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COMPRENDRE 1 T Les migrations et le dév Les migrations internationales n'ont qu'un impact restreint sur la réduction de la pau- vreté et des inégalités mondiales. Les ef- fectifs en jeu sont faibles et la plupart de ces migrations ne sont le fait ni des régions les plus pauvres du monde ni des personnes les plus pauvres de ces régions. Enfin, les envois de fonds des migrants vers leurs pays d'origine ne suffisent pas à eux seuls à créer les conditions du développement. Il n'y a pas de relation immédiate entre pauvreté et émigration. L'expa- triation dans les pays développés est mêm e plus fréq uen te pa rmi les natifs des pays en dév eloppem en t les plus « rich es ». ceu x dont le produit intérieur brut (PIB) par habitant dépasse le seuil de 20 % du PIB par habi tan t des Etats- Unis (vo ir graphiqu e). En dessous de ce seuil, les coûts de la m igra tion limiten t la possib ilité de s'expatrier au Nord. 78 : ALTERNATIVES ÉCONOM IQUES 253 décembre 2006 De fait, ce so nt les nat ifs des régions tout à la fois plus riches et plus proches du Nord par la d istance géographique etparl'his- toire qui représe ntent la majorité des imm igrés originaires des pays en dével oppement prés ent s d an s les pays de l'OCDE. Ains i, les pays d'Amérique latine, des Caraï bes et du bassin m éditerrané en m éridional ne représe ntent qu'u n sixième (16 %) de la pop ul ation totale du Sud, mais fou r- nissent près des deux tiers (61%) des migrant s dan s les pays de l'OCDE. Ces migrations, plus nom bre use s et plu s anciennes, ont ét é a uss i plus souv en t le fait de pe rso nn es d épourvu es de qua lifi cati ons sco laires (Mexicains et autres Latino-américains aux Etats-Unis, Ma ghrébins et Turcs en Europe). De ce poin t de vue, les autres régions du Sud sont bea ucoup mo ins extravert ies : en Afrique subsa harienne comme en Asie, les migrations co nserve nt une dim en- sion régio n ale. La répartition ac tue lle, par ori gin e ogr aphique,des imm igrés présents dans l'OCDE est la rés ultante cumu - lée de plusieurs vag ues migratoires. Pou r ce qui co nc e rne les flu x migra- toires act ue ls, on ne cons tate toutefois n i u n e m as si fic at ion ni une recom - pos ition part iculi èr ement acc ent uée de ces flux, sauf da n s une certai ne mes ure pou r les migrations de per- so n nes qu ali fiées (voir p art ie 2). En tre 1990 et 2000, selon les sta tist iq ues des Nations unies, au niveau mondial, la p roportion des expatriés (résidents étrangers ou nat iona ux nés dan s un autre pays ) est dem e urée parfaitement stable. Pour le s mi gr ati o n s à ve nir, ce r tai ns experts prévoient une acc en tuat ion de la p ression migratoire de la part des pays pauvr es, notammentafricains, due à l'accrois sement des écart s dé- m ograp hi ques et de revenu avec le Nord . Ce pe n da nt , u ne plus fort e pr es- s ion mi gratoi re ne se tr adu irait pas nécessairementpar une intensification des flux migr atoires, si les restri ctions à l'immigration de meuraient aussi c ontraig nantes qu'auj ourd 'hui , cons ti- tu a n t d'ai lle urs u ne composa nte sign i- ficat ive des coû ts de la mi gra tion. los Angeles. 50 % à 60 % des immigrés mexicains aux Etat s-U nis proviennent d'un nom bre restr eint de régio ns aussi développées que les régions limitrophes.

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COMPRENDRE 1 T

Les migrations et le dévLes migrations internationales n'ont qu'unimpact restreint sur la réduction de la pau­vreté et des inégalités mondiales. Les ef­fectifs en jeu sont faibles et la plupart deces migrations nesont le fait ni des régions

les plus pauvres du monde ni des personnesles plus pauvres de ces régions. Enfin, lesenvois de fonds des migrants vers leurspays d'origine ne suffisent pas à eux seulsà créer les conditions du développement.

Il n'y a pas de relation immédiateen tre pauvreté et émigration. L'expa­triatio n dan s les pays développ és estmême plus fréq uen te pa rmi les natifsdes pays en développemen t les plus« rich es ». ceux dont le produit inté rieurbrut (PIB) par habitant dép asse le se uilde 20 % du PIB par habi tan t des Eta ts­Unis (vo ir graphique) . En dessous de ceseuil, les coûts de la m igra tion limiten tla po ssib ilité de s'expatrier au Nord.

78 : ALTERNATIVES ÉCONOM IQUES n° 253 décembre 2006

De fait, ce so nt les nat ifsdes région s to ut à la foisplus riches et plus prochesdu Nord pa r la distancegéographique et par l'his-toire qui rep résentent la

ma jo rité des immigrés orig inaires despays en développement présents dan sles pays de l'O CDE. Ains i, les paysd 'Am érique lat ine, des Caraïbes et dubassin méditerranéen m éridional nerep rése ntent qu'u n sixième (16 %) d ela pop ulation totale du Sud, mais fou r­nissent près des deu x tiers (6 1 %) desmigrants dans les pays d e l'OCDE. Cesmigrations, plus nom bre uses et plusanciennes, ont ét é auss i plus souven t

le fait de pe rso nnes dépourvues dequa lifications sco laires (Mexicains etaut res Latino-américains aux Etats-Un is,Maghrébins et Tur cs en Europ e). De cepoint de vue, les au tres rég ions du Sudsont beaucoup mo ins extravert ies : enAfrique subsa ha rienne comme en Asie,les migrati on s co nserven t une dim en­sion régio nale.

La ré pa r t it ion ac tue lle, par ori ginegé ograph ique, des im migrés présen tsdans l'OCDE est la rés u lta n te cumu ­lée d e plu sieu rs vag ues m ig ra toires.Pou r ce qui co nc e rne les flu x migra­to ire s act ue ls, on ne cons ta te tou tefoisn i u ne m as si fic at ion ni une recom ­pos it ion part iculi èr ement acc ent uéed e ces flux, sauf da ns une certai nem esure pou r les m igra t ions d e per ­so n nes qu ali fiées (voi r part ie 2). Entre1990 e t 2000, se lo n les s ta tist iq uesdes Nati ons u n ies, au ni veau mond ia l,la proportion des expatr iés (ré siden tsé tr a nger s ou na tionau x nés d an s u nautre pays ) est demeurée parfait em ents ta b le .

Pour les mi gr ati ons à venir, ce r tai nsexp erts prévoient u ne accen tuat iond e la p ression m igr atoi re de la pa rtdes pays pauvres, no ta mment afri cains,due à l'accroissement des écarts dé­m ograph iques e t de reven u avec leNord . Ce pe nda nt , u ne plus forte pr es­s ion mi gratoi re ne se t radu ira it pasnécessa ire ment par u ne intensificatio ndes flux migratoires, si les restri ctionsà l'immigration de meuraient auss icontraignantes qu 'auj ourd'hui, cons ti­tu a nt d'ai lle urs u ne composante sign i­ficat ive des coû ts de la mi gra t ion.

los Angeles. 50 % à 60 % des immigrésmexicains aux Etats-Unis proviennentd'un nombre restreint de régionsaussidéveloppées que les régions limitrophes.

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1COMPRENDRE

eloppement du SudL'abs e nce de relation décisive en tre

pauvreté et émigration p eu t égalemen têtre constatée à une éc helle géog ra­phiq ue plus fine . Il es t e n effe t fréq uentque ce n e soien t pas les régions les pluspauv res d 'un pays qui engend ren t lesp lus forts tau x d'ém igra tio n à desti na ­tion des pays du Nor d . Par exemple,près de 90 % des immigrés maliens enFrance sont origina ires de la ré gion deKayes, au nord- ouest du pays ; aux Etats­Unis, entre 50 % à 60 % des immigrésmexicains proviennen t d' u n no m b rerestre in t d ' Etat s si tués au ce n tre dupays (Gu anajuato, Jalisco et Michoacan ],Or, le niveau de dévelop pem en t de cesrégion s est com p ara ble à ce lui d'aut resrégions lim itro phes.

L'exem pl e du Mali m et en exe rgue lerôle spécifique des réseaux mig ratoires ,qu i con trib uent à brouill er la relationentre pa uvreté et mig ratio n. L'émigra tioncontem po ra ine m alienne perpé tue unelongue tr adi tion de m ig rat ion de l'eth-

n ie Son inke rem on tan t aux époq uesprécoloni al e et col oniale, lorsqu e lazo ne de pe u plemen t de ce tt e ethnie setrou vait au ca rrefour d es routes co m ­me rcia les e n provenance des po rts dela Méd ite rranée et du sud du HautSé néga l. Tou t en aya n t été au dé pa rtlim itée en no m bre, l'émigration vers laFra nce a dé bo uc hé sur la m ise en placed 'une filière migratoire liée aux résea uxde solidarit é familiaux ou communau ­taires. Ces réseaux de mig ra n ts ont servide so u tien lo rsque l' immigrati on a étérendue plus d ifficile et on t a insi forte­ment co n tri b ué à faço nner les flux m i­gratoires.

Aujourd 'h u i sa ns doute plus encore,les fon ctions d 'accu e il e t d e prise ench ar ge q ue les réseaux remplissentauprès des n ouveaux m igrants cont ri­bue nt à réd uire les risques et les coû tsassociés à la migrat io n. De ce fait, ilsexe rce nt une influen ce dé terminantesur la pro pe nsion d'un individ u à migrer

LA PAUVRETÉ DU PAYS N'ESTPAS LA CAUSE PRINCIPALE

DE L'ÉMIGRATION

Taux d'expatriation vers les pays de l'OCDEen fonctiondu PIB par habitant des pays d 'émigration il:

35 1Ii .o- lecture : les points '~ ~

30représentent les pays. ~ ~

- c: • t"25_ ~ ~

- ! ~ .20 _ ~ ~ ~ ~

15 - ! ~ !!x ~ ~ ~

10 - ~ ~ fi ~ s----- ~ ~ ~5 - : ~~

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o S 10 15 20 25 30 35 40 4S 50PIB par hab itant. en pourcentage de ce lui des Etats-Uni s

e t s u r le cho ix de sa dest in at ion , à cô téde la pauvret é et d es per spectives dansso n pays de naissan ce ,

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LEXIQUE

parviennent pas il trouver des emplois cor­respondant il leur niveau d'ins truction.

>

* Taux d 'expatriation : nombre depersonnes native s d'un pays donné etr ésidant à l'étranger, rapporté au nombretotal des natifs du pays.

une fra ct ion d 'en tre eu x migrera effec­tivem ent une fois ach evée le ur form a­tio n. Pa rtan t, la fu ite de cerveaux peutse révéler favorable pour le pays d'origin elorsque l'e ffet incitatif (brain effect) do­m ine l'effet de fuite (d rain effect) ,D'autres contributions su ggèrent au ssique l'exis tence d 'une diasp ora quali fiéeest favorable au dévelo ppement d uco m m erce e t aux transfert s de techno­logie dans le pays d'origine.

La pondération entre les aspec ts né­ga tifs et posi tifs de la migrat ion de s qu a­lifiés dép end tout à la fois de l'ampleurde la fuite des ce rveaux, des caractér is­tiques du pays de départ et des modali ­tés d'acquisition de la for mation : lors­qu 'une partie des études a été faite dansun pays développé, la perte de ressourcesest m oins forte pour le pays d'or igine .

* Fuitedes cerveaux (brain drai,." :flux massifs de départ des hauts diplômésd'un pays ver s l 'étranger. Ces départsrésul tent bi en souven t de l 'absenced'opportuni té d 'emploi dans le pays dedépart (effet push) conjuguée à une fortedemande de travailleurs qualif iés dans lespays d'accueil (effet ouu; On parle égaie­ment de brain waste (ou gaspillage descerveaux) lorsque les migrants qualifiés ne

* Transferts ou remises de fonds(remlttances) : ensemble des envolsen argent ou en nature que les migrantseffectuent vers leurs pays d'origine, pourapporter un complément de revenu il leurfamille ou encore financer des projets àl'échelle du village. Lacomptabilisation destransferts est un exercice périlleux car unegrande partie de ces fonds transite par lebiais de circuits informels.

les pays de dép ar t. Ellesmetten t notamment enavant les pe rtes de pot en­tiel produ ctif e t d ' invest is­seme nt éd uc atif que lesdéparts des quali fiés oc­

casionnent. Qu elques contributionsthéoriqu es récen tes suggère n t toutefoisque des effe ts posi tifs po u rra ient ê treassociés à l'émigration de travaill eursquali fiés, dans la m esure o ù, p ara­doxalem ent , elle s tim u lerait la p rogres­sio n de l'éducati on dan s les pays dedép a rt. L'hypothèse es t qu e l'ou verturedes fron tièr es et la pe rspective de migreracc ro issent les re ndements attendus del'éducation et in ci tent les individ us àinves tir davantage dans ce do maine. Enmême temps, j'i nce rtitude inhérenteaux opp ortunités de migrer fait qu e seule

RATION-E LE U FACTEU

ELOPPEMENT ?

La contribution des migrationscontemporaines au d éveloppementdes pays d 'or ig in e es t une questiondébattue. D'un côté, l'émigration contri­bue rait à réduire les ten sions prévalantsur le marché du travail du pays d'origineet s'acc o m pagnera it de t ransferts finan­ciers de grand e am pleu r (*). De l'au tre,so n caract re sélectif à l'avantage destravailleur q ualifiés provoquerait unefuite de cerveaux - ou brain drain (* ) ­frei na n t le déve loppement, tand is q ueles envois de fonds des m igra nts p lace­raie n t les pays qui les reçoiven t dan sune situ ati n de dép en dance.

Co ncerna n t l'am ple ur de la mobilit éintern ationa le des travaill eurs qu ali fiés,les données révèl en t un ac cro issemen tse nsi ble des taux d'expatriat ion (*) desdipl ômés d u su ér ie ur origina ires despays à fa ible revenu d epu is le débu tdes ann ées 90,

La plupart des études consacrées àce t exode de s diplô més insistent sur lese ffets négati fs d e ce tte émigra tio n su r

nO 253 décembre 2006 ALTERNATIVES ÉCONOMIQUES 179

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COMPRENDRE 1

LE POIDS DES ENVOIS DE FONDS DES MIGRANTS

100 - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - ­

80 - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -

dé veloppement (voir gr aphique) .Leur répartition n'est toutefois p as

homogène entre les régions du monde.Même si l'Amé rique lat in e re çoit p rèsdu tier s des envois de fond s officiels oulégaux (en te rmes absolus), les plusgros récipienda ires sont (e n termesrelat ifs) les pays à revenu faible , à savoirla plupart des pays d'Afrique su b­sahari enne et d 'Asie du Sud, ainsi quecertain s pays d 'Asie de l'Est (do nt laCh ine ), d 'Europe et d'Asie cen trale .

Par leur ampleur, ces flux financi erspeuvent avoir un impact considérab lesur la balance de s pai ements des paysconcernés et co nt ribuer à réduire leurdéfi cit d'épargne intérieure. Toutefois, sices flux sont plu s dirigés vers la consom­mation qu e ver s les investissements pro­du ct ifs, les pa ys se retro uve n t alors dansune si tuation de dépendance et donc devuln érabilité. Les envois de fond s peuventen effet provoquer une augmentation dela demande de biens d'importation audétriment des biens produits localementet, ce faisa nt, ne pas avoir d'effet multi­pli cat eur sur l'économie. Ils peuventégal ement être source d' inflation et deperte de com pé titivité.

To u t en é ta n t mitigé à l'échell e despays, le bilan des transferts financier sn'en demeure pas moins positif àl'échelle de certaines régions pourvoyeu­ses de migrants. Dan s le ce n tre-o ues tdu Mexique, par exem ple, q u i reço itchaque an née près du tiers des transfertsen provenan ce des Etats -Unis, les as­sociations de mi grants (clubes) initientet finan cent de multiples pr ojets cou­vrant tous les asp ect s de la vie soc ial ede leurs co mm u na u tés d 'origine ; ellescontribuent ainsi à palli er le manqued'investi ssements publics. Des réalisa­tions dans les domaines productifscommencent éga le m en t à vo ir le jour.

Dans une optique de plu s long terme,les transferts peuvent également avoirune in cid ence su r les pili ers du dé ve­loppement que constituent la san té etl'éducation. En permettant aux famillesde payer les frai s de scolarit é ou en lesmettant à l'abri de la pauvreté transitoir e,en sup pléa n t à l'absence de systèmesd'assu rance mal adi e, les envois de fond speuvent avo ir, à terme, un effet subs­tantiel.

Afriqu e Ensemblesubsaharienne des pays

en développement

Asiedu Sud

se poursuivre dans le s a nnées à ve ni ren raison du ma n q ue d 'opportunitésd'emploi dans les pays de départ et dela mi se e n place de politiques d'immi­grat ion sé lec tive dan s un nombre cro is­sant de pays d'accu eil. Comme en Franceave c la politique « d'immigration choi­si e » mi se en plac e récemment.

L'impact de la migrati on sur le déve­loppement de s régions d'ori gine passeégal ement par les rentrées de devi sesliées aux envois de fond s des travaill eursexpatri és. En au gmentation régulière etforte depuis de nombreuses années, cestransferts représentent auj ourd'hui laseconde so urce de finan cement exté rieurde l'ensemble des pays en développement,derrière les investi ssements directs étran­gers et loin devant l'aide publique au

Moyen-Orientet Afr ique

du Nord

Asie de l'Est Europe et Amériqueet pacifique Asie centrale latine

et caraïbes

Départ en vacances pour le Maghreb. L'aideau développement ne peut remplacer l'apportdes émigrés au processus de développementde leurpays d'origine.

> De fait, s i les pa ys as ia tiq ue s n'ontqu 'u ne faible p roportion de leurs qu a­lifiés expatriée (2, 6 % pour l'Inde e t3,4 % po ur la Chine), il en est tout autre­ment pour les petits pays d 'Amériquecentrale et des Caraïbes, pour la plupartdes pays d'Afrique subsah arienne e tpour le Mag h re b. Dans ce rta ins paysafricains an glop hones (Gha na, Gambie,Sie rr a Leone et Kenya) et lusophones(Mozambique e t Guinée Bissau) , prèsdu tie rs, voire la moit ié de s d ipl ôméssont expa tr iés. Ce tte te nda nce devrait

Transferts Investissements Alde publique140 • migrato ires • directs étrangers au développement

1W- - -- - --- - - - --- - -- - - -- - -- - -- - - -- - -- - - - - - -- -

Transferts et autres sources de financement extérieur en 2002, en milliards de dollars

180 - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -

160 -r-- ----,--- - --- - --- - --- - - -,..

3Compte tenu de l'importance crois­

sante de la question migratoire dansles sociétés occidentales, l'idée s'est

JE peu à peu imposée quetoutes les politiques àl'égard des pays en dé­veloppement devaient

prendre en compte cette dimension.En Fran ce, un e première approche aconsist é à ac compagner les mesures

répressives à l'encont re de s immigrésde tr an sferts d'a ide et d'opérations decoopération en direction de leurs régionsd'origine . L'objectif de ce tte politiqueéta it de promouvo ir le développementde ces régions de façon à a ide r le s m i­grants potentiel s à rester chez eux (ce

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1 COMPRENDRE

Mondialisation et migrations

POUR Dl SAVOIR PLUS

dans leur pays d'origine. Mais là encore,la tai lle des di as poras mo bilis ab les de­meure restreinte. •

Denis Cogneau et Flore Gubert*

'C hercheurs à l' Institut de recher che pour le dévelop­pement (lRD), DIAL, Paris.

Migration et développement par ChristopheZ. Guilmoto et Frédéric Sandron, éd. La DOCumen­tation française, 2003.Migrat ions, t ransferts de fonds et dévelop­pement, édité par l'OCDE, 2005. Un ensemble decont ributions examinant l'i mpact des transfertsde fonds sur le développement économique despays d'origine.Les nouvelles mIgratIons. un enjeu nora-suade la mondialisation, par El Mouhoub Mouhoud(dir.). éd. universalis, 2005. une analyse des dyna­miqu es migratoires et de leurs effets dans la mon­dialisation des économies du Sud et du Nord.

les é conomies d 'Amériq ue du Nord,e t plus seconda ire men t avec ce lles ducône Sud (Argentine et Uru gu ay sur­tou t). Ces tra vau x co ns idèren t en gé ­néra l que les migrations de peuplem entmassives de l'Europe occidentale ve rsle No uvea u Monde on t joué un rô lefonda me nta l dans cette co nvergence ,en comparaison des flux de biens e tde ca pi ta ux . Elles ont non seulementfor te m en t augmen té les sal aires dansles pays euro péens ém ett eurs, mai selles ont égal ement ré du it les inégali­té s en tre les reve nus de la te rr e ou ducapi ta l e t ceux du t ravail.

Le m rat on cul n 'ontpl us rien à voir ave c le peuplement deré gions rich es à faible densit é de po­pulation , Tan dis que les grand es vague sm igra toires du XlX" s iècle se so nt tra­d uit es pa r des tau x d 'ém igrat ion an­nue ls de p lus de 15 %0 dans certainspays eu rop éens (l' Ir lande et l' Ita lienota m men t), les migratio ns actue llesco ncernent chaque année tout au plusqua tre à cinq habi ta nts sur m ille d an sles pays po u rvoye urs de mi grants. Para ille urs, les politiques mig ratoires res­t ric tiv es main ten ues par les pays duNord limi tent dras tiqu eme nt les mi­gra tions en provenan ce d es pays lesplus pa uvres du Su d , Dès lors, les en­vois de fonds des émigrés vers leurpays d 'o rigin e so n t moins éga lemen tdis trib ués qu e les flux d 'a ide au déve­loppem en t, même s'ils sont moinspola risés qu e les flux de commerce oud' inves tissem ent direc t.

La mondialisation, comprise à la foiscomme une augmentation et commeune diversification des échanges debiens et de services et de facteurs deproductions entre pays, est perçuecomme un facteur fondamental de latransformation des rapports Nord-Sud,On doi t to utefois remettre en quest ionl'ampl eur e t l'u ni versali té de ce ph én o­mène, dans chac une de ses dimensions.Si l'augmentation quantitative des échan­ges commerciaux et des flux d'investis­sement au niveau mondial ne fait au cundoute, ce tte augmentation concerneencore pr incipalement les écha ngesent re pays du Nord, d 'u ne pa rt, et entreles pays d 'Asie e t les pays du Nord,d 'autre pa rt. La même ch ose peut êt redit e des flux fin an ciers et des flux deconnaissa nc e. Ainsi , même d ans lesd im ensions les p lus commu né me ntco nsidérées, il s 'agit d 'u ne mondia li­sa tion po la risée .

En part 9 d'ail le urs cette ca­ractérist ique ave c la première périodede mon dial isa t io n , fréquemm en t ci ­tée en comparaison, correspo ndantà l'ém ergence d' u ne « économ ie a t­lant iqu e » entre 1870 et 1913, en mêmetem ps qu 'à la de rn ière phase de lacol on isa tion du monde pa r les puis ­sa nc es im péria lis tes eu ro p éennes ,Plu sieurs travaux d 'histoire écono ­mique, not am ment ce ux de Ti mo thyHatte n. Kevin O' Rourke e t JeffreyWillia mso n, ont m ont ré que ce tt e pr e­mi ère mo n dialisatio n res tre in te avaitfor teme n t cont ribué à la convergen ceentre les éc on om ies européen nes et

pagne r les ini tiatives de création d'en­treprises des migra nts; d'autres encoreà pr om ou voi r le développement localdes régions à forte émigration en cofi ­nançant les réalisations collectives desmigrants ou en leur ap portant un ac ­compagnem en t tec hniq ue. Ces initia­tives sont tou tefois limi tées pa r le fai tqu e peu de m igrants on t suffisa m men td ' inform at ions pou r inscri re efficace­me nt leurs actions da ns les dynam iqu eslocales, et tous ne sont pas des ent re­pr eneu rs.

En de hors de l'in ves tisse ment de leurp ropre épa rgne, les m igrants qu ali fiéspe uven t servir de re la is au d évelop pe­me nt du comm erce entre leur paysd'origine et leur pays d'a ccue il, ou devecteu rs à des inv estissements dir ects

qu e les Angle -Saxons ont nommé lestay-at-home deuelopmenïi .

Les limites de cette approche, quisuppose que l'aid e peut se substi tuerà la migration co mme facteur de d é­velopp ement , se son t ce penda n t trèsvit e fa it jour . Pa rce qu e les volum esd 'aide pub liq ue son t res tés à des n i­vea ux faib les; parce qu e certai nes voixont émis la crain te qu ' une aide privi­légian t de fa it les régio ns à for te émi­gration po urrai t appa ra ître in juste auxyeux des habitants de s autres ré gionset donc les inciter à émi grer à leur tour ;enfin, parce qu'il es t ap paru qu e leseffets po tentie ls d 'une poli tiq ue d'a ideplus ambi tieu se pourrai ent se trouveren incohérence avec les po litiques mi­gratoires, le dé marr age d'u n dévelop ­pement économique ét an t plut ôt favo­rable à la mobilité.

De la m ' me maniè re, pour l'Un ioneuropéenne, la signatur e d'accords ré ­giona ux de libre-échange avec le ba ssinméditerr anéen ou l'Afrique subsaha­rienne co mportait l'espoir d' une subs­titution entre migrations et flux decommerce ou d' inves tisseme n t. Là en­core, ces accords, excluant l'agricult ure,

Tout en étant mitigéà l'échelle des pays,le bilan des transfertsfinanc iers demeure positifà l'éch elle de certainesrégions pourvoyeusesde migrants

sont restés lim ités dans leurs effe ts. Paraille ur s, J'idée d 'une complémen taritéau moins temporaire entre les migra­tion s et le développement des échangesa gag né du terra in. On es t do nc pa sséprogress ivement d' une approche visantà favoris er le développem ent po ur dé­courage r la migration à une appro chevisant à favoris er le développement àtra vers la migrat ion. Ce changementrevie nt à ad mett re qu e l'a ide ne peutremplacer la parti cip at ion active desim migrants au processus de dévelop ­pemen t de leu r pays d'o rigi ne, maisqu'ell e pe ut en êt re le complément.

Plusieur s dis pos itifs ont ains i été misen place dont les résultats, après qu el ­qu es an né es d 'existen ce, son t enc ou­rageants . Certa ins visent à stim ulerl'épargne et les envois de fon ds desmigrants en am éliorant les con ditionsde tra n sfert de leurs économies ver sleurs pays d'origine; d'autres à acc orn-

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