De Broglie -La Physique Quantique Restera-t-elle Indéterministe (1952)

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 M Louis De Broglie La physique quantique restera-t-elle indéterministe ? In: Revue d'histoire des sciences et de leurs applications. 1952, Tome 5 n°4. pp. 289-311. Citer ce document / Cite this document : De Broglie Louis. La physique quantique restera-t-elle indéterministe ?. In: Revue d'histoire des sciences et de leurs applications. 1952, Tome 5 n°4. pp. 289-311. doi : 10.3406/rhs.1952.2967 http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rhs_0048-7996_1952_num_5_4_2967

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De Broglie -La Physique Quantique Restera-t-elle Indéterministe (1952)

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  • M Louis De Broglie

    La physique quantique restera-t-elle indterministe ?In: Revue d'histoire des sciences et de leurs applications. 1952, Tome 5 n4. pp. 289-311.

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    De Broglie Louis. La physique quantique restera-t-elle indterministe ?. In: Revue d'histoire des sciences et de leursapplications. 1952, Tome 5 n4. pp. 289-311.

    doi : 10.3406/rhs.1952.2967

    http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rhs_0048-7996_1952_num_5_4_2967

  • La Physique quantique

    restera-t-elle indterministe ? (1)

    Dans un article paru dans la Revue de Mtaphysique et de Morale, sous le titre Souvenirs personnels sur les dbuts de la mcanique ondulatoire , reproduit ensuite dans mon livre Physique et microphysique, j'ai rappel par quels tats d'esprit j'avais pass entre 1923 et 1928, en ce qui concerne l'interprtation de la mcanique ondulatoire et j'ai expliqu qu'aprs avoir tent de dvelopper une interprtation concrte et dterministe, conforme dans ses grandes lignes aux conceptions traditionnelles de la physique, j'avais fini, en prsence des difficults que je rencontrais et des objections qui m'taient faites, par me rallier au point de vue probabiliste et indterministe de MM. Bohr et Heisenberg. Pendant prs de vingt- cinq^ans, je suis rest fidle cette manire de voir, d'ailleurs adopte par la presque unanimit des thoriciens de la Physique et je l'ai expose dans mon enseignement, mes confrences et mes livres. Dans l't de 1951, j'ai eu connaissance, par une aimable communication personnelle de l'auteur, d'un mmoire d'un jeune physicien amricain, M. David Bohm, mmoire qui a paru ensuite dans le numro du 15 janvier 1952, de la Physical Review. Dans ce mmoire, M. Bohm reprend intgralement, tout au moins sous l'une des formes que je leur avais donnes, mes conceptions de 1927, en les compltant d'une faon intressante sur certains points. Ensuite M. J.-P. Vigier a signal mon attention, la ressemblance qui existe entre une dmonstration donne par Einstein, sur le mouvement des particules en relativit gnralise et une dmonstration que j'avais donne tout fait indpendamment en 1927 dans la tentative que j'avais appele Thorie de la double solu-

    (1) Confrence prononce au Centre international de Synthse, le 31 octobre 1952, au cours de la XVIIIe Semaine de Synthse.

    T. V. 1952 19

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    tion . Toutes ces circonstances ont ramen dans ces derniers temps mon attention sur ces questions et, sans que je veuille affirmer qu'il soit possible de rtablir une conception dterministe de la Mcanique ondulatoire dans le sens de mes ides primitives, je crois cependant que la question mrite d'tre rexamine en se gardant de toute ide philosophique prconue et en se proccupant seulement de savoir si une interprtation cohrente de tous les faits bien tablis pourrait tre ainsi obtenue. Pour exposer le problme tel qu'il se pose aujourd'hui, il me parat utile de suivre le dveloppement historique des conceptions nouvelles de la Physique quantique.

    Le grand drame de la Microphysique contemporaine a t, vous le savez, la dcouverte de la dualit des ondes et des corpuscules. C'est d'abord dans l'tude des proprits de la lumire que cette dualit s'est manifeste. Pendant longtemps, il avait t naturel de penser que la lumire est forme de corpuscules en mouvement rapide. L'existence des rayons lumineux, rectilignes dans les milieux homognes, la rflexion sur les miroirs analogue au rebondissement d'une balle sur un mur, la rfraction au passage d'un milieu dans un autre peuvent aisment s'expliquer ainsi d'une faon trs intuitive. Aussi cette thorie corpusculaire de la lumire, laquelle Newton se ralliait, a-t-elle t adopte par la plupart des physiciens jusqu'au dbut du xixe sicle. Il faut cependant noter que, ds la fin du xviie sicle, le grand savant hollandais Christian Huygens, avait propos une thorie ondulatoire de la lumire et donn de remarquables explications, encore classiques aujourd'hui, des phnomnes de rflexion, de rfraction et de double rfraction, l'aide de la conception des ondes et du principe que porte son nom, sans parvenir cependant interprter l'existence des rayons lumineux. Il faut noter aussi que Newton, aprs avoir dcouvert le phnomne d'interfrences qu'on nomme depuis lors les anneaux de Newton , avait tent une fort intressante synthse du point de vue des ondes et de celui des corpuscules dans sa Thorie des accs reste malheureusement embryonnaire et rapidement oublie. Au dbut du xixe sicle, les travaux du mdecin anglais, Thomas Young, ramenrent l'attention sur les phnomnes d'interfrences et, peu aprs, Malus dcouvrait l'existence de la polarisation de la lumire. Ayant repris l'tude exprimentale des interfrences ainsi que celle de la diffraction connue depuis le xvne sicle, mais peu tudie jusque-l, Augustin Fresnel montra que ces phnomnes s'inter-

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    prtent entirement par la thorie ondulatoire de la lumire, alors que la thorie corpusculaire parat totalement incapable d'en rendre compte. Compltant sur ce point l'uvre de Huygens, il montre aussi que la thorie des ondes explique la propagation rectiligne des rayons lumineux dans les milieux homognes. Puis, lorsqu'aprs une lutte trs pre il a convaincu ses adversaires, Fresnel en introduisant l'hypothse que dans l'onde lumineuse la vibration est transversale la direction de propagation, donne aussi une thorie complte, toujours classique aujourd'hui, des phnomnes de polarisation et de double rfraction. Fresnel meurt phtisique 39 ans en 1827, paraissant avoir tabli sur des bases inbranlables la thorie ondulatoire de la lumire. Quarante ans plus tard, Maxwell donnera des ondes de Fresnel une interprtation lectromagntique et, montrant ainsi que toute onde lumineuse est une perturbation lectromagntique d'un type particulier, il fera rentrer toute l'optique dans l'lectromagntisme. Mais la gniale synthse de Maxwell, si elle a chang l'ide que l'on se faisait de la nature des ondes lumineuses, a laiss intacte la croyance, commune ds lors tous les physiciens, que la lumire est forme d'ondes o l'nergie est rpartie d'une faon continue.

    C'est alors, dans les dernires annes du xixe sicle, que le drame commence. La dcouverte de l'effet photolectrique par Hertz en 1887 apporte le premier exemple d'un phnomne d'action de la lumire sur la matire que la conception ondulatoire de la lumire n'est pas capable d'interprter. En 1905, Albert Einstein, qui vient de dcouvrir la thorie de la Relativit, montre qu'on peut interprter l'effet photolectrique en revenant, au moins partiellement, une thorie corpusculaire de la lumire, en admettant que dans toute onde lumineuse de frquence v l'nergie est concentre en grains de valeur /iv o h est la constante des quanta introduite par Planck dans la thorie du rayonnement noir : ces grains de lumire qu'Einstein appelait quanta de lumire , nous les appelons aujourd'hui photons . D'ailleurs Einstein voit bien que sa thorie n'est pas une thorie strictement corpusculaire, car elle fait intervenir la notion de frquence qui est d'origine ondulatoire. Une thorie strictement granulaire ne peut du reste interprter les phnomnes d'interfrences et de diffraction et Einstein pressent qu'il faut conserver les ondes lumineuses et tablir entre les ondes et les grains une sorte de correspondance statistique, vue trs profonde nous le verrons.

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    La thorie d'Einstein est vivement critique, on en montre facilement les difficults. Mais sa valeur vient de ce qu'elle se rattache trs intimement un grand courant d'ides qui est alors en train de bouleverser toute la Physique de l'chelle atomique : la thorie des quanta. Je rappelle rapidement que l'tude exprimentale du rayonnement du corps noir avait montr que la composition spectrale de ce rayonnement n'est pas du tout celle que pouvaient faire prvoir les thories classiques. S'tant bien assur que la discordance tait totale et irrmdiable, Planck avait introduit en 1900 l'hypothse des quanta, tout fait trangre toutes les conceptions classiques et mme inconciliable avec elles, qui lui avait permis de trouver une loi de rpartition spectrale pour le rayonnement du corps noir bien en accord avec les faits exprimentaux. Cette hypothse des quanta introduisait une sorte d'atomicit de l'Action au sens de la Mcanique, conception nouvelle et peu conforme nos intuitions physiques. Le quantum d'Action est mesur par la fameuse constante de Planck h dont Planck avait pu dduire la valeur numrique partir des rsultats exprimentaux sur le corps noir. Rapidement l'hypothse des quanta, si trange qu'elle pt paratre au premier abord, s'tait montre d'une trs grande porte dans le domaine des phnomnes de l'chelle atomique. Einstein l'avait utilise dans sa thorie des quanta de lumire : il en avait aussi montr l'importance dans le domaine des chaleurs spcifiques. Bientt Bohr et ses continuateurs immdiats, dont le principal fut Sommerfeld, allaient montrer qu'en introduisant les quanta dans la thorie de l'atome conu, suivant la suggestion de Rutherford, comme un systme solaire en miniature, on pouvait obtenir une interprtation remarquable des proprits des atomes et, en particulier, des lois qui rgissent leurs missions spectrales. Il rsultait de ces thories sur lesquelles je ne puis m'tendre ici que, trs petite chelle, les lectrons et autres corpuscules matriels ne suivaient pas, comme on le croyait jusque-l, les lois de la Mcanique classique, mais qu'ils ne pouvaient avoir que certains tats de mouvement (les tats stationnaires de Bohr) satisfaisant certaines conditions de quanta o figuraient, ct naturellement de la constante h, des nombres entiers, les nombres quantiques. Cette apparition de nombres entiers dans ces problmes de micromcanique pouvait paratre fort surprenante, mais, comme les nombres entiers apparaissent frquemment en thorie des ondes dans le calcul des phnomnes d'interfrences ou

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    de rsonance, on pouvait apercevoir l une indication en faveur de l'ide que, pour les lectrons et autres corpuscules matriels, existe comme pour les photons et les ondes lumineuses une dualit onde- corpuscule. C'est une des ides qui m'ont guid dans mes premires recherches sur la Mcanique ondulatoire.

    Vers 1920, l'poque o, aprs une longue priode de mobilisation, je me remettais la recherche scientifique, la situation tait donc la suivante. D'une part l'existence des photons, qui devait bientt recevoir de nouvelles confirmations par la dcouverte des effets Gompton et Raman, apparaissait comme certaine, mais la ncessit d'invoquer la thorie des ondes, pour introduire la frquence v qui figure dans la dfinition du photon et aussi pour rendre compte de l'ensemble des phnomnes d'interfrences et de diffraction dont les lois sont tablies avec une extrme prcision, dmontrait la ncessit d'une vue synthtique s'exprimant par la dualit onde-corpuscule pour la lumire. D'autre part, l'existence trs petite chelle des mouvements quantifis des corpuscules suggrait, je l'ai dit, l'ide d'introduire aussi la dualit onde- corpuscule pour les lectrons et autres lments de la matire. Il me parut donc vident qu'il fallait raliser une synthse gnrale, applicable la matire comme la lumire et reliant par des formules o figureraient ncessairement la constante h de Planck, les aspects onde et corpuscule, indissolublement lis l'un l'autre.

    C'est cette synthse dont j'ai jet les premires bases dans des notes parues dans les Comptes rendus de V Acadmie des Sciences, au dbut de l'automne de 1923 et, d'une faon plus complte, dans ma thse de doctorat soutenue en novembre 1924. M'inspirant de considrations relativistes et aussi d'ides apparentes celles qu'Hamilton avait dveloppes un sicle auparavant, j'arrivais associer au mouvement de tout corpuscule la propagation d'une onde dont la frquence et la longueur d'onde taient relies l'nergie et la quantit de mouvement du corpuscule par des formules o figurait la constante h et je montrais que l'on pouvait ainsi comprendre la raison d'etre des mouvements quantifis des lectrons dans les atomes. Sans entrer ici dans aucun dtail technique, j'insisterai sur le point suivant. J'associais au mouvement rectiligne et uniforme d'un corpuscule en l'absence de champ la propagation dans la direction du mouvement d'une onde plane monochromatique, ayant une amplitude constante et une phase

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    linaire en xyzl. Comme j'tablissais une relation entre l'nergie et la quantit de mouvement du corpuscule d'une part, la frquence et la longueur d'onde de l'onde d'autre part, je reliais en somme, l'tat de mouvement du corpuscule la phase de l'onde. Mais comment faire correspondre avec l'onde le fait que le corpuscule est localis, a une position dans l'espace ? Question difficile rsoudre car l'onde plane monochromatique ayant mme amplitude en tout point de l'espace, ne permet aucunement de dfinir chaque instant un point privilgi qui serait la position du corpuscule cet instant. Cette difficult jointe quelques autres considrations relativistes sur lesquelles je passe, m'avait fait penser que, si la phase de l'onde plane monochromatique a un sens physique certain, il n'en est pas de mme pour l'amplitude constante de cette onde ; la rpartition uniforme de cette amplitude dans l'espace signifierait simplement qu'a priori, le corpuscule peut se trouver dans n'importe quel point de l'espace avec une gale probabilit. L'amplitude n'aurait donc qu'un sens de probabilit et la vritable position du corpuscule (car je ne doutais pas alors que cette position devait exister chaque instant) ne serait pas reprsente par elle. Aussi avais-je donn l'onde que j'introduisais, le nom d'onde de phase pour bien marquer qu' mes yeux, c'tait essentiellement la phase de cette onde qui possdait un sens physique.

    Les ides que j'avais soutenues dans ma thse et qui avaient d'abord t accueillies avec un tonnement, sans doute ml d'un peu de scepticisme, ne tardrent pas cependant recevoir des confirmations clatantes. Ce furent d'abord du point de vue thorique, les admirables travaux de M. Schrdinger qui, en 1926, a complt et tendu de diverses faons mes conceptions, montrant en particulier, comment on devait crire dans le cas gnral, les quations de propagation de l'onde associe et comment on devait calculer rigoureusement l'aide de ces quations les tats station- naires des lectrons dans les systmes de l'chelle atomique qui correspondent des formes stationnaires de l'onde associe. Il montra aussi que la Mcanique quantique dveloppe en 1925, par M. Heisenberg n'est qu'une transposition mathmatique de la Mcanique ondulatoire.

    Puis vinrent les non moins admirables expriences de Davisson et Germer qui, aux tats-Unis, dans le courant du printemps de 1927, dcouvrirent le phnomne de la diffraction des lectrons par les cristaux, tout fait analogue au phnomne de la diffraction

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    des Rayons X par les cristaux. Ces belles expriences, rptes bientt par de nombreux physiciens, et aujourd'hui entres dans la pratique courante des laboratoires, apportrent une preuve exprimentale dcisive des conceptions de la Mcanique ondulatoire ainsi qu'une vrification quantitative de ses formules. Le mouvement de l'lectron est donc bien associ la propagation d'une onde et nous savons aujourd'hui qu'il en est de mme pour les autres constituants de la matire (proton, neutron, noyaux d'atomes...) qui, eux aussi, peuvent donner lieu des phnomnes de diffraction quantitativement conformes aux prvisions de la Mcanique ondulatoire.

    Dans cette priode qui va de la soutenance de ma thse en novembre 1924, la runion du Ve Conseil de Physique Solvay en octobre 1927, j'ai naturellement suivi avec un intrt passionn toutes les tapes successives du dveloppement de la Mcanique ondulatoire. Mais j'ai t continuellement tracass par la question de l'interprtation physique du formalisme de la nouvelle thorie et du sens rel du dualisme onde-corpuscule. Trois interprtations possibles de ce dualisme ont t, ma connaissance, envisages. Une interprtation qui parat avoir toujours la prfrence de M. Schrdinger consiste nier la ralit du dualisme en contestant l'existence des corpuscules. Seules les ondes auraient une signification physique analogue celles des ondes des thories classiques. Dans certains cas, la propagation des ondes donnerait lieu des apparences corpusculaires, mais ce ne serait l que des apparences. Au dbut, pour prciser cette ide, M. Schrdinger avait voulu assimiler le corpuscule un petit train d'ondes, mais cette interprtation ne peut se soutenir, ne serait-ce que parce qu'un train d'ondes a toujours une tendance s'tendre rapidement et sans cesse davantage dans l'espace et ne saurait par suite, reprsenter un corpuscule dou d'une stabilit prolonge. Bien que M. Schrdinger paraisse encore s'attacher des interprtations de ce type, je ne crois pas pour ma part, qu'elles soient acceptables et je pense qu'il faut admettre comme un fait physique, la dualit onde- corpuscule. Or prcisment, les deux autres interprtations auxquelles j'ai fait allusion, admettent cette dualit comme relles, mais elles l'envisagent des points de vue bien diffrents.

    La premire, celle laquelle je suis rest attach jusqu'en 1928, consiste donner la dualit onde-corpuscule une signification concrte, conforme aux ides traditionnelles de la Physique et pour

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    cela, l'interprter en considrant le corpuscule comme une sorte de singularit au sein d'un phnomne ondulatoire tendu dont il serait le centre. La difficult est alors de comprendre pourquoi la Mcanique ondulatoire fait usage d'ondes continues sans singularits du type des ondes continues de la thorie classique de la lumire. Je dirai tout l'heure sous quelle forme j'avais essay de dvelopper cette manire de voir.

    La seconde interprtation du dualisme onde-corpuscule consiste ne considrer que les ides de corpuscule et d'onde continue et les regarder comme des faces complmentaires de la ralit au sens que Bohr donne cette expression. Je rsumerai galement tout l'heure, cette doctrine subtile, tout fait diffrente des ides de la Physique classique, qui constitue depuis vingt-cinq ans l'interprtation orthodoxe de la Mcanique ondulatoire.

    Pour l'instant je reviens mon expos historique. En 1924, au lendemain de la soutenance de ma thse, j'tais tout imprgn des conceptions de la Physique classique et c'est dans le cadre de ces conceptions, c'est--dire dans le cadre de la reprsentation cartsienne des phnomnes par figures et par mouvements, que je cherchais interprter les ides nouvelles que j'avais introduites. Il me paraissait certain que le corpuscule devait avoir chaque instant une position dans l'espace et une vitesse, par suite qu'il dcrivait au cours du temps une trajectoire. Mais j'tais aussi convaincu qu'il tait li un phnomne priodique et ondulatoire, permettant de dfinir une frquence et une longueur d'onde associes. Je m'imaginais donc tout naturellement le corpuscule comme une sorte de singularit au sein d'un phnomne ondulatoire tendu, le tout ne formant qu'une seule ralit physique. Le mouvement de la singularit tant li l'volution du phnomne ondulatoire dont elle tait le centre, se trouverait dpendre de toutes les circonstances que ce phnomne ondulatoire rencontrerait dans sa propagation dans l'espace. Pour cette raison, le mouvement du corpuscule ne suivrait point les lois de la Mcanique classique qui est une Mcanique purement ponctuelle o le corpuscule subit seulement l'action des forces qui s'exercent sur lui le long de sa trajectoire sans subir aucune rpercussion de l'existence des obstacles qui peuvent se trouver au loin en dehors de sa trajectoire : dans ma conception, au contraire, le mouvement de la singularit subirait l'influence de tous les obstacles qui influeraient sur la propagation du phnomne ondulatoire dont elle est solidaire, et

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    ainsi s'expliquerait l'existence des interfrences et de la diffraction. Mais la difficult tait alors de comprendre pourquoi la Mca

    nique ondulatoire s'tait dveloppe en envisageant uniquement des solutions continues, sans singularits, des quations de propagation, solutions qu'il est d'usage de dsigner parla lettre grecque Y. Dj, je l'ai dit, lorsque j'avais associ au mouvement rectiligne et uniforme du corpuscule la propagation d'une onde, d'une onde T plane et monochromatique, je m'tais heurt cette difficult : la phase de l'onde qui me permettait de dfinir la frquence et la longueur d'onde associes au corpuscule me paraissait bien avoir un sens physique direct, tandis que l'amplitude constante de l'onde ne pouvait tre, mes yeux, qu'une reprsentation statistique des positions possibles du corpuscule. Il y avait l un mlange de l'individuel et de la statistique qui m'intriguait et qu'il me paraissait urgent d'claircir.

    Si l'on se reporte aux notes que j'ai publies de 1924 1927 sur ce sujet, on voit ma pense s'orienter peu peu vers ce que j'ai appelle alors la thorie de la double solution . J'en ai fait un expos d'ensemble dans un article paru en juin 1927, dans le Journal de Physique (t. VIII, 1927, p. 225) qui reste le seul document complet sur cette question. Dans ce mmoire, je postulais hardiment que toute solution continue des quations de la Mcanique ondulatoire tait en quelque sorte double par une solution singularit comportant une singularit en gnral mobile (le corpuscule !) et ayant la mme phase que la solution W. Les deux solutions et T auraient donc toutes deux la forme d'une onde, la phase tant la mme fonction de xyzl, mais l'amplitude tant tout fait diffrente, puisque celle de comporterait une singularit et que celle de T serait continue. Partant de l'quation de propagation suppose la mme pour et pour T, je dmontrais alors un thorme fondamental : la singularit mobile de devait au cours du temps dcrire une trajectoire telle qu'en chaque point, la vitesse soit proportionnelle au gradient de la phase. Ainsi se traduirait, pouvait-on dire, la raction de la propagation du phnomne ondulatoire sur la singularit qui en formait le centre. Je montrais aussi que cette raction pouvait s'exprimer en considrant le corpuscule-singularit comme soumis un potentiel quantique qui tait prcisment l'expression mathmatique de la raction de l'onde sur lui. Je rejoignais ainsi une ide des protagonistes de l'ancienne thorie corpusculaire de la lumire qui disaient que, dans

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    la diffraction de la lumire par le bord d'un cran, le corpuscule de lumire subit une action de ce bord d'cran et est par suite dvi de sa route rectiligne.

    L'onde avec sa singularit mobile constituant ainsi le corpuscule et le phnomne ondulatoire qui l'entoure, quel tait le sens de l'onde Y ? Pour moi, elle n'avait aucune signification physique relle, la ralit physique tant dcrite par l'onde u. Mais comme l'onde Y tait suppose avoir mme phase que l'onde et que le corpuscule-singularit se dplaait toujours en suivant le gradient de la phase, les trajectoires possibles du corpuscule concidaient avec les courbes orthogonales aux surfaces d'gale phase de Y et je montrais alors aisment que cela conduisait considrer la probabilit de trouver le corpuscule en un point comme gale au carr de l'amplitude, l'intensit de l'onde Y. Or c'tait bien l la premire caractristique essentielle que l'on avait t amen attribuer l'onde Y : le carr de son amplitude | Y |2 en un point devait donner la probabilit de prsence du corpuscule associ en ce point. Ce principe, admis ds le dbut de la Mcanique ondulatoire et ncessaire pour donner la thorie de la diffraction des lectrons, n'tait d'ailleurs qu'une transposition directe de ce qui tait admis depuis longtemps en Optique. Un des principes essentiels de la thorie ondulatoire de la lumire tait, en effet, que la densit de l'nergie radiante est donne par le carr de l'amplitude de l'onde lumineuse et, si l'on introduit alors l'ide de photon, ceci ne peut signifier qu'une chose, comme Einstein l'avait trs bien vu ds ses premiers travaux de 1905 : la probabilit pour qu'un photon soit prsent en un point de l'espace est proportionnelle au carr de l'amplitude de l'onde lumineuse qui lui est associe.

    Ainsi l'onde Y couramment utilise par la Mcanique ondulatoire m'apparaissait comme une onde purement fictive, simple reprsentation de probabilits et par suite brusquement modifie par tout renseignement qui modifie nos connaissances sur l'tat du corpuscule. C'tait bien l le caractre de l'onde Y tel qu'il se dgageait de plus en plus des progrs de la Mcanique ondulatoire. Mais pour moi, il existait, cache pour ainsi dire derrire l'onde continue Y, l'onde singularit qui dcrivait rellement le corpuscule centre d'un phnomne ondulatoire tendu. Si l'on pouvait avoir l'impression que l'onde Y suffisait pour dcrire entirement le comportement du corpuscule tel qu'on pouvait

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    l'observer exprimentalement, c'tait en raison de cette concidence des phases qui tait la clef de ma thorie.

    Telle tait la subtile et curieuse interprtation de la Mcanique ondulatoire que j'essayais de dvelopper en 1927. Je ne tardais pas me rendre compte que sa justification se heurtait de trs grandes difficults mathmatiques. Il fallait en effet, dmontrer que dans un problme de Mcanique ondulatoire bien pos avec ses conditions aux limites et o l'on connat la solution du type T, il existe galement des solutions du type singularit mobile. Il fallait aussi refaire la thorie des phnomnes d'interfrences, par exemple les trous d'Young, en utilisant uniquement l'onde singularit, seule ralit physique, sans faire appel aux ondes continues T considres comme fictives. Il fallait interprter l'aide des ondes la Mcanique ondulatoire des systmes de corpuscules dveloppe dans le cadre de l'espace de configuration par M. Schrdinger, etc. Mais je ne me sentais pas capable de rsoudre ces difficiles problmes mathmatiques comportant toujours l'tude ardue de solutions singularit.

    A l'heure actuelle, le nouvel examen que j'ai fait depuis quelques mois de mes ides de 1927, m'a amen proposer une modification de la dfinition de l'onde u. En 1927, je la considrais comme une solution avec singularit des quations linaires admises par la Mcanique ondulatoire pour l'onde T. Diverses considrations, et en particulier le rapprochement avec la thorie de la Relativit gnralise dont je parlerai plus loin, m'ont fait penser que la vritable quation de propagation de l'onde pourrait tre non- linaire comme celles que l'on rencontre dans la thorie de la gravitation d'Einstein, quation non-linaire qui admettrait comme forme approximative l'quation linaire de la Mcanique ondulatoire quand les valeurs de seraient assez faibles. Si ce point de vue tait exact, on pourrait mme admettre que l'onde ne comporte pas une singularit mobile au sens strict du mot singularit, mais simplement une trs petite rgion singulire mobile (de dimensions sans doute de l'ordre de 10~13 cm.) l'intrieur de laquelle les valeurs de seraient assez grandes pour que l'approximation linaire ne soit plus valable, bien qu'elle soit valable dans tout l'espace en dehors de cette trs petite rgion. Malheureusement ce changement de point de vue ne facilite pas la rsolution des problmes mathmatiques qui se posent car, si l'tude des solutions singularits des quations linaires est souvent difficile, celle des solutions des quations non-linaires est plus difficile encore.

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    Revenons 1927. Lorentz m'avait demand au printemps de prparer un rapport sur la Mcanique ondulatoire pour le Ve Conseil de Physique Solvay qui devait se tenir Bruxelles au mois d'octobre suivant. Conscient des difficults que j'aurais eu surmonter pour faire un expos, peu prs satisfaisant du point de la rigueur mathmatique, de mes ides sur la double solution, je me rsolus adopter un point de vue simple dont j'avais indiqu la possibilit la fin de mon article du Journal de Physique. Comme avec mes ides d'alors le mouvement du corpuscule est dfini par le gradient de la phase qui est commune aux solutions et *F, tout se passe en apparence comme si le corpuscule tait guid par l'onde continue T. On pouvait donc, me semblait-il, se placer au point de vue suivant : postuler l'existence du corpuscule comme une ralit indpendante et admettre que le corpuscule est guid dans son mouvement par l'onde Y suivant la formule vitesse proportionnelle au gradient de la phase de Y . Cette manire de prsenter les choses, je l'avais dsigne par le nom expressif de thorie de l'onde-pilote et ce fut celle que je dveloppai dans mon rapport et qui a figur dans les comptes rendus du Ve Conseil de Physique Solvay. Je ne me suis pas aperu ce moment, qu'en adoptant cette sorte de ligne de repli, j'affaiblissais beaucoup ma position. En effet, si l'hypothse de la double solution est difficile justifier mathmatiquement, elle est cependant susceptible en cas de succs d'offrir une vue trs profonde de la constitution de la matire et de la dualit des ondes et des corpuscules et mme peut-tre, nous le verrons, de permettre un rapprochement des conceptions quan- tiques et des conceptions relativistes. La thorie simplifie de l'onde-pilote, bien qu'elle soit en quelque sorte une consquence de la thorie de la double solution, n'a aucun de ces avantages. Comme le caractre statistique et purement fictif de l'onde T est quelque chose de bien tabli et admis, semble-t-il, par tout le monde, la thorie de l'onde-pilote aboutit ce rsultat inacceptable de faire dterminer le mouvement du corpuscule par une grandeur, l'onde continue Y, qui n'a aucune signification physique relle, qui dpend de l'tat des connaissances de celui qui l'emploie et qui doit varier brusquement lorsqu'une information vient modifier ces connaissances. Si les conceptions que j'ai nonces en 1927 devaient un jour ressusciter de leurs cendres, ce ne pourrait tre que sous la forme subtile de la double solution et non sous la forme tronque et inacceptable de l'onde-pilote.

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    Au Conseil Solvay d'octobre 1927, mon expos sur l'onde-pilote trouva peu d'audience. M. Pauli fit mes conceptions de srieuses objections auxquelles j'entrevoyais une rponse possible, mais sans pouvoir la prciser entirement. M. Schrodinger, ne croyant pas l'existence des corpuscules ne pouvait me suivre. MM. Bohr, Heisenberg, Born, Pauli, Dirac... dveloppaient l'interprtation purement probabiliste que j'ai dj dsigne plus haut sous le nom d'interprtation actuellement orthodoxe. Lorentz, prsident du Conseil, ne pouvait admettre une semblable interprtation et raffirmait avec force sa conviction que la Physique thorique devait rester dterministe et continuer employer des images claires dans le cadre classique de l'espace et du temps. Einstein critiquait l'interprtation probabiliste et lui opposait des objections un peu troublantes : il m'encourageait dans la voie o je m'tais engag, mais sans cependant approuver nettement ma tentative.

    Je revins Paris trs troubl par ces discussions et, en mditant sur ce sujet, j'arrivai la conviction que, pour la raison que j'ai expose plus haut et quelques autres encore, la thorie de l'onde- pilote tait intenable. N'osant pas en revenir la double solution cause de ses difficults mathmatiques, je me dcourageai et me ralliai l'interprtation purement probabiliste de Bohr et Heisenberg. Depuis vingt-cinq ans, je l'ai adopte comme base de mon enseignement, et expose dans mes livres et mes confrences. J'ai cherch en prciser clairement les divers aspects et je puis affirmer par exprience, que ce n'est pas toujours l une tche facile. Je vais nouveau essayer d'en donner un bref rsum.

    Dans la conception de Bohr et Heisenberg, il n'y a que le corpuscule et l'onde continue Y, mais ni l'un, ni l'autre ne peuvent se reprsenter la manire classique. On ne peut en gnral, attribuer au corpuscule ni position, ni vitesse, ni trajectoire bien dtermines : il peut seulement se rvler, au moment o l'on fait une observation ou une mesure, comme ayant telle position ou telle vitesse. Il possde pour ainsi dire, chaque instant, toute une srie de positions ou d'tats de mouvement possibles, ces diverses potentialits pouvant s'actualiser au moment de la mesure avec certaines probabilits. C'est ici qu'intervient l'onde Y associe : elle est une sorte de reprsentation de l'ensemble des potentialits du corpuscule avec leurs probabilits respectives. C'est ainsi que l'extension de l'onde *F dans l'espace reprsente l'indtermination de la position du corpuscule qui peut se rvler prsent en un point

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    quelconque de la rgion occupe par l'onde avec une probabilit proportionnelle au carr de l'amplitude de l'onde en ce point. De mme pour les tats de mouvement : l'onde *F a une dcomposition spectrale en srie ou intgrale de Fourier et cette dcomposition reprsente tous les rsultats possibles d'une mesure de la quantit de mouvement, la probabilit de chaque rsultat possible d'une telle mesure tant donne par le carr du coefficient correspondant de la dcomposition de Fourier. Et l'interprtation se dveloppe sous une forme trs gnrale applicable toute grandeur mesurable : elle prend une forme mathmatiquement trs lgante, faisant intervenir toutes les ressources de l'analyse linaire : la thorie des fonctions et valeurs propres, les dveloppements en srie de fonctions propres, les matrices, l'espace de Hilbert, etc. Et l'on montre que ce formalisme a pour consquence inluctable les incertitudes d'Heisenberg suivant lesquelles nous ne pouvons jamais connatre exactement et simultanment la position et l'tat de mouvement d'un corpuscule, toute observation ou exprience qui augmente notre connaissance de la position ayant comme contre-partie une diminution de notre connaissance de la quantit de mouvement et inversement.

    L'interprtation de la Mcanique ondulatoire de Bohr et Heisenberg a de nombreuses consquences qui ouvrent des perspectives philosophiques nouvelles. Le corpuscule n'est plus un objet bien dfini dans le cadre de l'espace et du temps ; il n'est plus qu'un ensemble de potentialits affectes de probabilits, il n'est plus qu'une entit qui se manifeste nous d'une faon fugitive, tantt sous un aspect, tantt sous un autre. M. Bohr, qui est un peu le Rembrandt de la Physique contemporaine, car il manifeste parfois un certain got pour le clair obscur , a dit des corpuscules qu'ils sont unsharply defined individuals within finite space-time limits . Quant l'onde, elle perd aussi, plus totalement encore que le corpuscule, sa signification physique ancienne : elle n'est plus qu'une reprsentation de probabilits (un lment de prvision, dit M. Destouches) dpendant des connaissances acquises par celui qui l'emploie. Elle est personnelle et subjective comme le sont les rpartitions de probabilit et, comme elles, elles se modifient brusquement quand l'utilisateur acquiert de nouvelles informations : c'est l ce que M. Heisenberg a appel la rduction du paquet d'ondes par la mesure , rduction qui suffirait, elle seule, dmontrer le caractre non-physique de l'onde Y.

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    Du mme coup, disparat le dterminisme des phnomnes admis par l'ancienne Physique et qui tait li la possibilit de se faire une image prcise de la ralit physique dans le cadre de l'espace et du temps. On ne peut plus en gnral, prvoir avec certitude les phnomnes qui vont avoir lieu : seules les probabilits des divers phnomnes possibles sont accessibles nos calculs. Il est vrai qu'entre chaque mesure les probabilits ont une volution rigoureuse rgle par l'quation d'ondes, mais chaque mesure ou observation nouvelle, par les informations qu'elle nous apporte, rompt le cours de ce dterminisme des probabilits.

    L'interprtation de Bohr et Heisenberg, non seulement ramne toute la Physique la probabilit, mais elle donne cette notion un sens qui est tout nouveau dans la Science. Tandis que tous les grands matres de l'poque classique, depuis Laplace jusqu' Henri Poincar, ont toujours proclam que les phnomnes naturels taient dtermins et que la probabilit, quand elle s'introduit dans les thories scientifiques, rsultait de notre ignorance ou de notre incapacit suivre un dterminisme trop compliqu, dans l'interprtation actuellement admise de la Physique quantique, nous avons affaire de la probabilit pure qui ne rsulterait pas d'un dterminisme cach. Dans des thories classiques comme la thorie cintique des gaz, les lois de probabilit taient considres comme rsultant de notre ignorance des mouvements entirement dtermins, mais dsordonns et complexes, des innombrables molcules du gaz : la connaissance des positions et des vitesses des molcules nous aurait en principe permis de calculer rigoureusement toute l'volution du gaz, mais en pratique les probabilits s'introduisent par suite de notre ignorance de la valeur de ces paramtres cachs. Or l'interprtation purement probabiliste de la mcanique ondulatoire rejette une telle interprtation des lois de probabilits qu'elle fournit : ces lois ne rsulteraient pas de notre ignorance des paramtres cachs qui seraient les coordonnes et la vitesse du corpuscule, car ces paramtres cachs n'existeraient pas, le corpuscule ne pouvant se manifester avec une position ou avec une vitesse bien dfinie que fugitivement au moment d'une observation ou d'une mesure. La probabilit en Physique quantique ne rsulterait plus d'une ignorance : elle serait de la contingence pure.

    Par un raisonnement clbre, M. von Neumann a dmontr, il y a une vingtaine d'annes, que la forme des lois de probabilit de la Mcanique ondulatoire vrifies par l'exprience est incompatible

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    avec l'existence de paramtres cachs. Ainsi les ponts seraient dfinitivement coups : il serait impossible de revenir en arrire et, en rendant au corpuscule sa dfinition classique, d'interprter l'aide de paramtres cachs le formalisme de la Mcanique quan- tique. La dmonstration de von Neumann, abstraite et lgante, est trs impressionnante. Je l'ai cru longtemps irrfutable. Je dirai tout l'heure pourquoi j'ai aujourd'hui, des doutes sur sa validit.

    Depuis vingt-cinq ans, la presque totalit des physiciens s'est rallie l'interprtation purement probabiliste de Bohr et Heisen- berg. Il y a cependant quelques exceptions trs notables, des savants aussi minents que MM. Einstein et Schrdinger ayant toujours refus de l'accepter et lui ayant oppos des objections troublantes. Ds le Conseil Solvay de 1927, Einstein avait dvelopp l'objection suivante : Considrons un cran plan perc d'un trou sur lequel tombe normalement un corpuscule avec son onde Y associe. L'onde Y est difracte lors de son passage travers le trou et prend derrire l'cran la forme d'une onde sphrique divergente. Si l'on dispose derrire l'cran un film ayant la forme d'un hmisphre, on pourra enregistrer par une impression photographique la localisation du corpuscule en un point P de cet hmisphre. La Mcanique ondulatoire nous apprend (tout le monde est d'accord sur ce point) que la probabilit d'une localisation en P est donne par le carr de l'amplitude de l'onde Y en P. S'il existe chaque instant une localisation du corpuscule permettant de dfinir une trajectoire ( l'aide de variables caches), on conoit trs bien que notre ignorance de la trajectoire du corpuscule nous permette seulement de dfinir une probabilit pour que la trajectoire passe par tel ou tel point de l'cran ; le fait que le corpuscule produise une action photographique en P nous apprend que la trajectoire de ce corpuscule passait par P et, ds que nous avons ce renseignement, les probabilits pour que la trajectoire passe par les autres points du film s'vanouissent. Cette explication est trs claire, mais ce n'est pas du tout celle que donne l'interprtation purement probabiliste. Suivant celle-ci, avant l'impression photographique, le corpuscule est potentiellement prsent en tous les points de la rgion postrieure l'cran avec une probabilit gale au carr de l'amplitude de l'onde Y. Ds que l'impression photographique se produit en P, le corpuscule se localise, se condense pourrait-on dire, au point P et instantanment la probabilit de sa prsence en tout autre point du film tombe

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    zro. Or, disait Einstein, une telle interprtation est incompatible avec toutes nos ides sur l'espace et sur le temps (mme prsentes sous la forme de l'espace-temps relativist) et avec l'ide d'une propagation de proche en proche vitesse finie des actions physiques dans l'espace. Et il ne suffirait pas de dire que nos concepts d'espace et de temps tirs de l'exprience macroscopique peuvent fort bien tre en dfaut l'chelle atomique : en effet, le film a des dimensions macroscopiques (il peut avoir une surface d'un mtre carr) et il s'agirait bien ici d'une insuffisance des notions d'espace et de temps mme V chelle macroscopique, ce qui parat vraiment difficile accepter. A cette objection d'Einstein laquelle, ma connaissance, on n'a pas fait de rponse satisfaisante, s'en sont ajoutes d'autres faites ensuite par Schrdinger et encore par Einstein et portant sur les phnomnes d'interactions et les tats correls qui en rsultent. Je ne puis exposer ici ces arguments, je dirai seulement que, comme celui d'Einstein en 1927, ils conduisent des conclusions paradoxales, en particulier mettre e doute mme l'chelle macroscopique nos notions anciennes d'espace et de temps. videmment, M. Bohr a rpondu aux critiques qu'on a adresses sa manire de voir par des considrations qui sont trs fines et trs intressantes tudier ; mais ses rponses sont un peu entoures de ce clair-obscur dont je parlais tout l'heure et pour cette raison elles peuvent ne pas paratre tous entirement convaincantes.

    La situation en tait l, peu prs stabilise depuis un quart de sicle, quand a paru, il y a quelques mois, l'article de M. Bohm dont j'ai parl au dbut. Cet article ne contient rien d'essentiellement nouveau puisqu'il ne fait que reprendre la thorie de l'onde- pilote que j'avais expose au Conseil Solvay, thorie qui, ne faisant intervenir que l'onde de probabilit T et non l'onde singularit w, introduite par l'hypothse de la double solution, me parat toujours se heurter d'insurmontables difficults. Nanmoins, en dehors du mrite d'avoir ramen l'attention sur ces questions, M. Bohm a eu aussi celui de faire un certain nombre de remarques intressantes et, en particulier, de faire une analyse des processus de mesure envisags du point de vue de l'onde-pilote qui parat permettre d'carter les objections opposes mes ides par M. Pauli en 1927. Ds que j'ai eu connaissance du mmoire de M. Bohm et des ides de M. Vigier dont je vais parler dans un instant, j'ai rsum mes observations leur sujet dans deux notes aux Comptes rendus de

    T. V. 1952 20

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    Acadmie des Sciences, parues en septembre 1951 et en janvier 1952. L'un des points qui ont attir mon attention est le suivant : la dmonstration de M. von Neumann prtend interdire toute interprtation des distributions de probabilits de la Mcanique ondulatoire par une thorie causale paramtres cachs ; or les thories de la double solution et de l'onde-pilote, si elles ne peuvent tre considres comme prouves, existent cependant et l'on peut se demander comment leur existence est conciliable avec le thorme de von Neumann. Cette remarque m'a conduit examiner de nouveau la dmonstration de ce thorme et je me suis alors aperu que cette dmonstration reposait essentiellement sur le postulat suivant : toutes les rpartitions de probabilits admises par la Mcanique ondulatoire ont une existence physique avant mme que Von ait fait V exprience qui fait entrer en jeu l'une de ces rpartitions. Ainsi les rpartitions de probabilits dduites de la connaissance de l'onde T et relatives la position et l'tat de mouvement existeraient avant les expriences de mesure qui peuvent permettre de connatre exactement la position ou l'tat de mouvement. Or on peut trs bien admettre au contraire (et ceci est mme tout fait en accord avec le rle essentiel que tous les physiciens quantistes attribuent aujourd'hui aux actes de mesure) que ces distributions de probabilit, ou du moins certaines d'entre elles, peuvent tre cres par l'excution de la mesure et n'exister que quand la mesure a t effectue, mais qu'on n'a pas encore eu connaissance de son rsultat. Dans les thories de la double solution et de l'onde-pilote, qui sur ce point ne sont pas distinctes, on admet que la distribution de probabilit relative la position, donne par le carr de l'amplitude de l'onde continue M7, existe avant toute mesure, mais d'autres rpartitions de probabilits (par exemple celle relative aux quantits de mouvement) seraient cres par la mesure : le postulat qui est la base du raisonnement de von Neumann ne leur est donc pas applicable et ceci fait tomber la conclusion de ce raisonnement. L'interprtation purement probabiliste admet l'quivalence absolue de toutes les rpartitions de probabilits et c'est pourquoi M. von Neumann a admis cette quivalence comme postulat, mais ce faisant, il a simplement montr que, si l'on admet les conceptions de base de l'interprtation purement probabiliste, on ne peut plus chapper cette interprtation. Il y a donc l une sorte de cercle vicieux et le thorme de M. von Neumann ne me parat plus avoir la porte que je lui attribuais moi-mme dans ces dernires annes.

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    A la suite de la tentative de M. Bohm, M. Jean-Pierre Vigier qui travaille l'Institut Henri-Poincar a eu l'ide trs intressante d'tablir un rapprochement entre la thorie de la double solution et un thorme dmontr par Einstein (galement en 1927, mais tout fait indpendamment de mes recherches, car je faisais alors des travaux sur les quanta sans m'occuper de relativit gnralise, tandis qu'Einstein concentrait son attention sur la relativit gnralise sans s'occuper des quanta). Pour comprendre l'intrt de ce rapprochement, il faut savoir que les physiciens thoriciens sont actuellement rpartis entre deux tendances qui paraissent inconciliables. D'une part Einstein et ses lves forment un petit groupe qui poursuit le dveloppement des ides relativistes en cherchant dvelopper les conceptions de la Relativit gnralise. D'autre part, la grande majorit des thoriciens attirs par l'intrt des problmes atomiques font des efforts pour faire progresser la Physique quantique sans se proccuper aucunement des ides de la Relativit gnralise. Assurment la Mcanique ondulatoire a tenu compte des conceptions de la relativit restreinte et a cherch les englober : la thorie de l'Electron spin de Dirac et plus rcemment les belles thories de Tomonaga, Schwinger, Feynman et Dyson ont utilis les ides de covariance relativist. Mais c'est toujours de relativit restreinte qu'il s'agit. Or, on sait que la relativit restreinte ne se suffit pas elle-mme et qu'il est ncessaire de la gnraliser comme l'avait fait Einstein en 1916. Il est ds lors paradoxal que les deux grandes thories de la Physique contemporaine, la thorie, de la Relativit gnrale et celle des Quanta, soient aujourd'hui sans aucun contact et s'ignorent mutuellement. Il faudra bien qu'un jour on parvienne en faire une synthse.

    Aprs avoir dvelopp les grandes lignes de la Relativit gnralise, Einstein s'tait proccup de la faon dont on pourrait reprsenter la structure atomique de la matire par des singularits du champ de gravitation. D'autre part, il s'tait aussi proccup du point suivant : en Relativit gnralise, on admet que le mouvement d'un corps est reprsent dans l'espace-temps courbe par une godsique de cet espace-temps et ce postulat lui avait permis de retrouver le mouvement des plantes autour du soleil en interprtant, en outre, le dplacement sculaire du prihlie de Mercure. Mais si l'on veut dfinir les particules lmentaires de la matire par l'existence de singularits dans le champ de

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    gravitation, il devrait tre possible de dmontrer, partir des seules quations du champ de gravitation, que le mouvement des singularits a lieu suivant les godsiques de l'espace-temps, sans avoir introduire ce rsultat comme postulat indpendant. Cette question a longtemps proccup Einstein qui a russi en 1927, dans un travail en collaboration avec Grommer, dmontrer le thorme qu'il avait en vue. Cette dmonstration a t ensuite reprise et tendue de diverses faons par Einstein lui-mme, et ses collaborateurs Infeld et Hoffmann. Il est certain que la dmonstration du thorme d'Einstein prsente une certaine analogie avec celle que j'ai donne en 1927 pour prouver qu'un corpuscule doit toujours avoir sa vitesse dirige suivant le gradient de la phase de l'onde dont il constitue une singularit. M. Vigier poursuit avec ardeur des tentatives pour prciser cette analogie en cherchant introduire les fonctions d'onde dans la dfinition de la mtrique de l'espace- temps. Bien que ses tentatives ne soient peut-tre pas encore pleinement convaincantes, il est certain que la voie dans laquelle il s'est engag est trs intressante, car elle pourrait conduire une unification des ides de la Relativit gnralise et de la Mcanique ondulatoire. En se reprsentant les corpuscules matriels (et galement les photons) comme des singularits dans la mtrique de l'espace-temps entoures d'un champ ondulatoire dont elles feraient partie et dont la dfinition introduirait la constante de Planck, on devrait parvenir unir les conceptions d'Einstein sur les particules et celles de ma thorie de la double solution. L'avenir dira si cette grandiose synthse de la Relativit et des Quanta est vraiment possible.

    Une chose me parat certaine, c'est que dans une telle synthse on devra retrouver et justifier tous les rsultats, tous les modes de calcul employs par la Mcanique ondulatoire dans son interprtation actuelle, y compris les incertitudes d'Heisenberg, la quantification des systmes atomiques, etc. Mais alors, dira-t-on, pourquoi modifier l'interprtation actuelle si elle sufft rendre compte de tous les phnomnes observables, pourquoi introduire toutes ces complications inutiles de double solution, de solutions singularit, etc., en s'exposant ainsi se fourvoyer dans des impasses ? A cela, on peut d'abord rpondre que le retour des conceptions claires, cartsiennes, respectant la validit du cadre de l'espace et du temps, satisferait certainement beaucoup d'esprits et permettrait non seulement de lever les objections troublantes

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    d'Einstein et de Schrdinger, mais aussi d'viter certaines consquences tranges de l'interprtation actuelle. En effet, cette interprtation, en cherchant dcrire les phnomnes quantiques, uniquement l'aide de la fonction continue T dont le caractre statistique est certain, aboutit logiquement une sorte de subjec- tivisme apparent l'idalisme au sens des philosophes et elle tend nier l'existence d'une ralit physique indpendante de l'observateur. Or le physicien reste instinctivement, comme Meyerson l'a nagure fortement soulign, un raliste et il a pour cela quelques bonnes raisons : les interprtations subjectivistes lui causeront toujours une impression de malaise et je crois que finalement il serait heureux de s'en affranchir.

    Mais on peut aussi penser avec M. Bohm que si l'interprtation actuelle suffit la prvision des phnomnes l'chelle atomique (10'8 10"u cm.), il pourrait ne pas en tre de mme l'chelle nuclaire (10~13 cm.), car alors les rgions singulires . des divers corpuscules pourraient empiter et ne plus pouvoir tre considres comme isoles. Il faut bien avouer qu' l'heure actuelle, la thorie des phnomnes nuclaires et en particulier des forces qui maintiennent la stabilit du noyau est dans un tat trs peu satisfaisant. De plus, une thorie des corpuscules de matire nous fait en ce moment d'autant plus cruellement dfaut qu'on dcouvre presque chaque mois de nouveaux types de msons. Il semble que la Physique ait un besoin urgent de pouvoir dfinir une structure des particules et notamment de pouvoir introduire un rayon de l'lectron comme dans l'ancienne thorie de Lorentz. Or elle se trouve fort empche de le faire par l'emploi exclusif pour la description des particules de l'onde statistique T qui lui interdit d'employer aucune image structurale de ces particules. Il est permis de croire qu'un changement de point de vue, comportant un retour aux images spatio-temporelles amliorerait la situation : videmment ce n'est l qu'une esprance, un chque en blanc dirait M. Pauli, mais cette possibilit ne doit pas, pensons-nous, tre

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    l'impossibilit de reprsenter les ralits de l'chelle atomique d'une faon prcise dans le cadre de l'espace et du temps ou si, au contraire, cette interprtation est incomplte et cache derrire elle, comme les anciennes thories statistiques de la Physique classique, une ralit parfaitement dtermine et descriptible dans le cadre de l'espace et du temps par des variables qui nous seraient caches, c'est--dire qui chapperaient nos dterminations exprimentales. Si cette seconde hypothse devait se montrer fructueuse, c'est, me semble-t-il, sous la forme d'une thorie double solution, plus ou moins amende et sans doute mise en relation avec la Relativit gnralise, qu'il faudrait l'expliciter. Mais je n'ignore pas (et une rvision rcente de toute la question me encore prouv) quelles difficults trs grandes, peut-tre mme insurmontables, une telle tentative va se heurter et quelles difficiles justifications mathmatiques seraient ncessaires pour l'tablir solidement. Si l'entreprise se montrait inexcutable, il faudrait alors en revenir l'interprtation purement probabiliste, mais l'heure actuelle, un nouvel examen de la question ne me parat pas superflu.

    Sans doute, aprs m'avoir vu abandonner mes premires tentatives, et exposer dans tous mes crits depuis vingt-cinq ans l'interprtation de Bohr et Heisenberg, certains m'accuseront peut-tre d'inconstance en me voyant prouver quelques nouveaux doutes son sujet et me demander si ma premire orientation aprs tout n'tait pas la bonne. cela, si je voulais badiner, je pourrais rpondre avec Voltaire : L'homme stupide est celui qui ne change pas. Mais une rponse plus srieuse est possible. L'histoire des sciences montre que les progrs de la Science ont t constamment entravs par l'influence tyrannique de certaines conceptions que l'on avait fini par considrer comme des dogmes. Pour cette raison, il convient de soumettre priodiquement un examen trs approfondi les principes que l'on a fini par admettre sans plus les discuter. L'interprtation purement probabiliste de la Mcanique ondulatoire a certainement, depuis un quart de sicle, rendu des services aux physiciens, parce qu'elle les a empchs de s'enliser dans l'tude de problmes trs ardus et difficilement solubles comme ceux que pose la conception des doubles solutions et leur a ainsi permis de marcher rsolument dans la voie des applications qui ont t nombreuses et fructueuses. Mais aujourd'hui le pouvoir explicatif de la Mcanique ondulatoire, telle qu'elle est enseigne, parat en grande partie puis. Tout le monde le reconnat et les partisans de

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    l'interprtation probabiliste eux-mmes cherchent, sans beaucoup de succs semble-t-il, introduire des conceptions nouvelles encore plus abstraites et plus loignes des images classiques, telles que matrices S, longueur minima, etc. Sans nier l'intrt de ces tentatives, on peut se demander si ce n'est pas plutt vers un retour la clart des reprsentations spatio-temporelles qu'il faudrait s'orienter. En tout cas, il est certainement utile de reprendre le problme trs difficile de l'interprtation de la Mcanique ondulatoire, afin de voir si celle qui est actuellement orthodoxe est vraiment la seule que l'on puisse adopter.

    Au savant comme l'homme de lettres, il faut dire avec Boileau : Sans cesse sur le mtier, remettez votre ouvrage...

    Louis de Broglie.

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