de la Résistance et de la Déportation

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N° 43 - décembre 2005 - 4,50 Reconnue d’utilité publique par décret du 5 mars 1993. Sous le Haut Patronage du Président de la République Concours national de la Résistance et de la Déportation 2005-2006

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N° 43 -décembre 2005 -4,50 €

Reconnue d’utilité publique par décret du 5 mars 1993. Sous le Haut Patronage du Président de la République

Concours national de la Résistance et de la Déportation2005-2006

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CONCOURS DE LA MEILLEURE PHOTOGRAPHIE D’UN LIEU DE MÉMOIRE

Les Fondations de la Résistance, pour laMémoire de la Déportation et Charles deGaulle organiseront, après les résultats duConcours national de la Résistance et dela Déportation 2005-2006, un concours dela meilleure photographie d’un lieu demémoire de la Résistance.Ce concours est ouvert à tous lescandidats du Concours national de laRésistance et de la Déportation de l’annéeen cours.Le nombre de photographies par candidatest limité à deux tirages papier dont leformat ne saurait dépasser les dimensionsde 40X50 cm.Pour participer, reportez-vous impé-rativement au règlement de ce concourssur les sites Internet décrits ci-dessous,ou bien demandez-le au 0147056790.

«Passant souviens-toi». Stèle d’Huelgoat(Finistère). Photographie de Mathilde Diot

primée en 2003-2004.

Les photographies doivent être envoyéesà l’adresse suivante avant le 14 juillet2006 :Les Fondations de la Résistance, pour laMémoire de la Déportation et Charles deGaulleConcours de la meilleure photographied’un lieu de Mémoire30 boulevard des Invalides75007 PARIS

À l’issue de la sélection par notre jury lesdocuments ne seront pas retournés.Les trois meilleures photographies serontdiffusées sur les sites de la Fondation dela Résistance :www.fondationresistance.org,de la Fondation pour la Mémoire de laDéportation :www.fmd.asso.fret de la Fondation Charles de Gaulle :www.charles-de-gaulle.org

Thème proposé par le jurynational :« Résistance et monde rural.Ce thème peut être l’occasion de réfléchirsur la Résistance du monde rural, lesrapports entre la résistance urbaine et lemonde rural, la relation des résistancesavec l’espace rural.Les recherches des élèves pourront porter,entre autres, sur les aspects de laRésistance – par exemple les maquis, lesrefuges, le camouflage des réfractaires etdes persécutés – qui témoignent du rôledécisif joué par la population des campa-gnes dans la lutte contre l’occupant. »Bulletin Officiel de l’éducation nationalen° 15 du 14 avril 2005.

Participation et inscription :Peuvent participer au Concours les élèvesdes établissements publics et privés souscontrat des catégories suivantes :- classes des lycées d’enseignementgénéral et technologique,- classes des lycées d’enseignementprofessionnel,- classes de troisième de collège,- classes des établissements d’ensei-gnement agricole,- classes des établissements relevant duministère de la Défense et des établis-sements français à l’étranger.Vous pouvez vous inscrire auprès de votrechef d’établissement.

Conditions de réalisation :Les sujets des épreuves individuellesproposés par les jurys départementauxpeuvent privilégier certains aspects duthème général.La date des épreuves individuelles a étéfixée au vendredi 24 mars 2006.Les devoirs individuels doivent êtreréalisés à cette date, en classe, sous sur-veillance, en temps limité (3 h 30 pour leslycées, 2h30 pour les classes de troisième)à partir des sujets fournis par le jurydépartemental, les candidats ne devantdisposer d’aucun document personnel.Les sujets départementaux devrontproposer soit une composition, soit uneétude de documents donnant lieu à desquestions et à la rédaction d’un texteargumenté.En ce qui concerne les travaux collectifs,ils pourront être préparés dès le premiertrimestre à partir du thème national.Compte tenu des évolutions techno-logiques, il convient de favoriser l’utilisa-tion de supports multimédia : cassettesvidéo VHS, cédérom, site Internet.Dans cette dernière éventualité, lemémoire pourra être remplacé par unenote de présentation du site avec sonadresse.La démarche personnelle et active derecherche de témoignages auprèsd’anciens résistants et déportés devra êtreprivilégiée. De même, il conviendra de faire

émerger la diversité des formes derésistance, de répression et de persé-cution liée aux spécificités locales.À cet égard, des conférences prépa-ratoires peuvent être organisées, dansvotre établissement, par des résistants etdes déportés.

Date limite de remisedes devoirs individuelset des travaux collectifs :Ils seront adressés par votre établisse-ment scolaire à l’inspecteur d’académie,directeur des services départementaux del’Éducation nationale, au plus tard le jeudi30 mars 2006.

Résultats et remise des prix :Les lauréats départementaux recevrontleur prix lors d’une cérémonie organiséeau chef-lieu du département le 8 mai 2006(ou à une date voisine).Les meilleurs devoirs seront sélectionnéspar département pour être présentés aujury national. Les lauréats nationaux serontrécompensés par d’importants prix aucours d’une cérémonie officielle à Paris.

Pour plus de renseignements se référer auBulletin officiel de l’Éducation nationalen° 15 du 14 avril 2005.(www.education.gouv.fr/bo/2005/15/MENE0500664N.htm)

Concours National de la Résistance et de la Déportation 3

Sommaire 3Introduction 4Le monde rural et les traumatismes de 1940 6• Le discours vichyste du «Retour à la terre» : un piège pour la paysannerie?• Les raisons du refus dans le monde rural• Premiers actes isolés, premières actions concertées de résistance

La Résistance en action dans le monde rural 12• Aider les Alliés et la France Libre• Aider les pourchassés• Les réalités de la Résistance ruraleFiche méthode n° 1 : reconstituer le parcours d’un résistant du monde rural, l’exemple de Tanguy-Prigent

Les maquis, incarnation de la Résistance dans l’espace rural 20• Qu’est ce qu’un maquis?• L’existence des maquis est liée au soutien de la population rurale• Panorama de la France des maquisFiche méthode n° 2 : comment étudier les liens entre Résistance urbaine et Résistance rurale?

La France rurale et la Libération 26• La contribution des ruraux à la Libération• Le retour de la République au villageFiche méthode n° 3 : la Résistance dans le monde rural, mener l’enquête

Conclusion • La représentation de la Résistance et du monde rural au cinéma • Notions-clés 29• Indications bibliographiques • Les sites Internet • Orientation chronologique.

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EN COUVERTURE Dans une ferme de Mazangé,petit village du Loir-et-Cher(actuelle région Centre), touteune famille de paysans photo-graphiée avec deux aviateursaméricains qu’elle a hébergésplusieurs mois.Musée de la Résistance nationale,

Champigny-sur-Marne.

Cette année, le thème du Concours national de la Résistance et de la Déportation est «Résistanceet monde rural».C’est la première fois, depuis sa création en 1958, que ce concours invite les candidats à réfléchirsur la Résistance spécifique de nos campagnes d’alors mais aussi sur les rapports entre laRésistance urbaine et le monde rural.L’intérêt de ce thème est double :• les candidats pourront mener un travail personnel sous la forme d’enquêtes de terrain. Ainsi seront-ils amenés à prendre contact avec des associations de résistants, de déportés ou de mémoire et descorrespondants de presse locale ainsi qu’à entreprendre des recherches dans les mairies, les biblio-thèques, les archives municipales et départementales ou les musées... Cette démarche active leurdonnera l’occasion de s’approprier une partie de leur histoire locale tout en la croisant avec l’histoirenationale.• le monde rural c’est aussi l’espace du temps long où la mémoire collective garde sans nul douteplus longtemps le souvenir d’événements locaux marquants.Avec ce thème, les candidats collecteront des témoignages d’acteurs qui jusqu’à présent, si l’onpense aux paysans, ont été très peu sollicités, dans un monde de transmission orale plus qu’écrite.Le dossier documentaire que nous proposons cette année 2005-2006, aussi bien aux enseignantsqu’à l’ensemble de la communauté scolaire, se veut un outil pédagogique destiné à les aiderconcrètement dans la préparation du Concours, et à faciliter le travail de recherche avec les élèves.Aussi alterne-t-il des informations historiques succinctes sur le sujet proposé, accompagnées decompléments divers (documents iconographiques, témoignages, biographies) et des fichesméthodologiques destinées à guider la réalisation des dossiers collectifs.Espérons que vous soyez nombreux, cette année encore, à participer à ce concours pour qu’il neressorte qu’un seul perdant : l’oubli !

LA LETTRE DE LA FONDATION • N° 43• DÉCEMBRE 2005

Pour vous aider sur Internet

Afin de faciliter la préparation auConcours, le site Internet du CNDP,Centre National de DocumentationPédagogique, propose une rubriqueconsacrée au thème de cette année àl’adresse :http : / www.cndp.fr/memoire Vous y trouverez des renseignementscomplémentaires sur la préparationdes épreuves individuelles et collec-tives, des conseils pour les élèves etles enseignants, ainsi qu’une bibliogra-phie répertoriée par région et parniveau (collège, lycée et enseignant).Un agenda des initiatives proposéesdans le cadre du Concours sera égale-ment disponible.Enfin, vous y trouverez les adressesdes sites Internet des différents parte-naires qui ont participé à la préparationde cette brochure et qui mettront enligne des renseignements et docu-ments complémentaires.Cette rubrique sera disponible à partirdu 15 novembre 2005 et connaîtra desdéveloppements ultérieurs.

PRÉFACE

Jean MattéoliPrésident de la Fondation de la Résistance

Yves GuénaPrésident de la Fondation Charles de Gaulle

Marie-José Chombart de LauwePrésidente de la Fondation pour la Mémoire de la Déportation

* Les astérisques renvoient à la liste des notions clés page 34

4 Concours National de la Résistance et de la Déportation

« Je me découvris à moitié et un sourire sedétacha de ma pâleur. Je tenais à ces êtrespar mille fils confiants dont pas un ne

devait rompre ». C’est ainsi que le poète résistant RenéChar rendait hommage aux habitants du village deCéreste, situé dans le Lubéron, qui avait été envahi parles nazis le 29 juin 1943 afin d’arrêter celui qui étaitalors le chef d’un groupe de résistants. Avec lapublication après guerre des « Feuillets d’Hypnos »,René Char insistait sur la solidarité exprimée par leshabitants de ce petit village qui avaient à plusieursreprises aidé le groupe de résistants qu’il commandait.Le thème du Concours national de la Résistance et dela Déportation de cette année « Résistance et monderural » permet de connaître plus en détail ces liens desolidarité, ces actes de soutien, mais aussi laparticipation active à la Résistance, sous diversesformes, des habitants de nos campagnes.

Être résistant signifie, à partir de l’armistice* dejuin 1940, souhaiter poursuivre le combat par uneaction volontaire, clandestine, dont le but est de luttercontre l’occupant nazi et le nouveau régime dePhilippe Pétain, instauré à partir de juillet 1940: l’Étatfrançais, régime autoritaire et collaborateur avec lesAllemands.Pour exprimer cette opposition, des hommes et desfemmes, peu nombreux au sein de la société française,ont utilisé plusieurs moyens d’action : contestationsorales, graffiti, diffusions de tracts et de journauxclandestins, recueils de renseignements pour les Alliés,protection de populations exclues par le nouveaupouvoir, mais aussi lutte armée et constitution demaquis, l’ensemble de ces actions visant à obtenir lalibération du territoire français et la restauration d’unrégime démocratique.À regarder de plus près ces multiples gestes derésistance, on s’aperçoit que la part du monde ruralest importante : un maquis par exemple ne peut sur-vivre que grâce à l’aide des paysans fournissantl’alimentation, une ferme isolée est également souvent

un excellent refuge pour ceux qui doivent se cacherdes autorités. Même si l’ensemble du monde rural n’apas été actif au sein de la Résistance, son appui apermis le développement de multiples actions.

Il faut rappeler qu’en 1939, la France est un paysencore fortement rural : la moitié de la population vità l’époque dans les campagnes et l’agriculture est unsecteur-clé de l’économie du pays.

Qu’entend-on réellement par « monde rural » ? Cetteexpression, qui n’est pas employée durant la SecondeGuerre mondiale – on parle alors de monde descampagnes ou de France des paysans –, désigne lesespaces où la population est rassemblée dans descommunes de moins de 2 000 habitants. Plusgénéralement, on associe à ces petites communes lespetites villes qui sont étroitement liées aux espacesruraux, tant par leur mode de vie que par leurs activitéséconomiques.Le monde rural se définit également par d’autrescritères importants pour l’étude de la Résistance : lescollectivités rurales vivent en autonomie relative parrapport à l’ensemble de la société. Cela peut êtrepropice à l’expression de gestes d’hostilité à l’égard durégime de Philippe Pétain. Par ailleurs, le fonction-nement économique des campagnes permet aussid’être autonome : en temps de guerre, ce phénomèneest renforcé. Les ruraux peuvent mieux subvenir à leursbesoins et ont entre leurs mains les clés du ravi-taillement de l’ensemble de la population. Surtout, lemonde rural est composé de petits ensembles, où toutle monde se connaît et qui ont de faibles relations avecl’extérieur. On retrouve l’esprit de solidarité dont parleRené Char, ces « mille fils confiants » que relatent denombreux témoignages de résistants. Enfin, dans cespetites communautés, ceux qu’on appelle les notables,entre autres les maires, les curés, les instituteurs oubien encore les gendarmes jouent un rôle décisif : onen trouve à la tête des organisations résistantes qui sedéveloppent en milieu rural.

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France ruralede 1939La France de 1939 est encorefortement marquée par la ruralité.Les espaces géographiques duterritoire, diversifiés, ont permisune pluralité de productions(céréaliculture, vignoble, élevageentre autres) qui a contribué à laconstitution de communautésrurales marquées. Les espacesmontagneux et forestiers sontaussi très présents, ce qui a pufavoriser le développement desactions de la Résistance.

F. Schrader et L. Gallouedec, Atlas classique de géographie ancienne et moderne. Librairie Hachette, 1925.

Concours National de la Résistance et de la Déportation 5

Enfin, un dernier élément a son impor-tance : ces petits ensembles sont souventautant de « petites patries », qui n’ou-blient certes pas qu’elles appartiennentà un plus grand ensemble, la France,mais ont des critères communs qui lesdifférencient des autres. Parmi ces critè-res d’identification, le souvenir entretenude l’histoire de ces communautés est trèsimportant. En s’opposant au pouvoir enplace, de nombreux habitants des cam-pagnes revivent des épisodes historiquesoù leur village ou région s’était déjàauparavant opposé à l’État.Pour aider à se familiariser avec l’étudedu rôle multiple du monde rural dansl’histoire de la Résistance, un planchrono-thématique a été choisi. Aprèsavoir analysé les réactions du monderural en 1940, année terrible car annéede la défaite et de la disparition de laRépublique, remplacée par un régimequi souhaite faire des campagnes leterreau d’une « France nouvelle », sontévoqués les divers modes d’action de laRésistance en milieu rural, en insistantplus particulièrement sur les exemplesd’une Résistance paysanne ou pluslargement rurale. Le rappel de l’impor-tance des maquis dans le monde rural estaussi fait de multiples gestes résistants –accueil et protection de réfugiés oud’aviateurs alliés, recueil de rensei-gnements – ne seront pas négligés car ilsmontrent plus que d’autres encore lesatouts du monde des campagnes pourl’existence de la Résistance dans sonensemble. Enfin, est étudiée la part prisepar certains habitants des campagnes

dans la libération du territoire et leur rôledans la construction d’une nouvelleFrance, démocratique et rassemblée.À ces quatre grandes parties sontassociées un ensemble de fichesméthode, destinées à guider les recher-ches : quelle que soit la région, que l’onsoit dans une ville ou à la campagne, ondécouvrira en effet que la Résistance s’estinscrite dans de multiples espaces, où lemonde rural joue un rôle déterminant.Même si, aujourd’hui, ce monde paraîtà certains lointain, à travers ce thème,

on verra que l’histoire locale de laRésistance est extrêmement riche etpermet d’étudier l’action de ces hommeset de ces femmes qui ont permis lalibération de la France et la restaurationde la démocratie. Relater ces multiplesgestes et actions est le principal moyende leur rendre hommage.

Important : le contenu de cette bro-chure a vocation à donner les connais-sances de base sur le thème «Résistanceet monde rural » et à proposer des pistesde recherche que les élèves pourront

explorer (des fiches méthodologiques enparticulier peuvent être photocopiées etdistribuées aux élèves). Afin de complé-ter ces différentes indications, auxquellessont associés une chronologie, unlexique et une bibliographie de base à lafin de la brochure, plusieurs autresinformations et documents serontdisponibles sur le site Internethttp://www.cndp.fr/memoire, ce quipermettra aux élèves et aux enseignantsde mieux préparer le concours. �

N.B. : les faits évoqués dans cette brochure secantonnent à la France métropolitaine et à la Corse.Cela ne doit pas faire oublier que le territoirefrançais est à l’époque beaucoup plus étendupuisqu’il constitue le deuxième empire colonial aumonde. Faute de place, ne sont donc pas pris encompte ces colonies, ni les DOM TOM actuels. Lesétablissements scolaires de la France d’outre-merainsi que ceux établis à l’étranger qui participentau concours peuvent évidemment s’intéresser plusparticulièrement à ces zones géographiques.

le monde rural50 % de la population totale,soit 20 millions de personnes

paysansenviron 12 millions (familles comprises)

plusieurs statutsex. : grands propriétaires, propriétaires

exploitants, fermiers, métayers, ouvriers agricoles

autres groupes sociauxselon les régions

artisans etcommerçants

«notables»c’est-à-dire maires,secrétaires demairie, instituteurs,médecins, notaires

marins - pêcheurs

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Sur près de 40 millions de Français en 1939, la moitié de la population est considérée comme rurale. Le groupe le plusimportant de cet ensemble est celui des agriculteurs, c’est-à-dire de toutes les personnes exerçant une activité liéeà la terre. Toutefois la population des campagnes est bien plus diversifiée. Chacune des composantes a pu jouer durantla Seconde Guerre mondiale un rôle spécifique au sein de la Résistance.

Les composantesdu monde rural

La presse n’était pas le seulmoyen de diffuser les idées etles mots d’ordre de laRésistance. Des tracts et despapillons (petits tracts) étaientaussi distribués dans lescampagnes. Dans ce tract de1942, c’est par le dessin qu’ontente de lutter contre lesréquisitions allemandes.Il est à noter que parfois detels documents sont rédigés enlangue régionale ou en patois,plus compréhensible pour leshabitants des campagnes. M

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6 Concours National de la Résistance et de la Déportation

En juin 1940, la France subit unelourde défaite contre l’Allemagnenazie avec qui elle est en guerre

depuis septembre 1939. Une bonnepartie du territoire est occupée parl’armée allemande, un nouveau régimes’installe et toutes les couches de lasociété française sont traumatisées :comme tous les Français, les habitantsdes campagnes doivent faire face à denombreuses difficultés et s’interrogentsur la conduite à tenir face au régimede Vichy et à la présence de l’occupant.

La France rurale, pilier du nouveau régime :

Après la défaite de juin 1940,l’agriculture française est fortementdéstabilisée, d’abord par la mobilisationgénérale, puis, par la captivité des pri-sonniers de guerre, ce qui la prive de13 % de sa population active, mais aussipar les prélèvements allemands et leblocus anglais. Cela accroît le recul desterres cultivées et de l’élevage provo-quant une rapide pénurie alimentaire.Lorsque le maréchal Pétain et leshommes du gouvernement de Vichyinstaurent leur programme politique,intitulé la «Révolution nationale* », quis’appuie sur un ensemble d’idées réac-tionnaires, le monde de l’agricultureainsi que l’artisanat en deviennent descomposantes majeures. Sous l’égide dela devise « Travail, Famille, Patrie » etsous couvert d’une longue traditionhistorique de la France rurale, ceshommes politiques prônent le « retourà la terre » face à une industrialisationqui aurait appauvri la nation. Pétaindéclare dans un discours prononcé àTulle, le 20 avril 1941, « La Franceredeviendra ce qu’elle n’aurait jamais dûcesser d’être : une nation essentiellementagricole. Elle restaurera les antiques

traditions artisanales ». Le ministre del’Agriculture et du Ravitaillement, PierreCaziot, surenchérit quelques mois plustard, le 21 septembre de la même année,en déclarant qu’« il faut oser proclamerla primauté de la paysannerie et lanécessité d’une politique donnant à laproduction agricole la première place dansl’économie de la nation ».

La paysannerie est donc mise àl’honneur par une intense propagandequi souhaite maintenir le poids del’agriculture face au monde urbain,discours qui semble être entendu àl’heure des restrictions.Les paysans y sont d’autant plus sensi-bles, dans les premiers mois du régimevichyste, qu’ils s’étaient sentis les laissés-pour-compte de la société française dansl’entre-deux-guerres, face à la promotionde la civilisation mécanique et indus-trielle. La Corporation NationalePaysanne*, instaurée le 2 décembre1940, qui regroupe sous un monopolel’ensemble des structures syndicalesagricoles d’avant-guerre, ainsi que lesorganismes de propriétaires, de créditsou d’assurance, n’est pas vue d’unmauvais œil. Bien au contraire, l’imaged’une solidarité paysanne qu’ellevéhicule qui vient au secours despopulations urbaines pour leur assurerle ravitaillement, est même valorisante.Pétain ne déclare-t-il pas dans sondiscours du 1er janvier 1941 : « Jem’adresse aux Paysans de France. Il fautqu’ils tirent de la terre tout ce qu’elle peutdonner. Les rendements devront êtreaugmentés en dépit de toutes lesdifficultés » ? Ou bien encore, « Paysans,mes amis, je vous fais confiance et jecompte sur votre dévouement pour m’aiderà relever la France ». La propagandevichyste s’empare de ces thèmes pourmettre en avant la paysannerie et

l’artisanat par l’intermédiaire d’unepresse spécialisée, d’affiches, de bro-chures, d’émissions radiophoniques etde documentaires diffusés dans les sallesde cinéma, l’idée première étantd’affirmer que la paysannerie est garantede l’ordre social face à la culture ouvrièreet citadine, jugée responsable, entreautres, de la défaite.

Afin d’enrayer l’hémorragie des campa-gnes, une Mission de restaurationpaysanne est créée pour remettre en étatles cultures abandonnées, tandis qu’unService civique rural* est mis en place,en mars 1941, qui fait participer lesjeunes aux grands travaux agricoles pourpallier la main-d’œuvre masculinemanquante. Un « pécule de retour à laterre » est alloué, en mai 1941, auxfamilles ayant un enfant à charge qui,exerçant une profession industrielle oucommerciale, s’engagent à pratiquer unmétier agricole pendant au moins sixmois. Mesures qui ne sont que des pis-aller. Ce qui grève avant tout les récoltes,ce sont les prélèvements des Allemandspour leurs propres troupes d’occupationstationnées en France.

Quelles premières réactions dans le mondedes campagnes?

La population, surtout les citadins, n’aque faire de cette propagande du «Retourà la terre ». Pour elle, les campagnes sontdevenues synonymes de ravitaillement.D’autant que certains paysans, parréflexe ancestral des temps de disette,constituent des réserves qui ne sont paslivrées aux coopératives malgré les appelsà la raison du gouvernement. C’est dansce surplus, parfois volontaire pour unerevente au prix fort dans le cadre du« marché noir », que les habitants des

1RE PARTIE

Le Monde ruralet les traumatismes de 1940

Le discours vichyste du «Retour à la terre » :un piège pour la paysannerie ?

Concours National de la Résistance et de la Déportation 7

villes cherchent à améliorer leurration alimentaire. De plus, certainesproductions, faute de moyens detransport, ne peuvent être venduescomme avant-guerre sur les marchés.La venue des citadins à la ferme estdonc une aubaine pour certainsagriculteurs modestes. Choyés par lerégime de Vichy et souvent marquéspar un conservatisme politique, denombreux ruraux ont manifesté dansun premier temps de la sympathiepour le nouveau régime et son chef,Philippe Pétain, lui-même issu dumonde rural et admiré pour son rôledurant la Première Guerre mondiale.D’autres, confrontés aux difficultéset aux humiliations nées de lacapitulation, de l’occupation et dela collaboration d’État, s’opposentà cette nouvelle situation faite au pays. �

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ge « J’entends chaque jour, prêcher par la radio, le “retour à la terre“. À notre peuple mutilé et désemparé, on dit “tu t’es laisséleurrer par les attraits d’une civilisation trop mécanisée ; en acceptant ses lois et ses commodités, tu t’es détourné des valeursanciennes, qui faisaient ton originalité ; foin de la grande ville, de l’usine, voire de l’école ! Ce qu’il te faut, c’est le village ou lebourg rural d’autrefois, avec leurs labeurs aux formes archaïques, et leurs petites sociétés fermées que gouvernaient les nota-bles; là, tu retremperas ta force et tu redeviendras toi-même“. Certes, je n’ignore pas que sous ces beaux sermons se dissimulent– en vérité assez mal – des intérêts bien étrangers au bonheur des Français. Tout un parti, qui tient aujourd’hui ou croit tenir lesleviers de commande, n’a jamais cessé de regretter l’antique docilité qu’il suppose innée aux peuples modestement paysans.[…] Toute une littérature de renoncement bien avant la guerre, nous les [Les propos en faveur du monde rural venant de Vichy]avait rendus déjà familiers. Elle stigmatisait l’”américanisme”. Elle dénonçait les dangers de la machine et du progrès. Elle vantait,par contraste, la paisible douceur de nos campagnes, la gentillesse de notre civilisation de petites villes, l’amabilité en mêmetemps que la force secrète d’une société qu’elle invitait à demeurer de plus en plus résolument fidèle aux genres de vie du passé.[…] Tout, pourtant, dans cette apologie de la France rurale, n’était pas faux. Je crois fermement que l’avantage demeure grand,pour un peuple, encore à l’heure présente, de s’enraciner fortement dans le sol. Par là il assure à son édifice économique unerare solidité, il se réserve surtout un fond de ressources humaines, proprement irremplaçables. Pour le voir vivre, chaque jour,pour avoir naguère combattu à ses côtés et m’être beaucoup penché sur son histoire, je sais ce que vaut l’authentique paysanfrançais, dans sa verte robustesse et sa finesse sans fadeur.»

Marc Bloch, L’étrange défaite, Paris, Gallimard Folio Histoire, 1990, p. 180-181. [Première édition, 1946]

Marc Bloch (1886-1940), historien du monde rural, a écrit ce témoignage dès l’été 1940, achevant sa rédaction dans un village dela Creuse, Guéret-Fougères. Résistant, il est tué par les Allemands en 1944 après son arrestation. Ici, il analyse, pour les critiquer,les non-dits de la politique vichyste concernant la France rurale.

Affiche de propagandede Vichy :« la terre, elle, nement pas».Le gouvernementde Vichy a cher-ché par des affi-ches de propa-gande à rendre la«Révolution natio-nale» populaire. Ici, par une imaged’Épinal qui estcompréhensiblepar tous, Philippe Pétain souhaite démontrer que le monde paysan estl’une des bases de la France et que le travail de la terre, tâche difficile,oblige les paysans à de nombreux efforts. C’est un moyen de critiquer lemonde citadin, perçu comme un monde d’oisiveté et de loisirs.

Texte du discours adressé aux paysans.Pétain a voulu faire des paysans une des bases de son régime. Lui-mêmeissu du monde rural, symbole de la victoire de Verdun lors de la PremièreGuerre mondiale (où de nombreux paysans ont perdu la vie pour défendrela patrie), il a adressé de nombreux discours au monde paysan.

En zone occupée, l’intense propagandevisant à présenter un occupant «correct»ne peut faire oublier aux populationsrurales, en premier lieu dans le nord dela France, les crimes commis par l’arméeallemande dans plusieurs zones decombat. Une hostilité sourde s’installe,avivée par les souvenirs des guerres de1870-1871 et 1914-1918. Ce ressen-timent est accru là où le vainqueurimpose l’hébergement chez l’habitantde ses soldats et de ses fonctionnaires, làoù il s’empare des productions, priori-tairement des récoltes et des troupeaux.

En zone non-occupée, l’afflux desréfugiés (enfants perdus dans l’exode,parents ayant fui la ville, Alsaciens etMosellans refusant l’annexion et lanazification de leur région subies sansprotestation par l’État français, etc.)mobilise des solidarités et ravive dessentiments anti-allemands.

Dans les deux zones, le nouveau régimepolitique mis en place par Vichy avec lesoutien de l’occupant, transforme demanière brutale et autoritaire les cadresde vie traditionnels de la population.

L’encadrement de la population au seinde groupes tels les Corporations, lesOffices, les Ordres professionnels, etc.,peut heurter en milieu rural des menta-lités séculaires de petits producteursindépendants (artisans, marins-pêcheurs,professions libérales, etc.). Plus encore,l’interdiction de la chasse et la confis-cation des armes qui remet en cause uneliberté acquise par le monde rural à laRévolution française, suscitent refus etopposition.En milieu rural, les mesures de répres-sion contre des gens connus dont on est

Les raisons du refus dans le monde rural

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souvent proche (élus, militants poli-tiques et syndicaux, fonctionnaires, etc.)troublent les consciences. De même,l’emprisonnement dans des centaines decentres ou camps d’internement danstoute la France, des prisonniers deguerre français et alliés, ainsi que des« indésirables » et des politiques que lerégime de Vichy souhaite mettre àl’écart de la nouvelle société à construire,ne laisse pas indifférent. Dans de nom-breux endroits, l’enlèvement des sym-boles républicains - en premier lieu lesbustes de Marianne pour lesquels lesgénérations précédentes s’étaient battues- suscite des réprobations. Enfin, dansdes campagnes majoritairement catho-liques les premières mesures discrimi-natoires contre les Juifs heurtent souventles principes religieux et moraux decompassion et de tolérance de nom-breux fidèles. En terre protestante, dansles Cévennes particulièrement, cesréprobations sont unanimes.Au plan économique également, dansles deux zones, le choc est rude pour lespopulations.L’absence des hommes, prisonniers deguerre, met en grande difficulté lespetites unités de production familiales,artisanales ou industrielles. La ligne dedémarcation*, véritable frontière, entrave

gravement les échanges économiquesentre les deux zones et des pénuries de

matières premières et de produits deconsommation se font jour (charbon etminerais extraits essentiellement en zonenord, huile, vin et fruits produitsmajoritairement en zone sud). Laproduction baisse et le chômage s’ins-talle, les prix à la consommationflambent. Les saisies, les réquisitions etles prélèvements opérés par l’occupantaggravent cette situation.L’occupant allemand affirme à de nom-breuses reprises sa volonté de faire de la France déchue une réserve dematières premières, avant tout agricoles,à son usage exclusif. De plus, le taux de change d’un Reichsmark contre vingt francs favorise les achats parl’Allemagne et la baisse des stocks desmagasins. Très vite apparaissent lespremières pénuries ponctuelles oudéfinitives. [Voir encadré : «Le ravitail-lement »]À partir de l’été 1940, dans le monderural comme à la ville, certains refusentle sort fait à la France. Ils s’opposent etagissent spontanément. En plus de lasuppression des libertés individuelles etde l’instauration d’un régime autoritaire,ces conditions de vie et de travail, sanscesse aggravées, sont parmi les motifsqui expliquent en priorité l’entrée enRésistance. �

8 Concours National de la Résistance et de la Déportation

Dans toutes les régions occupéesse multiplient immédiatementdes signes d’hostilité envers

l’armée allemande: cris et gestes d’insul-tes au passage des troupes ou mutismeface à leurs sollicitations, attitudes demépris lors de l’exécution de l’hymneallemand, lacération d’affiches ou ins-cription de graffiti sur les murs. Certainsramassent et cachent des armes aban-données par l’armée française durantl’exode et, malgré les injonctions desautorités, on refuse majoritairement deremettre à la gendarmerie les armes dechasse familiales, malgré les risquesd’arrestation et de déportation encourus.

De multiples signes de refus :

Des hommes et des femmes engagentaussi, spontanément, des actions defranc-tireur contre l’armée d’occupation

à l’image de ces civils du Nord qui atta-quaient arrières et flancs des troupesprussiennes durant la guerre de 1870 :sabotage de panneaux indicateurs oude lignes téléphoniques, tir au fusilcontre des patrouilles et des élémentsisolés.La répression de tous ces actes estimmédiate et brutale : impositiond’amendes aux populations, prisesd’otages ou exécutions capitales. À titred’exemple l’ouvrier agricole ÉtienneAchavanne est condamné à mort le28 juin et fusillé le 6 juillet 1940 àRouen pour avoir coupé les lignes decommunication reliant la Feldkomman-dantur de Rouen au terrain d’aviationde Boos (Seine-Maritime). Ce sabotageavait rendu l’aéroport vulnérable ce dontavait profité l’aviation anglaise pour lebombarder. Au final, l’acte isolé, sansmoyen, d’Étienne Achavanne s’étaitsoldé pour l’ennemi par la perte de

18 avions et de 28 hommes. Pour desmotifs similaires, Blanche JoséphinePaugan est condamnée à mort le 17 sep-tembre 1940 à Arras. Sa peine estcommuée en détention. Déportée enAllemagne par la suite, elle meurt aucamp de concentration de Bergen -Belsen en avril 1945.

D’autres expressions d’un sentimentpatriotique se font jour face à l’occupantet à l’État français. Dans les mairies, lesbustes de Marianne, symbole de laRépublique, ne sont pas détruits maiscachés précieusement. Avec la compli-cité des populations, sont soustraits dupillage ou de la destruction desmonuments et des sculptures des lieuxpublics, les collections des musées. Lespeintures du Louvre sont ainsisauvegardées dans des châteaux de laLoire puis du Lot sous la garde despaysans du Causse.

Premiers actes isolés, premières actionsconcertées de résistance

Les zones libre et occupéesÀ l’intérieur de la zone occupée, les Allemandsont délimité une zone interdite au nord de laSomme et de l’Aisne. Les départements du Nordet du Pas-de-Calais étaient placés sousl’administration de Bruxelles. Les Allemands ontannexé l’Alsace et le département de la Moselle.

D’après la carte extraite du livre d’Henri Michel,La Seconde Guerre mondiale, tome I, Paris, PUF,1969, p. 190.

Concours National de la Résistance et de la Déportation 9

Enfin, face aux réquisitions etaux exactions dans de nom-breuses régions, des paysans serassemblent sur les marchés oules foires et manifestent leurcolère comme 500 éleveurs àChambéry (Savoie) le 30 octo-bre 1940. Ce dernier type d’action mon-tre que dans les espaces ruraux commedans les villes, une résistance encorebalbutiante tend à se mettre en place.

Dans le même temps, des groupess’organisent et agissent en zone rurale en

premier lieu dans les régions annexéeset occupées.Les premiers actes visent à soutenirl’effort du Royaume-Uni seul encore enguerre et la France Libre, dirigée par legénéral de Gaulle. Ainsi naissent desréseaux* de renseignement, d’abord dans

les zones côtières, tels Alliance au Pays basque, George France 31 en Bretagne ou l’embryon de la Confrérie Notre-Dame dans les environs deBordeaux, ou encore des filières inter-zones et internationales d’évasion pourles prisonniers de guerre ou les pour-chassés comme celle de Sœur Eustache,supérieure de l’hôpital des Forges-de-Jœuf (Meurthe-et-Moselle). Plusexceptionnellement, dès juin 1940, del’île de Sein (Finistère) la quasi-totalitéde la population masculine (plus de 130personnes) gagne l’Angleterre pourrallier le général de Gaulle.

D’autres créent des organisationsclandestines de Résistance, souvent enliaison avec des éléments ou des groupesagissant dans les villes voisines. Dèsl’Armistice*, dans le Cher, avec deshabitants de Vierzon et de la région,Berty Albrecht, cofondatrice du mou-vement* Combat, met en place desfilières de franchissement de la ligne de démarcation* pour les prisonniersévadés et les premiers résistants. En paysnantais, autour de Marcel Paul, naissentet agissent certains des premiers groupescommunistes de l’Organisation spéciale.Ces actions en milieu rural sont soute-nues et popularisées par la reparution dujournal La Terre en mai 1941. Des rurauxet des citadins du Nord, de Bretagne et

du Cher fournissent les points d’appuisdes activités de renseignement etd’évasion du réseau de résistance parisiendu Musée de l’Homme.Ce qui n’est encore qu’actes isolés et embryons d’organisation, dans le tissusocial particulier que forme ce mondefait de petites communautés aux valeursparfois contradictoires de repli sur soimais aussi d’accueil et de solidarité,devient peu à peu l’incarnation del’esprit de Résistance dans l’espacerural. �

Aux origines du réseau CND(Confrérie Notre-Dame)Le 18 juin 1940 Gilbert Renault prend la décision de rejoindre l’Angleterre avecson frère pour continuer la guerre. Il débarque à Falmouth le 22 juin et s’engagedans les Forces Françaises Libres. Le 2e Bureau le charge d’une mission derenseignement en France. Il reçoit un premier pseudonyme : Raymond (il seraplus connu sous son dernier pseudo de Rémy).Novembre 1940. L’abbé de Dartein, engagé lui aussi dans les FFL* a donné àRaymond l’adresse d’un contact dans un petit village du Périgord. Il s’agit deLouis de la Bardonnie, propriétaire du domaine agricole du Château La Roqueà St Antoine de Breuilh. Il s’y rend en novembre 1940 pour passer de la zonecontrôlée par Vichy à la zone occupée.Quelques jours après leur première rencontre, Louis de la Bardonnie expliqueà Raymond comment il a organisé son passage (1) :« Tout est prêt,…j’ai vu le docteur (2), on nous attend ce soir chez lui pour dîner.Voici le plan : nous partons d’ici à vélo avec le drôle (3). Nous nous arrêtons à laMothe-Montravel chez Pierrot Beaussoleil. C’est juste à côté de la ligne, du côtéfrançais. Après, il y a environ cinq cents mètres de route, et c’est le posteallemand. Je vous laisse chez Pierrot avec le drôle.Moi je continue à vélo et je passe le contrôle boche avec mon permis frontalier.Pierrot et le drôle vous conduisent par une grande prairie qui longe la route encontrebas sur la gauche. Elle est visible du poste mais ce soir, avec la pluie, etsans lune, ça ira bien. Vous arriverez à la Lidoire ; c’est un ruisseau qui va sejeter dans la Dordogne. Il n’y a pas encore eu beaucoup de pluies, donc il voussuffira de vous déchausser et de retrousser votre pantalon jusqu’aux genoux.Ce ruisseau marque la ligne frontière entre la zone occupée et la zone libre. Del’autre côté, tout de suite en face de vous, il y a une petite prairie, puis une fermequi est juste en bas de la route. Il n’y a pas à vous tromper. D’ailleurs je serai àvous attendre de l’autre côté de la Lidoire. Nous retrouverons l’auto du docteurun peu plus loin.»Par la suite deux fermes de ce secteur ont servi de lieux de passage à Raymondet à ses agents pour circuler entre les deux zones (Pierre Brossolette et safamille furent de ceux-là). Il s’agit des fermes de Jean Rambaud (dont il estquestion ici) et d’Édouard Etourneaud.

(1) Rémy, Mémoires d’un agent secret de la France Libre juin 1940-juin 1941,Éd. Aux Trois Couleurs, Paris, 1945, pp 99 et 100.(2) Le docteur Gaston Pailloux est médecin de campagne à Puisseguin (Gironde).(3) Expression familière dans le Sud-Ouest pour un jeune garçon.

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geAffiche bilingue

des autorités allemandes annonçant la condamnation de Blanche Paugan

pour acte de sabotage.

Ralliement de marins de l’île de Sein

10 Concours National de la Résistance et de la Déportation

Alors que le mythe de la riche terre deFrance nourrissant sans compter ses

enfants était solidement ancré dans l’esprit desFrançais de l’époque, à partir de l’été 1940, lapénurie alimentaire s’installe durablement enFrance et ce, pour plusieurs raisons.Tout d’abord, à la veille de la Seconde Guerremondiale, la France était largement tributaireau niveau alimentaire et énergétique des paysétrangers et de ses colonies.Le blocus instauré, en juillet 1940, par lesBritanniques, afin d’éviter que les importationsn’alimentent la machine de guerre nazie, priveprogressivement la France d’une part impor-tante de son approvisionnement, surtout aprèsle débarquement allié en Afrique du Nord ennovembre 1942.De plus, les faibles quantités de denréescoloniales parvenant en France étaient large-ment ponctionnées par les Allemands qui déjàprélevaient une part importante de viande et decéréales sur la production métropolitaine afind’assurer la subsistance des troupes d’occu-pation, si bien que l’argent versé par legouvernement de Vichy pour payer les fraisd’occupation s’accumulait sur les comptes desautorités allemandes.Alors que dès septembre 1940 débutait lecamouflage des stocks de produits alimentaireset industriels, les Allemands eurent l’idéed’utiliser ces sommes d’argent en ouvrant desbureaux d’achat dont l’objectif était de drainerles richesses que la France pouvait encorecacher en proposant aux détenteurs de cesstocks des prix supérieurs à la taxe officielle.Ces prélèvements dissimulés achevèrent lepillage économique de la France.À cela, il faut ajouter la baisse de la productionagricole consécutive au manque de main-d’œu-vre (80000 paysans furent tués lors de la campa-gne de France, 700 000 autres furent faitsprisonniers) mais aussi au manque d’engrais,de machines neuves, d’essence et de semen-ces sélectionnées. Il n’est donc pas étonnantque de 1940 à 1944, les surfaces cultivéesdiminuent de 16 % pour le blé et de 29 % pourl’avoine et l’orge.Enfin, l’instauration de la ligne de démarcationmultiplia les difficultés d’échanges commer-ciaux entre la France du nord et la France dusud traditionnellement complémentaires.Les effets de la pénurie se firent sentir dès octo-bre 1940 touchant des denrées tels que le sucreet les matières grasses.Néanmoins cette pénurie alimentaire atteignitdifféremment le territoire français et ce duranttoute la durée de l’occupation.Si l’approvisionnement des urbains s’avéraitdifficile, par contre les habitants des campa-

gnes bénéficiaient de conditions deravitaillement nettement meilleurespratiquant traditionnellement l’auto-consommation, reposant sur l’éle-vage de volailles et la culture d’unpotager.Face à cette pénurie, rapidement,une économie dirigiste va se met-tre en place.Les Français comptent avec unenouvelle administration: le Ravi-taillement général qui, progres-sivement, réglemente leurapprovisionnement alimen-taire et a pour tâche derépartir de façon équitableentre tous les Français leseffets de la pénurie.Les exploitants agricoles sont au cœur dece nouveau dispositif. En effet, après estimationde leurs ressources agricoles faite au moyen dedéclarations de production, les services duRavitaillement général exigeaient d’eux deslivraisons de produits agricoles.Rapidement de nombreux aliments (le pain, lafarine, les matières grasses, le sucre, les pro-duits laitiers, les pommes de terre, la viande…)ne peuvent plus être achetés librement. Chaqueconsommateur se voit attribuer désormais uneration pour chaque denrée en fonction de sonâge et de sa profession, ration qui lui sera déli-vrée en échange de tickets de ravitaillement.Ces rations diminuèrent d’année en année.« Dès le début du rationnement, en septem-bre 1940, il ne fut attribué que 1800 calories parpersonne et par jour. Progressivement, la rationallouée diminua à 1 700 calories en 1942, puis1500 pour tomber à 1220 et 900 calories par jourpour les adultes et à 1 380 et 1 300 pour lestravailleurs de force, les vieillards n’avaient que850 calories par jour» (1)

Les besoins normaux d’un adulte étaientestimés à 2400 calories par jour. De plus, ce quiaggravait la situation, c’était la qualité des

rations distribuées: le pain, aliment symbole duFrançais de 1940 était d’une qualité de plus enplus médiocre.Les services officiels du ravitaillement neprocurant pas les denrées nécessaires à lasubsistance, beaucoup de Français eurentrecours à d’autres sources d’approvision-nement: les produits vendus librement (légumeset fruits), la production de leur jardin, les colisfamiliaux (système instauré officiellement àpartir d’août 1941). Enfin, les consommateurs quien avaient les moyens pouvaient recourir au«marché noir».Plus les rations étaient faibles, plus l’appel au« marché noir » devenait important. La haussedes prix qui en résultait encourageait le déve-loppement de ce marché aux dépens du ration-nement officiel. Il y avait là un processusd’autodestruction du système que l’on peutschématiser comme dans la figure ci-dessous.Il faut distinguer deux grandes catégories demarché noir. Il n’y a aucune commune mesureentre les trafiquants organisés en réseaux, qui

Les prix officiels des denrées agricolesstagnent alors qu’ils augmentent

sur le «marché noir»

Affaiblissement de la ration

Appel au «marché noir»

Diminution des produits collectéspar le Ravitaillement général

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Le ravitaillement

Ticket de rationnement.

Concours National de la Résistance et de la Déportation 11

n’avaient d’autre objectif que de faire fortune en profitant de la détresse de leurs contemporainset en pratiquant des prix exorbitants et ceux qui se débrouillaient pour avoir le minimum vital,se contentant de vendre aux amis ou aux clients d’avant-guerre à un prix certes plus élevé quele prix de la taxe, mais à un prix raisonnable encore et sans but lucratif.Dans son livre autobiographique, Grenadou paysan beauceron, Ephraïm Grenadou nous livreun témoignage fort éclairant sur la motivation de certains agriculteurs à pratiquer le marchénoir : «Chaque semaine, trois bonshommes menaient chacun deux chevaux et une voiture dedeux ou trois tonnes de carottes qu’on livrait au syndicat agricole de Chartres. J’étais le seulà en avoir fait et elles se vendaient comme des petits pains. On traversait Chartres et les genscouraient après nous avec des sacs. J’ai gagné de l’argent au poil. De temps en temps, jecachais un veau sous les carottes. C’est là que le marché noir a commencé. À Saint Loup, lemarché noir n’était ni le double, ni le triple comme à Paris.On essayait de livrer le moins possible aux Allemands.Des haricots que les Allemands réquisitionnaient àquarante francs, on les vendait cinquante francs à desParisiens qui venaient par le train».En effet, pour beaucoup de paysans, les impositionsétant liées à la défaite de 1940 et à l’Occupation, toutce qui touche à l’organisation du ravitaillementdevient impopulaire en raison du caractèreantinational qu’on lui prête. De plus, une politiquede taxation des productions agricoles trop faible n’incitepas les paysans à livrer tous les quotas qui leur étaient demandés parl’administration du Ravitaillement général.Tout cela encourage les producteurs à réduire leurs livraisons au Ravitaillement général et àécouler une partie de leur production sur le marché parallèle ou bien, à le troquer par le biaisdes colis familiaux. Du reste, ils y étaient incités par la Résistance qui diffusait des mots d’or-dre tels que «Paysans ne livrez pas vos produits aux boches» (2) ou bien «Paysans tout pour leFrançais» (3). En effet, la Résistance voit rapidement l’intérêt d’obtenir la sympathie des paysansqui pouvaient faciliter la cache et le ravitaillement des résistants recherchés mais aussi desmaquis et des aviateurs alliés.

(1) Chiffres extraits de l’ouvrage de Michel Cépède, Agriculture et alimentation en France durantla Seconde Guerre mondiale, Génin, 1961, p. 151(2) Tract du Front National d’Eure-et-Loir trouvé à Theuville le 30 novembre 1942.(3) Tract du Front National d’Eure-et-Loir trouvé à Dreux le 15 mars 1944.

Les catégories de consommateursToutes les catégories comprenaient indiffé-remment les consommateurs des deux sexes :• catégorie E : enfants âgés de moins de trois ans• catégorie J1 : enfants âgés de 3 à 6 ans• catégorie J2 : enfants âgés de 6 à 13 ans (cette

catégorie comprenait les enfants de 6 à 12 ansavant le 15 juin 1941)

• catégorie J3 : consommateurs âgés de 13 à 21 ans (cette catégorie fut créée le 15 juin 1941,avant cette date cette classe d’âge était classéeavec les consommateurs de la catégorie A, Cou T)

• catégorie A : consommateurs de 21 à 70 ans nese livrant pas à des travaux donnant droit auclassement en catégorie T ou C (cette catégoriecomprenait des consommateurs de 12 à 70 ansavant le 15 juin 1941)

• catégorie T : consommateurs de 21 à 70 ans selivrant à un travail pénible nécessitant unegrande dépense de force musculaire (cettecatégorie comprenait les consommateurs de 12 à 70 ans avant le 15 juin 1941)

• catégorie C : consommateurs à partir de 21 anset sans limite d’âge se livrant personnellementet professionnellement aux travaux agricoles(cette catégorie était ouverte aux consom-mateurs remplissant ces conditions dès l’âgede 12 ans avant le 15 juin 1941)

• catégorie V : consommateurs de plus de 70 ansdont les occupations ne pouvaient autoriser leclassement dans la catégorie C.

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t Émission «Les Français parlent aux Français», Georges Boris, 30 septembre 1941, 20 heures 30 à 21 heures[…] « Afin de suppléer ce qui lui manque, chacun doit s’efforcer de trouver, comme il le peut, des produits non rationnés. Mais lesarrivages sur les marchés sont insuffisants, d’autant que les Allemands commencent par se servir au passage. Les magasins sont malapprovisionnés et d’ailleurs les Allemands se chargent de les vider. Faut-il donc recourir au marché noir, dont les grands trafiquantset profiteurs sont des Allemands qu’on ne poursuit ni ne punit jamais ? Seuls, les riches peuvent s’offrir le luxe du marché noir. Déjàaux prix officiels et tarifés, sur les marchés ou dans les magasins, il en coûterait de 30 à 40 francs par jour pour acheter, si on pouvaitles trouver, les produits nécessaires pour assurer ce minimum vital de 2400 calories quotidiennes. Combien de Français disposent de30 à 40 francs par jour et par tête, pour se nourrir seulement ? L’immense majorité ne les a pas. L’immense majorité des Français n’apas assez d’argent pour manger. L’immense majorité des Français est condamnée à la faim.[…] Depuis quinze mois, les prédications de la pénitence, la dénonciation des prétendues fautes et erreurs françaises par le Maréchalservent à couvrir les crimes des Allemands, ces crimes dont le Maréchal n’a jamais dit un mot, préférant louer le vainqueur de sacourtoisie, tout comme Darlan vantait sa générosité. Depuis quinze mois, le masochisme de Vichy sert à justifier le sadisme allemand.[…] Mais, si dans votre sérénité, avec vos poids et vos balances, vous arrivez enfin au bout de quinze mois à la conclusion que l’équili-bre de la faute et de la punition est réalisé, voire dépassé, alors qu’attendez-vous pour crier “Arrête” au pillard, au bourreau, que vous avez trop longtemps encouragé de la voix, rien qu’en accusant ses victimes. […] Ils continuent de répéter la vieille leçon dont leMaréchal a fourni le thème : les Français se sont amollis dans le luxe et l’oisiveté. Les privations leur font du bien. À Radio-Paris, lasemaine dernière, dans une émission outrageusement intitulée “Sachez vous nourrir”, un des misérables employés de Goebbels osaitdire : “Le manque de sucre, de viande, de café, de tabac et d’autres produits ne fait pas de mal. Il est même, à certains égards, trèsutile. C’est une vérité biologique que l’absence de ces produits est un bienfait pour les enfants.” Je n’invente rien. Ainsi parlait un deces traîtres, auquel on a délivré sans doute pour le payer une carte d’alimentation supplémentaire, la carte d’un mort, puisqu’on “faitmanger les morts”, pour donner double ration aux collaborateurs.Français, c’est ainsi qu’à Paris, on justifie d’avance la continuation des exactions et du pillage allemand. Ne comptez pas sur Vichypour vous défendre. Le Vichy qui vous a toujours livrés vous livrera encore.»

Extrait de Les Voix de la Liberté. Ici Londres 1940 - 1944, La Documentation française, 1975, volume I, pp 309-310.

Papillon creusois[novembre 1942].

12 Concours National de la Résistance et de la Déportation

Le passage à l’action résistante dansle monde rural s’exprime enpremier lieu par les multiples

formes plus ou moins improviséesdécrites dans la partie précédente.Ensuite, en fonction des opportunités,des disponibilités et des capacités àprendre et à accepter les risques del’engagement, des groupes se mettenten place et se structurent. L’impulsionpeut être donnée au sein du monderural, mais elle provient plus géné-ralement d’ailleurs, du monde urbainoù la Résistance intérieure se développeplus précocement et plus rapidement oubien de l’étranger, qu’il s’agisse desBritanniques ou des Français Libres.Dans tous les cas, la Résistance rurales’organise.

Dès les premiers mois suivant la défaiteet l’occupation de la moitié nord de laFrance, la nécessité d’avoir des infor-mations sur place est une préoccupationmajeure des Britanniques et des FrançaisLibres. Le Royaume-Uni a impéra-tivement besoin de renseignements surl’implantation en France des troupes dela Wehrmacht (armée de terre alle-mande), et plus particulièrement de laLuftwaffe (armée de l’air allemande) quilance ses escadrilles à l’assaut des sitesmilitaires, des convois dans l’Atlantique,puis des villes britanniques. La FranceLibre est également à la recherched’informations, ne serait-ce que pourmontrer au Royaume-Uni, dont elledépend presque totalement sur le planmatériel, qu’elle peut contribuer àl’effort de guerre.Or, les communications entre la Franceet le Royaume-Uni sont presque tota-lement interrompues. La priorité estdonc de renouer des liens : des agentssont envoyés dès la fin de l’année 1940par les services britanniques, IS*(Intelligence Service) ou SOE* (SpecialOperation Executive) puis par ceux de la

France Libre : 2e Bureau puis BCRA*(Bureau Central de Renseignement etd’Action) quand les premiers procurentaux seconds les moyens de transportsnécessaires. Les résultats obtenus sonttout d’abord maigres, mais précieuxparce que rares.Durant cette période délicate, le monderural français est considéré de manièrecontrastée. D’une part, il est vu autravers de l’image qu’en renvoie lerégime de Vichy : un milieu rallié à lapersonne de Pétain et à la « Révolutionnationale ». La méfiance est de mise : onévoque sur les ondes britanniques lepillage des ressources agricoles de laFrance, mais aucun appel n’est lancéspécifiquement en direction des paysans.Leur apport à la lutte qui s’engage resteproblématique : comment leur deman-der de détruire les récoltes destinées àl’ennemi alors que l’on dénonce lapénurie alimentaire ? Comment leurdemander de participer au sabotage del’effort de guerre allemand dans lequelils ne sont pas directement impliqués ?D’autre part, le monde rural ne peut êtreignoré car le contact avec le sol françaiss’effectue par la force des choses dans dessecteurs de campagne, où l’on espèrepouvoir assurer une certaine discrétionà l’opération. Les premiers débarque-ments d’agents britanniques ou de laFrance Libre ont lieu par vedette mili-taire le plus loin possible des localités ou,à l’inverse, par bateau banalisé, dans unport si possible pas trop fréquenté, avecla complicité de pêcheurs locaux ; lespremiers parachutages ciblent les zonesles moins peuplées des campagnes, dansla mesure où les conditions de vol et lafiabilité du matériel permettent d’attein-dre l’endroit prévu.À partir de la fin 1941, l’utilisation duLysander, avion capable de se poser et dedécoller sur un terrain à peu près plat dequelques centaines de mètres est un pro-grès mais encore faut-il que la lune soit

pleine et visible, que le balisage au solsoit repéré par le pilote et que l’ennemine se manifeste pas : au second semestre1942, seule une opération sur 19 duBCRA* est un succès.

Les premiers réseaux* qui se constituentprennent le plus souvent appui sur deshabitants des villes petites, moyennes ougrandes, mais il apparaît rapidement queles ruraux peuvent être utiles sinonindispensables. Toutes les installationsmilitaires ou économiques qui inté-ressent les Britanniques et les FrançaisLibres ne se trouvent pas uniquementen ville. La plupart des aérodromes oudes relais de transmission et nombred’usines ou de nœuds de commu-nication sont situés dans les campagnes.Les fortifications allemandes sontprésentes sur le littoral, et pas seulementdans les zones portuaires. Certainsruraux deviennent pour les réseaux* enplein essor des informateurs attentifs etdes hôtes bienveillants quand il s’agit decacher le radio et son poste, de trouverun gîte – ne serait-ce qu’une mauvaisegrange – lors d’une mission de rensei-gnement ou de sabotage. Les militairesfrançais ou alliés qui sautent en para-chute au-dessus de la France, soit dans

2E PARTIE

La Résistanceen action dans le monde rural

Des renseignements concernant les travauxde défense des côtes bretonnes collectés,analysés et transcrits sous forme de croquisdonnent une idée de l’efficacité des réseauxde renseignement français.

Aider les Alliés et la France Libre

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Concours National de la Résistance et de la Déportation 13

le cadre d’une mission, soit à la suited’une avarie de leur avion, savent aussiqu’ils peuvent compter sur les filièresd’évasion qui se mettent en place, en casde coup dur. D’ailleurs, les aviateursbritanniques ont pour consigne de pren-dre contact avec la première ferme qu’ils

trouvent en arrivant sur le sol français :ils devraient normalement y être bienaccueillis, ce que les faits confirment.Une telle bienveillance de la part dumonde rural à l’égard des Alliés et de laFrance Libre se retrouve égalementlorsqu’il s’agit de mettre en œuvre une

des composantes essentielles descommunautés rurales de l’époque :l’esprit de solidarité envers les exclus dunouveau régime, mais aussi à l’égard decelles et ceux qui s’engagent de plus enplus ouvertement dans la Résistancedans les campagnes. �

Les conséquences de l’Armistice*imposent la mise en place defrontières intérieures étroitement

surveillées (les « lignes » entre les diffé-rentes zones, voir carte p. 8), ainsi que lerenforcement du contrôle des frontièresextérieures, surtout avec la Suisse etl’Espagne.

Passer les frontières

Les premières actions de Résistance,souvent individuelles et peu organisées,consistent à faire franchir ces frontièresde manière clandestine. Malgré laprésence de patrouilles françaises ouallemandes, la surveillance des espacesde campagne ou de montagne resteimparfaite et les possibilités de passagenombreuses. Parmi les premiers passeursse trouvent des paysans ou des bergersqui connaissent mieux que quiconqueles chemins détournés qu’ils utilisentrégulièrement pour leurs activitésagricoles ou pastorales ; des bûcherons,des charbonniers ou des gardes forestiersqui peuvent profiter du couvertqu’offrent les secteurs boisés sans risquerde se perdre. L’expérience acquise lorsde la chasse, très populaire dans lemonde des campagnes (avant-guerre, ily avait plus de deux millions de permisde chasse délivrés en France, maisbeaucoup chassaient sans permis),associée aux pratiques du braconnage

qui, bien qu’illégal, a toujours étéimportant dans l’espace rural, aideconsidérablement les candidats aupassage. Parmi ces derniers figurent desprisonniers de guerre français, anglais etbelges évadés se dirigeant vers la zonesud, des réfugiés de l’exode et des soldatsfrançais démobilisés voulant regagnerleurs foyers dans la zone nord ou dansles zones interdites.L’augmentation de la demande et leresserrement de la surveillance à partirde 1941 entraînent la mise en place devéritables organisations dont les passeursne sont plus qu’un des éléments. Desfilières d’évasion sont constituées pouracheminer des aviateurs alliés, des résis-tants ou des Juifs pourchassés et leurfaire passer la frontière. À chaque étape,il faut trouver un hébergement et lemoyen d’acheminer la ou les personnesprises en charge – parfois plusieursdizaines – jusqu’à l’étape suivante.Toutes les bonnes volontés sont les

bienvenues malgré les risques que faitcourir la multiplication des complicités.Le réseau* Comète parvient ainsi à fairepasser de Belgique en Espagne près de300 militaires alliés, presque uni-quement des aviateurs qui franchissentla frontière franco-belge, la ligne de lazone interdite, la ligne de démarcation*(qui demeure en place après l’occupa-tion de la zone sud en novembre 1942),enfin la frontière franco-espagnole autravers des Pyrénées (une zone interditele long de la frontière est rajoutée en1943). Près de 2 000 volontairesparticipent à cette traversée du territoirefrançais ; 800 sont arrêtés et 150 yperdent la vie.Le passage au travers des Pyrénées a étéainsi emprunté par environ 25 000évadés de juin 1940 à juin 1944. Lesréseaux* s’appuient sur la tradition de lacontrebande transfrontalière et sur lesrelations anciennes entre les deuxversants du massif pyrénéen. Ils utilisentles services de passeurs bénévoles, maisaussi de professionnels qui se font payer,mais pour presque tous le risqueencouru est immense: 2000 évadés sontarrêtés et déportés en 1943 et 1944, 160passeurs meurent fusillés ou endéportation.

Procurer un refuge

Très rapidement, le monde rural estconsidéré comme un espace où lespourchassés peuvent se cacher, se sous-traire durablement au regard desautorités ou des forces de répressionfrançaises et allemandes. Ceux dont lasécurité est menacée s’éloignent souvent

Port

rait Un passeur exceptionnel

Fernand Valnet qui était marchand de fourrage dans le Doubs, opérait pour lecompte des services spéciaux de la Défense nationale et de l’ORA*, nonseulement dans son département mais en Saône-et-Loire, dans le Jura, àBelfort, etc. On a évalué à 10000 personnes environ ceux qu’il a fait passer d’unezone à l’autre, à plus de 1000 le nombre des prisonniers ramenés de zone inter-dite en zone «libre» et à 60000 lettres le courrier acheminé. Arrêté une premièrefois en juin 1941, traduit devant un tribunal allemand, il a été condamné à troisans de travaux forcés. Évadé, passé en zone sud, il avait repris ses activités,jusqu’au jour où une dénonciation avait permis aux Allemands de l’arrêter et del’envoyer dans un camp de concentration d’où il ne devait pas revenir.

D’après Henri Noguères, La vie quotidienne des résistants de l’armistice à laLibération, Hachette, 1984, p. 144.

Carte des évasions par les Pyrénées.La frontière entre la France et l’Espagne a été un espace depassages transfrontaliers trèsutilisé durant la Seconde Guerremondiale. L’aide des ruraux y fut importante d’autant plus que de tels passages clandestinsavaient déjà eu lieu quelquesannées auparavant lors de laGuerre d’Espagne.

Aider les pourchassés

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14 Concours National de la Résistance et de la Déportation

des villes jugées trop surveillées etpréfèrent « disparaître dans la nature »ou « se mettre au vert ». La géographieexplique souvent l’existence d’espacesprotecteurs, à l’écart des aggloméra-tions, aux voies d’accès facile àcontrôler. Cependant, les conditionsnaturelles n’assurent pas à elles seules lerefuge. Les conditions humaines sonttout aussi déterminantes. Sans l’impli-cation et la complicité de la population,il n’est pas d’abri sûr. En effet, le monderural n’est pas un monde vide : presquetout le territoire français est habité dufait de la multitude des hameaux et desfermes autour des bourgs ou estparcouru plus ou moins régulièrementau gré des activités forestières, agricoleset pastorales. Pourtant, le choix descampagnes n’est pas absurde. Certes,tout se sait dans un village, mais si onest connu des villageois, ou simplementaccepté par eux, on peut espérerbénéficier d’une certaine complicitébienveillante. Il ne faut pas oublier quebeaucoup d’habitants des villes sont descitadins récents et ont encore de lafamille à la campagne. Les solidaritésfamiliales peuvent jouer à fond etgarantir une prise en charge efficace etsalvatrice. Souvent, le simple état de faitprévaut : être logé et nourri par unmembre de la communauté villageoisesuffit à faire taire toute interrogation surl’origine du ou des individus accueillis,

même si personne n’est dupe. Parlerserait trahir et manquer au devoir desolidarité entre les habitants du village.Évidemment, les cas de dénonciationsexistent. Mais nombreux sont lesexemples de complicités silencieuses.L’absence de réaction concerne souventégalement les autorités (notamment lesmaires et les gendarmes), les responsa-bles de l’État français, qui n’osent pasaller à l’encontre de la masse de leursconcitoyens et manifestent peu d’em-pressement à appliquer les directivesofficielles.Les pourchassés peuvent aussi comptersur les solidarités professionnelles,politiques ou spirituelles : les instituteursen recherche de contacts s’adressent enpriorité à leurs collègues qui ont faitpartie de la même promotion à l’écolenormale ou de la même organisationsyndicale supprimée par l’État français,spécialement s’ils ont aussi la fonctionde secrétaire de mairie, poste trèsintéressant quand on veut obtenir defaux papiers d’identité ; les militantscommunistes des villes savent qu’ilspeuvent compter sur leurs camaradesdes campagnes, lorsqu’ils ont accès auxorganes de fonctionnement du particlandestin; les protestants des Monts duVivarais ou des Cévennes, qui conser-vent le souvenir des persécutions subiessous l’Ancien Régime, se montrentparticulièrement attentifs au sort des

Juifs, notamment au Chambon-sur-Lignon (Haute-Loire) et dans lescommunes voisines.

Les réseaux* et les mouvements* qui sestructurent et se développent ne man-quent pas de s’appuyer, chaque fois quecela est possible, sur ces individus isolésou sur ces collectifs actifs, en les inté-grant si nécessaire dans leur propreorganisation. En effet, avec l’accen-tuation de la répression anti-résistanteet de la persécution antisémite en 1941-1942, les besoins augmentent : il fautaider matériellement les résistants arrêtéset leur famille, notamment en leurprocurant de la nourriture, il faut dépla-cer et cacher de plus en plus d’hommes,de femmes et d’enfants, en les éloignantdes lieux dangereux et en leur donnantune nouvelle identité. Les mouvements*de Résistance tels Combat, Libération-Nord, Franc-Tireur, Défense de laFrance ou le Front National* ainsi que les organisations de solidarité*(Amitié chrétienne, Assistance française,Secours populaire clandestin, OSE,CIMADE, etc.), qui se constituentd’abord dans les villes, étendent leursramifications dans les campagnes où ilspeuvent trouver les relais indispensablesà leurs actions. Face au durcissement dela répression allemande, les résistantsont de plus en plus besoin de soutiendans la population des campagnes. �

Les réalités de la Résistance rurale

Étudier la structure et le déve-loppement de la Résistance enmilieu rural, c’est se heurter à

d’importantes lacunes historiographi-ques. En effet, jusqu’à présent, lesétudes sur la Résistance intérieure sesont largement concentrées sur lesmouvements* fondateurs du CNR*(Conseil national de la Résistance),tous nés en ville, et se sont surtoutintéressées aux terroirs pour étudier ledéveloppement des maquis à partir de1943. Ce déséquilibre est renforcé parle fait que les ruraux ont peu témoignéet moins souvent fait valoir leurs droitsde résistants que les citadins. De cesfacteurs découle l’impression que laRésistance est d’abord née en ville etn’a émergé que plus tardivement à lacampagne. Cette vision, qui alimenteles préjugés anciens sur l’individua-lisme et le conservatisme des paysans,doit être nuancée.

La Résistance des campagnes, commecelle des villes, est restée minoritairedurant les premières années d’occupa-tion. Elle ne s’amplifie vraimentqu’avec les événements qui s’enchaî-nent de l’été 1942 à l’hiver suivant. Sil’invasion du sud de la France ne faitque renforcer l’hostilité envers l’enva-hisseur, les rafles de Juifs et la réqui-sition des travailleurs français, mises enœuvre par Vichy pour le compte del’Allemagne, touchent le monde rural,jusqu’alors majoritairement fidèle àPétain. De fait, les préfets notent, àpartir du second semestre 1942, unedésaffection croissante des campagnesà l’égard de l’État français. L’extensiondu STO*, aux travailleurs agricoles enmai 1943 aggrave le mécontentement,d’autant que l’absence de 700 000paysans, prisonniers depuis 1940,engendre une pénurie de main-d’œuvre aiguë.

Ce basculement de l’opinion, d’intensitévariable selon les terroirs, se traduitd’abord par une vive augmentation del’aide aux persécutés. Ainsi, dès 1942, desmilliers de familles paysannes cachentspontanément des Juifs, des résistants oudes travailleurs menacés.Cependant, la radicalisation de l’occu-pation place la Résistance devant desurgences nouvelles qui rendent indis-pensable l’organisation d’une résistancerurale massive. La place accordée auxcampagnes à Radio-Londres et dans lapresse clandestine intérieure reflète cespréoccupations. Modeste jusqu’en 1942,elle augmente constamment ensuite. Desdizaines de nouveaux journaux aux titresrévélateurs apparaissent : Le Semeur,Jacques Bonhomme, éditions locales deLa Terre, etc. Au total, des centaines demilliers de publications clandestinesatteignent le monde rural en 1943-1944,visant toutes les catégories sociales ;

Concours National de la Résistance et de la Déportation 15

Extraits des«Feuillets d’Hypnos» Céreste, 29 juin 1943« Le boulanger n’avait pas encore dégrafé lesrideaux de fer de sa boutique que déjà le villageétait assiégé, bâillonné, hypnotisé, mis dansl’impossibilité de bouger. Deux compagnies deS.S.* et un détachement de miliciens* letenaient sous la gueule de leurs mitrailleuses etde leurs mortiers. Alors commença l’épreuve.Les habitants furent jetés hors des maisons etsommés de se rassembler sur la place centrale.Les clés sur les portes. Un vieux, dur d’oreille,qui ne tenait pas compte assez vite de l’ordre,vit les quatre murs et le toit de sa grange voleren morceaux sous l’effet d’une bombe. Depuisquatre heures j’étais éveillé. Marcelle étaitvenue à mon volet me chuchoter l’alerte. J’avaisreconnu immédiatement l’inutilité d’essayer defranchir le cordon de surveillance et de gagnerla campagne. Je changeai rapidement de logis.La maison inhabitée où je me réfugiai autorisait,à toute extrémité, une résistance arméeefficace. Je pouvais suivre de la fenêtre,derrière les rideaux jaunis, les allées et venuesnerveuses des occupants. Pas un des miensn’était présent au village. Cette pensée merassura. À quelques kilomètres de là, ils sui-vraient mes consignes et resteraient tapis. Descoups me parvenaient, ponctués d’injures. LesS.S*. avaient surpris un jeune maçon quirevenait de relever des collets. Sa frayeur ledésigna à leurs tortures. Une voix se penchaithurlante sur le corps tuméfié : “Où est-il ?Conduis-nous”, suivie de silence. Et coups depied et coups de crosse de pleuvoir. Une rageinsensée s’empara de moi, chassa monangoisse. Mes mains communiquaient à monarme leur sueur crispée, exaltaient sa

puissance contenue. Je calculais que lemalheureux se tairait encore cinq minutes, puis,fatalement, il parlerait. J’eus honte de souhaitersa mort avant cette échéance. Alors apparutjaillissant de chaque rue la marée des femmes,des enfants, des vieillards, se rendant au lieu derassemblement, suivant un plan concerté. Ils sehâtaient sans hâte, ruisselant littéralement surles S.S*., les paralysant “en toute bonne foi”. Lemaçon fut laissé pour mort. Furieuse, lapatrouille se fraya un chemin à travers la fouleet porta ses pas plus loin. Avec une prudenceinfinie, maintenant des yeux anxieux et bonsregardaient dans ma direction, passaientcomme un jet de lampe sur ma fenêtre. Je medécouvris à moitié et un sourire se détacha dema pâleur. Je tenais à ces êtres par mille filsconfiants dont pas un ne devait se rompre.J’ai aimé farouchement mes semblables cettejournée-là, bien au-delà du sacrifice.»

René Char, « Feuillets d’Hypnos », Fureur etmystère, Gallimard, 1948

René Char (1907-1988), poète français,combattant en 1940, résistant en 1942, passé aumaquis en 1943, un des responsables de laRésistance dans les Basses-Alpes.Le 29 juin 1943, à 5 heures du matin, Céreste,village du Lubéron où l’auteur se trouve sousune fausse identité, est investi par les SS* et laMilice*.

Un couple de «Justes»agriculteurs.Joseph et Émilienne Argoud, un couple depaysans, vivent modestement dans leur villagede Haut Biol, en Isère. Au printemps 1943,l’Organisation de secours aux enfants (OSE) leurconfie deux enfants juifs. Les parents de JoséGutfeld, l’un de ces enfants, se sont enfuisd’Allemagne en Belgique, puis en France, où ils

sont arrêtés et déportés à Auschwitz. Malgréleur pauvreté, les Argoud ne ménagent pasleurs efforts pour assurer aux jeunes réfugiéschaleur et réconfort. Ils les traitent avecaffection, n’abusant jamais de la situation,comme c’est malheureusement le cas chezcertaines personnes qui ont accueilli desenfants juifs et les font travailler durement.Lorsque le danger se rapproche, les Argoudmettent les enfants à l’abri dans une cachette.On sait au village que les Argoud cachent deuxenfants juifs : Joseph et Émilienne courent doncles plus graves dangers. En cas de découverte,ils risquent leur vie. Pourtant, ils hébergent lesdeux enfants jusqu’à la Libération, soit pendantenviron un an et demi.

Après la guerre, José Gutfeld émigre en Israël.En 1982, il se rend en visite en France et se metà la recherche de ceux qui l’ont sauvé. Unerencontre émouvante s’en suit.Le 13 novembre 1984, Yad Vashem décerne àJoseph et Émilienne Argoud le titre de Justesdes Nations.

D’après Israël Gutman (dir.), Dictionnaire desJustes de France, Yad Vashem/Fayard, 2003,pp. 51-52 (dossier 3035)

paysans, artisans, maires, instituteurs,curés… Cette dynamique permet auxmouvements* d’étendre leurs ramifi-cations et renforce l’imbrication desrésistances rurales et citadines. Dans leFinistère par exemple, Daniel Trellu,s’appuie sur ses collègues instituteurspour implanter le Front National* dansles villages. L’expansion des mouve-ments s’effectue aussi par l’absorptionde groupes locaux. Dans le Doubs, lesFTP* (Francs-Tireurs et Partisans)enrôlent, en 1943, des jeunes agricul-teurs chrétiens dirigés par MarcelSimon, passés à la lutte armée depuisplusieurs mois.Les actions de la résistance rurale sediversifient avec l’apparition de formes

d’action jusqu’alors surtout urbaines.Ainsi, l’édition francilienne de Libéra-tion est réalisée dans un bourg deSeine-et-Marne. À Villardon (Loir-et-Cher), la ferme Vincent est choisie parl’IS* (Intelligence Service) pour abriterl’émetteur radio du réseau* de rensei-gnement Jade-Amicol. Plus généra-lement, on assiste, à partir du 14 juillet1943, à un net essor des manifestationspatriotiques dans les villages, alors quede telles pratiques lors de la fêtenationale étaient jusqu’à présent réser-vées aux villes.Par ailleurs, la Résistance rurale déve-loppe des logiques propres comme leprouve l’apparition dans les années1942-1943 de deux organisations appe-

lées à devenir d’envergure nationale, laCGA* (Confédération Générale del’Agriculture) et les CDAP* (Comitésd’Action et de Défense Paysanne).

Deux grandes organisationsde la Résistance rurale

La CGA* est en grande partie l’œuvrede Tanguy-Prigent (1). Ce dernier lance,fin 1940, le Bulletin bimensuel de laCoopérative de Défense paysanne deMorlaix (Finistère) avec d’anciens dirigeants de CNP* (ConfédérationNationale Paysanne) située politique-ment à gauche, dissoute par Pétain.Cette publication, tolérée un temps parl’occupant, critique point par point la

José Gutfeld entre Emilienne et Joseph Argoudlors de leur rencontre en 1982

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Plusieurs journaux clandestins à destination des campagnes.La presse clandestine permit de diffuser les idées de la Résistance. Avec desmoyens souvent précaires, les résistants fabriquaient de nombreux titres, quiavaient pour la plupart des éditions régionales. Les mots d’ordre étaient souventles mêmes : non aux réquisitions allemandes, aide aux maquis, aspirations à desréformes dans le monde rural.

Corporation paysanne* de Vichy. Jugéedangereuse, car elle regroupe en unsyndicat unique aussi bien le « châtelainoisif » que ses fermiers et ses domes-tiques, celle-ci est accusée d’attenter auxlibertés syndicales et de placer les paysanssous la tutelle de l’État et des gros pro-priétaires terriens. Preuve d’un rejetcroissant de la politique de Vichy, laCoopérative de Morlaix passe de 3 062à 4390 adhérents en deux ans et diffuse,à partir de 1941, une édition nationaledu Bulletin dans 18 départements. Si lejournal finit par être interdit, son audiencea conduit de nombreux paysans vers lemouvement * Libération-Nord et sonréseau* de renseignement, Cohors-Asturie, ou vers le parti socialiste d’alorsla SFIO (Section Française de l’Inter-nationale Ouvrière) illégale. Elle a aussiposé les bases d’un syndicat clandestin,baptisé CGA * fin 1943. Solidementancrée tout d’abord dans quelquesdépartements comme l’Yonne ou leFinistère, la Confédération croît peu àpeu dans les deux zones. Elle exprime sesambitions dans son organe, au titresignificatif : La Résistance paysanne. Touten combattant les réquisitions de laproduction et des travailleurs, elle récla-me la dissolution de la Corporation etl’épuration de ses cadres à la Libération.Le principal artisan de l’autre organi-sation de résistance spécifiquementrurale, les CDAP* (Comités d’Action etde Défense paysanne), est un vignerondu Loir-et-Cher, Bernard Paumier.Communiste, membre de la Confédé-ration générale des Paysans travailleurs(également dissoute), Paumier réalise en1940 des affichettes dénonçant les

réquisitions allemandes. En 1941, il estappelé à Paris par la direction du particommuniste pour diriger le travailpaysan. Il œuvre notamment à laparution clandestine du journal La Terreet au développement de l’agitation dansles campagnes. En 1942, il dirige lescomités paysans du Front National* quis’enracinent d’abord dans les Pays de laLoire, en Bretagne, puis dans le Sud-Ouest. Les CDAP* s’étendent ensuiteet se fédèrent en comités départemen-taux et régionaux, chapeautés par deuxdirections au sud et au nord du pays. Ilsarticulent actions semi-légales et illégaleset encouragent une lutte multiformecontre les réquisitions : opposition,parfois musclée, aux fonctionnaires duRavitaillement envoyés par Vichy,infiltration des groupes locaux de laCorporation (certains passent entiè-rement sous le contrôle des résistants),pression sur les maires, etc. Leur campa-gne de grève des battages à l’été 1943connaît un succès certain. Leur presseclandestine dénonce la dégradationconstante des conditions de vie et exigedes réformes, comme la retraite pour les« vieux paysans ». Ce socle revendicatiffavorise la création de comités d’aide auxréfractaires, réclamés par Henri Queuilleà Radio-Londres, et l’essor de la luttearmée (incendies de récolte, réceptiondes armes parachutées, sabotages…).D’autres structures, pour la plupartancrées à gauche se mettent égalementen place afin de satisfaire aussi bien lesrevendications patriotiques que socialesdes habitants des campagnes.Cependant, l’existence d’un élan contes-tataire fort n’est pas toujours liée à la

présence d’une Résistance organisée. LaRésistance propose en effet desstructures suffisamment ouvertes pourrecruter des mécontents de toutesobédiences, y compris des déçus du« pétainisme », dont le nombre aug-mente à mesure que Vichy s’enfoncedans la collaboration et que les paysansdoivent faire face aux difficultés écono-miques grandissantes. Un ancien minis-tre de l’Agriculture de Vichy, Jacques Le Roy Ladurie explique ainsi dans sesMémoires qu’en 1943 étant « ancienleader national du syndicalisme agricole,[il a] conservé de nombreuses relationsdans les campagnes, [et qu’il lui sera]possible d’y puiser des éléments actifs pourla Résistance ».Ainsi, l’influence de la Résistance gagne,peu à peu, tout le pays. À l’hiver 1943-1944, elle est suffisamment forte danscertains terroirs pour fixer le prix desdenrées, base d’un « marché tricolore »qui répond à des préoccupations multi-ples : garantir aux producteurs et auxconsommateurs des tarifs décents, àl’achat comme à la vente, améliorer lesconditions de ravitaillement, redorerl’image des paysans, souvent accusés deprofiter de la pénurie pour s’enrichir du« marché noir ». Ces préjugés, trèsrépandus en ville à l’époque, ont été enpartie démentis par les historiens : lespopulations rurales ont apporté à laRésistance un soutien croissant, bienqu’inégal selon les endroits, qui facilitele développement spectaculaire desmaquis au printemps 1943 et préfi-gure l’ampleur des combats pour laLibération. �

(1) Cf Fiche méthode n° 1 pages 18-19.

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Les cultivateurs de VerdelotDu mois d’août 1940 jusqu’en 1944, les familles de cultivateurs Boyer etRenac ont hébergé des dizaines de clandestins et de familles derésistants. «Nos cousins de Bretagne» dit parfois Mme Renac. Certainsde ces étranges « Bretons » ont l’accent espagnol, italien, russe(prisonniers de guerre évadés) ou même allemand (soldats déserteurs).Pourtant, dans le village, personne ne parle, à l’exception d’un seuldélateur qui, après avoir contribué à l’arrestation d’Albert Boyer, ne sur-vit pas à la Libération.

Le vicaire de DammartinOriginaire des Pays-Bas, l’abbé Terruwe arriveà Dammartin-en-Goële en 1941 afin de ne pasavoir à travailler pour l’occupant dans sonpays. Très vite, le nouveau venu prend contactavec la Résistance locale, particulièrementavec M. Surquain, le vétérinaire, qui constitueà Dammartin et dans ses environs une solideorganisation du Front National*.Durant l’été 1942, quand les Juifs contraintsau port de l’étoile jaune sont arrêtés, l’abbéTerruwe s’efforce de soustraire les enfants àla déportation. Avec la mère supérieure de laCongrégation Notre-Dame de Sion et le pèreDevaux, qui dirige une institution réservée auxgarçons, de l’autre côté de la rue Notre-Damedes Champs, à Paris, il monte un véritableréseau de sauvetage.En langage convenu, ses « correspondants »parisiens lui annoncent qu’ils tiennent à sadisposition tant de petits « chiots » (desgarçons) ou tant de «chatons» (des filles). L’abbé va alors chercher lesenfants pour les cacher, parfois avec l’aide du secrétaire de mairie deDammartin, M. Trout, ou d’autres résistants. Il en installe beaucoup aupréventorium de la Motte Verte, à Dammartin, ou Melle Raub et sescollègues font des prodiges pour nourrir tout ce petit monde.Mais les protégés de l’abbé sont si nombreux qu’il faut en cacher nonseulement chez les habitants de Dammartin, mais également dans lescommunes environnantes. Il faut aussi les scolariser – souvent sous defaux noms –, tant à l’école primaire de la Chaumière qu’à l’écolecommunale de Dammartin.

L’abbé Terruwe contribue en outre à cacher des réfractaires au STO*et des aviateurs alliés abattus qui sont confiés à des filières de rapa-triement. Arrêté par la Gestapo*, il est déporté en mai 1944 au camp deconcentration de Neuengamme. Il survit à sa déportation.

Le boulanger de DampmartPour les aviateurs alliés descendus et en mal de rapatriement, laboulangerie de Michel Place, rue du Château à Dampmart, fut unemaison de la providence: de novembre 1943 à la Libération, ils sont une

quinzaine à y séjourner plus ou moins longtemps,dans la chambre aménagée au-dessus du fournil,dans la cour. Quand il y a surnombre (ils sontjusqu’à cinq en même temps), on ouvre des litspliants dans la salle à manger. Quelques fermiersdes environs contribuent à ravitailler tout cemonde…

Les garagistes de VarreddesEn ce jour de l’été 1944, près de La Ferté-sous-Jouarre, des soldats américains faits prisonniersà la suite du débarquement en Normandiesautent du train qui les emmène en Allemagne.Dans les environs de Germiny-L’Evêque, épuisés,ils se cachent dans les roseaux de la berge de laMarne, ne sachant que faire. Apercevant unejeune fille qui fait du canot, ils prennent le risquede se montrer. La rencontre est providentielle. Eneffet, Melle Macé, qui n’a pas 15 ans, les conduitchez ses parents qui gèrent une entreprise detransport et un garage à Varreddes. Le garageest situé entre la mairie et l’auberge du Cheval

blanc, alors occupée par des soldats allemands, ce qui n’empêche pasM. et Mme Macé de rendre service à la Résistance : après avoirlongtemps détenu un poste émetteur pour un réseau* de rensei-gnements, ils hébergent, à la demande du Dr Chastagnol, cinq aviateursaméricains abattus près de Tancrou (l’un d’eux, blessé, demeure chezM. et Mme Macé durant trois mois). Les évadés du train de prisonniersprennent le relais.

D’après Claude Cherrier et René Roy, La Résistance en Seine-et-Marne(1939-1945), Presses du Village, 2002, pp 231-241.

L’aide aux pourchassés en Seine-et-Marne

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Léon «Yvon» Morandat : un valet de ferme Français Libre :«Je devais rechercher des terrains de parachutage à travers la zone sud, mais à cette époque un terrain pour être homologué devaitêtre visité par un agent ayant reçu en Angleterre même l’instruction nécessaire. J’espérais voir mon radio arriver rapidement et j’avaissignalé plusieurs terrains tant dans la région de Montluçon que dans la vallée de la Loire, près de Feurs […] À Feurs, j’avais trouvé unrésistant d’un tout autre genre. Le comte de Neubourg était l’héritier d’une vieille et noble famille. C’était un aristocrate très à chevalsur les principes et les droits que lui conféraient son rang et sa fortune. Il avait milité dans les rangs royalistes avant guerre […] il étaitanti-allemand et gaulliste et vomissait Pétain et surtout Maurras qu’il haïssait autant qu’il l’avait aimé. Il avait organisé un petit groupe,formé de gens du pays d’opinions fort diverses, parmi lesquels il y avait la plupart de ses ennemis d’avant-guerre. […] À l’Armistice,des officiers lui avaient demandé de cacher des fusils, des mitrailleuses et des munitions dans une de ses fermes. »

Yvon Morandat, «Souvenirs inédits», Cahiers de l’IHTP, n° 29, septembre 1994, pp 93-94

Léon Morandat – il prit le pseudonyme d’Yvon dans la Résistance – est né dans une famille modeste de paysans de la Loire. Aprèsson certificat d’études, il est placé comme valet de ferme. Il milite à la JAC (Jeunesse Agricole Chrétienne), participe aux combatsde 1940, et n’accepte pas la défaite française. Il rejoint alors dès juin 1940 la France Libre. À la tête de plusieurs missions en zonesud, il fut chargé de trouver des terrains afin de parachuter des armes pour les résistants. Très bon connaisseur du monde rural, etde la diversité des opinions et des groupes sociaux qu’on y trouve, il réussit à mener à bien, au sein du 1er bataillon parachutiste desForces françaises Libres, ces missions dangereuses. Il participe ensuite en 1944 à la libération de Paris, et devient après guerreadministrateur des Charbonnages de France, secteur-clé de l’économie française à cette époque. Il poursuivit également uneactivité politique au sein du mouvement gaulliste. Il meurt en 1972.

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Concours National de la Résistance et de la Déportation 17

Parmi les élèves scolarisés durant l’occupationallemande à Dammartin-en-Goële (Seine-et-Marne), des enfants juifs ont été dotés d’une

fausse identité afin d’échapper aux persécutions.

François Tanguy-Prigent, né le 11 octobre 1909 dans unepetite commune du Nord-Finistère, Saint-Jean-du-Doigt, estissu d’une famille de petits propriétaires paysans. Aprèsl’école primaire, il travaille à la ferme de ses parents tout enessayant de poursuivre sa formation. Très tôt il s’intéresse àla politique et adhère au parti socialiste de l’époque, la SFIO.

Il est également attiré par le syndicalisme paysan et devientau milieu des années 1930 conseiller général du Finistère etmaire de sa commune d’origine. Sa carrière politiques’accélère lorsqu’il devient le plus jeune député de France à27 ans en 1936. C’est alors un des hommes politiquesimportants du département, tout en restant un paysan.

� Pour reconstituer le parcours d’un résistant issu du monde rural, il est tout d’abord essentiel de situer le personnagedans le contexte immédiat de l’avant-guerre, en montrant à la fois ses liens avec le monde des campagnes et sonitinéraire personnel :

Les liens avec le monde rural ?(métier, profession des parents, etc.)

Comment? Où? Avec qui ? Quelles motivations?

Quels actes résistants?(réalisation, diffusion detracts ou journaux, cached’armes ou de clandestins,lutte armée, etc.)

Quelle appartenance?(réseaux, mouvements, etc.)

Quel rôledans la Résistance?(responsabled’un maquis, membred’un mouvement, etc.)

Le parcours d’avant-guerre (études, lieuxd’exercice du métier, engagement politique, etc.)

L’entrée en résistance1

Les actions résistantes2

Quel rôle dansla Libérationdu territoire?

Parcours d’après-guerre?

Sources pourla reconstitutionde ce parcours

Quelle est la place du monde rural dans ce parcours?3

La Libération et l’après-guerre4

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18 Concours National de la Résistance et de la Déportation

Fiche méthodologique n° 1

Reconstituer le parcours d’un résistant du monde rural

[ N.B. : Cet itinéraire est à lire en parallèle avec le schéma de synthèse. Bien que le cas choisi soitexceptionnel, il a pour but d’inciter et d’aider à la reconstitution d’itinéraires de résistants du monde

rural, travail qui peut être au cœur de travaux collectifs réalisés par les élèves]

Tanguy-Prigent est mobilisé lors de la déclaration de guerrede 1939 : partisan de la fermeté contre les Allemands, iln’accepte pas la défaite et refuse de voter les pleins pouvoirsau gouvernement de Philippe Pétain le 10 juillet 1940 (il ya seulement 80 parlementaires qui le refusent, ce qui est unetrès petite minorité (1)). Cet acte le place dans une oppositiongrandissante au nouvel État français : de retour à Saint-Jean-du-Doigt, il est tout d’abord arrêté au mois de septembre 1940par les Allemands qui le relâchent ensuite. Il se saitdorénavant surveillé mais accentue des contacts avec ceuxqui refusent l’occupation du territoire. Trois types d’actionsont menés par celui qui est Jacques Le Ru dans laclandestinité : tout d’abord il organise une coopérativeagricole, semi-officielle, qui lutte contre la politique agricolede Vichy. Ensuite, il participe à la reconstitution clandestinedu parti socialiste. Enfin il appartient au mouvement*

Libération-Nord, qui dansla France occupée regrou-pe des sympathisants degauche.

Ses talents d’organisateur lui permettent de devenir un desgrands responsables de la Résistance dans la France del’ouest. À partir de 1943, il se réfugie totalement dans laclandestinité, les autorités sachant qu’il est résistant. Ilorganise un maquis dans le nord du Finistère, et utilise sabonne connaissance du monde rural pour lutter contrel’occupant et les autorités de Vichy. Grâce à lui, la résistancearmée se développe dans l’ouest de la Bretagne et il participepersonnellement aux combats de 1944 pour libérer leterritoire à la tête d’un groupe de 200 FFI* et de troupesfrançaises parachutées d’Angleterre.

François Tanguy-Prigent est déjà untrès bon connaisseur du monde descampagnes, cela lui permet d’agirdans la clandestinité sans être tropinquiété par les Allemands. Trèsconnu dans la campagne du dépar-tement, il est écouté et protégé.Ensuite ses talents d’organisateurmilitaire lui permettent de créer desmaquis dans le nord du départementqui reçoivent eux aussi soutiens etaides du monde paysan. Mais surtout,

et c’est en cela que son parcours estatypique, il souhaite une résistancequi prenne en compte les attentes despaysans : il est en particulier l’ini-tiateur du journal La RésistancePaysanne créé au début de l’année1944. Cet itinéraire personnel expliqueque François Tanguy-Prigent devienneun des hommes nouveaux du GPRF*(Gouvernement Provisoire de laRépublique Française) du général deGaulle.

��Il faut ensuite rechercher les raisons de l’entrée dans la Résistance.Cette opération difficile s’avère indispensable lorsqu’on veut retracerla vie d’un résistant :

��Enfin, pour chaque étude d’itinéraires personnels ou collectifs, il faut établir la liste des sources consultées, enutilisant correctement les règles de présentation bibliographiques communément admises. Dans ce cas précis, lesréférences sont :

…l’exemple de Tanguy-Prigent1 2&

3

• Aglan Alya, La Résistance sacrifiée. Le mouvement Libération-Nord, Paris, Flammarion, 1999.• Bougeard Christian, Tanguy-Prigent, paysan ministre,Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2002.

• Maitron Jean et Pennetier Claude (sous la direction de),Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, Paris,éditions de l’Atelier, (disponible également en version cd-rom), 1964-1995.

Concours National de la Résistance et de la Déportation 19

Une du journal La Résistance paysanne.Mémorial du Maréchal Leclerc et de la Libération de ParisMusée Jean Moulin – Ville de Paris

Tanguy-Prigent, à son bureau auministère de l’Agriculture en 1944.

Par la radio, Tanguy-Prigent apprend le 4 septembre 1944que le général de Gaulle l’a nommé ministre de l’Agriculturedu GPRF* (Gouvernement Provisoire de la RépubliqueFrançaise). Il reste à ce poste jusqu’en 1947 et met sur piedde multiples réformes modifiant le monde rural français :statut du fermage et du métayage protégeant les paysans deséventuels abus des propriétaires des terres, organisation d’un

syndicalisme agricole libre, adoption d’un plan demodernisation des campagnes ou encore amélioration del’enseignement agricole. Ce jeune ministre, tout en poursui-vant une carrière politique à la SFIO, doit ce parcoursexceptionnel à son action résistante dans le monde rural.Après une longue carrière politique, Tanguy-Prigent meurtà Morlaix en 1970.

��Après avoir retracé l’itinéraire d’un résistant, il peut être utile de prolonger la recherche dans l’après-guerre :en quoi cette action résistante a-t-elle changé le cours de son existence ?

4

(1) 569 parlementaires ont voté pour, 80 contre, et 20 se sont abstenus. Il faut ajouter à ces chiffres, les 27 parlementaires embarqués sur le Massilia, qui n’ontpas pris part au vote, les anciens parlementaires communistes, déchus de leur mandat, ainsi que ceux qui n’étaient pas présents à Vichy.

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��Pour mieux situer ce parcours dans le monde des campagnes, il faut revenir ensuite sur la place du monderural dans ce parcours :

Les liens entre les maquis et lemonde rural sont en apparenceévidents. Toutefois il est nécessaire

de revenir sur la signification du termemême de «maquis», de déceler ses liensavec l’espace rural et aussi d’étudier lesréactions des populations rurales face àcette forme organisée de résistance, quise développe surtout à partir de l’année1943 au point de faire des maquisardsau moment de la libération du territoirefrançais le symbole unique de laRésistance.Le mot maquis est une expressiond’origine corse désignant au départ unespace où la végétation est touffue etdense au point d’en faire un territoirepeu accessible à l’homme. Par exten-sion, ce terme définit tous les refuges derésistants qui étaient alors, selonl’expression de l’époque « dans lanature ». Il est tellement devenu par la

suite emblématique de la Résistance,qu’on a longtemps réduit l’actionclandestine du monde des campagnesdurant la Seconde Guerre mondiale àcette seule réalité.

Durant la guerre, tous les maquis ontcertes en commun d’être situés dans deszones forestières ou montagneuses, làoù les refuges et les cachettes étaientplus nombreux. En conséquence, leszones découvertes, trop proches desgrandes agglomérations, où les plainessont généralement dépourvues de telsgroupements, même s’ils peuvent êtredans de tels espaces géographiquescomme l’illustre le maquis de Plainvilleen Eure-et-Loir. Cependant une telleinclination géographique explique quele sud du pays fut plus doté en maquisque le nord. Cette dernière zone n’enétait toutefois pas tout à fait dépourvue:

parmi les maquis les plus importantssur le territoire français, on trouve ainsile maquis de Saint-Marcel dans leMorbihan.Derrière cette définition d’ensemble,qui inscrit le maquis dans l’espace rural,plusieurs fonctions peuvent être asso-ciées à ces refuges clandestins.

Le maquis, rassemblement d’hommesvivant dans l’illégalité, peut toutd’abord servir d’hébergement pour lesréfractaires au STO*, institué dansl’année 1943 et destiné à pourvoirl’Allemagne en main-d’œuvre afinqu’elle puisse faire face aux vicissitudesde la guerre qui durant l’hiver 1942-1943 a tourné à l’avantage des Alliés.Le STO* a eu pour résultat de toucherla masse des jeunes Français enmenaçant chacun dans sa vie de tous lesjours. Nombreux sont les jeunes incor-

3E PARTIE

Les maquis,incarnation de la Résistance dans l’espace rural

Qu’est-ce qu’un maquis ?

Le maquis de Loche.Plusieurs maquis se sont établis en Touraine, comme lemaquis Césario de l’ORA* sous la direction du lieutenantBretegnier qui participa aux combats d’août 1944 pourlibérer la zone rurale autour de la ville de Loches (Indre-et-Loire).

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20 Concours National de la Résistance et de la Déportation

Concours National de la Résistance et de la Déportation 21

L’apparition des maquis provoqueun changement de perceptiondu conflit dans les campagnes

qui jusque-là vivaient l’occupationmoins durement que les villes. Cesstructures bénéficient alors au sein de lapopulation d’un réflexe de solidarité etd’entraide. Soutenir les « gars dumaquis », c’est un peu soutenir les« siens», même si beaucoup viennent dela ville voisine ou de plus loin encore,car on trouve parfois dans les maquis desétrangers, victimes des répressionsallemande et française ou des natifs descolonies françaises. Certes, ce soutienn’est pas toujours enthousiaste, il estparfois plutôt l’expression d’une rési-gnation face au retour du conflit aucœur des campagnes, mais il s’avèreefficace.Aucun maquis ne peut survivre sansl’aide du milieu rural avoisinant, et enpremier lieu des paysans. Se mettent enplace de vastes chaînes de solidarité avecla participation de toutes les compo-santes de la société rurale : ravitail-lement, habillement, renseignement,courrier ou sécurité sont autantd’actions, parfois modestes mais ôcombien dangereuses, qui exposent leursauteurs à de violentes répressions.Dans ces liens entre maquisards etruraux, certains membres de la commu-nauté rurale ont un rôle prépondérant.Ce sont ceux que leur fonction placenaturellement comme intermédiaires :les élus, les représentants d’organisationscomme la JAC (Jeunesse Agricole

Chrétienne), ou encore les gendarmes.Peut-être faudrait-il faire une place àpart aux instituteurs, actifs dans denombreux groupes de maquis et qui

utilisent leur position de notable localpour favoriser les liens entre lesmaquisards et la population rurale. Detels liens forts de solidarité se sont

porables qui refusent de se rendre enAllemagne et entrent de ce fait dans laclandestinité. Bien que tous les réfrac-taires ne se cachent pas dans le maquis– dans le Jura, par exemple, 20 % s’ycachent –, ce refus du STO* oblige laRésistance à organiser la montée massivede jeunes au maquis. Est ainsi constituéen août 1943 un Service NationalMaquis qui tente de structurer lesgroupes de maquisards. Il faut enfinsouligner qu’il existe deux catégories deréfractaires : ceux qui viennent aumaquis pour se cacher mais pas pour sebattre et ceux qui sont décidés à larésistance active.Cette dernière catégorie dote les maquisd’autres fonctions : il s’agit alors de

fournir un refuge aux résistants quiveulent continuer la lutte mais doiventfuir leur terrain habituel d’action,souvent en ville, pour échapper à larépression ; des maquis adoptant lestechniques de la guérilla harcèlent lestroupes allemandes et vichystes, d’autressont chargés de l’instruction militaire descombattants, souvent enthousiastes maispeu préparés. Plus tard, au printemps1944, ce qu’on a appelé les maquismobilisateurs, comme ceux des Glières(Savoie), du Vercors (Dauphiné) ou duMont Mouchet (Auvergne) rassemblentdes milliers d’hommes en armes qui ontnotamment pour fonction de fixer lestroupes allemandes en les empêchant derallier les territoires libérés par les Alliés

comme la Normandie ou de créer lesconditions propices à l’éclatement d’unsoulèvement menant à la libération duterritoire. Certains hauts faits des maqui-sards, comme la manifestation patrio-tique dans la ville d’Oyonnax (Ain), le11 novembre 1943, sont évoqués dansla presse clandestine ou à la radio deLondres, faisant de ces hommes lesymbole de l’engagement résistantabouti.Avec les maquis, la Résistance bénéficied’un soutien plus populaire et disposed’un ancrage en profondeur dans lapopulation des campagnes qui aideconsidérablement à la survie desclandestins de plus en plus nombreuxdans les espaces ruraux français. �

L’existence des maquis est liée au soutien de la population rurale

Des maquisards de Normandie au repos avec leurs armes.Après le débarquement du 6 juin 1944, les maquis normands ont fourni une aide importante à l’avancéedes troupes alliées. Plusieurs groupements, comme ici dans l’Orne, ont facilité la libération de nom-breuses communes et ont aidé à la lutte armée contre les Allemands.

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«À la campagne, rien n’échappe aux paysans. Si les groupes veulent tenir, grandir, se multiplier, c’est pour eux une nécessité vitaled’obtenir non seulement l’aide active de la population, mais aussi l’amitié de son silence » (Georges Guingouin, Quatre ans de luttesur le sol limousin, Hachette, 1977, p. 107.

Georges Guingouin (1913-2005), est avant la guerre instituteur dans le village de Saint-Gilles-les-Forêts (Limousin). Militant communiste,il participe aux combats de 1940 et blessé, il refuse de se faire prendre par les troupes allemandes. De retour dans le Limousin, ilessaye de lutter contre le nouveau pouvoir en place, distribuant tracts et publications. Poursuivi par Vichy, peu soutenu dans unpremier temps par le parti communiste qui donne la priorité à l’action clandestine dans les villes, il s’attelle à lutter dans la clandestinitéau sein du monde rural. Il constitue des groupes armés dans les forêts limousines et corréziennes et multiplie les actions contre lestroupes allemandes et celle du régime de Vichy. Le nombre de ses maquisards s’étoffe, atteignant au sein des FTP en 1944 près de3 500 hommes. Guingouin place sous son pouvoir de larges zones des campagnes, se donnant même le titre, qui n’existe pas enréalité, de « préfet du maquis » : « Plus besoin de se cacher, aucune crainte des paysans matinaux qu’on peut rencontrer, car ici,c’est la terre du “Préfet du maquis”» (ibidem, p. 133).Il participe aux combats de la Libération et devient maire de Limoges en 1945. Georges Guingouin symbolise, avec d’autres, l’unionqu’il y a pu avoir entre les maquisards et la population des campagnes: bien que pas toujours volontaire, car dans un contexte difficilede guerre, elle a permis aux maquis de France de s’étoffer et d’apporter une aide considérable à la libération du territoire.

Pour en savoir plus :• Georges Guingouin, Quatre ans de lutte sur le sol limousin, Hachette, 1977• Marmande Francis, «Georges Guingouin, libérateur de Limoges. Le fou des bois», Le Monde 2, 6-7 juin 2004, p. 26-35.)

exprimés à de nombreuses reprises : cefut par exemple le cas en septem-bre 1943 dans la petite commune deSalernes (Var) où toute la populationrendit un dernier hommage lors des

obsèques d’un maquisard victime de larépression. Par de tels actes, les commu-nautés villageoises n’hésitaient pas àexprimer leur soutien à la Résistance,même au prix d’éventuelles mesures de

rétorsion. Braver l’ennemi était devenuun acte de plus en plus fréquent dans laFrance des campagnes, par exemple enhonorant la sépulture d’un aviateur alliéabattu. �

Georges Guingouin :de l’instituteur rural au «préfet du maquis»

Jeunes du maquis de Plainville (commune de Marolles-les-Buis, Eure-et-Loir) pris au moment dela Libération.

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Concours National de la Résistance et de la Déportation 23

« Voici environ deux cent-cinquante ans, les ancêtres de nosmaquisards cévenols entrèrent en lutte non contre l’Église de Rome,mais pour l’église de leur cœur […] qui n’a pas entendu parler desdragonnades ? Trois maréchaux de France et des troupes sans nom-bre ne purent venir à bout de ces paysans révoltés, de ces soldats obs-curs réunis en groupes de vingt, trente, quarante au plus, aux chefssans galons, sans plumes au chapeau, sans hautes bottes qui surentutiliser au mieux tous les coins et recoins de ce pays déchiqueté. Ceque fut cette guerre d’escarmouches, de surprises, de harcèlement,de représailles où chaque coup était rendu, nous n’entreprenons pasde le dire. Mais, quand on a vécu l’épopée du maquis, on réalise ceque fut en vérité la guerre des camisards. C’est le présent qui jette salueur sur le passé. Les lieux ont à peine changé; chaque ville, chaquevillage, chaque hameau d’autrefois répond encore présent à l’appelde son nom. Ce sont toujours les mêmes pierres, les mêmes châtai-gniers, les mêmes ravins, la même terre imperméable. Tactiques,stratégies, ruses pour se procurer des armes ou des vivres, abris,complicités dans les fermes, furent sensiblement les mêmes.[ …] Tout se retrouve, jusqu’au clan des “timides”, jusqu’aux partisansde l’action immédiate, jusqu’au secours de l’Angleterre que lescamisards, eux, attendirent en vain, jusqu’aux noms du terroir. […]Mais le plus étonnant des rapports, c’est le mot de Marie Durand, quipassa trente-huit ans dans la Tour de Constance, à Aigues-Mortes.Elle n’avait qu’un seul mot à dire pour être libre: il lui suffisait d’abjurer.Pourtant, le mot qu’elle dit, celui qu’elle grava plutôt de son aiguille àtricoter et qu’on peut lire encore sur la margelle du puits au premierétage de la tour fut : RECISTEZ. (sic)»

Muse et Raymond Tristan-Sévère, Des camisards aux maquisards,Uzès, ateliers Henri Péladan, 1944.

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Panorama de la France des maquis

Il n’est pas possible dans cette bro-chure de dresser une carte exhaustivedes maquis de France. Apparus entre

la fin de l’année 1942 et le début del’année 1943, les premiers refuges sesont étendus principalement dans laFrance du sud. Pour être véritablementfonctionnel, un maquis ne doit pasrassembler trop d’hommes, entre unevingtaine et une soixantaine. Celapermet une meilleure protection, car lafuite est plus aisée face à l’occupant etl’organisation du groupe est aussi plusefficace ; toutefois, à partir de 1944, leseffectifs maquisards augmentent de plusen plus d’autant que la défaite nazie seprofile. L’implantation de ces groupesest donc plus aisée à mesurer après le

6 juin 1944 : on constate toujours uneprédominance du sud du pays, oùraisons géographiques, présence alle-mande plus tardive et épisodes histo-riques anciens se combinent, mais ils nesont pas absents dans le nord, puisquedes zones de maquis existent enBretagne, dans les Ardennes ou encoredans le Jura. Surtout, on constate laprésence de maquis plus nombreux enhommes : de petits groupes mobiles, onpasse dans certains endroits à desrassemblements de plusieurs centainesd’individus, espérant ainsi accélérer lafin de la guerre et la libération duterritoire national.Incarnation de la Résistance dansl’espace rural, les maquis ont entraîné

de nombreux Français dans uneparticipation plus active au combatcontre les Allemands et contre Vichy.Soutenus par les communautés villa-geoises, ils ont pu prendre part à lalibération progressive du territoirefrançais. Leur présence a eu aussi pourconséquence de faire des zones ruralesdes zones de combat, alors qu’ellesavaient été plus épargnées jusqu’àprésent. Face à l’ennemi de plus en plusaux abois, le monde rural doit subir àpartir du printemps 1944 de nom-breuses épreuves, ce qui a pour effetd’accentuer la présence résistante dansles campagnes et de favoriser l’aspirationau retour de la démocratie et de laRépublique. �

La justification de la participation à la Résistance par des référencesau passé

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Dans de nombreuses communautés villageoises, ilne fut pas rare de justifier la participation à laRésistance par des références au passé : on luttaitcontre le pouvoir alors en place, comme au tempsde l’Ancien Régime ou des régimes autoritaires duXIXe siècle. Le cas est particulièrement frappantdans des régions comme les Cévennes, où lors dela révolte des Camisards (XVIIe siècle), les habitantsprotestants de ce territoire furent en lutte contre lesarmées du roi catholique Louis XIV. Durant laSeconde Guerre mondiale, les résistants cévenolsjustifient leur participation aux actions clandestinespar ce passé commun de tradition de lutte contrel’oppresseur.

Tout d’abord on peut étudier la composition de certainsmaquis : nombreux sont en effet ceux qui ont accueilli descitadins, ce qui suggère la mise en place de filières liant villeset campagnes. Il n’était pas rare en effet que des ouvriersd’une même usine se retrouvent tous dans le même maquisafin de fuir le STO*.Pour mener à bien une telle enquête, il ne faut pas perdrede vue quelques questions principales :

- Où se situe le maquis par rapport à la ville ?- Comment les citadins se sont-ils rendus dans le maquis?- Comment la population locale a-t-elle accueilli les nouveauxvenus?Pour vous aider des cartes établies par les correspondantsdépartementaux du comité d’Histoire de la Deuxième Guerremondiale sont consultables aux archives départementales.

Un autre axe de travail peut être l’identification des liensentre les espaces urbain et rural à travers la question du

ravitaillement et notamment du marché noir. En effet, plusla Résistance s’est développée, plus elle a souhaité

� La socialogie du maquis1

24 Concours National de la Résistance et de la Déportation

Fiche méthodologique n° 2

Comment étudier les liens entre RésistanDurant cette période, monde rural et monde urbain, malgré leurs caractéristiques différentes, ne sontpas deux mondes séparés : presque tous les Français avaient des racines paysannes. Cette imbricationpouvait favoriser les liens entre les deux espaces dans le développement de la Résistance, car tousdeux avaient des atouts potentiels complémentaires. Ainsi lorsqu’un résistant devait avoir une fausse

identité, on s’arrangeait pour indiquer un lieu de naissance dans un petit village, plutôt que celuid’une grande ville : les registres d’état civil à cause des conflits antérieurs y avaient souvent été

détruits, rendant les vérifications d’identité très difficiles.Mais cet exemple n’est pas le seul qui montre la complémentarité des deux espaces.

��L’enjeu du ravitaillement et du marché noir

Atouts Contraintes

- Attraction première pour Vichy- Communautés coupées du reste

de la société

- Peu de présence allemande- Nombreux lieux isolés, d’où :

cachettes, parachutages, radios- Liens de solidarité- Nourriture : productions agricoles

- Difficultés d’approvisionnement- Présence plus importante

de l’occupant et de la policefrançaise

- Répression et recherche de résistantsplus aisées

- Anonymat- Population plus nombreuse,

donc plus difficile à contrôler- Centres de décision- Facilités d’accès/nœuds de communication

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Monde urbain

Monde rural

Tout le monde se connaît

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Plusieurs pistes pour étudier les rapports entre la résistance rurale et la résistance urbaine peuvent être dégagées :

On peut aussi s’intéresser aux liens entre monde rural etmonde urbain à travers la répression exercée par les autoritésallemandes et celles de Vichy. En effet le territoire françaisest à l’époque parsemé de lieux d’internement pour les« indésirables », pour les opposants et pour les résistants.Beaucoup de ces lieux se situent à la périphérie des zonesurbaines ou font partie de l’espace rural. Il est alors judicieuxde voir comment la population rurale a réagi à la présencede ces camps d’internement.Ainsi les camps de Aincourt (Seine-et-Oise à l’époque,aujourd’hui Val d’Oise) ou de Voves (Eure-et-Loir) ont servi

de lieu de détention pour de nombreux résistants. Ces camps,situés en zone rurale, ont aussi vu de nombreuses évasions,qui ont nécessité une complicité ouverte de la populationrurale environnante. Pour aller plus loin, il faut se poserquelques questions et y répondre :- Comment la population rurale réagissait-elle à la présencede ces camps?- Y avait-il des gestes de solidarité avec les internés (colis denourriture par exemple?)- Lors des évasions, quelles furent les aides fournies par lesruraux? (cachettes, habits, nourriture, etc.)

��Une nécessité : aller à la rencontre des témoins et des acteurs4

Concours National de la Résistance et de la Déportation 25

ce urbaine et Résistance ruralecontrôler le marché des matières premières : ainsi GeorgesGuingouin explique-t-il que « la riposte du maquis en faveur

des citadins sera de faire cesser le marché noir » (Quatre ans delutte sur le sol limousin, Hachette, p. 107.)

Une nécessité : aller à la rencontre des témoins et des acteurs

La sociologie des maquis- Quelle place pour les citadins?- Comment monte-t-on au maquis?

Les lieux d’internement- Quelles aides aux internés?- Soutiens aux évasions?

Étudier les liens entre Résistance rurale et Résistance urbaine :quelques pistes

��Les lieux d’internement3

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L’enjeu du ravitaillement et du marché noir- Quelle place pour les citadins?- Comment la Résistance a-t-elle

cherché à contrôler le marchédes matières premières?

Enfin, pour étudier de tels aspects, il ne faut pas négligerl’apport fondamental des cédéroms réalisés par l’Associationpour des Études sur la Résistance Intérieure (AERI), quifourmillent d’informations sur les liens entre la Résistancerurale et la Résistance urbaine. À titre d’exemple, le cédéromsur le département de l’Yonne, qui était un département ruralaccueillant de nombreux citadins qui y cherchaient refuge,est très riche sur cet aspect.On peut ainsi, au hasard d’une recherche lire, le cas du cou-

ple Fayein, tous deux médecins, qui ont cherché refuge dansl’Yonne alors qu’ils résidaient à Paris. Leur métier les aamenés à entrer en contact avec les résistants, apportantsoins et aides. Tous deux ont fini par rejoindre les maquisde l’Yonne et par être intégrés dans les groupes résistants dudépartement.

Beaucoup d’autres exemples seraient à citer, à chaqueparticipant d’aller plus loin.

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26 Concours National de la Résistance et de la Déportation

Si on met à part le cas spécifique dela Corse, libérée dès 1943, leterritoire français métropolitain fut

libéré en grande partie par phasessuccessives durant l’année 1944-1945,après le débarquement en Normandie le

6 juin 1944. Il est important de revenirsur la contribution du monde rural à lalibération des espaces ruraux, en mettanten évidence le retour progressif de laRépublique dans les villages, quis’accompagne d’espoirs de changements

sociaux et de progrès en accord avec lesidées émanant de la Résistance.L’occasion est alors donnée de faire unbref bilan de la participation du mondedes campagnes à la Résistance et à lalibération de la France.

4E PARTIE

La France ruraleet la Libération

La contribution des ruraux à la Libération

la libération de la CorseLa libération de la Corse constitue, entout point, un cas exceptionnel dansl’histoire de la Résistance française.Pourtant, à l’automne 1942, le départe-ment ne compte encore que quelquescentaines de résistants éparpillés de sur-croît dans une multitude d’organisations:Front national, Combat, Libération, Franc-Tireur. La donne change brusquement àpartir de novembre 1942 : à la suite dudébarquement allié en Afrique du Nord,80000 soldats italiens investissent l’île etmènent une sévère répression quidécapite la plupart des mouvements. Lesrescapés rejoignent la seule organisationencore debout, le Front National*, dontles effectifs ne cessent de croître. La trèsforte mobilisation des campagnes luipermet de réceptionner et de cacherdans les montagnes des dizaines detonnes d’armes et munitions amenéesd’Alger soit par avion, soit dans les soutesdu célèbre sous-marin Casabianca.De Gaulle envoie dans l’île, début 1943, FredScaramoni afin d’unifier la Résistancecorse. Arrêté, il se tranche la gorge avec unfil de fer et laisse un ultime message écritavec son sang : « Vive la France, vive deGaulle». D’autres résistants, tel l’instituteurcommuniste Jean Nicoli, sont égalementvictimes de la répression italienne.Le débarquement allié en Italie et la chutede Mussolini en juillet 1943 marquent unenouvelle accélération. Malgré le débar-

quement de soldats allemands, venussuppléer les Italiens, des centainesd’hommes se joignent aux maquis: à la finde l’année 1943, ils sont près de 12000, laplupart issus du monde rural.Le 9 septembre 1943, à l’annonce de lacapitulation italienne, la direction du FrontNational*, composée de communistescomme Arthur Giovoni, d’un cousin de DeGaulle, Henri Maillot, et du capitaineColona d’Istria, envoyé du général Giraud,appelle à la mobilisation générale. Lesinsurgés s’emparent rapidement d’Ajaccioet contrôlent la moitié occidentale de l’île.Le 4 octobre 1943, les Allemands quittent

l’île pour rejoindre le front italien.La Corse devient ainsi le premierdépartement français libéré sans l’aidedes Alliés. La légalité républicaine y estbientôt rétablie, sous l’autorité du généralde Gaulle. Montrant l’efficacité d’uneRésistance unie, bénéficiant d’un fortsoutien populaire, cet événement accroîtl’audience de la Résistance en Francemétropolitaine et en accélère l’unificationpolitique et militaire. L’action des rurauxy fut aussi notable, tant dans le soutienmatériel apporté aux résistants que parla participation à la reconquête duterritoire.

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Maquis corseLa libération de la Corse a été favorisée par la participation de nombreux ruraux auxcombats. Plusieurs maquis étaient en effet actifs, d’autant plus que la géographie de l’îleétait propice à leur implantation. Il ne faut pas oublier en effet que le mot « maquis» estd’origine corse.

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Concours National de la Résistance et de la Déportation 27

La communauté rurale face à l’engagement résistantChacune des communautés villageoises est composée de groupes sociaux qui ont pu apporter une participation active et particulièreà la Résistance. Certains habitants de ces villages ont été conduits à agir au sein de la Résistance, ou ont été parfois sollicités parelle, en fonction des compétences de leur métier ou de leur fonction.

Les offensives alliées à partir duprintemps 1944 ont entraîné uneaccélération des regroupements derésistants en vue de la libération duterritoire français. Ainsi les maquisreçoivent un apport d’hommes plusnombreux et se constituent des maquismobilisateurs dont la fonction est deréduire les capacités de défense de l’arméeallemande mais aussi de favoriser la prisedu pouvoir local par les résistants. Dansle plateau des Glières, qui forme enSavoie une sorte de forteresse naturelle à1 500 m d’altitude, plusieurs centainesde maquisards se rassemblent en accordavec les instructions de la France Libre.

Des combats sanglants se déroulent entrefin janvier et le 26 mars 1944, jour quivoit la destruction de ce maquis par lestroupes allemandes. D’autres grandsmaquis connaissent le même sort,comme celui du Vercors.Face à ces regroupements de maquisards,les Allemands au cours d’opérations dereprésailles s’en prennent aux popu-lations civiles. Acculés par l’avancée alliéeet les nombreux assauts des résistants, lesAllemands, souvent obligés de battre enretraite, massacrent les populations etdétruisent de nombreux villages, dontcertains sont restés célèbres dans lamémoire des Français, comme Oradour-

sur-Glane (Haute-Vienne), Dun-les-Places (Nièvre), Villeneuve d’ Ascq(Nord), Maillé (Indre-et-Loire) ouencore la Chapelle-en- Vercors (Drôme).Malgré cela, dans les mois qui suivent le débarquement allié en Normandie, la mobilisation des résistants aboutit à la constitution de véritables contre-pouvoirs face à un gouvernement de faitqui n’a plus aucun soutien populaire.Ainsi, en Bretagne, ou dans le sud-ouestde la France, de vastes zones sontcontrôlées dorénavant par les résistantset les maquisards qui établissent parfoisavec difficulté le retour à la légalité répu-blicaine. �

Le p

oint

sur

Communauté ayant son identitépropre, mais pas forcémentrenfermée sur elle-mêmeex. : contacts avec lagrande ville voisine

Si villages littoraux :Marins pécheurs

ex. : filières d’évasion, réseaux

Paysansex. : cachettes,

approvisionnements,participation à lalutte clandestine

Curés et autresreligieux

ex. : protection, conciliation avec

l’occupant, certificatsde baptême

Secrétaires demairie

ex. : fourniture de fauxpapiers ou de tickets

de rationnement

Gendarmesex. : protection, lutte armée,

informations

Commerçants, transporteurs,garagistes, cafetiers

ex. : diffusion de tracts, transportd’armes ou de clandestins

Instituteursex. : direction de maquis,

intermédiaires entre résistants

et population rurale

Médecinsex. : soins aux résistants

Mairesex. : protection, intermédiaires

avec l’occupant et le gouvernement de Vichy

À titre d’exemple, on peut choisir le cas degendarmes qui ont joué un rôle actif dansla Résistance organisée dans le monderural. Leur fonction particulière de forcede maintien de l’ordre a pu être l’occasionpour certains de ces gendarmes de luttercontre l’instauration du STO*, en rensei-gnant les requis sur les dangers qui lesmenacent et en organisant leur fuite.Parfois, ils ont pu aussi veiller à la sécuritédes terrains de parachutage, en détour-nant par exemple la circulation des routes

avoisinantes pour empêcher que cesopérations ne soient troublées par desvisiteurs. Ils peuvent aussi avoir fermé lesyeux sur des actions de maquisards,comme lors des vols de tickets deravitaillement ou de papiers d’identitévierges dans les mairies. On peut citerl’exemple du commandant de gendar-merie Guillaudot, qui a commandé les FFI*(Forces Françaises de l’Intérieur) duMorbihan. Il fut pour cela nommé Compa-gnon de la Libération. Après le débar-

quement, plus de 10 000 gendarmes ontparticipé aux combats de la Libération etla gendarmerie a facilité par la suite lerétablissement de l’ordre républicain.D’autres personnes avaient des fonctionsimportantes dans les villages etpouvaient participer à la Résistance : lessecrétaires de mairie, souvent ins-tituteurs du village, ont été nombreux àdétourner des papiers d’identité ou àfalsifier les registres d’état civil pouraider les combattants de l’ombre.

L’exemple des gendarmes

28 Concours National de la Résistance et de la Déportation

Clermont-Ferrand.100 km plus au sud,Saint-Flour (Cantal). Et là, 20 km à l’est, àplus de 1000 mètres d’altitude, unecommune martyre : Clavières. Tout pro-ches, les combats les plus intenses desmaquis d’Auvergne, au Mont Mouchet,sur les sommets de la Margeride, quifirent plusieurs centaines de victimesdans les rangs des maquisards.Largement décrits et étudiés par leshistoriens, ces événements concernèrenttrès directement les habitants d’unecommune, mais les travaux historiquesne font que de brèves allusions à cesderniers.Pourtant, en juin 1944, chacun de seshameaux – et le cœur de la commune lui-même – connut des heures tragiques :fermes incendiées, assassinats de civils,terreur sur les routes. On peut retrouverla mémoire de ces faits, en interrogeant

ceux qui, alors enfants ou adolescents, sesouviennent toujours aujourd’hui.Le 10 juin 1944, monte de Saint-Flour unecolonne de SS*, composée de chars,d’artillerie et d’infanterie. Sans raisonapparente, tout commence par le meurtresauvage de 26 habitants d’une premièrecommune (Ruynes-en-Margeride). Avertispar une habitante arrivée à toute alluresur son vélo, les paysans de troishameaux quittent précipitamment fermeset troupeaux pour les sous-bois envi-ronnants. Ils y resteront à «camper» deuxou trois jours. Les Allemands détruisentavec des plaques incendiaires toutesleurs maisons, qu’elles aient ou non abritédes maquis ou pour simplement semer laterreur. La colonne de SS* essuie unerésistance au chef-lieu de la commune,Clavières : des maquisards y étaient eneffet postés. Fusillades. Le maire, François

Broncy, entre dans la légende, en sefaisant tuer par les allemands au-devantdesquels il s’était porté ceint de sonécharpe tricolore. Plusieurs autres habi-tants sont également exécutés et desdizaines de maquisards, qui avaient tenduà l’entrée du village une banderole oùétaient inscrits ces mots : « Ici commencela France Libre».Les Allemands se replient, pour revenir lelendemain, dimanche 11 juin, et progresserau-delà de Clavières vers le réduit dit «duMont-Mouchet». Dans les hameaux et lesécarts de ce secteur, les scènes de des-truction sont d’autant plus violentes queles maquisards ont installé leur PC dansl’un d’eux, le lieu-dit des Clauzels. LesAllemands progressent alors vers lesforêts de hêtres et de résineux de laMargeride, où se livrent les dernierscombats, notamment autour de la maison

Une fois les villages libérés, il fautréinstaller le plus rapidementpossible les institutions répu-

blicaines. Couleurs nationales etsymboles républicains ressortent desplacards. La légalité est parfois diffi-cilement mise en place, tant certainsveulent sanctionner au plus vite lescoupables de collaboration par desexécutions sommaires alors que d’autresaspirent à de véritables changementsrévolutionnaires. Ainsi dans la petitecommune de Pamiers, en Ariège, untribunal populaire se met en place, endehors des prérogatives du GPRF*, etdécide la condamnation à mort effectivede près de 200 personnes.À la suite immédiate de la Libération,mouvements armés, envoyés du GPRF* et CLL* (Comités Locaux deLibération) ou CDL* (Comités Dépar-tementaux de Libération) peuvent sedisputer la mainmise sur le pouvoir.Toutefois, il faut constater que cespériodes ne durent que quelquessemaines et que très rapidement laRépublique s’inscrit à nouveau dansl’espace de tous les villages et les villes deFrance. On souhaite dans toutes lescommunes recouvrer un droit, symbolede la démocratie : le droit de vote. DeGaulle fait en sorte que les électionsmunicipales soient le plus rapidement

possible organisées partout en France,les femmes peuvent voter pour lapremière fois le 29 avril 1945.

L’aspiration à des changements :

Dans l’esprit du programme du ConseilNational de la Résistance*, le GPRF*souhaite doter le monde des campagnesde réformes durables. C’est le nouveauministre de l’Agriculture Tanguy-Prigent, qui est chargé par de Gaulle demettre en place ces réformes. Il faut leplus rapidement possible faireredémarrer l’économie dans ce secteur,retrouver des prix abordables pour lesmatières premières et promulguer denouvelles lois destinées à améliorer lesort des habitants des campagnes. Denouveaux statuts du fermage (pour lespaysans qui louent des terres qu’ilscultivent) et du métayage (pour ceux quilouent les terres et le matériel en échanged’une partie des récoltes) sont mis enplace, un enseignement agricole segénéralise, ainsi qu’un syndicalismeagricole ou encore un ensemble destructures, comme les foyers ruraux des-tinés à améliorer le quotidien du monderural au sortir de la guerre.Le redémarrage économique se faitrapidement, provoquant de multiples

mutations dans les espaces ruraux etdans les composantes de la sociétérurale. Il faut en effet retrouver au plusvite la prospérité nationale. Pour ce faire,il y a un consensus national : il estimpératif de moderniser l’agriculture,ce qui entraîne inévitablement unetransformation en profondeur dumonde des campagnes. Alors que laFrance en 1945 était encore un des paysindustriels les plus marqués par laruralité, avec près d’un tiers des40 millions de Français vivant de laterre, elle allait être bouleversée en unegénération de 1950 à 1970. Les traceset les souvenirs de la participation dumonde des campagnes à la Résistanceseront de ce fait moins présents danscette nouvelle société française. �

Le retour de la République au village

La répression en Auvergne. Paysans et maquisards : une commune auLe

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La participation des habitants descampagnes à la Résistance sousdiverses formes, l’inscription d’actions

clandestines dans l’espace rural, ainsi quedes modes opératoires et des buts spéci-fiques au milieu rural sont autant de faitspermettant de rendre compte des rapportsmultiples entre la Résistance et le monderural.Aborder ces liens obligeait à faire deschoix : des exemples locaux, souvent cir-conscrits à des lieux étroits correspondantaux limites des communautés villageoisesont été relatés, en prenant en compte ladiversité géographique et celle des actionsmenées. Ces faits évoqués ne sont qu’uneinfime partie de la réalité résistante dansle monde des campagnes, mais c’estmaintenant aux élèves et aux enseignantsd’approfondir cette question, le plussouvent à partir de faits locaux. Plusieurséléments de cette brochure, ainsi que descompléments sur Internet, ont été conçuspour guider un tel travail, qui permettrade redécouvrir des traces du passé résistant,qui parfois dans le monde rural a étéoublié.Malgré la diversité des exemples évoqués,on peut retenir quelques caractéristiquescommunes à tous les faits liant laRésistance au monde rural : apparemmentpeu visible, l’action du monde rural futprimordiale dans certaines missions de la

Résistance, comme l’existence de maquisou l’aide aux pourchassés. Jouant desfacilités octroyées par le milieu géogra-phique, le monde des campagnes a aussiapporté une aide décisive à la libérationdu territoire français, tout en payant unlourd tribut : massacres de populationsciviles et villages martyrs en sont l’illus-tration et continuent à laisser des tracesdouloureuses dans les mémoires de nosjours.Surtout grâce à des soutiens qu’on peutdifficilement comptabiliser, le monde rurala permis aux résistants d’élargir leuraudience et de diversifier leurs actions.Enfin, les faits de résistance dans les espa-ces ruraux impliquent des hommes et desfemmes qui avaient pour valeur, entreautres, l’esprit de solidarité ancré dans lesmentalités rurales, mais placée aussi aucœur du consensus national régi par leslois démocratiques et républicaines que lesAllemands et le gouvernement de Vichyavaient voulu faire disparaître.Dans de nombreuses communautés villa-geoises, il ne fut pas rare de justifier l’aideà la Résistance par des références histori-ques de lutte contre l’oppresseur. Dans lesCévennes, en Bretagne ou dans l’Ariège,par exemple, de tels faits du passé furentle « terreau » sur lequel se développèrentdes actions clandestines. Incarnation de latradition républicaine, la Révolutionfrançaise a aussi été un creuset dans lequelde nombreux résistants des campagnes ontforgé leur opposition à l’occupant et aurégime de Vichy. En faisant de ce monde

rural un conservatoire supposé destraditions, ce dernier n’avait sans doutepas pris la mesure de l’ancrage républicaindans de nombreux territoires ruraux :retrouver ne serait-ce que les libertésfondamentales et le droit de vote devenaitalors pour les habitants des campagnes unenécessité absolue.Un dernier point doit aussi être rappelé :en apportant un soutien diversifié à laRésistance, le monde rural a impliqué deshommes, mais aussi des femmes et desenfants que rien ne destinait a priori àl’action clandestine. La photographie decouverture de la brochure symbolise cettemobilisation collective, toujours trèsdangereuse, qui permit le retour de lasouveraineté nationale et de la démocratie.Dans ce contexte douloureux des annéesde guerre, il ne faudrait tout de même pasconsidérer que les habitants des campagnesont tous participé à la Résistance : il y a eudes sympathisants affirmés du régime dePhilippe Pétain parmi eux, d’autres ont étéhostiles à la présence des maquis près deleurs terres, certains enfin ont su profiterdes pénuries de l’époque pour s’enrichirsur le dos des citadins. De tels faits, qu’ilne faut pas minorer si on veut avoir unevision globale du monde rural durant laSeconde Guerre mondiale, ont marqué lesesprits après guerre, les citadins reprochantsurtout aux ruraux une attitude réservée àl’égard de la Résistance, et plus géné-ralement un comportement égoïste.Quand bien même, il n’en demeure pasmoins que la France rurale a été à maintesreprises et de multiples façons du côté dela Résistance.L’écrivain Albert Camus, dans le journalCombat du 22 décembre 1944, a parfai-tement résumé ce que tous ont dûsupporter pour le rétablissement deslibertés individuelles et de la République :«un courage de cinq ans, un amour de cinqans, c’est l’inhumaine épreuve que desFrançais et des Françaises se sont vusimposer ».À tout(e)s les participant(e)s du Concoursnational de la Résistance et de laDéportation de montrer maintenant ceque furent, dans le monde rural, ces actesde courage, ces épreuves mais aussi cesmanifestations d’attachement à la per-sonne humaine et aux valeurs républi-caines qui restent encore de nos joursassociés aux résistantes et aux résistants. �

Concours National de la Résistance et de la Déportation 29

forestière, entièrement détruite, avant que lesmaquisards, numériquement trop défavorisés,ne décrochent et ne gagnent un autre« réduit », à 30 km plus à l’ouest, sur les rivesde la Truyère.Les fermes détruites, comment continuer àvivre ? Les survivants doivent trouver refugechez des parents d’un village proche. Ce futaussi chez un voisin dont la maison avait étéépargnée, parfois dans une maison aban-donnée ou inoccupée, enfin, mais plus tard,dans des baraquements de fortune construitsen bois ou en simples briques avec l’aidefinancière du département. Mais, dans tousles cas, se posait la question du troupeau (onest ici en terre d’élevage) qu’il fallait bienabriter quelque part. Là encore, le voisinage,l’entourage y remédiait.Une réelle solidarité intra et inter-villageoises’est donc développée à cette occasion, ycompris pour la reconstruction des fermes, qui

s’est échelonnée entre 1948 et 1952. On peuten voir encore la facture, le plan, la forme, lalargeur des ouvertures, les nouveauxmatériaux des toitures, qui différent sensi-blement de ceux des maisons anciennes.Tout du long des routes de la commune, s’égrènent encore aujourd’hui, comme autantde stations-souvenirs, de très nombreusesstèles de granit, érigées à la mémoire deshabitants et des maquisards assassinés. Etchaque année, les autorités viennent solen-nellement en fleurir les plus importantes,comme en un pèlerinage pour ne pas oublier.

D’après une enquête orale menée en Auvergne en 2005

par Martin de la Soudière, chercheur au CNRS,

Conclusion

uvergnate sinistrée Scène de répressionDans d’autres villages d’Auvergne la répression s’est égalementexercée comme ici dans un village du Cantal, à l’été 1944. Musée de laRésistance nationale - Champigny-sur-Marne

30 Concours National de la Résistance et de la Déportation

Fiche méthodologique n° 3

Résistanceet monde rural: mener l’enquête

Le thème de cette année invite plus particulièrement à étudier les rapports entre Résistance et monderural dans un cadre local. Pour mener à bien une telle étude, qui peut aboutir à un dossier collectif,

il est important que soit mise au point une démarche bien construite.

Reconstituer des parcours de vie de résistants?

Étudier un maquis?

Archives municipales ou associatives, si elles existent

Archives départementales : service éducatif,exploitation des documents (ex. : presse), lecture

d’ouvrages d’histoire locale

Retracer un épisode de l’histoire locale?

Définir les objectifs

Aller sur le terrain

Sous quelle forme? Croiser histoire locale/histoire générale

Comment débuter?

Préparer l’entretien :lectures minimales, rédaction d’un questionnaire

Le déroulement : prévoir le lieu, l’enregistrement, la prise de notes

Interroger les acteurs et les témoins

Interroger les documents

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1

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Reconstituer votre parcours d’enquête5

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Musées de la Résistance et de la DéportationET

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• brochure• sites Internet• aide des enseignants/

documentalistes• cédéroms de l’AERI

(15 départements pour le moment)

• mairie/bibliothèquemunicipale

• associations d’anciensrésistants

• agences de presselocale

• sociétés d’histoirelocale

Utiliser les moyens mis à disposition

Tout dossier collectif doit débuter par cette question : «quesouhaitons nous faire? ». Derrière ce qui peut paraître uneévidence, il y a en réalité ce que l’on appelle la problé-matique de votre recherche. Cette opération préalable àtout travail peut se faire avec l’aide de vos professeurs oudes documentalistes du CDI.Il faut tout d’abord déterminer le sujet du dossier : s’agit-ilde reconstituer des itinéraires de résistants (à l’image de ceque vous propose la fiche méthode n° 1) ? D’étudier unmaquis? Ou encore de retracer un épisode de l’histoire locale

de votre commune, comme par exemple l’étude de larépression lors de l’été 1944 qui a touché de nombreuxvillages français ?Il faut choisir le sujet du dossier en fonction de vos souhaits,des suggestions de vos enseignants, mais aussi de voséventuelles connaissances sur le sujet : il n’est pas rare quevous ayez par exemple un grand-parent qui puisse vousfournir un début de sujet de recherche. N’hésitez pas àcommencer par lui poser des questions.

Dès que vous avez une idée assez précise de ce que vousvoulez faire, il ne faut pas perdre de temps et débuter lacollecte des renseignements. Dans l’élaboration d’un dossiercollectif, vous pouvez vous répartir les différentes tâches,tout en faisant des actions collectives, en particulier si vousallez à la rencontre des témoins. Travail personnel et travailcollectif doivent être impérativement associés.Deux démarches s’imposent à vous : utilisez tout d’abord lecontenu de cette brochure, ainsi que les différentesindications complémentaires disponibles sur Internet : voustrouverez en particulier pour votre région, une bibliographieprécise, commentée, qui précisera comment vous pouvezutiliser tel ou tel ouvrage (il n’est pas utile par exemple, sur-tout lorsque l’on est au collège de lire des ouvrages destinésà des adultes). Là encore, l’aide de vos professeurs et desdocumentalistes est irremplaçable.Mais une autre démarche doit aussi être mise à profit : il fautaller sur le terrain. Demandez des conseils pour cela à votreenseignant (il faut bien choisir le moment, il faut que voussoyez tous disponibles et au besoin accompagnés par unadulte). Vous pouvez commencer par vous rendre à la mairiequi vous indiquera les personnes pouvant vous aider dans

votre enquête. Les bibliothèques municipales sont aussi àvotre disposition, ne les négligez pas !Il faut également aller à la rencontre des associationsd’anciens résistants de votre commune ou de votredépartement, et aller voir les monuments ou plaques relatantdes épisodes de la Seconde Guerre mondiale. Vous pouvezenfin vous rendre dans l’agence locale du quotidien de votrerégion : les personnes y travaillant ont souvent une bonneconnaissance de l’histoire locale et peuvent vous aiguillerdans vos démarches.Quelle que soit la personne que vous allez rencontrer, il estimpératif de préparer vos questions : il faut savoir ce quevous recherchez.Vous pouvez imaginer que votre tâche consiste à reconstituerun puzzle dont il faut retrouver les pièces et les assembler.C’est un travail d’enquête parfois long, mais au finalpassionnant : vous êtes les enquêteurs, à vous aussi enconséquence de faire preuve d’imagination pour la collectedes renseignements.Beaucoup d’autres exemples seraient à citer, à chaqueparticipant d’aller plus loin.

Quelle que soit votre enquête, vous serez confrontés à destémoins. Prendre en compte leur parole n’est pas aussi sim-ple qu’il y paraît. Il faut bien préparer les entretiens.À ce stade de la recherche, la collecte des renseignements adû porter ses premiers fruits. Pour compléter l’ensemble,quelques lectures sont indispensables : répartissez-vous letravail et faites des fiches de vos lectures pour les redistribuerà chaque membre du groupe.Il faut ensuite prévoir le lieu de l’entretien et savoir commentvous allez recueillir les paroles. Vous pouvez enregistrer

les témoignages avec l’accord des personnes interrogées.Filmer l’entretien peut aussi être utile et peut même être unsupport de plus pour l’élaboration du dossier.Vous pouvez enfin prévoir un questionnaire, même si aufil de l’entretien d’autres questions vous viennent à l’esprit.Il n’est pas rare que vous pensiez après l’entretien à tel outel aspect oublié. Essayez d’y penser avant l’entretien ![Vous pouvez utiliser la fiche méthode, disponible surwww.fondationresistance.org pour interroger des témoins.]

��Interroger des acteurs et des témoins

� Définir les objectifs :1

3

Au cours de vos recherches, vous allez obligatoirementtomber sur des documents écrits. Pour bien les comprendre,il faut tout d’abord l’aide de vos enseignants, mais c’est aussil’occasion d’utiliser les différentes méthodes vues en cours.Àtitre de rappel, il est impératif de contextualiser le document,de rappeler sa nature, d’en tirer les idées principales. Il fautaussi bien définir les termes qui vous sont inconnus. En ce

qui concerne les documents iconographiques, la démarcheest la même.

Une fois toutes ces opérations faites, il est nécessaire de met-tre en forme votre travail. Plusieurs supports, format papier,cédérom, etc., sont possibles. Soignez dans tous les cas laprésentation et l’orthographe !

��Interroger les documents4

Concours National de la Résistance et de la Déportation 31

��Comment débuter ?2

32 Concours National de la Résistance et de la Déportation

LA REPRÉSENTATION DE LA RÉSISTANCE ET DU MONLe

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r Étudier les rapports entre laRésistance et le monde ruralpeut passer par l’utilisationde la représentation de cesliens qui en est faite dans lecinéma. Afin de fournirquelques pistes, voici untableau des films sur le sujet(N.B. : tous les titres indiquéssont disponibles dans lecommerce)

A priori Résistance et monderural sont antinomiques dansleurs représentations.

Deux visions du monde ruralfrançais dans les films des années 1930-1950 :• Un monde archaïque etgrossier, où les familles,vivant en autarcie, s’entre-déchirent pour un arpent deterre – atmosphère dont lesjeunes cherchent às’échapper pour le miroir auxalouettes de la ville – ou, aucontraire, un espace intact etdoux, où l’on vient seressourcer pour échapper auxmiasmes urbains. La réalitéétait bien sûr moins mani-chéenne, même si elle révélaitune société qui n’avait guèreévolué depuis le XIXe siècle,tant sur le plan destechniques que desmentalités.• La seconde image corres-pondait à la propagandevichyste, une terre refuge qui «ne ment pas», face auxmanifestations urbaines duFront populaire, une sociétéfaite de respect des traditionsfamiliales et de rapportshiérarchisés, de semeurs«aux gestes augustes» et «de chansons des blés d’or».

Goupi mains rouges deJacques Becker (1942) nousplonge dans le milieu sordided’une « tribu» de fermierscharentais, se disputant unmagot à l’occasion d’un meur-tre mystérieux. On y retrouvele visage patibulaire d’uncomédien incontournable ducinéma français de l’époque,Robert le Vigan, qui terminases jours dans la misère

en Argentine après avoir étéfrappé d’indignité nationalepour collaborationnisme. De même dans Jeux interditsde René Clément (1951) :Paulette, adorable petitecitadine aux boucles blondes(rôle où débuta à 5 ansBrigitte Fossey), après avoirperdu ses parents et son chiottués sur la route de l’exode au printemps 1940, rencontreMichel, paysan de 11 ans,dont les parents, caricaturesde «bouseux», ne larecueillent que pour paraîtreplus généreux que leursvoisins. Les deux enfants, liéspar une indéfectible et pureaffection, se livrent aux jeuxmacabres d’enterrementsd’animaux, en parallèle avecla bassesse et la violencedont ils sont victimes de lapart des adultes, censés lesprotéger.Marcel Pagnol traduit lui demanière populaire la philoso-phie pacifiste d’un monde enharmonie avec la nature deJean Giono dans Regain(1937), mais sa Fille dupuisatier (1940) reflète l’espritde la «Révolution nationale»pétainiste, avec en pointd’orgue une scène où desvillageois provençaux,groupés autour du poste deradio du café, approuvent leMaréchal annonçant le 17 juinla demande d’Armistice*. À noter que Pagnol adaptaaprès la guerre cetteréalisation à l’air du temps en remplaçant le discours de Pétain par l’Appel du 18 juin…!Deux films donnent la visionmythique de l’aristocratierurale tentant vainement dedéfendre des valeurs moralescontestées par la cupidité deparvenus : Monsieur desLourdines (1942) de Pierre deHérain, beau-fils du Maréchal,d’après l’œuvre d’Alphonse deChateaubriant, romancierofficiel de Vichy, et Les affaires sont les affaires(1944) de Jean Dréville où laférocité de la critique sociale

de la pièce d’Octave Mirbeauest récupérée par le rejetcorporatiste* du capitalisme.

Comment le thème de laRésistance fut-il introduitdans ces images rurales?• Une trentaine de succèscinématographiques furentproduits en France sousl’Occupation par la firmeallemande Continental films,avec une censure desscénarios et un contrôle del’origine aryenne descomédiens et réalisateurs.Pourtant, le directeur AlfredGreven, passionné de cinémafrançais, fermait les yeux surces règles quand il estimaitavoir affaire à desprofessionnels de talent (cf. sur ce sujet Laissez passerde Bertrand Tavernier 2001).• C’est ainsi que Jean-Paul Le Chanois, juif et communiste,d’abord comédien du «GroupeOctobre», assistant de Jean Renoir sur le filmemblématique du Frontpopulaire La vie est à nous,travailla pendant la guerrepour cette société.Parallèlement, sur un projetde la Commission militaire du Conseil national de laRésistance, il entreprit en 1944 un tournage sur le maquis du Vercors pour unmontage mi-documentaire,mi-fiction, montrant l’imaged’une France héroïque. Au cœur de l’orage ne sortitqu’en 1948 car le Comité deLibération du cinéma françaisreprochait à Le Chanoisd’avoir filmé pour l’occupant.Du même réalisateur, on peutciter L’école buissonnière(1949), où Bernard Bliercampe un instituteurprovençal qui inquiète lesvillageois par ses méthodesinteractives, mais grâce à quitous les élèves réussissent lecertificat d’études : LeChanois, par ce film frais etspontané, rendait hommage à« l’esprit de résistance» deCélestin Freinet, pédagoguerévolutionnaire, qui prolongea

logiquement son actionéducative à St-Paul-de-Venceen dirigeant un maquis à Vallouise dans les Hautes-Alpes.D’autres films firent passer lemessage de la Résistancependant l’Occupation, mais lemonde rural n’y apparaîtqu’en arrière-plan : ainsi en1942, le rebelle Périgord deJacquou le Croquant servit dedécor à Pontcarral, coloneld’Empire de Jean Delannoy(avec le chantre de la FranceLibre Pierre Blanchar dans lerôle-titre). À la Libération, La bataille du rail de RenéClément mit en scène desactions résistantes decheminots dans les cam-pagnes bourguignonnes. LePère tranquille du mêmeréalisateur, permit à Noël-Noël, comédien et scénaristede La cage aux rossignols(repris 60 ans après parG. Jugnot sous le titre Les choristes, dans un autreesprit mais avec un égalsuccès populaire), de fairecroire aux Français qu’ilsavaient tous résisté. Il joue eneffet le personnage d’un pèrede famille ronchon, passionnéd’orchidées, dont l’insolentjeune fils découvre qu’il est enfait chef de réseau derésistance dirigeant dessabotages sur une usine defabrication de sous-marins depoche près de chez lui. Deuxfilms ont exalté l’esprit derésistance populaire face à unoccupant au comportementréputé «Korrect», de deuxmanières totalementopposées : Boule de suif, tiréen 1945 par Christian-Jaquede la célèbre nouvelle deMaupassant, montre, en fuitesur les routes normandes, uneprostituée bravant avec pana-che en 1870 les Prussiens,entourée de notables qui laméprisent mais rivalisent deveulerie. Le silence de la mer,que Jean-Pierre Melvilleréalisa en 1947 à partir del’œuvre majeure de Vercors,illustre le refus profond de

Concours National de la Résistance et de la Déportation 33

NDE RURAL AU CINÉMAl’occupation par le mutismequ’opposent un homme et sanièce à un officier allemandsensible et cultivé, qu’ils sontcontraints d’accueillir dans leurmaison de campagne.

Depuis les années 60, de nombreux films ont étéconsacrés à la Résistance.Ils montrent souvent la part dumonde rural dans les risques prispour le passage de la ligne dedémarcation et l’hébergementde résistants pourchassés, maissurtout par la solidarité entremilieux sociaux très différentsdans l’action résistante :Fortunat d’Alex Joffé (1960) :Bourvil (débrouillard et tendrepaysan passeur) et MichèleMorgan (grande bourgeoise désemparée avec deux enfants)forment un couple, inattendumais convaincant. À la Libération, chacun doit à regret reprendre sa place dans la pyramide sociale.Léon Morin, prêtre de Jean-Pierre Melville (1961)d’après le prix Goncourt 1952 de Béatrix Beck : échanges sur la vie, l’engagement et la foientre un prêtre aux idéesdérangeantes (étonnantBelmondo) et une jeune veuveincroyante dans le contexte de la résistance dauphinoise.Le jour et l’heure de RenéClément (1963) : une parisienne désœuvrée (Simone Signoret)est par hasard amenée à prendre le risque d’accompagner en zone libre unaviateur allié dont elle s’éprend.Les deux amants se séparentlorsque des maquisardsrécupèrent l’Américain quireprend la lutte, tandis que lajeune femme retrouve sa ternevie bourgeoise.La ligne de démarcation deClaude Chabrol (1966) : cemontage, réalisé à partir desMémoires d’un agent de laFrance Libre du colonel Rémy,présente une chaîne d’actes derésistance entre les habitantsd’un village jurassien par-delàles distinctions sociales.Le vieil homme et l’enfant (1966) :

première œuvre pleine desensibilité et d’humour deClaude Berri, donne l’occasion àMichel Simon de faire uneréjouissante création d’ancienpoilu, pétainiste et antisémite,qui joue au «pépé gâteau» avecun petit juif qu’il héberge dans saferme sans savoir bien sûr à quiil a affaire.La grande vadrouille de GérardOury (1966) : les aventuresrocambolesques de deux citadins(Louis de Funès et Bourvil),conduisant, à travers les campagnes, en zone libretrois pilotes anglais abattus surParis. Des scènes mémorablesmettent en valeur la résistance de religieuses dans le vignoblebourguignon.L’armée des ombres de Jean-Pierre Melville (1969), montre lerésistant Gerbier (Lino Ventura),évadé de la Gestapo lyonnaisegrâce à ses camarades et cachéde longs mois dans une fermeisolée, tandis que le Baron de laFerté Thalloir organise sur sesterres des parachutages.Dans Les patates (1969), à redécouvrir, Claude Autant-Laramontre l’angoisse duravitaillement en zone interditequi pousse un jeune ardennais,joué par Pierre Perret, auxlimites de la folie.Deux grands films de LouisMalle, Lacombe Lucien (1974) etAu revoir les enfants (1987)donnent une vision sombre del’homme, désespérément seulface à l’engagement. Le sauvageLucien, en rébellion contre sonmilieu rustre d’origine mais sansconviction, devient collaborateurpar hasard et sera fusillé par laRésistance sans comprendre. LePère Jean, dénoncé pour avoircaché un jeune juif dans soncollège religieux de Seine-et-Marne par un minable garçon decuisine pratiquant du marchénoir, mourra des suites de sadéportation à Linz le 2 juin 1945Le scénario s’inspire de la personnalité d’un «Juste»le Père Jacques de l’ordre des Carmes, ancien directeur du collège d’Avon où Louis Mallefut scolarisé.

Des téléfilms donnent une visionexemplaire au grand public dela Résistance en milieu rural :En 1972, la série Le 16 à Kerbriantde Michel Wyn montre uneaction résistante organisée dans une ferme isolée bretonnegrâce à une ligne téléphoniquedirectement reliée à la Kommandantur.En 1977, l’histoire de la noblefamille des Plessis-Vaudreuiltournée par Robert Mazoyer, à partir du roman de Jeand’Ormesson Au plaisir de Dieu,nous permet de voir les diversesfaçons de résister du patriarche,le Duc Sosthène, de certains de ses petits enfants et de ses «gens» et ce, malgré lesaffinités qu’ils ressentent parfoisavec les aristocratiques officiersqui occupent leur domaine,En 1985, Des grives au loup dePhilippe Monnier suit pendant unsiècle une famille d’agriculteurscorréziens déchirée entretradition et modernisme à partirdes livres de Claude Michelet, fils du grand résistant EdmondMichelet.En 1993, La colline aux milleenfants de Jean-Louis Lorenzireçut un Emmy Awards pour saremarquable évocation des«Justes» de la communautéprotestante du village duChambon-sur-Lignon en Haute-Loire, qui, dans la filiationrésistante cévenole, hébergeatout naturellement et protégeaainsi plus de 3000 petits réfugiésjuifs. Un an après, Des enfantsdans les arbres, fiction réaliséepar Pierre Boutron, reprit lemême sujet de manièreparticulièrement émouvante, enle situant dans une ferme dusud-ouest transformée enmaison d’enfants.En 1995, Les Alsaciens ou lesdeux Mathilde de Michel Favartreprésente l’Alsace farouchementautonomiste, ballottée entredeux «occupations» allemandeet française, de 1870 à 1953.Comme Mathilde Kempf de laTour qui, au temps de la Revan-che, entretint l’amour de laFrance dans son village d’Alsheim, Katel Faugel, Mathilde

dans la Résistance,défie l’occupant nazi jusqu’à lamort. Cela nous donne l’occasionde découvrir tous les aspects del’héroïque résistance rurale enzone annexée, mais aussi denous interroger sur le cas des«malgré-nous» qui ont participéà l’horreur d’Oradour-sur-Glane.

À côté du cinéma de fiction, ledocumentaire a pu lui aussidonner une image des liensentre la Résistance et le monderural.C’est en particulier le cas du Chagrin et la Pitié de Marcel Ophuls (1969), chroniquecontrastée de la vie sousl’occupation dans la région de Clermont-Ferrand. Dans cefilm, qui a suscité polémiques et critiques depuis sa sortie, les frères Grave, agriculteurs et résistants relatent avecconviction leur expérience de l’action clandestine.

Autres images populaires de laRésistance et du monde rural.On n’aura garde d’oublier deuxperles de la bande dessinéeparues à la Libération :La bête est morte! de Calvo ou laguerre mondiale chez lesanimaux (rééditée en 1977) etLes petits ennuis de Bécassine,publiée en album pour la premièrefois en 2005 à l’occasion de soncentenaire, où la sympathiquepetite bonne bretonne imaginéepar Caumery et Pinchon résisteavec une ingéniosité toute«rurale» dans Paris occupé.Si le cinéma ou la bande dessinéeoffrent des représentations diver-sifiées de la résistance dans lemonde rural, c’est également lecas pour la littérature de témoi-gnage ou de fiction.

Pour en savoir plus, voir : www. cndp.fr/memoirela représentation de laRésistance et du monde rural au cinéma

34 Concours National de la Résistance et de la Déportation

Seuls quelques titres ont été retenus (voir bibliographie régionale exhaustive sur lesite Internet du CNDP).

Ouvrages de base sur la période• Durand Yves, La France pendant la SecondeGuerre mondiale, Armand Colin, 1993.• Rousso Henry, La France des années noires,Découvertes Gallimard.• Veillon Dominique, Vivre et survivre en France,1939-1947, Payot, 1995.

Ouvrages sur le monde rural en général• Moulin Annie, Les Paysans dans la sociétéfrançaise. De la Révolution à nos jours, Le Seuil,Points Histoire, 1988.

Ouvrages pédagogiques sur la Résistance• Buton Philippe et Veillon Dominique,Résistance, 1940-1945, La Documentation photo-graphique n° 6106, 1990.• La Résistance. Ces Français du refus, TDC(Textes et documents pour la classe) n° 750,CNDP, 1998.

• Dossiers pédagogiques réalisés et édités parles Fondations de la Résistance, pour laMémoire de la Déportation, Charles de Gaulleet France Libre à l’occasion du Concoursnational de la Résistance et de la Déportation.- 1997. Les femmes dans la Résistance (épuisé).- 1998. Les étrangers dans la Résistance.- 1999. Les lieux de Mémoire.- 2000. L’univers concentrationnaire.- 2001. La Résistance.- 2002. Déportation et production littéraire

et artistique.- 2003. Les jeunes dans la Résistance.- 2004. Les Français Libres.- 2005. La Libération des camps et la découverte

de l’univers concentrationnaire.

Articles de synthèse sur «Résistance et monde rural»• Kedward Harry R., « La France rurale et laRésistance » in Fishman Sarah, Lee DownsLaura, Sinanoglou Ioannis, Smith Leonard V.,Zaretsky Robert [dir.] La France sous Vichy.Autour de Robert O. Paxton, Bruxelles, 2004,éditions Complexe, collection « Histoire du

temps présent», pp.139-157.• Douzou Laurent, «La Résistance et le monde rural :entre histoire et mémoire», Ruralia n° 4, 1999.

Outils multimédia• Association pour les Études sur la RésistanceIntérieure (AERI), collection nationale «Histoireen Mémoire 1939-1945». L’AERI édite une sériede cédéroms et dévédéroms sur l’histoire de laRésistance dans les départements ou régions.Déjà parus depuis 2003 : l’Ardèche, le Calvados,la Charente, la Corse, la Haute-Marne, l’Île deFrance, la Manche, l’Oise, l’Yonne, l’Indre-et-Loire.À paraître en 2006: l’Orne, le Doubs, la Lozère…• Arnaud Nicolas, Garbin Laurent, La France etles Français pendant la Seconde guerremondiale, coffret multimédia, Hachetteéducation/ Scéren / Amis du musée de laRésistance et de la Déportation, 2005.• La Seconde Guerre mondiale, coffret de troiscédéroms publié par Mindscape éditions en2003 contenant en particulier de Leroux Brunoet Douzou Laurent [dir.], La Résistance enFrance. Une épopée de la Liberté.

INDICATIONS BIBLIOGRAPHIQUES

LES NOTIONS CLÉS• Armistice : Philippe Pétain, nommé président du Conseil le 16 juin 1940, demande à l’Allemagne la signature d’un armistice. Celui-ci est signé le 22 juin 1940 à Rethondes (où fut signé celui de 1918). Hitler impose à la France des clauses draconiennes. L’armée française estdésarmée, la France doit entretenir les troupes allemandesbasées sur son territoire, une ligne de démarcation ( voirdéfinition) est créée, l’Alsace et la Moselle sont annexées,enfin les prisonniers de guerre français sont maintenus en captivité.

• BCRA: Bureau Central de Renseignement et d’Action.Service de renseignement mis sur pied par André Dewavrin,dit colonel Passy. Initialement dénommé Bureau Central deRenseignement et d’Action Militaire (BCRAM), il prend le nomde BCRA en 1942. Service de renseignement de la France Libreil a organisé d’importants réseaux dans la France occupée :Brutus, Cohors, Confrérie Notre-Dame (CND), Manipule,Phalanx,sont parmi les plus connus.

• CDAP : Comités d’Action et de Défense Paysanne. Mis enplace en 1943, avec des militants communistes avant tout,ils se lancent dans une propagande contre Vichy et l’occupant,en particulier dans le sud-est de la France.

• CDL : Comité Départemental de la Libération. Mis en placeclandestinement avant la Libération, les CDL ont pour rôled’encadrer la prise de pouvoir, l’épuration et la transition de la période de la Libération afin de permettre un retourrapide à la légalité républicaine. Des comités locaux de Libération (CLL) ont également été créés.

• CGA: Confédération Générale de l’Agriculture. Née durantl’année 1943, regroupe des militants socialistes et radicaux.La CGA se dote d’un journal, la Résistance paysanne en 1944.

• CNP : Confédération Nationale Paysanne. Organisationagricole proche des socialistes, interdite par le gouvernementde Vichy.

• CNR : Conseil National de la Résistance. Créé le 27 mai1943 le CNR parachève l’unification de la résistanceintérieure, dont de Gaulle a confié la réalisation à JeanMoulin, en rassemblant à la fois les principaux mouvements (Combat, Franc-Tireur, Libération-Sud, Libération-Nord,le Front National, Ceux de la Résistance, Ceux de la Libérationet l’Organisation Civile et Militaire) et des hommes issus de différentes sensibilités politiques, ainsi que deux syndicats(la CGT et la CFTC). D’abord présidé par Jean Moulin puis,

après l’arrestation de ce dernier en juin 1943, par GeorgesBidault, le CNR élabore un programme (15 mars 1944) quiprévoit «un plan d’action immédiate contre l’oppresseur et les mesures destinées à instaurer, dès la libération duterritoire, un ordre social plus juste.».

• Corporatisme : régime qui se substitue aux syndicats.Organisé pour chaque secteur de l’économie, il veut nier lesdifférences sociales. Les cadres ne sont pas élus mais nomméspar Vichy.

• Corporation Nationale Paysanne : exemple de cecorporatisme, elle devait être la grande réforme de Vichy dansle monde rural. Toutes les organisations agricoles sontreprésentées à l’échelon départemental. Elle devait permettrede mieux contrôler les productions, sous la houlette de l’État.Dans la pratique, cette institution n’a pas réellement fonctionné.

• FFI : Forces Françaises de l’Intérieur. Le 1er février 1944 sont instituées les FFI, regroupant les diverses formationsparamilitaires de la Résistance. Le général français Kœnig,reconnu par les Alliés, en dirige l’état-major à Londres. Aprèsle débarquement du 6 juin 1944, les FFI apportent, par leurconnaissance du terrain, une aide précieuse aux soldats alliésdans leur progression pour le libérer. En septembre 1944 les FFI sont intégrées dans l’armée française.

• FFL : Forces Françaises Libres. Formées par de Gaulle au cours de l’été 1940, les FFL regroupent d’abord des unitésrapatriées de Dunkerque, de Narvik et de l’armée du Levant,rejointes par quelques soldats et civils (tels les pêcheurs de l’île de Sein) de métropole qui ont réussi à parvenirjusqu’en Angleterre. Les FFL possèdent également une marine, les Forces Navales Françaises Libres (FNFL) et une aviation, les Forces Aériennes Françaises Libres (FAFL).Rassemblant à la fin de 1943 environ 60000 combattants,les FFL se sont illustrées sur différents théâtres d’opérationsen Afrique et en Europe (la 1ère brigade française libre à la bataille de Bir Hakeim en Libye, les unités du généralLeclerc à Koufra, au Tchad et au Fezzan.

• Front National : le Front National de Lutte pour la Liberté et l’Indépendance de la France est créé en 1941, d’obédience communiste, il générera les FTP (voirdéfinition). Rien à voir avec la formation politique actuelle.

• FTP : Francs-Tireurs et Partisans. Créés en 1942 les FTPregroupent des organisations paramilitaires (OrganisationsSpéciales, Jeunesses communistes, MOI), et sont placés sous

le commandement de Charles Tillon. Très structurés, les FTPsont partisans de la guérilla urbaine et de l’action immédiate.En 1944 les FTP sont rattachés aux FFI.

• Gestapo : abréviation de Geheime Staatspolizei, policesecrète d’État allemande. Active, entre autres, dans la luttecontre les résistants.

• GPRF : Gouvernement Provisoire de la RépubliqueFrançaise, institué et présidé à partir du 3 juin 1944 par legénéral de Gaulle.

• IS : Intelligence Service (service secret britannique). Enplace en France dès 1940.

• Ligne de démarcation : véritable frontière, traversantdes départements et villes de zone rurale, imposée par lesAllemands. Elle sépare la zone occupée par leurs troupes et lazone non occupée dite libre sous l’administration directe deVichy (voir carte p. 8).

• Milice : créée sur décision de Pierre Laval, alors chef dugouvernement, le 30 janvier 1943. Est une force répressiveparticulièrement à l’égard de la Résistance. Constitue depuisavril 1943 une direction autonome de la Police mise à ladisposition des préfets. Avec ses propres tribunaux, elle a ledroit de justice et de police.

• Mouvements de Résistance : apparusprogressivement à partir de l’automne 1940, les diversmouvements structurés (Combat, Franc-Tireur, Libération-Nord, Défense de la France, Front National etc.) font suite leplus souvent à des formes moins organisées de Résistance. Enzone nord, ils s’opposent avant tout à l’occupant ; en zone sudleur hostilité se tourne plutôt vers l’idéologie vichyste.

• ORA: Organisation de Résistance de l’Armée. Née ennovembre 1942, elle rassemble au début des officiers del’armée d’armistice dissoute.

• Organisations de solidarité : plusieurs organisationsont aidé à la protection des personnes recherchées oupersécutées par le gouvernement de Vichy ou par lesAllemands. Certaines ont en particulier permis de sauver lespopulations juives. On peut retenir le cas de la CIMADE,Comité Inter-Mouvements Auprès Des Évacués, créé en 1939 ;l’OSE, Œuvre de Secours aux Enfants ou encore le Secourspopulaire, clandestin durant la guerre.

• OSS : Office of Strategic Services (services spéciauxaméricains à partir de 1943 en France).

Concours National de la Résistance et de la Déportation 35

• Réseaux de Résistance : organisations clandestines apparuesdans la France occupée dès l’été 1940, les réseaux développentessentiellement des activités d’aide aux prisonniers de guerre, derenseignement, d’évasion, de sabotage et fournissent aux Alliés uneaide militaire précieuse. Plusieurs organismes ont créé des filières enFrance et recruté de nombreux agents : les services britanniques duSOE et de l’IS (voir définition), les services américains de l’OSS (voirdéfinition) et ceux du BCRA (voir définition). 266 réseaux ont étéofficiellement reconnus (homologués) à la Libération, regroupantenviron 100000 agents.

• Révolution nationale : elle caractérise le régime de Vichy,mise en place par Pétain dès qu’il obtient les pleins pouvoirs, le10 juillet 1940. Antirépublicaine, antidémocratique, passéiste,la Révolution nationale fondée sur la devise, « Travail, Famille, Patrie »adopte des pratiques dictatoriales. Des lois d’exclusion ont étépromulguées (ex. : statuts des juifs d’octobre 1940 et de juin 1941).

• Service civique rural : institué en 1941, ce service devaitinciter les jeunes à aller pour une courte période aider les paysans enmanque de main-d’œuvre. Un des moyens de promouvoir l’image descampagnes selon Vichy.

• SOE : Special Operations Executive (Services des OpérationsSpéciales). Créé à l’été 1940 par les Britanniques pour affaiblir laposition de l’Allemagne en Europe occupée. Il eut pour chef en Francele commandant Buckmaster. Le SOE contrôle une cinquantaine deréseaux d’évasion et de renseignement en France. Activité : évasion,renseignement, sabotage, parachutages de matériel, débarquements-embarquements.

• SS : Schutzstaffeln (groupes de protection).

• STO : Service du Travail Obligatoire. Institué par le gouvernementde Vichy par une loi du 4 septembre 1942 pour répondre auxexigences allemandes de main-d’œuvre, le STO constitue leprolongement de la politique vichyste de la « Relève » mise en placedébut 1942, qui consistait à envoyer en Allemagne des travailleursspécialisés volontaires en échange du retour de prisonniers de guerre(trois travailleurs pour un prisonnier). L’échec de la « Relève » et lafaiblesse de ses résultats entraînent l’instauration d’une nouvelle loidu 16 février 1943 modifiant le recrutement du STO : il ne se fait plusselon un critère professionnel mais sur une base démographique, lesréquisitions concernant désormais tous les jeunes nés entre 1920et 1922. Très impopulaire, le STO a provoqué une hostilité croissantede l’opinion, et il a entraîné une partie des réfractaires à s’engagerdans la Résistance, en particulier au sein des maquis.

1. 1er septembre 1939 : entrée en guerre.2. 18 juin 1940 : appel du général de Gaulle.3. 22 juin 1940 : Armistice.4. 10 juillet 1940 : pleins pouvoirs à Philippe

Pétain.5. 24 octobre 1940 :

rencontre de Montoire, début de lacollaboration avec l’Allemagne.

6. septembre 1942 : création du STO.7. 8 novembre 1942: débarquement en Afrique

du Nord.8. 11 novembre 1942: invasion de la zone libre.9. 27 mai 1943 : création du CNR, Conseil

National de la Résistance.10. 3 juin 1944 : création du GPRF, Gouver-

nement Provisoire de la République Française, sous la direction de De Gaulle.

11. 6 juin 1944 : débarquement allié enNormandie.

12. 15 août 1944 : débarquement allié enProvence.

13. 8 mai 1945 : capitulation sans condition del’Allemagne. Fin de la guerre en Europe.

Dans le monde rural :14. 2 décembre 1940: début de la mise en place

de la Corporation, dans un premier tempsbien accueillie dans le monde rural.

15. février 1941 : impositions pour le ravitail-lement ; la France connaît des difficultésd’approvisionnement, ce qui renforce laposition de force des paysans par rapportau reste de la société française. Destickets de rationnement sont égalementmis en circulation, et cela jusqu’en 1949.

16. décembre 1942 : la Corporation paysanneest officiellement installée selon unprocessus complexe, ce qui en rend dansla pratique la mise en place difficile.

17. mai 1943 : le STO est étendu au monderural. Cela a pour effet d’entraîner de nom-breux réfractaires dans la Résistance.

18. 12 octobre 1944 : suppression de laCorporation paysanne par le GPRF.

19. 13 avril 1946 : statut du fermage et dumétayage ; symbole de la volonté dugouvernement de mettre en place desréformes de structures durables dans laFrance rurale.

20. 18 mai 1946 : création de l’INRA, institutnational de la recherche agronomique,signe de la volonté de modernisation del’agriculture.

Principaux gouvernements du régime de Vichy :21. Gouvernement Laval.22. Gouvernement Darlan.23. Gouvernement Laval.

LES SITESINTERNET

• Centre National de DocumentationPédagogique : http://www.cndp.fr/memoire

• Sur les archives départementales :http://www.archivesdefrance.culture.gouv.fr/fr/annuaire/index.html

• Fondation de la Résistance :http://www.fondationresistance.org

• Fondation pour la Mémoire de la Déportation : http://www. fmd. asso. fr

• Fondation Charles de Gaulle :http://www.charles-de-gaulle.org

• Base des travaux universitaires de l’association «Mémoire et Espoirs dela Résistance » : http://www.memoresist.org

CHRONOLOGIE

missionde Jean Moulin

développement des maquis

répression dans de nombreuxvillages français

- Les membres du groupe detravail qui ont rédigé le dossier :Thierry Barthoulot (serviceéducatif - Musée de la Résis-tance et de la Déportation de Besançon), Éric Brossard(professeur relais - Musée de la Résistance nationale à Champigny-sur-Marne), Aleth Briat (Association desProfesseurs d’Histoire et deGéographie), Benoît Kermoal(enseignant - Fondation de laRésistance), Guy Krivopissko(enseignant et conservateurdu Musée de la Résistancenationale à Champigny-sur-Marne), Christine Levisse-Touzé(directeur de recherche associéà Montpellier III - directeur duMémorial du maréchal Leclercde Hauteclocque et de laLibération de Paris-MuséeJean Moulin, Ville de Paris),Frantz Malassis (responsablearchives et documentation -Fondation de la Résistance),Claude Marmot (enseignante -Fondation Charles de Gaulle),Aurélie Pol (coordonnatricehistorique - Association pourdes Études sur la Résistance

Intérieure), Axel Porin(enseignant - Musée de la Résistance nationale à Champigny-sur-Marne),Emmanuel Thiébot (historienau pôle éducatif et formations- Mémorial de Caen).- ainsi que, pour leurs précieuxconseils et leur soutien :Joëlle Boyer (enseignante -Mémorial du maréchal Leclercde Hauteclocque/Musée JeanMoulin, Ville de Paris), VictorConvert (directeur général -Fondation de la Résistance),Joëlle Dusseau (inspectricegénérale de l’Éducation Nationale-groupe Histoire et Géographie), Chantal Jorro(documentaliste - Centred’Histoire de la Résistance et de la Déportation de Lyon),Yves Lescure (directeurgénéral - Fondation pour laMémoire de la Déportation),Philippe Mazars (chargéd’étude à la direction de l’en-seignement scolaire - ministèrede l’Éducation nationale),Elizabeth Pastwa (directrice -Musée de la Résistance et de la Déportation de Besançon)

Elles adressent égalementleurs vifs remerciements auxassociations et organismessuivants qui soutiennentfidèlement l’organisation de ce concours :- ADIR, Association Nationaledes Anciennes Déportées et Internées de la Résistance,- AFMD, Association des Amis de la Fondation pourla Mémoire de la Déportation,- Amicale des Anciens

de Dachau,- Amicale de Buchenwald-

Dora,- Amicale de Buna-Monowitz,- Amicale de Dora-Ellrich,- Amicale de Flossenbürg,- Amicale de Mauthausen,- Amicale de Neuengamme,- Amicale d’Oranienburg-

Sachsenhausen,- Amicale des Réseaux Action

de la France Combattante,- ANACR, AssociationNationale des AnciensCombattants de la Résistance,- ANCVR, AssociationNationale des CombattantsVolontaires de la Résistance,- ANMRF, AssociationNationale des Médaillés de la Résistance Française,- Association Libération Nord,- Association Libre Résistance,- CAR, Comité d’Action de la Résistance,- CNCVR, Confédération Nationale des CombattantsVolontaires de la Résistance,- COSOR, Comité des ŒuvresSociales de la Résistance,- FNDIR, Fédération Nationaledes Déportés Internés de la Résistance,- FNDIRP, Fédération Nationaledes Déportés Internés Résistants et Patriotes,- Fondation de la France Libre,- MER, Association «Mémoireet Espoirs de la Résistance»,- ORA, Organisation de la Résistance de l’Armée,

- UAR, Union des Aveugles de la Résistance,- UNADIF, Union Nationale des Associations de Déportés,Internés et Familles dedisparus,- Union des associations d’Auschwitz et des camps de Haute Silésie,- Union des blessés de la faceet de la tête - Les Gueulescassées.

et en particulier pour leurcontribution pédagogiquesous la forme d’un dossierspécifique : le Musée de la Résistance et de la Déportation deBesançon, le Musée départe-mental de la Résistance et de la Déportation de Toulouse,la FNDIRP, la FNDIR - UNADIF.La diversité des sources documentaires ainsi offertesaux candidats leur permettra,par leur complémentarité,d’aborder les thèmes proposéssous des aspects multiples etainsi d’enrichir leur réflexion.

Il faut signaler enfin l’actiondes associations suivantesqui proposent aux lauréats de poursuivre des études et des recherches initiées lorsde leur participation auConcours et les encouragent à entreprendre avec elles leur approfondissement :- Association «Mémoire et Espoirs de la Résistance»16/18, place Dupleix. 75015PARIS. Tél : 0145669232.- Association pour des Étudessur la résistance Intérieure16/18, place Dupleix. 75015PARIS. Tél : 0145666272.- Association «des Amis de la Fondation pour la Mémoirede la Déportation»31, boulevard Saint Germain75005 PARIS. Tél. : 0143258498.

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Ce dossier a été conçu et élaboré sous le pilotage de lacommission pédagogique de la Fondation de la Résistance,présidée par Monsieur Jean Gavard, Inspecteur généralhonoraire de l’Éducation nationale, à laquelle ont bien voulus’associer, la Fondation Charles de Gaulle, la Fondation pourla mémoire de la Déportation, l’Association des Professeursd’Histoire et de Géographie, le Centre d’Histoire de laRésistance et de la Déportation de Lyon, le Mémorial de Caen,le Mémorial du maréchal Leclerc de Hauteclocque et de la Libération de Paris-Musée Jean Moulin (Ville de Paris), leMusée de la Résistance et de la Déportation de Besançon, le Musée de la Résistance nationale à Champigny-sur-Marne.

La réalisation du dossier est soutenue par les ministères de l’Éducationnationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche ; de laDéfense (direction de la Mémoire, du Patrimoine et des Archives).

La Fondation de la Résistance, la Fondation Charles de Gaulle et laFondation pour la mémoire de la Déportation remercient vivementde leur participation à la réalisation de cette brochure :

Le ministère de la Défense -direction de la Mémoire,

du Patrimoine et des Archives.

La Fondationde la Résistance

La FondationCharles de Gaulle

La Fondationpour la Mémoirede la Déportation

Le ministère de l’Éducation nationale,

de l’Enseignementsupérieur

et de la Recherche

Éditeur : Fondation de la Résistance, Reconnue d’utilité publique par décret du 5 mars 1993. Sous le Haut Patronage du Président de la République– 30, boulevard des Invalides – 75007 Paris – Téléphone: 0147057369 – Télécopie: 0153599585 – Site internet : www.fondationresistance.orgCourriel : [email protected] de la publication : Jean Mattéoli, Président de la Fondation de la Résistance – Directeur délégué de la publication : FrançoisArchambault – Rédacteur en chef : Frantz Malassis – Maquette, photogravure et impression : , Paris XVe – Revue trimestrielle -Abonnement pour un an : 16 € – N° 43 : 4, 50 € – Commission paritaire : n° 4124 D73AC – ISSN: 1263-5707