Cidre artisanal

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Guide pratique de la production et la fabrication des cidres et poirés (3e éd.) : (1900-1904) / par les Etablissements Simon Frères (Cherbourg) Fondée en 1856 par M. SIMON père, notre Maison s'est toujours occupée depuis sa fondation de la construction des appareils pour la fabrication du Cidre. Nos appareils sont adoptés en France par le Ministère de l'Agriculture, l'Institut Agronomique, la Faculté des Sciences et dans les différentes Ecoles Nationales d'Agriculture de France et de l'Etranger. Nous sommes entièrement à la disposition des intéressés pour leur envoyer tous les catalogues détaillés dont ils pourraient avoir besoin et leur fournir tous les renseignements qu'ils pourraient désirer. DISTINCTIONS ET EXTRAIT DE LA LISTE DES PRINCIPALES RÉCOMPENSES QUE NOUS AVONS OBTENUES DEPUIS 1888 I. — DISTINCTIONS Au Concours Général Agricole du Palais de l'Industrie M. ALBERT SIMON a été nommé Chevalier du Mérite Agricole Par décret du 10 Janvier 1897 M. AUGUSTE SIMON a été nommé Chevalier du Mérite Agricole A la suite de l'EXPOSITION de BRUXELLES (Décret du 23 Septembre 1898) M. ALBERT SIMON a été nommé Officier du Mérite Agricole A l'occasion de l'EXPOSITION UNIVERSELLE de PARIS 1900 (par décret du 14 Novembre 1900) M. AUGUSTE SIMON a été nommé Officier du Mérite Agricole [p. 2] II. — PRINCIPALES RÉCOMPENSES GRANDS CONCOURS ET EXPOSITIONS 1888. 2 Médailles d'Or. Concours spécial de St-Brieuc, pour broyeurs de fruits. 1888. Médaille d'Or. Concours du Palais de l'Industrie, Paris. 2 Médailles d'Or.

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Guide pratique de la production et la fabrication des cidres et poirés (3e éd.) : (1900-1904) / par les Etablissements Simon Frères

(Cherbourg)

Fondée en 1856 par M. SIMON père, notre Maison s'est toujours occupée depuis sa fondation de la construction des appareils pour la fabrication du Cidre.

Nos appareils sont adoptés en France par le Ministère de l'Agriculture, l'Institut Agronomique, la Faculté des Sciences et dans les différentes Ecoles Nationales d'Agriculture de France et de l'Etranger.

Nous sommes entièrement à la disposition des intéressés pour leur envoyer tous les catalogues détaillés dont ils pourraient avoir besoin et leur fournir tous les renseignements qu'ils pourraient désirer.

DISTINCTIONSET

EXTRAIT DE LA LISTE DES PRINCIPALES RÉCOMPENSESQUE NOUS AVONS OBTENUES DEPUIS 1888

I. — DISTINCTIONS

Au Concours Général Agricole du Palais de l'Industrie

M. ALBERT SIMON a été nommé Chevalier du Mérite Agricole

Par décret du 10 Janvier 1897

M. AUGUSTE SIMON a été nommé Chevalier du Mérite Agricole

A la suite de l'EXPOSITION de BRUXELLES

(Décret du 23 Septembre 1898)

M. ALBERT SIMON a été nommé Officier du Mérite Agricole

A l'occasion de l'EXPOSITION UNIVERSELLE de PARIS 1900

(par décret du 14 Novembre 1900)

M. AUGUSTE SIMON a été nommé Officier du Mérite Agricole

[p. 2]

II. — PRINCIPALES RÉCOMPENSES

GRANDS CONCOURS ET EXPOSITIONS

1888. 2 Médailles d'Or. Concours spécial de St-Brieuc, pour broyeurs de fruits.

1888. Médaille d'Or. Concours du Palais de l'Industrie, Paris.

2 Médailles d'Or.

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1888. 2 Médailles d'Or. Exposition nationale des cidres, Paris.

1889. Médaille d'Or. Exposition Universelle de Paris.

1890. Prix d'Honneur. Objet d'art décerné par M. le Ministre de l'Agriculture pour la plus belle collection d'appareils de laiterie et beurrerie.

1890. 2 Médailles d'Or. Concours officiel de St-Lô pour barattes et malaxeurs.

1890. 2 Médailles d'Or. Concours spécial de Caen, pour broyeurs de fruits.

1891. Diplôme d'Honneur. Concours spécial d'Avranches pour presse-continue pour les cidres et vins.

1891. 2 Médailles d'Or. Concours spécial d'Avranches pour broyeurs de fruits.

1892. Prix d'Honneur. Décerné par M. le Ministre de l'Agriculture.

2 Médailles d'Or. Au Concours officiel de Rouen, pour appareils de laiterie et beurrerie.

1892. Médailles d'Or. Exposition industrielle de Vannes.

1892. Prix d'Honneur. Concours spécial de St-Servan, pour broyeurs de fruits.

Médaille d'Or. Offerte par la Société des Agriculteurs de France.

1892. Prix d'Honneur. Concours spécial d'Evreux, pour broyeurs de fruits et presse-continue pour les cidres.

Médaille d'Or. Offerte par M. le Ministre de l'Agriculture avec les félicitations du Jury.

1894. Médaille d'Or. Concours officiel de Caen, pour appareils de laiterie.

1894. 2 Médailles d'Or. Concours spécial de Laigle, pour broyeurs de fruits.

1894. Diplôme d'Honneur. Concours spécial d'Abbeville, pour broyeurs de fruits.

1894. Médailles d'Or. Exposition Universelle de Lyon.

1895. Médaille d'Or. Exposition Internationale de Bordeaux.

1896. Diplôme d'Honneur. Exposition Nationale de Rouen.

1896. Gd Prix Agronomique. Objet d'Art de la Société des Agriculteurs de France, la plus haute récompense décernée à ce jour aux Broyeurs et Pressoirs.

1897. Médaille d'Or et Prime de 100 fr. Concours officiel de Rennes, pour barattes et malaxeurs.

1897. 2 Premiers Prix et Prime de 100 fr. Concours spécial de Saujon, pour barattes et malaxeurs.

1897. Diplôme d'Honneur. Exposition internationale de Bruxelles « décret du 23 Septembre 1898 ».

1897. Médaille d'Or. Concours spécial de pressoirs de Nantes, à l'unanimité du Jury.

1897. Diplôme d'Honneur. Concours spécial du Mans pour broyeurs et pressoirs.

1898. Grand Prix. Exposition Nationale d'Alençon.

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1898. Médaille d'Or. Concours-Exposition de Vimoutiers, pour appareils de laiterie.

1898. 3 Premiers Prix et Prime de 300 fr. Concours spécial de Saintes, pour écrémeuses, barattes et malaxeurs.

1898. Médaille d'Or. Concours officiel annexe Vannes, pour écrémeuses.

1898. Grand Prix. Exposition Internationale de Dijon.

1899. Diplôme d'Honneur. Exposition Nationale du Mans.

1899. Médaille d'Or. Concours spécial d'Ecrémeuses du Mans.

1900. 2 GRANDS PRIX, 1 Médaille d'Or. Exposition Universelle Paris 1900.

Soit : 6 GRANDS PRIX ;

5 PRIX D'HONNEUR ;

3 DIPLOMES D'HONNEUR ;

33 MÉDAILLES D'OR, etc., etc.

OBTENUS DEPUIS 1888.

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AVANT-PROPOS

LE CIDRE

Le cidre est la boisson fermentée extraite de la pomme, ce serait à proprement parler du vin de pomme si, à l'inverse de ce qui se passe en vinification où la fermentation transforme très rapidement à peu près complètement le sucre en alcool, nous n'avions à envisager ici une transformation beaucoup plus lente qui fait que la consommation du cidre peut avoir lieu avant que tout le sucre ne soit devenu alcool.

On estime que le cidre est propre à être consommé, lorsque la fermentation tumultueuse a pris fin, ce qui se manifeste par la séparation des fèces et l'ascension du chapeau. A cet état le densimètre accuse, seulement en général, une chute de quelques points. A partir de ce moment, si la consommation n'en est pas faite, la transformation se fera de plus en plus lente

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et c'est seulement au bout de plusieurs mois que toute trace de sucre aura disparu.

Cette aptitude à être consommé à l'état de moût est peut-être une des raisons qui font le plus apprécier le cidre, puisqu'il peut satisfaire à tout moment de son évolution une certaine catégorie de goûts. Cette instabilité est en même temps une grande difficulté à surmonter pour sa propagation puisqu'il ne peut être offert à l'acheteur que comme un produit variable et instable, et que l'échantillon lui-même n'en est pas fixe.

La faculté que possède le cidre de devenir gazeux en bouteilles est une des conséquences de sa fermentation lente et prolongée. C'est sous cette forme que sa conservation est le mieux assurée et que son expédition offre le moins d'aléas.

Les qualités hygiéniques du cidre ont été mises en lumière par les statistiques du Docteur Denis Dumont établies sur les 3 départements du Calvados, de la Manche et de l'Orne, il en résulte que la maladie de la pierre est inconnue dans les départements où l'on boit du cidre, et que ce liquide peut être considéré jusqu'à un certain

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point comme un remède contre la Gravelle, la Goutte, les coliques hépatiques et néphrétiques, la Gastrite, etc.

Ce qui est certain, c'est que le cidre consommé sous la forme habituelle étant une boisson plus faible en alcool que toutes les autres boissons usuelles, est un moindre facteur de l'alcoolisme que toutes ces mêmes boissons. A ce titre seul il a le droit à la considération de tous les philanthropes.

Dans cet opuscule réduit, et destiné particulièrement à éclairer le propriétaire sur la fabrication de son cidre, nous traiterons 4 chapitres.

1° — Le pommier, les espèces, leurs caractères. — Soins et méthode de plantation et de culture, cueillette.

2° — Fabrication du cidre. — Anciennes méthodes. — Appareils nouveaux. — Méthode nouvelle et rationnelle de fabrication du cidre par les moyens mis à la portée des intéressés ; Broyage. — Soins de propreté. —Macération des marcs. — Lavage des pommes. — Utilité du levain. — Pressurage. — Soins à donner aux

pressoirs. — Exemple d'installation.

3° — Fermentation. — Filtration. — Table des densités —

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Soutirage. — Mise en fûts. — Nettoyage et conservation des fûts.

4° — Maladie des cidres et remèdes. — Mise en bouteilles. — Cidre mousseux. — Poirier, poiré. — Utilisation des marcs : Valeur distillation fumure, alimentation des bestiaux.

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CHAPITRE I

Le pommier, les espèces, leurs caractères. — Soins et méthodes de plantation et de culture. — Cueillette.

Le pommier, les espèces, leurs caractères. — Dans ces dernières années, de longs et patients travaux ont mis en lumière les diverses variétés de pommes à cidre créées par la culture, la sélection, les milieux.

Parmi les personnes qui ont élevé à son niveau actuel la science de la pomologie, citons MM. Lechartier, Hauchecorne, Hérissant, Truelle, Séguin, Pailheret, Power, Dr Hantraye, Ragaine, etc.

Nous donnons ci-après un tableau de quelques variétés de 1er ordre qui sont tirées des récents travaux de MM. Séguin et Pailheret, avec l'indication de leurs qualités et nous ont paru de nature à mériter l'attention des personnes qui se disposent à effectuer des plantations.

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ANALYSE RAPPORTÉE à I lit. de moût.

EXTRAIT sec

ACIDITÉ en acide malique

TANNIN

Alizon très vig., très fertile

mai fin octobre 1092 229.9 5.5 1.92

Amère Bideau bonne fertilité fin mai novembre 1094 250 2 5.98

Amère petite assez vig., fertile juin novembre 1086.9 225.8 1 56 1.16

Amère verte très vig., très fertile

juin novembre 1082.6 203.5 1 43 3.3

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Bataille rustique, vig., fertile fin mai, juin octobre 1089.2 176.2 1.18 2 61

Bédan rustique, très fertile fin mai fin octobre 1083.7 220.4 2.69 1 58

Bédange rustique, très fertile fin mai 1083.6 216.04 1 1 30

Broussette très fertile fin mai octobre 1088.8 234.6 2.37 5.71

Cucreux vigoureux, fertile mai novembre 1089.5 222 2 1.51

Doucette vigoureux, fertile fin mai fin novembre 1085.5 223 3.31 1.67

Doux courcier très vig., très fertile fin mai novembre 1087.3 230.9 1.69 3.78

Doux d'avoine très rustique, très fertile mai octobre 1089.6 231 1.87 0.89

Doux évêque fertile, assez vigoureux fin mai octobre 1070.4 187.1 0.87 2.20

Gros doux amer 1083 215.5 1.81 1.03

Gros doux jaune rustique, fertile mai fin octobre 1087.3 229.1 3.13 2.47

Jaune crasseux bonne fertilité fin avril fin octobre 1092 243.5 2.87 1.37

Jaunette dure fertile, rustique avril fin octobre 1099.7 261.3 1.69 1.51

Mariah assez fertile avril fin septembre. 1086.6 228.9 2.50 3.99

Pigeonnet assez rust., assez fertile fin main décembre 1086.6 231.5 1.87 1.51

Prado rustique, bonne fertilité mai novembre 1096.9 254 3.63 1.23

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Soins et méthodes de plantation et de culture. — M. Roger de la Borde a traité de main de maître dans un petit ouvrage édité chez MM. Lachèze et Cie, à Angers, les soins à donner au terrain lors de la plantation et aux pommiers à tous les moments de leur existence.

Il estime que tout terrain peut convenir au pommier pourvu qu'il contienne 40 centim. de hauteur de terre. Cette condition est en effet suffisante au point de vue quantitatif, le pommier étant un végétal à racines traçantes, mais il reste au point de vue qualitatif à choisir les espèces qui donneront leur maximum de rendement dans le terrain dont on disposera.

Or nous ne saurions trop engager nos clients à étudier avec le plus grand soin le choix de ces espèces en ne perdant pas de vue que lorsqu'on fait une plantation de pommiers on engage le terrain qu'on y consacre pour un terme de cinquante à soixante années, ce qui, on le reconnaîtra, mérite réflexion.

L'examen des clos voisins et des variétés qui y profitent considérées aux points de vue saison, quantité, degré, rusticité, qualités générales, est une précieuse indication ; l'analyse du sol par la station pomologique la plus proche et l'avis du professeur d'agriculture du département sont des conditions indispensables. Enfin l'avis de pépiniéristes consciencieux n'est pas non plus à négliger.

En général les pomologues conseillent de planter de préférence des espèces rustiques, fertiles et à haute densité ; de mélanger dans un même clos à celles devant apporter surtout le sucre des amères, des acides et des colorées dans des rapports déterminés. Enfin d'échelonner les saisons afin que les circonstances climatologiques défavorables aient une moindre influence sur la récolte totale annuelle.

Nous passons sur la pratique de la plantation que tout cultivateur possède, et nous renvoyons les intéressés aux ouvrages spéciaux cités en Bibliographie à la fin de ce petit ouvrage, pour les traitements contre les maladies cryptogamiques.

Disons cependant un mot de la disposition des arbres, lesquels, quel que soit le mode de culture principal du terrain, doivent être suffisamment espacés pour recevoir air, lumière et humus à discrétion.

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M. Roger de la Borde recommande 10 mètres comme minimum entre chaque arbre d'une ligne et 12 mètres entre les lignes, orientation des lignes du Nord au Sud.

Cueillette. — La cueillette pourrait aussi se passer de nos explications ; cependant, en présence des effets désastreux du gaulage sur la récolte suivante, nous avons cru devoir insister sur la condamnation de cette coutume déplorable. Certains cultivateurs ont aussi l'habitude d'abattre les pommes d'un clos dans la même journée pour éviter d'y revenir, sans se soucier des époques de maturité. Cette pratique est d'une influence néfaste sur la qualité des cidres et leur valeur marchande ; les moûts obtenus manquent de sucre, de ferments, de tannin et de matières pectiques. Ils fermentent mal, restent louches et sujets à toutes les maladies du cidre. Il est indispensable de n'abattre que les pommes mûres. Si on désire faire la récolte en une seule fois il faut de toute nécessité se conformer aux idées de M. de la Borde qui préconise dans cet esprit le clos planté de pommiers de même saison. Nous n'avons aucun reproche à faire à cette manière de voir basée logiquement sur un motif économique, si ce n'est qu'on joue gros jeu.

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CHAPITRE II

Anciennes méthodes. — Appareils nouveaux. — Méthode nouvelle et rationnelle de fabrication du cidre par les moyens mis à la portée des

intéressés. — Broyage. — Soins de propreté. — Macération des mares. —Lavage des pommes. — Utilité du levain. — Pressurage. — Soins à donner aux pressoirs. — Exemple d'installation. — Du choix de l'eau à employer pour le

trempage.

Anciennes méthodes. — On peut voir en Normandie les vestiges, et dans certaines contrées encore en fonctions, des appareils anciens destinés à la fabrication du cidre.

Ce sont : le tour en pierre destiné au pilage des pommes et l'étreindelle ou pressoir à longue étreinte qui en extrayait le jus.

Le tour en pierre n'est autre chose qu'une auge circulaire portant en son centre un pivot où est fixée une barre d'attelage de manège sur laquelle est enfilée une meule verticale qui,

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entraînée par la marche du cheval et roulant dans l'auge circulaire, écrase sur son passage les pommes qu'on y a jetées.

L'action de cette meule en pierre est irrégulière et incertaine, elle écrase en bouillie les pommes les plus mûres tandis que d'autres, les vertes ou les petites, lui échappent obstinément et ne consentent qu'à se laisser rompre par quartiers. Enfin les pépins et la pelure, quand ils n'échappent pas au passage de la meule, sont pulvérisés et apportent dans la composition du cidre des éléments désagréables et malsains.

L'étreindelle ou pressoir à longue étreinte se compose comme les pressoirs actuels d'une maie, le plus souvent en pierre, et de chantiers ; sur la maie on monte la motte de marc et on y établit les chantiers, sur lesquels on appuie ensuite un grand levier en bois déjà très puissant par son propre poids et dont on accentue l'effort en serrant une vis qui traverse son extrémité.

Le principal tort de l'étreindelle est l'encombrement qu'elle occasionne et le local qu'elle nécessite, de plus les mauvaises conditions de sa construction habituelle (la vis était presque toujours en bois), en faisaient un outil de piètre rendement mécanique.

Appareils nouveaux. — Nos ateliers se trouvant situés à l'extrémité de la Normandie, dans le pays qui plus que tout autre doit à la pomme et rien qu'à elle sa boisson hygiénique, nous avons été amenés tout naturellement à étudier les améliorations à apporter aux opérations de la cidrification.

Par ce mot nous entendons la transformation des fruits en jus ou moût, en y comprenant la fabrication du petit cidre par macérations successives en présence de l'eau, broyage et pression, à l'exclusion des phénomènes de

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la fermentation et de leur conduite que nous étudierons sommairement plus loin.

Méthode nouvelle et rationnelle de fabrication du cidre par les moyens mis à la portée des intéressés. — Broyage. — Ayant construit comme tous nos concurrents les broyeurs à noix qui étaient déjà cependant un progrès sur le tour en pierre, nous nous sommes rendu compte de l'imperfection de ces appareils, surtout lorsque la maturité de la

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pomme lui permet de fuir en pâte l'action des dents des cylindres et de les engorger.

Nous avons alors procédé à des recherches qui nous ont amené à la construction de notre nouveau broyeur.

Cet appareil est le résultat de longues études et de plusieurs années de recherches, il se compose d'un seul arbre muni d'un cylindre armé de palettes mobiles entrant et sortant du cylindre pendant la rotation. Ces palettes entraînent les fruits et les obligent à suivre le mouvement du cylindre pour être broyés contre une plaque munie de rainures appelée dossier, venant tangenter le cylindre. Ce dossier est articulé et maintenu à l'écartement voulu du cylindre par une vis qui règle le degré de broyage.

Entre le dossier et la vis de réglage est intercalé un mouvement de genouillère équilibré par un ressort. Cette disposition nouvelle et spéciale permet à ce dossier un mouvement de recul pour laisser passer sans crainte d'accidents les corps durs, les pierres, bois, fer, etc.

Ce Broyeur possède un distributeur permettant de varier la prise des fruits d'après leur grosseur, leur dureté et aussi selon la force dont on dispose.

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Nos moulins à bras sont munis d'un conduit permettant de recevoir les fruits broyés en dehors des pieds, ce qui facilite beaucoup le service du moulin et évite les arrêts.

La trémie d'une grande contenance alimente le moulin d'une façon très régulière, elle est facile à enlever ou se renverse à charnière suivant le numéro et permet de vérifier aisément l'appareil.

En résumé, les avantages de ces Broyeurs de toutes les dimensions et forces sont les suivants :

1° Broyage réel des fruits par éclatement des cellules et non concassage comme dans les moulins à noix.

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noix.

2° Distributeur permettant de régler à volonté la quantité du travail fait par le moulin.

3° Pas d'engorgement comme dans les anciens moulins à deux noix, le cylindre se nettoyant de lui-même.

4° Pas d'accident à craindre par suite de la rencontre de pierres ou autres corps durs.

5° Ces Broyeurs permettent de repasser les marcs très facilement pour la fabrication des petits cidres, poirés ou vins.

6° Simplicité de l'appareil qui se compose d'un seul arbre, n'a aucun mécanisme intérieur et supprime les engrenages.

7° Conduit portant les pommes broyées hors des pieds du Broyeur.

8° Nos clients trouveront dans nos Catalogues une liste très détaillée avec dessins, numéros et prix des pièces de rechange de nos Broyeurs, ce qui facilite beaucoup l'entretien ou la réparation. Nous avons toujours en Magasin un assortiment de ces pièces nous permettant la livraison immédiate.

Le broyage est un grand facteur de la rapidité de l'opération ; plus le broyage est parfait, plus grand est le rendement qu'on obtient de prime-abord, moindre est le nombre de rémiages qu'on a besoin de faire. Aussi l'obligation de régler le broyeur chaque fois qu'on fait varier la dureté moyenne des pommes traitées s'impose-t-elle.

Nos broyeurs agricoles marchant à bras sont décrits à notre tarif, les mêmes appareils peuvent être mus à manège.

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Soins de propreté. — Tous les broyeurs, quelle que soit leur origine, exigent une très grande propreté. Il faut à chaque arrêt de l'instrument, c'est-à-dire à la fin de chaque journée de travail et même plus souvent si possible, faire tourner le cylindre en arrosant jusqu'à ce qu'il soit absolument vide et propre, puis essuyer et graisser les pièces de fonte. Cette précaution fort simple est indispensable pour éviter que les cidres noircissent, car la pulpe qui s'est introduite dans le cylindre pendant le travail, s'acidifierait pendant les longs arrêts, et attaquerait la fonte qui rouillerait.

Ces soins de propreté diminueront en outre les causes d'usure de tout broyeur.

Macération des marcs. — La question de la macération sans eau ou marquage a été très discutée, la science a établi par de récents travaux que contrairement aux croyances générales la couleur du moût était non pas augmentée, mais diminuée par la macération. MM. Séguin et Pailheret, dans des expériences toutes récentes, ont reconnu que la décoloration obtenue par marquage prolongé avec pelletage, peut être très prononcée et donner des moûts presqu'incolores ; hâtons-nous d'ajouter que les dangers qui résultent pour les cidres par suite du développement des colonies de bactéries, grâce à une trop longue exposition des pulpes à l'air, nous font un devoir de déconseiller l'usage de la macération du marc vierge.

Lavage des pommes. — Ici se place d'elle-même la question aussi à l'ordre du jour du lavage des pommes.

Il est clair que, si les fruits sont dans un état de propreté satisfaisante, si leur surface n'est pas contaminée par des bactéries de toute nature, la courte macération qui précèdera le pressurage n'aura pas pour effet de laisser prendre le dessus aux levures aérobies défavorables. Donc si les pommes que l'on possède sont ainsi, si on les a fait cueillir soi-même dans ses clos et si on les a étendues sur un sol propre à l'abri de la polluation des poussières, des volailles et animaux de basse-cour, il est inutile de les laver.

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Au contraire s'il s'agit de pommes de commerce ayant probablement séjourné sur le sol des clos récemment fumés, ou ayant voyagé dans des sacs quelconques et des wagons qui ont transporté auparavant des marchandises des plus diverses, grains, bestiaux, produits chimiques, laines, peaux, marée, etc, nous estimons

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que le lavage est indispensable,

Ceci revient presqu'à dire que l'on peut s'en passer chez le propriétaire tandis que le fabricant de cidre est obligé d'y avoir recours.

Utilité du levain. — Mais le lavage bien fait ayant pour résultat de priver les pommes de la plus grande partie des ferments, bons ou mauvais, déposés à sa surface : le propriétaire se trouvera dans la nécessité s'il veut obtenir avec certitude un produit sain, d'en assurer la fermentation par les bonnes levûres en la favorisant au moyen d'un levain. Nous reviendrons sur ce sujet au chapitre Fermentation.

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Pressurage. — Des pressoirs plus nouveaux ont succédé à l'étreindelle, ils se composent d'une simple maie en bois ou fonte traversés par une vis centrale ; un écrou mû par un système mécanique offrant une grande multiplication d'efforts et actionné lui-même par un levier horizontal, descend le long de cette vis pour effectuer la pression. Souvent ces pressoirs sont montés sur des roues pour se transporter à domicile et se louent momentanément aux personnes désirant faire leur cidre elles-mêmes,

Les fruits préalablement broyés comme nous l'avons indiqué plus haut sont jetés à la pelle dans une claie circulaire comme fig. N° 2, ou bien montés en motte et séparés par des lits de paille suivant la vieille mode normande comme sur la fig. 3.

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Ces deux procédés quoique suffisants dans certains cas ont tous deux leur défaut capital.

Dans le premier : la masse de pomme agglomérée en un

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seul pain laisse difficilement au jus la faculté de sortir, et ce n'est qu'à la longue que l'épuisement se produit ; le deuxième procédé fait intervenir la méthode si logique du drainage par lits, mais à notre avis dans des conditions peu avantageuses :

1° Parce que la paille écrasée elle-même dans la pomme est un draînage peu efficace ;

2° Parce qu'elle coûte assez cher et ne peut servir plusieurs fois sans introduire dans la masse des ferments acétiques ;

3° Enfin parce que, même parfaitement propre apparemment, la paille est le siège de poussières et de spores de toute nature.

Dans le but de rendre pratique le principe du drainage, nous avons étudié notre série T qui comporte un système de toiles et claies de drainage que nous présentons à la fig. 4 et qui a le mérite d'être d'une manoeuvre simple, et de durer presqu'indéfiniment.

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Pour les Pressoirs à vis Centrale, il y avait jusqu'ici une difficulté : il fallait mettre les toiles en deux parties ; cela

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nécessitait une plus grande surface de toile et en outre certaines parties se recouvraient plusieurs fois, ce qui présentait des inconvénients.

Une disposition ingénieuse des toiles que nous avons fait breveter nous permet d'employer les toiles d'un seul morceau avec le minimum de surface possible et sans parties ayant plusieurs recouvrements. Des claies de drainage bien étudiées complètent cette disposition.

La figure 5 ci-contre représente le cadre qui sert de forme pour le montage de chaque lit de marc ; il faut un seul cadre par pressoir. La figure 6 fait voir une claie en deux pièces conforme à celles placées entre deux lits pour former drainage.

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La figure 7 représente un Pressoir à vis centrale sur lequel on a commencé à monter un marc. La tète de la vis et l'appareil de serrage ont été supprimés pour réduire la place occupée dans ce tarif.

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Les différentes figures qui précèdent font comprendre très exactement la façon d'opérer pour le montage des marcs. Nous joignons du reste à chaque Pressoir de ce système une instruction sur son emploi.

LES AVANTAGES DE CE SYSTÈME SONT LES SUIVANTS :

1° A pression égale dans le même temps, rendement notablement plus élevé en liquide ;

2° Liquide beaucoup plus limpide à la sortie du pressoir, par conséquent beaucoup moins de lie dans les cuves ou foudres de fermentations ;

3° Ces Pressoirs extrayant le liquide beaucoup plus rapidement, il en résulte qu'avec un même Pressoir on peut faire aisément 3 ou 4 marcs par jour, d'où économie dans l'achat pour une même quantité de travail par jour ;

4° Les marcs étant montés à l'aide de lits d'égales épaisseurs, grâce au cadre servant à les régulariser, et étant en outre reliés par les claies de drainage, ils se maintiennent bien et l'on ne risque plus de courber les vis ;

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Cette application de ce système de drainage, combiné

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avec notre appareil de Serrage Breveté, dont sont munis nos vis à filets trapézoïdaux renforcées montées sur nos Pressoirs robustes et bien établis, nous donne de beaux résultats.

C'est à ces divers éléments réunis que nous devons le brillant succès que nous avons obtenu au grand concours spécial de pressoirs de Nantes.

Ce concours est en effet le plus important qui ait été tenu en France jusqu'à ce jour pour les pressoirs.

Les expériences ont duré dix jours, dirigées par M. RINGELMAN, directeur de la Station d'essais du Ministère de l'Agriculture.

Nos pressoirs sont ceux qui ont donné le plus de liquide, avec la moindre force et dans le moins de temps, aussi avons-nous obtenu à ce Concours : Le

1er PRIX, MÉDAILLE D'OR

A L'UNANIMITÉ DU JURY

Pour des besoins plus importants, sans sortir cependant du cadre de la cidrerie agricole, nous avons créé une série de presses à 4 colonnes à double maie à bras qui présentent sur le pressoir ordinaire de même capacité, deux immenses avantages, sans parler des commodités de disposition. Fig. 8.

1° Une motte peut être montée sur la seconde maie pendant que la première est en pression et inversement, de sorte que le temps ordinairement employé pour préparer et démonter la motte est économisée.

2° L'absence de vis dans l'intérieur du marc autorise l'emploi de toiles sans échancrures et de claies d'une seule pièce, et facilite considérablement la manoeuvre de préparation des lits. Nous donnons fig. 8, la vignette de ce genre d'appareil.

Un mouvement spécial Breveté permet la montée et la descente rapide du plateau-presseur par l'intermédiaire de l'arbre vertical et des engrenages correspondants. Ces engrenages sont en outre reliés avec le mouvement du virage des maies, en sorte que, sans avoir à se déplacer, l'homme chargé

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de la manoeuvre de la presse peut en agissant sur la même manivelle amener les maies sous le plateau-presseur, et ensuite donner le serrage rapide. De même, il peut, sans se déplacer, desserrer et remonter rapidement le plateau-presseur et amener à sa place la nouvelle charge. Avec cette disposition, le mouvement de serrage au levier ne fonctionne plus qu'au moment de la grande pression ainsi que pour commencer à desserrer l'appareil. Il en résulte une notable économie de main-d'oeuvre et de temps dans la manoeuvre de ces appareils.

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Un double jeu de clavettes donne la possibilité de placer le levier servant à donner la grande pression à droite ou à gauche de l'appareil, selon que la maie en charge est placée à gauche ou

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à droite de la presse. Le volant du vireur sert également à abaisser ou à relever rapidement le plateau-presseur au commencement du serrage ou après la pression, ainsi qu'il vient d'être expliqué.

Le liquide extrait tombe dans deux citernes cimentées pratiquées sous la presse, pouvant communiquer ou non entre elles, ou dans tout autre réservoir. Cette disposition de réservoir au-dessous des maies a l'immense avantage d'éviter d'une façon absolue toute perte de liquide.

Etant donné ces différents perfectionnements, nos Presses de la série C sont certainement au premier rang des appareils fonctionnant à bras, permettant de faire beaucoup de travail rapidement, économiquement et bien.

Soins à donner aux pressoirs. — Il est important avant de mettre l'appareil de serrage d'un pressoir en fonction de bien en graisser toutes les parties frottantes : la vis, l'écrou, la surface de contact de l'écrou et du crapaud, les axes du levier et des bielles, les clavettes et leurs guides.

Dans ces conditions, le bon fonctionnement des pressoirs est pleinement assuré et il ne peut survenir d'accidents que lorsqu'on fait agir le levier à l'aide de fortes secousses ; ou, enfin, quand au lieu d'un homme pour les pressoirs munis de vis de 70m/m et au-dessous et au lieu de deux hommes pour ceux au-dessus, on en met 2, 3, 4, développant ainsi un excès de force.

Si d'une année à l'autre les pièces de bois qui composent la maie se sont disjointes sous l'influence de la sécheresse, il faut serrer les boulons d'assemblage du fond de la maie en ayant soin de serrer d'abord ceux agissant dans le sens de la largeur du plancher. Si ce serrage ne suffit pas à ramener un contact à peu près complet des planches de fond, il faut démonter ce fond de pressoir et redresser les rives des planches.

Les fentes, ou joints imparfaits, n'ayant que peu d'ouverture, seront bouchés avec un mastic employé à chaud, composé de résine fondue, mélangée d'un peu de suif et de cendre fine, afin d'éviter toute perte de liquide sous l'effet de la pression.

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Mais il arrivera, le plus souvent, qu'une humectation prolongée à l'eau chaude suffira pour rétablir tous les

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joints, une fois les boulons serrés.

Le lavage des claies et toiles doit avoir lieu assez souvent pour en éviter l'obstruction, en même temps que l'acétification.

Exemple d'installation. — Il résulte, par un agencement, que la succession des opérations, impose tout naturellement la disposition classique de cidrerie agricole représentée à la page suivante. Cette installation peut traiter de 3 à 5,000 kilos de pommes par jour, rémiage compris. Le fonctionnement en est visible à première vue :

Les pommes descendent du grenier par un couloir et arrivent dans la trémie du broyeur ; après avoir subi le broyage, la pulpe fraîche se répand dans la cuve située en dessous du broyeur. De là, elle est reprise à la pelle pour être chargée sur l'une ou l'autre maie de la presse à 4 colonnes. Lorsque les gateaux de marc asséché, enveloppés de leur toile, sont extraits de cette presse, ils sont rompus et émiettés dans la cuve en dehors du sol située à côté du broyeur, on arrose alors le marc d'eau dans la mesure qu'on désire, et on laisse macérer jusqu'à ce que la cuve latérale à la presse qui contenait la pulpe fraîche soit vide. On fait alors repasser à la pelle le rémiage dans le broyeur pour lui faire prendre la place de la pulpe fraîche dans la cuve latérale, on procède ensuite au chargement des mottes comme il avait été fait en premier lieu. Après pressurage le marc de 2e

pression est encore repassé dans la cuve à macération pour suivre une fois de plus le même cycle ou expulsé suivant le genre de produit que l'on veut obtenir, ou le cours des pommes.

Il arrive en effet un moment où la valeur du petit cidre obtenu ne couvre plus les frais d'extraction, et il est de bonne économie de ne pas atteindre ce point.

Indépendamment de l'installation type sur laquelle nous venons de baser notre explication, nous préconisons d'autres dispositions multiples de la précédente ou conjuguées avec

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d'autres machines, mais nous n'en exposons pas ici la description parce qu'elles sont du domaine de la cidrerie industrielle.

Dans l'ordre inverse, c'est-à-dire pour des diminutifs du projet présenté, nous engageons nos clients à se pénétrer du principe et à procéder dans le même esprit eu égard aux quantités et à l'état des locaux qu'ils possèdent.

Du choix de l'eau à employer pour le trempage. — Il est d'usage de se procurer, pour la macération, l'eau qui se trouve le plus à proximité du pressoir sans se préoccuper autrement de sa pureté. Si cette coutume ne présente généralement pas d'inconvénients, il en peut résulter de très graves.

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L'eau introduite dans la fabrication des boissons fermentées ou non, doit présenter tous les caractères requis pour les bonnes eaux potables. Elle doit être pure, limpide, bien aérée, peu calcaire, peu séléniteuse ou ammoniacale, la présence des sels ammoniacaux étant ici due à la décomposition des substances organiques qui altèrent profondément la pureté de l'eau.

A ces conditions elle peut provenir des citernes, sources, pièces d'eau, cours d'eau, etc. Les eaux de puits et de fontaine font durcir le cidre, elles ne sont pas suffisamment aérées.

Les eaux de pluie sont les meilleures, surtout si les citernes sont tenues dans un état constant de propreté.

On devra rejeter sans hésitation toutes les eaux chargées de détritus organiques, végétaux ou animaux, qui sont de véritables réservoirs d'innombrables parasites, de spores ou germes de nombreuses maladies contagieuses (fièvre typhoïde, malaria, choléra, cancer, etc.).

C'est une grave erreur de croire que la fermentation des boissons et du cidre en particulier, élimine les microbes morbigènes qu'on aurait introduits à la faveur d'une eau provenant de mares ou de tout autre réservoir infecté par l'égoût des fumiers, des vases remuées et autres foyers de contamination.

Si elle assure la prédominance du ferment alcoolique, indispensable à la transformation du glucose, elle est loin

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d'éteindre les nombreuses variétés microbiennes coexistant parallèlement à ce dernier, et provenant de la pulpe même ou de l'eau incorporée au cours de la macération.

D'ailleurs, la consommation du cidre a toujours lieu en état de fermentation imparfaite ; on rencontre donc à ce moment en suspension dans le cidre la plupart des impuretés insolubles et en dissolution la plus grande quantité des impuretés solubles.

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CHAPITRE III

Fermentation. — Filtration. — Table des densités. — Soutirage. — Mise en fûts, nettoyage et conservation des fûts.

Fermentation. — La fermentation du cidre est extrêmement complexe ; à l'inverse du vin, où elle se termine rapidement sous l'action de quelques levures saccharomices connues, elle subit dans le cidre un ralentissement d'autant plus grand qu'elle approche de sa fin.

Il n'est pas rare de rencontrer encore des cidres sucrés après un an de fabrication. Il semble que le classique saccharomices ellipsoïdeus dont l'action est si faible au-dessous d'une température de 15° soit pour bien peu de choses, par l'action directe de sa vie anaérobie, dans la fermentation cidrière ; certains cidres musqués donnent l'impression que leur fermentation est due en grande partie au travail de l'apiculatus. Les opinions sont très partagées sur ce sujet entre savants pomologues, oenologues et microbiologistes. Certains font entrevoir la lenteaction de diastases émises péniblement par des saccharomices végétant dans des conditions défavorables de température et d'oxigènation ainsi que dans des moûts de compositions tout à fait indéterminées ; d'autres acceptent l'influence des bactéries productrices d'alcool, enfin il y a lieu de tenir compte de la composition du milieu qui n'est pas

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toujours immédiatement assimilable par certains microbes grâce à la durée prolongée de l'inversion du sucre.

Si on considère que ces diverses causes sont elles-mêmes complexes et sujettes à examen sous bien des points de vue on se rend compte de la difficulté d'assigner des règles à la fermentation. Nous ne ferons donc qu'effleurer cette phase de la fabrication du cidre, en rappelant à nos correspondants les meilleurs procédés

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consacrés par la pratique, et en signalant les efforts faits dans la voie du progrès.

Le moût abandonné à lui-même dans un récipient quelconque, fermé de préférence, devient le champ d'évolution de toutes les colonies en végétation sur les fruits. Si les fruits sont sales ce sont certainement les bactéries qui dominent, s'ils sont propres ce sont les saccharomices qui avaient élu domicile aussitôt la maturité auprès de l'oeil du fruit.

Le lavage est par conséquent un moyen de faire prédominer la levûre alcoolique par élimination relative des bactéries. M. Georges Jacquemin, nous en offre un autre par addition qui consiste à ensemencer de levûre choisie un moût encore exempt de fermentation. (Voir sa brochure à la page Bibliographie.)

Filtration. — Enfin M. Roger de la Borde préconise une filtration rapide qui a pour objet de débarrasser le moût des agglomérations d'immondices qu'il contient et par conséquent d'une partie des bactéries. Devant les difficultés de filtrer certains cidres nous nous sommes contentés du dégrossissage offert par le passage du moût en sortant du pressoir à travers un tamis en toile métallique, en crin, ou en toiles à larges mailles, ce qui nous a donné un résultat satisfaisant.

On peut, en combinant et associant ces divers procédés, multiplier les chances de bons résultats.

Généralement la fermentation tumultueuse ne dure que quelques jours, sa fin est caractérisée par la clarification du liquide ; l'abaissement de densité n'est que de quelques points.

Nous donnons ci-après, afin qu'on puisse suivre le phénomène, la table des densités évaluée en degrés Gay-Lussac et Baumé avec le poids du sucre et le degré d'alcool, dressée par M. Lecharlier.

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TABLE DES DENSITÉS

BAUMÉ DENSITÉ lue POIDS du sucre TITRE BAUMÉ DENSITÉ lue POIDS du sucre TITRE

13° 0 1.100 207 12.4 12° 5 1.058 125 7.5

1.099 206 12.4 1.057 123 7.4

1.098 205 12.3 1.056 120 7.2

1.097 204 12.2 7° 5 1.055 118 7.1

1.096 202 12.1 1.054 117 7.0

12° 5 1.095 201 12.1 1.053 114 6.8

1.094 199 12.0 1.052 111 6.7

1.093 198 11.9 7° 0 1.051 109 6.5

1.092 196 11.8 1.050 106 6.4

12° 0 1.091 195 11.7 1.049 104 6.2

1.090 193 11.6 1.048 102 6.1

1.089 191 11.5 6° 5 1.047 100 6.0

1.088 188 11.3 1.046 98 5.8

11° 5 1.087 186 11.2 1.045 95 5.7

1.086 184 11.0 1.044 93 5.6

1.085 182 10.9 6° 0 1.043 91 5.5

1.084 180 10.8 1.042 88 5.3

1.083 178 10.7 1.041 86 5.2

11° 0 1.082 175 10.5 5° 5 1.040 84 5.0

1.081 173 10.4 1.039 82 4.9

1.080 171 10.3 1.038 80 4.8

1.079 169 10.1 1.037 78 4.7

10° 5 1.078 167 10.0 5° 0 1.036 76 4.5

1.077 165 9.9 1.035 74 4.4

1.076 163 9.8 1.034 72 4.3

1.075 160 9.6 1.033 70 4.2

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1.075 160 9.6 1.033 70 4.2

10° 0 1.074 158 9.5 4° 5 1.032 68 4.1

1.073 156 9.4 1.031 66 4.0

1.072 154 9.2 1.030 63 3.8

1.071 152 9.1 1.029 61 3.7

9° 5 1.070 150 9.0 4° 0 1.028 59 3.5

1.069 148 8.9 1.027 57 3.4

1.068 146 8.8 1.026 55 3.3

1.067 144 8.6 1.025 53 3.2

9° 0 1.066 142 8.5 3° 0 1.021 45 2.7

1.065 140 8.4 1.020 42 2.5

1.064 138 8.3 1.015 31 1.9

8° 5 1.063 136 8.2 2° 0 1.014 29 1.7

1.062 134 8.0 1.010 21 1.3

1.061 131 7.9 1° 0 1.007 15 0.9

1.060 129 7.7 1.005 10 0.6

8° 0 1.059 127 7.6

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A partir de ce moment le cidre est conventionnellement terminé, on peut le soutirer et le livrer à la consommation.

Soutirage. — L'opération doit se faire par un temps sec en évitant les vents chauds et humides : les vents froids du nord contractent les liquides et favorisent la défécation.

En plaçant la cannelle assez haut, et laissant le liquide s'écouler naturellement sans le secours de pompe ou de siphon, cette séparation se fera dans de bonnes conditions. On peut encore laisser couler le cidre dans un baquet d'où la reprise peut se faire cette fois sans inconvénient par pompe ou siphon.

Dans un cas comme dans l'autre, il convient de faire descendre le tuyau d'amenée de l'entonnoir, de la pompe ou du siphon jusqu'au fond des fûts, afin d'éviter une aération trop forte du cidre, cause d'acidification.

Afin de s'opposer aux rentrées d'air et de ne pas entraver l'évacuation de l'acide carbonique qui va se produire, il est bon de ne boucher que légèrement les fûts de soutirage en plaçant la bonde sur un linge et recouvrant le tout d'une poignée de sable un peu tassé.

Lorsqu'on veut avoir un cidre doux, il est rationnel de coller le cidre après le premier soutirage, et avant la seconde fermentation ; autrement il convient de laisser cette nouvelle fermentation précéder le collage.

Mise en fûts. — Nettoyage et Conservation. — Les citernes cimentées sont employées concurremment aux cuves en bois dans les grandes exploitations, pour recueillir les cidres sortant du pressoir ou comme récipient au cours de la première fermentation.

La théorie et la pratique sont complètement d'accord pour démontrer que les liquides, et en particulier les cidres, se conservent d'autant mieux qu'on les renferme dans les récipients de plus grande capacité. Plus les fûts sont grands, moins la surface (au contact avec l'air extérieur) est considérable par rapport au volume. Dans une pièce ordinaire de 225 litres, la surface est de 0m94 par hectolitre, alors qu'elle n'est plus

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que de 0m66 dans un demi-muid de 600 litres, de 0m35 pour un fût de 45 hectolitres, de 0m25 dans un fût de 100 hectolitres.

Les variations de température sont plus sensibles dans un petit fût pour les mêmes raisons.

Un autre facteur important dans le choix de la dimension des fûts à employer, c'est la consommation, afin de ne pas laisser trop longtemps le cidre en vidange.

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D'autre part, il ne faut guère compter sur une longue conservation dans les fûts de moins de six hectolitres.

Un petit ménage consomme environ 4 litres de boisson par jour, soit avec les lies, les pertes, etc..., 1,800 litres par an. Son cidre pourra être contenu dans 3 fûts de 6 hectolitres chacun.

Dans une petite ferme où le nombre des personnes à nourrir est de 5 à 6 on emploiera des fûts de 12 à 15 hectolitres.

Pour 10 personnes des fûts de 25 à 30 hectolitres.

Enfin pour les marchands en gros, les collèges, hospices, etc.. le mieux est d'employer des fûts de 40 à 50 hectolitres au moins.

Quelle que soit la dimension du fût à remplir, on doit d'abord bien le nettoyer, qu'il soit neuf, qu'il ait mauvais goût ou non.

Un excellent moyen, c'est l'emploi d'un lait de chaux fraîchement éteinte, ou d'une dissolution de cristaux de soude, à raison de 100 grammes pour 10 litres d'eau chaude. Avec le concours d'une chaîne, et par l'agitation dans tous les sens, on obtient un excellent nettoyage, si l'on a soin en outre de rincer une ou deux fois à l'eau chaude, une 3e fois à l'eau froide en quantité abondante, puis d'égoutter.

Le mauvais goût des fûts disparaît par le soufrage ou la combustion d'un peu d'alcool qui raréfient l'air, et tuent la plus grande partie des mauvais ferments ; mais il faut bien rincer les fûts ensuite, afin de ne pas nuire à la bonne fermentation. Nous conseillons, si possible, de soufrer les fûts 24 heures à l'avance, en brûlant à l'intérieur une mèche soufrée que l'on descend par le trou de la bonde à quelques centimètres du fond du fût, en la supportant à l'aide d'un petit fil de fer

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et en posant la bonde en partie sur son orifice, sans l'obstruer complètement.

Le jour où l'on doit entonner le cidre, il convient de brûler dans le fût quelques centilitres d'alcool que l'on descend à la partie inférieure comme pour la mèche soufrée L'alcool brûlé, on entonne et l'on rebonde aussitôt.

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CHAPITRE IV

Maladie des cidres et remèdes

Ces maladies puisent leur cause à de nombreuses sources, et toujours sous l'empire d'un agent unique, mais de multiples formes : le ferment ; qu'il soit introduit par le fruit lui-même, par sa mauvaise qualité ou par un mélange défectueux des différentes variétés employées dans la fabrication, par l'air au cours des opérations, ou par les eaux de macération.

Acidité. — L'alcool du cidre comme celui de toutes les boissons faibles se transforme facilement en acide acétique. Ce genre d'altération est d'ailleurs inévitable dans tout liquide organique en proie à de nombreuses variétés de ferments, et où ne domine pas fortement un principe — l'alcool, dans le cas particulier — qui assure la prépondérance du ferment correspondant dont il est la raison d'être et le but final.

La moindre raréfaction de l'un des principes constituants de ces liquides, assure le développement des ferments qui vivent des autres d'entre eux.

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Et lorsque tous les agents de fermentation sont dans un même état de dégénérescence, la place est ouverte à tout ferment étranger, vigoureux, doté d'un rôle vital funeste au produit considéré, et outillé pour se développer dans le nouveau milieu en attendant que d'autres l'y remplacent lui-même.

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De là, des maladies que nous allons passer en revue. De là également les variations d'arôme, de bouquet, de composition, de conservation, etc., qu'on rencontre dans les boissons fermentées et sur lesquelles les terrains et les climats n'ont qu'une action limitée, le ferment jouant le principal.

C'est ainsi que disparaissent les qualités de certains crûs, transportés hors de leur sphère habituelle où leurs ferments propres cèdent rapidement la première place aux levures de la nouvelle région mieux outillées qu'eux pour résister dans leur milieu habituel et imposer leur prépondérance.

Que l'acidité des cidres provienne des faits qui viennent d'être exposés, de l'acétification de l'alcool de fruits insuffisamment mûrs ou naturellement trop chargés d'acide malique, de l'élévation de la température des caves, elle peut être corrigée par l'addition de 100 grammes de tartrate de potasse par hectolitre de liquide,

Le remède préventif de l'acétification, due au contact de l'air dans les tonneaux, c'est le soufrage des fûts avant le transvasement ; la fermeture hermétique, l'interposition d'une mince couche d'huile d'olive, d'oeillette ou autre non siccative à la surface des cidres en vidange ; l'emploi du purificateur Noël ; de la bonde hydraulique ; de la bonde automatique de Pasteur ; l'introduction de 200 grammes de sucre sous forme de sirop par hectolitre de cidre, toutes les six semaines environ, en ayant soin de délayer ce sirop dans 3 ou 4 litres de cidre qu'on agite dans les fûts, à l'aide d'une baguette, au moment du versement.

L'acétification, une fois commencée nettement, il est impossible de l'arrêter pour les raisons indiquées plus haut : épuisement du ferment alcoolique qui a accompli sa tâche transformatrice et qui disparaît faute de matière première, de nourriture (le sucre) ; remplacement par le ferment acétique, qui doit au travail de son devancier, sa provision d'énergie,

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l'alcool, qu'il va à son tour modifier en vue de transformations ultérieures, par d'autres ferments.

Il ne reste donc qu'à tirer un parti rapide du cidre acidifié, soit en le consommant comme boisson, par l'addition dans chaque carafe d'une très petite quantité de bicarbonate de soude (ne pas le faire dans le fût même pour ne pas noircir le cidre) ; soit en le distillant après neutralisation, à l'aide d'une petite quantité de craie ou de chaux, au moment de son introduction dans la chaudière de l'alambic.

Pousse. — On désigne sous ce nom, une reprise de fermentation qui a quelquefois lieu au printemps dans les caves trop chaudes, ou avec du cidre mal clarifié. On l'arrête par l'addition d'un peu de sirop, de sucre et de tannin ou écorce de chêne, pour éviter l'appauvrissement du cidre en ces matières, par suite de cette fermentation.

Noircissement. — Cette maladie étant dûe à un excès de fer, qu'il provienne du sol, des outils employés dans la fabrication ou d'une insuffisance d'acidité naturelle du cidre : les moyens curatifs sont tout indiqués. En diminuant la teneur pour cent du fer, et sa suroxydation qui est la conséquence, à l'aide d'une addition par hectolitre de 10 grammes de tannin pur, ou 30 grammes de cachou, ou 50 grammes d'écorce de chêne, ou 40 grammes de sulfite de chaux, ou 80 grammes de sulfite de soude, on précipitera une partie du fer à l'état de tannates ou de sulfates.

On commencera par ces petites doses, quitte à les renouveler, si le résultat n'est pas suffisamment atteint.

L'alun, essayé dans le même but, doit être rejeté comme nuisible à la santé.

On augmentera facilement l'acidité, par l'addition de 25 grammes d'acide tartrique par hectolitre de cidre, quantité qu'on pourra porter à 50 grammes suivant le cas.

Fleurs. — De petits cryptogames, connus sous ce nom, se développent à la surface des cidres faibles en alcool, mal préparés, trop aérés. On soutirera dans des fûts fortement soufrés

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en évitant de laisser passer la peau formée par ces végétations, et additionnant le liquide d'un peu de tannin et d'alcool bon goût pour en relever le degré alcoolique.

Trouble. — Ce n'est pas une maladie, mais le résultat d'une mauvaise fermentation au-dessous de 15 à 20° ;

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on éclaircira ces cidres troubles en provoquant une fermentation nouvelle par l'addition d'au moins 1 kilog. de sucre par hectolitre de liquide en chauffant, cave et jus, à 15°. Le filtrage, le collage par le tannin, n'ont pas raison du trouble.

Graisse. — Cette maladie rare, due à un ferment spécial apporté par la malpropreté des outils de fabrication ou des fûts, se développe aussi dans les jus trop chargés de matières gommeuses et pauvres en tannin. On évite préventivement la production de ce cidre gluant, gras, visqueux par la macération, par la propreté et le soufrage des fûts. On corrige le mal par l'addition de 250 grammes d'alcool de bonne qualité par hectolitre de cidre, ou de 50 grammes de cachou, ou de 10 grammes de tannin, ou de 20 grammes de noix de galle dissous l'un et l'autre dans l'alcool de préférence.

La pauvreté du tannin dans certains cidres et dans les vins blancs se révèle par cette maladie commune : la graisse, et par l'intoxication alcoolique que ce produit tempère.

Mise en bouteilles. Cidres mousseux. — C'est un moyen de conservation et d'amélioration supérieur au séjour en fûts, si étanches et si protégés qu'ils soient contre l'action chimique et physiologique de l'air.

Lorsqu'il s'agit de cidre un peu sec, on obtient un excellent cidre, légèrement pétillant, le plus sain et le plus digestif, en remplissant simplement les bouteilles et les tenant debout les unes à côté des autres sans les coucher, sans le secours de ficelles ou de fil de fer. L'excès des gaz s'échappe lentement au travers du bouchon, et n'acquiert jamais ainsi une pression capable de briser les bouteilles. Quand on remarque que le cidre ne contient presque plus de gaz, rien ne s'oppose au couchage des bouteilles dont le liquide reste légèrement gazeux jusqu'à la fin.

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Mais on ne pourrait traiter ainsi des cidres très doux, en raison de l'excès de gaz qu'accompagne leur fermentation encore très active, et qui, ne pouvant s'échapper à travers le bouchon, déterminerait le débouchage ou l'explosion de la bouteille. Il faut recourir dans ce cas au ficelage.

Le moment le plus favorable pour la mise en bouteilles des cidres de table correspond à l'époque où ils marquent 1020 à 1025 au densimètre ; généralement 4 ou 5 jours après le collage et le soutirage.

En mai, juin, les cidres moussent encore. En attendant en août on aura un cidre sec qui ne moussera pas.

Cette mise en bouteilles est une pratique très recommandable, même pour la boisson ordinaire qui s'améliore rapidement au point de ne plus la reconnaître au bout d'un mois ; on laisse les bouteilles debout sans ficelage. La bouteille à eaux minérales convient très bien.

Les bons cidres mousseux sont fabriqués avec des pommes de deuxième saison, bien parfumées, et donnant un moût de 1055 à 1060 de densité. On doit soutirer et soufrer ces cidres au moins trois fois avant la mise en bouteilles et n'opérer que lorsque leur densité est de 1014 à 1018.

Après avoir bouché les bouteilles avec des bouchons de qualité moyenne, on les place debout pendant quelques jours, puis on les retourne à raison d'un sixième de tour par jour, de façon à les placer finalement sur bouchon sans toutefois arriver jusqu'à la verticale ; tout le dépôt s'accumule sur le bouchon.

On débouche avec soin pour opérer le dégorgement, en se plaçant au-dessus d'un baquet.

Avec un peu de pratique on arrive facilement à ne laisser sortir que 15 à 20 grammes de liquide, quantité suffisante pour entraîner tout le dépôt.

On remplit le vide formé avec du cidre semblable et en l'additionnant d'une quantité déterminée d'un mélange appelé sauce, formé de sirop, de sucre candi, d'eau-de-vie de vin ou d'alcool neutre de première qualité (exclure l'eau-de-vie de cidre). Cette sauce doit être d'autant plus riche en sucre que le cidre fermente moins activement.

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On bouche avec de gros bouchons, et l'on ficelle en laissant les bouteilles encore quelques jours debout, puis on les couche en lieu sec et frais à l'abri de la lumière, jusqu'à la consommation ou expédition, époque à laquelle il faut prendre des précautions spéciales pour le débouchage, afin d'éviter la perte du contenu des bouteilles.

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L'emploi d'un siphon à robinet est presque indispensable.

Il faut pour cette fabrication des bouteilles très résistantes, genre champenoises, ou des cruchons de grès qui les protègent mieux de la lumière.

Poirier. — Poiré. — De plus grande taille et de plus grande fertilité que le pommier, en général, le poirier donne une boisson, le poiré, très recherchée dans certaines contrées et consommé en mélange avec le cidre ou le vin. Depuis quelques années la vente des poires a été des plus faciles et rémunératrices pour le producteur. La précocité du poirier est plus grande que celle du pommier, ce qui permet d'avancer l'opération du greffage en écusson, qui a lieu d'ordinaire dans les premiers jours d'août. Par contre la floraison précoce l'expose aux gelées de printemps. Certaines variétés résistent bien au froid ; leur fructification est presque toujours assurée.

Le poirier vit très bien dans les terres un peu froides, même assez humides, qui ne peuvent convenir au pommier. Il résiste mieux que lui aux parasites. L'anthonome du poirier lui est spécial et n'est pas celui du pommier qu'on ne rencontre jamais sur le poirier.

Les poires qui servent à la fabrication de cette boisson s'achètent généralement à l'hectolitre pesant de 72 à 75 kilos logé. C'est un produit n'ayant pas ordinairement les qualités hygiéniques du cidre. Cela tient surtout à la raréfaction du tannin, et à une acidité plus grande, dans laquelle l'acide malique n'entre que pour une faible partie.

On l'utilise comme boisson de consommation, pour le coupage et l'imitation des vins blancs, pour la fabrication de l'eau-de-vie.

Son usage comme boisson est limité à quelques contrées,

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notamment à une partie de l'Orne et de la Mayenne. On l'y mélange souvent au cidre de pommes.

La quantité de poiré employée pour le coupage et l'imitation des vins blancs est relativement considérable.

Les poirés de qualité supérieure conviennent très bien pour la mise en bouteilles et luttent avantageusement avec bien des marques de champagne.

Le poiré fournit l'alcool de distillation, à un prix de revient un peu moindre que le cidre ; cela tient à ce que la poire, abandonnant plus facilement son jus que la pomme, nécessite moins d'eau de macération et par suite moins de frais de distillation, bien que la richesse saccharine des poires et la densité de leur jus n'atteignent pas celle de la pomme.

Les poires contiennent rarement plus de 100 grammes de sucre par kilog. et on n'a jamais signalé un moût de poires pesant 1080 gr. ; alors que beaucoup de moûts de pommes atteignent ou dépassent cette densité.

A l'avantage des poires au point de vue de la distillation, il faut ajouter la plus grande abondance de jus par kilog de fruits. A volume égal la différence est encore plus grande ; l'hectolitre de poires pesant 70 kilos au lieu de 52 kilos pour l'hectolitre de pommes en moyenne.

La fermentation du poiré, très variable, tantôt tumultueuse, tantôt lente, paraît moins influer sur la qualité du produit que pour le cidre de pommes.

Les lies sont plus abondantes, mais se déposent rapidement ; il se produit peu ou pas de chapeau et le liquide s'éclaircit promptement.

Les procédés de fabrication sont les mêmes que pour le cidre ; il suffit lorsque les fruits sont peu chers de deux pressurages sans macération.

Les poires sont un peu plus difficiles à broyer que les pommes, ce qui nécessite des broyeurs solidement construits ; à ce titre nos broyeurs se recommandent tout particulièrement ; de plus, le jus étant plus acide que celui des pommes, la simplicité de leurs organes ressort ici avec tous ses avantages, car il importe de bien nettoyer fréquemment à l'eau les différentes parties du broyeur après chaque arrêt.

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Utilisation des marcs. — Valeur. — Distillation. — Fumure. — Alimentation. — Les marcs de pommes, si bien épuisés qu'ils soient, présentent encore une certaine quantité d'éléments utilisables que les producteurs de cidre ont trop souvent le tort de négliger en les laissant pourrir. La décomposition de ces marcs à portée des caves présente en outre des inconvénients sérieux pour la qualité et la conservation des cidres par les mauvais germes qu'ils répandent et que révèle leur odeur infecte.

La qualité de ces marcs varie très sensiblement selon la qualité et la maturité des fruits, les soins apportés à la fabrication, le temps qui s'est écoulé entre le jour de la préparation du marc et celui de l'analyse (le sucre restant diparaissant rapidement par la fermentation, en éléments volatiles, acide carbonique et alcool, surtout si la température est un peu élevée).

Le tableau suivant donne la composition moyenne du marc de pommes sur 100 parties en poids d'après un mémoire de M. Houzeau, directeur de la station agronomique de la Seine-Inférieure.

MARC pur MARC épuisé 3e pression

Eau et substances volatiles à 100 degrés 80 186 80 110

Cellulose brute 2 885 6 005

Substances non azotées diverses 7 589 8 144

Substances azotées 0 727 1 029

Substances saccharifiables 0 801 2 778

Matières sucrées (exprimées en sucre réducteur) 6 430 0 372

Matières grasses 0 693 0 756

Principes minéraux 0 689 0 806

100 000 100 000

Azote 0 116 0 165

Potasse 0 186 0 141

Sels calcaires, magnésiens, sodiques, fer, silice, etc. 0 501 0 544

Acide phosphorique 0 051 0 052

Correspondant à phosphate de chaux tribasique 0 092 0 094

Ce tableau fait ressortir les excellents effets de la macération comme moyen d'appauvrissement du sucre dans le marc (avantage au point de vue de la fabrication du cidre et de l'eau-de-vie de cidre) et l'enrichissement des marcs en matière

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azotée et grasse qui augmente leur valeur fertilisante et alimentaire.

Comme renseignement complémentaire, l'hectolitre de marc sortant du pressoir, au moment du coupage, lorsqu'il est encore en pain, pèse environ 85 kilogs l'hectolitre à 80 % d'eau. Ce poids tombe à 45 kilos après foisonnement ou remuage.

Dans les années de récolte abondante, le producteur de pommes trouve souvent avantageux de faire son cidre sans eau. Le marc contient une quantité suffisante de matières sucrées pour mériter la distillation, et peut être converti économiquement en bonne eau-de-vie. Ce marc est dès lors fortement tassé dans des silos ou des cuves pendant 6 mois avant de procéder à la distillation.

Cette distillation n'ayant eu pour effet que de soustraire le sucre du marc, ce dernier a conservé toute la valeur fertilisante et alimentaire qu'il avait antérieurement.

Dans la Seine-Inférieure, notamment, le marc est surtout utilisé comme engrais, soit par son mélange avec le fumier dont il fixe par son acidité les principes fertilisants volatiles (carbonate d'ammoniaque), soit sous forme de compost en l'incorporant au 1/4 ou au 1/5 de son poids de marne ou de chaux qui le transforment à la longue en un excellent terreau, utilisé principalement autour des pommiers dans une circonférence de 1, 2, 3 mètres de rayon, à raison de 2 hectolitres par arbre en moyenne. Le marc conserve bien la fraîcheur du terrain au pied des arbres.

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L'acidité des marcs est encore utilisée pour la destruction des mousses, des mauvaises plantes qui envahissent les herbages.

Répandu ainsi en couverture et en mélange avec la chaux et le plâtre, il relève en outre la vigueur de l'herbe.

La substitution du phosphate de chaux fossile réduit en poudre fine à la chaux dans le compost de marc est un progrès intéressant à réaliser. On le mélange à raison de 1/4 ou 1/5 du poids du marc dont l'acidité rend le phosphate plus assimilable.

Dans le pays d'Auge, on mélange le marc à la chaux et à la terre de façon à faire un compost dans la proportion en

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volume de 4 de terre pour 4 de marc et 2 de chaux vive en petits fragments. On brasse le mélange deux ou trois fois dans l'espace de 4 mois, et le douzième mois, le marc étant transformé, on possède un terreau excellent.

La valeur du marc comme engrais, d'après M. Power, est la suivante : le marc épuisé de 3e pression apporte au sol par 100 kilos de matières :

De 1 k. 200 à 1 k. 600 de potasse,

De 0 k. 400 à 0 k. 700 d'acide phosphorique,

De 3 k. à 7 k. 600 de sels calcaires et magnésiens,

De 1 k. 600 à 1 k. 700 d'azote.

Soit environ 3 francs par 100 kilos, au cours actuel, d'une quantité équivalente d'engrais chimiques.

En Normandie et en Bretagne il est d'usage d'utiliser les marcs à la nourriture des bêtes à cornes, porcs, moutons, lapins, etc., qui les consomment avec avidité. On doit toutefois agir avec modération en raison des propriétés diurétiques des marcs, qui débiliteraient les animaux, si l'on dépassait les doses que la pratique a indiquées.

De plus, on ne devra donner aux animaux que des marcs frais ou bien conservés par un fort tassement et mis à l'abri de l'air et de la chaleur en cuves ou silos. Il est bon d'épailler les marcs, de les saupoudrer de 1 kilog. de sel par 100 kilos de marc environ et d'ensiler immédiatement après le pressurage, avant qu'ils s'échauffent ; sans cela il s'y développe des fermentations acétiques et butyriques, les moisissures l'envahissent, altèrent profondément ses éléments nutritifs et sont nuisibles à la santé des animaux qui, d'ailleurs, ne les acceptent alors qu'avec répugnance.

Le marc, bien traité, est un excellent appoint pour la nourriture d'hiver, si l'on a soin de l'associer dans les rations à des fourrages complémentaires de nature à les enrichir et resserrer leur relation nutritive.

En les faisant entrer dans ces rations en quantité modérée, à titre de lestant ou d'adjuvant, on évite en outre de communiquer aux produits animaux, au lait par exemple, aucun goût spécial.

L'utilisation des marcs par le bétail est certainement la

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méthode la plus avantageuse de tirer parti de ces sous-produits, car l'agriculteur retrouve en outre dans les fumiers une partie des principes fertilisants du marc : azote, potasse, acide phosphorique, qui ont échappé à la digestion.

Des vaches laitières normandes nourries avec des rations dans lesquelles entrent chaque jour 22 à 24 litres de marc, complétées par du fourrage, du son, des graines de lin, produisent un très bon lait et en égale quantité qu'avant l'introduction des marcs dans l'alimentation de ces animaux.

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TABLE DES MATIÈRES

AVANT-PROPOS. — Le Cidre. p. 3

CHAPITRE I

Le Pommier. — Les espèces. — Leurs caractères. p. 7Soins et méthodes de plantation et de culture p. 9Cueillette. p. 10CHAPITRE IIAnciennes méthodes. p. 11Appareils nouveaux. p. 12Méthode nouvelle et rationnelle de fabrication du cidre par les moyens mis à la portée des intéressés. —Broyage. p. 12

Soins de propreté. p. 15Macération des marcs. p. 15Lavage des pommes. p. 15Utilité du levain. p. 16Pressurage. p. 17Soins à donner aux pressoirs. p. 23Exemple d'installation. p. 24Du choix de l'eau à employer pour le trempage. p. 26CHAPITRE IIIFermentation. p. 29Filtration. p. 30Table des densités. p. 31Soutirage. p. 32Mise en fûts. — Nettoyage et conservation des fûts. p. 32CHAPITRE IVMaladies des cidres et remèdes. p. 35Acidité. p. 35Pousse. p. 37Noircissement. p. 37Fleurs. p. 37Trouble. p. 38Graisse. p. 38Mise en bouteilles — Cidres mousseux. p. 38Poirier. — Poiré. p. 40Utilisation des marcs — Valeur. — Distillation. — Fumure. — Alimentation des bestiaux. p. 42BIBLIOGRAPHIE.