DANS QUELLES SOCIÉTÉS LES COMMUNES PEUVENT/ELLES …

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49 TERRITORIAL Zepros 4 | Juin-Juillet 2018 JURIDIQUE | PRATIQUE n Les communes peuventelles être actionnaires dans tous les types de sociétés? Une commune peut participer au capital d’une société commerciale ou de tout autre organisme à but lucratif dans les conditions sui- vantes (article L.2253-1 du CGCT): si un décret en Conseil d’État l’y autorise et si l’objet concerne l’exploitation de services de la collectivité territoriale ou des acti- vités d’intérêt général dans les conditions prévues à l’article L. 2253-2 du CGCT. Les communes peuvent égale- ment participer au capital d’une SA ou d’une SAS dont l’objet social est la production d’énergies renouvelables. Ce caractère limita- tif a fait l’objet d’une stricte inter- prétation (CE, 24 nov. 1989 : JurisData n° 1989-648236). À cet encadrement s’ajoute une limitation inhérente aux compé- tences des communes, qui ne sau- raient participer à une société dont l’objet ne correspond pas à leurs compétences reconnues par la loi. Il existe toutefois des régle- mentations sectorielles qui per- mettent aux communes d’inter- venir dans d’autres types de sociétés. n Dans quelles sociétés les communes peuventelles être actionnaires? Selon le CGCT, les communes peuvent être actionnaires dans différents types de sociétés (liste non exhaustive): • La société d’économie mixte (SEM): la société est anonyme et les collectivités territoriales doivent détenir au moins 50 % du capital (et des voix) et au maximum 85 % du capital social (article L. 1521-1 du CGCT). Des partenaires privés peuvent y être actionnaires. • La société publique locale (SPL): à la différence de la SEM, la SPL doit réaliser la totalité de son acti- vité sur le territoire des collectivités actionnaires. Surtout, elle béné- ficie de l’exception « in house ». • La société d’économie mixte à opération unique (SEMOP): elle a un objet unique. La SEMOP dis- paraît après l’exécution du contrat pour laquelle elle a été créée (participation publique comprise entre 34 % – minorité de blocage – et 85 %). La sélection de(s) l’opérateur(s) économique(s) et l’attribution du contrat à la SEMOP sont réalisées par un unique appel public à concurrence. • La société publique locale d’inté- rêt national (SPLA-IN): fonction- nement pratiquement identique aux SPLA. Toutefois, contraire- ment aux SPLA, la loi ne réserve pas à la collectivité la majorité des droits de vote. La participation minimale d’une collectivité est de 35 % du capital et des droits de vote (minorité de blocage). • La société d’énergies renouvela- bles : la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition éner- gétique pour la croissance verte permet aux collectivités de rentrer dans le capital de sociétés qui pro- duisent des EnR. n Existetil d’autres sociétés dans lesquelles les communes peuvent être actionnaires? De nombreuses lois sectorielles permettent la participation des communes dans le capital d’autres sociétés : • La société anonyme d’habitation à loyer modéré (SA HLM): elle construit et/ou gère des logements locatifs destinés à des personnes de condition modeste. • La société coopérative d’intérêt collectif: elle a pour objet « la pro- duction ou la fourniture de biens et de services d’intérêt collectif qui présentent un caractère d’utilité sociale ». Elle peut être créée sous forme de SA, de SAS ou de SARL. Les collectivités territoriales peuvent devenir associés et détenir jusqu’à 50 % du capital. • La société de garantie: article L. 2253-7 du CGCT. • La société d’aménagement foncier et d’établissement rural: article L.141-1 et suivants du Code rural. Les communes disposent de nombreux outils à l’effet d’inter- venir sur le plan économique. n Quelle est la responsa bilité de la commune en sa qualité d’actionnaire? Les règles de responsabilité financière s’appliquent à tous les actionnaires, quelle que soit leur qualité. Par principe, la responsa- bilité d’un actionnaire dépend du type de société. Dans certains types de sociétés, la responsabi- lité des actionnaires n’est pas limitée. Tel est le cas notamment des sociétés en nom collectif et des sociétés civiles. En revanche, dans les sociétés de capitaux, la responsabilité des actionnaires est limitée au montant de leur apport. n Existetil d’autres cas où la responsabilité de la commune peut être recherchée? Le dirigeant de droit ou de fait d’une personne morale en liquida- tion judiciaire engage sa respon- sabilité s’il a commis une ou des fautes de gestion qui ont contribué à générer une insuffisance d’actif (article L.651-2 du Code de com- merce). n Quelle est la responsa bilité de la commune en cas de procédure collective de la société dont elle est actionnaire? La responsabilité civile du dirigeant ou d’un actionnaire ne peut être mise en œuvre qu’en cas de réso- lution d’un plan de redressement et de liquidation judiciaire. Les per- sonnes physiques représentants permanents des dirigeants per- sonnes morales sont également concernées. À ce titre, il convient de relever que la jurisprudence a déjà condamné des dirigeants personnes morales de droit public : • Condamnation d’une commune à supporter une partie des dettes d’une association (Cass. com., 26 oct. 1999 : Juris-Data n° 1999- 003675) ; • Action en comblement de l’in- suffisance de l’actif engagée contre une commune en sa qualité de dirigeant de droit d’une SEM (Cass. com., 25 juin 1991, n° 88- 14323) ; • Condamnation in solidum d’une collectivité et de ses représentants dirigeants d’une SEML placée en liquidation judiciaire au paie- ment des dettes sociales sur le fondement de la faute de gestion (Cass. com., 8 janv. 2002, n° 98- 17439). n Comment est définie la faute de gestion? La notion de faute de gestion n’est pas définie par la loi. Seule la juris- prudence donne des exemples concrets de ce qu’est une faute de gestion: non-respect des obliga- tions légales, retard dans le dépôt de la déclaration de cessation des paiements, manque de contrôle dans la gestion, etc. n L’élu représentant sa collectivité au sein d’une société dispose til d’une protection spécifique? L’article L.1524-5 du CGCT pose le principe selon lequel les élus locaux, agissant en tant que man- dataires des communes ou de leurs groupements au sein des organes dirigeants des SEML, ne sont pas considérés comme entrepreneurs de services munici- paux au sens du Code électoral. Les fonctions protégées que les élus peuvent exercer sont expres- sément définies. Celles-ci sont limitées à celles de président, de président-directeur général ou de membre des conseils d’adminis- tration ou de surveillance des SEM. Ces dispositions excluent par voie de conséquence l’exercice de toute autre fonction dans la société, notamment celle de membre ou de président du directoire, de direc- teur général et plus généralement, l’exercice de toute fonction sala- riée, permanente ou non. Dès lors, en cas de faute commise par l’élu dans l’exercice de ses fonctions, seule la responsabilité civile de la commune peut être recherchée. n L’élu représentant sa collectivité au sein d’une société peutil voir sa responsabilité personnelle engagée? Le principe de protection a des limites, notamment si le manda- taire outrepasse ses fonctions ou en agissant en dehors du champ des activités reconnues et autorisées par la loi. Dans ce cas, sa responsabilité personnelle pourra être recherchée dans la me- sure où il pourra lui être reproché un fait personnel se détachant de l’exercice de ses fonctions et consi- déré comme cause d’un dommage. Les sanctions sont l’interdiction de gérer et l’obligation aux dettes sociales. DANS QUELLES SOCIÉTÉS LES COMMUNES PEUVENTELLES ÊTRE ACTIONNAIRES ? Par My-Kim Yang-Paya et Hakim Ziane, avocats au cabinet Seban & Associés Ne pas confondre prise de participation et filialisation Il y a « participation » lorsqu’il y a détention du capital social d’une fraction du capital comprise entre 10 et 50 % (article L.233-2 du Code de commerce). Aux termes de l’article L.233-1 du Code de commerce, la filialisation résulte de la détention de plus de la moitié du capital d’une société ou lorsqu’elle résulte de la détention de la majorité des droits de vote ou de la détention du pouvoir de nommer les organes dirigeants (notamment par la conclusion d’un pacte d’actionnaires).

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Zepros 4 | Juin-Juillet 2018 JURIDIQUE | PRATIQUE

n Les communes peuvent-elles être actionnaires dans tousles types de sociétés?

Une commune peut participer aucapital d’une société commercialeou de tout autre organisme à butlucratif dans les conditions sui-vantes (article L.2253-1 du CGCT): si un décret en Conseil d’État l’y autorise et si l’objet concerne l’exploitation de services de la collectivité territoriale ou des acti-vités d’intérêt général dans les conditions prévues à l’article L. 2253-2 du CGCT.Les communes peuvent égale-ment participer au capital d’une SA ou d’une SAS dont l’objet social est la production d’énergiesrenouvelables. Ce caractère limita-tif a fait l’objet d’une stricte inter-prétation (CE, 24 nov. 1989 : JurisData n° 1989-648236).À cet encadrement s’ajoute une limitation inhérente aux compé-tences des communes, qui ne sau-raient participer à une société dont l’objet ne correspond pas àleurs compétences reconnues parla loi. Il existe toutefois des régle-mentations sectorielles qui per-mettent aux communes d’inter-venir dans d’autres types desociétés.

n Dans quelles sociétésles communes peuvent-elles être actionnaires?

Selon le CGCT, les communes peuvent être actionnaires dans différents types de sociétés (listenon exhaustive):• La société d’économie mixte(SEM): la société est anonyme etles collectivités territoriales doiventdétenir au moins 50% du capital(et des voix) et au maximum 85%du capital social (article L. 1521-1 du CGCT). Des partenaires privéspeuvent y être actionnaires.• La société publique locale (SPL):à la différence de la SEM, la SPLdoit réaliser la totalité de son acti-vité sur le territoire des collectivités

actionnaires. Surtout, elle béné-ficie de l’exception « in house ».• La société d’économie mixte àopération unique (SEMOP): elle aun objet unique. La SEMOP dis-paraît après l’exécution du contratpour laquelle elle a été créée (participation publique compriseentre 34% – minorité de blocage –et 85 %). La sélection de(s) l’opérateur(s) économique(s) etl’attribution du contrat à la SEMOPsont réalisées par un unique appelpublic à concurrence.• La société publique locale d’inté-rêt national (SPLA-IN): fonction-nement pratiquement identiqueaux SPLA. Toutefois, contraire-ment aux SPLA, la loi ne réservepas à la collectivité la majorité des droits de vote. La participation minimale d’une collectivité est de 35% du capital et des droits devote (minorité de blocage).• La société d’énergies renouvela-bles: la loi n°2015-992 du 17août2015 relative à la transition éner-gétique pour la croissance vertepermet aux collectivités de rentrerdans le capital de sociétés qui pro-duisent des EnR.

n Existe-t-il d’autres sociétés dans lesquellesles communes peuventêtre actionnaires?

De nombreuses lois sectoriellespermettent la participation descommunes dans le capital d’autressociétés:• La société anonyme d’habitationà loyer modéré (SA HLM) : elleconstruit et/ou gère des logementslocatifs destinés à des personnesde condition modeste.• La société coopérative d’intérêtcollectif: elle a pour objet « la pro-duction ou la fourniture de biens et de services d’intérêt collectif qui présentent un caractère d’utilitésociale ». Elle peut être créée sous forme de SA, de SAS ou deSARL. Les collectivités territorialespeuvent devenir associés et détenir jusqu’à 50% du capital.• La société de garantie : article

L. 2253-7 du CGCT.• La société d’aménagement foncier et d’établissement rural :article L.141-1 et suivants du Code rural.Les communes disposent de nombreux outils à l’effet d’inter-venir sur le plan économique.

n Quelle est la responsa-bilité de la communeen sa qualité d’actionnaire?

Les règles de responsabilité financière s’appliquent à tous lesactionnaires, quelle que soit leurqualité. Par principe, la responsa-bilité d’un actionnaire dépend du type de société. Dans certainstypes de sociétés, la responsabi-lité des actionnaires n’est pas limitée. Tel est le cas notammentdes sociétés en nom collectif et des sociétés civiles. En revanche,dans les sociétés de capitaux, la responsabilité des actionnairesest limitée au montant de leur apport.

n Existe-t-il d’autres casoù la responsabilité de la commune peutêtre recherchée?

Le dirigeant de droit ou de fait d’une personne morale en liquida-tion judiciaire engage sa respon-sabilité s’il a commis une ou desfautes de gestion qui ont contribuéà générer une insuffisance d’actif(article L.651-2 du Code de com-merce).

n Quelle est la responsa-bilité de la communeen cas de procédurecollective de la sociétédont elle est actionnaire?

La responsabilité civile du dirigeantou d’un actionnaire ne peut êtremise en œuvre qu’en cas de réso-lution d’un plan de redressementet de liquidation judiciaire. Les per-sonnes physiques représentantspermanents des dirigeants per-sonnes morales sont égalementconcernées.

À ce titre, il convient de relever quela jurisprudence a déjà condamnédes dirigeants personnes moralesde droit public:• Condamnation d’une communeà supporter une partie des dettesd’une association (Cass. com., 26 oct. 1999 : Juris-Data n° 1999-003675);• Action en comblement de l’in-suffisance de l’actif engagée contre une commune en sa qualitéde dirigeant de droit d’une SEM(Cass. com., 25 juin 1991, n° 88-14323);• Condamnation in solidum d’unecollectivité et de ses représentantsdirigeants d’une SEML placée en liquidation judiciaire au paie-ment des dettes sociales sur le fondement de la faute de gestion(Cass. com., 8 janv. 2002, n° 98-17439).

n Comment est définie lafaute de gestion?

La notion de faute de gestion n’estpas définie par la loi. Seule la juris-prudence donne des exemplesconcrets de ce qu’est une faute degestion: non-respect des obliga-tions légales, retard dans le dépôtde la déclaration de cessation des paiements, manque decontrôle dans la gestion, etc.

n L’élu représentant sa collectivité au seind’une société dispose-t-il d’une protectionspécifique?

L’article L.1524-5 du CGCT pose le principe selon lequel les élus locaux, agissant en tant que man-dataires des communes ou de

leurs groupements au sein des organes dirigeants des SEML, ne sont pas considérés comme entrepreneurs de services munici-paux au sens du Code électoral. Les fonctions protégées que lesélus peuvent exercer sont expres-sément définies. Celles-ci sont limitées à celles de président, deprésident-directeur général ou demembre des conseils d’adminis-tration ou de surveillance des SEM.Ces dispositions excluent par voiede conséquence l’exercice de touteautre fonction dans la société, notamment celle de membre ou deprésident du directoire, de direc-teur général et plus généralement,l’exercice de toute fonction sala-riée, permanente ou non. Dès lors,en cas de faute commise par l’éludans l’exercice de ses fonctions,seule la responsabilité civile de lacommune peut être recherchée.

n L’élu représentant sa collectivité au seind’une société peut-ilvoir sa responsabilitépersonnelle engagée?

Le principe de protection a des limites, notamment si le manda-taire outrepasse ses fonctions ou en agissant en dehors duchamp des activités reconnues etautorisées par la loi. Dans ce cas,sa responsabilité personnellepourra être recherchée dans la me-sure où il pourra lui être reprochéun fait personnel se détachant del’exercice de ses fonctions et consi-déré comme cause d’un dommage.Les sanctions sont l’interdiction de gérer et l’obligation aux dettessociales. �

DANS QUELLES SOCIÉTÉS LES COMMUNES PEUVENT-ELLES ÊTRE ACTIONNAIRES?Par My-Kim Yang-Paya et Hakim Ziane, avocats au cabinet Seban & Associés

Ne pas confondre prise de participation et filialisationIl y a « participation » lorsqu’il y a détention du capital sociald’une fraction du capital comprise entre 10 et 50 % (articleL.233-2 du Code de commerce). Aux termes de l’article L.233-1du Code de commerce, la filialisation résulte de la détentionde plus de la moitié du capital d’une société ou lorsqu’elle résulte de la détention de la majorité des droits de vote ou de la détention du pouvoir de nommer les organes dirigeants(notamment par la conclusion d’un pacte d’actionnaires).