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1 GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro 43854C du rôle Inscrit le 29 novembre 2019 Audience publique du 21 avril 2020 Appel formé par Madame ..., (D), contre un jugement du tribunal administratif du 22 octobre 2019 (n° 40676 du rôle) ayant statué sur son recours contre une décision du ministre de l’Education nationale, de l’Enfance et de la Jeunesse en matière de reclassement Vu l’acte d’appel inscrit sous le numéro 43854C du rôle et déposé au greffe de la Cour administrative le 29 novembre 2019 par Maître Jean-Marie BAULER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame ..., enseignante de religion, demeurant à D-..., dirigé contre un jugement du tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg du 22 octobre 2019 (n° 40676 du rôle) ayant déclaré non fondé son recours en réformation, sinon en annulation d’une décision du ministre de l’Education nationale, de l’Enfance et de la Jeunesse du 25 octobre 2017 lui « refusant le bénéfice d’un classement au groupe d’indemnité A2 (E3) » ; Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 23 décembre 2019 par le délégué du gouvernement ; Vu le mémoire en réplique déposé au greffe de la Cour administrative le 24 janvier 2020 par Maître Jean-Marie BAULER au nom de l’appelante ; Vu le mémoire en duplique déposé au greffe de la Cour administrative le 24 février 2020 par le délégué du gouvernement ; Vu les pièces versées au dossier et notamment le jugement entrepris ; Le rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Jean-Marie BAULER et Madame le délégué du gouvernement Marie-Anne KETTER en leurs plaidoiries à l’audience publique du 5 mars 2020.

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GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG

COUR ADMINISTRATIVE

Numéro 43854C du rôle Inscrit le 29 novembre 2019

Audience publique du 21 avril 2020

Appel formé par Madame ..., … (D), contre un jugement du tribunal administratif

du 22 octobre 2019 (n° 40676 du rôle) ayant statué sur son recours contre une décision

du ministre de l’Education nationale, de l’Enfance et de la Jeunesse en matière de reclassement

Vu l’acte d’appel inscrit sous le numéro 43854C du rôle et déposé au greffe de la Cour administrative le 29 novembre 2019 par Maître Jean-Marie BAULER, avocat à la Cour, inscrit au

tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame ..., enseignante de religion,

demeurant à D-..., dirigé contre un jugement du tribunal administratif du Grand-Duché de

Luxembourg du 22 octobre 2019 (n° 40676 du rôle) ayant déclaré non fondé son recours en réformation, sinon en annulation d’une décision du ministre de l’Education nationale, de

l’Enfance et de la Jeunesse du 25 octobre 2017 lui « refusant le bénéfice d’un classement au

groupe d’indemnité A2 (E3) » ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 23 décembre 2019 par le

délégué du gouvernement ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe de la Cour administrative le 24 janvier 2020 par

Maître Jean-Marie BAULER au nom de l’appelante ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe de la Cour administrative le 24 février 2020 par le délégué du gouvernement ;

Vu les pièces versées au dossier et notamment le jugement entrepris ;

Le rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Jean-Marie BAULER et Madame le

délégué du gouvernement Marie-Anne KETTER en leurs plaidoiries à l’audience publique du

5 mars 2020.

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Aux termes d’un contrat de louage de service à durée indéterminée du 19 août 2008 signé avec

l’archevêché de Luxembourg, ci-après « l’archevêché », Madame ... fut engagée avec effet au 15

septembre 2008 en tant qu’enseignante de religion.

Le 23 septembre 2013, un diplôme de « bachelor » en pédagogie religieuse fut délivré à Madame

... par l’Institut de pédagogie religieuse du Centre Jean XXIII à Luxembourg.

En date du 26 janvier 2015, une convention fut signée entre l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg

et l’Eglise catholique du Luxembourg concernant l’organisation du cours commun « éducation

aux valeurs » et la résiliation d’un commun accord de la convention du 31 octobre 1997 concernant

l’organisation de l’enseignement religieux dans l’enseignement primaire et prévoyant une offre de

reprise des enseignants de religion et des chargés de cours de religion, ci-après « la convention du

26 janvier 2015 ».

Par courrier du 21 avril 2017, Madame ... s’adressa à l’archevêché pour dénoncer un prétendu

traitement inégalitaire au sens de l’article 10bis de la Constitution, respectivement discriminatoire

par rapport à la religion, entre les titulaires d’un diplôme de « bachelor » en pédagogie religieuse

et ceux d’un diplôme de « bachelor » de l’enseignement, tout en sollicitant son affectation au

groupe d’indemnité A2, respectivement au grade E3 du régime transitoire, ainsi qu’une adaptation

du règlement grand-ducal modifié du 7 août 1998 portant fixation des subventions-salaires des

enseignants et chargés de cours de religion, ci-après « le règlement grand-ducal du 7 août 1998 ».

En date du 12 septembre 2017, Madame ... signa un contrat de travail à durée indéterminée en tant

que chargé de cours de la réserve de suppléants de l’enseignement fondamental avec le ministre

de l’Education nationale, de l’Enfance et de la Jeunesse, ci-après « le ministre », avec effet au 15

septembre 2017 et fut classée dans le grade E2, conformément à la simulation de carrière lui

soumise le 14 août 2017 par l’Administration du personnel de l’Etat.

Par courrier de son mandataire du 10 octobre 2017, Madame ... sollicita, au regard de son cursus

scolaire et de son expérience professionnelle, son classement au grade A2, demande que le ministre

rejeta par une décision du 25 octobre 2017 libellée dans les termes suivants :

« (…) J'ai en mains votre missive datée du 10 octobre 2017 dans laquelle, d'une part, vous

m'informez que vous êtes chargé de la sauvegarde des intérêts de Madame ..., épouse ... et, d'autre

part, vous me demandez de bien vouloir faire bénéficier votre mandante d'un classement au groupe

d'indemnité A2.

Tout d'abord, tout en acquiesçant au fait que votre mandante se trouve dans une situation

particulière, je ne le suis cependant pas pour les motifs que vous indiquez dans votre missive. En

effet, votre mandante, tout comme d'autres personnes engagées auprès de l'Archevêché, a été

reprise par l'État. Ainsi, il ne s'agit non pas d'un engagement ordinaire, auquel les règles prévues

par la loi modifiée 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l'Etat, par la loi

modifiée du 25 mars 2015 fixant le régime des traitements et les conditions et modalités

d'avancement des fonctionnaires de l'Etat, voire par la loi modifiée du 25 mars 2015 déterminant

le régime et les indemnités des employés de l'Etat s'appliqueraient, mais d'une reprise soumise

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aux dispositions de la convention entre le Gouvernement et l'Archevêché signée en date du

26 janvier 2015.

Cette convention mentionne clairement une offre de reprise pour tous les enseignants et

chargés de cours de religion. En effet, l'État s'est engagé à créer une offre de reprise qui :

garantit la rémunération et la carrière actuelle des enseignants et chargés de cours

de religion ;

crée des perspectives professionnelles grâce aux procédures de validation des

acquis de l'expérience et grâce à une offre de formation continue ;

permet d'aboutir à un emploi dans le domaine de l'Éducation nationale.

En outre, l'article 24 de la loi du 2 août 2017 portant organisation de la reprise des

enseignants de religion et des chargés de cours de religion dispose que

« (1) L'agent repris dans la réserve de suppléants prévue à la section 2 du chapitre 2 est

classé au grade E2 de la carrière du chargé de cours de la réserve de suppléants dans

l'enseignement fondamental conformément aux dispositions de la loi modifiée du 25 mars 2015

déterminant le régime et les indemnités des employés de l'État.

(2) Il lui est tenu compte dans son entièreté du temps passé à exercer une tâche

d'enseignement au service de l'enseignement public sous l'autorité de l'Archevêché.

(3) Il est repris au niveau de l'échelon barémique atteint dans sa carrière auprès de

l'Archevêché conformément aux dispositions prévues à la loi modifiée du 10 juillet 1998 portant

approbation de la Convention du 31 octobre 1997 entre le Gouvernement, d'une part, et

l'Archevêché, d'autre part, concernant l'organisation de l'enseignement religieux dans

l'enseignement primaire et au règlement grand-ducal pris en son exécution ou, à défaut à la valeur

de l'échelon barémique immédiatement supérieur dans le grade E2. »

Concrètement, il découle de ce qui précède que votre mandante est reprise en la qualité

sous laquelle elle a été engagée par l'Archevêché.

Par conséquent, je ne saurais faire droit à votre demande, sous peine de violer les

dispositions de la convention précitée et de créer des discriminations. (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 25 janvier 2018, Madame ...

introduisit un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de

la décision précitée du 25 octobre 2017 du ministre portant refus du bénéfice « (…) d’un

classement au groupe d’indemnité A2 (E3) (…) ».

Par un jugement du 22 octobre 2019, le tribunal administratif reçut le recours principal en

réformation en la forme, au fond, le dit non justifié et en débouta Madame ..., dit qu’il n’y avait

pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation et condamna la demanderesse aux frais

de l’instance.

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Pour ce faire, le tribunal, après avoir cité la version actuelle de l’article 44 de la loi modifiée du

25 mars 2015 déterminant le régime et les indemnités des employés de l’Etat, ci-après « la loi du

25 mars 2015 concernant les employés de l’Etat », releva que le classement d’un employé de

l’Etat, titulaire d’un diplôme de « bachelor », dans le groupe d’indemnité A2 supposait

l’accomplissement par ce dernier d’une fonction correspondant, pour un fonctionnaire de l’Etat,

au même groupe de traitement A2, à savoir la tâche d’instituteur, seule fonction, dans le

sous-groupe de l’enseignement fondamental, correspondant au groupe de traitement A2,

conformément à l’article 13, paragraphe (2), point a), de la loi modifiée du 25 mars 2015 fixant le

régime des traitements et les conditions et modalités d’avancement des fonctionnaires de l’Etat,

ci-après « la loi du 25 mars 2015 concernant les fonctionnaires de l’Etat ». Le tribunal nota que

le classement dans le groupe d’indemnité A2 exigeait encore la détention d’un diplôme de

« bachelor » donnant spécifiquement accès à la fonction visée, respectivement au concours de

recrutement de cette dernière, ce qui supposait, pour la fonction d’instituteur, d’être,

conformément à l’article 6 de la loi modifiée du 6 février 2009 concernant le personnel de

l’enseignement fondamental, ci-après « la loi du 6 février 2009 » :

« (…) 1) le détenteur du bachelor professionnel en sciences de l’éducation délivré par

l’Université du Luxembourg,

2) le détenteur d’un diplôme étranger d’études supérieures préparant à la profession

d’instituteur, conforme aux dispositions des directives CE relatives à la reconnaissance des

qualifications professionnelles,

3) le détenteur d’un diplôme étranger d’études supérieures préparant à la profession

d’instituteur, délivré par une institution située dans un pays qui n’est pas membre de l’Union

Européenne et reconnu par le ministre ayant l’enseignement supérieur dans ses attributions,

4) le détenteur d’un diplôme de bachelor en lien avec un des objectifs de l’enseignement

fondamental définis dans le chapitre 1er, section 3, articles 6 et 7, de la loi modifiée du 6 février

2009 portant organisation de l’enseignement fondamental ou de son équivalent qui a réussi « au

certificat de formation pédagogique visé à l’article 20bis. ».

Les premiers juges constatèrent ensuite que la tâche à exercer par Madame ..., dans le cadre de son

contrat d’employé de l’Etat du 12 septembre 2017, correspondait à celle d’un instituteur au sens

de l’article 13, paragraphe (2), point a), de la loi du 25 mars 2015 concernant les fonctionnaires de

l’Etat, mais que celle-ci ne pouvait pas se prévaloir de l’article 44 de la loi du 25 mars 2015

concernant les employés de l’Etat, dans la mesure où il n’était pas allégué ni a fortiori établi que

le diplôme de « bachelor » en pédagogie religieuse détenu par Madame ... correspondait à un des

diplômes visés par l’article 6, précité, paragraphes (1) à (3), de la loi du 6 février 2009 donnant

accès à la profession d’instituteur.

Même à supposer que ledit diplôme puisse être qualifié, au sens de l’article 6, paragraphe (4), de

la loi du 6 février 2009, de diplôme de « bachelor » en lien avec un des objectifs de l’enseignement

fondamental, tel que plus particulièrement l’apprentissage, pour les deuxième, troisième et

quatrième cycles de l’enseignement fondamental, de la vie en commun et les valeurs enseignées à

travers le cours « Vie et Société », au sens de l’article 7, 2e alinéa, point 6) de la loi modifiée du

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6 février 2009 portant organisation de l’enseignement fondamental, le tribunal releva qu’il ne

ressortait pas des éléments soumis à son appréciation que Madame ... remplissait la deuxième

condition cumulative de l’article 6, paragraphe 4), de la loi du 6 février 2009, à savoir la détention

du certificat de formation pédagogique visé à l’article 20bis de ladite loi.

Le tribunal retint en outre que la demanderesse ne pouvait pas non plus invoquer les dispositions

transitoires des articles 56 et 58 de la loi du 25 mars 2015 concernant les employés de l’Etat, visant

des catégories d’employés dont elle ne faisait pas partie au moment de l’entrée en vigueur de cette

loi pour avoir été engagée, à cette date, par un contrat de louage de service signé avec l’archevêché

le 19 août 2008 et régi par la loi modifiée du 24 mai 1989 sur le contrat de travail, ci-après « la loi

du 24 mai 1989 », et par la loi modifiée du 10 juillet 1998 portant approbation de la Convention

du 31 octobre 1997 entre le Gouvernement, d'une part, et l'Archevêché, d'autre part, concernant

l'organisation de l'enseignement religieux dans l'enseignement primaire, ci-après « la loi du

10 juillet 1998 ».

Concernant la violation alléguée par l’article 24, paragraphe (1), de la loi du 2 août 2017 portant

organisation de la reprise des enseignants de religion et des chargés de cours de religion, ci-après

« la loi du 2 août 2017 », du principe d’égalité de traitement consacré par l’article 10bis de la

Constitution, par comparaison de la situation du groupe composé de chargés de cours détenteurs

d'un diplôme de « bachelor » et classés au grade E2 par rapport à celle du groupe composé de

chargés de cours détenteurs d'un diplôme de « bachelor » et classés au grade E3, et la suggestion

y rattachée de poser une question préjudicielle à la Cour Constitutionnelle, le tribunal releva que

la situation de Madame ... s’inscrivait dans le cadre particulier de la reprise par l’Etat de son emploi

auprès de l’archevêché en tant que chargé de cours de la réserve de suppléants de l’enseignement

fondamental, visée par l’article 4 de la loi du 2 août 2017 et par l’article 16, point 3.d), de la loi du

6 février 2009, emploi ne nécessitant, en termes de titres de formation, que la détention d’un

diplôme luxembourgeois de fin d’études secondaires ou secondaires techniques, voire d’un

diplôme étranger reconnu équivalent. Il nota encore qu’il ressortait expressément de l’article 23

de la loi du 6 février 2009, que les membres de la réserve de suppléants, titulaires d’un des

diplômes susmentionnés et engagés sous le statut de l’employé de l’Etat, étaient classés au grade

E2 et que la situation de la demanderesse ne concernait donc pas la situation d’un instituteur de

l’enseignement fondamental, telle que visée par les articles 4 et suivants de la loi du 6 février 2009,

respectivement 44, paragraphe (2), de la loi du 25 mars 2015 concernant les employés de l’Etat,

pour lequel la détention d’un diplôme de « bachelor » professionnel en sciences de l’éducation

délivré par l’Université du Luxembourg, respectivement d’un diplôme d’études supérieures

étranger préparant à la profession d’instituteur reconnu équivalent, voire d’un diplôme de

« bachelor » en lien avec un des objectifs de l’enseignement fondamental définis aux articles 6 et

7 de la loi modifiée du 6 février 2009 ensemble avec le certificat de formation pédagogique visé à

l’article 20bis de la même loi, était une des condition d’admission. Tout en relevant encore qu’il

n’était pas affirmé, ni a fortiori établi que le diplôme de « bachelor » en pédagogie religieuse

constituerait, voire devrait être reconnu comme équivalent à l’un des diplômes susmentionnés, le

tribunal retint que les situations critiquées par la demanderesse, à savoir le classement

« d’enseignants » titulaires de diplômes de « bachelor » dans deux grades différents, n’étaient pas

comparables pour s’agir d’emplois requérant un niveau différent de titres de formation.

Le tribunal rejeta partant le moyen invoqué par Madame ... comme étant manifestement infondé.

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Finalement, en relation avec l’argumentation de la demanderesse selon laquelle la décision

ministérielle du 25 octobre 2017 constituerait une mesure discriminatoire indirecte fondée sur le

sexe, dans la mesure où l’application de la loi du 25 mars 2015 concernant les employés de l’Etat,

laquelle ne fait en elle-même pas de distinction entre le sexe féminin et masculin, à l’égard des

enseignants de religion viserait quasi-exclusivement des femmes, le tribunal constata que cet

argumentaire était basé sur la prémisse que les enseignants de religion seraient très majoritairement

des femmes, affirmation non corroborée par un quelconque élément objectif probant soumis à son

analyse, et retint que Madame ... ne pouvait dès lors se prévaloir des dispositions de l’article L.244-

3 du Code du travail visant la charge de la preuve en relation avec une discrimination fondée sur

le sexe, étant donné qu’elle restait en défaut d’établir des faits faisant présumer l’existence de

pareille discrimination directe ou indirecte.

Partant, au vu du constat, d’une part, que la demanderesse n’affirmait pas, ni a fortiori n’établissait,

que les dispositions de la loi du 2 août 2017, ainsi que celles de la loi du 25 mars 2015 concernant

les employés de l’Etat prévoiraient, en elles-mêmes, un traitement discriminatoire fondé sur le

sexe, lesdites dispositions s’appliquant au contraire indistinctement aux hommes et aux femmes,

et, d’autre part, qu’elle restait en défaut d’établir, à travers l’application par le ministre des

dispositions légales susmentionnées, l’existence d’un traitement discriminatoire fondé sur le sexe,

le tribunal rejeta le moyen afférent de Madame ... pour ne pas être fondé, tout en jugeant qu’il n’y

avait pas lieu de poser à la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) la question préjudicielle

suggérée par la demanderesse pour être dépourvue de pertinence.

Par requête d’appel déposée au greffe de la Cour administrative le 29 novembre 2019, Madame ...

a régulièrement relevé appel du jugement du 22 octobre 2019.

A l’appui de son appel, elle expose en premier lieu que les premiers juges auraient fait une lecture

erronée de l’article 44 de la loi du 25 mars 2015 concernant les employés de l’Etat, étant donné

que la disposition en cause, qui serait claire et sans équivoque, se limiterait à exiger à titre de

qualification la détention d’un diplôme de « bachelor » et non pas la détention d’un diplôme de

« bachelor donnant spécifiquement accès à la fonction visée », à savoir un « bachelor

professionnel en sciences de l’éducation ». D’après Madame ..., il ressortirait de la loi du 6 février

2009 que les anciens enseignants et les chargés de cours de religion auraient toujours été compris

dans le personnel intervenant au niveau des écoles fondamentales et que ce ne serait pas la fonction

qui déterminerait le groupe d’indemnité mais uniquement le diplôme. En effet, si le législateur

avait voulu que le sous-groupe de l’enseignement soit réservé aux détenteurs d’un diplôme de

« bachelor » exerçant une fonction correspondant, pour un fonctionnaire d’Etat, au groupe de

traitement A2, il l’aurait nécessairement précisé, ce qu’il n’a pas fait.

En ordre subsidiaire, elle soutient qu’il se dégagerait du dossier que les études supérieures par elles

accomplies correspondraient au minimum à un « bachelor en sciences de l’éducation », de sorte

que son recours serait fondé.

L’appelante expose ensuite que l’article 25 de la loi du 2 août 2017 et l’exposé des motifs du projet

de loi y relatif ne fixeraient qu’un seuil minimum de qualification et omettraient de prendre en

considération la situation des enseignants de religion, titulaires d’un diplôme de « bachelor » qui

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seraient à classer au grade E3. Ainsi, les enseignants de religion et chargés de cours de la réserve

de suppléants dans l’enseignement fondamental qui, sous condition qu’ils soient au moins

détenteurs d’un diplôme de fin d’études secondaires, seraient à classer au grade E2 et, en revanche,

ceux qui sont détenteurs d’un diplôme supérieur au diplôme de fins d’études secondaires se

retrouveraient également classés au même grade, de sorte que la loi omettrait d’honorer les

enseignants détenteurs d’un diplôme supérieur.

Dans ce contexte, elle renvoie au projet de loi n° 7182 portant modification de la loi modifiée du

16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l’Etat, devenu la loi du 9 mai 2018 et

modifiant le libellé de l’article 44 de la loi du 25 mars 2015 concernant les fonctionnaires de l’Etat

dans ce sens que pour être classé à un emploi d'un des sous-groupes visés au paragraphe 1er dudit

article 44, l'employé devrait soit être titulaire d'un grade ou d’un diplôme délivré par un

établissement d'enseignement supérieur reconnu par l'Etat du siège de l'établissement et

sanctionnant l'accomplissement avec succès d'un « bachelor » ou de son équivalent, soit remplir

les conditions d'admission aux concours de recrutement pour une fonction du groupe de traitement

correspondant du régime de traitement des fonctionnaires de l'Etat ou pour l'admission au stage de

cette fonction.

Elle critique encore les premiers juges pour avoir retenu qu’elle n’aurait pas fait partie des

catégories d’employés pouvant invoquer, au moment de l’entrée en vigueur de la loi du 25 mars

2015 concernant les fonctionnaires de l’Etat, les articles 56 et 58 de ladite loi au motif qu’elle fut

engagée, à cette date, par un contrat de louage de service signé avec l’archevêché le 19 août 2008

et régi par la loi du 24 mai 1989 et par la loi du 10 juillet 1998. L’appelante signale dans ce contexte

qu’une affaire serait actuellement pendante devant le tribunal administratif pouvant aboutir à la

requalification des contrats de droit privé signés avec l’archevêché en contrats d’employés de

l’Etat, insistant dans ce contexte sur le fait que les anciens enseignants de religion sous contrat

avec l’archevêché avant leur reprise par l’Etat étaient rémunérés par le ministère de la Fonction

publique et de la Réforme administrative et cotisaient à la Caisse de maladie des fonctionnaires et

employés publics.

Le délégué du gouvernement, de son côté, soutient que la volonté du législateur, en apportant à

travers la loi du 9 mai 2018 une modification à l’article 44, paragraphe (2), de la loi du 25 mars

2015 concernant les fonctionnaires de l’Etat, aurait été d’assurer l’harmonisation du niveau de

rémunération de base des carrières des employés de l’Etat à condition d’études égales,

harmonisation qui n’irait cependant nullement de pair avec une harmonisation des diplômes

afférents à chaque groupe et l’accès au sous-groupe de l’enseignement resterait soumis à certaines

conditions concernant la nature des études, telles que prévues à l’article 6 de la loi du 6 février

2009. Ainsi, si un diplôme était une condition sine qua non afin d’être classé dans une certaine

catégorie d’indemnité ou de traitement, il n’en resterait pas moins qu’être titulaire d’un certain

diplôme ne donnerait pas accès à n’importe quelle fonction auprès de l’Etat, même à l’intérieur du

groupe de traitement dans lequel ce diplôme est à classifier. En effet, il n’existerait que deux sortes

de diplôme de fin d’études secondaires – classique et général -, alors que concernant les diplômes

de « bachelor », il y en aurait autant que de « gouttes dans la mer », ce qui ferait que les deux

groupes de traitement ne seraient pas comparables.

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Le représentant étatique conteste encore qu’il se dégagerait des pièces soumises par l’appelante

que celle-ci serait en possession d’un diplôme équivalent à un « bachelor » en sciences de

l’éducation. Or, même si tel était le cas, il conviendrait de noter que l’on se trouve dans le cadre

d’une offre de reprise pour tous les enseignants et chargés de cours de religion dans le contexte de

la convention du 26 janvier 2015 et non pas dans le contexte d’un engagement nouveau en tant

qu’employé de l’Etat, reprise qui s’est effectuée pour l’appelante en conformité avec les

dispositions de la loi du 2 août 2017, dont notamment ses articles 24 et 25, au vu de son diplôme

de fin d’études secondaires, tout en rappelant que celle-ci bénéficiait auprès de l’archevêché d’un

contrat de travail de droit privé non comparable à la situation d’une personne directement engagée

auprès de l’Etat.

La Cour relève de prime abord que Madame ... a été engagée en qualité d’employé de l’Etat,

suivant contrat de travail du 12 septembre 2017, pour une durée indéterminée en tant que chargée

de cours de la réserve de suppléants de l’enseignement fondamental et, au regard de son

classement, en conformité avec les dispositions de la loi du 25 mars 2015 concernant les employés

de l’Etat, de l’article 23 de la loi du 6 février 2009 et de l’article 24 de la loi du 2 août 2017,

engagement qui fut précédé par la signature de la convention du 26 janvier 2015.

Ainsi, l’article 23 de la loi du 6 février 2009 énonce que « les membres de la réserve engagés sous

le statut de l’employé de l’Etat sont classés au grade E2, tel que déterminé [par la loi du 22 juin

1963], à condition d’être détenteurs d’un diplôme luxembourgeois de fin d’études secondaires ou

d’un diplôme luxembourgeois de fin d’études secondaires techniques ou d’un diplôme reconnu

équivalent par le ministre ».

De même, d’après l’article 24, paragraphe (1), de la loi du 2 août 2017 « l’agent repris dans la

réserve de suppléants prévue à la section 2 du chapitre 2 est classé au grade E2 de la carrière du

chargé de cours de la réserve de suppléants dans l’enseignement fondamental conformément aux

dispositions [de la loi du 15 mars 2015 concernant les employés de l’Etat] ».

Il s’ensuit que c’est a priori à bon droit que la partie étatique argumente que l’engagement de

l’appelante s’est fait en conformité des dispositions légales applicables, Madame ... ayant accepté,

d’après les clauses de son contrat de travail, de faire partie de la réserve de suppléants de

l’enseignement fondamental.

Pour le surplus, la Cour tient à relever que le contrat de travail du 12 septembre 2017 définit en

son article 6, alinéa 1er, la description de la tâche de Madame ... de la manière suivante :

« La tâche, ainsi que son contenu, sont fixés conformément aux dispositions de l’article 15

de la loi modifiée du 6 février 2009 concernant le personnel de l’enseignement fondamental, de

l’article 15 de la loi du 2 août 2017 portant organisation de la reprise des enseignants de religion

et des chargés de cours de religion et du règlement grand-ducal du 23 mars 2009 fixant le détail

de la tâche des chargés de cours, membres de la réserve de suppléants de l’enseignement

fondamental ».

Sur ce point, il convient de préciser que l’article 15 de la loi du 6 février 2009 énonce notamment

que « les membres de la réserve de suppléants ont pour mission d’assurer les remplacements en

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cas d’absence temporaire d’un instituteur ou d’occuper un poste d’instituteur resté vacant, le cas

échéant », partant une tâche d’instituteur au sens de l’article 13, paragraphe (2), point a), de la loi

du 25 mars 2015 concernant les fonctionnaires de l’Etat.

Or, l’appelante critique plus particulièrement son classement au grade E2 en soutenant qu’en

raison de son diplôme de « bachelor en pédagogie religieuse », obtenu le 23 septembre 2013, elle

serait en droit de se voir classer dans le groupe de traitement A2, respectivement au grade E3,

invoquant dans ce contexte l’article 44 de la loi du 25 mars 2015 concernant les employés de l’Etat,

disposition qui se limiterait à exiger à titre de qualification la détention d’un diplôme de

« bachelor », sans autre précision, et non pas la détention d’un diplôme de « bachelor donnant

spécifiquement accès à la fonction visée », en l’occurence un « bachelor professionnel en sciences

de l’éducation ».

Ledit article 44, dans sa version applicable au litige, suite à l’entrée en vigueur de la loi du 9 mai

2018 portant notamment modification de la loi du 25 mars 2015 concernant les employés de l’Etat,

est de la teneur suivante :

« (1) La catégorie d’indemnité A, groupe d’indemnité A2, comprend les quatre

sous-groupes suivants :

a) un sous-groupe administratif ;

b) un sous-groupe scientifique et technique ;

c) un sous-groupe éducatif et psycho-social ;

d) un sous-groupe de l’enseignement.

(2) Pour être classé à un emploi d’un des sous-groupes visés au paragraphe 1er, l’employé doit

soit être titulaire d’un grade ou diplôme délivré par un établissement d’enseignement supérieur

reconnu par l’Etat du siège de l’établissement et sanctionnant l’accomplissement avec succès d’un

bachelor ou de son équivalent, soit remplir les conditions d’admission aux concours de

recrutement pour une fonction du groupe de traitement correspondant du régime de traitement

des fonctionnaires de l’État ou pour l’admission au stage de cette fonction. Pour ces sous-groupes,

le niveau général comprend les grades 10, 11 et 12, et les avancements aux grades 11 et 12 se font

après respectivement 4 et 7 années de grade depuis le début de carrière. Le niveau supérieur

comprend le grade 13, et l’avancement à ce grade intervient, sous réserve que toutes les conditions

prévues par la loi soient remplies, après 20 années de grade depuis le début de carrière. Cet

avancement est en outre lié à la condition d’avoir accompli au moins trente journées de formation

continue attestées par des certificats de perfectionnement établis soit par l’Institut national

d’administration publique pour les employés d’un des sous-groupes visés aux points a), b) ou c),

soit par l’Institut de formation de l’éducation nationale pour les employés du sous-groupe de

l’enseignement, ou d’avoir suivi une autre formation reconnue équivalente ou d’en avoir été

dispensé pour des raisons dûment motivées par le ministre compétent ».

Même si le paragraphe (2) de l’article 44 de la loi du 25 mars 2015 concernant les employés de

l’Etat, n’emploie que le terme générique de « bachelor ou de son équivalent », sans autre précision,

la Cour partage toutefois la conclusion des premiers juges consistant à retenir que le classement

d’un employé de l’Etat, titulaire d’un diplôme de « bachelor » dans le groupe d’indemnité A2

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exige, d’une part, l’accomplissement par ce dernier d’une fonction correspondant, pour un

fonctionnaire de l’Etat, au même groupe de traitement A2, à savoir, pour le sous-groupe de

l’enseignement fondamental précisément la tâche de l’instituteur, seule fonction qui correspond

au groupe de traitement A2, conformément à l’article 13, paragraphe (2), point a) de la loi du 25

mars 2015 concernant les fonctionnaires de l’Etat, et, d’autre part, la détention d’un diplôme de

« bachelor » donnant spécifiquement accès à la fonction visée, respectivement au concours de

recrutement de cette dernière, ce qui suppose, pour la fonction d’instituteur, d’être détenteur d’un

des diplômes visés par l’article 6 précité de la loi du 6 février 2009.

Or, s’il est bien exact que Madame ..., d’après son contrat de travail signé le 12 septembre 2017

avec le ministre, fait partie de la réserve de suppléants de l’enseignement fondamental et est

appelée à exercer à ce titre une tâche d’instituteur, force est cependant de constater que celle-ci ne

peut pas se prévaloir d’un des diplômes énumérés à l’article 6 de la loi du 6 février 2009 pour

n’être détenteur ni du diplôme de « bachelor professionnel en sciences de l’éducation » délivré

par l’Université du Luxembourg, ni d’un diplôme étranger d’études supérieures préparant à la

profession d’instituteur, conforme aux dispositions des directives CE relatives à la reconnaissance

des qualifications professionnelles, ni d’un diplôme étranger d’études supérieures préparant à la

profession d’instituteur, délivré par une institution située dans un pays qui n’est pas membre de

l’Union Européenne et reconnu par le ministre ayant l’enseignement supérieur dans ses

attributions, ni d’un diplôme de « bachelor » en lien avec un des objectifs de l’enseignement

fondamental définis aux articles 6 et 7 de la loi modifiée du 6 février 2009 portant organisation de

l’enseignement fondamental ou de son équivalent qui a réussi « au certificat de formation

pédagogique visé à l’article 20bis » de la loi du 6 février 2009.

En effet, le diplôme de « bachelor en pédagogie religieuse » du 23 septembre 2013 lui décerné

par l’Institut de pédagogie religieuse au Luxembourg, actuellement invoqué par Madame ..., ne

tombe pas dans l’une des catégories de diplôme énumérées limitativement à l’article 6 de la loi du

6 février 2009, diplômes qui consacrent tous respectivement des études ou des formations

préparant spécifiquement à la profession d’instituteur.

De même, les diplômes invoqués à titre subsidiaire par Madame ..., à savoir, en premier lieu, le

diplôme allemand « Zeugnis der allgemeinen Hochschulreife » lui délivré le 24 mai 1977, reconnu

équivalent au diplôme de fin d’études secondaires luxembourgeois suivant arrêté ministériel du 4

décembre 2007, en deuxième lieu, le diplôme allemand « Zeugnis über die Erste Staatsprüfung für

das Lehramt an Realschulen und Gesamtschulen » lui délivré le 26 novembre 2004, inscrit suivant

arrêté ministériel du 24 octobre 2007 au registre des diplômes tel que prévu à l’article 1er de la loi

modifiée du 17 juin 1963 ayant pour objet de protéger les titres d’enseignement supérieur, et, en

troisième lieu, le diplôme lui délivré le 13 juillet 2015 par l’Institut national des langues lui

certifiant des compétences de communication en langue luxembourgeoise de niveau B2, ne

sauraient être considérés, même vus ensemble, comme équivalent à un « bachelor » en sciences

de l’éducation, l’appelante restant par ailleurs en défaut d’exposer la moindre argumentation à la

base de son affirmation tendant à se voir reconnaître cette équivalence.

Dans ce contexte, c’est encore à tort que l’appelante argumente que les anciens enseignants de

religion et chargés de cours de la réserve de suppléants dans l’enseignement fondamental et

détenteurs d’un diplôme supérieur au diplôme de fins d’études secondaires ne seraient pas

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« honorés » par rapport à ceux qui seraient uniquement détenteurs d’un diplôme de fin d’études

secondaires, également classés au grade E2, étant donné que ces deux catégories de chargés de

cours, tous concernés par la convention du 26 janvier 2015, ne sont précisément pas détenteurs

d’un « bachelor professionnel en sciences de l’éducation » ou d’une formation considérée comme

équivalente par la loi du 6 février 2009.

Finalement, c’est à bon droit que la partie étatique relève que le contrat de travail signé le

12 septembre 2017 par l’appelante avec le ministre fait suite à une offre de reprise pour tous les

enseignants et chargés de cours de religion visés par la convention du 26 janvier 2015 et ne

concerne pas un engagement nouveau en qualité d’employé de l’Etat, offre de reprise présentant

un certain nombre respectivement de faveurs et d’avantages, tels que la garantie de la rémunération

et de la carrière actuelle, des perspectives professionnelles grâce aux procédures de validation des

acquis de l’expérience et un offre de formation continue, ainsi que l’obtention « automatique »

d’un emploi dans le domaine de l’éducation nationale, et ceci sans avoir besoin de postuler pour

un poste vacant d’employé de l’Etat dans la carrière de l’enseignement.

Il s’ensuit que l’argumentation de l’appelante reprochant aux premiers juges une lecture erronée

des dispositions inscrites à l’article 44 de la loi du 25 mars 2015 concernant les employés de l’Etat,

et exigeant pour un classement au grade E3 la détention d’un diplôme spécialisé de « bachelor

professionnel en sciences de l’éducation » au lieu d’un simple diplôme de « bachelor »,

respectivement que les diplômes par elle produits seraient l’équivalent d’un diplôme de

« bachelor en sciences de l’éducation », est à abjuger pour manquer de fondement.

Madame ... estime en deuxième lieu que le tribunal aurait rejeté à tort son moyen tiré d’une

violation du principe d’égalité de traitement consacré par l’article 10bis de la Constitution. Elle

argumente dans ce contexte, quant à la comparabilité des situations en cause, qu’il conviendrait de

l’établir in concreto selon l'objet à comparer, à savoir, d’une part, la situation du groupe composé

de chargés de cours détenteurs d'un diplôme de « bachelor » classés au grade E2 et, d’autre part,

celle du groupe composé de chargés de cours détenteurs d'un diplôme de « bachelor » classés au

grade E3. Elle soutient qu’il existerait sans équivoque une différence de traitement entre ces deux

groupes en sa défaveur, étant donné qu’elle ne bénéficierait pas d'un classement dans la catégorie

d'indemnité du grade E3 et ce contrairement aux autres détenteurs d'un diplôme de « bachelor »,

différence de traitement dont la preuve de la cause objective, rationnelle et proportionnée serait à

charge de la partie gouvernementale. Dans ce contexte, elle invoque le libellé de l'article 23 de la

loi modifiée du 22 juin 1963 fixant le régime de traitement des fonctionnaires de l’Etat, ci-après

« la loi du 22 juin 1963 », qui prévoirait de jure une égalité de traitement, avec effet rétroactif,

entre les agents au service de l'Etat et les fonctionnaires en matière d'indemnité et de traitement.

Elle en conclut qu’il y aurait lieu de lui appliquer, avec effet au 1er octobre 2015, les dispositions

de l'article 44, paragraphe (2), de la loi du 25 mars 2015 concernant les employés de l’Etat, de

sorte à lui accorder le traitement correspondant aux employés détenteurs du diplôme de

« bachelor » et classés à un emploi du sous-groupe de l'enseignement catégorie d'indemnité A,

groupe d'indemnité A2, tout en suggérant qu’une question préjudicielle soit posée à la Cour

Constitutionnelle libellée dans les termes suivants :

« L’article 24 de la loi du 2 août 2017 portant organisation de la reprise des enseignants

de religion et des chargés de cours de religion qui prévoit notamment que « L’agent repris dans

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la réserve de suppléants prévue à la section 2 du chapitre 2 est classé au grade E2 » contrairement

à tous les autres détenteurs d’un Bachelor qui bénéficient de jure du grade E3 (catégorie

d’indemnité A, groupe d’indemnité A2) est-il conforme à l’article 10bis de la Constitution ? ».

Le délégué du gouvernement, concernant ce moyen, rappelle que les employés de l’Etat sont liés

à l’Etat par un contrat de travail et relèvent du statut public légal des employés de l’Etat, tandis

que Madame ... était engagée sous le régime d’un contrat de travail relevant du droit privé, à savoir

le Code du travail ainsi que les dispositions du règlement grand-ducal du 7 août 1998. Pour le

surplus, et contrairement aux développements de l’appelante, seuls les instituteurs nommés

seraient classés dans le grade E3, respectivement dans le groupe de traitement A2 et non pas

l’ensemble des personnes titulaires d’un diplôme d’enseignement supérieur de « bachelor » et

intervenant au niveau de l’enseignement fondamental. Dans ce contexte, le délégué du

gouvernement précise encore que tous les membres de la réserve nationale de suppléants sont

classés au grade E2, respectivement dans le groupe de traitement B1, conformément à l’article 23

de la loi du 6 février 2009, peu importe qu’ils soient détenteurs d’un diplôme universitaire ou non.

Or, dans la mesure où la loi du 2 août 2017 prévoit que les chargés de cours de religion sont repris

dans la réserve nationale de suppléants de l’enseignement fondamental, les dispositions de l’article

23 de la loi du 6 février 2009 leur seraient également applicables, l’article 24, paragraphe (1), de

la loi du 2 août 2017 énonçant encore expressément que « l’agent repris dans la réserve de

suppléants (…) est classé au grade E2 de la carrière du chargé de cours de la réserve de

suppléants dans l’enseignement fondamental conformément aux dispositions de la loi modifiée du

25 mars 2015 déterminant le régime et les indemnités des employés de l’Etat ». Partant, il serait

faux de prétendre que les chargés de cours de religion, titulaires d’un « bachelor », seraient les

seuls à ne pas bénéficier d’un classement au grade A2/E3, de sorte que la question préjudicielle

suggérée à l’adresse de la Cour Constitutionnelle serait dénuée de tout fondement.

La Cour tient à rappeler que la mise en œuvre de la règle constitutionnelle d’égalité suppose que

les catégories de personnes entre lesquelles une discrimination est alléguée se trouvent au départ

dans une situation comparable au regard de la mesure critiquée.

Madame ... critique plus précisément qu’il existerait au sein du groupe des chargés de cours de la

réserve de suppléants de l’enseignement fondamental, d’une part, un groupe composé de chargés

de cours détenteurs d'un diplôme de « bachelor » classés au grade E2, dont les anciens enseignants

de religion, et, d’autre part, un groupe composé de chargés de cours détenteurs d'un diplôme de

« bachelor » et classés au grade E3.

S’il est certes exact que les anciens enseignants de religion ont depuis l’entrée en vigueur de la loi

du 2 août 2017 et leur engagement subséquent en tant que chargés de cours de la réserve de

suppléants de l’enseignement fondamental, le statut d’employé de l’Etat et que la comparabilité

de leur situation ne peut plus être effectuée par rapport à leur situation historique antérieure à la

reprise, la Cour considère cependant que Madame ... et les chargés de cours de la réserve de

suppléants de l’enseignement fondamental classés au grade E3 ne se trouvent pas dans des

situations comparables au regard de l’article 10bis, paragraphe 1er, de la Constitution. En effet, tel

que relevé à bon escient par les premiers juges, l’engagement de l’appelante s’est fait en conformité

avec l’article 23 de la loi du 6 février 2009, emploi ne nécessitant que la détention d’un diplôme

de fins d’études secondaires ou d’un diplôme étranger reconnu comme équivalent. Elle n’est dès

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lors pas placée, tout comme tous les autres chargés de cours de la réserve de suppléants classés au

grade E2, dans la même situation juridique que les chargés de cours classés au grade E3 et qui

constituent, tel que précisé par la partie étatique dans sa duplique, le groupe spécifique des

« Quereinsteiger » existant depuis l’année scolaire 2018/2019. Or, les personnes faisant partie de

ce groupe spécifique sont précisément détenteurs d’un « bachelor » en relation avec un des

objectifs de l’enseignement fondamental et elles participent à une formation spécifique leur

permettant de se présenter au concours réglant l’admission au stage préparant à la fonction

d’instituteur à enseigner aux cycles 2 – 4 et d’accéder à la fonction d’instituteur sous les mêmes

conditions que le candidat détenteur d’un « bachelor en sciences de l’éducation », contrairement

au cas de l’appelante qui ne peut pas se prévaloir, tel que retenu ci-avant, d’un des diplômes ou

formations énumérés limitativement à l’article 6 de la loi du 6 février 2009.

Partant, la question relative à une prétendue rupture de l’égalité devant la loi est manifestement

dénuée de fondement, en ce qu’elle table sur la prémisse erronée que les deux situations seraient

comparables, ce qui n’est pas le cas.

En application de l’article 6, point b), de la loi du 27 juillet 1997 portant organisation de la Cour

Constitutionnelle, la Cour n’est dès lors pas amenée à soumettre la question suggérée par

l’appelante à la Cour Constitutionnelle.

Madame ... réitère ensuite son moyen de première instance tiré d’une prétendue discrimination

indirecte fondée sur le sexe, soutenant à cet égard que la décision ministérielle déférée du 25

octobre 2017 lui refusant la reconnaissance de son diplôme de « bachelor » en pédagogie

religieuse, ainsi que le classement dans la catégorie de traitement A2, constituerait une mesure

discriminatoire indirecte fondée sur le sexe, dans la mesure où l’application par l’Etat de la loi du

25 mars 2015 concernant les employés de l’Etat, laquelle ne fait en elle-même pas de distinction

entre le sexe féminin et masculin, à l’égard des enseignants de religion viserait

quasi-exclusivement des femmes. Elle sollicite encore, dans ce cadre, qu’une question

préjudicielle soit posée à la CJUE formulée dans les termes suivants :

« Le droit de l’Union en matière de non-discrimination, et plus particulièrement la

directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 portant création d’un cadre général en

faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail s’oppose-t-il à une disposition

nationale, telle que celle en cause au principal, qui prévoit que les enseignants de religion,

essentiellement sinon exclusivement des femmes, détenteurs d’un Bachelor sont moins bien classés

que tous les autres enseignants détenteurs d’un Bachelor ? ».

Finalement, Madame ... soutient que la décision ministérielle du 25 octobre 2017 constituerait une

discrimination par rapport à la religion et serait contraire à des normes nationales, internationales

et au droit de l’Union. Elle estime que ladite décision mettrait en exergue une réforme idéologique,

à savoir celle de la séparation de l’Eglise et de l’Etat, dont les enseignants de religion seraient les

victimes collatérales en faisant dorénavant partie d’une « sous-catégorie d’enseignants » auxquels

on refuserait de reconnaître leur ancienneté et en les classant à un grade inférieur aux autres

enseignants malgré la détention d’un diplôme de « bachelor ».

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La partie étatique conteste encore toute prétendue discrimination indirecte fondée sur le sexe,

même si la proportion de femmes engagées dans le cadre de l’enseignement fondamental est

significativement plus élevée que celle des hommes, respectivement toute prétendue

discrimination indirecte sur base de la religion.

Concernant en premier lieu la prétendue discrimination indirecte fondée sur le sexe, il convient de

retenir, tel que relevé à bon droit par les premiers juges, que les textes légaux applicables à la base

du classement de l’appelante au grade E2 s’appliquent indistinctement aux hommes et aux femmes

et visent dès lors tous les chargés de cours de la réserve de suppléants de l’enseignement

fondamental, de sexe masculin ou féminin. Partant, l’appelante reste en défaut d’établir qu’une

disposition nationale applicable au présent litige est susceptible d’être à la base d’une

discrimination directe ou indirecte, de sorte que son moyen afférent est à rejeter, ensemble avec la

demande à voir poser la question préjudicielle suggérée à l’adresse de la CJUE.

Finalement, sur base du même raisonnement, le moyen de l’appelante soutenant que la décision

ministérielle du 25 octobre 2017 consacrerait une discrimination par rapport à la religion est

également à abjuger. En effet, mis à part le constat que l’argumentation de Madame ... à la base de

ce moyen est très succincte en ce qu’elle se limite à une pétition de principe consistant à soutenir

que les anciens enseignants de religion constitueraient à l’heure actuelle une « sous-catégorie »

d’enseignants, il convient de nouveau de relever que le classement de l’appelante au grade E2

s’applique également à tous les autres chargés de cours de la réserve de suppléants de

l’enseignement fondamental ne pouvant pas se prévaloir d’un des diplômes ou formations requis

pour accéder au groupe de traitement A2, peu importe leur ancienne fonction ou leur appartenance

à un culte ou non.

Il se dégage dès lors de l’ensemble des éléments qui précèdent que l’appel laisse d’être fondé sous

tous ses aspects et que le jugement dont appel est à confirmer.

En instance d’appel, l’appelante sollicite l’allocation d’une indemnité de procédure de ... euros

pour la première instance et de ... euros pour l’instance d’appel.

Eu égard à l’issue du litige, il y a lieu de débouter Madame ... de ses demandes en allocation d’une

indemnité de procédure pour les deux instances.

Par ces motifs,

la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties en cause ;

reçoit l’appel du 29 novembre 2019 en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute l’appelante ;

partant, confirme le jugement entrepris du 22 octobre 2019 ;

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rejette les demandes en allocation d’une indemnité de procédure de l’appelante pour la

première instance et l’instance d’appel ;

condamne l’appelante aux dépens de l’instance d’appel.

Ainsi délibéré et jugé par :

Serge SCHROEDER, premier conseiller,

Lynn SPIELMANN, conseiller,

Martine GILLARDIN, conseiller,

et lu par le premier conseiller en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des

audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier de la Cour Jean-Nicolas

SCHINTGEN.

s. SCHINTGEN s. SCHROEDER

Reproduction certifiée conforme à l’original

Luxembourg, le 21 avril 2020

Le greffier de la Cour administrative