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    QUESTIONS DE PEDAGOGIE DANS LENSEIGNEMENT SUPERIEUR LILLE juin 2005

    CONSTRUIRE LE SENTIMENT D'EFFICACITE PERSONNELLE

    EN FORMATION PROFESSIONNELLE SUPERIEURELe cas des novices dans les champs du travail social

    et de la sant publique.

    Marc NAGELS,Responsable du dveloppement de la qualit pdagogique, Ecole nationale de la sant

    publique - Francee-mail : [email protected]

    Rsum :Lacquisition de comptences par des novices du travailsocial et de la sant publique est principalement le rsultatdun apprentissage autodirig. Dans la perspective dudveloppement en formation des comptences critiques, cetapprentissage autodirig est analys travers le rle jou parle sentiment d'efficacit personnelle et les lmentsconstitutifs des schmes dactivit.

    Mots-cls :Engagement en formation, comptence critique, sentimentdefficacit personnelle, autodirection des apprentissages,schme dactivit.

    Comment impliquer llve dans sa formation au-del de lasimple consommation ? Comment dvelopper lespritdentreprendre des lves ? Ces deux questions,constitutives de la thmatique Nouveaux tudiants etnouvelles manires de sengager en formation , sont posesdabord du point de vue de lingnieur de formation et delingnieur pdagogique. Le prisme danalyse nest pas celuide lactivit de llve, de lapprenant. Lingnieurpdagogique se donne souvent comme but de guider

    lactivit de llve, de diriger son apprentissage et de crerles conditions de lefficacit du dispositif de formation. Cetteapproche htro structurante doit nanmoins rencontrer uneautre dmarche, auto structurante, celle du sujet, acteur de saformation tant il est certain que linjonction lapprentissagene suffit pas constituer un sujet social apprenant.Linjonction Apprend ! est confronter une autrequestion descriptive de la thmatique : Quels sont lagense, la vie et le dclin des dsirs de savoir, de faire,dapprendre ? Cette fois, un autre versant delapprentissage est dsign : celui de lautoformationducative accompagne ou non, des formations ouvertes , des formations en alternance intgre . Ces

    modes de formation cherchent croiser les logiques delingnieur pdagogique et du sujet social apprenant.

    Dans le cadre de cette communication, suite des entretiens

    exploratoires avec des conseillres en conomie sociale etfamiliale et des mdecins inspecteurs de sant publiquenovices, nous examinerons lactivit de ces apprenants et laconstruction de leur sentiment d'efficacit personnellelorsquils sont amens acqurir des comptences critiques.Dans un second temps, nous envisagerons lanalyse dusystme lintrieur duquel interagit lapprenant :autorgulation interne au sujet, comportementsdapprentissages, interactions avec lenvironnementprofessionnel.

    I ENGAGEMENT EN FORMATION,AUTODIRECTION DES APPRENTISSAGESET SENTIMENT D'EFFICACIT

    PERSONNELLE

    Lengagement en formation est le fait du sujet et ses motifsdengagement sont toujours pluriels, contingents etvolutifs 1. Ce nest pas le dispositif de formation lui-mmequi cre lengagement. En revanche, que celui-ci sorientevers des modalits douverture et offre lapprenant desopportunits de prise de contrle de sa formation etlengagement sera favoris. Les apprenants mobiliseront

    dautant plus leurs ressources affectives et motivationnelles.Il est certainement possible de considrer que les texteslgaux et rglementaires sur la formation initiale et continueincitent la formation et dveloppent des contextes facilitantqui favorisent lengagement en formation. Au niveau desappareils de formation, les conditions de lengagement enformation sont chercher du cot de la mise en uvre desdispositifs de validation des acquis de lexprience et desstratgies dingnierie de formation qui privilgient desdmarches de positionnement et proposent des contrats deformation avec les apprenants pour des parcoursindividualiss dapprentissage. Mais analyser plusprcisment la part de lapprenant dans les phnomnes

    dengagement en formation ncessite de changer deperspective, dabandonner, au moins provisoirement, le

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    courant de l autoformation ducative et ses dispositifsde formation ouverte pour une approche centre surlindividu. Ce versant sociocognitif de lautoformationsintresse lautodirection des apprentissages et ses deuxdimensions : lautodtermination et lautorgulation desapprentissages 2. Depuis la fin des annes 1990, ce courant

    sociocognitif est en dveloppement rapide et met laccent surles aspects conatifs, motivationnels, et autorgulateurs delengagement en formation. Lautonomie en formation, lesmotivations, lautoformation sont des phnomnes de plus enplus explors et les tudes se sont multiplies ces derniresannes. Larticulation de lanalyse des dispositifs et descomportements autodirigs des sujets donne aujourdhuicorps la notion dapprenance comme un ensemble stablede dispositions affectives, cognitives et conatives, favorables lacte dapprendre, dans toutes les situations formelles ouinformelles, de faon exprientielle ou didactique,autodirige ou non, intentionnelle ou fortuite 3 .Lautodirection des apprentissages peut tre dfinie par ses

    deux dimensions :

    lautodtermination. Un apprenant autodtermindtient le pouvoir de dcider du sens de laformation quil entreprend et il contrlelintentionnalit de la formation. Il procde deschoix autonomes dengagement en formation.

    lautorgulation. Un apprenant autorgul surveille,value et contrle son fonctionnement cognitif lorsdes apprentissages. Il manifeste des comportementsdefficience, de persistance et de rsilience face ladifficult des apprentissages.

    En formation professionnelle suprieure, nous pouvonsobserver des apprenants autodirigs : ils sont capables dedonner une signification sa formation et dexercer uncontrle sur leurs apprentissages. Ces apprenants pilotentleur formation.Le concept dautodirection est trs proche du concept cl dela thorie sociale cognitive formule par Albert Bandura :lautoefficacit ou le sentiment d'efficacit personnelle 4. Enfait, lagentivit, le pouvoir personnel et collectif dagir,constituent le socle sur lequel repose lautodirection desapprentissages. Lefficacit personnelle perue est dfiniecomme la croyance de lindividu en sa capacit dorganiserses comportements pour obtenir les rsultats souhaits :

    Lautoefficacit perue concerne les croyances

    des gens dans leurs capacits agir de faon matriser les vnements qui affectent leursexistences. Les croyances defficacit forment lefondement de la capacit dintervention humaine. Siles gens ne pensent pas quils peuvent produire lesrsultats quils dsirent par leurs actions, ils ont peude raisons pour agir ou persvrer en face desdifficults 4.

    Notons que Bandura situe toujours la perception defficaciten rapport des activits prcises et contextualises. Nousvoquerons donc ici lautoefficacit spcifiquementdveloppe par des novices du champ du travail social

    (conseillres en conomie sociale et familiale) ou de la santpublique (mdecins inspecteurs de sant publique),

    lautoefficacit au travail et la formation portant surlapprentissage des comptences critiques. Nous pourrionsconsidrer quun indice de russite dune formationprofessionnelle est la prise en charge de rles professionnelsefficaces, persistants et volutifs par les novices lissue ouen cours de formation. La prise en charge de tels rles

    professionnels se caractrise par lacquisition decomptences critiques, elles se dfinissent comme lescomptences acquises par un individu au cours de sonexprience, et qui font de lui quelquun dirremplaable danscertaines tches 5. Un professionnel peut ainsi dvelopperdes comptences dans son champ dactivit quil seraventuellement le seul possder au sein de son quipe.Notons que le caractre critique dune comptence ne semesure pas seulement au caractre difficilement remplaablede lindividu qui la possde mais aussi la difficult quil ya lacqurir . Les contextes formatifs ou professionnelsqui favorisent lacquisition des comptences critiques sontaussi ceux qui offrent des situations permettant le

    dveloppement du sentiment d'efficacit personnelle. Eneffet, lautoefficacit des apprenants se dveloppe traversquatre sources principales :

    Lexprience vcue : les succs et les checs, parexemple lors dun stage en cours de formation,entranent respectivement une augmentation ou unediminution du sentiment de sa propre efficacit.Remarquons que la relation nest pas directe entrela russite et le niveau du sentiment d'efficacitpersonnelle. Les novices infrent des situations leslments qui vont augmenter ou diminuer leursentiment d'efficacit personnelle. Un succs facileou un chec dans des conditions impossibles

    nauront pas de consquence directe sur lesentiment d'efficacit personnelle. Cest loccasion de squences danalyse des pratiqueslors du retour en centre de formation aprs le stageque les stagiaires peuvent notamment exprimer cesretours dexprience. La comparaison sociale joueun rle notable dans lapprciation du succs ou delchec.

    Lexprience vicariante : lorsquun novice a peudexprience de lactivit raliser, lobservationdun pair confront la mme activit et obtenantun certain rsultat peut entraner une augmentationou une diminution du sentiment d'efficacit

    personnelle li laccomplissement de lactivit.Implicitement, ce mode dapprentissage et derenforcement du sentiment d'efficacit personnelleest au cur de la relation tuteur de stage apprenant. Le niveau du sentiment d'efficacitpersonnelle sera dautant augment quelidentification du novice au pair est possible. Untrop grand cart peru par le novice avec le statut,la comptence ou lexprience professionnelle dututeur constituerait un obstacle.

    La persuasion verbale, celle dun formateur ou dunenseignant peut intervenir dans la construction dusentiment d'efficacit personnelle. Cette influencese rvle dune porte moindre que les deuxpremires. Elle peut sexercer lors de trs

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    nombreuses squences de formation, notammentlors du tutorat ou de rencontres inter individuellespendant lesquelles les formateurs cherchent crerun renforcement positif des comptences.

    Ltat motionnel ou physiologique, le stress ouleuphorie en situation dexamen ou de test, peuventtre vcus comme des signes dune plus ou moinsgrande efficacit personnelle. Un mdecininspecteur de sant publique ou une conseillre enconomie sociale et familiale qui ressent untremblement des mains ou qui entend sa voix quichevrote lentre dune runion quil doitconduire peut interprter ces signes physiologiquescomme autant de confirmation de son manque decomptences.

    Le niveau du sentiment d'efficacit personnelle va intervenirdune manire trs intressante par exemple en formation.Face des alternatives, sengager ou non en formation parexemple, un faible niveau du sentiment d'efficacitpersonnelle peut provoquer un vitement de situations quirvleraient une incomptence suppose. A linverse, unsentiment d'efficacit personnelle de bon niveau conduit sefixer des buts plus ambitieux et permet de sorienter vers desparcours de formation plus exigeants mais qui paraissent porte. Non seulement, les objectifs sont plus levs mais lapersistance dans lactivit de formation, la rsistance audcouragement, montrent la plus grande rsilience face auximprvus et difficults dont font preuve ces apprenants.6 Unsentiment d'efficacit personnelle lev non seulementconduit dterminer des buts levs mais il favorisegalement lautorgulation des apprentissages. Nous

    persistons plus et nous sommes plus en capacit deconstruire des stratgies dapprentissage performantes.Le sentiment d'efficacit personnelle est ici facteur dedveloppement professionnel et personnel et Bandura noteque le sentiment defficacit que les nouveaux manifestentet dveloppent au cours de leur formation professionnelle endbut de carrire contribue au succs de ce processus desocialisation 4. Cest ainsi que lacquisition descomptences critiques, essentiellement dordre managrial,avec lesquelles le novice gre la ralit sociale des situationsde travail, un aspect essentiel de lunivers professionnel ,est pour partie dpendante de lefficacit personnelle perue la formation.

    Le niveau de lautoefficacit se rvle prdictif des rsultatsobtenus par les novices, toutes choses tant gales parailleurs et indpendamment du niveau dexpertise atteint parles apprenants pour la ralisation de lactivit. Il est doncintressant de constater, quen formation, le sentimentd'efficacit personnelle est un facteur majeur de laperformance dans les apprentissages et que lengagement enformation se trouve dans une relation de causalit rciproqueavec le niveau du sentiment d'efficacit personnelle. 4

    II DVELOPPEMENT DESCOMPTENCES ET SENTIMENTD'EFFICACIT PERSONNELLE

    Formule par Bandura, la thorie sociale cognitive analyse lefonctionnement psychologique des individus travers unsystme de causalit triadique. En effet, trois ples sont eninteraction rciproque dans des proportions variables selonles circonstances :

    la personne avec ses cognitions, ses affects, sonsentiment d'efficacit personnelle.

    Les comportements, cest--dire les actes effectifset les schmas comportementaux.

    Lenvironnement social, de formation,professionnel avec ses ressources et ses contraintespour lindividu.

    Applique lacquisition de comptences, la thorie socialecognitive postule une structure causale () qui concerne la fois le dveloppement des comptences et la rgulation delaction , le problme est pos comme tant celui de latransformation de la pense en action [qui] opre parlintermdiaire dun processus dadaptation auxconceptions 4. Il faut donc diffrencier, dune part, lesconceptions guidantes de laction, les structures deconnaissance et, dautre part, les comportementscomplexes, lments observables traduisant lintgration descomptences. Les structures de connaissance donnent lieu des actions comptentes grce des oprationstransformationnelles et productives. Elles sont de vritables

    guides cognitifs et se forment par apprentissage :apprentissage par observation, activits exploratoires,instruction orale ou crite et synthses cognitives deconnaissances pralables. Les structures de connaissanceconstituent galement des critres internes pour valuerles comportements produits et occasionner les ajustementscomportementaux ncessaires. Les comptences nesexerant jamais dans des contextes identiques mais varis,les ajustements se rptent pour amliorer les aspectscomportementaux des comptences. Laccent est mis sur lacontrlabilit de ses manires dexcuter ses conceptions 4.Le sentiment defficacit personnelle intervient ainsi plusieurs niveaux de la construction de comptences : lors

    des processus motivationnels lapprentissage et pendant lesmcanismes cognitifs dautorgulation 4. Une foislapprentissage intgr, la comptence acquise, le guidagecognitif diminue dintensit, laction comptente seroutinise ; les individus agissent sur la base de leur sentimentdefficacit personnelle et maintiennent le niveau deralisation de laction, confiants en leur capacit secomporter de manire performante. Les comptences etnotamment les comptences critiques ncessitent un longapprentissage et une familiarisation des contextesdapplication varis. Lintgration des comptences supposedes efforts nombreux et soutenus. Une fois dpasses leserreurs les plus grossires, les amliorations sont plus lentes.

    Si ce fait est interprt comme latteinte des limites de lapersonne, le sentiment defficacit personnelle ne slvera

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    plus et linvestissement pour dvelopper encore le niveau decomptences baissera. Les expriences les plus rcentes pourles individus sont aussi celles qui sont le plus facilementremmores alors quelles ne sont pas obligatoirementreprsentatives de lensemble des capacits des individus, laformation des comptences ncessitant dintgrer des

    expriences rptes dans le temps. Nous pouvons ainsipenser que la professionnalisation se construit sur la basedun sentiment defficacit personnelle lev en relation aveclintgration de comptences critiques 4.Les novices engags en formation, comme ceux que nousavons rencontrs, conseillres en conomie sociale etfamiliale et mdecins inspecteurs de sant publique enformation, escomptent acqurir des comptences dediffrentes natures.En premier lieu, ils acquirent les comptences ncessairespour traiter les situations quils rencontrent habituellementsur le terrain. Mais certains aspirent intgrer dautrescomptences, ils souhaitent en effet devenir des

    professionnels particulirement reconnus par leurs collgues.Recherchant un niveau dexcellence professionnel, ils semobilisent pour acqurir des comptences critiques au-deldes apprentissages proposs formellement par lcole et parles terrains professionnels. Ils sattachent produire uneaction performante et rpondre aux exigences perues deleur environnement professionnel. Lingnierie de formationdploye par les centres de formation initiale propose le plussouvent dacqurir les techniques de base et non lescomptences critiques, considres comme hors duprogramme en formation initiale ou travailler lors desessions de formation continue. Par consquent, lesapprenants dveloppent des stratgies dautoformation,

    dautodirection des apprentissages pour parvenir leurs fins,stratgies dautant plus performantes que leur sentimentd'efficacit personnelle sera lev. Ces modesdapprentissages autodirigs se caractrisent parlautodtermination des buts de formation, comptences acqurir et situations de travail, et par lautorgulation desapprentissages, processus mtacognitifs dauto observationet dautovaluation de ses apprentissages.Lautorgulation se dfini comme le contrle quexercelapprenant sur ses stratgies dapprentissage, lesquelles sontpour partie observables travers les comportementsmanifests par les apprenants 7. En effet, nous considrons icique les novices qui disposent dun sentiment defficacit

    personnelle lev la prise en charge des rlesprofessionnels mobilisent, plus que dautres, des processusdautorgulation dans lapprentissage des comptencescritiques.

    II.1 Caractristiques du sentiment d'efficacitpersonnelle au travailLes conseillres en conomie sociale et familiale disposentdun sentiment d'efficacit personnelle gnralement lev.Leur efficacit perue stend sur une large gamme allant descomptences quelles qualifient de techniques (animation

    de temps dactivit avec les usagers dun centre social, miseen uvre dune aide ducative budgtaire, conception de

    temps dinformations sur la vie quotidienne, suivi de dossiersadministratifs, etc) des comptences plus relationnelles telles que la conception de projets dintervention enpartenariat. Leur sentiment d'efficacit personnelle lev leurpermet de dpasser les obstacles institutionnels, de contrlerles contraintes environnementales et de dvelopper une

    grande confiance en leurs capacits dintervention aubnfice des populations cibles.Les mdecins inspecteurs de sant publique novices, ladiffrence des conseillres en conomie sociale et familiale,sont plus enclins lincertitude sur leurs comptences. Ilsmontrent un sentiment d'efficacit personnelle plus bas et quiconcerne une gamme plus restreinte dactivits. Une partiedes mdecins rencontrs doute de sa comptence situer sonrle et les dterminants institutionnels de son action. Enconsquence, ils redoutent souvent de sexposerprofessionnellement et prouvent un sentimentdimmobilisme et dinaction. La plupart du temps, lesmdecins rencontrs sengagent dans des tches techniques

    mais ils considrent que leurs checs sont causs par un tropfaible investissement personnel. Certains mdecinsinspecteurs de sant publique ne parviennent pas crer ladisponibilit et la productivit attendue par la hirarchie etles collgues. Cela semble tre une cause et une consquencedun sentiment d'efficacit personnelle peu lev.Les comptences critiques releves au fil du discours desconseillres en conomie sociale et familiale et des mdecinsinspecteurs de sant publique prsentent une caractristiquecommune : elles appartiennent la sphre relationnelle dumanagement de projet et du management dquipes. Lesconseillres valorisent par exemple les comptencesdanalyse stratgique des situations sociales, les comptences

    relationnelles ncessaire lentretien en face--face avec lesusagers ou la mobilisation des partenaires sur un territoire.Les mdecins saccordent quelques comptences critiquescomme, par exemple, communiquer sur la scne publique,dpasser les obstacles relationnels, grer les rapports depouvoir au sein des administrations sanitaires et sociales,animer un rseau de partenaires, organiser le travail degroupe, planifier ses activits et sengager personnellementdans lactivit.

    II.2 Autorgulation de lapprentissage des comptencescritiquesLes coles ne dveloppent pas toujours de stratgiesexplicites dapprentissage des comptences critiques.Nanmoins, les novices peuvent observer des collgues quisemblent en disposer mais ceux-l ne cherchent pas non plussystmatiquement transmettre leurs comptences. Dans cesconditions, lapprentissage des comptences critiquessuppose que les novices se fixent eux-mmes leurs objectifsdapprentissage et autovaluent leur progression. Nousobservons que les conseillres mobilisent, rgulirement etavec succs, leur rfrent de stage pour progresser et crerde nombreuses situations dapprentissage. Ce nest pas le casdes mdecins qui semblent connatre des difficults reprer

    les personnes ressources et semblent subir une plus grandesolitude dans un milieu professionnel jug moins coopratif.

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    Ils doivent alors faire preuve dun volontarisme encore plusaffirm pour rejoindre les bonnes quipes ou sinclure dansdes projets qui peuvent leur servir de situations de formation.Nous constatons que le niveau du sentiment d'efficacitpersonnelle semble effectivement agir sur le type dobjectifsque les novices se fixent. Les conseillres visent rapidement

    une optimisation de leurs pratiques. Les mdecins, eux, sedonnent prioritairement lobjectif de comprendre leurcontexte de travail et leur mission. Cest un objectif moinsengageant qui peut les mobiliser sur une assez longuepriode lors de la prise de poste.Lautorgulation de leurs comportements dapprenants estmarque par une gestion du temps moyen terme. Lesmdecins inspecteurs de sant publique se projettent ainsisur plusieurs annes et certains voquent une duredapprentissage de cinq ans sur le terrain. Lautorgulationdes comportements se caractrise galement par desprocessus dautomonitoring, de surveillance des conditionsde leurs apprentissages et des rsultats obtenus. 7 Les

    mdecins vrifient frquemment la nature de leurs savoirsdclaratifs et de leurs savoirs procduraux avant de sedcider agir.En rsum, lanalyse de ces entretiens exploratoires nousrenseigne sur la causalit rciproque existante entre deuxtypes de facteurs : dune part les caractristiques dusentiment d'efficacit personnelle la prise en charge derles professionnels, dautre part les comportementsautorguls et les pratiques autoformatives visant dvelopper une activit performante en situation et acqurir des comptences critiques. Le sentiment defficacitpersonnelle intervient donc plusieurs niveaux de laconstruction de comptences : cest un facteur motivationnel

    lapprentissage et il guide les mcanismes cognitifsdautorgulation.Un sentiment defficacit personnel lev contribuerait plusque tout autre facteur la socialisation professionnelle 4. Ilconduit les individus prendre en charge des rlesprofessionnels performants qui vont au-del de la simpleadaptation aux exigences du poste occup. La thorie socialecognitive explique que la croyance en son efficacit joue unrle particulirement important lorsquil sagit dadopter unenouvelle profession et prendre en charge de nouveaux rlesprofessionnels. Ces rles professionnels sont marqus parlexercice de comptences techniques , dites de base par les professionnels, mais aussi et de manire plus

    performante, par la mise en uvre de comptences critiques.En effet, il ne sagit pas seulement dacqurir de nouvellescomptences et de guider ses comportements sur la base deces comptences, les individus doivent aussi tre rsilientsface aux difficults de lexercice professionnel. Bandurarappelle que : Lauto construction du rle peut aussi treplus stressante en raison des incertitudes et des risquesquelle implique, contrairement lattitude qui consiste simplement adopter des dfinitions et des pratiques de rlestablis. 4. Au-del des orientations et des discoursfavorables lacquisition des comptences critiques, lesnovices acquirent-ils les rles professionnels souhaits,cest--dire, obtiennent-ils une efficacit remarquable et

    remarque dans la conduite de leurs activits ? Pourrpondre ces questions, il faudra nous intresser lanalyse

    de leurs activits et aux oprations cognitives qui lesdterminent.Bandura dveloppe peu la nature des oprationstransformationnelles et productives par lesquelles lesstructures de connaissance vont guider les comportements. Ilvoque essentiellement la prsence de sous-comptences

    cognitives, sociales (slection des types dactivits et desenvironnements dans lesquels nous voulons vivre),motionnelles et comportementales qui doivent treorganises et orchestres efficacement pour servirdinnombrables buts . Il indique que lautorgulation estbien une capacit productrice et organisationnelle de cesquatre sous-comptences. Cest pourquoi, il est probable quele passage des structures de connaissance auxcomportements efficaces ne sera pleinement expliqu quepar linteraction et la rtroaction des lments constitutifsdes schmes dactivit. Un schme est une manire de rglerson action en fonction des paramtres de la situation.Essentiellement, le schme est une organisation invariante

    de la conduite pour une classe donne de situations 5. Unschme est ncessairement compos de quatre sortesdlments : Des invariants opratoires (concepts-en-acteet thormes-en-acte) qui pilotent la reconnaissance par lesujet des lments pertinents de la situation, et de la prisedinformations sur la situation traiter ; des anticipations dubut atteindre, des effets attendre et des tapesintermdiaires ventuelles ; des rgles daction de type sialors qui permettent de gnrer la suite des actions dusujet ; des infrences (ou raisonnements qui permettent decalculer les rgles et les anticipations partir desinformations et du systme dinvariants opratoires dont

    dispose le sujet.) 8.

    Cest lobjet mme de la thorie des champs conceptuelsquedanalyser les oprations cognitives qui dclenchent lesactions comptentes. Les comptences tantindissolublement lies lactivit, nous pourrions avancerque le rsultat attendu de lapprentissage, dfaut de leconstater en situation, serait lexplicitation par les noviceseux-mmes, des lments constitutifs du schme pour chaquecomptence critique. Les schmes, parce qu'ils dcriventavec prcision de quelle manire les individus comprennentles situations et comment ils se prparent agir, rendentcompte de lactivit du sujet et du dveloppement descomptences professionnelles.Analysant les classes de situation dans lesquelles il situe son

    activit, lindividu nhsitera pas changer de schme, silen possde plusieurs, au vu des rsultats de soncomportement. Le changement de schme est possible pourVergnaud selon le rsultat de lautovaluation de ses proprescomportements. Bandura dveloppe une conception proche : La manire dont lindividu se comporte dtermine donclargement les rsultats quil obtient et la performance estcausalement antrieure aux rsultats. Une part desupputations est aussi intgre au schme : les infrencessont dfinies comme un calcul sur les rgles daction et lesanticipations. Bandura sintresse paralllement aux attentes de rsultats accompagnes de ses effetsphysiques, sociaux ou autovaluatifs 4.

    Quun certain nombre danticipations soit intgr au schmeou que les rsultats soient apprcis postrieurement auxcomportements, le point focal risque donc de rsider dans les

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    processus dautorgulation des comportements destins soutenir lengagement cognitif dans lactivit. Pour Banduraet Vergnaud les comptences autorgulatrices peuventsexercer dune manire quasi automatise ou sappuyer surdes dcisions absolument conscientes. Il sagit dediagnostiquer les exigences de la tche, dlaborer des

    alternatives laction et dtablir des buts ou desanticipations proximales.Le schme, dans son ensemble, joue la fonction que Banduraassigne la structure des connaissances : cest un guidecognitif qui se forme par apprentissage et qui dclenchelaction. Mais, plus prcisment, la structure desconnaissances ne comprendrait que trois lmentsconstitutifs du schme : les invariants opratoires, lesinfrences et les rgles daction. Les anticipations sont pluttdes processus cognitifs dordre motivationnel et ne sont pasdes connaissances. Quant Bandura voque ainsi lexistencedes oprations transformationnelles et productrices, ildevient possible de faire un parallle avec les lments

    constitutifs du schme dactivit, de les dtailler et de lesanalyser en examinant les interactions et les rgulations entreles invariants opratoires, les anticipations, les rglesdaction et les infrences.Disposer des outils danalyse de lactivit efficace etcomptente ouvre la voie une autre question, celle dudveloppement des comptences, voire de la formation lacomptence. Dans son chapitre sur le modelage instructif -lapprentissage guid par observation - Bandura qualifie lemodelage instructif de premier pas dans lacquisition decomptences 4. Les effets dune telle mthodedapprentissage y sont trs largement dvelopps,notamment ses excellents rsultats en formation

    professionnelle pour lacquisition de comptencesprofessionnelles prcisment. Cette mthode repose surlobservation des procdures de dcision et les stratgiesde raisonnement que les modles utilisent quand ilsparviennent des solutions . Lobservation et lcoutedexemples varis renforcent lintrt et acclrentlapprentissage. Le niveau defficacit perue slve. Mais, nouveau, il est permis de sinterroger sur les oprations productrices et organisationnelles qui sont sollicites parlobservation et lcoute. Lors du modelage instructifplusieurs paramtres interviennent. Des informationspertinentes sont prsentes au sujet qui sont de nature augmenter ou modifier ses invariants opratoires. De

    nouvelles anticipations se manifestent en terme dacceptationou de refus des consquences. Le modle verbaliseessentiellement des rgles daction que le sujet apprenant nesouponne pas ou dont il obtient la confirmation. Cest ainsique la gamme des infrences se dveloppe avec des calculsplus complexes sur les anticipations et les rgles dactionnouvelles en fonction des invariants opratoires et desinformations sur les situations qui sont disponibles.

    IV APPRENTISSAGE DES COMPTENCESCRITIQUES DANS UN SYSTME EN

    INTERACTION

    Nous avons considrer un systme de quatre variables quientretiennent des relations de causalit rciproque :

    le sentiment d'efficacit personnelle et lesmcanismes dautorgulation cognitive,

    les comportements et les pratiques autodirigesdapprentissage,

    lenvironnement professionnel et de formation,producteur de jugements sur la performance,

    lacquisition des comptences critiques.Les six relations rciproques peuvent snoncer

    hypothtiquement de la manire suivante.Relations environnement / sentiment d'efficacit personnelle.

    Une des consquences dun niveau de sentiment d'efficacitpersonnelle lev est que le sujet se fixe des butsdapprentissage ambitieux tels que lacquisition decomptences critiques. Or les comptences critiques sontlobjet dune reprsentation sociale portant sur le jugementde la performance. Dvelopper une comptence critiquecest, pour le sujet, bnficier dun jugement social positif.En retour, les jugements sociaux positifs issus delenvironnement agissent sur la construction du sentimentd'efficacit personnelle travers les mcanismes de

    persuasion, de modelage et leurs effets sur les processusaffectifs et cognitifs.Relations sentiment d'efficacit personnelle / comportements

    Un niveau lev du sentiment d'efficacit personnellerenforce lengagement dans les pratiques autodirigesdapprentissage. En retour, les comportementsdapprentissage des comptences critiques manifests danslactivit modifient la perception de soi et ses croyancesdefficacit.Relations environnement / comportements

    La manifestation de comportements autodirigs influence

    lenvironnement professionnel et les organismes deformation. Dans le meilleur des cas, lattention porte auxapprenants est de meilleure qualit et lenvironnement peutrpondre dune manire plus spcifique aux demandesparticulires des apprenants autodirigs. A linverse, certainsenvironnements peroivent lapprenant autodirig comme unfacteur de dstabilisation des habitudes et des routinesanciennes. Craignant lirruption danalyses nouvelles oudactes professionnels innovants, sinon plus efficaces, lesprofessionnels peuvent ne pas encourager le novice poursuivre ses efforts dinvestigation. En retour, lesapprenants adaptent leurs comportements loffre deformation ou tentent de dpasser les obstacles. Ils peuventdployer des comportements dauto documentation ou desollicitation de professionnels et de personnes ressources. Ils

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    ne se cantonnent pas leur seul terrain dapprentissagedsign.Relations environnement / acquisition de comptences

    critiques

    Lenvironnement professionnel observe le novice et son

    engagement dans lactivit. Les prescripteurs de laction, lesprofessionnels, les collgues, les bnficiaires de laction,analysent lactivit du novice sous langle de la performance.Lactivit dploye est-elle efficace ? Rpond-elle auxobjectifs dfinis ? Le service est-il produit conformmentaux attentes implicites ou explicites ? La performance est unrsultat remarquable ; le milieu professionnel lui attribue unevaleur, il value. La valorisation de la performancereprsente un enjeu social prsent dans les interactions entreprofessionnels. Il se cre un systme dattentes deperformance favorable lapparition et la reproduction descomptences critiques. Le novice peroit une possibilitdaction valorise, il peut sorienter vers lacquisition de

    comptences critiques en rponse aux sollicitations du milieuprofessionnel. En retour, le novice qui dveloppe de tellescomptences critiques devient difficilement remplaable sises collgues nont pas eux aussi structur les mmescomptences critiques.Relations comportements / acquisition de comptences

    critiques

    Lacquisition de comptences critiques parce quellencessite un long apprentissage et la familiarit avec unevarit de contexte suppose des comportementsdapprentissage qui sont le fruit de pratiques autodirigesspcifiques. En effet, il semble que lacquisition des

    comptences critiques ne soit inscrite pas au programme descentres de formation et ne fasse pas lobjet de processusexplicite de transmission sur les terrains professionnels. Dslors, lapprenant sengage dans des pratiques autodirigesqui visent mobiliser des savoirs, des ressourcesmtrologiques disperses dans son environnement. Son effortdanalyse, de synthse, de ttonnement exprimental, lemne dpasser les prescriptions dapprentissage, aller au-del du programme . Il est dailleurs vraisemblable queson inscription dans des pratiques autodiriges ait une autreconsquence. Lapprenant dvelopperait des savoirsinformels, dautres comptences utiles dans lexercice dumtier telles quune veille documentaire efficace, une

    capacit au travail en rseau, une aisance dans le travailcollaboratif, etc.Relations sentiment d'efficacit personnelle / acquisition de

    comptences critiques

    Le sentiment d'efficacit personnelle, en tant que systme decroyances defficacit sappuyant sur un traitement cognitifde linformation sur son efficacit, possde une capacitproductrice et organisationnelle des processus cognitifs dontlun consiste en la slection de types denvironnement etdactivits o lindividu se peroit efficace et en situation derussite. Un sentiment d'efficacit personnelle la prise encharge de rles professionnels performants, sil est de bon

    niveau, autorise lapprenant a slectionner desenvironnements plus exigeants o il sera conduit dvelopper des comptences critiques. Or les expriences

    actives de matrise assorties dindicateurs de capacitreprsentent la premire source de construction du sentimentd'efficacit personnelle 4. Plus le sentiment d'efficacitpersonnelle est lev plus les apprenants dveloppent descomptences et des comptences critiques. Les apprenantsagissent pour obtenir les rsultas souhaits et acqurir des

    comptences critiques. Lefficacit perue dtermine descomportements dapprentissage et dclenche des attentes dersultats, quil sagisse deffets physiques, sociaux ouautovaluatifs. Sentiment d'efficacit personnelle etintgration de comptences critiques sont ici dans unerelation de renforcement rciproque : Dans la vie courante,le dveloppement de la capacit personnelle grce auxexpriences de matrise est le moyen le plus puissant degnrer un sentiment d'efficacit personnelle fort etrsilient 4. En effet, les expriences de matrise constituentune information reconnue par lapprenant comme sa capacitdeffectuer des apprentissages efficaces. Le sentimentd'efficacit personnelle est modifi et augment en

    consquence.Dans cette optique, les comportements dapprentissage lesplus autodirigs seraient non seulement les plus librementmotivs, les mieux servis par des stratgies dapprentissageautorgules, mais aussi les plus tays sur une perceptionforte de ses comptences russir.

    RFRENCES

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