Deuil Des Soignants

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Deuil de soignants : une souffrance à penser Extrait du site de la Fondation OEuvre de la Croix Saint-Simon http://www.croix-saint-simon.org Deuil de soignants : une souffrance à penser - Formation et Recherche - Centre De Ressources National soins palliatifs François-Xavier Bagnoud - Information et Documentation - Produits documentaires - Synthèses documentaires - Copyright © Fondation OEuvre de la Croix Saint-Simon Tous droits réservés Copyright © Fondation OEuvre de la Croix Saint-Simon 1/5

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« Tous les accompagnants vivent un deuil et ne peuvent échapper à  la nécessité du travail de deuil, ce sont lesdeuils des accompagnants » M Hanus (1998) Introduction Mort et deuil : un rapport ambigu Confrontés de manière récurrente à  la mort des patients, les soignants souffrent (Goldenberg, E., (1998)). Ilspeuvent souffrir de la séparation, il s'agit là  de la douleur du deuil. Ils peuvent également être touchés des effets dela mort. En effet comme l'indique Freud (1917), notre rapport à  la mort manque de franchise : « A nous entendre,nous étions naturellement prêts à  soutenir que la mort est l'issue nécessaire de toute vie, que chacun d'entre nousest en dette d'une mort envers la nature et doit être préparé à  payer cette dette, bref que la mort est naturelle,inéluctable et inévitable. En réalité nous avions coutume de nous comporter comme s'il en était autrement. Nousavons manifesté la tendance évidente à  mettre la mort de côté. Nous avons tenté de la tuer par notre silence,... nepossédons-nous pas le proverbe : on pense à  cela comme à  la mort ? Comme à  sa propre mort bien sûr. C'est quela mort-propre est irreprésentable et aussi souvent que nous en faisons la tentative, nous pouvons remarquer qu'à vrai dire nous continuons à  être là  en tant que spectateur,... personne au fond ne croit à  sa propre mort ou, ce quirevient au même : dans l'inconscient chacun de nous est convaincu de son immortalité ». Nombreux sont les écrits qui traitent de la souffrance des soignants. Cette synthèse a pour objet de cerner celle spécifique au(x) deuil(s) à  faire, à  vivre pour des soignants qui sontauprès de personnes qui vont mourir et/ou qui viennent de mourir. Nous verrons qu'il peut être pertinent de penser le deuil comme général et singulier mais également comme celui dela souffrance de la séparation et/ou comme celle de la perte d'un idéal. Il n'y a donc pas un deuil mais des deuils. Des facteurs qui majorent la difficulté à  vivre la mort d'un patient sont identifiés, pour autant le(s) deuil(s)dessoignants restent peu voire pas reconnus et acceptés. Or il y aurait des bénéfices à  ne pas/plus les dénier.Si penser le deuil des soignants devient possible comment peut-on « panser » la douleur qui l'accompagne ? I.Le deuil, les deuils : des souffrances à  penser comme fréquentes, singulières, plurielles 1.Le deuil comme tristesse liée à  la séparation : Le sentiment de tristesse lié à  la séparation voire celui de la souffrance est très proportionnel à  l'intensité des liensaffectifs créés lors de l'accompagnement.Autrement dit toute mort n'entraà®ne pas ipso facto un deuil : il faut pour ce faire que l'être perdu ait de l'importancepour celui ou ceux qui le perdent et qu'ils aient les uns et les autres des liens d'attachement serrés. L'essentiel dudeuil est bien dans l'attachement et la perte (Tripiana, J., Lei, J., (1995)). L'accompagnement de personnes en fin devie, a fortiori des enfants, peut engendrer un investissement affectif intense et par conséquent une grande tristesselors de leur mort (Lachambre, V., Marquenet, C., (2008)). 2.Le deuil des soignants : points communs et différences entre infirmiers, aides-soignants et médecins : Le deuil est un processus que l'on considère souvent chez les familles et les amis des défunts. Mais qu'en est-il despersonnes qui y sont confrontées dans leurs professions, sans pour autant bénéficier d'un statut de proche ? Lesinfirmiers, les aides-soignants, les médecins vivent-ils des deuils similaires ? Si tous les soignants sont susceptiblesd'être en deuil après le décès d'un patient, leurs fonctions, leurs soins engendrent des liens particuliers et parconséquent des deuils à  la fois comparables et différents. Pour le médecin, faire le deuil réside notamment dans lareconnaissance de son impuissance. Sa durée et son intensité seront au prorata de l'investissement mis dans laguérison (Herman, B., (1998)). G Lemaignan (1999) postule, elle aussi, des particularités dans la gestion des deuilsdes médecins, la culpabilité pouvant être très importante vu le degré des responsabilités qui incombe à  cesprofessionnels. Le deuil des infirmiers et des aides-soignants pourrait être plus proche de celui de l'entourage, la

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relation affective au patient, faite de proximité, étant parfois importante (Herman, B., (1998)), (Stryckmans, C.,(2005)). 3.Le deuil comme perte d'un idéal, celui de la guérison : Lorsque les soins curatifs deviennent inefficaces et qu'il faut changer l'objectif des soins, l'idéal de la guérison doitêtre abandonné. Ce n'est pas chose facile. C'est également un deuil (Poliart, H. ( 1998)). Cela peut être vécu commeun échec (Lachambre, V., Marquenet, C., (2008)). II.Qu'est ce qui peut amplifier la difficulté à  « faire avec » la mort d'un patient ? Si toutes les morts de patients n'entrainent pas une souffrance des soignants, plusieurs facteurs rentrent en jeu pourvenir parfois engendrer une réelle difficulté. 1.La première rencontre avec la mort La première confrontation avec la mort d'un patient laisse des souvenirs importants et durables (Tripiana, J., Lei, J.,(1995)). Sur le plan émotionnel des difficultés sont rencontrées : angoisse, impuissance, tristesse. 2.La brutalité Un autre facteur rendant le deuil plus difficile est la brutalité du décès (Lemaignan G. (1999)). Qu'il s'agisse d'unemort inattendue, d'une mort violente (accident de la route, etc.), d'une mort par suicide, l'absence de possibilitéd'anticipation vient bousculer plus ou moins profondément les soignants. 3.L'âge de la personne En général, les décès de patients jeunes marquent plus. Ceci étant tout âge quel qu'il soit peut renvoyer à  l'histoirepersonnelle des soignants et par la même toucher plus ou moins fortement (Lemaignan G. (1999)). 4.Le sentiment d'avoir mal fait son travail : la culpabilité La question de la compétence et de la culpabilité qui en découle est une des sources de souffrance majeure dans ledeuil. Ai-je fait tout ce qui était possible ? N'ai-je pas été inefficace à  soulager la douleur là  o๠d'autres l'auraientété ? (Lemaignan G. (1999)). 5.L'identification Se reconnaitre inconsciemment dans la personne malade et/ou dans l'un des membres de l'entourage va égalementcompliquer le processus de deuil (Lemaignan G. (1999)). 6.Le cumul Etre confronté régulièrement et fréquemment à  la mort est aussi repéré comme cause de souffrance psychique(Goldenberg, E., (1998)), (Baussant M., Bercovitz A. (2008)). III.Le deuil : encore faut-il oser y penser et en parler Goldenberg citant Millerd parle des soignants comme des « survivants de deuils multiples » (Goldenberg, E., (1998)),pour autant il apparait que la souffrance du deuil est peu dite par les médecins (Lemaignan G. (1999)), mais aussipar les soignants infirmiers et/ou aides-soignants (Poliart, H. (1998)). La crainte du jugement social en général

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(Kaplan, LJ . , (2000)) : il n'est pas socialement correct d'être triste et du jugement de ses confrères et consÅ“urs enparticulier : « vais-je paraitre fragile, pas assez forte, pas assez maà®tre de mes émotions... dans un métier quidemande contrôle de soi et maitrise » (Poliart, H.) rend difficile la possibilité d'exprimer voire de reconnaitre pour soicette potentielle souffrance. IV.Les bienfaits de cette reconnaissance : diminuer l'épuisement professionnel Pouvoir reconnaitre pour soi la souffrance du deuil aurait des bénéfices positifs non négligeables. Notamment cetteprise en compte et l'expression de ce qui est vécu, permettraient de diminuer de manière très importante« l'épuisement professionnel » (Lachambre, V., Marquenet, C., (2008)), les pratiques et le gout du travail seraientretrouvées et améliorées (Kaplan, LJ ., (2000)). V.Comment peut-on « mieux » se séparer ? Penser (à ) cette souffrance spécifique c'est se donner les moyens de la panser. 1.Avant le décès : les conditions de l'accompagnement Selon les conditions dans lesquelles les accompagnements de fin de vie ont lieu, ils peuvent avoir des répercussionssur la façon dont les soignants vivent la séparation et le deuil (Baussant M., Bercovitz A. (2008)), (Foulon M.,(2000)).- Le travail en interdisciplinarité, en binôme, le soutien des cadres de santé (Foulon M., (2000)) ainsi que celui descollègues, le recours à  des ressources internes et/ou externes susceptibles d'apporter des réponses spécifiques ouun soutien psychologique dans les situations complexes peuvent permettre un accompagnement plus serein(Baussant M., Bercovitz A. (2008)).- L'organisation du service et du travail avec des espaces et des temps prévus pour parler de la mort à  venir, dessoins spécifiques à  faire aident à  mieux vivre les situations de fin de vie et la séparation. (Baussant M., Bercovitz A.(2008)).- Le sentiment d'avoir été utile, d'avoir pu faire son travail correctement permet de se séparer plus facilement (Jenny,P., (2007)).- Enfin, même si toutes les morts ne sont pas douloureuses, l'acceptation de la mort serait facilitée par l'absence desouffrance physique (Jenny, P., (2007)). 2.Lors du décès : les rituels Pouvoir dire « au revoir » via des rituels apparait important. Des services de célébration ont été créés dans certainsétablissements (Harpwood B., Unwin M., (2009)). De plus, la possibilité de faire la toilette mortuaire, pour lessoignants jusque là  impliqués dans les soins, apparait comme un moment clef (Tripiana, J., Lei, J., (1995)). C'estune façon de clore la relation en ayant le sentiment « d'aller jusqu'au bout » des soins. Cela permet, aussi, d'avoir untemps pour réaliser ce qui a eu lieu : la mort de la personne ((Baussant M., Bercovitz A. (2008)). 3.Après le décès : Pouvoir parler, de ce qui a été vécu pendant la prise en soins, lors de l'aggravation puis au moment du décès esttrès aidant pour « panser » la douleur du deuil (Baussant M., Bercovitz A. (2008)), (Lemaignan G. (1999)), (Kaplan,LJ ., (2000)). Par ailleurs, les formations, les réflexions théoriques et éthiques aident au travail de deuil (Baussant M., Bercovitz A.(2008)), (Lemaignan G. (1999)), (Tripiana, J., Lei, J., (1995)). Conclusion :

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Penser que des soignants peuvent être en deuil permet à  ceux-ci et à  leur « hiérarchie » de panser la souffrancequi l'accompagne. Autrement dit : penser et panser les difficultés que la mort et les deuils engendrent revient à prendre soin des soignants. Des moyens sont d'ores et déjà  mis en Å“uvre, repérés, dans certains lieux de soins :travail en équipe et en interdisciplinarité, temps pour parler de la mort à  venir et de celle qui est advenue, possibilitéde se former, etc. Peut être y en aurait-il d'autres à  inventer ? Marielle Maubon, psychologue clinicienneCDRN FXB, Centre De Ressources National soins palliatifs François-Xavier-BagnoudHAD CSS, Hospitalisation A Domicile Croix-Saint-SimonAvril 2011 Références bibliographiques 1)Baussant M., Bercovitz, A., (2008), Accompagner le deuil : des repères pour les soignants. 2)Foulon M., (2000) Le cadre face aux rites de passages des soignants. Recherche en soins infirmiers, 63,52-72. 3)Freud S., (1917) Deuil et mélancolie, OEuvres complètes, tome XIII, PUF, Paris, 1998. 4)Goldenberg, E., (1998), Comment aider des soignants en souffrance ? Soins infirmiers, 5, p. 11-15. 5)Hanus, M., (1998), Les deuils des accompagnants, Congrès de Vivre son deuil, 28p. 6)Harpwood B., Unwin M., (2009), End of life care, 3, 2, p. 52-55. 7)Herman, B., (1998), Les deuils des accompagnants, Congrès de Vivre son deuil, p13-15. 8)Jenny, P., (2007) La gestion du deuil des soignants confrontés quotidiennement à  la mort : recherchedans une unité de soins palliatifs, Info Kara revue francophone de soins palliatifs, 22, 1, p3-11. 9)Kaplan, LJ ., (2000) Toward a model caregiver grief : nurses' experiences of treating dying children,Omega : journal of death and dying, 41,3, p.187-206. 10)La chambre, V., Marquenet, C., (2008), Le travail de deuil du soignant en oncologie pédiatrique, 50p. 11)Lemaignan G. (1999), Le deuil des médecins. Etudes sur la mort thanatologie, 116, p. 33-49. 12)Poliart, H. (1998), Le deuil des soignants, Ethica Clinica, 9, p. 29-30. 13)Stryckmans, C., (2005), Quand les parents et les soignants pleurent ensemble le décès d'un enfant, EthicaClinica, 38, p. 7-9. 14)Tripiana, J., Lei, J., (1995) , Les soignants face à  la mort, Soins infirmiers, 6, p. 8-14.

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