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ARCHITECTURE 6 MÉLANGE DE VERRE, D’ACIER ET DE BOIS, LA NOUVELLE EXTENSION DE LA RÉSIDENCE WILLIAM LENNOX À OTTIGNIES EST IMPLANTÉE EN PLEINE FORÊT ET A ÉTÉ CONÇUE POUR PER- METTRE À DES PATIENTS ATTEINTS D’ÉPILEPSIE PROFONDE D’AIGUISER LEUR SENSIBILITÉ VISUELLE ET ACOUSTIQUE Construite en 1984, la résidence William Lennox à Ottignies accueille une trentaine de patients atteints d’épilepsie pro- fonde. Récemment, la fondation Arthur Legros, à l’origine du projet, désirait permettre l’organisation d’activités de stimulation acoustiques et visuelles, ce que l’exiguïté des lieux ne permettait malheureusement pas. C’est ainsi qu’il fut décidé, en 2004, de procéder à la construction d’un bâti- ment supplémentaire afin d’y accueillir une quinzaine de patients pour des activités de jour, telles que cuisine, télévi- sion, éducation musicale et travail sur le stress. Restait à trouver l’implantation idéale à proximité immé- diate de la résidence permanente. Problème : le bâtiment originel est implanté à la lisière de la forêt domaniale de Clerlande, une zone forestière protégée appartenant à l’UCL, laquelle ne libère ses réserves foncières que très par- cimonieusement. Par chance, l’Administration des domai- nes autorise toutefois la construction de bâtiments d’inté- rêt collectif à cet endroit (on dénombre déjà le Centre neu- Des vertus thérapeutiques de l’architecture

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MÉLANGE DE VERRE, D’ACIER ET DE BOIS, LA

NOUVELLE EXTENSION DE LA RÉSIDENCE

WILLIAM LENNOX À OTTIGNIES EST IMPLANTÉE

EN PLEINE FORÊT ET A ÉTÉ CONÇUE POUR PER-

METTRE À DES PATIENTS ATTEINTS D’ÉPILEPSIE

PROFONDE D’AIGUISER LEUR SENSIBILITÉ

VISUELLE ET ACOUSTIQUE

Construite en 1984, la résidence William Lennox à Ottigniesaccueille une trentaine de patients atteints d’épilepsie pro-fonde. Récemment, la fondation Arthur Legros, à l’originedu projet, désirait permettre l’organisation d’activités de

stimulation acoustiques et visuelles, ce que l’exiguïté deslieux ne permettait malheureusement pas. C’est ainsi qu’ilfut décidé, en 2004, de procéder à la construction d’un bâti-ment supplémentaire afin d’y accueillir une quinzaine depatients pour des activités de jour, telles que cuisine, télévi-sion, éducation musicale et travail sur le stress. Restait à trouver l’implantation idéale à proximité immé-diate de la résidence permanente. Problème : le bâtimentoriginel est implanté à la lisière de la forêt domaniale deClerlande, une zone forestière protégée appartenant àl’UCL, laquelle ne libère ses réserves foncières que très par-cimonieusement. Par chance, l’Administration des domai-nes autorise toutefois la construction de bâtiments d’inté-rêt collectif à cet endroit (on dénombre déjà le Centre neu-

Des vertus thérapeutiques de l’architecture

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rologique William Lennox et trois résidences pour person-nes handicapées) pour peu, bien sûr, qu’ils soient en phaseavec l’environnement. Encore fallait-il que le nouveau pro-jet satisfasse aux critères en vigueur. « Nous avons eu denombreuses discussions avec les autorités compétentespour déterminer la meilleure implantation et les moyens derespecter autant que faire ce peut la nature environnante.Un relevé précis a ainsi été effectué en collaboration avec legéomètre afin de marquer les arbres les plus anciens et évi-ter qu’ils ne soient détruits. Le propriétaire du terrain a éga-lement été sensible aux matériaux que nous avions prévud’utiliser : du bois, un isolant en cellulose de papier, del’acier et du verre (recyclables), le tout pour une construc-tion qui se distingue par sa légèreté et essaye de se faire laplus discrète possible », explique l’architecte FabienneCourtejoie du bureau ARTAU, conceptrice du projet. Le permis d’urbanisme a été délivré sans trop de problèmeet les propriétaires de la nouvelle résidence jouissent d’unbail emphytéotique.

Un bâtiment en immersion dans la natureLe projet se résume en un grand parallèlipipède sur pilotisde 250 mètres carrés, vitré sur tout le pourtour et ponctué

de deux terrasses à chaque extrémité. Les pilotis ne partici-pent pas seulement à l’esthétique de l’ouvrage, maisexprime le détachement de cette coque de verre par rap-port au sol sur laquelle elle est posée tout en autorisant lanature à reprendre ses droits sous le bâtiment. « La végéta-tion, en repoussant, pourra ainsi venir lécher le bâtiment etdes chevreuils se sont déjà servis de cet espace pour s’yabriter, à la grande joie du garde forestier », souligneFabienne Courtejoie.

Une passerelle en bois légèrement surélevée serpente àtravers bois depuis le plateau de liaison avec le bâtimentexistant jusqu’au nouveau bâtiment.La structure est un mixte bois/acier (le bois choisi est du pindu Nord traité contre les insectes). Au niveau des coques deplancher et de toiture, l’architecte a opté pour des poutrestransversales en Kerto. Il s’agit d’un placage d’épicéaobtenu par déroulage. Ces placages de 3 mm d’épaisseursont collés à chaud, sous haute pression avec une résinerésistante aux intempéries. Les fibres sont disposées dans lesens longitudinal. Ce matériau a l’avantage d’être disponi-ble en grandes dimensions (de 2,5 à 25 mètres). A perfor-mances équivalentes, le Kerto est plus léger que l'acier et lebéton ce qui s’inscrivait bien dans ce projet. Il présente éga-

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lement un excellent comportement au feu. « En outre, ceproduit offre de meilleures performances que le lamellé-collé horizontal pour les grandes portées, or il y a tout demême 8 m de portée au niveau de la toiture ». Les coquesde plancher et de toiture sont reliées par de longues etfines barres pleines en acier qui confèrent à l’ensemble uneimpression de grande légèreté.

Les parois extérieures sont entièrement constituées dedouble vitrage qui permettent d’atteindre un coefficientd’isolation appréciable de 1,1 W/m2.K ; le verre est légère-ment réfléchissant pour éviter les problèmes de surchauffe.Le choix de la transparence s’explique moins par des motifspurement architecturaux que thérapeutiques : « Lespatients qui se rendront dans cette résidence de jour souf-frent de handicaps lourds et, pour la plupart, se déplacenten chaise roulante. Il s’agissait dès lors de les projeter dansune nature à laquelle ils n’ont plus naturellement accès. Ilest prévu d’organiser dans cette partie de la résidence desactivités d’éveil destinées à aiguiser leur sensibilité visuelleou acoustique par le biais, notamment, d’activités d’obser-vation de la nature », précise l’architecte. Difficile, en effet,de choisir emplacement plus approprié. Ici, on est en pleineforêt. Et si, à ce jour, celle-ci est quelque peu clairsemée,

chantier oblige, d’ici quelques mois ou années, elle étrein-dra le bâtiment si étroitement qu’il en fera véritablementpartie. D’autant que les emplacements de parking qui joux-taient la forêt, en face de la résidence originelle, ont étésupprimés pour qu’on puisse reboiser. Ainsi, à terme, lenouveau bâtiment devrait être entièrement masqué par lesfrondaisons et quasiment invisible de la rue.

Des volumes intérieurs d’une rigoureuse simplicitéA l’intérieur, les concepteurs ont été à l’essentiel : le vasteparallélipipède est seulement ponctué de deux boîtesrecouvertes de linoléum rouge qui servent de bureaux à unpsychologue et à un éducateur, de sanitaires et de range-ments à partir desquels il est possible d’organiser des lieuxspécifiques pour travailler en sous-groupes. Entre ces deuxvolumes intérieurs, une cloison mobile permet ainsi de divi-ser l’espace en deux. Même principe au niveau du couloirlatéral, à l’arrière du bâtiment, où les portes des bureauxpeuvent venir fermer le passage et cloisonner l’espace.Dans le second bureau, un miroir légèrement réfléchissantpermet à l’éducateur de voir sans être vu. Les couloirs sontsuffisamment larges pour autoriser le passage en voitu-rette. A chaque extrémité, une terrasse en pin prolonge le

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contact avec la nature. Dans la mesure où les bruits exté-rieurs sont étouffés par la végétation, l’atmosphère, à cetendroit, est remarquablement apaisante et atteste duchoix judicieux de l’implantation. La réception provisoire a eu lieu en juin dernier. Le budgettotal de cette réalisation avoisine les 600.000 euros (mobi-lier, moyens audio-visuels et aménagement des abordscompris).

Architectes :Artau (resp.projet : F.Courtejoie)www.artau.beEtudes techniques :Ney & Partners SASituation :1340 OttigniesCarnet de route tome 8

Texte : A.WajnblumPhotos : ©J-L Deru /www.photo-daylight.com

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UNE HABITATION EN BOIS PEUT TRÈS BIEN

TROUVER SA PLACE AU MILIEU D’UN HABITAT

TRADITIONNEL EN MOELLON OU EN BRIQUE

MOYENNANT QUELQUES AMÉNAGEMENTS. LA

PREUVE PAR CETTE MAISON DE LA LORRAINE

BELGE OÙ LE MOELLON EST ROI.

Coincée entre les frontières française et luxembourgeoise,d’un côté, et les plateaux ardennais, de l’autre, à l’extrêmesud de la Wallonie, s'étend la Lorraine belge. A l’ouest decette région c’est la Gaume qui, du nord au sud, dévale enpentes pas si douces que ça vers le pays de Virton à traversla Semois et la forêt ardennaise. C’est dans le midi de la

Gaume, plus exactement à Saint Rémy, un village de l’entitéde Virton où la France est à portée de main, que ChristianAntzorn et sa compagne décident, en 2001, de se faireconstruire la maison de leurs rêves. Rien de grandiose, justeun nid d’amour pour deux personnes puisque les enfantssont partis. Les desideratas du maître d’ouvrage tiennenten peu de choses : une maison à ossature bois, « basseénergie », d’une architecture résolument contemporaine,très lumineuse et « où on a l’impression d’être toujours envacance », selon les termes de Christian Antzorn. Le toutpour un budget plafonné à € 200.000.

Quand le bois s’imposeMais à cette époque, l’essor de la construction bois n’en estqu’à ces prémisses, la région wallonne n’en a pas encore fait

Une fabuleuse capacitéd’intégration

© Bois & Habitat

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son credo ni les fonctionnaires en charge de l’urbanismereçu de formation spécifique. Il est donc rare qu’un projetarchitectural qui privilégie le bois se décline comme unlong fleuve tranquille… De fait, après une rapide visiteauprès des services de l’urbanisme de la commune, l’archi-tecte et son client sont déjà obligés de reconsidérer le pro-jet initial. C’est que Saint Rémy, à l’instar des entités voisi-nes, est une paisible localité rurale organisée sur le modèlede celles qui parsèment la Lorraine française. Ici, l’habitattypique c’est la « ferme-bloc » généralement construite enmoellons de calcaires gréseux jurassiques, une pierre jaune.C’est dire si une construction contemporaine en bois n’allaitpas sans poser de sérieux problèmes de cohérence archi-tecturale. L’architecte, en accord avec le maître d’ouvrage,propose alors un volume beaucoup plus classique à l’exté-rieur, la façade reprenant la typologie de la ferme lorrainetraditionnelle, ce qui a eu le don de ramener les responsa-bles locaux en charge de l’urbanisme à de meilleurs senti-ments. En revanche, le prescripteur a du se battre pied àpied pour imposer le bois apparent, arguant qu’il était logi-que d’habiller une structure végétale d’un revêtementvégétal, les deux éléments pouvant alors travailler harmo-nieusement de concert. Et si la commune a fini par accepterce n’est qu’à la seule condition que le bois soit non traité.

De fait, selon l'altitude, le climat et l'orientation des façades,la couleur du bois, dès lors qu’il n’est pas traité, peut varierdu noir au gris argenté en passant par le brun. Cette déco-loration résulte d’une mince couche de patine qui recouvreet protége un bois parfaitement sain. L'aspect d'une façadenon traitée se stabilise toutefois après quelques années.Dans ce cas, il était attendu que le bardage en teck grisepetit à petit jusqu’à épouser les couleurs éteintes du bâtienvironnant. Ceci étant entendu, le permis d’urbanisme a enfin étéaccordé.

Des semaines de réflexion, trois jours de montage…Le principe général de construction est celui de l’ossaturecanadienne : des pièces de bois horizontales au sol et auplafond maintenues par des pièces verticales espacées de40 centimètres permettent de constituer les cloisons, etquand celles-ci sont montées on recommence dessus. Bref,un simple jeu d’empilement. Le gros avantage de ce sys-tème est qu’il permet d’éviter les phénomènes de tasse-ment. Rien ne bouge. En outre, tous les éléments sont pré-fabriqués en atelier et le temps de montage n’excède pastrois jours.

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La structure est en pin indigène traité au sel de borre, unproduit à la fois fongicide et insecticide labellisé « bio », surlaquelle sont fixés des panneaux DHF (fabriqués à base decopeaux de bois) qui ont la particularité d’être 100% respi-rant et de ne pas laisser passer l’humidité extérieure tout enassurant l’évacuation de l’humidité résiduelle à l’intérieur.Le bardage est en teck non traité. Pour le premier panneau structurel intérieur, l’architecte achoisi des panneaux OSB garantis avec un minimum decolle sur lesquels ont été placé 16 centimètres d’isolants, letout fermé par un panneau de finition Fermacel (unmélange de gypse et de cellulose). 18 centimètres d’isolantont également été placé en toiture et dans le plancher,garantissant une isolation performante.

Volonté d’intégration tous azimutsA l’intérieur, tous les espaces sont totalement dégagés. Lemaître d’ouvrage désirait de grands volumes, un peucomme dans un loft. Un vaste salon et une cuisine spa-cieuse constituent le séjour, lequel est couronné d’unemezzanine qui accueille les espace privés : une chambre, lasalle de bain et un bureau qui peut également devenirchambre d’ami.Désireux de répondre aux souhaits de son clients et de faire

de la maison un lieu d’éternelle villégiature, l’architecte aopté pour une mise en valeur maximale des deux terrassessituées à l’arrière du bâtiment. Il faut dire que l’endroit s’yprête particulièrement bien. La région jouit d’un microcli-mat qui lui permet de bénéficier de 3 à 4°C de plus quedans les autres parties de la Gaume et la luminosité donneà l’endroit un petit air méridional, ce qui a d’ailleurs valu à laLorraine belge le surnom de « petite Provence ». Une vastebaie vitrée coulissante a donc été installée côté salon oùelle occupe tout le mur du fond et s’ouvre en grand sur lavallée et sur le Sud. Elle a toutefois été masquée par desclaustras (un système de cloison amovible qui laisse passerl’air et la lumière), un procédé qui permettait de répondre àdes impératifs à la fois urbanistiques, pratiques et énergéti-ques. « Il fallait à tout prix atténuer l’effet visuel généré parces larges ouvertures vitrées de manière à ce que le bâti-ment ne jure pas avec les constructions environnantes, les-quelles, comme toutes les fermes lorraines, sont tradition-nellement percées de très petites ouvertures », expliqueGuy Jamaigne, du bureau Crahay & Jamaigne en charge duprojet. Ensuite, les claustras jouent le rôle de persiennes etpermettent de privatiser les espaces de vie. Enfin, comme lafaçade arrière est orientée plein sud, cette cloison assureencore une fonction de régulation thermique. « Il y a deux

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terrasses : l’une totalement ouverte, l’autre couverte par lebâtiment. Dès lors, en été, il suffit de positionner le claustradevant la terrasse ouverte afin de diminuer l’effet de sur-chauffe (comme cette cloison est ajourée, elle n’empêchepas la lumière de passer), et en hiver, on la place devant laterrasse couverte pour faire entrer un maximum d’énergiesolaire », précise l’architecte. Le même souci d’intégration a prévalu pour la façade avant.Celle-ci est ponctuée de petites ouvertures de formes et dedimensions variables, lesquelles, à l’instar des constructionslorraines traditionnelles, sont déterminées par leur fonction: une fenêtre donne sur un point d’eau, une autre sur la rue,etc. La partie inférieure de la façade avant est constituée depanneau coulissant derrières lesquels se trouvent lesemplacements pour voitures.Le niveau d’accès, complètement ajouré, atténue la sensa-tion de fermeture visuelle entre le domaine public et privé.Un projet qui tout en faisant la part belle au bois respectedonc les caractéristiques de l’habitat régional comme levolume défini sur toutes ses faces, les dimensions variéesdes baies ou encore les teintes des matériaux. Une réussite.

Architectes :Crahay & Jamaignewww.crahayjamaigne.comSituation :6760 VirtonCarnet de route tome 5

Texte : A.WajnblumPhotos : L.Brandajs

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AU GRAND DUCHÉ DE LUXEMBOURG OÙ LE BOIS

ABONDE, LES CONSTRUCTIONS EN BOIS NE

SONT PAS POUR AUTANT PLUS NOMBREUSES

QU’EN BELGIQUE. QUAND À LA PROBLÉMATI-

QUE ÉNERGÉTIQUE, ELLE N’A ÉTÉ MISE QUE TRÈS

RÉCEMMENT AU RANG DE PRIORITÉ POLITIQUE.

C’EST DIRE SI LA CONSTRUCTION DE L’ÉCOLE DE

KLEINBETTINGEN, UN BÂTIMENT EN BOIS ENTIÈ-

REMENT PASSIF, CONSTITUAIT UNE GRANDE

PREMIÈRE.

Kleinbettingen, un petit village de la commune de Steinfortau sud-ouest du Grand Duché de Luxembourg, à une petitedizaine de kilomètres de la frontière belge. Une bourgadetranquille qui ne serait connue que de ses habitants n’étaitson école « passive » à ossature bois ; la première du

Luxembourg. Un projet qui a marqué les esprits. « Laconstruction de l’école de Kleinbettingen est véritablementl’idée d’un homme, Jean Asselborn qui a été maire deSteinfort pendant plus de vingt ans (de 1982 à 2004) avantde devenir ministre des Affaires Etrangères. Il avait desidées novatrices, notamment en matière d’environnement,et savait les faire passer dut-il pour cela bousculer certaineshabitudes bien ancrées ». Et l’architecte sait de quoi il parle: « En effet, au départ j’étais opposé à ce projet qui, pourmoi, revenait à sauter les étapes. Bondir ainsi du tradition-nel au passif sans même passer par les cases intermédiaires(bâtiments basse consommation, par exemple) me sem-blait voué à l’échec », confesse Louis Weisgerber. En fait, la seule chose qui change par rapport à la Belgiquece sont les moyens qu’un maître d’ouvrage institutionnelpeut allouer à son projet. Dans ce cas, le budget se montaità 2 millions d’euros, l’état en prenant une partie à sa chargesous forme de subsides équivalents à 8.000 euros par tonnede CO_ économisée.

Quand l’école fait école

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Le bois comme une évidenceC’est en 2001 que la commune de Steinfort, désireuse demontrer l’exemple à ses concitoyens, décide de construirela nouvelle école primaire selon les principes des bâtimentsà énergie passive. Dans ce contexte le bois s’impose vitecomme la solution idéale, sinon incontournable eut égardaux coefficients d’isolation que le maître d’ouvrage désiraitatteindre. « Le principe constructif est basé sur des éléments à ossaturebois qui, par leur répétitivité, facilitent la préfabrication et lemontage rapide. Une nécessité dans la mesure où la duréetotale des travaux ne pouvait excéder six mois. Après avoireffectué les premiers calculs pour les parois, nous avonsobtenus des coefficient de déperdition U de 0,11 W/m_Kalors que les normes en vigueur autorise un maximum de0,4, ce qui nous a convaincu de l’efficacité des éléments deconstruction choisi et, dès lors, l’enveloppe globale du bâti-ment (planchers, parois, toiture) a été conçue selon le mêmeprincipe constructif ». L’isolation est assurée par des pan-neaux semi-rigides en laine minérale de 280 mm d’épaisseur,tant dans les murs que dans le plancher et la toiture.

Toute la structure est en bois de même que la façade recou-verte d’un bardage en mélèze non traité. La seule infidélité

faite au bois à l’extérieur concerne les châssis de la façadearrière, au sud, où se trouvent les larges baies vitrées dessalles de classe : « Ils sont en aluminium car, au derniermoment, le fournisseur a refusé de nous livrer les châssis enbois promis de peur que, pour de si grandes ouvertures, lastabilité ne soit pas assurée. Dommage, car lors de chan-tiers ultérieurs j’ai pu constater que des châssis en boisétaient parfaitement capables de répondre aux impératifsde stabilité, même pour de très grandes baies », déplorel’architecte.A l’intérieur, le projet s’articule sur un volume simple (envi-ron 560 m_ de surface brute) divisé en deux parties : troissalles de classes de 72 m_ (pour une quinzaine d’élèves !)avec de grandes ouvertures orientées plein sud d’un côté,et les locaux sanitaires et techniques, ainsi que la cuisine etla réserve côté nord de l’autre. Un long couloir surmontéd’une verrière (dans laquelle ont été incorporé des capteursphotovoltaïques qui couvrent la totalité des besoins électri-ques de l’immeuble) fait office d’élément de transition; lemur recouvert d’un bardage en mélèze de teinte rouges’occupe de mettre en valeur les différents volumes. A l’en-trée, comme dans tout bâtiment passif qui se respecte, unsas d’entrée pourvu de double vitrage protège le volumechauffé.

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Une température de confort toute l’année Comme un immeuble à caractère passif se doit d’être com-plètement étanche, une ventilation mécanique contrôléese charge d’évacuer l’air vicié et d’amener de l’air frais traité.« Ici, l’introduction de l’air frais dans les salles d’occupationet l’évacuation de l’air vicié via les couloirs dans les sallesannexes, s’effectue sans réseau de gainage mais par simplephénomène de transfert (une aération en cascade) ce quipermet de réduire les pertes de charge du groupe de venti-lation tout en garantissant une évacuation performante etlogique ». La qualité de l’air dans chaque pièce est en toutcas largement supérieure à celle d’une construction tradi-tionnelle.Un puit canadien avec un réseau enterré de 230 mètres delong à 2 mètres de profondeur complète avantageusementcette installation. En hiver, l’air extérieur peut atteindre destempératures de – 15°C. En passant dans ce réseau de gai-nes à 2 m de profondeur (où la température est en perma-nence de 8°C), il se réchauffe progressivement pour culmi-ner à environ 0°C quand il atteint l’entrée du groupe deventilation. Le risque de gel des condensats dans les échan-

geurs est ainsi éliminé. De même que les dégâts qu’un telphénomène peut occasionner à l’installation. Phénomèneinverse en été : après un parcours de 230 m dans le sol, l’airchaud s’est refroidi pour atteindre approximativement 20°Cau moment d’être pulsé à l’intérieur du bâtiment, ce quipermet de réduire considérablement les pointes de tempé-rature observées dans bon nombre d’immeubles à isolationrenforcée. « La probabilité d’inconfort, ressenti lors d’undépassement de la température intérieure au-delà de 25°C,est ainsi limité à 9,7% sur tout l’année », précise LouisWeigerber. De fait, alors qu’on déambule dans les couloirspar un après-midi torride d’un mois de juillet non moinscaniculaire : la température ambiante est encore franche-ment agréable. Et dans les salles de classes (orientées pleinsud et pourvues de larges baies vitrées), des stores enlamelles de bois motorisés jugulent l’effet de surchauffe. Pour le chauffage, la commune a opté pour une chaudièreà pellets dont le réservoir a une capacité de 5m_ équivalentà environ 700 litres de mazout, ce qui suffit pour assurer lesbesoins annuels en chauffage. Ainsi, grâce au chauffage aubois et aux panneaux photovoltaïques pour la production

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les capteurs voltaïques qui

fournissent l’entièreté de la

consommation électrique du

bâtiment sont logés dans la

verrière du couloir pricipal.

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d’électricité, le bilan d’émission en CO_ est réduit à zéro cequi, pour un bâtiment public, constituait en 2002 unegrande première au Luxembourg. Une grande victoire del’esprit d’initiative également à laquelle le maître d’ouvragea tenu à associer les enfants au nom du slogan maison : «C’est l’école qui fait école ». A l’entrée, un panneau illustrépar les élèves et régulièrement actualisé rappelle donctoute l’énergie qui a été économisée depuis que le bâti-ment a été livré.

Architecte :Louis Weisgerber www.lwarchitecture.luSituation :L-4141 Esch/AlzetteCarnet de route tome 7

Texte : A.WajnblumPhoto : L.Weisgerber