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1 COMMUNICATION CIFAF 2016 (Lundi 5 décembre 2016 à 15 heures 30, Salle de la Croix Rouge du Cameroun) THEME : LE DROIT DE LA PEINE, L’APPLICATION DES PEINES ET LE DROIT PENITENTIAIRE Claude ASSIRA, Avocat au Barreau du Cameroun, Maître de Conférences à l’Université Catholique d’Afrique Centrale) De l’étude des règles générales impersonnelles auxquelles les individus sont soumis dans une société, une cristallise plus particulièrement l’intérêt des juristes depuis la nuit des temps : c’est celles émanant du Droit pénal. Autrefois dénommé droit criminel le droit pénal se définit comme étant «l'ensemble des règles juridiques qui organisent la réaction de l'État vis-à- vis du problème criminel». Il est, à cet effet, utile de noter que par l’usage de l'adjectif «pénal» pour qualifier «une branche du Droit ayant pour objet la prévention et la répression des infractions», il est mis l'accent sur ce qui en fait la spécificité : la peine. C'est alors logiquement que ce que l'on appelle désormais «le droit de la peine» prend place au sein du droit répressif. En tant que droit, il s'insère parmi les branches du Droit objectif parce qu'il a vocation à constituer un ensemble normatif regroupant autant de règles de fond que de règles de forme. Mais sa particularité reste son objet d'étude, entièrement tournée vers la peine. La peine peut se concevoir comme «le châtiment édicté par la loi à l'effet de prévenir et, s'il y a lieu, de réprimer l'atteinte à l'ordre social qualifiée d'infraction» 1 . Elle constitue le moyen de répression et de défense sociale dont disposent les sociétés pour assurer le châtiment du coupable et la protection de la société. A ce titre, sa fonction de répression, de dissuasion exige beaucoup de soin dans sa détermination. 1 Evelyn Garçon et Virginie Peltier in droit de la peine, 2 ème édition, Litec, 2015.

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COMMUNICATION CIFAF 2016

(Lundi 5 décembre 2016 à 15 heures 30, Salle de la Croix Rouge du Cameroun)

THEME : LE DROIT DE LA PEINE, L’APPLICATION DES PEINES ET LE DROIT

PENITENTIAIRE

Claude ASSIRA, Avocat au Barreau du Cameroun, Maître de Conférences à

l’Université Catholique d’Afrique Centrale)

De l’étude des règles générales impersonnelles auxquelles les individus sont

soumis dans une société, une cristallise plus particulièrement l’intérêt des juristes

depuis la nuit des temps : c’est celles émanant du Droit pénal.

Autrefois dénommé droit criminel le droit pénal se définit comme étant

«l'ensemble des règles juridiques qui organisent la réaction de l'État vis-à-

vis du problème criminel».

Il est, à cet effet, utile de noter que par l’usage de l'adjectif «pénal» pour

qualifier «une branche du Droit ayant pour objet la prévention et la répression des

infractions», il est mis l'accent sur ce qui en fait la spécificité : la peine.

C'est alors logiquement que ce que l'on appelle désormais «le droit de la peine»

prend place au sein du droit répressif. En tant que droit, il s'insère parmi les

branches du Droit objectif parce qu'il a vocation à constituer un ensemble normatif

regroupant autant de règles de fond que de règles de forme. Mais sa particularité

reste son objet d'étude, entièrement tournée vers la peine.

La peine peut se concevoir comme «le châtiment édicté par la loi à l'effet

de prévenir et, s'il y a lieu, de réprimer l'atteinte à l'ordre social qualifiée

d'infraction»1.

Elle constitue le moyen de répression et de défense sociale dont disposent les

sociétés pour assurer le châtiment du coupable et la protection de la société.

A ce titre, sa fonction de répression, de dissuasion exige beaucoup de soin

dans sa détermination.

1 Evelyn Garçon et Virginie Peltier in droit de la peine, 2ème édition, Litec, 2015.

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A ce titre, il est important de signaler que bien que nous soyons aujourd’hui

dans une sorte de communauté du droit, la peine n’était pas perçue de la même

manière en Afrique et en Occident.

Le système des sanctions pénales dans les pays africains est marqué par un

conflit opposant les sanctions de souche traditionnelle africaine à celles d’inspiration

coloniale. En effet, la justice européenne suppose que les intérêts individuels, dans

une société, ne doivent pas entrer en concurrence l’un avec l’autre (la liberté des uns

s’arrête où commence la liberté des autres). Lorsqu’un conflit éclate, cela signifie que

l’intérêt d’un individu a empiété celui d’un autre. Dès lors, la justice intervient avec le

glaive pour trancher et replacer chaque intérêt sur la balance pour voir si l’équilibre

est de nouveau obtenu.

La justice traditionnelle africaine estime quant à elle que, comme les fibres

d’un tissu, les intérêts des individus dans une société doivent s’imbriquer et qu’un

litige correspond à une rupture, donc à une déchirure du tissu social. Dans ce cas la

justice, comme une aiguille et un fil, doit recoudre ensemble les intérêts séparés par

la crise. La justice est donc l’occasion pour les parties, une fois le litige discuté et

réglé en palabre, de se convier à faire un geste symbolique de réconciliation, à savoir

se partager une noix de cola, boire l’un après l’autre dans une même calebasse ou

plus simplement se serrer la main.

Les sociétés traditionnelles africaines ne connaissaient pas la prison qui était,

pour elles, une sanction inenvisageable, puisque celle-ci isole le condamné de sa

communauté d’appartenance est cruel lorsqu’on sait que dans les sociétés africaines,

hier comme aujourd’hui, l’individu est très attaché au groupe social. En effet, la

prison, en séparant le condamné de son milieu social ordinaire et en rendant visible

son absence, crée un manque. Elle est donc particulièrement redoutée parce qu’elle

ne garantit pas la confidentialité d’une sanction, alors que l’amende peut être payée

sans que le condamné soit éloigné de son milieu social.

KOFFI AFANDE, Juge au Tribunal pénal international pour le Rwanda cet état

de choses explique le conflit que vivent les magistrats africains entre la conception

traditionnelle de la sanction et celle héritée du colonialisme. Il va plus loin en

indiquant qu’il ne peut comprendre que devant l’ampleur des tâches découlant de

l’indépendance de ces pays, le génie créateur des dirigeants politiques se soit

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accommodé de l’héritage colonial, reniant les traditions et s’installant dans le

mimétisme des institutions européennes2. D’où la présence aujourd’hui en Afrique,

d’un droit de la peine quasiment calqué sur la conception occidentale3. Pour lui, une

solution aurait été que le Juge prononce des peines non écrites et voulues par les

parties4.

Beaucoup plus récemment (2013), le Dr Régine BOUNOUNGOU rappelait dans

son ouvrage intitulé « La réforme du système pénitentiaire camerounais :

Entre héritage colonial et traditions culturelles »5, qu’en choisissant de ne pas

tenir compte de ses spécificités culturelles dans le processus de légifération sur la

peine, le législateur s’était fourvoyé, rendant ainsi parfaitement inefficace, le droit

camerounais de la peine et partant, son système pénitentiaire.

Une analyse de la réponse pénale au phénomène de criminalité laisse

entrevoir qu’elle reste imparfaite. Et cette imperfection est d’abord du fait du choix

de politique répressive entrepris. Elle est ensuite due au fait que la voie qui semble

être la plus usitée dans les projets de réformes des textes répressifs semble être le

durcissement de la répression. En effet, face à l’insécurité sans cesse grandissante

dans le monde, comme le faisait noter en 1990 Christine Lazerges, les mesures de

lutte contre la délinquance se fondent plus sur l’intuition que sur une véritable

approche scientifique du problème. Selon elle, les gouvernements ont toujours le

réflexe du durcissement de la répression face à l’exacerbation de la demande sociale

de sécurité6.

A titre d’exemple récents, vous avez tous suivi la surenchère répressive en

France sur la déchéance de nationalité. Autrement dit, comment punir plus

sévèrement les auteurs d’atteintes à la sécurité de l’Etat ?

2 Propos tenus lors d’un congrès organisé par la Société suisse de droit pénal en 2006, sur les problèmes de la justice africaine concernant la sanction pénale. 3 Le problème que l’on devrait éviter quand on parle de la peine, c’est de la réduire à la seule peine d’emprisonnement. 4 Mais le problème de la légalité des délits et des peines demeure… (nullum crimen, nulla poena sine lege). 5 Régine NGONO BOUNOUNGOU, la réforme du système pénitentiaire camerounais : entre héritage colonial et traditions culturelles, L’Harmattan, 2013, 545 pages. 6 Lazerges C., « Méthodes et instruments utilisés par les organismes de prévention de la délinquance en France » RSC, 1992, n°3.

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Au Cameroun, le Ministre de la Justice a prescrit il y a quelques mois aux

parquets de requérir l’emprisonnement à vie qui est la peine maximale en matière de

détournements de deniers publics

A chaque enlèvement, viol et assassinat d’une victime surtout très jeune en

France, l’émotion s’empare de la société et des pouvoirs publics pour revendiquer un

traitement plus sévère de ce phénomène.

Plus près de nous, dans les mots qu’il a livrés le 22 novembre 2016 à

l’occasion des funérailles de Fatoumata Mactar Ndiaye (vice-présidente du

Conseil économique, social et environnemental), égorgée le samedi précédent à son

domicile à Pikine, dans la banlieue de Dakar, le président sénégalais son Excellence

Macky SALL, a annoncé, une réforme de la politique pénale visant à condamner à

perpétuité tous les auteurs de meurtre au Sénégal.

Avant lui, le 10 mars 2016 au Conseil de sécurité de l’ONU, Dominique

LORIFERNE, Secrétaire Général de l’Association des Hautes Juridictions de

Cassation des pays ayant en partage l’usage du Français (AHJUCAF) clamait haut et

fort, la nécessité du renforcement de la réponse pénale face au terrorisme.

Mais, quelle qu’elle soit : peine de mort, emprisonnement à vie, peines

incompressibles, peines plancher, etc. l’imagination du législateur est au

foisonnement. Pourtant, le phénomène criminel ne recule pas, au contraire.

Signalons que la peine se confond souvent avec les mesures de sûreté,

pourtant, il s’agit de deux réalités juridiques très différentes. Les peines sont le

résultat de la théorie objective de l’infraction tandis que les mesures de sûreté

sont une émanation de la théorie subjective de l’infraction.

A la différence des peines, le fondement des mesures de sûreté est l’état

dangereux, et non la culpabilité du prévenu. Leur but est la prévention individuelle

et non la rétribution et l’expiation. Enfin les mesures de sûreté ne présentent aucun

caractère afflictif et infamant.

Il se pose donc au juriste, la question de savoir quelles sont les peines les plus

adaptées pour permettre de juguler le phénomène criminel ? Si le crime est le mal

et la peine, le prix du mal, quel est le juste prix ? Et comment veille-t-on à ce

que ce prix, tout ce prix, rien que ce prix soit payé ?

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LA NATURE ET LA DIVERSITE DES PEINES

Conformément au principe de la légalité des délits et des peines (nullum crimen

nulla poena sine lege), les peines et les mesures sont fixées par la loi et ne sont

prononcées qu’à raison des infractions légalement prévues (Article 17 du Code pénal

camerounais).

On distingue en général, les peines principales, les peines accessoires et les

mesures de sûreté. On peut toutefois également retrouver les peines

complémentaires.

1. Les peines principales proprement dites

Il convient de rappeler que par peine principale, il faut entendre la peine prévue

pour l’infraction dont la personne poursuivie est reconnue coupable et que la

juridiction est tenue de prononcer sauf si cette personne bénéficie d’une exemption

de peine7.

Au Cameroun, les peines principales sont prévues par la loi n° 2016/007 du

12 Juillet 2016 portant Code pénal (article 18 nouveau). Ce dernier dispose

comme suit : « Les peines principales sont :

1.1. Pour les personnes physiques :

La peine de mort ;

L’emprisonnement ;

L’amende.

S’agissant de la peine de mort, il faut distinguer trois situations principales :

- L’abolition ;

- Le moratoire sur l’exécution ;

- Le maintien

Quant à l’emprisonnement, il peut être à vie (à perpétuité) ou à temps.

A temps : 6 mois au plus, un an, deux ans, trois ans, cinq ans, sept ans, dix

ans, quinze ans, vingt ans, trente ans.

S’agissant enfin des amendes, il est prévu quatre (4) catégories d’amende.

7 Gérard Cornu, Vocabulaire juridique, 1ère édition, p.641

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1.2. Pour les personnes morales

La dissolution ;

La fermeture définitive ;

L’amende.

Le Législateur doit rapidement mettre en place les mesures permettant de

rendre effectives ces peines notamment en prévoyant les règles de procédure pénale

adaptées (modalités de la citation de la personne morale, casier judiciaire, etc.).

LES PEINES DE SUBSTITUTION

La politique du « tout-carcéral » en raison de la corrélation entre prison et

augmentation du taux de récidive, semble aujourd’hui remise en cause pour

différentes raisons.

Selon le Jury de la Conférence de consensus sur la récidive en France8, les

conditions de détention et les peines applicables ne sont pas à même de régler

efficacement le phénomène criminel. D’où la nécessité des réformes à entreprendre à

la fois dans le droit de la peine, l’application des peines et le droit pénitentiaire.

La défense sociale ne peut être efficace et bien comprise, que si les juridictions

de jugement disposent d’un large éventail de peines leur permettant à la fois de

personnaliser les peines. L’objectif ici est au maximum de densifier l’efficacité de la

peine. Les peines de prison ferme, presque toujours plus nuisibles qu’utiles, doivent

être évitées. Il faut permettre au délinquant de se racheter par le travail et sa bonne

conduite. On évitera ainsi les risques de contamination et de rechute.

Par conséquent, à côté des peines principales et c’est là une innovation de la loi

de 2016 portant Code pénal camerounais, on retrouve les peines de substitution

encore appelées peines alternatives. Il s’agit ici d’un type de peine que le Juge peut

prononcer en remplacement d’une peine principale d’emprisonnement correctionnelle

ou d’amende. Une peine alternative est une peine qui peut être prononcée au lieu

d’une autre et à titre de peine principale.9 Le législateur camerounais à l’article 18-1

de son Code pénal, a retenu deux types de peines de substitution :

8 www.20minutes.fr, prévention de la récidive : l’efficacité de la prison remise en cause par la Conférence de consensus. 9 Gérard Cornu, Vocabulaire Juridique, op. cit. p 640

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Le travail d’intérêt général ;

La sanction-réparation

Il convient de s’attarder un peu sur chacune de ces peines.

Pour ce qui est du travail d’intérêt général, il s’agit en général d’une

obligation particulière découlant d’un sursis à l’emprisonnement et qui prend la forme

de l’accomplissement volontaire d’un travail non rémunéré au profit d’une personne

morale, de droit public ou privée. Au Cameroun, le régime du TIG est fixé à l’article

26 du Code pénal.

Le seul problème est l’état actuel de la législation est l’absence dans l’arsenal

juridique camerounais, du texte particulier auquel fait allusion l’alinéa 6 de l’article

26, et qui a trait à la liste des TIG.

S’agissant de la sanction-réparation, elle est consacrée au Cameroun à

l’article 26-1 du Code pénal.

Il faut retenir également et s’agissant des peines alternatives, que les modalités

de leur mise en application doivent être définies par un texte particulier (article 26-

2) et que certaines personnes ne peuvent y prétendre (article 26-3).

S’agissant des peines alternatives, elles sont une réponse pénale à

l’emprisonnement depuis la promulgation du code pénal le 12 juillet 2016 et

semblent désormais occuper une place importante à la fois parce qu’elles viennent

contribuer à désengorger les prisons et qu’elles permettent la réintégration sociale

des condamnés passibles de peines d’emprisonnement de moins de deux (02) ans.

Sur ce point, il faut appeler, pour une optimisation de ce dispositif, d’élargir le champ

de son admission à toutes les infractions correctionnelles, c’est-espérer que les

consultations en vue d’établir la liste des Travaux d’intérêt général soient achevées et

le texte y relatif, édicté.

2. Les peines accessoires

A côté des peines principales et de substitution, on retrouve les peines

accessoires. Elles peuvent être définies comme des peines qui découlent

automatiquement et implicitement de la condamnation à une infraction déterminée.

Ce type de peine a été écarté par certains législateurs dans leur Code pénal. C’est le

cas actuellement de celui français.

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Le législateur camerounais quant à lui a maintenu les peines accessoires. En

effet, à l’article 19 du Code pénal camerounais, on peut lire : « Les peines

accessoires sont :

1) Pour les personnes physiques :

Les déchéances ;

La publication du jugement ;

La fermeture de l’établissement ;

La confiscation ;

2) Pour les personnes morales :

L’interdiction pour une durée déterminée d’exercer directement ou

indirectement une ou plusieurs de ses activités ;

Le placement pendant une durée déterminée sous surveillance judiciaire ;

La fermeture pour une durée déterminée des établissements ou succursales

ayant servi à la commission des faits incriminés ;

L’exclusion des marchés publics à titre définitif ou pour une durée

déterminée ;

L’interdiction pour une durée déterminée d’émettre des chèques autres que

ceux qui permettent le retrait des fonds par l’entreprise elle-même auprès du tiré ou

ceux qui sont certifiés ;

L’interdiction pour une durée déterminée d’utiliser des cartes de paiement ;

La confiscation de la chose qui a servi ou était destinée à commettre

l’infraction ou de la chose qui en est le produit ;

La publication du jugement ou sa diffusion par voie de presse écrite, parlée,

audiovisuelle ou cybernétique.

Les peines prévues aux articles 18(b) et 19 (b) du présent Code ne sont pas

applicables aux personnes morales de droit public dont la responsabilité pénale est

susceptible d’être engagée, aux partis politiques et aux syndicats professionnels. »

3. Quid des mesures de sûreté

Afin d’élargir le spectre de compréhension du droit de la peine, il convient de

s’attarder un tant soit peu sur les mesures de sureté.

A ce sujet, il convient de dire qu’elles sont de simples précautions de

protection sociale destinées à prévenir la récidive d’un délinquant ou à neutraliser

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l’état dangereux. Elle se distingue très nettement des peines par leur fondement, par

leur but et par leur contenu.

Peine et mesures de sûreté sont deux choses très différentes. Les peines

sont le résultat de la théorie objective de l’infraction tandis que les mesures de

sûreté sont une émanation de la théorie subjective de l’infraction.

A la différence des peines, le fondement des mesures de sûreté est l’état

dangereux, et non la culpabilité du prévenu. Leur but est la prévention individuelle

et non la rétribution et l’expiation. Enfin les mesures de sûreté ne présentent aucun

caractère afflictif et infamant.

Le législateur camerounais a prévu à l’article 20 du Code pénal, diverses

mesures de sureté. Ledit article dispose en effet comme suit :

« Les mesures de sûreté sont :

1) Pour les personnes physiques

L’interdiction de l’exercice de la profession ;

La relégation ;

Les mesures de surveillance et d’assistance postpénales ;

L’internement dans une maison de santé ;

La confiscation.

2) Pour les personnes morales

L’interdiction de s’investir dans une activité précise pour une durée

déterminée ;

La confiscation ;

Le placement sous surveillance judiciaire pour une durée déterminée. »

II) LE DROIT PENITENTIAIRE

Les condamnés à mort : interrogations

La peine d’emprisonnement : l’état du système pénitentiaire

Lorsqu’on aborde ce sujet, on se pose en général la question suivante : La

prison est-elle un lieu de non-droit ?

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Le constat que l’on fait en général est que la dégradation du système trouve

sa source à la fois dans le contenu des législations en matière pénitentiaire et

criminelle.

Cette dégradation entraîne le problème de la surpopulation carcérale qui a

pour corollaire les conditions de vie difficiles, voire inhumaines pour les locataires de

ces établissements. A cela on peut ajouter les problèmes de récidive qui donnent

l’impression que le droit de la peine et le droit pénitentiaire sont parfaitement

inefficaces.

La crise du système pénitentiaire se traduit par un certain nombre de

dysfonctionnement au rang desquels :

L’absence d’une vision pénitentiaire d’ensemble ;

L’inadéquation fonctionnelle des prisons.

Quelques statistiques du Ministère de la justice10

S’agissant de la situation d’ensemble de la population carcérale : Dans

l’ensemble, les prisons fonctionnelles peuvent accueillir 17 895 détenus, mais en

contiennent en fin 2013 presque 27 000, soit un ratio de 1,5. Cette surpopulation

carcérale s’observe dans sept (7) régions, et est plus visible dans les prisons du

Littoral, où la population carcérale dépasse le double de la capacité d’accueil. Les

seules régions où le nombre de détenus reste dans les limites de la capacité d’accueil

sont l’Adamaoua, l’Est et le Nord-Ouest.

Pour ce qui est de l’espace disponible, on note qu’un détenu dispose en

général de moins de 2 mètres carrés. Cet espace est beaucoup plus réduit dans

les régions de l’Extrême-Nord, du Nord, de l’Ouest et du Sud, où un détenu dispose

en moyenne d’un espace inférieur à un mètre carré.

S’agissant des détenus prévenus : 16 841 personnes étaient placées

sous mandat de détention provisoire dans les prisons du Cameroun, dont 716

mineurs et 381 femmes. Dans les prisons du Centre, ils sont 4 725 prévenus

détenus en fin 2103, contre 555 dans le Nord-Ouest. Les femmes et les filles ne

10 Source : Rapport de l’Institut National de la Statistique daté de Novembre 2014. Ce rapport est intitulé

« Rapport sur la situation de référence des indicateurs de la chaîne pénale au Cameroun ».

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sont pas nombreuses dans les prisons, puisqu’elles représentent moins de 2% de

l’ensemble de la population carcérale.

S’agissant des détenus condamnés : 9 802 détenus condamnés se

trouvaient dans les prisons du Cameroun, dont 160 mineurs et 227 femmes, soit

respectivement 2,3% et 1,6% de détenus condamnés. Dans le Centre, 2 220

condamnés se trouvent dans les prisons, et dans l’Extrême-Nord, le Littoral et le

Nord, on compte plus de 1000 détenus condamnés dans chaque région.

Mesures à prendre afin de promouvoir les droits de l’Homme en milieu

carcéral

Lors de l’édition 2016 de la réunion annuelle des chefs des Cours d’appel et des

délégués régionaux de l’Administration pénitentiaire convoquée par le ministre d’Etat,

ministre de la Justice, Garde des Sceaux, les 18 et 19 août dernier, l’un des objectifs

était le respect des droits de l’homme en prison.

Conformément à iceux, la personne détenue conserve ses droits et

notamment :

Droits familiaux

Mariage d'une personne détenue

Le mariage d'une personne détenue peut être célébré en prison sur réquisition

(autorisation) du procureur de la République. Le futur époux ou la future épouse et

les témoins doivent être titulaires d'un permis de visite.

La cérémonie peut aussi avoir lieu à l'extérieur, en mairie, notamment celle de

la commune où réside le futur époux ou la future épouse en liberté.

Pour cela, le détenu doit obtenir une permission de sortir auprès du Régisseur

ou des autorités judiciaires.

En France, ce droit n'est ouvert qu'aux détenus : condamné à une peine

définitive, ayant déjà exécuté la moitié de leur peine, et n'ayant plus qu'à subir un

temps de détention inférieur à 3 ans. Les personnes en détention provisoire ne

peuvent pas bénéficier de ce droit.

Au Cameroun, Monsieur YMF a bénéficié de ce droit.

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Autorité parentale

Si la déchéance n'est pas prononcée lors du jugement de condamnation, la

personne détenue conserve l'autorité parentale sur ses enfants.

Une personne condamnée a le droit de reconnaître son enfant. Un officier d'état

civil de la commune dont dépend l'établissement se rendra auprès de la personne

pour lui faire signer la reconnaissance de paternité.

Maladie ou décès d'un proche

La personne détenue peut obtenir une permission de sortir si un de ses proches

est gravement malade ou décédé. Il pourra ainsi se rendre à l'hôpital ou à

l'enterrement. La permission est accordée par le régisseur, après avis des autorités

judiciaires.

Le droit de sortie est souvent accordé sous escorte. Le détenu sera menotté et

surveillé en permanence. Problème de discrétion.

*LES DROITS SOCIAUX

Maternité : Les femmes détenues peuvent garder leur enfant jusqu'à l'âge de 18 mois.

Retraite : La prison n’empêche pas la jouissance de ces droits.

DROITS CIVILS ET POLITIQUES

Un détenu conserve le droit de vote, sous réserve de respecter les conditions

prévues pour l'élection (majorité, nationalité, inscription sur les listes électorales).

DROITS DE RECOURS

Décision d'un juge : En cas de refus du juge de délivrer une permission de

sortir ou une autorisation sous escorte, le détenu ne peut pas faire de recours. Cette

décision est définitive.

Décision du Régisseur de la prison : Le détenu peut exercer un recours

hiérarchique en adressant un courrier à l'autorité supérieure de celle qui a pris la

décision contestée.

Toute personne détenue peut saisir le tribunal administratif d'une décision de

l'administration faisant grief ou lui causant un dommage.

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CONCLUSION

En guise de conclusion, il faut dire que bien que le droit de la peine et le droit

pénitentiaire aient connu quelques avancées dans le monde en général et au

Cameroun en particulier, il convient de relever pour le déplorer que beaucoup reste

encore à faire.

C’est le lieu ici de souligner le rôle que doit jouer l’Avocat, aussi bien dans la

défense des intérêts de son client que dans le combat pour l’avancée des Droits de

l’Homme. Il doit pour cela s’armer de beaucoup de courage car comme le disait

BADINTER : « Le courage, pour un avocat, c'est l'essentiel, ce sans quoi le

reste ne compte pas : talent, culture, connaissance du droit, tout est utile à

l'avocat. Mais sans le courage, au moment décisif, il n'y a plus que des

mots, des phrases, qui se suivent, qui brillent et qui meurent ».

Il demeure toutefois que, face à l’échec des politiques de durcissement de la

répression comme moyen de réponse pénale au phénomène criminel, on ne peut

s’empêcher de se demander si ce n’est pas Michaelle Jean, Secrétaire Générale de

l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) qui a vu juste. Dans un

discours prononcé à Paris en date du 06 Juin 2016 à l’occasion de la Conférence sur

la lutte contre le terrorisme et la prévention de la radicalisation violente, elle avait dit

ceci : « Je conclurai enfin ce propos en vous faisant part de ma conviction

profonde que pour lutter contre le terrorisme et la radicalisation violente,

il faut que nous puissions donner à la jeunesse des raisons d’espérer, créer

avec les jeunes les conditions propices au développement des économies

de nos Etats, à leur inclusion politique, sociale, professionnelle, à leur

ancrage dans l’histoire, dans leur histoire, dans notre histoire... ».