corps et " l’intérieur de ses pensées

;33I< %7' Ane attaque contre l’e!térieur du corps sini?e

souvent une attaque res

sentie intérieurement. 9\ai dé$" indiqué que ce qui est représenté

au-dessus ou immédiatement " cté du corps poss+de souvent la

sini?cation profonde d’une c*ose qui se trouve " l’intérieur.

%r4ce " la ps1c*anal1se'. )es deu! personnes, c’était aussi moi-

mme en tant que « mauvaise » imae com#inée des parents, moi-

mme contenant le danereu! p+re 5 de l" venaient ses doutes surl’utilité de l’e!amen du *anar %sur l’utilité de l’anal1se'. L’auto#us

fou le représentait éalement lui-mme en train d’accomplir un cot

danereu! avec sa m+re, et e!primait ses craintes et sa culpa#ilité

au su$et de la méc*anceté de ses propres oranes énitau!.

 >vant la mort de sa m+re, " un moment oV la maladie qui devait

emporter celle-ci avait dé$" commencé, il avait $eté sa voiture contre

un poteau, accident qui n’eut aucune conséquence rave. 2l apparutque c’était une tentative inconsciente de suicide, dont le #ut était de

détruire les « mauvais » parents intérieurs. )et accident sini?ait

aussi ses parents en train d’accomplir " l’intérieur de son corps un

cot danereu! 5 c’était donc une représentation en mme temps

qu’une e!tériorisation d’un désastre intérieur.

Le fantasme des parents com#inés, accomplissant un « mauvais »

cot 6 ou plutt, l’accumulation des émotions diverses, des désirs,des craintes et de la culpa#ilité que ce fantasme entraBnait 6 avait

#eaucoup trou#lé sa relation " ses parents et avait $oué un rle

important dans sa maladie, certes, mais aussi dans son

développement tout entier. r4ce " l’anal1se des émotions qui se

rapportaient au! parents réels en train d’accomplir l’acte se!uel, et

notamment " l’anal1se de cette situation intériorisée, le patient

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Le deuil et ses rapports avec les états maniaco-dépressifs %i'

devint ;33J< capa#le d’éprouver un vérita#le sentiment de deuil pour

sa m+re.

Toute sa vie néanmoins, il avait repoussé la dépression et le

c*arin inspirés par l’idée de sa mort et dérivés de sa dépression

infantile 5 toute sa vie, il avait nié son tr+s rand amour pour elle.

2nconsciemment, il avait renforcé sa *aine et son sentiment de

persécution, parce qu’il ne pouvait pas supporter la peur de perdre

sa m+re qu’il aimait.  Lorsque son anoisse devant ses propres

tendances destructrices diminua et que s’accrut sa foi dans son

pouvoir de réparer sa m+re et de la protéer, la persécution

s’a0ai#lit et l’amour qu’il éprouvait pour elle se manifesta de plus en

plus nettement. Mais en mme temps, il ressentait avec une force

croissante le c*arin et la nostalie qu’il avait refoulés et niés depuis

son enfance la plus tendre. Tandis qu’il traversait ce deuil dans la

douleur et le désespoir, son amour pour sa m+re, profondément

enfoui, apparaissait au $our, et sa relation " ses parents se

transformait.

Ane fois, il parla d’eu!, " propos d’un aréa#le souvenir

d’enfance, en les appelant « mes c*ers vieu! parents » 5 c’était c*e@

lui une attitude toute nouvelle.

 9’ai montré ici et dans l’article précédent les raisons profondes de

l’incapacité du su$et " surmonter la position dépressive infantile.

)et éc*ec peut entraBner la maladie dépressive, la manie ou la

paranoa. 9’ai indiqué 'op. cit.)  une ou deu! autres mét*odes

qu’utilise le moi pour tenter d’éc*apper au! sou0rances nées de laposition dépressive 5 $e veu! parler de la fuite vers les #ons o#$ets

internes %qui peut conduire " des ps1c*oses raves' ou de la fuite

 vers les #ons o#$ets e!ternes %entraBnant l’apparition possi#le de la

névrose'. 2l e!iste, néanmoins, des mo1ens nom#reu!, fondés sur les

défenses o#sessionnelles, maniaques et paranodes, di0érents d’un

individu " l’autre en ce qui concerne les proportions de ces défenses,

et qui, selon mon e!périence, ont tous le mme o#$et : permettre au

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Le deuil et ses rapports avec les états maniaco-dépressifs %i'

su$et d’éc*apper au! sou0rances nées de la position dépressive

infantile. %Tous ces mo1ens, $e l’ai dé$" dit, $ouent éalement un rle

dans le développement normal'. Rn peut l’o#server sans peine dans

l’anal1se de certaines personnes qui n’éprouvent pas les sentiments

du deuil. e sentant incapa#les de sauver et de réinstaller en toute

sécurité leurs o#$ets aimés " l’intérieur d’elles-mmes, elles sont

o#liées de s’en détourner plus qu’elles ne l’ont fait $usqu’alors, et

par conséquent de nier leur amour pour eu!. )ela peut vouloir dire

qu’une in*i#ition plus forte frappe leurs émotions dans leur

ensem#le 5 dans d’autres cas, ce sont surtout les sentiments d’amour

qui sont étou0és et la *aine qui s’accroBt. Le moi, dans le mme

temps, utilise divers mo1ens pour con$urer les peurs paranodes

%d’autant plus fortes que la *aine s’est accrue'. ar e!emple, les

« mauvais » o#$ets internes sont, par des mo1ens maniaques, soumis,

immo#ilisés, et en mme temps niés et violemment pro$etés dans le

monde e!térieur. )ertaines personnes qui ne parviennent pas "

ressentir les sentiments du deuil ne peuvent éc*apper " un acc+s de

maniaco-dépressive ou de paranoa que par une forte restriction de

leur vie a0ective, qui appauvrit leur personnalité tout enti+re.

An certain équili#re ps1c*ique peut-il se maintenir c*e@ des

su$ets de ce t1pe / )ela dépend souvent de leur aptitude " arder

 vivace, ailleurs, un peu de l’amour qu’ils refusent " leurs o#$ets

perdus, et de l’action de ces diverses mét*odes l’une sur l’autre. Les

relations " des personnes qui, dans leur pensée, ne se rapproc*ent

pas trop de l’o#$et perdu, l’intért pour certains o#$ets ou certaines

activités, peuvent a#sor#er une partie de l’amour qui appartenait "

celui-ci. ien que ces relations et ces su#limations aient des

caract+res maniaques et paranodes, elles peuvent néanmoins

rassurer et soulaer la culpa#ilité, car " travers elles, l’o#$et d’amour

perdu qui fut re$eté et par conséquent détruit une fois de plus, se

trouve, $usqu’" un certain point, réparé et retenu dans la pensée

inconsciente.

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Le deuil et ses rapports avec les états maniaco-dépressifs %i'

Lorsque l’anal1se réduit c*e@ nos patients l’anoisse devant les

parents internes destructeurs et persécuteurs, la *aine, et par

conséquent l’anoisse, décroissent " leur tour 5 les patients peuvent

alors modi?er leur relation " leurs parents, que ceu!-ci soient morts

ou qu’ils soient vivants, et les ré*a#iliter plus ou moins, mme s’ils

sont fondés " leur faire des reproc*es. )ette tolérance accrue leur

permet d’éta#lir en eu!, dans une sécurité plus rande, de

« #onnes » imaes des parents " cté des « mauvais » o#$ets

internes, ou plutt de tempérer leur peur devant ces « mauvais »

o#$ets par leur con?ance dans les « #ons ». )ela revient " leur

permettre de ressentir des émotions, la douleur, la culpa#ilité et

l’amertume aussi #ien que l’amour et la con?ance, d’éprouver les

sentiments du deuil, mais de les surmonter, et ?nalement, de

surmonter la position dépressive infantile, ce qu’ils n’ont pu faire

dans leur enfance.

Que l’on me permette de conclure. Dans le deuil normal comme

dans le deuil pat*oloique et dans les états maniaco-dépressifs, la

position dépressive infantile est réactivée. Les sentiments, les

fantasmes et les anoisses comple!es que ce terme recouvre sont

d’une nature qui $usti?e ce que $’a0irme : l’enfant, au cours de son

développement le plus précoce, passe par un état maniaco-dépressif 

temporaire et par un état de deuil, qui se modi?ent dans la névrose

infantile. Lorsque disparaBt la névrose infantile, la position

dépressive est surmontée.

La di0érence fondamentale entre le deuil normal d’une part, et

d’autre part, le deuil pat*oloique et les états maniaco-dépressifs,

est la suivante : le maniaco-dépressif et celui qui éc*oue dans le

travail du deuil, #ien que leurs défenses puissent tre tr+s éloinées

les unes des autres, ont en commun de n’avoir pas pu, dans leur

premi+re enfance, éta#lir leurs « #ons » o#$ets internes et se sentir

en sécurité dans leur monde intérieur. 2ls n’ont $amais surmonté

 vérita#lement la position dépressive infantile. Dans le deuil normal

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Le deuil et ses rapports avec les états maniaco-dépressifs %i'

au contraire, la position dépressive précoce, réactivée par la perte de

l’o#$et aimé, se modi?e " nouveau 5 elle est surmontée par des

mét*odes sem#la#les " celles que le moi avait utilisées au cours de

l’enfance. Le su$et réinstalle un o#$et d’amour qu’il a e0ectivement

perdu 5 mais en mme temps, il réta#lit aussi en lui-mme ses

premiers o#$ets d’amour 6 en derni+re anal1se, ses « #ons » parents

6 qu’il a sentis, lorsque la perte vérita#le l’a frappé, en daner

d’tre perdus eu! aussi. )’est en réinstallant " l’intérieur de son

corps ses « #ons » parents aussi #ien que l’tre qu’il vient de perdre,

et en reconstruisant son monde intérieur désaréé et rempli de

daners, qu’il surmonte sa sou0rance, retrouve la sécurité et

parvient " l’*armonie vérita#le et " la pai!.