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ANATOMIE ARTÉRIELLE L’artère sous-clavière alimente la totalité du membre supérieur. Elle naît de la crosse aortique, donne comme branches principales l’artère vertébrale, l’ar- tère mammaire interne et le tronc thyro-bicervico-scapulaire avant d’atteindre le creux axillaire où elle prend le nom d’artère axillaire. Après avoir donné nais- sance à l’artère mammaire externe qui descend le long du thorax, elle prend le nom d’artère humérale (ou brachiale) sur tout son trajet au bras où elle donne naissance à de nombreuses branches à destinée musculaire dont la plus importante, mais pas toujours reconnaissable, est l’artère humérale postérieure (fig. 1). Passé l’interligne du coude, l’artère humérale donne naissance au quart supé- rieur de l’avant-bras à l’artère radiale, en règle dominante, à l’artère cubitale (ou ulnaire) et à l’artère interosseuse. L’artère radiale se divise en deux branches terminales en arrivant au poignet, en règle au niveau de la « tabatière anato- mique », branches qui alimentent de manière inconstante deux arcades anas- tomotiques situées dans la main et qui rejoignent typiquement l’artère cubitale terminale. L’arcade dite « profonde » présente un trajet assez direct et court en décrivant une convexité inférieure alors que l’arcade « superficielle » présente un trajet très tortueux remontant plus ou moins sur 1 à 2 cm le long de chaque métacarpien (fig. 2). C’est de ces arcades que partent les artères digitales avec une grande diversité anatomique. Chaque doigt est alimenté par deux artères, l’une interne (ou « médiale »), l’autre externe (ou « latérale »), remontant jusqu’à la pulpe où elles se réunissent pour alimenter la pulpe de la dernière phalange. Les variations anatomiques méritent d’être décrites car, même après des années d’expérience, il est parfois difficile pour le radiologue effectuant l’angiographie de démêler l’écheveau artériel alimentant certaines fistules de l’avant-bras. Les variations de l’artère sous-clavières sont rares et la plus connue est l’artère sous-clavière droite rétro – œsophagienne (« lusoria ») qui part de la crosse aor- tique en aval de l’artère sous-clavière gauche et croise la ligne médiane pour retrouver le membre supérieur droit. C’est à l’étage brachial et au coude qu’on rencontre la variation anatomique la plus fréquente, à savoir une origine isolée haute d’une artère de l’avant-bras, variation rencontrée dans 15 à 20 % des individus. C’est l’artère radiale qui est le plus souvent en cause et peut naître à n’importe quel niveau depuis l’artère axillaire jusqu’au coude (fig. 3). L’autre tronc artériel n’est dès lors plus vrai- 5 Anatomie radiologique et imagerie préopératoire des vaisseaux du membre supérieur J.-J. Godier et L. Turmel L. Turmel, Radiologie diagnostique et interventionnelle des accès artério-veineux pour hémodialyse © Springer-Verlag France 2012

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ANATOMIE ARTÉRIELLE

L’artère sous-clavière alimente la totalité du membre supérieur. Elle naît de la crosse aortique, donne comme branches principales l’artère vertébrale, l’ar-tère mammaire interne et le tronc thyro-bicervico-scapulaire avant d’atteindre le creux axillaire où elle prend le nom d’artère axillaire. Après avoir donné nais-sance à l’artère mammaire externe qui descend le long du thorax, elle prend le nom d’artère humérale (ou brachiale) sur tout son trajet au bras où elle donne naissance à de nombreuses branches à destinée musculaire dont la plus importante, mais pas toujours reconnaissable, est l’artère humérale postérieure (fig. 1).Passé l’interligne du coude, l’artère humérale donne naissance au quart supé-rieur de l’avant-bras à l’artère radiale, en règle dominante, à l’artère cubitale (ou ulnaire) et à l’artère interosseuse. L’artère radiale se divise en deux branches terminales en arrivant au poignet, en règle au niveau de la « tabatière anato-mique », branches qui alimentent de manière inconstante deux arcades anas-tomotiques situées dans la main et qui rejoignent typiquement l’artère cubitale terminale. L’arcade dite « profonde » présente un trajet assez direct et court en décrivant une convexité inférieure alors que l’arcade « superficielle » présente un trajet très tortueux remontant plus ou moins sur 1 à 2 cm le long de chaque métacarpien (fig.  2). C’est de ces arcades que partent les artères digitales avec une grande diversité anatomique. Chaque doigt est alimenté par deux artères, l’une interne (ou « médiale »), l’autre externe (ou « latérale »), remontant jusqu’à la pulpe où elles se réunissent pour alimenter la pulpe de la dernière phalange.Les variations anatomiques méritent d’être décrites car, même après des années d’expérience, il est parfois difficile pour le radiologue effectuant l’angiographie de démêler l’écheveau artériel alimentant certaines fistules de l’avant-bras.Les variations de l’artère sous-clavières sont rares et la plus connue est l’artère sous-clavière droite rétro – œsophagienne (« lusoria ») qui part de la crosse aor-tique en aval de l’artère sous-clavière gauche et croise la ligne médiane pour retrouver le membre supérieur droit.C’est à l’étage brachial et au coude qu’on rencontre la variation anatomique la plus fréquente, à savoir une origine isolée haute d’une artère de l’avant-bras, variation rencontrée dans 15 à 20 % des individus. C’est l’artère radiale qui est le plus souvent en cause et peut naître à n’importe quel niveau depuis l’artère axillaire jusqu’au coude (fig.  3). L’autre tronc artériel n’est dès lors plus vrai-

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L. Turmel, Radiologie diagnostique et interventionnelle des accès artério-veineux pour hémodialyse© Springer-Verlag France 2012

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5ment l’artère humérale mais un tronc « cubito-interosseux » qui donne en règle naissance à l’artère cubitale et à l’artère interosseuse à l’avant-bras peu après l’interligne du coude. Bien que cela ne soit pas constant, il n’est pas rare en cas de naissance isolée haute de l’artère radiale de mettre en évidence très haut sur l’avant-bras une arcade anastomotique entre le tronc cubito- interosseux peu avant sa division finale et l’artère radiale (fig. 4). Cette arcade anastomo-tique est en règle de plus petit calibre que l’artère radiale du bras mais elle peut s’hypertrophier en cas de sténose développée sur l’artère radiale d’amont (fig. 5 et 6).C’est plus rarement l’artère cubitale qui présente une naissance isolée haute puis chemine sur le bras parallèlement à ce qui devient un tronc « radio-interosseux » (fig.  7). Très exceptionnellement, c’est l’artère interosseuse qui naît isolément et chemine le long d’un tronc radio-cubital.À l’avant-bras, on peut rencontrer une division terminale haute de l’artère radiale plusieurs centimètres avant le poignet, avec une fistule non plus alimentée par l’artère radiale mais par une de ses branches plus petites (fig.  3 et  8). De très nombreuses collatérales peuvent se développer entre artères radiale et cubitale à l’avant-bras (fig. 9A et B).Au niveau du poignet et de la main, la présence de deux arcades palmaires anas-tomosant parfaitement réseaux radial et cubital est rare. Elles sont le plus souvent incomplètes et présentent des segments hypotrophiques ou sténosés. Les artères digitales sont rarement droites et parfaites puisque leur caractère superficiel les rend vulnérables à tous les traumatismes cutanés des doigts jalonnant la vie de tout individu. Elles laissent souvent localement la place à des petits réseaux colla-téraux de suppléance.

ANATOMIE VEINEUSE

Il y a deux types de veines aux membres supérieurs : les veines superficielles qui ont un trajet sous-cutané et les veines profondes qui sont satellites des artères et suivent leurs trajets en paires parallèles. Seules les veines superficielles sont utili-sables pour la création de fistules à l’avant-bras.Bien qu’il y ait des variations anatomiques beaucoup plus variées que pour les artères, on retrouve chez le sujet normal des veines céphaliques et basiliques à l’avant-bras et au bras (fig. 10).À l’avant-bras, on doit retrouver typiquement la veine céphalique médiane (ou radiale superficielle médiane) qui naît un peu au-dessus du bord radial du poignet de la convergence de deux veines provenant du dos de la main. Cette veine che-mine ensuite de bas en haut et de dehors en dedans vers le coude où elle se divise en deux branches terminales  : la veine médiane basilique en dedans qui rejoint la veine basilique du bras et la médiane céphalique en dehors qui rejoint la veine céphalique du bras.Une 2e veine céphalique, dite « accessoire » (ou « radiale superficielle accessoire »), présente un cheminement plus latéral sur le haut avant-bras, contourne le coude en dehors et rejoint au tiers inférieur du bras la médiane céphalique provenant de

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la veine céphalique médiane de l’avant-bras pour former la veine céphalique du bras. Cette veine céphalique accessoire peut naître isolément au poignet (fig. 11) mais prend le plus souvent naissance à partir de la céphalique médiane au tiers moyen ou au tiers supérieur de l’avant-bras dont elle apparaît alors comme une ramification. À partir de là, bien des variations anatomiques sont possibles avec des doubles origines, des duplications et des veines surnuméraires.La veine basilique (ou « cubitale superficielle ») naît sur la face postéro-interne du poignet, chemine de haut en bas et légèrement de derrière en avant sur le bord cubital de l’avant-bras pour contourner le coude en dedans et rejoindre au tiers inférieur du bras la médiane basilique provenant de la veine céphalique médiane de l’avant-bras pour former la veine basilique du bras. Cette veine cubitale super-ficielle est parfois dédoublée localement ou sur toute sa longueur.Au coude, le réseau formé par la veine radiale superficielle accessoire, la médiane céphalique, la médiane basilique et l’arrivée de la veine cubitale superficielle a la forme de la lettre « M ». C’est ainsi qu’on peut être amené à parler du « M veineux du coude ».Les veines profondes sont petites, satellites des trois artères et convergent au coude pour former les deux veines humérales profondes qui cheminent le long de l’artère humérale. Au niveau du coude, les réseaux veineux et profonds sont reliés par une veine dite « perforante », une veine plus ou moins développée et parfois dédoublée qui quitte la veine radiale superficielle terminale, perfore les plans superficiels et s’anastomose avec les veines humérales naissantes.Cette veine perforante joue un rôle parfois important en matière d’abord vasculaire quand c’est la seule veine assurant encore le drainage vers le bras d’une fistule de l’avant-bras en cas de destruction des veines basilique et céphalique. Le trajet des veines perforantes est très variable : court, droit, direct ou long, convexe et récurrent.Au bras, la veine basilique, qui résulte de la convergence de la médiane basilique et de la veine cubitale superficielle, chemine sur la face interne du bras de manière superficielle sur quelques centimètres avant de s’enfoncer pour confluer avec les veines humérales profondes au tiers moyen ou supérieur du bras pour former la veine axillaire. La veine axillaire est parfois dédoublée avant de fournir un axe vei-neux unique, la veine sous-clavière, qui plonge dans le thorax pour se jeter dans le tronc veineux brachio-céphalique (ou « innominé ») où converge également la veine jugulaire interne.La veine céphalique (qui résulte de la convergence de la médiane céphalique et de la radiale accessoire) chemine de manière antéro-latérale sur le bras pour passer en avant de l’épaule et dessiner une courbure plus ou moins marquée, « la crosse terminale de la veine céphalique », qui plonge dans le sillon delto- pectoral et rejoint la veine sous-clavière. Ce passage du plan superficiel vers le plan profond joue un rôle important en matière d’abords vasculaires car cette crosse de la veine céphalique est malaisée à dilater et sujette aux resténoses rap-prochées précoces.Les deux veines humérales profondes satellites de l’artère rejoignent donc la veine basilique plus ou moins haut dans le bras pour former la veine axillaire et décrivent parfois une crosse avant cette convergence qui peut être source de sténoses dans les rares cas où on les utilise comme abord vasculaire.

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5C’est le drainage à l’épaule de la veine céphalique qui présente les variations les plus fréquentes. La crosse terminale peut se dédoubler et envoyer un rameau surnuméraire vers la veine jugulaire externe ou interne (fig.  12). La crosse peut parfois rejoindre directement le tronc veineux innominé sans passer par la veine sous-clavière.

IMAGERIE RADIOLOGIQUE PRÉOPÉRATOIRE

Indications

Les néphrologues et les chirurgiens expérimentés sont de plus en plus prudents sur la fiabilité et les limites de l’examen clinique avant la création d’un abord d’hé-modialyse chronique et sont de plus en plus demandeurs d’une imagerie préopé-ratoire des veines et des artères des membres supérieurs.L’imagerie des artères repose presque uniquement sur l’écho-doppler. L’artériographie invasive des membres supérieurs n’a pratiquement aucune place. L’angioscanner ou l’angio-IRM sont des examens déconseillés en prédialyse du fait de la toxicité poten-tielle de l’iode et du gadolinium, du manque d’apport de données hémodynamiques et accessoirement du risque de dégradation du capital veineux de ces patients fragiles si la voie d’abord est posée par du personnel technique non sensibilisé à sa préservation.L’imagerie des veines est indispensable dès que l’examen clinique est insuffisant ou anormal ainsi qu’en cas de suspicion de sténose veineuse centrale.Son rôle est d’apprécier la taille, le trajet, la collatéralité, la qualité des veines des membres supérieurs et de parfaitement visualiser les veines centrales. La phlébo-graphie à l’iode puis au CO2 a longtemps été le seul examen disponible jusqu’au développement de l’écho-doppler dans les années 1990. L’écho-doppler, examen non irradiant et non invasif par excellence, a toutefois le défaut d’être très opé-rateur-dépendant et s’avère non fiable pour les veines centrales (veines sous-cla-vières, troncs brachio-céphaliques, veine cave supérieure). La phlébographie garde donc comme indication régalienne la recherche ou l’élimination d’une sténose centrale chez tous les patients aux antécédents de cathétérisme des veines cen-trales, que ce soit pour réanimation, pacemaker, chambre implantable ou dialyse en urgence. La phlébographie est également encore largement pratiquée dans les centres où une relation de confiance entre le chirurgien et le dopplériste ne s’est pas instaurée. Le chirurgien doit en effet opérer sur le seul compte-rendu échogra-phique là où la relecture possible des clichés de phlébographie lui permet d’appré-cier les insuffisances éventuelles de l’examen et d’en avoir alors une interprétation différente de celle du radiologue. Les clichés sans préparation de la phlébographie renseignent accessoirement sur l’importance des calcifications du réseau artériel.

Technique de la phlébographie

La phlébographie est un examen faussement facile à réaliser.

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Des lunettes nasales avec un mélange d’oxygène et protoxyde d’azote (4  L/min) peuvent être mises en place 10 minutes avant le début de la phlébographie.Le membre non dominant sera exploré en premier. Si la cartographie est favo-rable, permettant la création d’un abord distal antébrachial, le membre controla-téral ne sera pas forcément exploré, réduisant ainsi l’irradiation. Le choix du produit de contraste dépend du contexte clinique. Il n’y a pas d’indi-cation formelle à laisser les patients à jeun, notamment les diabétiques. Chez les patients déjà dialysés, sans fonction rénale ni diurèse à préserver, l’iode donne de bien meilleures images à l’avant-bras et au bras. Chez les patients en prédialyse, il est largement préférable d’utiliser le gaz carbonique en raison de son absence de toxicité rénale. Les contre-indications au CO2 sont rares  : insuffisance respi-ratoire sévère et shunt droit-gauche. On peut alors dans ces rares cas utiliser de l’iode dilué à 90 % et réaliser la phlébographie avec seulement 10 mL d’iode par membre.Un pansement occlusif avec une crème anesthésiante peut être mis en place 30 minutes avant l’examen dans la future zone de ponction veineuse qui doit être obligatoirement une veine du dos de la main (cathlon 20 ou 22 G), de préférence sur son bord radial pour optimiser l’opacification de la veine céphalique (radiale superficielle) de l’avant-bras.Un garrot au bras sera donc mis en place suffisamment longtemps pour permettre aux veines de se dilater. On limitera la tendance au spasme veineux en chauf-fant l’avant-bras avec un sèche-cheveux. Une fois le cathétérisme effectué, certains injecteront un vasodilatateur qui peut cependant entraîner une réaction d’intolé-rance générale désagréable (vomissements, chute de tension, etc.). Plonger l’avant-bras dans l’eau chaude est également efficace mais malaisé à réaliser sur une table d’angiographie.On doit ensuite placer le membre en supination parfaite en écartant le bras suffi-samment du corps pour éviter la compression de la veine basilique du bras par les parties molles du thorax.Quatre séries angiographiques au minimum seront nécessaires  : sur l’avant-bras avec et sans garrot, sur le bras puis sur le thorax. Si certains axes veineux ne sont pas opacifiés, on s’aidera de manœuvres dynamiques ou de garrots pour des séries complémentaires. Ainsi, en cas de non-opacification de la veine céphalique du bras, on réalisera une série sous compression extrinsèque de la veine basilique en demandant au patient, bras alors plaqué le long du corps, de coincer dans son aisselle, par exemple un flacon quelconque.Si la veine basilique n’est pas opacifiée, un garrot tenu sous tension par le patient, cravatant la face latérale du bras sera placé pour tenter d’opacifier le territoire basilique.Pour les phlébographies au CO2, une cadence d’acquisition de 6 images/seconde et un logiciel de soustraction sont nécessaires. Chaque série nécessite l’injection d’un bolus de 50 à 60 mL de gaz carbonique et un intervalle de 45 à 60 secondes doit être respecté entre deux injections. Masser la région à explorer entre deux injec-tions est indispensable pour chasser les bulles résiduelles stagnantes qui peuvent gêner l’interprétation de la série suivante. On doit par ailleurs laisser le temps au CO2 de se dissoudre dans le plasma et éviter la formation d’une bulle de gaz dans

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5le cœur droit qui pourrait entraîner une pause cardiaque. Si cela survient, on doit comprimer le sternum comme pour un massage cardiaque puis mettre le malade en décubitus latéral gauche pour favoriser le remplissage liquidien du ventricule droit. Avec un produit de contraste iodé, un suivi de bolus sans soustraction des images nécessite 60 mL de contraste injectés à un débit de 2 à 4 mL/s selon la qualité de la veine ponctionnée. On procède à l’acquisition sans soustraction en déplaçant la table au fur et à mesure de la progression du contraste depuis le poignet jusqu’au thorax. Pour les injections soustraites, quatre séries sont nécessaires, comme pour le CO2, mais avec une cadence d’acquisition à une image/seconde seulement. L’étude de l’avant-bras nécessite 10 mL de produit iodé pulsés par autant de sérum physiologique. Pour le bras, on doit pulser 25 mL de sérum. Pour les veines cen-trales, ce sont 20 mL d’iode qui seront pulsés par 50 mL de sérum.L’injection d’iode n’est jamais douloureuse tant qu’il n’y a pas d’extravasation au point d’injection. L’injection de CO2 peut en revanche être douloureuse quand les veines superficielles sont détruites au poignet ou à l’avant-bras, ce qui oblige le gaz à passer par le territoire veineux profond et par de petites collatérales doulou-reuses à la distension. L’expérience a montré qu’il fallait en règle laisser les patients allongés environ une demi-heure après une injection de CO2 pour éviter des malaises à type d’hypoten-sion orthostatique au lever. À noter qu’une toux et des céphalées transitoires sont fréquentes avec l’utilisation de CO2.L’intérêt essentiel de la phlébographie est d’étudier les veines centrales. C’est le seul centrage qui nécessite une acquisition en apnée. Il ne faut pas hésiter à refaire une injection si le patient a bougé ou respiré, ce qui peut rendre la soustraction très imparfaite.L’analyse des veines centrales est le domaine de prédilection du CO2.

Lecture de la phlébographie

Les sténoses et les occlusions sont mises en évidence, de même que les sup-pléances.La règle d’or est qu’on doit se garder de dire qu’une veine non opacifiée à l’avant-bras est thrombosée. Les aléas de la collatéralité amènent parfois le produit de contraste à ignorer une veine céphalique ou basilique perméable et potentielle-ment utilisable.On doit également être très prudent sur l’estimation du diamètre des veines car il est presque toujours sous-estimé  : on n’est jamais certain malgré chaleur et/ou vasodilatateur qu’une veine n’est pas partiellement ou totalement spasmée au moment de l’examen, surtout si on voit des images de valvules.La phlébographie idéale donne des images superposables aux schémas de l’ana-tomie veineuse décrite (fig. 10 et 11). En pratique, la plupart des phlébographies sont pathologiques et dans le pire des cas on n’opacifie plus que des veines pro-fondes qui circulent en règle en paires parallèles satellites des artères.

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Le piège de lecture le plus fréquent se situe dans l’identification de la veine basilique au coude et au bras car elle peut être confondue avec une veine humérale profonde. On ne peut affirmer phlébographiquement qu’il s’agit bien de la veine basilique que si on l’opacifie dans le prolongement de sa racine céphalique (via la médiane basilique) ou basilique (cubitale superficielle) de l’avant-bras. Exceptionnellement, l’écho-dop-pler permettra dans les situations douteuses de préciser ce carrefour stratégique.De manière globale, la phlébographie est moins fiable que l’échographie dans l’ap-préciation du réseau veineux périphérique car la phlébographie n’opacifie que la lumière du vaisseau là où l’échographie apprécie aussi sa paroi, la souplesse des valvules et la profondeur par rapport à la peau. Une étude échographique exhaus-tive de l’ensemble du réseau veineux du membre est cependant un examen fasti-dieux et chronophage.Le compte rendu radiologique doit s’adapter à la personnalité du correspondant. Certains néphrologues et chirurgiens souhaitent que le radiologue donne son avis sur le type de fistule possible là où d’autres considéreront que c’est une intrusion inadmissible dans le processus de décision chirurgicale.Des conseils de protection du capital veineux seront d’ailleurs donnés en fonction du type d’abord projeté.

Ce qu’en fait le chirurgien

À phlébographie égale, il y a pour le moins une grande variation dans l’ap-préciation que les chirurgiens feront de l’examen et dans le type de fistule qu’ils décideront de créer, surtout dans les cas où la qualité des vaisseaux est impar-faite. Certains chirurgiens, poussés et soutenus par leurs néphrologues, essaieront à tout prix de créer une fistule à l’avant-bras, quitte à gérer un probable défaut de maturation traitable par voie endovasculaire, alors que d’autres chirurgiens iront un peu trop facilement au coude ou mettront en place un goretex en violation fla-grante des recommandations des sociétés savantes. La disponibilité, la compétence et le recours possible ou non à la radiologie interventionnelle sont des paramètres extrêmement variables d’une région à l’autre et cela peut considérablement modi-fier la politique locale en matière d’abords vasculaires.

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Fig. 1 – Anatomie artérielle la plus fréquente.

Fig.  2 – Artériographie mon-trant exceptionnellement les deux arcades palmaires dans leur entier.

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Fig. 3 – Variation anatomique la plus fréquente avec origine isolée haute de l’artère radiale. Le schéma représente aussi une bifurcation haute plus rare de l’artère radiale à l’avant-bras.

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Fig. 4 – Le schéma représente l’arcade anastomotique surnuméraire inconstante au coude entre l’artère radiale et le tronc cubito-interosseux.

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Fig. 5 – L’artère radiale peut être hypotrophique ou occluse dans son segment brachial et ne plus être alimentée que par l’arcade anastomotique dans son segment antébrachial.

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Fig. 6 – A. Ce premier temps d’artériographie d’une fis-tule radio-céphalique en bas débit semble montrer une origine sinueuse étrange de l’artère radiale qui n’est autre que l’arcade anastomotique au coude provenant du tronc cubito-interosseux et qui permet d’opacifier l’artère radiale antébrachiale avant son segment brachial visible sur les figures 6B et 6C. B. Ce centrage au bras montre l’origine haute de l’artère radiale. C. Ce temps artériogra-phique plus tardif à l’avant-bras montre « l’arrivée » de l’artère radiale brachiale au coude, l’opacification retar-dée s’expliquant par une sténose ou un spasme au coude. La sténose terminale de l’artère radiale préanastomotique sera dilatée par voie veineuse rétrograde.

A

C

B

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Fig. 7 – Origine isolée haute de l’artère cubitale.

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Fig.  8 – Artériographie d’une fistule radiale montrant que l’anastomose a été faite non pas sur l’artère radiale mais sur l’une de ses deux branches de division terminale un peu haute.

A BFig. 9 – A et B. Ces deux temps artériographiques sur une fistule radiale haute (incidence en pronation) montrent le développement de nombreuses collatérales artério-artérielles allant de l’artère cubitale vers l’artère radiale distale pour compenser à contre-courant la sténose de l’artère radiale proximale.

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Fig. 10 – Anatomie veineuse de base idéale, rarement rencontrée en pratique à l’avant-bras.

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Fig. 11 – Principales variations anatomiques avec naissance isolée basse de la veine céphalique accessoire, duplications ou bifidités, variations de la crosse terminale de la veine céphalique.

Fig.  12 – Fistulographie montrant une double dupli-cation de la crosse cépha-lique dont une branche a une anatomie normale, la 2e rejoignant la veine jugulaire externe et la 3e directement le tronc innominé droit.