Investigation Maniaco

download Investigation Maniaco

If you can't read please download the document

description

psy

Transcript of Investigation Maniaco

Prlminaire l'investigation et au traitement psychanalytique de la folie maniaco-dpressive et des tats voisins

Prliminaires linvestigation et au traitement psychanalytique de la folie maniaco-dpressive et des tats voisins1D'aprs une confrence faite au IIIme Congrs de psychanalyse (21 septembre 1911). Publie dans le Zentralblatt fr Psychoanalyse, 2e anne, cahier 6, 1912.

Alors que l'tude des tats dangoisse nvrotique figure largement dans la littrature psychanalytique, les tats de dpression n'ont pas fait lobjet de la mme attention. Et cependant, la dpression est aussi rpandue dans toutes les formes de nvrose et de psychose que langoisse. Souvent, ces deux tats motionnels existent simultanment ou se succdent chez le mme sujet. Celui qui souffre de nvrose dangoisse est soumis des humeurs dpressives, le mlancolique profondment atteint se plaint dangoisse.Lune des premires donnes dues la recherche de Freud snonait ainsi: langoisse nvrotique est issue du refoulement sexuel. Cette origine diffrencie langoisse nvrotique de la peur.De la mme faon nous distinguons le sentiment du deuil ou du dcouragement de la dpression nvrotique due au refoulement, cest--dire dtermine par des motifs inconscients.Il y a entre langoisse et la dpression une relation analogue celle qui existe entre la peur et le deuil. Nous craignons un malheur venir, nous sommes en deuil dun malheur ralis. Le nvros est saisi dangoisse lorsque sa pulsion tend vers une satisfaction que son refoulement lui interdit datteindre. La dpression survient lorsquil renonce son but sexuel sans succs ni satisfaction. Il se sent incapable daimer et dtre aim; cest pourquoi il doute de la vie et de lavenir. Ce sentiment dure tant que ses origines nont pas disparu, soit par une modification relle de la situation, soit par llaboration psychique des reprsentations pnibles. Tout tat de dpression nvrotique contient la tendance nier la vie de mme que ltat dangoisse qui en est proche.Ces rflexions napprendront rien ceux qui considrent les nvross selon la thorie freudienne, bien que la littrature contienne remarquablement peu de choses concernant la psychologie de la dpression nvrotique. Par contre la dpression des psychoses na pas encore t objet dinvestigation. Cette tche se complique du fait quune partie des malades en cause voluent de faon circulaire avec une alternance dtats mlancoliques et maniaques. Les quelques travaux prliminaires2Maeder: Psychoanalyse bei einer melancholischen Depression (Psychanalyse d'une dpression mlancolique) Zentralblatt fr Nervenheilk und Psychiatrie, 1910.Brill: Ein Fall von periodischer Depression psychogenen Ursprungs (Un cas de dpression priodique d'origine psychogne), Zentralblat fr Psychoanalyse, vol. I, p. 158.Jones: Psychoanalytic notes on a case of Hypomania, Bulletin of the Ontario Hospital for Insane, 1910.

parus jusquici ne concernent que lune des deux phases.En quelques annes, jai pu suivre six cas nets en pratique psychothrapique prive. Deux dentre ces patients taient des maniaco-dpressifs lgers, dont lun ne fut trait que passagrement (cas dit de cyclothymie); une troisime malade souffrait dtats dpressifs brefs mais rpts avec des manifestations typiquement mlancoliques. Chez deux patients, il sagissait de psychoses dpressives initiales; ils avaient auparavant prsent une tendance des dysphories lgrement maniaques ou dpressives. Un patient, enfin, entamait, 45 ans, une psychose grave et rcalcitrante.Selon la dmarche de Kraepelin, les tats dpressifs de la cinquime dcade ne sont pas considrs, par la plupart des psychiatres, comme appartenant la folie maniaco-dpressive. En raison de la structure psychique que lanalyse rvla, je range ce dernier cas avec ceux dont lappartenance la folie maniaco-dpressive est hors de doute. Je nai pas pour autant voulu prendre position quant la dmarcation rciproque de ces psychoses.Je nai pas lintention denvisager les tats dpressifs de la dmence prcoce.Ds le dbut de la premire analyse dune psychose dpressive, je remarquai la ressemblance de sa structure avec celle de la nvrose obsessionnelle3Mon bref compte rendu s'en tient troitement la description donne par Freud dans ses Remarques sur un cas de nvrose obsessionnelle (Jahrb. f. psychoanal. Forsch., vol. I).

. Je veux parler des obsds graves chez lesquels la libido ne peut spanouir normalement car les deux tendances de la haine et de lamour se portent un prjudice rciproque. La disposition hostile lgard du monde extrieur est telle que la capacit damour sen trouve trs rduite. Simultanment, le refoulement de la haine (plus prcisment de la composante sadique de la libido, prvalente lorigine) rend le nvros obsessionnel faible et sans nergie. Une incertitude semblable concerne le choix objectal quant au sexe de lobjet. Linaptitude parvenir une position libidinale donne lieu une incertitude gnralise, au doute obsdant. Lobsd ne parvient pas une conclusion, une dcision claire. Dans chaque situation, il souffre de sentiments dinsuffisance, il est dsarm face la vie.Je rapporterai aussi brivement que possible lhistoire dun cyclothyme telle quelle apparat lanalyse acheve.Le patient se souvient que sa sexualit sveilla violemment et prcocement, cest--dire avant sa sixime anne. Une jardinire denfants aurait t son premier objet sexuel; la prsence de cette femme lexcitait, faisait travailler son imagination. Cette excitation aboutit l'onanisme quil pratiquait en se couchant sur le ventre et en effectuant des mouvements de friction. Sa nurse (qui fut sa nourrice) le drangea dans cette activit. Elle la lui interdit nergiquement, lui administrait des corrections lorsquil enfreignait sa dfense, et lui faisait valoir quainsi il se rendrait malheureux pour le restant de ses jours. En cours de scolarit, le patient prouva pendant plusieurs annes un engouement amoureux pour un autre lve.Le patient ne se sentit jamais satisfait dans la maison paternelle, ni pendant son enfance ni plus tard. Il avait toujours limpression que les parents lui prfraient le frre an, particulirement intelligent, alors quil ntait lui-mme que passablement dou. De mme, il lui semblait que son plus jeune frre, un enfant maladif, bnficiait dune attention particulire de sa mre. Il en rsulta de lhostilit lgard des parents, tandis que les frres excitaient sa jalousie et sa haine. Quelques actes impulsifs de son enfance montrent lintensit de cette hostilit. loccasion dune discorde minime, il fut deux reprises si violent lgard de son jeune frre que celui-ci tomba et fut srieusement bless.Cette violence est plus remarquable encore lorsquon apprend que pendant sa scolarit, le patient fut toujours le plus petit et le plus faible. Il ne se liait pas vraiment, il se tenait isol. Quoique travailleur, ses rsultats ne correspondaient pas son effort. Pendant la pubert il savre clairement que les pulsions jadis si violentes taient paralyses par le refoulement. Contrairement son comportement denfant, il ne se sentait plus attir par le sexe fminin. Il conservait son activit sexuelle d'enfant mais jamais ltat vigile, seulement au cours du sommeil ou du demi-sommeil.Il navait pas damis. Lorsqu'il se comparait aux autres, il remarquait lui-mme son manque dnergie vitale. la maison, il ne trouvait aucun encouragement; au contraire, le pre lui faisait des remarques mprisantes. tous ces moments dprimants, sajouta un traumatisme psychique particulier. Un matre eut la cruaut de le traiter dinfirme corporel et psychique devant toute la classe. Peu aprs, il fit un premier pisode dpressif.Par la suite non plus, il ne sut pas se lier avec dautres tres, mais sen cartait intentionnellement, craignant dtre considr comme un sujet mdiocre. Ce nest quauprs des enfants quil ne se sentait pas accabl par une impression dinsuffisance, et quil jouissait dune relation bonne et confortable. Par ailleurs, il sisolait. Les femmes lui faisaient littralement peur. Apte au rapport sexuel normal, il ny tait pas enclin et ne sen trouvait pas satisfait. Lonanisme au cours du sommeil resta son activit sexuelle principale. Dans la vie pratique, il tait peu nergique, il lui tait particulirement difficile de conclure ou de dcider dans une situation douteuse.Cette anamnse concorde en tous points avec celle que nous apportent les obsds. Cependant, chez notre patient, nous ne trouvons pas de manifestations obsessionnelles, mais des variations circulaires qui se sont rptes pendant 20 ans.Au cours des phases dpressives, et selon leur gravit, le patient se trouve dans un tat de dpression ou dapathie (je rapporte les propres expressions du patient). Il est inhib, les actes les plus simples deviennent une contrainte, il parle doucement et lentement, il souhaite la mort et cultive des ides de suicide. Ses reprsentations ont un contenu dpressif. Souvent il se dit lui-mme: je suis un paria, un maudit, un rat, je nai aucune appartenance au monde. Il prouve vaguement que ltat de dpression est une punition. Il a un sentiment de vanit, il se reprsente souvent sa disparition sans trace. Au cours de tels tats, il souffre dpuisement, de peur, dune pesanteur dans la tte. Ces phases dpressives duraient quelques semaines, elles taient parfois plus courtes. Lintensit de la dpression variait dune crise lautre. Au cours dune anne, le patient fait deux ou trois tats mlancoliques graves, et six ou davantage de crises lgres. Chaque accs tait marqu par une monte progressive, un plafonnement, puis une dcroissance progressive de la dysphorie sensible pour le patient et qui se signalait objectivement.Aux alentours de sa 28me anne, il prsenta des troubles inverses; depuis, il y a alternance dtats hypomaniaques et dpressifs.Au dbut de la phase maniaque, le patient sveille de son apathie, devient mobile et mme excit. Il est hyperactif, ne connat aucune fatigue, sveille tt et soccupe de projets professionnels. Il est entreprenant, sr de ses capacits, il est prolixe et port plaisanter et rire. Il fait des jeux de mots et des blagues. Il remarque lui-mme le caractre fuyant de ses ides; objectivement, on peut constater une certaine fuite des ides. Son rythme est plus rapide, plus bruyant et vivace. Son humeur est joyeuse et un peu survolte. Lorsque lhumeur maniaque est plus marque, leuphorie se mue en irritabilit et en impulsivit. Par exemple, lorsquon drange le patient pendant son travail, il se met dans une vritable rage. Il voudrait abattre aussitt l'importun. Aussi, les disputes sont frquentes et il se conduit alors de faon trs brutale. Si pendant les dpressions le sommeil nocturne est tranquille, les pisodes maniaques sont au contraire marques dagitation, surtout pendant la deuxime moiti de la nuit. Une excitation sexuelle explosive se manifeste alors.Le malade, dont la libido stait exprime prcocement et avec nergie, a perdu pour une grande part la capacit de manifester son amour et sa haine. De la mme faon que les obsds, il est devenu incapable de vivre. Il est vrai quil nest pas impuissant; mais il ne connat pas un vrai plaisir sexuel. La pollution lui donne plus de satisfaction que le cot. Son activit sexuelle sexerce essentiellement pendant le sommeil. Nous reconnaissons ici laspiration auto-rotique, galement propre aux nvross, sisoler du monde extrieur. De tels sujets ne peuvent tre heureux que dans un monde absolument clos. Tout tre vivant, tout objet inanim est prouv comme perturbateur. Ce nest quune fois la fermeture complte toute impression extrieure ralise comme dans le sommeil quils peuvent rver la satisfaction de leurs dsirs sexuels. Le patient sexprime de la faon suivante: Cest au lit que je me sens le mieux; jy suis vraiment chez moi4Je souligne ici que les autres patients masculins dont jai analys la psychose dpressive se comportaient de faon analogue. Aucun n'tait impuissant, mais pour tous, de tout temps, le comportement auto-rotique tait plus plaisant et toute tentative avec une femme tait difficile et pnible.

. la pubert, le patient dut constater son retard sur ses compagnons du mme ge pour certaines choses importantes. Physiquement, il ne stait jamais senti leur gal. Intellectuellement, la comparaison avec son frre an lui faisait craindre la mme chose. tout cela, sajoutait maintenant un sentiment dinsuffisance sexuelle. Cest cette priode que la critique de linstituteur le frappa (un infirme physique et psychique) comme une massue; effet sexpliquant pour lessentiel comme le rappel de la prophtie de la nourrice. Elle lavait menac en lui prdisant quil se rendrait malheureux pour toute la vie. lpoque mme o il et d devenir un homme et se sentir viril comme ses camarades, ses sentiments dinsuffisance se trouvrent renforcs. Cest ainsi que survint le premier tat dpressif dont le patient se souvienne.Tout comme cest si souvent le cas dans la nvrose obsessionnelle, la maladie proprement dite dbuta lorsquune dcision dfinitive dut intervenir en ce qui concernait la position du patient vis--vis du monde extrieur et lutilisation ultrieure de sa libido. Dans les autres cas que j'ai analyss, un conflit du mme ordre avait provoqu le premier tat dpressif. Ainsi, lun des patients stait fianc. Peu aprs, il fut submerg du sentiment de son incapacit aimer; il tomba dans une dpression mlancolique grave.Il est probant que la maladie survint toujours du fait dune disposition haineuse paralysant la capacit aimer. Mais tout comme pour la psychognse de la nvrose obsessionnelle, dautres conflits de la vie pulsionnelle des patients jouent le rle de facteurs pathognes. Je soulignerai surtout lincertitude du rle sexuel. Dans le cas de Maeder, le conflit entre les positions masculines et fminines prenait un relief particulier. Chez deux de mes patients, je relevai un matriel trs semblable celui que dcrit Maeder.Mais les deux affections se sparent au cours de leur volution ultrieure. La nvrose obsessionnelle cre des buts substitutifs; leur poursuite est lie aux manifestations obsessionnelles. La psychose dpressive se constitue trs diffremment. Au refoulement, sassocie un mcanisme frquent dans la psychognse de certaines maladies mentales qui nous est connu sous le nom de projection.Dans ses Bemerkungen zu einem autobiographisch beschriebenen Fall von Paranoa (Remarques propos de lautobiographie dun cas de paranoa), Freud apporte une formulation de la psychognse de la paranoa. En quelques brves formules, il prcise les stades parcourus jusqu la formation du dlire paranoaque5Jahrbuch fr psychoanalyt. Forachungen, Vol. III, p. 55.

. En mappuyant sur mes analyses de troubles mentaux dpressifs, je voudrais tenter daboutir une formulation semblable en ce qui concerne la gense des psychoses dpressives.Pour la plupart des cas de dlire paranoaque, Freud considre que le noyau du conflit est le fantasme ralisant le dsir homosexuel daimer un individu du mme sexe. [Formule: moi (un homme) je laime lui (un homme).] Le dlire de perscution contredit cette position en clamant: Je ne laime pas, car je le dteste. Comme la perception interne est remplace par une perception externe dans la paranoa, la haine est ressentie comme la consquence de lhostilit subie. La troisime formule est la suivante: Je ne laime pas, je le dteste car il me perscute.Dans les psychoses que nous envisageons ici, le conflit est autre. Il tire son origine dune disposition hostile excessive de la libido. Cette haine concerne dabord les plus proches parents, puis elle se gnralise. Elle peut sexprimer comme suit:1 Je ne peux pas aimer les autres; je suis oblig de les dtester.De cette perception intime dplaisante naissent les sentiments si graves dinsuffisance de ces patients. Lorsque le contenu de cette perception est refoul et projet au dehors, le sujet en arrive se croire non pas aim mais dtest par son entourage. Dabord par ses parents, puis par un cercle plus large. Cette croyance est ainsi dtache de son contexte originel et causal, lhostilit du sujet lui-mme, elle est relie dautres insuffisances psychiques ou physiques6Dans certains cas (les plus lgers en particulier) le contexte originel nest que partiellement perdu. Mais la tendance au dplacement est vidente.

. Il semble que la multiplicit de telles insuffisances favorise lclosion dtats dpressifs.Ainsi, nous arrivons la deuxime formule:2 Les autres ne maiment pas, ils me dtestent... car je suis marqu par des insuffisances innes7Remarquons dans ltymologie allemande le mot hsslich (laid), ce qui provoque la haine (Hass).

: Cest pourquoi je suis malheureux, dprim.Mais les mouvements sadiques refouls ne se calment pas. Ils ont tendance revenir la conscience et apparaissent sous bien des formes: dans les rves, les actes symptomatiques, mais surtout en tant que tendances tyranniques vis--vis de lentourage, dsirs de vengeance violents, impulsions criminelles. Ces aspects ne se rvlent pas lobservation directe car ils restent gnralement ltat vellitaire. Mais une tude plus approfondie ventuellement catamnestique nous claire. Faute de voir ces mouvements sadiques dans la phase dpressive, on peut les observer dans la phase maniaque. Nous y reviendrons.Ces dsirs de vengeance, de violence, etc... sont gnralement ramens aux sentiments douloureux dimperfection physique ou psychique au lieu du sadisme personnel insuffisamment refoul. Chaque patient du groupe maniaco-dpressif tend conclure comme Richard III. Avec une cruaut sans gard, il dvoile toutes ses infirmits et en tire la conclusion:Therefore, since I cannot prove a loverI am determined to prove a villain.Ses infirmits interdisent lamour Richard; elles le font dtester. Il veut en tirer vengeance. Chacun de nos patients voudrait faire de mme; mais il ne le peut pas, car son activit pulsionnelle est paralyse par le refoulement.Chez lui, la rpression de mouvements de haine et de vengeance, etc., qui mergent frquemment, engendre de nouvelles expressions morbides: les ides de culpabilit. Daprs mon exprience, je crois pouvoir dire que plus le dsir de vengeance est violent, plus est grande la tendance aux ides dlirantes de culpabilit. Nous savons que ce dlire peut atteindre l'normit, allant jusqu faire dire au patient que lui seul a commis tous les pchs depuis le commencement du monde, ou que toute vilenie est son seul fait. Il sagit l de sujets dont le sadisme, refoul dans linconscient, est insatiable et voudrait sattaquer tous et tout. Bien entendu, la reprsentation dune faute aussi abominable est au plus haut point pnible consciemment; un tel degr de sadisme refoul donne lieu une dpression crasante. Nanmoins, lide de culpabilit recle laccomplissement dun vu: celui du souhait refoul dtre un malfaiteur de grand style, d'tre plus coupable que tous les autres runis. Ceci aussi nous rappelle certains aspects des obsds. Je ne mentionnerai que la toute-puissance de la pense. Ils craignent dtre rellement responsables de la mort de ceux dont ils ont pens la mort. Chez lobsd, les pulsions sadiques sont galement refoules. Comme il ne peut pas agir conformment sa pulsion premire, il s'adonne inconsciemment au fantasme de pouvoir tuer par la pense; consciemment, le dsir napparat pas en tant que tel, mais sous la forme dune crainte pnible.Du refoulement du sadisme nous voyons surgir la dpression, langoisse, la culpabilit. Lorsque la source de plaisir lie lactivit pulsionnelle est oblitre, le masochisme devient la consquence invitable. Le patient prend une attitude passive, il tire son plaisir de ses souffrances de sa contemplation de lui-mme. Ainsi, au fond de la misre mlancolique, nous trouvons une source cache de jouissance.Avant den arriver ltat dpressif proprement dit, certains malades sont particulirement actifs dans leur vie professionnelle ou dans dautres domaines. Ils emploient souvent toutes leurs forces sublimer la libido qu'ils ne peuvent consacrer son vrai but. Ainsi, ils se leurrent sur leurs conflits intrieurs et se dfendent de la dpression qui tend faire irruption dans leur conscience. Ceci peut leur russir assez longtemps, sans jamais tre parfait bien entendu. Celui qui a constamment se dfendre dinfluences perturbatrices naccde jamais au repos intrieur et la scurit. Lquilibre psychique laborieusement maintenu est brusquement remis en cause par une situation qui impose une dcision libidinale prcise. Le dbut de la dpression balaie les intrts (cest--dire les sublimations) prcdents du patient; do le rtrcissement du champ des intrts, pouvant aller jusquau monoideisme.Devenue manifeste, la psychose dpressive est essentiellement une inhibition psychique gnralise. Le rapport entre le malade et le monde extrieur est ardu. Incapable de fixer sa libido de faon durable et positive, le patient recherche inconsciemment se protger du monde. Cette aspiration auto-rotique donne lieu linhibition. Bien entendu, la symptomatologie des nvroses et des psychoses dispose dautres moyens pour exprimer une tendance autorotique. Lapparition ici de linhibition plutt que dune autre expression ne peut sexpliquer que du fait que cette inhibition sert de plus dautres tendances inconscientes. Je pense surtout la ngation de la vie. Les degrs marqus dinhibition, la stupeur dpressive, constituent une mort symbolique. Le patient demeure insensible aux influences extrieures les plus vives comme sil nappartenait plus au monde anim. Je souligne que je nai envisag ici que deux causes gnrales de linhibition. Pour chaque cas, lanalyse nous en apprend d'autres en rapport avec des circonstances plus personnelles.Certains aspects particuliers des tats dpressifs deviennent comprhensibles lorsque nous nous rfrons notre exprience psychanalytique habituelle. Je veux parler de lide de ruine. Le patient se plaint dtre rduit, ainsi que sa famille, mourir de faim. Si un dommage financier rel a prcd la maladie, le patient prtend ne pouvoir le surmonter et tre compltement min. Ces cours dides tranges qui envahissent le patient sexpliquent par une identification qui nous est bien connue entre libido et argent, entre puissance sexuelle et pcuniaire. Pour le patient, sa libido a en quelque sorte renonc au monde: tandis que les autres peuvent investir les objets extrieurs, ce capital lui manque. Lide de ruine est issue de la perception refoule de lincapacit aimer.Ces craintes ou les ides dlirantes ayant ce contenu se voient surtout dans les tats dpressifs de linvolution. Pour autant que mon exprience encore limite de ces tats me permette de me prononcer, il sagit de sujets dont la vie amoureuse a toujours t insatisfaisante. Au cours des dcades prcdentes, ils avaient refoul cet tat de choses et avaient eu recours toute sorte de compensations. Le refoulement nest pas la hauteur de la rvolution climatrique. Ces tres se penchent sur leur vie passe perdue, et sentent quil est dsormais trop tard. Ils en sont hrisss au plus haut point; trop faibles pour bannir totalement de telles reprsentations, ils leur accordent de sexprimer sous une forme voile. Sous le couvert du dlire de ruine, elles restent pnibles mais ne sont plus aussi intolrables.Par son aspect extrieur, la phase maniaque de la maladie circulaire semble tre loppos de la phase dpressive. une observation superficielle, la psychose maniaque peut paratre trs joyeuse; si lon renonce un approfondissement grce lanalyse, on peut arriver la conclusion quil y a galement opposition quant au contenu. Mais la psychanalyse permet de reconnatre avec certitude que les deux phases sont issues des mmes complexes et non point de complexes opposs. Ce qui diffre cest la position du malade lgard de ces complexes. En tat dpressif, il se laisse craser et ne voit dautre issue sa misre que la mort8Certains patients soutiennent pouvoir tre guris par la ralisation d'une condition extrieure, irralisable il est vrai.

; en tat maniaque, il enjambe le complexe.La manie survient lorsque le refoulement ne parvient plus endiguer le flot des pulsions refoules. En cas dexcitation maniaque grave, le patient est comme vertigineusement emport par ses pulsions; il faut souligner ici que la libido tant positive que ngative (amour et haine, dsir rotique et hostilit agressive) font galement irruption dans la conscience.Du fait que les deux sortes de mouvements libidinaux parviennent la conscience, le patient est dans un tat qu'il a dj vcu dans sa petite enfance. Alors quau cours de la phase dpressive tout tend la ngation de la vie, la mort, le maniaque recommence la vie. Il revient un stade o les pulsions nont pas succomb au refoulement, o il ne savait encore rien du conflit venir. Il est caractristique que les patients expriment souvent il en fut ainsi dans le cas dcrit le sentiment dtre comme nouvellement ns. La manie recle laccomplissement du dsir:Gib ungebndigt jene TriebeDas tiefe schmerzenvolle GlckDes Hasses Kraft, die Macht der LiebeGib meine Jugend mir zurck9Donne-moi mes instincts sauvages,Le bonheur profond et douloureux,La force de la haine, la puissance de l'amour,Redonne-moi ma jeunesse.

.Lhumeur du maniaque se diffrencie de celle du normal et du dprim tant dans le sens de la gat insouciante et dbride, que dans celui dune irritabilit et dune prtention accrues. Selon le sujet, lune ou lautre modification prdomine; mais ltat de lhumeur varie galement selon les stades de la maladie.La gat maniaque tire son origine des mmes sources que le plaisir du mot d'esprit. Cest pourquoi mon tude est proche de la thorie freudienne du mot desprit10Der Witz und seine Beziehungen zum Unbewussten (Le mot d'esprit et ses relations avec l'inconscient), Vienne, 1905.

.Tandis que le mlancolique se trouve dans un tat gnralis dinhibition, les inhibitions pulsionnelles du sujet normal sont partiellement ou totalement leves lors de la manie. Lconomie dinhibition devient source intarissable de plaisir, alors que le mot desprit napporte quune leve transitoire des inhibitions.Lconomie de lnergie qui maintient les inhibitions nest pas la seule source du plaisir maniaque. Labsence dinhibition donne accs des sources de plaisir anciennes, jusqualors rprimes: cest par l justement que la manie nous dcouvre ses racines infantiles. Une troisime source de plaisir tient au mode maniaque de penser. Labsence de contrainte logique et les jeux des mots, traits essentiels du droulement des reprsentations chez le maniaque donnent lieu une reconstitution des liberts infantiles. linhibition mlancolique du cours de la pense correspond le symptme inverse de la fuite maniaque des ides. Ici le rtrcissement du cercle idique, l le changement rapide des contenus de conscience. La diffrence principale entre la fuite des ides et la pense normale rside en ce que le sujet normal, tandis quil pense ou parle, va consquemment vers le but de lopration intellectuelle, alors que le maniaque perd la reprsentation de ce but11Liepmann: Ueber Ideenflucht (Sur la fuite des ides), Halle, 1904.

. Si nous avons ainsi repr laspect formel de la fuite des ides, nous navons pas vu sa signification pour le maniaque. Insistons sur les possibilits de plaisir que la fuite des ides offre au patient. Nous avons dj dit que labsence de contrainte logique, lintrt pour le son des mots au dtriment de leur sens reprsentent une conomie de travail psychique. Mais en de, la fuite des ides a une double fonction. Elle permet denjamber comme en se jouant les reprsentations qui pourraient tre consciemment pnibles, par exemple, celles de l'insuffisance. lgal du mot desprit, elle favorise laccs un autre cercle de reprsentations. Enfin la fuite des ides permet deffleurer en plaisantant des jouissances habituellement rprimes.Un certain nombre de traits authentifient la ressemblance de la manie avec la psych enfantine. Nous ne citerons quun exemple. Dans les tats dexcitation maniaque lgre, on trouve une sorte de gat insouciante dallure visiblement enfantine. Le psychiatre habitu frayer avec de tels malades remarque que son mode de relation avec eux est semblable celui quil aurait avec un enfant de cinq ans.Le sommet de la manie est comme une ivresse de libert. La composante pulsionnelle sadique est dlivre de ses entraves. Toute retenue disparat en faveur de comportements agressifs sans gards. la moindre occasion, le maniaque ce stade ragit par des accs de rage et de rancune excessifs. Le patient cyclothyme dont nous avons parl tait pouss partir dun certain degr dexaltation se ruer sur celui qui ne lui cdait pas immdiatement le pas dans la rue. Les malades ont le sentiment dune force inhabituelle; ils ne l'valuent pas selon leur rendement rel, mais selon la violence des pulsions devenues inhabituellement perceptibles. Les frquentes ides de grandeur rappellent les vantardises enfantines de sa force, de son savoir.Le cas de cyclothymie que jai plus prcisment dcrit, me pose un problme auquel je nose pas rpondre avec certitude. Il faudrait comprendre pourquoi cest lge de 28 ans que lexaltation maniaque sajouta aux tats dpressifs qui survenaient depuis longtemps dj. Je suspecte quil sagit dune pubert psychosexuelle retarde par rapport la maturation physique. Chez les nvross, nous voyons souvent un tel retard de la vie pulsionnelle. Le patient naurait pas subi un renforcement de sa vie pulsionnelle la pubert, il aurait fait un refoulement fminin et ses pulsions ne se seraient rveilles qu la fin de la troisime dcade de la vie, sous la forme du premier tat maniaque. Effectivement vers cette priode de sa vie, son intrt sexuel a davantage concern le sexe fminin et sest quelque peu dtourn de lauto-rotisme.Venons-en leffet thrapeutique de la psychanalyse.Le cas dont j'ai parl le plus longuement tait suffisamment analys lors de mon rapport Weimar pour que sa structure mappart clairement. Par contre, bien des points de dtail restaient en suspens. Le rsultat thrapeutique fut dabord reconnaissable dans les dbuts; il sest prcis au cours des 2 mois 1 /2 qui suivirent. Il nest bien entendu pas possible davoir une opinion dfinitive; aprs une maladie de vingt ans, dailleurs entrecoupe dintervalles libres de dure variable, une amlioration datant de deux mois a peu de signification. Je rapporterai cependant les rsultats obtenus jusqualors. Pendant cette priode, il ny eut plus dpisode dpressif, le prcdent avait t lger. Aussi, le patient fut-il en mesure de travailler. Dans le mme laps de temps, il y avait eu, deux reprises, des modifications dans le sens maniaque. Elles nchappaient pas lobservation soigneuse, mais restaient trs en de des exaltations prcdentes et nen comportaient pas toutes les manifestations. Dans lintervalle entre les phases maniaques, il ny eut pas dpisode dpressif, mais un tat que, faute de symptmes cyclothymes, on peut appeler normal. Lvolution ultrieure nous renseignera. Remarquons que si nous parvenions seulement maintenir le patient en permanence dans un tat comme celui des deux derniers mois, ce rsultat partiel serait dj trs valable pour lui. Dans le cas de cyclothymie prsent dentre, le temps dobservation fut trop limit pour permettre un jugement sur leffet thrapeutique. La structure de la maladie savra ds le dbut trs proche de celle du cas prcdent.Le troisime cas que jai prsent dmontre de faon probante lefficacit de la psychanalyse, bien que des circonstances extrieures aient entran une interruption au bout dune quarantaine de sances. Ds le dbut du traitement, il fut possible de couper une dpression mlancolique au dbut, ce qui navait jamais pu tre obtenu. Leffet se fit plus durable, sexprimant par une amlioration nette de ltat dhumeur et une augmentation de la capacit au travail. la suite de linterruption de la cure, il ny eut pas de rechute au cours des mois suivants. Remarquons que ce cas montrait lvidence la prdominance de la disposition hostile, le sentiment de lincapacit aimer, larticulation de la dpression et du sentiment dinsuffisance.Les deux cas mentionns de dpression mlancolique initiale ne permirent pas une psychanalyse consquente en raison de difficults extrieures. Leffet fut cependant indubitable. En particulier, llucidation psychanalytique de certains faits et de certains rapports, permit dtablir un contact psychique avec le patient, auquel je ne parvenais pas prcdemment. La constitution du transfert est rendue trs difficile chez ces patients qui se dtournent de tous. Cest pourquoi la psychanalyse qui, seule ma permis de dpasser cette difficult, mapparat comme la seule thrapie rationnelle des psychoses maniaco-dpressives.Le sixime cas dont jai parl plus haut justifie amplement cette conception, particulirement parce que le traitement put tre termin. la fin, ce fut un trs beau rsultat. Le patient arriva chez moi aprs un an un quart de traitement; le sjour dans diffrents sanatoriums navait eu que des effets palliatifs en influenant favorablement certaines manifestations morbides.Quelques semaines aprs le dbut de lanalyse, le patient se sentit soulag par intermittence. Au bout de quatre semaines, la dpression grave se rduisit: le patient exprimait quil avait parfois un sentiment despoir comme sil allait tre nouveau apte travailler. Il parvint un certain degr de reconnaissance de son tat: Je suis si goste que je prends mon destin pour plus tragique. Au cours du troisime mois du traitement, il tait plus libre, linhibition ne marquait plus chacune de ses manifestations. Pendant des journes ou des demi-journes il se sentait bien et formait des projets davenir. propos de son tat dhumeur, il dit un jour: Lorsquil est bon, je suis insouciant et satisfait comme jamais encore. Au cours du quatrime mois, il expliqua quil ntait plus question de la dpression proprement dite. Au cours du cinquime mois, les sances ntaient alors plus quotidiennes, certaines variations de son tat pouvaient tre observes, mais la tendance lamlioration tait indubitable. Au sixime mois, le patient put quitter le traitement; lamlioration de sa faon dtre frappait son entourage. Depuis, six mois se sont couls sans rechute.Du point de vue du diagnostic, il sagit srement dune psychose dpressive et non dune nvrose de la priode climatrique. Je ne suis malheureusement pas en mesure de publier les dtails du cas; ils sont si particuliers quils enfreindraient lincognito du patient. Dautres gards mobligent une discrtion particulire et regrettable pourtant dans lintrt de la science. Je dois mattendre une objection en ce qui concerne la thrapeutique. On pourrait avoir limpression que jai abord un cas de mlancolie au moment mme o il entrait en convalescence, et qui aurait guri sans mon intervention. Ce qui amnerait penser que la psychanalyse na pas du tout la valeur curative que je lui confre. cet gard, je souligne que jai toujours t proccup de me garantir dune telle illusion. Lorsque jentrepris le traitement, javais affaire un malade inaccessible, bris par sa maladie. Jtais trs sceptique sur le rsultat du traitement. Je fus dautant plus tonn lorsque, ayant surmont des rsistances considrables, je pus lucider certaines ides du patient et observer leffet de ce travail. La rsolution de certains refoulements prcda immdiatement la premire amlioration et celles qui suivirent. Pendant le droulement de lanalyse je pus observer clairement que le mieux-tre suivait les progrs de lanalyse.En relatant les rsultats scientifiques et pratiques de mes psychanalyses de psychoses maniaques et dpressives, je suis parfaitement conscient de leur inachvement. Je le souligne moi-mme, je nai pas pu illustrer ma conception autant que je laurais voulu par un compte rendu complet des cas analyss. Jen ai dj mentionn les raisons pour lun deux. Pour trois autres cas instructifs, les devoirs de la discrtion minterdisent galement la communication des dtails. Une critique comprhensive ne men fera pas un reproche. Ceux que la psychanalyse intresse vraiment remplaceront les lacunes de ma publication par linvestigation dun matriel personnel.Bien entendu, je souligne que ces investigations venir sont ncessaires. Certaines questions nont pas t abordes ou nont t queffleures. Je rappelle surtout que nous avons pu apprcier en quoi la psychogense de la nvrose obsessionnelle et de la psychose circulaire concidaient; mais nous navons pas discern les raisons qui font qu partir de l, lun des groupes de sujets emprunte le premier, lautre, le second chemin.Jajouterai une prcision dordre thrapeutique. Chez les malades prsentant des intervalles libres prolongs entre leurs accs maniaques et dpressifs, il devrait tre favorable dentreprendre la psychanalyse pendant ces priodes. Lavantage est vident. Il nest pas possible de pratiquer lanalyse avec des mlancoliques trs inhibs, avec des maniaques inattentifs.Si nos rsultats actuels restent imparfaits et lacunaires, il nen demeure pas moins que la psychanalyse seule nous dcouvre la structure cache dun groupe important daffections psychiques. De plus, les premires expriences thrapeutiques nous permettent de penser quil sera rserv la psychanalyse de dlivrer la psychiatrie du poids du nihilisme thrapeutique.