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Rendez-vous avec la lune… Des mares pour le Triton crêté Le Naturoscope de Georges Horney Nos belles forêts naturelles Le castor en Entre- Sambre-et-Meuse Grandes manœuvres aux Argilières AGENDA Les sorties nature de l’été 2017 Feuillet inséré CLIN D’ŒIL N°18 JUILLET 2017 BUR. DÉPÔT 6460 CHIMAY N° AGRÉATION P505143 ED.RESP. ADRIAENSEN J. RUE DES FERMES 212 B-5600 ROMEDENNE

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Rendez-vous avec la lune…

Des mares pour le Triton crêté

Le Naturoscope deGeorges Horney

Nos belles forêtsnaturelles

Le castor en Entre-Sambre-et-Meuse

Grandes manœuvresaux Argilières

AGENDALes sorties

nature de l’été

2017Feuillet inséré

CLIN D’ŒIL N°18JUILLET 2017

BUR. DÉPÔT 6460 CHIMAYN° AGRÉATION P505143

ED.RESP. ADRIAENSEN J. RUE DES FERMES 212

B-5600 ROMEDENNE

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Quelques joyaux oubliés d’Entre-Sambre-et-Meuse :

Nos belles fPaysage de forêt ardennaise – © G. Horney

Texte rédigé par Sébastien Carbonnelle & Sébastien Lezaca-Rojas

Lorsqu’on pense aux richesses naturellesde notre région, il vient d’abord à l’espritd’évoquer les admirables pelouses cal-caires ou les quelques landes et prés defauche qui fleurissent encore de-ci de-là.Mais ce serait un peu vite oublier que l’ESMabrite aussi de vastes forêts aux caracté-ristiques naturelles, des forêts parfoisanciennes et bien préservées, parfois plusjeunes mais à l’évolution libre... Cesespaces de nature rappellent leur carac-tère insoumis, et sont le repaire de milliersd’espèces. Ils méritent donc toute notreattention ! De telles forêts, on en trouveaussi dans nos réserves. Partons à ladécouverte de quelques-uns de ces joyauxet prenons le temps d’insister sur l’impor-tance de les préserver des menaces qui, icicomme ailleurs, pèsent sur elles...

Au cœur de l’Europe, la Wallonie vue du cieloffre un spectacle étonnant... Les lumièress’estompent et la vue se couvre de vert ! Avecses quelques 550.000 hectares de forêt, quireprésentent plus de 30% de son territoire,la Wallonie détient un patrimoine forestier depremière importance. Certes, une bonnepartie est composée de forêts fortement arti-ficialisées : les plantations de résineux etautres exotiques couvrent environ la moitiéde l’espace forestier, et bon nombre de peu-plements feuillus n’ont plus beaucoup decaractéristiques naturelles non plus... Cesforêts gérées n’ont souvent plus de “forêt”que le nom, et ressemblent beaucoup plus àdes “cultures d’arbres” qu’à de véritablesforêts. Mais certains massifs échappentencore à ces déboires, et semblent se sous-traire à l’emprise totale de l’humanité pournous offrir le spectacle de l’expression d’unenature un peu plus sauvage.

Quelques caractéristiques essentielles des forêts naturelles :1. Une forêt ancienne. C’est-à-dire qui

est présente à cet endroit depuis plusde 250 ans de façon ininterrompue.Moins d’un quart de notre forêt wal-lonne répond à ce premier critère !

2. Des arbres indigènes. La plantationd’essences exotiques (épicéas, dou-glas, chênes rouges,...) entraîne laplupart du temps une diminution de labiodiversité.

3. Une régénération naturelle. La spon-tanéité des essences, et la perpétua-tion locale de leur patrimoine géné-tique est un trait essentiel des forêtsnaturelles.

4. Une structure verticale et des classesd’âges diversifiées. La biodiversitéaugmente avec le nombre de strates.

5. Une diversité naturelle d’espèces. Eneffet, plus le nombre d’espèces indi-gènes augmente dans un peuplement,plus sa biodiversité augmente aussi.

6. Un nombre significatif de vieux arbreset de très gros bois (plus de 200 cm dediamètre). Ces arbres seront produc-teurs de bois morts et de cavités (pourles oiseaux, les chauves-souris, lespetits mammifères, etc.).

7. Une quantité importante de boismort. On estime que plus de 25% desespèces forestières sont liées à la pré-sence de bois mort.

Des forêts de ce genre, il en reste très peuen Wallonie... Elles sont appréciées pourleurs qualités biologiques et paysagères, etparticipent à la qualité de vie des sociétésqui vivent à son contact. Elles sont unesource importante de bénéfices indirects.

Notamment par les innombrables servicesécosystémiques qu’elles remplissent (meil-leure régulation des cycles du carbone, del’azote, de l’eau, de l’érosion, des microcli-mats ...). Leur rôle en matière de préserva-tion de la biodiversité est également essen-tiel à l’heure où la plupart des mesuresmises en œuvre en la matière se montrentmoins efficaces et surtout plus coûteuses.

Ce genre de forêt plus naturelle génèreégalement des bénéfices directs à la collec-tivité. Via le tourisme par exemple, car laplupart des usagers de la forêt les préfèrentaux autres types de forêts. Mais surtout parle réservoir génétique qu’elles représententet du fait de leur meilleure résilience prou-vée face aux dérèglements climatiques etaux attaques parasitaires, des risques quis’annoncent d’une ampleur inédite sur lamajeure partie des forêts cultivées...

Qu’est-ce que la naturalité ? La “naturalité” est l’adaptation en fran-çais du terme anglais “wilderness” quirenvoie au caractère sauvage d’un éco-système. Elle désigne un milieu natureldont l’évolution n’est pas entravée parl’homme et où l’homme lui-même n’estqu’un visiteur de passage... Notre asso-ciation “Forêt et Naturalité” proposetoute une série d’activités et de servicesautour de la naturalité, de la forêt et desa gestion écologique. Nos objectifsprioritaires sont de promouvoir et déve-lopper le concept de naturalité dans lagestion des forêts wallonnes et de parti-ciper à la protection et la défense activedes espaces à haut degré de naturalité. Découvrez nos actions sur notre sitewww.foret-naturalite.be.

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s forêts naturelles QUELQUES EXEMPLES DE FORÊTS REMARQUABLES EN ESM

LES HÊTRAIES CALCICOLES. Il fut untemps où la Calestienne était couverte deforêts, avant les défrichages qui se sontétalés du Néolithique et jusqu’à bien aprèsle Moyen-Age. Pendant quelques siècles, lepaysage y laissait surtout à voir des pâtu-rages extensifs dont les dernières reliquessont les fameuses pelouses calcaires quifont la fierté naturaliste de la région. Surces roches calcaires, les forêts étaientessentiellement dominées par le hêtre.

Seules quelques rares hêtraies calcicolesont traversé les âges et nous sont parve-nues, rescapées des pratiques agro-pasto-rales, des coupes unilatérales et desreplantations de pins. Les hêtraies calci-coles séculaires des Matagne, Roly etLompret en sont trois exemples remarqua-bles, et pratiquement les derniers... Cesforêts ont été protégées depuis longtempspar le fait qu’elles étaient la propriété deseigneurs ou du clergé ; réservées à lajouissance de leurs propriétaires, elles ontainsi échappé aux “usages” habituels quiétaient accordés à la population locale(coupe et ramassages de bois et de litière,pâturage en forêt,...).

Ces forêts préservées offrent souvent uneintéressante variété d’essences au couvertétagé, et quelques-unes des plus rares etoriginales espèces botaniques de nosrégions. La hêtraie du Franc-Bois deLompret abrite aussi la plus belle populationd’ifs spontanée de Wallonie. Un site qui vautle détour, rien que pour admirer ces arbrespratiquement disparus de nos forêts...

Malheureusement, la plupart de ces ter-rains ne bénéficie d’aucune protectionlégale, et leur préservation est dépendantedu DNF, gestionnaire de ces parcelles. Aplusieurs reprises dans ces sites, des pra-tiques de gestion inadéquate ont pourtantété observées... Un statut de protection fortest urgemment nécessaire pour ces forêts !

LA CHÊNAIE FAGNARDE. Une forêt an cien -ne est une forêt qui se présente de manièrecontinue à un endroit depuis plusieurs siè-cles. La forêt de la Fagne en est un témoin.Son sol à l’argile lourde n’est pas propice àla culture, on a donc la plupart du tempspréféré y exploiter le bois. Les cartesanciennes (comme celle de Ferraris) nousrenseignent sur l’étendue des forêts auXVIIIe siècle. Le sol n’y a donc pas subi dechangements fondamentaux depuis trèslongtemps. Les organismes qui ont besoinde stabilité dans le temps (comme cer-taines plantes, certains champignons,insectes spécialisés du bois mort…) sontdonc présents.

De la Fagne de Chimay à l’ouest, jusqu’àDoische à l’est de notre région, en passantpar Virelles, Cerfontaine, Fagnolle ou Sart-en-Fagne, ces vastes forêts sont reconnuespour leurs chênaies, peuplées par endroitsd’arbres qui frôlent des âges canoniques.La monotonie qui peut de prime abord s’en

dégager n’est qu’une invitation à en percerles secrets. On y trouve une multitude demicro-habitats à la diversité étonnante. Iciau détour d’un petit vallon coule une eaupure qui, à la faveur d’un embâcle ou d’unbarrage de castor, finit par créer desmarais à la végétation originale ; ici sur lechemin, un talus, là dans une clairière,s’épanouissent des végétations diversifiéesoù volent quelques-uns des papillons lesplus recherchés des spécialistes...

Peu fréquentées, situées bien souvent endehors des circuits touristiques, ces forêtsrecèlent des zones de quiétude prisées parla faune sauvage : la plupart de nos mam-mifères peuvent s’y observer (chat sauvage,mustélidés,...) et la guilde des oiseauxforestiers s’y trouve bien représentée. Lepic mar est en quelque sorte l’emblème deces vieilles chênaies, et la cigogne noire enprofite en s’y reproduisant chaque année.

Hêtraie calcicole© B. Clesse.

Marais en forêt© Olivier Kints

Chênaie fagnarde© Olivier Kints

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LA FORÊT ARDENNAISE est remarquablepar nombre de ses caractéristiques... maissi on devait n’en retenir qu’une, ce seraitson étendue. En Entre-Sambre-et-Meuse,elle grimpe sur le talus qui prend naissanceau-delà de Chimay, elle s’étire jusqu’àTreignes et Le Mesnil où elle relie sansgrande discontinuité les forêts de la Bottede Givet. Par Couvin, elle fait la jonctionavec les forêts du plateau de Rocroi, puispar-delà la Meuse reprend vers la Semoiset la Croix-Scaille.

On a donc là un très grand massif forestier,quasiment d’un seul tenant, dans lequel lesespèces forestières peuvent développer despopulations suffisamment importantes etlibres de mouvement. Aux confins de cesgrands espaces, il reste encore des coinsperdus, oubliés ou presque inaccessibles deforêts insoumises. Dans ces étendues peupeuplées, la quiétude est également unatout. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si leloup et le lynx ont décidé d’y faire leur grandretour. Et les plus optimistes ne désespè-rent pas d’y entendre encore un jour lechant cinglant d’une Gélinotte des bois.

La forêt ardennaise a connu bien desvisages ces derniers siècles. Jadis forte-ment exploitée pour le bois d’œuvre, et sur-tout le charbon de bois, puis souventconvertie en forêts de résineux, une partieporte les stigmates ineffaçables de cetteexploitation très intensive... Les nom-breuses terres incultes de marais ou delandes, qui en façonnaient aussi lesmosaïques, ont disparu, drainées oureplantées. Mais notre massif ardennais sedistingue du reste de l’Ardenne par un plusfaible taux d’enrésinement que la moyennewallonne, un héritage singulier qu’ilconvient de préserver face l’appétit de l’éco-

nomie forestière, où les intérêts d’unepetite poignée de méga-scieries de rési-neux incitent à une augmentation des cul-tures d’épicéas.

À Oignies-en-Thiérache, afin de ne pas voirdisparaître une ancienne forêt feuillue pro-mise à l’enrésinement, l’association “LesMuscardins” a décidé de soulever les fondsnécessaires pour la racheter. Aujourd’huipropriétaire de 26 hectares, l’asbl souhaitelaisser la forêt en libre évolution. Uneréserve intégrale comme il en existe (trop)peu en Région wallonne. L’association vousaccueille dans sa forêt pour la visiter, uneoccasion de comprendre comment et pour-quoi ces forêts naturelles méritent d’êtreprotégées. N’hésitez pas à prendre contactet à soutenir leur action via leur site web(www.lesmuscardins.be).

DANS NOS RÉSERVES NATURELLES NATAGORA

Eh oui, quelques réserves de Natagoraabritent aussi de belles forêts...Commençons par Virelles, où l’on peutadmirer de splendides forêts humides qui

bordent le Ry Nicolas (affluent principal del’étang) ainsi que la roselière sur unemajeure partie de sa circonférence. Dessaulaies spontanées, puis des aulnaiesmarécageuses font la transition avec lesbelles chênaies fagnardes alentour. Ellessont toutes placées en réserve intégrale etleur biodiversité est absolument fabuleuse.Mais leur principale qualité réside peut-être dans le spectacle fascinant qu’ellesoffrent aux visiteurs : un véritable monded’enchantement !

Il existe encore d’autres belles forêts, commedans la réserve du Fil Maillet... Même si, mal-heureusement, les plus gros arbres du siteont fait l’objet d’une exploitation juste avantsa mise en réserve. Aujourd’hui, l’ensembleest conçu comme une réserve intégrale.Occupant le versant ouest de la Joncquière àVaucelles, on y trouve de nombreux types deforêts, de la hêtraie sur le plateau à l’aulnaie-frênaie en bord de rivière, en passant parl’érablière de ravin...

La Haie Gabaux est un bel exemple de chê-naie fagnarde. On y a également installé desîlots de sénescence, c’est à dire des zoneslaissées intactes pour laisser vieillir laforêt. Les layons, à ce jour entretenus pourtenter de sauver une des dernières popula-tions de damier de la succise, pourrontpeut-être un jour cesser d’être gyrobroyés,quand les arbres devenus suffisammentvieux tomberont d’eux-mêmes et créerontles clairières naturelles dont dépendent denombreux organismes.

Dans la récente réserve du Baquet, à côtédes gestions lourdes qui avaient pour but desauver les landes patrimoniales et qui ontde ce fait sévèrement combattu les recolo-nisations forestières, on a aussi décidé de

Crépuscule sur la forêt de Fagne© Jean Delacre

Ruisseau ardennais© Georges Horney

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laisser 11 ha de forêts en libre évolution.C’est également le cas de toutes les petitesparcelles forestières morcelées adjacentesà des réserves protégeant un autre milieu(Vivi des Bois à Roly, Mariembourg,Tournailles, Coupu Tienne, réserve del’Hermeton...).

LES MENACES QUI PÈSENT SUR NOS FORÊTS

L’histoire de la conservation de la nature estrelativement récente, un siècle tout au plusque l’on s’inquiète vraiment de la dégrada-tion des milieux naturels et de leur biodiver-sité. La nécessité de créer des réservesnaturelles s’est ensuite imposée sous l’im-pulsion des associations et de l’administra-tion, afin de donner un statut de protection àdes sites de référence. Mais le rythme et l’in-tensité avec lesquels la biodiversité continuede s’effondrer n’ont eu de cesse depuis lorsd’aller croissant. La nécessité de protégercertains sites et des milieux de types diffé-rents n’a jamais été aussi urgente.

Ce sont d’abord les marais, les tourbières,les landes et les pelouses calcicoles qui ontbénéficié de l’attention des naturalistes,puis l’urgence s’est invitée pour d’autresmilieux comme les prés de fauche dontNatagora tente de sauver les deniers ves-tiges et pour lesquels notre région revêt uneimportance particulière. Bientôt peut-êtredevrons-nous aussi nous préoccuper

davantage des cultures et de la faune qui yest associée...

Si la forêt a, elle aussi, bénéficié de la misesous statut de protection de quelques-unsde ses sites emblématiques, et plus géné-ralement de mesures visant à la préserva-tion de ses caractéristiques écologiques,elle peut toutefois nous sembler être de nosjours un enjeu de conservation un peumoins prioritaire ou en tous cas moinsmédiatique. Sans doute avons-nous eu ten-dance à croire que nos vastes forêts étaientmoins menacées ? Et si ce fut peut-être lecas pendant quelques décennies, les pres-sions sur la forêt et l’intégrité de ses éco-systèmes montrent aujourd’hui une nettetendance à l’augmentation. En Wallonie,comme de par le monde ! Même s’il est

impossible de les citer toutes, voiciquelques-unes des menaces qui pèsent surnos forêts, et dont certaines ont récemmentdéfrayé l’actualité...

L’ENRÉSINEMENT. Dans notre région, laculture de résineux est déjà largementdominante dans les propriétés privées. Laconjoncture économique incite malheureu-sement les propriétaires à s’enfoncer plusencore dans cette voie... Et les garde-fousprévus par la législation pour éviter latransformation massive de forêts feuilluesen cultures résineuses sont trop facilementcontournés. Les forêts publiques sont éga-lement menacées... A Viroinval, par exem-ple, un nouveau plan d’aménagement, portépar la commune et le cantonnement, pré-voit l’augmentation des surfaces de rési-

Enrésinement en forêt ardennaise © Georges Horney

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Layon géré pour le damier de la succise en forêt de Fagne

© Jean Delacre

PROPORTION DES UNITÉS DE GESTION (DONT CELLES DE FORÊTS EN RÉSERVE INTÉ-GRALE ET DE ZONES EN ÉVOLUTION LIBRE) DANS LES RÉSERVES NATURELLES“NATAGORA ESM” - Source : Olivier Kints.

Type de gestion surface (ha) proportion1. pré de fauche 214,59 49%2, clairière mécanisable 33,20 8%3. pâturage 18,17 4%4. manuelle 16,90 4%5. friche 22,47 5%6. forêt (restauration possible) 54,98 12%7. forêt intégrale 71,35 16%8. plan d’eau 7,84 2%Total général 441,05dont libre évolution actuelle 148,80 33%

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neux en forêt communale (on passerait de18% actuellement à 25% dans la décennie àvenir). La transformation de forêts feuilluesen résineux n’est pas un acte anodin, elleréduit immédiatement la valeur biologiquede la parcelle, et bouleverse irrémédiable-ment son écologie sur le long terme. Etmême si le pourcentage de surfaceconcerné peut sembler faible, le risque estégalement que cette conversion s’opère audétriment des forêts actuelles qui présen-tent la plus grande valeur écologique.

LA CHASSE. Les chasseurs comptent parmiles multiples utilisateurs des forêts. Pourcertains, la chasse revêt encore l’imaged’une pratique traditionnelle où l’hommepoursuit la quête de sa proie, dans un cer-tain respect de la nature... L’idée que leschasseurs régulent les grands herbivoresen l’absence de grands prédateurs (tels quele loup ou le lynx) est aujourd’hui malheu-reusement mensongère. Ce sont en effetles dérives de leurs pratiques qui sontaujourd’hui responsables de densités de

gibier inédites (leur densité a été multipliéepar 5 en 40 ans) ! Les intérêts financiers etpolitiques qui président au monde de lachasse sont responsables de ces dérives,elles ont des effets très néfastes sur l’éco-système intra- et même extra-forestier(destruction des habitats, impact sur larégénération, prédation sur les nichées,...)dont la collectivité supporte aujourd’hui lesconséquences et les coûts.

LA PRIVATISATION DES FORÊTS. Voici unthème d’actualité qui fait écho aux proposi-tions du ministre de la Nature, René Collin,qui avait émis la proposition de vendrequelques-unes de plus belles forêts doma-niales. Si le projet a (heureusement) été enpartie abandonné, il n’en reste pas moinsdans les cartons du politique. Il fait mêmedes émules. A Chimay, il a donc été ques-tion de vendre des forêts pour la rénovationde la piscine communale... Au-delà du faitqu’il s’agit de transférer un bien public dansla sphère privée, ces ventes comportent unrisque non-négligeable de voir passer la

gestion de ces forêts, aujourd’hui souscontrôle du DNF, à un mode encore plusintensif... Malheureusement, la gestion desforêts publiques par l’administration fores-tière n’est pas toujours non plus irrépro-chable. Les objectifs économiques primentsouvent sur les objectifs écologiques...

LE MANQUE DE PROTECTION. Comme l’im-pose une directive en Région wallonne, 3%des forêts publiques seront bientôt érigéesen réserves intégrales. A cela viennents’ajouter quelques centaines d’hectares deréserves naturelles et forestières... Si denombreuses forêts ont été classées enNatura 2000, le cahier des charges qui lescontraint est beaucoup trop léger, et negarantit absolument pas leur protection. Detrès nombreux sites forestiers embléma-tiques de l’ESM ne bénéficient d’aucun sta-tut de protection fort.

Le besoin d'une sylviculture plus proche dela nature. Bien que l’attention en la matièreet l’évolution des mentalités progressent, ilreste des efforts à faire pour améliorerl’état écologique de nos forêts. Par exem-ple, en ce qui concerne le déficit en boismort. Certes en parcourant nos bois, nousobservons de petites branches mortes etl’un ou l’autre tronc pourrissant ; mieuxencore des chandelles, des arbres morts,des arbres à loges (de pics) sont marqués etpréservés au nom de la biodiversité. Maisles forêts naturelles comptent jusqu’à 10fois plus de bois mort que nos forêts gérées! De manière générale, une sylviculture plusproche de la nature devrait être développéeet universellement adoptée.

Forêt de Fagne - © Jean Delacre

Ombre et lumières en forêt d’ESM © Georges Horney

Ruisseau en Fagne© Olivier Kints

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Białowieża, emblème des forêtssauvages en Europe, menacée

Quand la forêt a reconquis l’Europe aprèsla dernière glaciation, elle fut rapidementrétrécie par des activités humaines crois-santes. Dans la vaste plaine centre-euro-péenne, les forêts étaient immenses, sau-vages et diversifiées.

Pendant près de 50 siècles, certainesforêts naturelles ont survécu aux côtés dezones défrichées grandissantes ; maisdepuis le Moyen-Age, et plus encorerécemment, ces forêts se sont raréfiées àun point extrême.

Białowieża est un des tout derniers lieuxen Europe pour réellement comprendrel’écosystème forestier, en détailler la com-plexité et en admirer l’harmonieusebeauté. La forêt de Białowie‘za mérite ainsile titre de forêt de plaine la plus naturellequi ait subsisté en Europe. Érigée réservede la Biosphère dès 1976, et intégralementreprise en Natura 2000, Białowie‘za estaussi la forêt la plus étudiée et la plus visi-tée d’Europe. Du côté polonais pourtant,seul un sixième de sa superficie est placésous l’administration du Parc national, lereste étant géré par les forestiers. A Białowieża, d’impressionnantes aul-naies côtoient des boulaies tourbeuses,des pinèdes sèches ou des tillaies-char-maies dominées de-ci de-là par des épi-céas géants. Dans les nombreusestrouées, des chandelles trônent dans unhalo de lumière où s’égayent faune et florespécialisées. On y observe une riche com-munauté d’oiseaux, dont des guildes com-plètes de pics et de tétraonidés, etquelques-uns des mammifères embléma-tiques des forêts sauvages : loutres, loups,lynx et surtout le bison d’Europe. Sauvé ici-même d’une disparition certaine au débutdu XXe siècle, il est devenu l’emblème deBiałowieża, mais aussi des forêts sau-vages, et même de la Pologne ! Les dyna-miques naturelles qui sont ici à l’œuvre

distillent une palette nuancée de perturba-tions auxquelles répondent d’infinisdegrés d’ingéniosité du vivant : de compor-tements en adaptations, des communau-tés d’organismes d’une immense diversitérentrent en scène !

Depuis quelques mois, les milieux écolo-gistes s’affairent autour du cas Białowie‘za,forêt aujourd’hui à nouveau menacée… Leministre de l’Environnement et l’adminis-tration forestière viennent en effet d’adop-ter un plan qui autorise des coupes mas-sives dans cette forêt. Ceux-ci avancent lanécessité de lutter contre l’expansion despopulations du scolyte de l’épicéa et sesravages sur une partie de la forêt. Mais lesscientifiques rappellent que ce phéno-mène est lié aux stress que subit l’épicéasuite au réchauffement climatique et qu’ilserait préférable de laisser évoluer libre-ment cette forêt afin d’y observer les dyna-miques spontanées qui s’y exprimentdepuis des milliers d’années.

D’autres enjeux se dévoilent dans ceconflit. Economiques, car le gouvernementa besoin d’argent pour ses promessesélectorales dispendieuses et de bois pouralimenter ses centrales à biomasse flam-bant neuves. Des enjeux de pouvoir égale-ment, car l’administration redoute de voirla forêt de Białowie‘za devenir un Parcnational sur son ensemble, ce qui la prive-rait de son contrôle sur celle-ci, voire quecet exemple ne crée un précédent etqu’ailleurs dans le pays on ne réclame laprotection intégrale d’autres forêts.

La situation est complexe, car le sort de laforêt divise également la population locale;une partie soutenant l’administrationforestière et accusant les écologistes delaisser pourrir des arbres valorisables,une autre souhaitant plutôt protéger laforêt et accueillir les touristes qui dépen-sent leurs deniers au profit de la commu-nauté. Mais la liberté de parole n’est pasassurée dans un contexte socio-politiquetrès tendu, aggravé par une salve demesures à l’encontre des scientifiques etdes associations environnementales.

En filigrane du conflit, on peut lire aussicomment les promoteurs du nouveau planplaident, comme d’autres ailleurs enEurope, pour le primat d’une nature façon-née par l’homme devant la nature sauvage,et ce, même au cœur de la “dernière forêtprimaire d’Europe”.

Les institutions internationales ont lancédes procédures d’enquête et d’avertisse-ment face à ce plan; mais il est nécessaireque la pression s’intensifie pour espérersauver cette forêt.

Article des auteurs paru dans la Garancevoyageuse n° 117 - Reportage complet surla situation à Białowie‘za, avec un dossierde 40 pages et une vidéo de 15 minutes,avec des interviews des principaux prota-gonistes du dossier, disponibles sur le sitede l’association Forêt & Naturalité:www.foret-naturalite.be

Dans les nombreuses trouées de laforêt de Białowie‘za, les arbres tom-bés par mort naturelle, favorisentsa régénération spontanée© Georges Horney

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