DEBOUTCIV N°12 (Page 09)

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politique 9 Or que constate-t-on en lisant cette déclaration bavarde ? D’abord, qu’elle ne contient pas la moindre allusion à cette fameuse guerre que son auteur dénonçait naguère avec ses compères Antoine Ahua Jr et Gary K. Busch, alors que leur libelle venait de s’enrichir d’une magistrale illustration. En- suite, que le programme annoncé de « Lider » ne tient aucun compte de la situation historique et politique tragique de la Côte d’Ivoire, de la so- ciété ivoirienne, de la nation ivoirienne, aujourd’hui, après le dernier paroxisme sanglant de l’interminable crise de la décolonisation à la sauce foccarto-houphouëtienne. Ce que j’avais déjà constaté en lisant « Le libéralisme, nouveau départ pour l’Afrique » se confirme : la principale caractéristique de Mamadou Koulibaly, c’est sa parfaite indifférence vis- à-vis de la situation concrète des gens comme de leurs préoccupations réelles, ici et maintenant. Les recettes qu’il brandit aujourd’hui devant nos yeux, il aurait pu les pro- poser il y a dix ou vingt ans si, alors, il avait eu le courage de se lancer dans la compétition politique avec sa propre « entreprise » ; car, pour lui, un parti politique n’est rien d’autre qu’une entreprise comme toutes celles qui sont en concurrence dans le vaste monde sous l’arbitrage du « marché » ! Il aurait pu mêmes les proposer aux Libériens, aux Zambi- ens, aux Mongols, aux Guatémaltèques, etc., sans presque rien y changer. Dans cette longue et pompeuse profession de foi, il n’y a absolument rien qui soit spécifique à la situation dramatique actuelle des Ivoiriens : rien en tout cas qui puisse nous aider à trouver la solution dont nous rêvons tous, même si trop d’entre nous manquent du courage nécessaire pour le reconnaître et pour y conformer leur comportement civique. Ce qui préoccupe les Ivoiriens, particulièrement aujourd’hui, ce n’est pas de savoir ce qui vaut mieux du « libéralisme » ou du « dirigisme », du « cap- italisme » ou du « socialisme », ou bien encore du « marché » ou de la « planification », mais comment se délivrer du joug qu’on leur impose, de manière ouverte ou déguisée, depuis plus d’un siècle. Dans ces condi- tions, qu’est-ce que « Lider » ? Juste un miroir aux alouettes. Que peut- on attendre d’un parti estampillé « libéral », dans un pays où c’est cette doctrine qui a cours depuis toujours, et où elle a produit les résultats que nous voyons ? Pour le savoir, il suffit de regarder d’où vient Mamadou Koulibaly, à quelle école de pensée il se rattache, depuis quand et de quelle manière il s’est acquis la réputation de brillantissime penseur dont il paraît jouir jusque parmi ceux qui ont fait échouer son raid sur le Fpi et le Cnrd. J’ignore pourquoi, comment et quand Mamadou Koulibaly, un vrai croisé du libéralisme, adhéra au Fpi. Et, d’ailleurs, cela n’a pas d’importance pour la suite de mon propos. Le Fpi est un parti qui ne fut jamais très re- gardant sur les motifs ou les mobiles de ses adhérents. En sorte qu’il y avait, au niveau de ses directions nationales et locales, sans doute plus d’opportunistes, voire de vrais aventuriers, que de militants désin- téressés. Et c’est pour partie la cause de ce qu’il subit aujourd’hui, et nous tous avec lui… Alors, Mamadou Koulibaly, « aventurier » ou seulement « opportuniste » ? Probablement les deux, et la résultante de ce mélange dans la même personne, c’est « imposteur ». Cependant, l’honnêteté oblige à dire que ce n’est ni le premier ni le seul cas dans notre histoire : depuis Houphouët jusqu’à Ouattara, en passant par Bédié, l’imposture est, pour ainsi dire, la pierre angulaire de notre « maison commune ». Et c'est pourquoi l’édifice est si instable… « En tant que libéral attaché à la démocratie et à l’économie de marché… C’est à la fois un aveu, une provocation des plus insolentes, et le renouvellement du serment d’allégeance de Mamadou Koulibaly à sa véritable famille politique : l’Internationale libérale, et même ultralibérale. Ces modèles, ce sont Ronald Reagan, Margaret Thatcher, sans doute aussi ce général Pinochet qui fut imposé aux Chiliens à coups de canon pour la plus grande gloire du libéralisme ! En fait, Mamadou Koulibaly n’a jamais appartenu qu’à cette famille politique-là. Même quand il faisait sa belle carrière au sein du Fpi. En tout cas, c’est la seule appartenance politique à laquelle il soit resté fidèle depuis ses années d’étudiant à Aix-en- Provence, comme en témoigne son interview sur le site UnMondeLibre.com au lendemain de son coup d’éclat. Disciple bien aimé de Jacques Garello – c’est lui qui a préfacé « Le libéral- isme, nouveau départ pour l’Afrique noire » –, surnommé le "gourou de la secte néo-libérale", mais dont l’autoportrait ferait plutôt penser à l’un de ces idéologues qui gravitaient autour du Maréchal Pétain, chef de l’Etat français, Mamadou Koulibaly a toujours maintenu des liens très étroits avec cette mouvance idéologique. De leur côté, J. Garello et sa confrérie semblent espérer beaucoup d’un poulain si fringant et si prometteur. Le très mystérieux « Audace Institut Afrique », dont Mamadou Koulibaly est le président comme beaucoup de gens le sont en Afrique, par procuration ou pour figuration, est l’illustration de cette fidélité et de ces espérances. On y rencontre en effet le gratin de ce qu’il faut bien appeler la section française de l’Internationale libérale, avec J. Garello pour pilier central. C’est une chose qu’il est important de savoir parce que là est probable- ment la clé pour comprendre à la fois ce qui portait Mamadou Koulibaly durant sa carrière dans le Fpi, et ce qui le fait courir aujourd’hui. « Une Opa politique ratée », voilà, selon le journaliste burkinabè Zowen- manogo Dieudonné Zoungrana, la seule explication du « départ de Ma- madou Koulibaly du Fpi ». 2 Le fait est que le jour même où, se croyant déjà maître du Fpi, Mamadou Koulibaly tentait de s’emparer également du Cnrd et, par ce biais, de mettre sous sa coupe toutes les structures – partis politiques ou associations – d’où pourraient éventuellement surgir de nouvelles formes de résistance au gouvernement de fait installé à coups d’obus le 11 avril 2011, les jeunes du Fpi ont fait connaître leur détermination à reprendre et à poursuivre la lutte contre toutes les im- postures : celle de Nicolas Sarkosy et de Jean-Marc Simon, celle de Choi, celle des Ouattara, celle de Guillaume Soro comme celle de Mamadou Koulibaly… Peu auparavant, les secrétaires fédéraux du même parti lui avaient dénié le droit d’en disposer à sa guise, lui interdisant par exemple de changer son nom et son orientation. Bref, contrairement à ce que cer- tains ont dit, la démission de Mamadou Koulibaly n’était pas du tout prévisible ou programmée. Au contraire, tel qu’il avait commencé et mené son entreprise, il était plutôt parti pour rester à la tête du Fpi, pour s’y in- cruster même, dans le secret espoir d’en faire, le jour venu, la section ivoirienne de sa chère Internationale ultralibérale : « (…) depuis les événe- ments du 11 avril 2011, ayant en charge l’intérim de sa présidence, je me suis investi pour redonner vie au parti et pour constituer une opposition crédible. J’ai enchaîné les rencontres et réunions, lancé des sujets de réflexion pour anticiper les proches défis, consacré du temps et de l’én- ergie à rassurer, regrouper, négocier la libération de nombre de prison- niers politiques du Golf ou de la Pergola, définir un cap commun pour reconstruire ensemble et expliquer en permanence notre position de non belligérance au nouveau régime et à la communauté internationale. Mon constat est que cette tentative a été vaine et que le Fpi, en sa forme actuelle, ne peut devenir un grand parti d’opposition puisque le refus de toute évolution fige les perspectives. » C’est alors que, se voyant pris en flagrant délit d’imposture, Mamadou Koulibaly se la joua dans le style du théâtre de boulevard : « Ce n’est pas vous qui me chassez, c’est moi qui m’en vais ! ». Mais, ni cette posture empruntée, ni la grandiloquence qui l’accompagnait, n’ont pu tromper la vigilance et la perspicacité des vrais patriotes, des vrais démocrates et des vrais progressistes encore en lib- erté. Si Mamadou Koulibaly a si rapidement décidé de jeter l’éponge, c’est parce qu’il a trouvé plus fort et plus malin que lui dans cette formidable coalition d’énergies en réserve de la patrie, qui va du presque centenaire Bernard Dadié jusqu’à ces « enfants » peut-être nés après 1990, en tout cas après l’éclatement de cette crise dans laquelle, dans toutes les ré- gions du pays, tant de leurs semblables allaient perdre la vie en résistant aux nouveaux colonisateurs et à leurs nouveaux tirailleurs. Et c’est assurément une excellente nouvelle, j’en suis d’accord avec les jeunes du Fpi : loin d’affaiblir la résistance à ce gouvernement de Versail- lais, le départ de MK et de ses affidés la fortifie, ne serait-ce que parce que cette victoire, si petite qu’elle soit, peut, au contraire, redonner con- fiance à ceux qui les ont poussés dehors. Ce recul d’un homme qu’on a vu, la veille encore, tellement sûr de lui – comme si toutes les forces vives de la nation étaient anéanties, et qu’elle n’avait plus d’autre choix que de s’abandonner honteusement au premier violeur venu –, signifie que quelque chose s’est déjà réveillé dans ce pays que lui, ses complices Rhdp et leur petit maître élyséen croyaient vaincu et soumis à jamais. Car la signification de cette démission est on ne peut plus claire : c’est une fuite, une débandade. Devant l’hostilité à laquelle son entreprise s’est heurtée, Mamadou Koulibaly a finalement choisi de battre en retraite. Et selon la vieille technique du voleur qui crie « Au voleur ! » dans l’espoir de dérouter ses poursuivants, tout en fuyant il accuse ceux qu’il voulait abuser. Cela dit, il n’en demeure pas moins vrai que l’homme a longtemps fait, et fait encore illusion dans de nombreux secteurs de l’opinion, et jusque parmi ceux qui, par une réaction sans doute plus instinctive que raison- née, ont fait échouer son premier assaut sur les bastions de la résistance au coup d’Etat du 11 avril 2011. Même si son entreprise s’est soldée cette fois-ci par un échec cuisant, on ne doit pas pour autant sous-estimer Ma- madou Koulibaly, ni ceux qui le poussent. D’autant qu’il est fort probable que ceux-là ont plusieurs fers au feu… Il faudra encore beaucoup de vigilance, de perspicacité, de sacrifices même, avant de pouvoir dire qu’on a neutralisé tous ceux qui espéraient, à travers Mamadou Koulibaly et ses semblables, renouveler sur les bords de la lagune Ebrié, l’exploit des Grecs devant Troie. Marcel Amondji 1.De « naçara », chrétien en arabe, « fo », appeler et « tigui », homme : « naçarafotigui », celui ou ceux qui appelle(nt) [ou qui attire(nt)] les chrétiens, qui travaille(nt) à favoriser leurs entreprises. 2.L'Observateur Paalga 12 Juillet 2011.

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« Une Opa politique ratée », voilà, selon le journaliste burkinabè Zowen- manogo Dieudonné Zoungrana, la seule explication du « départ de Ma- madou Koulibaly du Fpi ». 2 Le fait est que le jour même où, se croyant déjà maître du Fpi, Mamadou Koulibaly tentait de s’emparer également 2.L'Observateur Paalga 12 Juillet 2011.

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Or que constate-t-on en lisant cette déclaration bavarde ? D’abord, qu’ellene contient pas la moindre allusion à cette fameuse guerre que son auteurdénonçait naguère avec ses compères Antoine Ahua Jr et Gary K. Busch,alors que leur libelle venait de s’enrichir d’une magistrale illustration. En-suite, que le programme annoncé de « Lider » ne tient aucun compte dela situation historique et politique tragique de la Côte d’Ivoire, de la so-ciété ivoirienne, de la nation ivoirienne, aujourd’hui, après le dernierparoxisme sanglant de l’interminable crise de la décolonisation à la saucefoccarto-houphouëtienne. Ce que j’avais déjà constaté en lisant «  Lelibéralisme, nouveau départ pour l’Afrique » se confirme : la principalecaractéristique de Mamadou Koulibaly, c’est sa parfaite indifférence vis-à-vis de la situation concrète des gens comme de leurs préoccupationsréelles, ici et maintenant.Les recettes qu’il brandit aujourd’hui devant nos yeux, il aurait pu les pro-poser il y a dix ou vingt ans si, alors, il avait eu le courage de se lancerdans la compétition politique avec sa propre « entreprise » ; car, pour lui,un parti politique n’est rien d’autre qu’une entreprise comme toutes cellesqui sont en concurrence dans le vaste monde sous l’arbitrage du« marché » ! Il aurait pu mêmes les proposer aux Libériens, aux Zambi-ens, aux Mongols, aux Guatémaltèques, etc., sans presque rien y changer.Dans cette longue et pompeuse profession de foi, il n’y a absolument rienqui soit spécifique à la situation dramatique actuelle des Ivoiriens : rienen tout cas qui puisse nous aider à trouver la solution dont nous rêvonstous, même si trop d’entre nous manquent du courage nécessaire pourle reconnaître et pour y conformer leur comportement civique. Ce quipréoccupe les Ivoiriens, particulièrement aujourd’hui, ce n’est pas desavoir ce qui vaut mieux du « libéralisme » ou du « dirigisme », du « cap-italisme » ou du « socialisme », ou bien encore du « marché » ou de la« planification », mais comment se délivrer du joug qu’on leur impose, demanière ouverte ou déguisée, depuis plus d’un siècle. Dans ces condi-tions, qu’est-ce que « Lider » ? Juste un miroir aux alouettes. Que peut-on attendre d’un parti estampillé « libéral », dans un pays où c’est cettedoctrine qui a cours depuis toujours, et où elle a produit les résultats quenous voyons ?

Pour le savoir, il suffit de regarder d’où vient Mamadou Koulibaly, à quelleécole de pensée il se rattache, depuis quand et de quelle manière il s’estacquis la réputation de brillantissime penseur dont il paraît jouir jusqueparmi ceux qui ont fait échouer son raid sur le Fpi et le Cnrd.J’ignore pourquoi, comment et quand Mamadou Koulibaly, un vrai croisé du libéralisme, adhéra au Fpi. Et, d’ailleurs, cela n’a pas d’importancepour la suite de mon propos. Le Fpi est un parti qui ne fut jamais très re-gardant sur les motifs ou les mobiles de ses adhérents. En sorte qu’il yavait, au niveau de ses directions nationales et locales, sans doute plusd’opportunistes, voire de vrais aventuriers, que de militants désin-téressés. Et c’est pour partie la cause de ce qu’il subit aujourd’hui, et noustous avec lui… Alors, Mamadou Koulibaly, « aventurier » ou seulement« opportuniste » ? Probablement les deux, et la résultante de ce mélangedans la même personne, c’est «  imposteur ». Cependant, l’honnêtetéoblige à dire que ce n’est ni le premier ni le seul cas dans notre histoire :depuis Houphouët jusqu’à Ouattara, en passant par Bédié, l’impostureest, pour ainsi dire, la pierre angulaire de notre « maison commune ». Etc'est pourquoi l’édifice est si instable…«  En tant que libéral attaché à la démocratie et à l’économie demarché… C’est à la fois un aveu, une provocation des plus insolentes, etle renouvellement du serment d’allégeance de Mamadou Koulibaly à savéritable famille politique : l’Internationale libérale, et même ultralibérale.Ces modèles, ce sont Ronald Reagan, Margaret Thatcher, sans doute aussice général Pinochet qui fut imposé aux Chiliens à coups de canon pour laplus grande gloire du libéralisme ! En fait, Mamadou Koulibaly n’a jamaisappartenu qu’à cette famille politique-là. Même quand il faisait sa bellecarrière au sein du Fpi. En tout cas, c’est la seule appartenance politiqueà laquelle il soit resté fidèle depuis ses années d’étudiant à Aix-en-Provence, comme en témoigne son interview sur le siteUnMondeLibre.com au lendemain de son coup d’éclat. Disciple bien aimé de Jacques Garello – c’est lui qui a préfacé « Le libéral-isme, nouveau départ pour l’Afrique noire » –, surnommé le "gourou de lasecte néo-libérale", mais dont l’autoportrait ferait plutôt penser à l’un deces idéologues qui gravitaient autour du Maréchal Pétain, chef de l’Etatfrançais, Mamadou Koulibaly a toujours maintenu des liens très étroitsavec cette mouvance idéologique. De leur côté, J. Garello et sa confrériesemblent espérer beaucoup d’un poulain si fringant et si prometteur. Letrès mystérieux « Audace Institut Afrique », dont Mamadou Koulibaly estle président comme beaucoup de gens le sont en Afrique, par procurationou pour figuration, est l’illustration de cette fidélité et de ces espérances.On y rencontre en effet le gratin de ce qu’il faut bien appeler la sectionfrançaise de l’Internationale libérale, avec J. Garello pour pilier central.C’est une chose qu’il est important de savoir parce que là est probable-ment la clé pour comprendre à la fois ce qui portait Mamadou Koulibalydurant sa carrière dans le Fpi, et ce qui le fait courir aujourd’hui.

« Une Opa politique ratée », voilà, selon le journaliste burkinabè Zowen-manogo Dieudonné Zoungrana, la seule explication du « départ de Ma-madou Koulibaly du Fpi ».2 Le fait est que le jour même où, se croyantdéjà maître du Fpi, Mamadou Koulibaly tentait de s’emparer également

du Cnrd et, par ce biais, de mettre sous sa coupe toutes les structures –partis politiques ou associations – d’où pourraient éventuellement surgirde nouvelles formes de résistance au gouvernement de fait installé àcoups d’obus le 11 avril 2011, les jeunes du Fpi ont fait connaître leurdétermination à reprendre et à poursuivre la lutte contre toutes les im-postures : celle de Nicolas Sarkosy et de Jean-Marc Simon, celle de Choi,celle des Ouattara, celle de Guillaume Soro comme celle de MamadouKoulibaly… Peu auparavant, les secrétaires fédéraux du même parti luiavaient dénié le droit d’en disposer à sa guise, lui interdisant par exemplede changer son nom et son orientation. Bref, contrairement à ce que cer-tains ont dit, la démission de Mamadou Koulibaly n’était pas du toutprévisible ou programmée. Au contraire, tel qu’il avait commencé et menéson entreprise, il était plutôt parti pour rester à la tête du Fpi, pour s’y in-cruster même, dans le secret espoir d’en faire, le jour venu, la sectionivoirienne de sa chère Internationale ultralibérale : « (…) depuis les événe-ments du 11 avril 2011, ayant en charge l’intérim de sa présidence, je mesuis investi pour redonner vie au parti et pour constituer une oppositioncrédible. J’ai enchaîné les rencontres et réunions, lancé des sujets deréflexion pour anticiper les proches défis, consacré du temps et de l’én-ergie à rassurer, regrouper, négocier la libération de nombre de prison-niers politiques du Golf ou de la Pergola, définir un cap commun pourreconstruire ensemble et expliquer en permanence notre position de nonbelligérance au nouveau régime et à la communauté internationale. Monconstat est que cette tentative a été vaine et que le Fpi, en sa formeactuelle, ne peut devenir un grand parti d’opposition puisque le refus detoute évolution fige les perspectives. » C’est alors que, se voyant pris enflagrant délit d’imposture, Mamadou Koulibaly se la joua dans le style duthéâtre de boulevard : « Ce n’est pas vous qui me chassez, c’est moi quim’en vais ! ». Mais, ni cette posture empruntée, ni la grandiloquence quil’accompagnait, n’ont pu tromper la vigilance et la perspicacité des vraispatriotes, des vrais démocrates et des vrais progressistes encore en lib-erté.

Si Mamadou Koulibaly a si rapidement décidé de jeter l’éponge, c’estparce qu’il a trouvé plus fort et plus malin que lui dans cette formidablecoalition d’énergies en réserve de la patrie, qui va du presque centenaireBernard Dadié jusqu’à ces « enfants » peut-être nés après 1990, en toutcas après l’éclatement de cette crise dans laquelle, dans toutes les ré-gions du pays, tant de leurs semblables allaient perdre la vie en résistantaux nouveaux colonisateurs et à leurs nouveaux tirailleurs.

Et c’est assurément une excellente nouvelle, j’en suis d’accord avec lesjeunes du Fpi : loin d’affaiblir la résistance à ce gouvernement de Versail-lais, le départ de MK et de ses affidés la fortifie, ne serait-ce que parceque cette victoire, si petite qu’elle soit, peut, au contraire, redonner con-fiance à ceux qui les ont poussés dehors. Ce recul d’un homme qu’on avu, la veille encore, tellement sûr de lui – comme si toutes les forces vivesde la nation étaient anéanties, et qu’elle n’avait plus d’autre choix quede s’abandonner honteusement au premier violeur venu –, signifie quequelque chose s’est déjà réveillé dans ce pays que lui, ses complices Rhdpet leur petit maître élyséen croyaient vaincu et soumis à jamais.Car la signification de cette démission est on ne peut plus claire : c’estune fuite, une débandade. Devant l’hostilité à laquelle son entreprise s’estheurtée, Mamadou Koulibaly a finalement choisi de battre en retraite. Etselon la vieille technique du voleur qui crie « Au voleur ! » dans l’espoirde dérouter ses poursuivants, tout en fuyant il accuse ceux qu’il voulaitabuser.

Cela dit, il n’en demeure pas moins vrai que l’homme a longtemps fait,et fait encore illusion dans de nombreux secteurs de l’opinion, et jusqueparmi ceux qui, par une réaction sans doute plus instinctive que raison-née, ont fait échouer son premier assaut sur les bastions de la résistanceau coup d’Etat du 11 avril 2011. Même si son entreprise s’est soldée cettefois-ci par un échec cuisant, on ne doit pas pour autant sous-estimer Ma-madou Koulibaly, ni ceux qui le poussent. D’autant qu’il est fort probableque ceux-là ont plusieurs fers au feu… Il faudra encore beaucoup de vigilance, de perspicacité, de sacrificesmême, avant de pouvoir dire qu’on a neutralisé tous ceux qui espéraient,à travers Mamadou Koulibaly et ses semblables, renouveler sur les bordsde la lagune Ebrié, l’exploit des Grecs devant Troie.

▉ Marcel Amondji

1.De « naçara », chrétien en arabe, « fo », appeler et « tigui », homme : « naçarafotigui », celui ouceux qui appelle(nt) [ou qui attire(nt)] les chrétiens, qui travaille(nt) à favoriser leurs entreprises.

2.L'Observateur Paalga 12 Juillet 2011.