DE ROUBAIX A FASK… 25 - 29 mai 2010 (Fask, Maroc)

Voyage d’étude : un laboratoire d’idées nouvelles,

l’écosite de Fask

Université populaire et citoyenne (Roubaix)

Association des Anciens salariés du Peignage de la Tossée (Tourcoing)

1) Présentation du voyage d’étude

Le site de Fask1 : aux portes du désert

La commune rurale de Fask

Fask (2400 habitants), est un village authentique du grand sud marocain. La commune rurale de Fask,

territoire des Ait Ahmed, se situe à 20Km de la ville de GUELMIM plus précisément sur la route d’ASSA.

De par son positionnement géographique, ce village a toujours été un carrefour, historiquement pour le

commerce caravanier et aujourd’hui, avec GUELMIM, un territoire d’interface dans les mutations que

connaît le grand Sud marocain. De par ses spécificités, la culture des Ait Ahmed porte en elle une

pluralité qui transparaît dans ses arts, sa musique et ses mœurs. Elle associe en elle-même le monde

Amazigh, la culture Sahraouie et au-delà l’influence de l’Afrique noire. C’est donc une culture métisse

1 Hassan Zaoual, Avant projet/Séminaire « Mémoires, savoirs, territoires », 22/01/2010.

ouverte sur le monde et c’est ce qui fait sa vitalité. Chaque année un festival de la musique, des arts et

des savoirs est organisé par l’association Ahmed Oueld Bella pour remémorer l’identité des Ait Ahmed.

La Fantasia, Fask, 27/05/2010

Riche de ses échanges avec le reste du Maroc et au-delà (émigration en Europe), le site faskien a su

garder ses singularités tant dans le domaine environnemental que culturel. Cette mémoire vive le laisse

relativement hors d’atteinte des effets pervers d’un développement mal maîtrisé. En ce sens et en ces

temps de crise de la globalisation et de la modernité, ce territoire a des atouts originaux à faire valoir.

L’architecture de ses maisons révèle encore la sauvegarde de ses savoirs locaux et la sérénité qui s’en

dégage. De même, ses oasis sont encore des lieux que où l’on rencontre le silence en personne et la

richesse de la biodiversité des régions semi désertiques, trop souvent détruite ailleurs.

Anciennes habitations, oasis de Fask, 27/05/2010

Les principes d’un développement durable et humain

FASK recherche une pédagogie de changement qui consisterait à « se développer, sans s’abîmer ».

C’est la raison pour laquelle la tribu des Ait Ahmed, conduite par son Conseil municipal, se tourne

aujourd’hui vers la valorisation de ses ressources spécifiques au plan de sa culture, de son architecture,

de son agriculture biologique de subsistance et de ses oasis. Aujourd’hui, la commune de FASK a pour

projet de valoriser ces sites en innovant aussi au plan de l’écotourisme, un tourisme d’échanges

interculturels et de solidarité. Cette nouvelle dynamique touristique, respectueuse de

l’environnement et de l’identité locale, s’appuie aussi sur la présence de sources chaudes (tourisme de

santé) dont l’aménagement sera fait dans l’art et la manière d’une vision du développement plus

humaine, solidaire et respectueuse de l’architecture locale et de l’environnement. Les concepts clefs de

la politique de développement du conseil de la commune de FASK et des acteurs de la société civile

locale : inter culturalité, citoyenneté, solidarité, gouvernance partagée, proximité, écotourisme, éco

produits, agro écologie des Oasis.

Schéma présenté dans le rapport final du séminaire

Le séminaire « Mémoires, savoirs et territoires » 2010

Dans le cadre de du Festival annuel des Arts et des Musiques de l’éco village de Fask (27-30 mai

2010), le Conseil communal de Fask Centre, l’association Ahmed Oueld Bella et le Groupe de

Recherche sur les Economies Locales (Université du Littoral Côte d’Opale) ont organisé le 27 mai 2010

un séminaire/forum sur le thème « Mémoires, savoirs et territoires. A la recherche de solutions locales à

la crise globale ». Cette rencontre internationale a réunit des acteurs, des chercheurs, des élus, des

dirigeants d’ONG et la population locale, « dans le but d’impulser une dynamique de développement

local harmonieux 2». Récit d’un voyage d’étude hors du commun.

Le comité d’organisation

Il est composé d’Hassan Zaoual (professeur à l’Université du Littoral Côte d’Opale) qui a initié le forum,

de Patrice Le Tixerant, architecte, a mené l’étude environnementale, sociale et économique présentée

durant le forum, et Lynn Evas-Davidson, journaliste et photographe, de Taoufiq Lahrech, consultant et

promoteur, de Clémence Boussirat, réalisatrice et productrice Satya Production, d’Abdellah Adouz,

2 Clémence Boussirat, Hassan Zaoual, Joffrey Machut, Pierrette Champaloux, L’éco site de Fask : un laboratoire d’idées nouvelles, rapport, juin 2010, p. 2.

MODELE PERIME

Surdéveloppement industriel

Epuisement et dissipation des ressources

Dualité et compétition entre les êtres

Privatisation de la terre nourricière

Le temps, c’est de l’argent

La Nature nous appartient…

LA LOGIQUE DU VIVANT

Développement durable à taille humaine

Renouvellement et pérennité des ressources

Echanges et complémentarité entre les humains

La terre nourricière reconnue comme Bien Commun

Le temps, c’est de la vie

Nous appartenons à la terre…

Président du Conseil de la Commune rurale de Fask, et d’Ahmed Agroua, Président de l’association

Oueld Bella.

2) Un voyage d’étude sous le signe de l’observation et de l’échange

Bouzid Belgacem, Rachid Khacer, Mohsen Bahri, Trajet vers FASK, 26/05/2010

Aéroport d’Orly (Paris), 25/05/2010.

Arrivés dans la nuit du 25 mai, nous attendons avec impatience le lendemain, jour de départ pour Fask,

situé à 200 km au sud d’Agadir. Nous sommes environ 25 participants étrangers à rejoindre ce jour-là,

mercredi 26 mai, le village via le minibus. Hassan Zaoual emmène les troupes, venues de France, de

Belgique, du Brésil. Il fait nuit lorsque le car s’arrête dans un petit hameau, non loin de Fask, « in the

middle of no where ». Ici se trouvent les chambres d’hôtes et leurs propriétaires qui nous accueilleront

durant trois nuits. Nous nous retrouvons sous la tente caïdale pour partager le repas du soir sous le

signe de l’hospitalité.

26/05/2010 – A droite : Arnaud de Raulin, Marc Luyckx Ghisi

Jeudi 27 mai, le jour se lève sur le village. Après le petit-déjeuner, le mini-bis nous achemine à Fask,

situé à un quinzaine de kilomètres. Nous sommes accueillis par le maire de la commune rurale de Fask,

Abdellah Adouz. Nous allons visiter le village et rencontrer certains des habitants et des professionnels

de santé, tout au long de cette journée : visite de l’établissement de santé et des salles

d’accouchement, visite de l’oasis de Fask, repas chez l’habitant. L’éblouissement est au rendez-vous.

Fask, 27/05/2010

Visite de l’oasis de Fask. Bouzid Belgacem, Mohsen Bahri, Odile Feuillet, Omar Adouz (26/05/2010).

Après le repas du midi, le comité d’organisation se réunit pour préparer la journée du lendemain et le forum.

De gauche à droite : Hassan Zaoual, Clémence Boussirat, Ahmed Agroua, Taoufik Lahrech, Lynn Evas-Davidson, Patrice Le

Tixerant, Huguette Guermonprez.

Un « forum ouvert » sous le signe de l’interculturalité et de l’hospitalité

Vendredi 28 mai, JOUR J. Le forum se tient aujourd’hui. Tout le village est mobilisé et mis à contribution

pour accueillir et organiser l’événement. La communauté accueillante qui a mobilisé de gros effortset

fait preuve d’une hospitalité exemplaire joue un grand rôle.

Le dispotif scénique « horizontal » est étudié pour favoriser les échanges : disposition des intervenants

et participats en cercle, favorisant la prise de parole et l’écoute de chacun. Au centre du plateau est

déposé au sol des symboles de Fask (terre, henné, parfum, datte, argan, etc.). Il montre et cristallsise le

lien commun de la présence de chacun : tous sont venus pour le village de Fask. Chacun est invité à se

présenter rapidement et à déposer une pierre dans le plateau, « symbole des richesses visibles et

invisibles de Fask 3». Pour démarrer la journée, après les mots de bienvenue (Clémence Boussirat,

Naaïma Mognhny, Abdellah Adouz), Ahmed Saad Sniber fait une introduction musicale qui est une

prière, celle laissée par un Saint patron soufi du Maroc. La symbolique est ainsi très importante. Par

ailleurs, l’ensemble des discussions est traduit, tout au long de la journée (français/arabe/berbère). Le

forum réunit des gens de tous horizons, de toutes compétences, associe des habitants du village et

parvient à créer les conditions de l’échange et du dialogue.

3 Document de synthèse du Forum, p. 4.

En début de matinée, Patrice Le Tixerant, architecte, présente l’étude environnementale et sociale

menée sur le site de Fask, base de la discussion de la journée.

L’homme et le territoire au cœur du dévleppement

Le concept de « site symbolique d’appartenance » s’appuie sur le constat des limites de tout

développement qui ne met pas au centre de ses dispositifs l’homme et son territoire. La théorie des

sites repose sur des principes et concepts intégrant les aspects symboliques et humains dans les

systèmes et les organisations économiques4.

Extrait de l’intervention d’Hassan Zaoual : « (…) Hasard ou nécessité, c’est lors de la première guerre

du Golfe en janvier 1991 […] que j’ai eu l’occasion de formuler pour la première fois à Glasgow

(colloque international sur le sens implicite des pratiques locales) une théorie qui fait référence à

l’importance des croyances paratgées dans les changements économiques et sociaux : la théorie des

sites symbolqiues d’appartenance. C’était pour moi une manière de répondre pacifiquement à la

violence déferlante de notre monde […]. Aujourd’hui, on connaît la suite de ces guerres interminables

qui accentuent l’imcompréhension et l’intolérance dans les relations internationales, par ailleurs mises à

mal par les crises économiques, sociales et écologiques. Il est donc temps de faire travailler nos

imaginations pour d’autres voies alternatives non violentes pour Fask, pour le Maroc et pour l’humanité

toutes entière (…) ».

Extrait de l’intervention d’Hassan Zaoual : « (…) En dépit du dogmatisme des économistes et de

l’ensemble des institutions du paradigme dominant, la question du développement poussée dans ses

moindres retranchements nous fait découvrir que l’être humain est à la fois le problème et la

solution. Il n’y a pas de technique sans ethique […]. Dans ces conditions, au-delà même où l’être

humain est la ressource de toutes les ressources d’un territoire, il faudrait le redéfinir en évitant son

instrumentalisation et le réintroduire comme sujet de la situation (…) ».

Le jour du séminaire (28/05/2010). De gauche à droite : Rachid Khacer, Odile Feuillet, Mathilde Wybo, Huguette,

Guermonprez, Bouzid Belgacem, Mohsen Bahri.

4 Hassan ZAOUAL, Management situé et développement local, Coll. Horizon Pluriel, 2006, p. 14.

3) Les suites du forum

Du côté de Fask

- La réalisation d’une enquête de terrain après le forum pour identifier les forces vives du village,

les besoins, les manques, les potentiels, les compétences, les envies, les projets…

- L’élargissement du comité d’organisation initial

- La création d’une association destinée à pérenniser le Forum avec notamment la

programmation d’une seconde édition en 2011 (« Association Plaine de l’Oued Noun »).

L’association « a pour objet d’accompagner et d’orienter toutes les actions qui s’inscrivent dans la

perspective d’un développement humain, de l’environnement local, bio écologique et durable, dans la

région de Guelmim Smara ainsi que dans les régions voisines (…). Elle conçoit et anime le forum

« Mémoires, savoirs et territoires » comme un espace d’échange international des expériences locales,

un laboratoire vivant de réflexions et d’actions (Extrait des statuts, juillet 2010).

De Fask à Roubaix…

Mémoires, identités et développement des territoires : quels enjeux pour l’Union ? Les concepts de

« site » et d’ « écosite » : sont-ils transposables à l’Union ? Comment nous inspirer de ce formidable

projet et de cette première expérience de mise en réseau des acteurs et des habitants ? Comment

consolider nos liens avec les acteurs rencontrés et le village de Fask, pour poursuivre l’échange de

savoirs et d’expérience entre Roubaix et Fask ?

Merci à nos amis de Fask, de France, de Belgique, du Brésil…

Compte rendu rédigé par Mathilde Wybo, septembre 2010.