Chapitre II. L’utilisation de l’énergie par les êtres vivants · LC104- La Chimie,...

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LC104- La Chimie, l’Energie et le Vivant – Chapitre II Année 2004-2005 1 Chapitre II. L’utilisation de l’énergie par les êtres vivants Le problème de la conversion de l’énergie entre ses différentes formes (transduction) se pose avec la même acuïté aux êtres vivants qu’aux sociétés humaines. Les systèmes vivants sont soumis aux mêmes contraintes que le reste de l’univers : - L’énergie n’est pas gratuite (1 er principe), il faut donc trouver dans l’environnement une source d’énergie. Les êtres vivants savent faire usage de l’énergie chimique (nombreuses réactions, dont la respiration) et de l’énergie lumineuse (photosynthèse). - Les transformations spontanées induisent un gaspillage d’énergie vers des formes moins « nobles », notamment un échange sous forme de chaleur (2 ème principe). Il faudra utiliser des dispositifs élaborés pour récupérer une partie de l’énergie de la source sous forme utile (mouvement : énergie mécanique, synthèse de composés chimiques élaborés ou anabolisme…) II. A. Comment stocker l’énergie sous forme chimique ? Un système riche en énergie utilisable est caractérisé par une enthalpie libre G élevée. Dans les cas qui nous intéressent ici, c’est souvent une conséquence de la composition du système, donc des variables n i . II.A.1 Le potentiel chimique a. Quand la température et la pression ne varient pas, la relation entre l’enthalpie libre et la composition du système s’écrit: G n i i i = µ . En d’autres termes, l’enthalpie libre totale dépend du nombre de moles de chaque espèce et du potentiel chimique µ i , qui est l’enthalpie libre partielle par mole. La difficulté est que cette grandeur varie avec la composition de la solution. b. On rappelle l’expression du potentiel chimique développée au chapitre I pour les solutions idéales: µ µ = °+ ° RT C C ln est la concentration molaire dans l’état de référence. Pour les substances en solution dans l’eau (solutés), on prend comme état de référence une solution à 1 mol.L -1 , et on écrit donc avec un petit abus de langage : µ = µ° + RTlnC C désigne la « valeur absolue » de la concentration molaire en soluté (sans les unités). On voit que les potentiels chimiques dépendent de la nature des espèces en présence (µ°), mais aussi des concentrations respectives (lnC). II.A.2 Mélanges énergétiques Quand peut-on dire qu’un mélange (p .ex. une solution de plusieurs substances différentes) a une énergie chimique élevée ? La réponse n’est pas forcément « quand G est élevé » mais plutôt « quand il existe une transformation chimique (réaction) susceptible Par contre, pour le solvant eau lui-même, l’état de référence est celui du solvant pur ! Comme la concentration en eau dans une solution aqueuse varie normalement peu, on peut en première approximation « oublier » les molécules d’eau dans le quotient réactionnel pour une réaction se déroulant en milieux aqueux. Mais ce ne sera plus vrai si on réalise la même réaction dans un autre solvant.

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Chapitre II. L’utilisation de l’énergie par les êtres vivantsLe problème de la conversion de l’énergie entre ses différentes formes (transduction)

se pose avec la même acuïté aux êtres vivants qu’aux sociétés humaines. Les systèmes vivantssont soumis aux mêmes contraintes que le reste de l’univers :

- L’énergie n’est pas gratuite (1er principe), il faut donc trouver dans l’environnementune source d’énergie. Les êtres vivants savent faire usage de l’énergie chimique(nombreuses réactions, dont la respiration) et de l’énergie lumineuse (photosynthèse).

- Les transformations spontanées induisent un gaspillage d’énergie vers des formesmoins « nobles », notamment un échange sous forme de chaleur (2ème principe). Ilfaudra utiliser des dispositifs élaborés pour récupérer une partie de l’énergie de lasource sous forme utile (mouvement : énergie mécanique, synthèse de composéschimiques élaborés ou anabolisme…)

II. A. Comment stocker l’énergie sous forme chimique ?Un système riche en énergie utilisable est caractérisé par une enthalpie libre G élevée.

Dans les cas qui nous intéressent ici, c’est souvent une conséquence de la composition dusystème, donc des variables ni.

II.A.1 Le potentiel chimiquea. Quand la température et la pression ne varient pas, la relation entre l’enthalpie libre

et la composition du système s’écrit:G ni i

i

= ∑ µ .

En d’autres termes, l’enthalpie libre totale dépend du nombre de moles de chaque espèce et dupotentiel chimique µi, qui est l’enthalpie libre partielle par mole. La difficulté est que cettegrandeur varie avec la composition de la solution.

b. On rappelle l’expression du potentiel chimique développée au chapitre I pour lessolutions idéales:

µ µ= ° + °RT CCln

où C° est la concentration molaire dans l’état de référence. Pour les substances en solutiondans l’eau (solutés), on prend comme état de référence une solution à 1 mol.L-1,• et on écritdonc avec un petit abus de langage :µ = µ° + RTlnCoù C désigne la « valeur absolue » de la concentration molaire en soluté (sans les unités).

On voit que les potentiels chimiques dépendent de la nature des espèces en présence(µ°), mais aussi des concentrations respectives (lnC).

II.A.2 Mélanges énergétiquesQuand peut-on dire qu’un mélange (p .ex. une solution de plusieurs substances

différentes) a une énergie chimique élevée ? La réponse n’est pas forcément « quand G estélevé » mais plutôt « quand il existe une transformation chimique (réaction) susceptible

• Par contre, pour le solvant eau lui-même, l’état de référence est celui du solvant pur ! Comme la concentrationen eau dans une solution aqueuse varie normalement peu, on peut en première approximation « oublier » lesmolécules d’eau dans le quotient réactionnel pour une réaction se déroulant en milieux aqueux. Mais ce ne seraplus vrai si on réalise la même réaction dans un autre solvant.

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d’abaisser G », c’est à dire d’abaisser la valeur de ni ii

µ∑ . Le ∆G de cette transformation

sera donc négatif, et la fraction du ∆G effectivement transformée en travail utile sera unemesure de l’efficacité de la transduction de l’énergie.

Si la réaction est déjà à l’équilibre (Q = K), il n’existera plus aucune force motricepour continuer la transformation ; cette réaction ne pourra plus fournir d’énergie. Si elle esthors équilibre (Q ≠ K), il existera une force motrice, une « énergie libérable », d’autant plusimportante que l’écart à l’équilibre est important. Plus précisément, on aura :

∆ ∆r rG G RT Q= ° + ln ou, ce qui est équivalent, ∆ req

G RTQ

Q= ln .

Il en résulte qu’il n’existe pas à proprement parler de « molécule énergétique » ou de« liaison de haute énergie », mais plutôt des « mélanges énergétiques ».

A titre d’exemple, considérons la molécule la plus utilisée pour le stockageintermédiaire de l’énergie dans le métabolisme cellulaire : l’ATP (adénosine triphosphate). Lalibération de l’énergie implique la réaction chimique :ATP (+ H2O) ADP + Pi (1)

La constante de réaction K s’obtient à partir du ∆rG° ou se mesure d’après les

concentrations à l’équilibre. Prenons pour K une valeur approchée de 105 ;• cela signifie que

le quotient réactionnel d’équilibre QADP P

ATPeqeq i eq

eq

=[ ] [ ]

[ ] vaut 105.

Peut-on calculer la quantité d’enthalpie libre dégagée par la réaction (1), par moled’ATP ? Cela dépendra des concentrations des autres substances intervenant dans la réaction.

• Pour fixer les idées, supposons que la concentration de phosphate libre Pi soit de10-2

mol.L-1. Si, comme dans la solution cytoplasmique, il y a 1000 fois plus d’ATP que

d’ADP, [ ][ ]ADP

ATP= −10 3, donc Q = 10 - 5; on dégagera donc, par mole d’ATP

hydrolysée,

∆ req

G RTQ

Q= ln = RT ln10-10 = -57 kJ. mol-1.

• Supposons maintenant qu’il y ait au contraire 10 000 000 de fois plus d’ADP qued’ATP dans la solution (et que la concentration de phosphate libre soit toujours de10-2

mol.L-1). Alors Q = Qeq =10 5; donc ∆rG = 0 kJ.mol-1 et l’hydrolyse de l’ATP nefournira plus du tout d’énergie libre !

En d’autres termes, si l’on dispose d’une quantité donnée d’ATP, on peut soit s’enservir pour fabriquer un mélange « riche en énergie » (plus précisément en enthalpie libre),soit, en la diluant dans un grand excès d’ADP, obtenir un mélange parfaitement inutile.

• On peut trouver dans la littérature des valeurs de K qui s’écartent d’un facteur 10 ou davantage de celle quenous donnons. Cela est dû au fait que l’équation (1) est un peu simplifiée ; en réalité, les molécules « ATP » et« ADP » peuvent être plus ou moins protonées, ou s’associer à des ions Mg2+… La valeur fournie ici est celle

pour pH = 7, [Mg2+] = 10-2M.

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II.A.3 Gradients de concentration, équilibres membranairesUne réaction chimique est une façon de dégager de l’énergie libre à partir d’un

système en déséquilibre. Le déséquilibre vient de la coexistence, dans la même région del’espace, de substances ayant des potentiels chimiques différents. S’il existe une réaction dontl’effet est de convertir certaines substances en certaines autres, elle va se produire jusqu’à ceque les potentiels chimiques soient égalisés.

Il existe un autre type de situation où on observe un déséquilibre de potentielchimique : c’est celui d’un gradient de concentration dans une solution, c’est à dire d’uneconcentration d’un certain soluté variable d’un point à un autre de la solution. Supposons quenous ayons une région (1) de forte concentration C1 au contact d’une autre région (2) deconcentration plus faible, C2 (avec donc C1 > C2). Les valeurs du potentiel chimique dusoluté y sont respectivement µ = µ° + RTln C1 et µ = µ° + RTln C2.

La différence de potentiel chimique entre la région (2) et la région (1) vaut RT(lnC2 -lnC1). Elle est négative, c’est à dire que le potentiel chimique est plus bas dans la région (2) ;il existe donc une force motrice pour le transfert de soluté de la région (1) à la région (2).

Les molécules en solution sont mobiles ; ce transfert va donc s’effectuerspontanément, ce qui constitue le phénomène de diffusion.• Il semblerait donc qu’on nepuisse pas stocker de l’enthalpie libre sous forme d’un gradient de concentration, puisquecette situation se résorbe spontanément.

Les cellules vivantes font pourtant largement usage de ce type de stockage. Pour cela,elles utilisent le phénomène de compartimentation, dont l’apparition a surement constitué unedes étapes les plus importantes de l’origine de la vie. Il est basé sur la formation de vésiculesfermées, enclosant un petit volume de solution, et limitées par une membrane constituée demolécules « amphiphiles ». Cette membrane peut être imperméable, ou semi-perméable, c’està dire qu’elle se laisse traverser par certaines molécules, mais interdit le passage des autres.On peut ainsi avoir un déséquilibre métastable de concentration. Ainsi, chez l’être humain, laconcentration en calcium dans le cytosol est maintenue au niveau de 10-7 M alors même quela concentration dans le milieu extracellulaire atteint 10-3 M. Mais les cellules peuvent àcertains moments ouvrir des « ports » dans leur membrane cytoplasmique et permettretemporairement la diffusion des ions calcium ; leur concentration intracellulaire augmentealors brutalement.

[Ca2+]=10-7M

[Ca2+]=10-3M

µCa

On verra plus loin (§II.C) que l’existence de gradients de protons (H+) joue un rôleimportant dans le processus de respiration au niveau cellulaire.

• Il y a un aspect cinétique à la diffusion : à quelle vitesse va-t-elle se dérouler ? Cet aspect ne sera pas traité dansle cours LC104.

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II. B. Les sources d’énergieII.B.1 Mélanges réactionnels

II.B.1.a Mélanges oxygène/matière organiqueNotre planète possède actuellement une atmosphère « oxydante ». La combinaison du

dioxygène avec la plupart des molécules organiques pour donner CO2 et H2O est favoriséethermodynamiquement. A titre d’exemple, la combustion du glucose s’écrit :C6H12O6 + 6 O2 6 CO2 + 6 H2O.

Cette réaction est très exergonique : ∆rG° = - 2874 kJ. mol-1.•

Si l’on réalise l’oxydation de la matière organique (combustion) sans précautionspéciale, cette énergie est dégagée sous forme de chaleur. Dans le métabolisme cellulaire parcontre, cette même réaction est réalisée de façon très complexe et couplée à des réactionsendergoniques, de telle sorte qu’en fin de procédé une bonne partie de l’énergie disponible eststockée sous forme chimique (cf. § II.C) : c’est la respiration aérobique.

La respiration aérobique est à l’heure actuelle le mode d’acquisition de l’énergie leplus répandu dans le monde vivant. Mais elle nécessite que les organismes soient plongésdans un milieu où la pression partielle de dioxygène est suffisamment élevée, ce qui n’étaitpas le cas dans la jeunesse de notre planète. Il s’agit donc d’une voie métabolique d’inventionrécente.

II.B.1.b. Organotrophie : la fermentationCertaines réactions n’impliquant que des molécules organiques peuvent dégager de

l’enthalpie libre. Ainsi les réactions de fermentation, où l’anion pyruvate est transformé enlactate (dans les muscles en cas d’effort intense) ou en éthanol (par les levures). L’énergielibre dégagée par ces réactions est beaucoup plus faible que celle fournie par larespiration (environ 10 fois moins d’énergie libre dégagée); elles ne sont activées que lorsquela cellule est privée d’oxygène. Elles étaient peut-être importantes pour les premières formesde vie sur notre planète, qui auraient dans ce cas trouvé leur source d’énergie dans la « soupeprimordiale » de molécules organiques.

II.B.1.c. Lithotrophie(grec λιθος , la pierre, et τροφη, nourriture).On peut supposer que la soupe primordiale initialement loin de l’équilibre (donc riche

en enthalpie libre) s’en est peu à peu rapprochée au fur et à mesure que les organismesutilisaient l’enthalpie libre disponible pour leurs besoins quotidiens. Dès lors, il a fallu trouverdans l’environnement une autre source d’énergie. Les organismes se sont alors tournés versdes réactions impliquant les gaz dissous provenant de l’atmosphère primordiale (hydrogène etdioxyde de carbone) ou d’autres faisant intervenir des ions produits par la dissolution desminéraux (de là la dénomination de « lithotrophes »).

Quelques exemples :i) MéthanisationLa réaction exploitée est :4H2 + CO2 CH4 + 2H2O

• valeur à 298 K, pour le glucose en solution, l’eau sous forme liquide et le CO2 gazeux.Calculé sur base des données de Alberty. La valeur donnée dans Karp (biologie cellulaire et moléculaire, p.107)est de - 2867 kJ. mol-1.

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De nos jours, le quotient réactionnel Q est très élevé à cause de la faible valeurrésiduelle de PH2 dans l’atmosphère. Les bactéries méthanogènes utilisant cette réaction comesource d’énergie existent toujours, mais seulement dans des habitats particuliers, isolés del’atmosphère.

Remarquez que le CO2 dissous est en équilibre avec les ions carbonates en solutionaqueuse selon :CO2 + OH- HCO3

- C’est pourquoi on appelle aussi ces organismes les « réducteurs du carbonate ».

ii)Réduction des sulfatesL’ion sulfate peut être impliqué dans des réactions d’oxydoréduction où il joue le rôled’oxydant. Ainsi, il peut oxyder la matière organique (formule générique simplifiée en« CH2O ») selon :2 (CH2O) + SO4

2- = 2 HCO3- + H2S

Mais il peut aussi oxyder le dihydrogène gazeux si celui-ci est présent dans le système àpression suffisamment élevée:SO4

2- + 4 H2 + Η+ → HS- + 4 H2O ∆rG°’ = -152,2 kJ.mol-1.Cette dernière réaction ne fait intervenir que des molécules inorganiques. Bien sûr,

l’organisme (ex. bactéries Desulfovibrio, Desulfotomaculum) aura toujours besoin de carbonepour construire l’édifice cellulaire, mais son énergie proviendra exclusivement d’une réactioninorganique.

iii)Réduction des nitratesDe nombreuses bactéries utilisent l’ion nitrate (NO3

-) comme oxydant de la matièreorganique. Les réactions de transformation sont diverses mais impliquent la transformationdes ions nitrates en nitrites (NO2

-), en diazote (N2) ou en ammoniac (NH3). Etant donné lagrande inertie chimique de N2, les bactéries qui réalisent cette transformation sont appeléesbactéries dénitrifiantes.

Des mélanges nitrates/matière organique peuvent être utilisés comme explosifs ; il estdonc intuitivement clair que ce type de mélange est « riche en énergie ».

iv)Réduction du ferLe Fe3+ est réduit en Fe2+ ; en même temps, l’acide lactique ou l’acide acétique est

oxydé.

Les quatre exemples qui précèdent ne nécessitent pas la participation de dioxygène etles voies métaboliques correspondantes pourraient donc avoir été « inventées » dans lesconditions anaérobies primordiales. A côté de ces processus, il y en a d’autres qui fontintervenir des réactions entre le dioxygène gazeux et une espèce inorganique agissant commeréducteur :

v)Oxydation des sulfuresLes bactéries des genres Beggiatoia et Thiobacillus sont capables de réaliser l’oxydationde H2S ou des sulfures suivant H2S + 2 O2 → SO4

2- + 2 H+.

vi)Oxydation du ferGallionella réalise l’oxydation du Fe2+ en Fe3+ par le dioxygène :

2Fe3+ + 1/2 O2 → 2Fe2+ + H2O

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Thiobacillus thiooxydans se nourrit de pyrite (FeS) en oxydant à la fois le Fe2+ en Fe3+ et lesulfure en sulfate.

vii) Oxydation du NH3

En présence d’oxygène gazeux, l’ammoniac peut être oxydé en nitrite (Nitrosomonas) ou ennitrate (Nitrobacter). Les engrais azotés sont des sels d’ammonium. Ils fonctionnent grâce auxbactéries nitrifiantes (les plantes n’absorbent l’azote que sous forme de nitrate).

viii) Oxydation du dihydrogène en eauL’enzyme hydrogénase, qui accélère la réaction H2 + 1/2 O2 --> H2O, est très répandue dans lemonde bactérien, mais peu d’organismes exploitent l’énergie ainsi libérée. Toutefois,Hydrogenomonas survit sur un mélange hydrogène/oxygène/air.

Le lecteur attentif aura remarqué que certaines des transformations du groupe v)-viii)paraissent exactement inverses de celles du groupe i)-iv). Comment est-il possible parexemple que la transformation des sulfures en sulfates engendre de l’énergie, et que latransformation des sulfates en sulfures en engendre aussi ?

La réponse a déjà été donnée : il n’y a pas de composés énergétiques dans l’absolu,mais plutôt des mélanges énergétiques. Le mélange SO4

2- / H2 en quantités du même ordre degrandeur peut être considéré comme « énergétique » puisqu’il existe une force motriceconsidérable dans le sens de la transformation SO4

2- → HS-. De même, dans un mélange S2- /O2, il existe une force motrice pour la transformation S2- → SO4

2-. Un composé chimique nepeut pas être considéré isolément, il doit être évalué globalement avec l’ensemble de sonenvironnement.

II.B.1.d.PhototrophieQuelle que soit la source d’énergie chimique disponible dans le milieu ambiant, elle

finira par s’épuiser au fur et à mesure que la réaction correspondante se rapprochera de sonéquilibre. Il faut donc, pour maintenir la viabilité de la biosphère, que des processus extérieurslui apportent constamment de l’enthalpie libre. Cela est réalisé dans une certaine mesure parles processus géochimiques qui renouvellent la composition de l’atmosphère et de lalithosphère ; mais l’un des développements les plus importants de l’histoire de la vie a étécelui de la photosynthèse, c’est à dire l’exploitation de l’énergie lumineuse du rayonnementsolaire, fournie à notre planète en continu et en quantité élevée.

On sait que la lumière est composée de photons, dont chacun porte une énergiecorrélée à la longueur d’onde de la lumière selon la relation de Planck :E = h ν.

Sous certaines conditions,• un photon peut être absorbé par une molécule ; il disparaîtalors, mais son énergie ne peut pas disparaître ; elle est cédée à la molécule comme énergiechimique. Pour diverses raisons, les molécules ainsi « excitées » se dégradent assez vite et unepartie de l’énergie est perdue sous forme de chaleur. Mais les microorganismesphotosynthétiques, et à leur suite les plantes, ont appris à stocker avec un bon rendementl’énergie fournie par la lumière sous forme d’énergie chimique.

Ainsi, la réaction de synthèse du glucose à partir de CO2 et H2O6 CO2 + 6 H2O C6H12O6 + 6 O2

qui est l’inverse de la respiration aérobie, est très endergonique et ne peut donc pas êtreréalisée spontanément.

• Résonance d’énergie avec une transition interne de la molécule permise par la mécanique quantique

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Mais si elle est couplée avec l’absorption de plusieurs photons, le processus globaldevient exergonique et peut être réalisé. Il peut être utile d’écrire une « pseudo-réaction » :6 CO2 + 6 H2O + n h ν C6H12O6 + 6 O2, où l’on a fait apparaître un certain nombre

(n) de photons, notés h ν pour rappeler l’énergie qu’ils transportent

II. C. Mécanismes de transduction de l’énergie

II.C.1. Respiration aérobieL’organisme dispose de diverses réserves énergétiques », p.ex. du glucose. On se

souviendra que cette molécule n’est pas « énergétique » en soi, mais seulement en tant queparticipant dans une réaction chimique particulière, en l’occurrence l’oxydation par ledioxygène.

Le problème est donc : comment convertir l’énergie chimique contenue dans lemélange glucose/O2, et donnée par le ∆rG de la réaction, en énergie utilisable au quotidien,notamment en ATP ?

Nous allons passer en revue les principales étapes du processus complexe de larespiration aérobie, du point de vue des mécanismes de transduction de l’énergie. Attention, ilne s’agit pas d’un cours de biologie : nous ne parlerons donc pas de la structure desdifférentes molécules impliquées dans ces procédés. Bien qu’il s’agisse d’une question trèsintéressante, elle n’est pas du ressort de le thermochimie.

II.C.1.a. Vision globale : la respiration à différents niveauxi) Au niveau macroscopique, il doit y avoir transport d’O2 jusqu’au site de son

utilisation,• c’est à dire jusqu’aux mitochondries (eukaryotes). Pour les organismes les plussimples, cela se fait par dissolution du dioxygène à partir de l’air (cf. Ch. IV), puis diffusiondans la cellule. Pour beaucoup d’organismes multicellulaires, il existe des systèmes detransport actif complexes (cf. TD N°4).

ii) Dans la cellule, le glucose est d’abord dégradé par glycolyse. Cette étapetransforme une molécule de glucose en deux molécules de pyruvate, et de façon couplée 2ADP + 2 Pi en 2 ATP et 2 NAD+ + 2H+ en 2 NADH + 2H+.

iii) Un complexe de trois enzymes dont la pyruvate déshydrogénase cause latrasnformation du pyruvates en un CO2 et un groupe acétyl porté par l’acétyl-coenzyme A. Enmême temps un NAD+ est encore réduit en NADH.

iv) Dans la matrice mitochondriale, le cycle de Krebs (ou cycle de l’acide citrique)fournit entre autres des NADH.

v) Les NADH, réducteurs énergétiques (cf. § II.C.1.d), sont oxydés par O2 dissousdans un processus qui cause la formation d’un gradient de protons.

vi) Les gradients de protons sont résorbés et le ∆rG négatif est couplé avec la synthèsed’ATP.

• En effet, la discussion des paragraphes précédents indique clairement que pour maximiser ∆rG en valeur

absolue, il faut minimiser le quotient réactionnel, donc garder la concentration de O2 à un niveau suffisammentélevé à l’endroit où s’effectue la réaction.

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II.C.1.b. La glycolyse : Utilisation efficace des ∆rGLe diagramme suivant résume les étapes élémentaires de la glycolyse en indiquant

pour chacune leur force motrice ∆rG, calculée d’après les concentrations moyennes estiméesdans le cytoplasme. Ces concentrations ne sont pas toujours connues avec une grandeprécision ; il est probable que les étapes données avec un ∆rG légèrement positif sont en fait à

l’équilibre (∆rG = 0).

2PEP

Glucose

∆rG’(kJ.mol-1)

0

G6P F6P

ATP

ADP + Pi

F1,6diP

ATP

ADP + Pi

DHAP+ GA3P

2 GA3P

2A1,3-DPG

2A3PG

2 ADP + 2Pi 2 ATP

2A2PG

2pyruvates

2 ADP + 2Pi

2 ATP

-20

-40

-60

-80 2NAD+ 2 NADH

Diagramme énergétique de la glycolyse. Légende : G6P = glucose-6-phosphate, F6P =fructose-6-phosphate, F1,6diP = fructose-1,6-diphosphate, DHAP = dihydroxyacétone

phosphate, GA3P = glycéraldéhyde 3 phosphate, A1,3-DPG = acide 1,3diphosphoglycérique, A3PG = acide 3-phosphoglycérique, PEP = phosphoénolpyruvate,

Pi= phosphate inorganique

Seules trois étapes sont vraiment exergoniques : les deux premières ne le sont que parcouplage avec l’hydrolyse des ATP (« amorcer la pompe »), et la dernière est unedéphosphorylation suffisamment exergonique pour être couplée avec une phosphorylationd’ADP et quand même tirer à droite toute la chaîne de réaction. Cette voie métabolique jouesur les phosphorylations/déphosphorylations, dont l’aspect énergétique est déjà connu, maisstocke aussi une partie de l’énergie sous forme d’un couple redox : cf. § II.C.1.d.

II.C.1.c. Le cycle de KrebsCette étape résulte en la libération de CO2 par oxydation de l’acétyl-coenzyme A et

formation de NADH par réduction de NAD+.

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Au terme du passage par le cycle de Krebs, les atomes de carbone du glucose ontintégralement été convertis en CO2 (une partie des oxygènes nécessaires étant fournie par desmolécules d’eau), sans que le dioxygène ait encore été consommé. En parallèle, un certainnombre de molécules de NADH (voir schéma p. 10) ont été formées.

On sait que la respiration est un processus très efficcace de conversion de l’énergie.L’enthalpie libre initialement contenue dans le mélange réactionnel n’a pas été perdue sousforme de chaleur, mais stockée sous forme d’énergie chimique dans certaines des moléculesproduites. La question qui se pose est donc : NADH est-il « énergétique » ? Et la réponse est :oui, dans un milieu oxydant !

En présence de O2 dissous, en effet, NADH peut participer à une réactiond’oxydoréduction ou réaction redox :

NADH + H+ + 1/2 O2 NAD + + H2O.

CO2

CO2

NAD+NADH+H+

NAD+

NADH+H+

GDP+Pi

GTP

H2OH2O

Acétyl-Coenzyme A

Acides gras Autres . . .

Coenzyme A

Glucides

QH2

Ubiquinone Q

NAD+

NADH+H+

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Elle est exergonique dans ce sens (∆rG° = -200 kJ. mol-1 environ, calcul infra).

Il faut donc, pour comprendre le processus, se préoccuper maintenant de l’aspecténergétique des réactions redox.

II.C.1.d. Utilisation de l’énergie stockée sous forme de NADH :Energétique des redox

Réaction redox = réaction impliquant un changement de degré d’oxydation desatomes, donc un transfert (au moins partiel) d’électrons. Peut s’écrire comme d’une somme dedeux demi-réactions, chacune correspondant à un couple redox.Convention : On écrit les demi-réactions dans le sens de la réduction.

ex. Couples Fe3+ / Fe2+ et Cr3+ / Cr2+

Demi-réactionsFe3+ + 1e → Fe2+

Cr3+ + 1e → Cr2+

Bilan : = Fe3+ + 1e → Fe2+

(-1) X (Cr3+ + 1e → Cr2+)__________

Fe3+ + Cr2+ → Fe2+ + Cr3+

ex. plus compliqué :Demi-réactions

1/2 O2 + 2 H+ + 2e → H2ONAD+ + H+ + 2e → NADH

OHH

CH2

HO OH

H H

O

O

N

NN

N

NH2

P

O

O

OHH

CH2

HO OH

H H

OOP

O

O

O

N

C C

NH2

O

N

C C

NH2

O

H

H H

+ H+ + 2e-

NAD+ NADH

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11

Bilan :1/2 O2 + 2 H+ + 2e + NADH H2O + NAD+ + H+ + 2e, soit1/2 O2 + NADH + H+ H2O + NAD+

Dans quel sens ces réactions sont-elles favorisées (∆rG°) ? Et comment calculer la

force motrice ∆rG dans des conditions données ?Il s’agit de réactions qui s’accompagnent d’un transfert de charge électrique.Nous avions étudié jusqu’ici des transformations où la composition chimique du

système était variable, mais pas la charge électrique. On traite ces situations au moyen de lanotion de potentiel chimique :

µ ∂∂i

i

i P T n n

G

nj i

=

≠, ,

,

Jusqu’à présent, nous avons systématiquement utilisé l’expressionµ i = µ ¡ i + RTlnCi. Implicitement, cette expression est basée sur une limitation del’équation-maîtresse, ne prenant en compte que certaines formes d’énergie :

U = TS — PV + Σµi ni .Or, cette description est parfois incomplète. En effet, si le système porte une charge

électrique nette, l’énergie totale devra inclure un terme d’énergie électrostatique, laquelle estproportionnelle à la charge (q, mesuré en Coulombs) et au potentiel électrique (φ, mesuré enVolts):

U(S,V, ni , q) = TS — PV + Σµi ni + qφφφφ....La charge électrique totale du système dépend du nombre de moles d’espèces chargées

(cations, anions, électrons libres dans les conducteurs solides), et de la charge portée parchacune de ces espèces :

q n Z N eii

i A= ( )∑La quantité NAe, qui représente « une mole de charges électriques », est appelée le

Faraday, et notée F. Elle vaut 96500 Coulomb/mol.En combinant ces dernières équations, on montre facilement que :

GG

nZ Fi

i

i P T n ni i

j i

'

, ,

=

= +≠

∂∂

µ φ

La quantité µi +ZiFφ est appelée « potentiel électrochimique » de l’espèce i et notéeµ i .

Une demi-réaction peut-elle se produire seule ?Si on place un conducteur, par exemple un fil de platine, dans une solution contenant

un couple rédox, p.ex. Fe2+ et Fe3+, on a constitué une électrode. Il peut exister une différencede potentiel électrique entre les deux phases : φPt ≠ φaq (aq = phase aqueuse).

Une demi-réaction rédox peut être initiée à l’interface Pt/solution aqueuse : si onintroduit uniquement des Fe3+, on peut avoir Fe3+ + 1e → Fe2+, où les électrons sont fournispar le platine. Mais cela s’arrête très vite car le Pt se charge positivement, et donc sonpotentiel électrique augmente, s’opposant au transfert d’électrons.

Condition d’équilibre pour ce système : égalité des potentiels électrochimiques :

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µ µ µFe e Fe3 2+ ++ =µ φ µ φ µ φ° + + + − = ° + ++ +

+ +Fe liq e Pt Fe liqRT Fe F F RT Fe F3 2

3 23 2ln[ ] * ln[ ]

⇒ RTFe

FeF F

Fe Fe e liq Ptln[ ]

[ ]*

3

2 2 3

+

+ = ° − ° − − ++ +µ µ µ φ φ

⇒φ φPt liq csteRT

F

Fe

Fe− = +

+

+ln[ ]

[ ]

3

2

La différence de potentiel à l’interface (potentiel d’électrode) dépend desconcentrations en solution .

Définissons un potentiel de référence ∆φ° comme celui qui existe en « conditions

normales » : [Fe3+] = [Fe2+] = 1M. On voit que l’équation ci-dessus se réduit à ∆φ°= cste. Onpeut donc réécrire :

∆ ∆φ φ= ° ++

+RT

F

Fe

Feln

[ ]

[ ]

3

2.

Potentiel d’électrode et potentiel redox∆φ, défini au § précédent, n’est pas mesurable : pour mesurer une différence de

potentiel, on utilise un voltmètre ; et pour utiliser un voltmètre, il faudrait fermer le circuit,donc créer un second contact entre deux phases différentes. Par conséquent, on ne pourraitmesurer que la somme de deux ∆φ.

On définit donc E°, le potentiel redox standard du couple considéré, comme ladifférence entre son ∆φ° et le ∆φ° d’un couple de référence, correspondant à l’électrodestandard à l’hydrogène (ESH) ou électrode normale à l’hydrogène (ENH).E° = ∆φ°couple rédox - ∆φ°ESH. Les valeurs de E° pour les différents couples rédox sonttabulées.

Une ENH est une électrode impliquant le couple : H++ e → 1/2 H2(gaz),

avec PH2 = 1 bar, [H+] = 1 M, et γH+ = 1 (état de référence de l’échelle concentration molaire).Comme l’état de référence est un état fictif, une ENH ne peut pas être réalisée au laboratoire,mais seulement approchée.

Tout comme le potentiel d’électrode, le potentiel redox dépend des concentrations :

E ERT

F

Fe

Fe= ° +

+

+ln[ ]

[ ]

3

2

(Loi de Nernst).

Généralisation à un couple quelconque :

Pour a Ox + n e → b Red, E ERT

nF

Ox

d

a

b= ° + ln

[ ]

[Re ].

NB :1. Les chimistes travaillent de préférence avec le logarithme décimal. Comme ln(x) =

2,303...log(x), on écrit souvent E En

Ox

d

a

b= ° + τ

log[ ]

[Re ], où τ = 2,303...(RT/F)

= 0,059 V à T.A.

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2. Si l’on appelle Q le quotient réactionnel de la demi-réaction écrite dans le sens de la

réduction, on peut aussi écrire E En

Q= ° − τlog .

Calcul de l’équilibre : sens de déplacement à l’équilibre, valeur de KConsidérons maintenant un système contenant deux couples rédox, p.ex. Fe3+/Fe2+ et Cr3+/Cr2+

E°(Fe3+/Fe2+) = +0,77 V ; E°(Cr3+/Cr2+) = - 0,41 V

On a ∆ ∆φ φFe Fe

RT

F

Fe

Fe3 2 3 2

3

2+ + + += ° ++

+/ / ln[ ]

[ ] et ∆ ∆φ φ

Cr Cr

RT

F

Cr

Cr3 2 3 2

3

2+ + + += ° ++

+/ / ln[ ]

[ ].

A l’équilibre, les deux ∆φ sont égaux, donc

∆ ∆φ φ° − ° =+ + + +

+ +

+ +Fe Cr

éq éq

éq éq

RT

F

Fe Cr

Fe Cr3 2 3 2

2 3

3 2/ / ln[ ] [ ]

[ ] [ ]

⇒ F E E RTFe Cr

Fe CrFe Cr

éq éq

éq éq

( ) ln[ ] [ ]

[ ] [ ]/ /° − ° =+ + + +

+ +

+ +3 2 3 2

2 3

3 2 = RTlnQéq = RTlnK .

Comme (E°Fe - E°Cr) = 1,14 V > 0, lnK sera aussi > 0, donc la réaction Fe3+ +Cr2+ → Fe2+ + Cr3+ sera déplacée à droite. Fe3+ sera réduit en Fe2+ parce que le couplecorrespondant possède le potentiel rédox le plus élevé; Cr2+ sera oxydé en Cr3+ parce que lecouple correspondant possède le potentiel rédox le plus bas.

Les couples ayant des E° élevés (positifs) impliquent des oxydants forts.Les couples ayant des E° très bas (négatifs) impliquent des réducteurs forts.On retient souvent la « règle du gamma » :

Fe3+ Fe2+

Cr3+ Cr2+

On peut aussi retenir que les électrons “tombent vers le haut” dans une échelle depotentiels redox. En fait, l’énergie potentielle d’un électron est donnée par qφ = -eφ ;l’échelle d’énergie potentielle des électrons est donc le négatif de l’échelle de potentiels redoxstandard. Cette vision des choses est très utile pour comprendre la photosynthèse, ou la“cascade électronique” intervenant lors de la phosphorylation oxydative.

Quantitativement, ∆ r Fe CrG RT K F E E° = − = − ° − °+ + + +ln ( )/ /3 2 3 2 .

On peut retenir : ∆rG° = -nF∆E° mais attention au sens de calcul de ∆E°!

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E En

Q= ° − τlog .

Exemple de calcul énergétique : Pour la réaction d’oxydation de NADH par le dioxygène dissous :1. Potentiels redox standard à pH7 :1/2 O2 + 2 H+ + 2e → H2O E°’ = + 0,818 V.

NAD+ + H+ + 2e → NADH E°’ = - 0,320 V (à pH 7)∆rG° = -2F (0,818+0,320V) = -219 kJ.mol-1 à pH 7 (ou d’ailleurs à n’importe quel pH).

La force motrice de cette réaction (∆rG) dépend bien sûr des concentrations, mais restefortement négative.

II.C.1.e. La chaîne électronique et la création d’un gradient de protonsPotentiel de membrane, force protomotrice

La réaction 1/2 O2 + NADH + H+ H2O + N A D + ne s’effectue pasdirectement ; elle n’est que le bilan global d’une succession d’étapes élémentaires (voir Ch. I,§ I.D.3) consistant chacune en une réaction redox. On peut rationnaliser cette successiond’étapes d’un point de vue thermodynamique : la transduction de l’enthalpie libre serad’autant plus efficace que l’on travaille près de l’équilibre (transformation quasi réversible) ;plutôt que de réaliser en une fois une réaction ayant une force motrice élevée, il vaut mieux la« saucissonner » en plusieurs réaction scuccessives ayant chacune un ∆rG moins négatif.

Le NADH va donc réagir comme réducteur (c’est à dire céder des électrons), non pasavec O2, mais avec un oxydant dont le couple redox se trouve légèrement au-dessus deNAD+/NADH sur l’échelle des potentiels redox standard . L’espèce réduite ainsi formée vaensuite céder ses électrons à un second couple, etc., chaque étape étant légèrement favoriséethermodynamiquement. C’est ce qu’on appelle la cascade électronique :

0

0,2

0,4

0,6

0,8

-0,2

-0,4

CoQ/CoQH2

NAD +/NADH

Cyt.c-Fe3+/Cyt.c-Fe2+

Cyt.a-Cu2+/...

Cyt.a3/...

O2/H2O

FMN Fe-S/...

Cyt.b/...

P

P

P

première phosphorylation

seconde phosphorylation

troisième phosphorylation

pompage 4 H+

pompage 4 H+

pompage 4 H+

Ce diagramme représente les réactions successives sur une échelle d’enthalpie libre.D’après la relation ∆rG° = -nF∆E°, l’échelle des potentiels redox standard est en sens opposé del’échelle des enthalpies libres standard de réaction, c’est à dire du bas vers le haut . Chaque chute

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d’enthalpie libre de la cascade aboutit au stockage d’une bonne partie de cette enthalpie libre sousforme d’ATP. C’est ce qu’on appelle la phosphorylation oxydative.

Le mécanisme de cette phosphorylation est très ingénieux. Les systèmes redox successifssont associés à des complexes protéiques enchâssés dans la membrane interne de la mitochondrie,qui est une membrane semi-perméable (M.S.P.). Le fonctionnement de ces complexes protéiquesest tel que le flux d’électrons lors des étapes redox successives est couplé à un pompage actif deprotons dans l’espace intermembranaire (une dizaine par molécule de NADH oxydée):

Ce pompage de protons est un transport actif, car il s’accompagne d’une augmentation del’enthalpie libre : l’espace intermembranaire est déjà riche en protons, donc le sens spontané dediffusion serait opposé. Il s’accopagne d’autre part de la création d’un gradient de potentielélectrique entre la matrice mitochondriale et l’espace intermembranaire car les protons sont desespèces chargées . On parle aussi de potentiel de membrane ∆φ = (φmatrice - φinter) < 0.

Ce problème fait donc appel à la notion de potentiel électrochimique, comme dans le casdes réactions redox (§ précédent).

Dans l’espace intermembranaire, le potentiel électrochimique des protons sera :

µ µ φinter inter inter= ° + ++RT H Fln[ ] ,et dans la matrice :

µ µ φmatrice matrice matriceRT H F= ° + ++ln[ ] .La différence de potentiel électrochimique créera une force motrice pour le transfert de

protons, dans le sens (espace intermembranaire → matrice), dont la valeur sera :∆rGm = ∆µ µ µ= −matrice inter

= + −+

+RTH

HFln

[ ]

[ ]( )matrice

intermatrice interφ φ .

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Il est fréquent de donner plutôt ce qu’on appelle, par abus de langage, la « forceprotomotrice » ∆p, qui fait le lien avec la mesure d’acidité usuelle, le pH (-log[H+], cf. Ch. IV) :

∆ ∆ ∆pRT

FpH= −φ 2 3, . On voit qu’on exprime alors la force motrice thermodynamique ∆rGm

comme ∆rGm = - F ∆p. Dans les conditions physiologiques, elle est de l’ordre de –20 à -24 kJ.mol-1 de protons.

II.C.1.f. Etape finale : utilisation du gradient protoniqueAu terme de la « cascade électronique », une partie de l’enthalpie libre initiale est donc

stockée sous forme d’un gradient de protons. Il ne se résorbe pas spontanément parce que lamembrane mitochondriale est normalement imperméable aux protons (§ II.A.3) : la diffusion deceux-ci vers la matrice est favorisée thermodynamiquement, possédant même une force motriceassez élevée, mais ne peut se réaliser à cause d’une barrière d’énergie.

Par contre, à certains endroits de la membrane se trouvent insérées des molécules d’uneprotéine particulière, l’ATP-synthase transportant des protons ; cette molécule possède un canalcentral le long duquel les protons peuvent diffuser, et ce faisant ils déclenchent la synthèse d’ATP àpartir d’ADP + Pi (environ 3 pour 10 protons).

Le résultat final des processus qui se déroulent dans la mitochondrie est donc de dégager ungrand nombre de molécules d’ATP, qui emportent une grande partie de l’enthalpie libre contenue,au départ, dans le système glucose + O2. L’ensemble du processus est très efficace puisqu’il a unrendement de 50 à 60% (env. 32 moles d’ATP formées par mole de glucose réagie).

II.C.2 La photosynthèseLes détails du processus de photosynthèse seront traités dans des cours plus spécialisés

(biochimie, bioénergétique, physiologie). Plusieurs mécanismes sont d’ailleurs communs avec larespiration aérobie.

Mais le point de départ de la photosynthèse est complètement différent, puisque l’énergien’est pas prise à un mélange réactionnel, mais « fixée » à partir du rayonnement lumineux. Lessystèmes capables de réaliser cette fixation sont des ensembles de protéines, de pigments(chlorophylle) et d’autres molécules (quinones) qu’on appelle les photosystèmes, et qui sontinsérées dans la membrane d’organelles spécialisées, les chloroplastes.

Le centre réactionnel P680 est impliqué dans un couple redox (P680+/P680) de potentiel redoxstandard élevé. Sous sa forme oxydée, il est capable d’oxyder l’eau en 2 H+ + 1/2 O2. L’action de lalumière est la suivante :

• un photon d’énergie appropriée excite un électron du P680, au point qu’il va se séparer ducentre réactionnel,

• le P680+ ainsi formé est retransformé en P680 par une réaction redox avec l’eau, formant desprotons,

• quant à l’électron, il est capté par une molécule de phéophytine voisine, générant ainsi unréducteur fort,

• à partir de ce moment, l’électron passe successivement par une série de couples redox, dansun processus semblable à la cascade électronique de la repsiration ; certaines étapes peuventaboutir à la formation d’un gradient de protons transmembranaire,

• L’électron finit sa chute énergétique sur le centre réactionnel de l’autre photosystème,appelé P700. Là, il est excité par un second photon et une autre cascade électroniquecommence

• Elle se termine normalement par la formation d’un réducteur assez fort, le NADPH(structure voisine du NADH).

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H2OP680

P680*

Phéophytine

Plastoquinone

QH2

PlastocyanineP700

P700*

A0

Quinone (A1 )

Fx

Ferrédoxine

NADPH

E(V)

0

0,2

0,4

0,6

0,8

1,0

-0,2

-0,4

-0,6

-0,8

-1,0

-1,2

-1,4

Photosystème II

Photosystème I

NADP+

Complexe cytochrome bf

gradientH+

A l’issue de cette série de réactions, on a donc formé :a) un gradient de protons, qui sera utilisé pour former de l’ATP (cf. supra).b) Un réservoir de molécules fortement réductrices, les NADPH.

La façon dont la plante photosynthétique valorise ces deux sources d’énergie est de lesutiliser pour la fixation du CO2 atmosphérique sous forme de glucose, au moyen de ce qu’on appellele cycle de Calvin. Le pouvoir réducteur du NADPH est directement valorisé dans la réduction duCO2.

Il est intéressant de remarquer qu’on peut représenter l’énergie d’un photon sur une échellecommensurable à celle des potentiels redox. En effet, un photon d’une longueur d’onde λ = 730 nm(rouge) correspond à un nombre d’ondes ν = 13706 cm-1, c’est à dire à une énergie E hc= ν =2,72*10-19 J, ou encore 1,6 eV. Son absorption peut donc promouvoir un électron de 1,6V sur uneéchelle de potentiel redox.

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II.C.3 La contraction musculaireIl ne s’agit plus ici d’un mécanisme permettant le stockage de l’énergie venant de sources

externes, mais au contraire d’un mécanisme d’utilisation de l’énergie stockée, qui est transforméeen travail (dû au mouvement cohérent d’une fibre musculaire).

L’énergie utilisée est stockée dans le muscle sous forme d’ATP, mais aussi dans le réticulumsarcoplasmique sous forme d’un gradient de concentration, cette fois en ions calcium (Ca2+). Laconcentration en calcium dans le tissu musculaire est de l’ordre de 10-7 M au repos, tandis que dansles vésicules du réticulum sarcoplasmique elle est beaucoup plus élevée (10-3 M). L’arrivée d’uninflux nerveux (potentiel électrique) déclenche l’ouverture de canaux calciques déclenchés par lepotentiel. Les ions calcium migrent donc spontanément hors du réticulum (« pulse calcium », cf.§II.A.3) et rencontrent alors les protéines spécifiques des fibres musculaires : l’actine et la myosine.

Ces deux protéines forment dans les tissus musculaires des filaments juxtaposés enalternance :

Or, la structure moléculaire des deux protéines est telle que les « têtes » de la myosinepeuvent se lier aux monomères d’actine, mais le site de liaison sur l’actine est bloqué quand lemuscle est au repos. Par contre, l’arrivée des ions Ca2+ lors du « pulse calcium » modifie laconformation de ces sites de sorte que la liaison devient possible.

Un mécanisme moléculaire cause alors la décomposition d’une molécule d’ATP en ADP +Pi, accompagnée d’un « coup d’aviron » de la tête de myosine qui cause un glissement des deuxfibres l’une le long de l’autre. Au niveau macroscopique, le muscle se contracte.

L’essentiel de l’enthalpie libre nécessaire à ce travail de contraction a été fourni par ladécomposition de l’ATP. Mais pour que le processus ne se déclenche pas de façon anarchique, ildoit obéir à un signal. La transmission de ce signal est permis par le gradient d’ions Ca2+, réservoird’enthalpie libre moins important quantitativement mais indispensable au bon fonctionnement duprocessus.

Filamentsde myosine

Mol culede myosine

Filamentsd actine