Denis LANGLOIS la cordelette Dyneema Cordelette...2 À propos de la cordelette Dyneema - Spelunca...

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À propos de la cordelette Dyneema - Spelunca 101 - 2006 1 1. Pour chaque test, cinq essais sont effectués. Si… on prend pour résultat la valeur moyenne des cinq essais. Que veut-on prouver et que peut-on prouver ? Pour évaluer correctement une probabilité en 1/N il faut >> N tests. Pourquoi écarter les cas où l’écart type dépasse 10 % ? 2. La cordelette Dyneema supporte-t-elle les chocs ? L’article fait référence à un amar- rage doublé par une cordelette Dyneema non tendue et à un spéléo- logue utilisant son descendeur, avec clef, juste contre le nœud d’amarrage. Le fait qu’il y ait un blocage sur le descendeur et que la cordelette Dyneema ne soit pas tendue, consti- tue déjà deux situations anormales, l’une du point de vue de la progres- sion, l’autre du point de vue de l’équi- pement. En effet, les règles techniques définies par l’EFS déconseillent de réaliser une clef sur son descendeur pour passer un fractionnement ou lors de l’approche de la tête de puits (Manuel technique de l’EFS §2.3.3.5 : Cette technique (la clef À propos de la cordelette Dyneema Denis LANGLOIS La cordelette Dyneema™ (diamètre 5 mm) est utilisée depuis plus d’une dizaine d’années en spéléologie. Elle a été créée au départ par la société Béal pour répondre au cahier des charges des pédales proposées au catalogue de la société Petzl. De par son utilisation, elle n’est soumise à aucun contrôle qualité. Néanmoins, c’est un outil extraordinaire pour notre activité. En raison de ses qualités nouvelles, elle participe grandement à l’essor des techniques légères et à la sécurité de l’équipement des cavités verticales. Les caractéristiques connues de cette cordelette peuvent s’énumérer ainsi : • résistance nominale de 1200 daN (sans nœud), • très statique, ne supporte pas les facteurs de chute, • résiste bien au frottement, • fabriquée sans certification officielle analogue aux cordes de différents types, mais par un grand cordiste et une société renommée. À partir de ces quelques paramètres, des spéléologues ont défini les règles d’utilisation de cette cordelette à des fins d’équipement des cavités. En 1999, mon mémoire d’instructeur sur les techniques légères présentait les différentes façons d’utiliser la cordelette Dyneema. Depuis, chaque année, plusieurs stages de l’Ecole française de spéléologie enseignent ces techniques. Un article est paru dans le Spelunca n°97 p. 36-40 « La cordelette Dyneema et son utilisation en spéléologie ». Je ne me permettrai en aucun cas de remettre en cause les mesures effectuées par les auteurs, selon une procédure en principe scientifique et donc reproductible. Par contre, après une lecture attentive, je suis en désaccord avec les dogmes techniques qui en sont issus et les principes pédagogiques selon lesquels ils sont présentés. La critique qui suit comporte deux volets : concernant l’aspect technique, j’exposerai mon analyse et mes commentaires en suivant le plan de l’article original, partie par partie, afin de s’y retrouver. La synthèse de l’ensemble permettra ensuite de développer des commentaires de nature pédagogique. Maud à l’équipement du puits d’entrée de Viazac (Lot) doublement de l’amarrage par une cordelette dyneema tendue (nœud coulant dans la plaquette supérieure et nœud de cabestan sur le mousqueton où est amarrée la corde).

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1. Pour chaque test, cinq essais sonteffectués. Si… on prend pour résultatla valeur moyenne des cinq essais.Que veut-on prouver et que peut-onprouver ? Pour évaluer correctementune probabilité en 1/N il faut >> Ntests. Pourquoi écar ter les cas oùl’écart type dépasse 10 %?

2. La cordelette Dyneemasupporte-t-elle les chocs ?

L’article fait référence à un amar-rage doublé par une cordeletteDyneema non tendue et à un spéléo-logue utilisant son descendeur, avecclef, juste contre le nœud d’amarrage.

Le fait qu’il y ait un blocage sur ledescendeur et que la cordeletteDyneema ne soit pas tendue, consti-tue déjà deux situations anormales,l’une du point de vue de la progres-sion, l’autre du point de vue de l’équi-pement.En ef fet, les règles techniquesdéfinies par l’EFS déconseillent deréaliser une clef sur son descendeurpour passer un fractionnementou lors de l’approche de la tête depuits (Manuel technique de l’EFS§2.3.3.5 : Cette technique (la clef

À propos de la cordelette Dyneema

Denis LANGLOIS

La cordelette Dyneema™ (diamètre5 mm) est utilisée depuis plus d’unedizaine d’années en spéléologie. Ellea été créée au départ par la sociétéBéal pour répondre au cahier descharges des pédales proposées aucatalogue de la société Petzl.De par son utilisation, elle n’estsoumise à aucun contrôle qualité.Néanmoins, c’est un outilextraordinaire pour notre activité. En raison de ses qualités nouvelles,elle participe grandement à l’essordes techniques légères et à lasécurité de l’équipement des cavitésverticales.Les caractéristiques connues decette cordelette peuvent s’énumérerainsi :• résistance nominale de 1200 daN(sans nœud),

• très statique, ne supporte pas lesfacteurs de chute,

• résiste bien au frottement,• fabriquée sans certificationofficielle analogue aux cordes dedifférents types, mais par un grandcordiste et une société renommée.

À partir de ces quelques paramètres,des spéléologues ont défini lesrègles d’utilisation de cettecordelette à des fins d’équipementdes cavités.En 1999, mon mémoire d’instructeursur les techniques légères présentaitles différentes façons d’utiliser lacordelette Dyneema. Depuis, chaqueannée, plusieurs stages de l’Ecolefrançaise de spéléologie enseignentces techniques.Un article est paru dans le Speluncan°97 p. 36-40 « La cordelette

Dyneema et son utilisation enspéléologie ».Je ne me permettrai en aucun casde remettre en cause les mesureseffectuées par les auteurs,selon une procédure en principescientifique et donc reproductible.Par contre, après une lectureattentive, je suis en désaccord avecles dogmes techniques qui en sontissus et les principes pédagogiquesselon lesquels ils sont présentés.La critique qui suit comportedeux volets : concernant l’aspecttechnique, j’exposerai mon analyseet mes commentaires en suivant leplan de l’article original, partie parpartie, afin de s’y retrouver.La synthèse de l’ensemble permettraensuite de développer descommentaires de naturepédagogique.

Maud à l’équipement du puits d’entrée deViazac (Lot) doublement de l’amarrage par unecordelette dyneema tendue (nœud coulant dansla plaquette supérieure et nœud de cabestansur le mousqueton où est amarrée la corde).

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d’arrêt – NDLR –) ne doit pas êtreutilisée pour s’assurer lors dupassage d’un fractionnement ou del’équipement d’une main courante,car en cas de chute il y a risque dedéformation ou de rupture dudescendeur). Elles déconseillentégalement avec des sangles, de lacorde, ou autre chose, de réaliserdes mous générateurs de choc encas de rupture (Spelunca n°62 dejuin 1996, « Le double amarrage enquestion ») Qui connaît les règlesde base de l’équipement édictéesnotamment par l’EFS devrait avoirle niveau de réflexion pour réaliserqu’une cordelette Dyneema (ou autrechose) détendue est dangereuse,donc ne pas lui confier sa vie.Admettons que ces règles soientenfreintes : s’il s’agit d’un fraction-nement, il a été mis en place pour sepositionner dans une section confor-table de la galerie ou se protéger dequelque chose à venir : si cela frot-tait plus haut, était dangereux plushaut, ce fractionnement aurait étépositionné avant. Donc, si le ou lesamarrages qui le constituent cassentquand on est juste en dessous, onse retrouvera simplement suspenduà la corde sans avoir d’autreproblème. Plus bas sur la corde,comme indiqué dans l’article, il n’ya aucun problème car il y aura

absence de force choc susceptiblede casser la cordelette Dyneema.

Effectivement la cordeletteDyneema ne supporte pas les chocs,cette donnée est connue depuis plusde dix ans ! Cette contrainte a toujoursété respectée en préconisant l’emploide la cordelette Dyneema pour réali-ser ou doubler un amarrage en brinsimple tendu (Cahier de l’EFS « Lestechniques légères »).

3. Comment tendre l’anneau de cordelette pour doubler un amarrage ?

L’article suppose toujours, implici-tement, qu’une cordelette Dyneemadouble un amarrage d’une autrenature. Or il existe plein d’autresfaçons de réaliser un amarrage quisoit doublé. Parmi ces façons, il enexiste dif férentes qui font que lacordelette utilisée est automatique-ment tendue, par exemple si lacordelette est utilisée pour « rallon-ger » une des ganses d’un nœudd’amarrage double correctementréglé ou si la cordelette est tenduede part et d’autre du puits et que lacorde soit reliée à cette cordelettepar un mousqueton positionné sur lacordelette via un cabestan. Dans lessituations de ce type, c’est desurcroît un moyen d’exploiter labonne résistance au frottement de lacordelette Dyneema si l’un des côtésvenait à lâcher.Si malgré tout la seule solution estde doubler un amarrage classique

(spit, plaquette, mousqueton) parune cordelette Dyneema, pourquoine pas utiliser de nœuds plus faci-lement réglables, à savoir prendre aulasso la plaquette du haut et réaliserun nœud de cabestan sur le mous-queton du bas (voir figure n° 1 del’ar ticle) ? La cordelette Dyneemaserait dans ce cas en brin simple, onpeut alors envisager d’en mettre uneseconde ou de rattacher le brin librede la cordelette via un nœud dechaise autour de la plaquette supé-rieure. Bref, il existe moult moyensde doubler une cordelette en utilisantdes nœuds plus faciles à faire et àdéfaire et sur tout en doublantcomplètement la Dyneema, c’est-à-dire en ayant deux brins indépen-dants et non un anneau. Cesméthodes sont-elles à proscrire et sioui pour quelle raison? La lecture del’article n’éclaire malheureusementpas sur ce sujet, c’est d’autant plusdommageable que dif férentsgroupes de spéléologues utilisentfréquemment les méthodes citées.

4. Peut-on utiliser la Dyneema enbrin simple ?

Le fait que la résistance d’un brinsimple de cordelette Dyneema nedépasse pas 500 daN ne poseproblème que si c’est ce qui limite larésistance de l’équipement. Certainsspits ont une résistance faible (0 à400 daN) et non vérifiable lors deleur utilisation, c’est entre autrespour cela qu’il faut doubler les amar-rages, conformément aux règles del’EFS.C’est la rupture d’un fractionnementnon doublé qui peut entraîner uneimpor tante force choc, voisine de470 daN. Lorsque les fractionne-ments sont correctement doublés, ilne peut y avoir de force choc géné-rée.Admettons, toujours en enfreignantles règles techniques édictées parl’EFS, que l’on tolère un fractionne-ment non doublé, suffisamment prèsd’un autre fractionnement ou tête depuits et que ce fractionnement lâche.Pour tomber, il faut que la cordeletteDyneema et l’autre amarrage (voireles autres amarrages) situés plushaut lâchent. Soit au moins troisamarrages qui lâchent en mêmetemps. Cela est très peu probable,si ça l’était cela signifierait qu’il fautquadrupler et non seulement doubler

La dyneema évite le frottement de la corde etdouble ce fractionnement(nœud coulant sur laplaquette de gauche, nœudde chaise sur celle de droite, cabestan au centre).

La dyneema est utilisée icipour éviter que l’une des2 boucles du nœud d’amarrage double frottecontre la paroi.

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les amarrages qui doivent être redon-dants. Or ce n’est pas ce que montrel’analyse statistique de tous les diffé-rents retours d’expérience connus.On ne le fait pas non plus en spéléo-secours où un répartiteur sur troispoints est jugé suffisant pour uncontrepoids qui doit suppor terpar fois une charge triple du poidsd’un homme.Il peut y avoir aussi rupture d’amar-rage à la remontée, le facteur limi-tant devient la déchirure de la gainede la corde par le Croll (400 daN).

5. Peut-on utiliser la cordeletteDyneema en anneau fermé ?

Le problème n’est pas qu’un nœudde fermeture glisse, c’est qu’il glissesuffisamment pour que les brinss’échappent s’il y a une rupture dece qu’il double. Un nœud de tisse-rand simple, un nœud de chaisesimple, non contre assurés, maisavec suffisamment de longueur decorde sortant du nœud, sont doncsûrs. Leur avantage est d’être plusaisé à faire et à défaire.Normalement, des amarragestendus ne sont générateurs d’aucuneforce choc s’il y a une défaillancequelque part, cela diminue beaucouples possibilités de glissement denœud.Les problèmes liés à l’utilisation d’unanneau fermé sont liés à cette topo-logie (utilisation de deux fois plus dematière, difficulté de précision dansle réglage, la rupture en un point del’anneau est fatale à l’anneau) etnous rappellent les difficultés d’em-ploi des sangles. C’est justementpourquoi l’avènement de la Dyneemaet son utilisation en brin simple ontmétamorphosé la facilité et la simpli-

cité de l’équipement et par consé-quent le gain en terme de sécurité.

6. Peut-on confectionner les anneaux de corde au préalableet les laisser fermés à demeure ?

La réalisation d’opération sous terreest consommatrice de temps etd’énergie. Alors qu’aujourd’hui onessaie de préparer un maximum dechoses « à l’extérieur » pour gagnerdu temps sous terre au profit d’ex-ploration plus longue, le fait de faireou défaire des nœuds, des contrenœuds, des nœuds de butée mesemble aller à l’encontre de toutel’évolution actuelle en matière despéléologie sportive et/ou d’explo-ration.De même, il est inutilement consom-mateur de ressource que d’enfilerune cordelette dans un trou puis derefermer l’anneau. En effet, il faudraréaliser à l’équipement un nœudpour fermer l’anneau et au déséqui-pement la fonction inverse devra êtreaussi réalisée avec plus de labeurcar le nœud se sera alors serré !La perte de rapidité et de confort estelle-même génératrice de danger,songer par exemple au déséquipe-ment d’un puits arrosé. Si deuxchoses sont dangereuses, il convientparfois de choisir la moindre.

7. Peut-on réaliser une déviation en brin simple ?

Si c’est l’endroit où l’on attachela déviation et non son matériau, qui estle facteur limitant (amarrage naturel parexemple) il peut être dangereux de nepas doubler une déviation.

S’il s’agit d’une déviation largable,le problème peut devenir la fusion de lacordelette Dyneema.

La dyneema comme déviation, la concrétion est priseau lasso, un nœud de cabestan permet de réglerprécisément la longueur de la déviation.

L’amarrage est doublé grâce à un long bout dedyneema qui va permettre d’utiliser une concrétionbien au-dessus. Cette technique permet d’éviter lesfrottements de la corde, d’économiser celle-ci tout en doublant l’amarrage.

Il me semble que l’on oublie de trai-ter le cas d’un amarrage initial (débutde main courante) où il y a duDyneema. En l’absence de donnéesstatistiques suffisantes (moins de1 000 000 minimum) rien ne garan-tit un taux de rupture de Dyneemasous charge courante au moinsaussi faible que celui d’une cordespéléo, la Dyneema en amarrageinitial devrait donc, soit être prohi-bée, soit être intégralement doublée(= utilisée seulement comme maté-

riau à frotter) par autre chose. Ceque n’indique pas l’article.Il devrait être tenu compte de l’ha-bileté des spéléologues à progres-ser sur les agrès, une résistance de400 daN en brin simple est alorslargement suffisante surtout avec unéquipement habilement posé pardes gens qui savent qu’il faut éviterau maximum tout choc. Répétons-nous : si ces spéléologues sontmalhabiles, ils auront bien d’autressoucis que le seul Dyneema.

La vraie problématique intéressanteen spéléologie comme pour toutepratique effectuée par un être vivantdoué de conscience est l’analyse durisque : jusqu’à quelle probabilité demourir acceptons-nous d’être soumislors de la pratique de notre activité ?L’article n’aborde en aucune façoncet aspect des choses. Le pourrait-il de toutes les façons avec unnombre réduit d’essais ?L’article se centre uniquement sur larésistance à la rupture. Cette résis-

Conclusion

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tance, si elle n’est pas aussi élevéeque celle d’une corde, dépasse large-ment le poids d’un homme et larésistance de certains spits et autresamarrages naturels couramment utili-sés. Je suis très étonné de ne voiraucune approche statistique étantdonné que l’un des auteurs de l’ar-ticle (Judicaël Arnaud) a lancé,notamment par le biais de la « Listespéléo » il y a déjà très longtemps,un questionnaire sur la Dyneema eta dû sûrement recevoir des réponses(la mienne au moins). Il serait inté-ressant de se pencher sur des statis-tiques en utilisation réelle sous terre(c’est-à-dire en spéléologie) avant dese pencher sur des essais artificiels(élasticité des amarrages, vitesse detraction, etc.) en atelier. En effet, lestechniques évoluent car le spéléo-logue est curieux. Tous nouveauxobjets éveillent ses sens, il aime àdétourner l’utilisation première d’unmatériel (Dyneema, anneau Kong,LED, etc.) au profit de sa pratique, età partir de la fiche technique de ceproduit qui possède des caractéris-tiques que l’on pense acceptable,le spéléologue définit une méthodo-logie d’emploi, puis il le testeraprogressivement sur le terrain pouraffiner l’utilisation.Pour information tout à fait anecdo-tique, en matière de tables de plon-gée subaquatique, on n’effectue plusd’essais réels depuis les années 60,l’analyse statistique des retours d’ex-périence étant plus performante endessous d’un cer tain niveau derisque à cer tifier. En effet, il n’estpas possible d’utiliser des« cobayes » humains, et des essais

sur d’autres animaux (truie parexemple) ne correspondent pas toutà fait aux spécificités du corpshumain. De la même façon, un chocréalisé avec une gueuse sur unportique ne correspond pas tout àfait au compor tement du corpshumain subissant un choc sur spitsouterrain ; cela ne permet pas decerner plus que des grandes limites.Aucun progrès en spéléologie n’estpossible si on ne se pose aucunequestion quant aux limites des tech-niques et à la possibilité de lesdépasser (comme remplacer deséchelles par des cordes). Enfin, nousavons rarement observé une gueusepratiquer la spéléologie !En minorant volontairement lesdonnées : les spéléologues duVercors, de l’Ariège (le plus beaupays spéléo) totalisent plus d’unmillion d’engagements de Dyneemaen brin simple et avec nœud en fixe(dix ans d’utilisation, 16 groupes de4 spéléologues par course qui font20 courses par an, 40 amarrages parcourse). Au sein de notre club, noustotalisons plus de 40000 engage-ments de Dyneema. Et il n’est jamaisrien arrivé de grave. Toutes les corde-lettes employées en simple pourdoubler des spits ont résisté à larupture des spits. La seule rupturede la gaine d’une Dyneema consta-tée a eu lieu lors d’une manifestationoù la Dyneema servait d’amarrageprincipal d’une tyrolienne qui a vupasser un public important tout aulong du week-end. La Dyneema étaiten simple autour d’un pilier en bétonbrut de section rectangulaire. Le frot-tement sur l’angle a eu raison de lagaine au bout des deux jours d’acti-vité ; et seulement de la gaine, ilrestait encore l’âme.Cela devrait permettre de certifier untaux de fiabilité de 1/1000, ce quireste faible même si encore supé-rieur au 1/100000 que nous avonsplus ou moins consciemment choisiet qui correspond aussi au taux derisque lors des voyages routiers. Cetaux de 1/1000 est plus faible quela fiabilité d’un spit (1/100 environ)et devrait parfaitement rassurer lors-qu’un amarrage sur spit est doublépar une Dyneema : c’est ce sur quoiest attachée la cordelette qui peutinquiéter, pas la cordelette Dyneemaelle-même.

Pour en terminer avec les statis-tiques : s’il y a un optimum enmatière de prévention et si cet articlese veut traiter de prévention. On peutcroire que s’adresser au plus grandnombre de pratiquants, donc ensimplifiant à outrance les raisonne-ments et en les rendant dogma-tiques, permette la meilleureprévention possible. Or cela présup-pose que chaque personne a un tauxde pratique égal à celui des autres.Mais ça n’est pas vrai, les gens lesplus avancés pratiquent d’avantageque les autres même s’ils sontmoins nombreux, ils peuvent donccontribuer autant au taux de risqueglobal, celui qui est vu par lespouvoirs et l’opinion publics, ainsique par l’assureur fédéral.Donc pas plus que l’optimum deprévention ne se situe dans un ensei-gnement élitiste à outrance s’adres-sant aux meilleurs et laissant lesautres de côté, il ne se situe pas nonplus dans un enseignement popu-liste laissant dans les limbes tousceux qui sor tent du rang par uneexpérience personnelle et/ou desqualités de réflexion plus approfon-die (et dans le cas présent utilisantintensivement la Dyneema et plus dutout les sangles).Il est également étonnant de consta-ter que des techniques statistiquesde tests efficaces, publiées et utili-sées par le Spéléo secours français,ne soient pas ici appliquées. Ellespermettent de limiter le nombre detests tout en augmentant les capa-cités d’analyses par une définitiondes facteurs, de leur organisationet de la recherche préalable. Mêmesi ces techniques ne permettent pasde quantifier cer taines valeurscomme la probabilité de survenanced’un événement, elles permettent de

Dyneema comme rallonge d’amarrage pour éviterle frottement de la corde, remarquer la façon dese longer (côté dos du micro faders).

Amarrage double classique.

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définir aisément l’influence dechacun des facteurs et leur signifi-cativité.L’usage de la Dyneema tel qu’il estpréconisé dans cet article est fasti-dieux (demi-clef puis nœud de tisse-rand bloqué par un nœud de butéedouble en lieu et place d’un cabes-tan !), dispendieux (doublement deslongueurs) et non polyvalent. C’estregrettable. En effet, l’usage de laDyneema était un gage de sécurité.Pourquoi? Car sa facilité d’utilisation(par rappor t à nos sangles obso-lètes) ouvrait un espace de libertégage d’un réel apport de sécurité etnotamment :• La Dyneema a démocratisé la réali-

sation d’un nouveau type d’amar-rage en spéléologie : la lunule,amarrage à la fois respectueux del’environnement, durable et fiable.Néanmoins, seule une cordelettede faible diamètre permet son utili-sation.

• Quand il est exigé, le doublementdes fractionnements est d’une faci-lité déconcertante depuis l’arrivéede cette cordelette : une plaquette,un amarrage naturel, une lunule ouun coinceur ser t d’ancrage à laDyneema qui est alors tenduejusqu’au mousqueton du fraction-nement.

• Elle sert de « rallonge » pour éviterun frottement possible ou même,lors de l’emploi de cordes de trèsfaibles diamètres, un frottementà venir en cas de rupture de l’undes amarrages.

• Elle participe au gain de longueurde corde lorsqu’elle est amarréede part en part d’un puits avec unmousqueton au centre tenu par uncabestan et que la corde est justereliée par une petite ganse aumousqueton. Cette techniquepermet également de positionnertrès précisément la corde au seind’un puits.

• Contrairement aux sangles nouéesqui ne permettaient un réglage surdes diviseurs par deux de leurlongueur, la Dyneema permet grâceà son utilisation en simple et aunœud de cabestan, un réglageultra-précis. Dès lors, elle travailletoujours en tension. Grâce à l’ab-sence de facteur de chute, larupture d’un amarrage n’est plusqu’un simple pendule.

• De même, son utilisation endéviation permet de régler idéale-ment le déport de la corde en réali-sant, par exemple, un nœud italienavec clef dans le mousqueton dela déviation.

• Sa finesse permet son utilisationdans les moindres trous dans lesparois des cavités.

• Elle ne se gorge pas d’eau, gardesa tenue dans le temps.

• Elle est composée d’une gaine etd’une âme qui se partagent à 50%sa résistance. Si la gaine vient àse rompre, c’est un avertissement,il reste encore plus de 50 % derésistance. Une sangle, de par safabrication, ne possède pas cetindicateur.

• L’utilisation de la Dyneema apermis de supprimer les facteursde chute de l’équipement spéléo-logique.

• Son aspect dif férent de celui dela corde améliore la lisibilité del’équipement. Par exemple, surune tête de puits, il est aisé de voiroù il est possible ou non de selonger.

Et là on souhaiterait reléguer l’usagede la Dyneema en brin simple à laconfection exclusive des déviations,de porte-matériel et de pédales ?J’attends donc toujours des explica-tions réellement convaincantes avantde me fatiguer (c’est une grandesource de risque en fond de gouffre,voir statistiques du SSF) à effectuerdes nœuds de blocage et à ne plusutiliser la cordelette Dyneema en brinsimple en l’absence de choc.Cet article a été rédigé en supposantqu’on équipe comme on équipait ily a des lustres. En face de nouveau-tés (la Dyneema mais ce n’est pasla seule, il y a aussi la corde de typeL, les mousquetons légers, l’éclai-rage de secours par LED,… et le toutdoit être cohérent) on doit s’adapter,équiper et progresser autrement.Notamment, il n’y a plus de risque dechoc de facteur 1 dans l’équipementactuel.Comme tout outil, la cordeletteDyneema est dangereuse si elle estutilisée de façon incorrecte. S’il y aun travail à effectuer, ce serait plutôtde faire changer les mentalités, réfor-mer les « référentiels » initiateur etmoniteur, plutôt que de dire « LaDyneema, c’est dangereux ».

Pourquoi ne pas aborder cer tainsaspects très impor tants tels querésistance (traction lente, choc,descente et remontée spéléo) si frot-tement et comparaison dans ce casavec d’autres cordelettes? Pourquoinégliger systématiquement la moitiédes concepts et solutions techniquesdéveloppés lors des grandes explo-rations avec de la corde type L? Pour-quoi ne pas avoir réalisé une enquêtepréalable sur les pratiques liées àl’usage de la Dyneema? Les auteursse seraient alors cer tainementrendus compte qu’il existe bien diffé-rents types de pratiquants avec deshabitudes et des démarches diffé-rentes. Pourquoi promulguer le nœudde tisserand, que peu de mondeutilise ?L’article teste en partie et de manièreartificielle la cordelette Dyneema enl’extrayant de son contexte d’utilisa-tion et en s’affranchissant des règlesédictées pour son utilisation. Il resteque le principal danger de cettecordelette est son point de fusiontrès bas qui provoque sa rupturesous tension après un très brefpassage de notre flamme acétylène.Cette caractéristique essentielle estabsente de l’article !Même en tant que spéléologue expé-rimenté, j’ai du mal à percevoir lecontexte de cet ar ticle. S’il s’agitd’un article « grand public » destinéà des gens qui n’ont pas forcémentune compréhension approfondie, ondevrait pouvoir en trouver des appro-fondissements ailleurs. Mais oùdonc? Ou bien s’il s’agit d’un articlede référence qui doit être appliquéà la lettre y compris et surtout par defuturs cadres, référents et autres« prescripteurs d’opinion », on vientde sacrifier l’esprit d’adaptabilité etd’analyse de la situation qui rendperformante et sûre la spéléologie.À quel(s) intérêt(s) ?

Merci à Pierre Boudinet, Florence Guillot,Philippe Bence, Frédéric Bonacossa, JeanBottazzi et Michel Béal pour leurs remarqueset leurs conseils avisés et pertinents.

BibliographieAMALBERTI, René : Les effets pervers de l’ultrasécurité.- LaRecherche, avril 1999.BÉLIAEV Y. ; GNÉDENKO B. et SOLOVIEV A. : Méthodes mathé-matiques en théorie de la fiabilité.- Éditions de Moscou.Genichi Taguchi ; Subir Chowdhury ; Yuin Wu : Taguchi’s QualityEngineering Handbook.- Wiley, novembre 2004.Manuel technique de l’École française de spéléologie.LIMAGNE, Rémy : « Le double amarrage en question »,Spelunca n°62 de juin 1996, p.47-51.Cahier EFS n°9 : « Technique spéléologique légère », 1999.