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COMMUNICATION CIFAF 2016
(Lundi 5 décembre 2016 à 15 heures 30, Salle de la Croix Rouge du Cameroun)
THEME : LE DROIT DE LA PEINE, L’APPLICATION DES PEINES ET LE DROIT
PENITENTIAIRE
Claude ASSIRA, Avocat au Barreau du Cameroun, Maître de Conférences à
l’Université Catholique d’Afrique Centrale)
De l’étude des règles générales impersonnelles auxquelles les individus sont
soumis dans une société, une cristallise plus particulièrement l’intérêt des juristes
depuis la nuit des temps : c’est celles émanant du Droit pénal.
Autrefois dénommé droit criminel le droit pénal se définit comme étant
«l'ensemble des règles juridiques qui organisent la réaction de l'État vis-à-
vis du problème criminel».
Il est, à cet effet, utile de noter que par l’usage de l'adjectif «pénal» pour
qualifier «une branche du Droit ayant pour objet la prévention et la répression des
infractions», il est mis l'accent sur ce qui en fait la spécificité : la peine.
C'est alors logiquement que ce que l'on appelle désormais «le droit de la peine»
prend place au sein du droit répressif. En tant que droit, il s'insère parmi les
branches du Droit objectif parce qu'il a vocation à constituer un ensemble normatif
regroupant autant de règles de fond que de règles de forme. Mais sa particularité
reste son objet d'étude, entièrement tournée vers la peine.
La peine peut se concevoir comme «le châtiment édicté par la loi à l'effet
de prévenir et, s'il y a lieu, de réprimer l'atteinte à l'ordre social qualifiée
d'infraction»1.
Elle constitue le moyen de répression et de défense sociale dont disposent les
sociétés pour assurer le châtiment du coupable et la protection de la société.
A ce titre, sa fonction de répression, de dissuasion exige beaucoup de soin
dans sa détermination.
1 Evelyn Garçon et Virginie Peltier in droit de la peine, 2ème édition, Litec, 2015.
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A ce titre, il est important de signaler que bien que nous soyons aujourd’hui
dans une sorte de communauté du droit, la peine n’était pas perçue de la même
manière en Afrique et en Occident.
Le système des sanctions pénales dans les pays africains est marqué par un
conflit opposant les sanctions de souche traditionnelle africaine à celles d’inspiration
coloniale. En effet, la justice européenne suppose que les intérêts individuels, dans
une société, ne doivent pas entrer en concurrence l’un avec l’autre (la liberté des uns
s’arrête où commence la liberté des autres). Lorsqu’un conflit éclate, cela signifie que
l’intérêt d’un individu a empiété celui d’un autre. Dès lors, la justice intervient avec le
glaive pour trancher et replacer chaque intérêt sur la balance pour voir si l’équilibre
est de nouveau obtenu.
La justice traditionnelle africaine estime quant à elle que, comme les fibres
d’un tissu, les intérêts des individus dans une société doivent s’imbriquer et qu’un
litige correspond à une rupture, donc à une déchirure du tissu social. Dans ce cas la
justice, comme une aiguille et un fil, doit recoudre ensemble les intérêts séparés par
la crise. La justice est donc l’occasion pour les parties, une fois le litige discuté et
réglé en palabre, de se convier à faire un geste symbolique de réconciliation, à savoir
se partager une noix de cola, boire l’un après l’autre dans une même calebasse ou
plus simplement se serrer la main.
Les sociétés traditionnelles africaines ne connaissaient pas la prison qui était,
pour elles, une sanction inenvisageable, puisque celle-ci isole le condamné de sa
communauté d’appartenance est cruel lorsqu’on sait que dans les sociétés africaines,
hier comme aujourd’hui, l’individu est très attaché au groupe social. En effet, la
prison, en séparant le condamné de son milieu social ordinaire et en rendant visible
son absence, crée un manque. Elle est donc particulièrement redoutée parce qu’elle
ne garantit pas la confidentialité d’une sanction, alors que l’amende peut être payée
sans que le condamné soit éloigné de son milieu social.
KOFFI AFANDE, Juge au Tribunal pénal international pour le Rwanda cet état
de choses explique le conflit que vivent les magistrats africains entre la conception
traditionnelle de la sanction et celle héritée du colonialisme. Il va plus loin en
indiquant qu’il ne peut comprendre que devant l’ampleur des tâches découlant de
l’indépendance de ces pays, le génie créateur des dirigeants politiques se soit
3
accommodé de l’héritage colonial, reniant les traditions et s’installant dans le
mimétisme des institutions européennes2. D’où la présence aujourd’hui en Afrique,
d’un droit de la peine quasiment calqué sur la conception occidentale3. Pour lui, une
solution aurait été que le Juge prononce des peines non écrites et voulues par les
parties4.
Beaucoup plus récemment (2013), le Dr Régine BOUNOUNGOU rappelait dans
son ouvrage intitulé « La réforme du système pénitentiaire camerounais :
Entre héritage colonial et traditions culturelles »5, qu’en choisissant de ne pas
tenir compte de ses spécificités culturelles dans le processus de légifération sur la
peine, le législateur s’était fourvoyé, rendant ainsi parfaitement inefficace, le droit
camerounais de la peine et partant, son système pénitentiaire.
Une analyse de la réponse pénale au phénomène de criminalité laisse
entrevoir qu’elle reste imparfaite. Et cette imperfection est d’abord du fait du choix
de politique répressive entrepris. Elle est ensuite due au fait que la voie qui semble
être la plus usitée dans les projets de réformes des textes répressifs semble être le
durcissement de la répression. En effet, face à l’insécurité sans cesse grandissante
dans le monde, comme le faisait noter en 1990 Christine Lazerges, les mesures de
lutte contre la délinquance se fondent plus sur l’intuition que sur une véritable
approche scientifique du problème. Selon elle, les gouvernements ont toujours le
réflexe du durcissement de la répression face à l’exacerbation de la demande sociale
de sécurité6.
A titre d’exemple récents, vous avez tous suivi la surenchère répressive en
France sur la déchéance de nationalité. Autrement dit, comment punir plus
sévèrement les auteurs d’atteintes à la sécurité de l’Etat ?
2 Propos tenus lors d’un congrès organisé par la Société suisse de droit pénal en 2006, sur les problèmes de la justice africaine concernant la sanction pénale. 3 Le problème que l’on devrait éviter quand on parle de la peine, c’est de la réduire à la seule peine d’emprisonnement. 4 Mais le problème de la légalité des délits et des peines demeure… (nullum crimen, nulla poena sine lege). 5 Régine NGONO BOUNOUNGOU, la réforme du système pénitentiaire camerounais : entre héritage colonial et traditions culturelles, L’Harmattan, 2013, 545 pages. 6 Lazerges C., « Méthodes et instruments utilisés par les organismes de prévention de la délinquance en France » RSC, 1992, n°3.
4
Au Cameroun, le Ministre de la Justice a prescrit il y a quelques mois aux
parquets de requérir l’emprisonnement à vie qui est la peine maximale en matière de
détournements de deniers publics
A chaque enlèvement, viol et assassinat d’une victime surtout très jeune en
France, l’émotion s’empare de la société et des pouvoirs publics pour revendiquer un
traitement plus sévère de ce phénomène.
Plus près de nous, dans les mots qu’il a livrés le 22 novembre 2016 à
l’occasion des funérailles de Fatoumata Mactar Ndiaye (vice-présidente du
Conseil économique, social et environnemental), égorgée le samedi précédent à son
domicile à Pikine, dans la banlieue de Dakar, le président sénégalais son Excellence
Macky SALL, a annoncé, une réforme de la politique pénale visant à condamner à
perpétuité tous les auteurs de meurtre au Sénégal.
Avant lui, le 10 mars 2016 au Conseil de sécurité de l’ONU, Dominique
LORIFERNE, Secrétaire Général de l’Association des Hautes Juridictions de
Cassation des pays ayant en partage l’usage du Français (AHJUCAF) clamait haut et
fort, la nécessité du renforcement de la réponse pénale face au terrorisme.
Mais, quelle qu’elle soit : peine de mort, emprisonnement à vie, peines
incompressibles, peines plancher, etc. l’imagination du législateur est au
foisonnement. Pourtant, le phénomène criminel ne recule pas, au contraire.
Signalons que la peine se confond souvent avec les mesures de sûreté,
pourtant, il s’agit de deux réalités juridiques très différentes. Les peines sont le
résultat de la théorie objective de l’infraction tandis que les mesures de sûreté
sont une émanation de la théorie subjective de l’infraction.
A la différence des peines, le fondement des mesures de sûreté est l’état
dangereux, et non la culpabilité du prévenu. Leur but est la prévention individuelle
et non la rétribution et l’expiation. Enfin les mesures de sûreté ne présentent aucun
caractère afflictif et infamant.
Il se pose donc au juriste, la question de savoir quelles sont les peines les plus
adaptées pour permettre de juguler le phénomène criminel ? Si le crime est le mal
et la peine, le prix du mal, quel est le juste prix ? Et comment veille-t-on à ce
que ce prix, tout ce prix, rien que ce prix soit payé ?
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LA NATURE ET LA DIVERSITE DES PEINES
Conformément au principe de la légalité des délits et des peines (nullum crimen
nulla poena sine lege), les peines et les mesures sont fixées par la loi et ne sont
prononcées qu’à raison des infractions légalement prévues (Article 17 du Code pénal
camerounais).
On distingue en général, les peines principales, les peines accessoires et les
mesures de sûreté. On peut toutefois également retrouver les peines
complémentaires.
1. Les peines principales proprement dites
Il convient de rappeler que par peine principale, il faut entendre la peine prévue
pour l’infraction dont la personne poursuivie est reconnue coupable et que la
juridiction est tenue de prononcer sauf si cette personne bénéficie d’une exemption
de peine7.
Au Cameroun, les peines principales sont prévues par la loi n° 2016/007 du
12 Juillet 2016 portant Code pénal (article 18 nouveau). Ce dernier dispose
comme suit : « Les peines principales sont :
1.1. Pour les personnes physiques :
La peine de mort ;
L’emprisonnement ;
L’amende.
S’agissant de la peine de mort, il faut distinguer trois situations principales :
- L’abolition ;
- Le moratoire sur l’exécution ;
- Le maintien
Quant à l’emprisonnement, il peut être à vie (à perpétuité) ou à temps.
A temps : 6 mois au plus, un an, deux ans, trois ans, cinq ans, sept ans, dix
ans, quinze ans, vingt ans, trente ans.
S’agissant enfin des amendes, il est prévu quatre (4) catégories d’amende.
7 Gérard Cornu, Vocabulaire juridique, 1ère édition, p.641
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1.2. Pour les personnes morales
La dissolution ;
La fermeture définitive ;
L’amende.
Le Législateur doit rapidement mettre en place les mesures permettant de
rendre effectives ces peines notamment en prévoyant les règles de procédure pénale
adaptées (modalités de la citation de la personne morale, casier judiciaire, etc.).
LES PEINES DE SUBSTITUTION
La politique du « tout-carcéral » en raison de la corrélation entre prison et
augmentation du taux de récidive, semble aujourd’hui remise en cause pour
différentes raisons.
Selon le Jury de la Conférence de consensus sur la récidive en France8, les
conditions de détention et les peines applicables ne sont pas à même de régler
efficacement le phénomène criminel. D’où la nécessité des réformes à entreprendre à
la fois dans le droit de la peine, l’application des peines et le droit pénitentiaire.
La défense sociale ne peut être efficace et bien comprise, que si les juridictions
de jugement disposent d’un large éventail de peines leur permettant à la fois de
personnaliser les peines. L’objectif ici est au maximum de densifier l’efficacité de la
peine. Les peines de prison ferme, presque toujours plus nuisibles qu’utiles, doivent
être évitées. Il faut permettre au délinquant de se racheter par le travail et sa bonne
conduite. On évitera ainsi les risques de contamination et de rechute.
Par conséquent, à côté des peines principales et c’est là une innovation de la loi
de 2016 portant Code pénal camerounais, on retrouve les peines de substitution
encore appelées peines alternatives. Il s’agit ici d’un type de peine que le Juge peut
prononcer en remplacement d’une peine principale d’emprisonnement correctionnelle
ou d’amende. Une peine alternative est une peine qui peut être prononcée au lieu
d’une autre et à titre de peine principale.9 Le législateur camerounais à l’article 18-1
de son Code pénal, a retenu deux types de peines de substitution :
8 www.20minutes.fr, prévention de la récidive : l’efficacité de la prison remise en cause par la Conférence de consensus. 9 Gérard Cornu, Vocabulaire Juridique, op. cit. p 640
7
Le travail d’intérêt général ;
La sanction-réparation
Il convient de s’attarder un peu sur chacune de ces peines.
Pour ce qui est du travail d’intérêt général, il s’agit en général d’une
obligation particulière découlant d’un sursis à l’emprisonnement et qui prend la forme
de l’accomplissement volontaire d’un travail non rémunéré au profit d’une personne
morale, de droit public ou privée. Au Cameroun, le régime du TIG est fixé à l’article
26 du Code pénal.
Le seul problème est l’état actuel de la législation est l’absence dans l’arsenal
juridique camerounais, du texte particulier auquel fait allusion l’alinéa 6 de l’article
26, et qui a trait à la liste des TIG.
S’agissant de la sanction-réparation, elle est consacrée au Cameroun à
l’article 26-1 du Code pénal.
Il faut retenir également et s’agissant des peines alternatives, que les modalités
de leur mise en application doivent être définies par un texte particulier (article 26-
2) et que certaines personnes ne peuvent y prétendre (article 26-3).
S’agissant des peines alternatives, elles sont une réponse pénale à
l’emprisonnement depuis la promulgation du code pénal le 12 juillet 2016 et
semblent désormais occuper une place importante à la fois parce qu’elles viennent
contribuer à désengorger les prisons et qu’elles permettent la réintégration sociale
des condamnés passibles de peines d’emprisonnement de moins de deux (02) ans.
Sur ce point, il faut appeler, pour une optimisation de ce dispositif, d’élargir le champ
de son admission à toutes les infractions correctionnelles, c’est-espérer que les
consultations en vue d’établir la liste des Travaux d’intérêt général soient achevées et
le texte y relatif, édicté.
2. Les peines accessoires
A côté des peines principales et de substitution, on retrouve les peines
accessoires. Elles peuvent être définies comme des peines qui découlent
automatiquement et implicitement de la condamnation à une infraction déterminée.
Ce type de peine a été écarté par certains législateurs dans leur Code pénal. C’est le
cas actuellement de celui français.
8
Le législateur camerounais quant à lui a maintenu les peines accessoires. En
effet, à l’article 19 du Code pénal camerounais, on peut lire : « Les peines
accessoires sont :
1) Pour les personnes physiques :
Les déchéances ;
La publication du jugement ;
La fermeture de l’établissement ;
La confiscation ;
2) Pour les personnes morales :
L’interdiction pour une durée déterminée d’exercer directement ou
indirectement une ou plusieurs de ses activités ;
Le placement pendant une durée déterminée sous surveillance judiciaire ;
La fermeture pour une durée déterminée des établissements ou succursales
ayant servi à la commission des faits incriminés ;
L’exclusion des marchés publics à titre définitif ou pour une durée
déterminée ;
L’interdiction pour une durée déterminée d’émettre des chèques autres que
ceux qui permettent le retrait des fonds par l’entreprise elle-même auprès du tiré ou
ceux qui sont certifiés ;
L’interdiction pour une durée déterminée d’utiliser des cartes de paiement ;
La confiscation de la chose qui a servi ou était destinée à commettre
l’infraction ou de la chose qui en est le produit ;
La publication du jugement ou sa diffusion par voie de presse écrite, parlée,
audiovisuelle ou cybernétique.
Les peines prévues aux articles 18(b) et 19 (b) du présent Code ne sont pas
applicables aux personnes morales de droit public dont la responsabilité pénale est
susceptible d’être engagée, aux partis politiques et aux syndicats professionnels. »
3. Quid des mesures de sûreté
Afin d’élargir le spectre de compréhension du droit de la peine, il convient de
s’attarder un tant soit peu sur les mesures de sureté.
A ce sujet, il convient de dire qu’elles sont de simples précautions de
protection sociale destinées à prévenir la récidive d’un délinquant ou à neutraliser
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l’état dangereux. Elle se distingue très nettement des peines par leur fondement, par
leur but et par leur contenu.
Peine et mesures de sûreté sont deux choses très différentes. Les peines
sont le résultat de la théorie objective de l’infraction tandis que les mesures de
sûreté sont une émanation de la théorie subjective de l’infraction.
A la différence des peines, le fondement des mesures de sûreté est l’état
dangereux, et non la culpabilité du prévenu. Leur but est la prévention individuelle
et non la rétribution et l’expiation. Enfin les mesures de sûreté ne présentent aucun
caractère afflictif et infamant.
Le législateur camerounais a prévu à l’article 20 du Code pénal, diverses
mesures de sureté. Ledit article dispose en effet comme suit :
« Les mesures de sûreté sont :
1) Pour les personnes physiques
L’interdiction de l’exercice de la profession ;
La relégation ;
Les mesures de surveillance et d’assistance postpénales ;
L’internement dans une maison de santé ;
La confiscation.
2) Pour les personnes morales
L’interdiction de s’investir dans une activité précise pour une durée
déterminée ;
La confiscation ;
Le placement sous surveillance judiciaire pour une durée déterminée. »
II) LE DROIT PENITENTIAIRE
Les condamnés à mort : interrogations
La peine d’emprisonnement : l’état du système pénitentiaire
Lorsqu’on aborde ce sujet, on se pose en général la question suivante : La
prison est-elle un lieu de non-droit ?
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Le constat que l’on fait en général est que la dégradation du système trouve
sa source à la fois dans le contenu des législations en matière pénitentiaire et
criminelle.
Cette dégradation entraîne le problème de la surpopulation carcérale qui a
pour corollaire les conditions de vie difficiles, voire inhumaines pour les locataires de
ces établissements. A cela on peut ajouter les problèmes de récidive qui donnent
l’impression que le droit de la peine et le droit pénitentiaire sont parfaitement
inefficaces.
La crise du système pénitentiaire se traduit par un certain nombre de
dysfonctionnement au rang desquels :
L’absence d’une vision pénitentiaire d’ensemble ;
L’inadéquation fonctionnelle des prisons.
Quelques statistiques du Ministère de la justice10
S’agissant de la situation d’ensemble de la population carcérale : Dans
l’ensemble, les prisons fonctionnelles peuvent accueillir 17 895 détenus, mais en
contiennent en fin 2013 presque 27 000, soit un ratio de 1,5. Cette surpopulation
carcérale s’observe dans sept (7) régions, et est plus visible dans les prisons du
Littoral, où la population carcérale dépasse le double de la capacité d’accueil. Les
seules régions où le nombre de détenus reste dans les limites de la capacité d’accueil
sont l’Adamaoua, l’Est et le Nord-Ouest.
Pour ce qui est de l’espace disponible, on note qu’un détenu dispose en
général de moins de 2 mètres carrés. Cet espace est beaucoup plus réduit dans
les régions de l’Extrême-Nord, du Nord, de l’Ouest et du Sud, où un détenu dispose
en moyenne d’un espace inférieur à un mètre carré.
S’agissant des détenus prévenus : 16 841 personnes étaient placées
sous mandat de détention provisoire dans les prisons du Cameroun, dont 716
mineurs et 381 femmes. Dans les prisons du Centre, ils sont 4 725 prévenus
détenus en fin 2103, contre 555 dans le Nord-Ouest. Les femmes et les filles ne
10 Source : Rapport de l’Institut National de la Statistique daté de Novembre 2014. Ce rapport est intitulé
« Rapport sur la situation de référence des indicateurs de la chaîne pénale au Cameroun ».
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sont pas nombreuses dans les prisons, puisqu’elles représentent moins de 2% de
l’ensemble de la population carcérale.
S’agissant des détenus condamnés : 9 802 détenus condamnés se
trouvaient dans les prisons du Cameroun, dont 160 mineurs et 227 femmes, soit
respectivement 2,3% et 1,6% de détenus condamnés. Dans le Centre, 2 220
condamnés se trouvent dans les prisons, et dans l’Extrême-Nord, le Littoral et le
Nord, on compte plus de 1000 détenus condamnés dans chaque région.
Mesures à prendre afin de promouvoir les droits de l’Homme en milieu
carcéral
Lors de l’édition 2016 de la réunion annuelle des chefs des Cours d’appel et des
délégués régionaux de l’Administration pénitentiaire convoquée par le ministre d’Etat,
ministre de la Justice, Garde des Sceaux, les 18 et 19 août dernier, l’un des objectifs
était le respect des droits de l’homme en prison.
Conformément à iceux, la personne détenue conserve ses droits et
notamment :
Droits familiaux
Mariage d'une personne détenue
Le mariage d'une personne détenue peut être célébré en prison sur réquisition
(autorisation) du procureur de la République. Le futur époux ou la future épouse et
les témoins doivent être titulaires d'un permis de visite.
La cérémonie peut aussi avoir lieu à l'extérieur, en mairie, notamment celle de
la commune où réside le futur époux ou la future épouse en liberté.
Pour cela, le détenu doit obtenir une permission de sortir auprès du Régisseur
ou des autorités judiciaires.
En France, ce droit n'est ouvert qu'aux détenus : condamné à une peine
définitive, ayant déjà exécuté la moitié de leur peine, et n'ayant plus qu'à subir un
temps de détention inférieur à 3 ans. Les personnes en détention provisoire ne
peuvent pas bénéficier de ce droit.
Au Cameroun, Monsieur YMF a bénéficié de ce droit.
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Autorité parentale
Si la déchéance n'est pas prononcée lors du jugement de condamnation, la
personne détenue conserve l'autorité parentale sur ses enfants.
Une personne condamnée a le droit de reconnaître son enfant. Un officier d'état
civil de la commune dont dépend l'établissement se rendra auprès de la personne
pour lui faire signer la reconnaissance de paternité.
Maladie ou décès d'un proche
La personne détenue peut obtenir une permission de sortir si un de ses proches
est gravement malade ou décédé. Il pourra ainsi se rendre à l'hôpital ou à
l'enterrement. La permission est accordée par le régisseur, après avis des autorités
judiciaires.
Le droit de sortie est souvent accordé sous escorte. Le détenu sera menotté et
surveillé en permanence. Problème de discrétion.
*LES DROITS SOCIAUX
Maternité : Les femmes détenues peuvent garder leur enfant jusqu'à l'âge de 18 mois.
Retraite : La prison n’empêche pas la jouissance de ces droits.
DROITS CIVILS ET POLITIQUES
Un détenu conserve le droit de vote, sous réserve de respecter les conditions
prévues pour l'élection (majorité, nationalité, inscription sur les listes électorales).
DROITS DE RECOURS
Décision d'un juge : En cas de refus du juge de délivrer une permission de
sortir ou une autorisation sous escorte, le détenu ne peut pas faire de recours. Cette
décision est définitive.
Décision du Régisseur de la prison : Le détenu peut exercer un recours
hiérarchique en adressant un courrier à l'autorité supérieure de celle qui a pris la
décision contestée.
Toute personne détenue peut saisir le tribunal administratif d'une décision de
l'administration faisant grief ou lui causant un dommage.
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CONCLUSION
En guise de conclusion, il faut dire que bien que le droit de la peine et le droit
pénitentiaire aient connu quelques avancées dans le monde en général et au
Cameroun en particulier, il convient de relever pour le déplorer que beaucoup reste
encore à faire.
C’est le lieu ici de souligner le rôle que doit jouer l’Avocat, aussi bien dans la
défense des intérêts de son client que dans le combat pour l’avancée des Droits de
l’Homme. Il doit pour cela s’armer de beaucoup de courage car comme le disait
BADINTER : « Le courage, pour un avocat, c'est l'essentiel, ce sans quoi le
reste ne compte pas : talent, culture, connaissance du droit, tout est utile à
l'avocat. Mais sans le courage, au moment décisif, il n'y a plus que des
mots, des phrases, qui se suivent, qui brillent et qui meurent ».
Il demeure toutefois que, face à l’échec des politiques de durcissement de la
répression comme moyen de réponse pénale au phénomène criminel, on ne peut
s’empêcher de se demander si ce n’est pas Michaelle Jean, Secrétaire Générale de
l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) qui a vu juste. Dans un
discours prononcé à Paris en date du 06 Juin 2016 à l’occasion de la Conférence sur
la lutte contre le terrorisme et la prévention de la radicalisation violente, elle avait dit
ceci : « Je conclurai enfin ce propos en vous faisant part de ma conviction
profonde que pour lutter contre le terrorisme et la radicalisation violente,
il faut que nous puissions donner à la jeunesse des raisons d’espérer, créer
avec les jeunes les conditions propices au développement des économies
de nos Etats, à leur inclusion politique, sociale, professionnelle, à leur
ancrage dans l’histoire, dans leur histoire, dans notre histoire... ».