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1 Chapitre 7 Choix des projets Analyse coûts-avantages (Costs Benefits Analysis) Principales questions abordées dans ce chapitre : Choix sans risque : critère de la valeur nette actualisée et critères auxiliaires optimisation d'un projet projets incompatibles projets indépendants Choix avec risque : risques probabilisables : critère de l'espérance d'utilité actualisée Assurance Risques non probabilisables : critères "maxi-min" et "mini-max" Investissement et impôt 1. Introduction Ce chapitre porte sur l’analyse coûts-avantages (Costs Benefits Analysis). Cette analyse s’applique au choix des projets publics ou privés. Dans le cas des projets publics, les coûts et les avantages sont évalués sur la base de leur valeur socio-économique, qui tient compte des effets directs, mais aussi des externalités (positives ou négatives) ainsi que, par exemple, de la valeur (équivalent monétaire) du temps gagné grâce au projet (voir cours d’économie publique et d’économie des transports en deuxième année ; voir aussi instruction-cadre du 25 mars 2004 relative aux méthodes d’évaluation des grands projets d’infrastructure de transport, ministère de l’équipement, des Transports, du Logement , du tourisme et de la mer). Dans le cas des projets privés, les coûts et les avantages sont évalués sur la base de leur valeur purement monétaire et financière. C’est cette approche que l’on retiendra exclusivement dans le présent chapitre de ce cours d’initiation. Les motifs qui conduisent les entrepreneurs à déterminer leurs investissements peuvent être nombreux et sont parfois complexes. Mais parmi les différents critères de décision, il en est un qui ne saurait être ignoré sans de graves mécomptes : c'est la rentabilité que l'on peut attendre de l'investissement projeté. Nous aborderons cette étude de rentabilité de façon simplifiée, en supposant que l'entrepreneur, qui étudie l'investissement, est aussi le propriétaire de l'entreprise. Il est alors possible d'établir un lien direct entre la détermination de l'investissement et le niveau d'utilité du consommateur-entrepreneur (CE).

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Chapitre 7

Choix des projets Analyse coûts-avantages

(Costs Benefits Analysis)

Principales questions abordées dans ce chapitre :

• Choix sans risque : critère de la valeur nette actualisée et critères auxiliaires

optimisation d'un projet

projets incompatibles

projets indépendants

• Choix avec risque : risques probabilisables : critère de l'espérance d'utilité actualisée

Assurance

Risques non probabilisables : critères "maxi-min" et "mini-max"

• Investissement et impôt

1. Introduction

Ce chapitre porte sur l’analyse coûts-avantages (Costs Benefits Analysis).

Cette analyse s’applique au choix des projets publics ou privés.

Dans le cas des projets publics, les coûts et les avantages sont évalués sur la base de leur

valeur socio-économique, qui tient compte des effets directs, mais aussi des externalités

(positives ou négatives) ainsi que, par exemple, de la valeur (équivalent monétaire) du temps

gagné grâce au projet (voir cours d’économie publique et d’économie des transports en

deuxième année ; voir aussi instruction-cadre du 25 mars 2004 relative aux méthodes

d’évaluation des grands projets d’infrastructure de transport, ministère de l’équipement, des

Transports, du Logement , du tourisme et de la mer).

Dans le cas des projets privés, les coûts et les avantages sont évalués sur la base de leur

valeur purement monétaire et financière. C’est cette approche que l’on retiendra

exclusivement dans le présent chapitre de ce cours d’initiation.

Les motifs qui conduisent les entrepreneurs à déterminer leurs investissements peuvent être

nombreux et sont parfois complexes. Mais parmi les différents critères de décision, il en est

un qui ne saurait être ignoré sans de graves mécomptes : c'est la rentabilité que l'on peut

attendre de l'investissement projeté.

Nous aborderons cette étude de rentabilité de façon simplifiée, en supposant que

l'entrepreneur, qui étudie l'investissement, est aussi le propriétaire de l'entreprise. Il est

alors possible d'établir un lien direct entre la détermination de l'investissement et le niveau

d'utilité du consommateur-entrepreneur (CE).

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Autre hypothèse simplificatrice : on supposera qu'il existe un marché financier parfait, sur

lequel l'entrepreneur peut emprunter ou prêter sans limitation de quantité, à un taux d'intérêt annuel r exogène, que l'on supposera en outre indépendant de la durée de l'emprunt ou du

prêt. On s'écartera toutefois du cadre du marché financier parfait dans quelques cas

particuliers, qui seront signalés au passage.

Enfin, on fera abstraction de la fiscalité, sauf en fin de chapitre (§ 4).

2. Choix des investissements en l'absence de risque 2.1. Le critère d'utilité du consommateur-entrepreneur

Supposons que le consommateur, dont nous avons examiné au chapitre 10 le comportement

de consommation et d'épargne, ait maintenant l'idée de fabriquer un produit correspondant à

l'un de ses savoir-faire, et qu'il se livre à une étude d'investissement, en supposant 'pour le

moment) qu'il sait en déterminer exactement, sans risque d'erreur, toutes les

caractéristiques : coût de l'investissement, coûts variables de fabrication et prix de vente du

produit, quantités écoulées, etc.

Notre consommateur-entrepreneur va alors se demander si et dans quelle mesure le lancement du projet de ce type lui permettrait s'améliorer son niveau d'utilité intertemporelle, par rapport au "scénario de référence" dans lequel il s'abstiendrait de tout projet. De cette maximisation du niveau d'utilité intertemporelle du consommateur-

entrepreneur découle le critère principal d'analyse de la rentabilité prévisionnelle des

projets (§ 2.2), ainsi que les méthodes d'optimisation (§ 2.3) et les méthodes de chois des

investissements incompatibles (§2.4) ou indépendants (§2.5).

2.2. Rentabilité prévisionnelle : critère de la "valeur nette actualisée" (ou de "bénéfice actualisé") On commencera par observer que la satisfaction intertemporelle optimale (ou « utilité

indirecte ») de tout consommateur croît avec son revenu actualisé : on mettra cette propriété

en évidence dans le cas particulier d’une fonction d’utilité intertemporelle de type habituel..

On considèrera alors un « scénario sans projet » et un « scénario avec projet » et on en

déduira un critère de décision en en comparant mes revenus actualisés de l’entrepreneur-

propriétaire dans les deux cas.

2.2.1. Remarque préliminaire : la satisfaction intertemporelle optimale de tout consommateur croît avec son revenu actualisé.

Cette propriété est intuitive. Elle est mise en évidence ci-dessous avec une fonction d’utilité

intertemporelle standard.

Considérons un consommateur maximisant son niveau d’utilité intertemporelle U en optimisant le programme

de ses revenus tR . Adoptons les hypothèses suivantes :

-le durée de vie du projet est T , que l’on supposera provisoirement infinie ;

- le fonction d’utilité intertemporelle du consommateur est de la forme standard séparable additive avec aversion

au risque constante :

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( )

1

0

11.

11

Tt

tt

CU

a

ε

ε

=

−=

−+∑ (1)

Le programme de consommation est soumis à la contrainte budgétaire actualisée :

0=−CR avec

( )0 1

Tt

tt

RR

r=

=+

∑ et

( )0 1

Tt

tt

CC

r=

=+

∑ (2)

Le programme d'optimisation sous contrainte du consommateur le conduit alors à considérer le Lagrangien :

( ) ( ) ( ).t tC U C R Cε ε λΛ = + − (3)

On montre alors (voir annexe 1) que la solution est de la forme : 1

1. .

1t

rC R A

a

ε+ = + (4)

dans laquelle le facteur A dépend des paramètres ( ), , ,a r Tε , mais ne dépend pas de la période t .

Donc si le revenu actualisé R augmente, la consommation tC de chaque période t augmente

proportionnellement.

Or en revenant à (1), on voit que U est une fonction croissante de chaque tC . Donc U augmente elle-aussi

(mais, en général, non-proportionnellement). Comme on pouvait s'y attendre, U (à l'optimum) est une

fonction croissante de R .

2.2.3. Considérons maintenant le « scénario sans projet » et le « scénario avec projet »

On suppose que dans la « situation de référence », c’est-à-dire dans l’hypothèse où il s’abstiendrait de

réaliser ce projet, l’entrepreneur-consommateur disposerait d’un revenu actualisé spR appelé « revenu

actualisé sans projet ».

L’entrepeneur-consommateur considère alors l’hypothèse ou il réaliserait le projet et se demande quel serait

alors son revenu actualisé apR appelé « revenu actualisé avec projet ».

Supposons que le entrepreneur-consommateur réalise en période 0 un investissement 0I qu’il finance de deux

façons :

- par apport personnel, ou « autofinancement », prélevé sur son revenu spR , à concurrence d’un montant :

0.Iα avec 0 1α≤ ≤

- par emprunt, à concurrence du complément ( ) 01 .Iα− , qui sera remboursé par une série de versements tV ,

(en partie intérêts, en partie principal), dont la somme actualisée est équivalente4 :

(8)

4 Voir encadré du chapitre 10

( )( )0

0

1 .1

t

tt

VI

=

− =+

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Supposons que l’activité de l’entreprise dégage en période (1) un excédent brut d’exploitation ( )0tEBE I ,

excédent des ventes sur les dépenses courants d’exploitation (consommations intermédiaires, coûts salariaux, à

l’exclusion de tous frais financiers).

Valeur ajoutée : ttt CICAVA −= avec :

* Chiffre d’affaire : ttt YpCA *= (prix de vente par quantités vendues)

* Consommations intermédiaires : iti

itt xpCI *∑= dépenses en produits consommables

Excédent brut d’exploitation : ttt MSVAEBE −= avec :

* Masse salariale : jtj

jtt LwMS *∑= où :

jL est le nombre d’emplois de catégorie j

jw est la « rémunération salariale »

(salaire brut et cotisations sociales employeur) par emploi de catégorie j

L’estimation de ces flux est à l’évidence un élément aussi délicat que crucial dans le processus de décision : on y

reviendra dans les petites classes.

Le revenu actualisé avec projet de calcule comme suit :

( )( )

∑∞

= +

−+−=

0

00

1.

tt

tspap

r

VIEBEIRR α (9)

Nota : l’ EBE est évidemment fonction du dimensionnement du projet, donc de l’importance 0I de

l’investissement.

Compte tenu de (8), la relation (9) s’écrit :

( )( )

∑∞

= ++−=

0

00

1ttspap

r

IEBEIRR (10)

L’augmentation du revenu actualisé due au projet sera appelée « valeur nette actualisée (VAN)1 » ou « bénéfice

actualisé (B ) » du projet :

( )( )

∑∞

= ++−=⇔−=

0

00

1ttspap

r

IEBEIBouVANRRBouVAN (11)

Comme on a vu ci-dessus que son niveau d’utilité croît avec son revenu actualisé, l’entrepreneur –consommateur a intérêt à réaliser le projet si et seulement si celui-ci dégage une valeur nette actualisée

positive (ou éventuellement nulle) : 0≥BouVAN (12)

Tel est le critère principal, concernant la rentabilité, à prendre en compte dans la décision d’investissement privé.

1 En anglais : Net Present Value(NPV)

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Il est à noter que, sous les hypothèses de marché financier parfait et d’absence de risque, ce critère est indépendant : • des paramètres de la fonction d’utilité de l’entrepreneur-consommateur : - n’interviennent ni le taux d’impatience a , ni l’aversion au risque ε - du mode de financement : le taux d’autofinancement α est indifférent. • En revanche, il dépend explicitement du taux d’intérêt r . 2.2.4. Remarques sur le taux d’inflation Nous avons jusqu’ici raisonné en termes « réels », le numéraire étant l’unité de bien composite de l’économie

agrégée.

Si l’on saisit les flux monétaires, au prix de l’année courante, il faut donc commencer par convertir en prix de l’année 0 : (13)

t

toP

PEBEEBE 0.= où tP = indice des prix de l’année t et tEBE = EBE nominal de l’année t .

(Pour plus de détails, voir chapitre 10).

2.2.5. Remarques sur le temps continu

Nous avons jusqu’ici raisonné en ‘temps discret », par périodes généralement d’une année chacune Il est parfois

plus commode de raisonner en temps continu, en utilisant le taux d’intérêt instantané ( )r+= 1lnρ , de sorte

que : ( ) tter .1 ρ=+ (14)

On peut alors écrire :

( ) dteIEBEIBouVAN t ..0

.00 ∫

∞ −+−= ρ (15)

2.3 Optimisation d’un projet

Nous avons jusqu’ici considéré le projet comme un tout, déterminé par la valeur donnée de l’investissement 0I ,

par sa durée de vie T (provisoirement supposée infinie), par de programme ( )t

IEBE 0 des excédents bruts

d’exploitation.

En fait, même en s’en tenant toujours à un type de projet bien précis (ex : produire du tissu de caractéristiques

données pour un marché donné), la plupart de ces paramètres comportent une marge de variation, à l’intérieur de

laquelle il convient de rechercher s’il existe une valeur optimale Autre présentation : chercher à optimiser un

projet revient à comparer les diverses variantes pour choisir la meilleure.

2.3.1. Dimensionnement optimal ; choix de la taille 0I

L’entrepreneur est ainsi conduit à s’interroger sur la capacité de production optimale à mettre en place et, pour

atteindre celle-ci, sur la combinaison optimale des facteurs de production (investissement en capital productif ;

travail ; voire consommations intermédiaires), qui peuvent être plus ou moins substituables et qui, bien entendu,

interviennent dans le calcul du programme d’excédents bruts d’exploitation prévisibles.

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D'où un processus d'optimisation de l'investissement, qui conduira à choisir le niveau I0 d'investissement

maximisant le bénéfice actualisé (valeur nette actualisée), c'est-à-dire solution de :

( )( )

( )

0=t

t

1r1

I

IEBE

0I

IB

t

0

0

0

0 =+

⇔= ∑∞ ∂

∂∂

(16)

Interprétation : le dernier euro investi doit être exactement compensé par la somme actualisée des EBE

marginaux dégagés par cet investissement marginal.

Nota : Il faut naturellement vérifier que l'extremum fourni par (16) est un maximum et qu'il convient (grandeurs

non-négatives).

2.3.2. Date optimale d’investissement et taux de rentabilité immédiate L’entrepreneur est aussi conduit logiquement à choisir la date optimale de l’investissement :

est-ce dès l’instant 0, ou à une date ultérieure θ ? On supposera pour simplifier que le coût I

de l’investissement est indépendant de la date θ . Si l’entrepreneur choisit d’investir à la date

θ , la valeur nette du projet, actualisée à l’instant 0, est :

( ) ( ) θρ

θ

θρθ .. ... −∞

−−

+−= ∫ edteEBEIB t

t soit :

( ) ∫∞

−− +−=θ

ρθρθ dteEBEeIB tt ... ..

d’où, en dérivant par rapport à θ :

( )0≥

θθ

d

dB ⇔ ( ) 0... ≥−−

θθρ ρ EBEIe ⇔ ρθ ≤

I

EBE (17)

On appelle taux de rentabilité immédiate le ratio IEBEt / . Le bénéfice actualisé à l’instant 0 augmente donc

lorsque l’on retarde la réalisation du projet, tant que le taux de rentabilité immédiate est inférieur à ρ .

L’entrepreneur a donc intérêt à retarder son investissement jusqu’à l’année θ où le «taux de rentabilité

immédiate IEBE /θ » dépasse (pour la première fois) le taux d’intérêt ρ (assimilable à r ).

2.3.3. Durée de vie optimale T Revenons plus précisément sur la durée de vie T du projet, que l'on a provisoirement supposée infinie. En fait,

les équipements subissent une usure physique, qui rend nécessaire des travaux d'entretien et de grosses

réparations, de plus en plus coûteux d’une année à l’autre, qui viennent diminuer l'excédent brut d'exploitation.

La question se pose ainsi de savoir jusqu’à quand il vaut mieux réparer l'équipement ancien ou à partir de quelle

durée de vie T il vaut mieux en acquérir un nouveau.

Dans la réalité, la question est rendue beaucoup plus complexe par le progrès technique (et l'évolution des

standards de consommation) : la nouvelle machine est loin d'être identique à l'ancienne, la productivité des

facteurs a changé, entraînant une évolution des prix relatifs, etc. A l'usure physique se substitue donc le

phénomène "d'obsolescence économique". Cependant, pour simplifier, faisons ici abstraction du progrès

technique.

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Imaginons par conséquent que l'entrepreneur s'interroge sur la durée de vie optimale T de l'équipement, en

supposant qu'il le remplacera à l'identique à cette date et que la chronique des EBE se reproduira, elle aussi à

l'identique. Il est donc conduit à maximiser le bénéfice actualisé calculé comme suit (il est plus aisé de raisonner

en temps continue) : (18)

( ) [ ]B B T e e eT T n T= + + + + +− − −. .... ..... . . . .1 2ρ ρ ρavec ( ) ( )∫

−+−= T

0t.

0t0 dt.e.IEBEITB ρ

Soit finalement : ( )

BB T

e T=

− −1 ρ.

Optimisons par rapport à la variable T. La condition du premier ordre s'écrit : (19)

[ ] [ ] ( ) ⇔=−−⇔=−−− 0eTBe1.eIEBE0

T

B T.T.T.

0T

ρρ

∂∂ ρρ ...)(

( ) ( )

TeTBIEBE

.0T1

. ρ

ρ−−

=

Cette relation peut s'interpréter assez simplement, en faisant appel à la notion "d'annuité constante équivalente" (ACE).

Supposons en effet que notre consommateur-entrepreneur reçoive de façon permanente un flux de revenus

constant et égal à ( )f par unité de temps. Au cours d'une période de durée T il recevra l'équivalent d'un

montant ( )F actualisé en début de période, égal à :

F f e dt fe

f Fe

tT

T

T= =

−⇔

−−

−∫. . . ...

.

ρρ

ρρρ1

10

= (20)

Le coefficient ρ

ρ1− −e T. s'appelle "coefficient d'annuité constante équivalente" (ou loyer annuel moyen). Il

est fonction croissante de ρ et de T . Il tend vers 1

T (simple moyenne arithmétique par année) lorsque ρ

tend vers 0 (équivalent à r tend vers 0). Il est donné dans les "tables d'annuités" (voir annexe 3).

Il apparaît alors que le second membre de (19) n'est autre que "l'annuité constante équivalent" (ACE)

correspondant au projet pour la durée de vie T (et le taux d'intérêt instantané ρ ).

La règle est donc simple : on prolonge la durée de vie de l'équipement tant que l'excédent brut d'exploitation de la dernière année est supérieur ou égal à l'annuité constante équivalente. On le remplace

lorsque l'EBE devient inférieur à l'ACE.

Remarque : comme le bénéfice actualisé doit être positif ou nul (pour les projets à retenir), il en va

nécessairement de même pour l'annuité constante équivalente (ACE). Il en résulte que l'on doit (en principe)

toujours renouveler l'investissement avant que l'excédent brut d'exploitation ne devienne négatif (sous l'effet du

gros entretien). 2.3.4. Optimisation simultanée des différents paramètres

On a optimisé par rapport séparément par rapport aux paramètres TI ,,0 θ , en supposant les deux autres

paramètres «égaux par ailleurs». En réalité, il faudrait optimiser simultanément

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par rapport aux trois paramètres, c’est-à-dire considérer le système annulant les trois dérivées partielles. On ne

développera pas davantage cet aspect, qui doit être examiné projet par projet.

2.4. Projets incompatibles

L'optimisation d'un projet qui vient d'être examinée consiste à choisir la variante qui maximise la valeur nette

actualisée et à éliminer toutes les autres variantes ; c'est donc un processus de sélection entre des projets

incompatibles. On peut généraliser le raisonnement lorsque l'on doit sélectionner un seul projet parmi un

ensemble de projets incompatibles, qui ne sont pas nécessairement de simples variantes, mais peuvent être de

natures très différentes.

Ce peut être le cas par exemple si le consommateur-entrepreneur souhaite trancher entre deux investissements

dans des secteurs différents qu'il ne peut mener de pair, ne serait-ce que faute de temps disponible.

2.4.1. Critère principal : toujours le "bénéfice actualisé" La méthode la plus sûre pour comparer des projets incompatibles et sélectionner le meilleur est toujours

d'appliquer le critère du "bénéfice actualisé" (ou "valeur nette actualisée") et de retenir le projet qui correspond

au maximum (pourvu que celui-ci soit positif).

Il est pourtant d'usage fréquent d'utiliser d'autres critères auxiliaires qui vont être abordés ci-après.

2.4.2 Deux critères auxiliaires : le "taux de rentabilité interne" (TRI) et la "durée de retour" (DR) • "Taux de rentabilité interne" (TRI)

Supposons qu'un projet d'investissement 0I de durée de vie T conduise, pour le taux d'intérêt r du marché

financier, à un bénéfice actualisé non-négatif :

( ) ( )( )

01

0,0

0

00 ≥+

+−⇔≥ ∑=

T

tt

t

r

IEBEIrIB (21)

On a vu que (sauf peut-être dans les premières années), ( )0IEBEt devait être positif (sinon, il faudrait hâter le

renouvellement des équipements... ou fermer l'usine !). Si les ( )0IEBEt sont non-négatifs quel que soit t , il

est clair que B décroît quand le taux d'intérêt croît. Cette observation conduit intuitivement à estimer le "taux de rentabilité interne" du projet qui, par définition, est la valeur j que devrait prendre le taux d'intérêt pour annuler le bénéfice actualisé :

B I j( , )0 0= ⇔ ( )

( )0

1+-

T

0=t

0

0 =+

∑ t

t

j

IEBEI (22)

Avec l'hypothèse plausible des tEBE non-négatifs (sauf peut-être les premières années), il apparaît alors que

B I r j r( , )0 0≥ ≥ et sont deux conditions équivalentes. D'où un critère auxiliaire couramment utilisé :

peut être considéré comme rentable tout projet dont le TRI est supérieur ou égal au taux d'intérêt du marché financier.

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Allant plus loin, peut-on utiliser le TRI comme un critère de sélection, c'est-à-dire choisir, parmi les divers

projets incompatibles, celui qui dégage le TRI le plus élevé ? Il faudrait pour cela que l'ordre des TRI soit

toujours le même que celui des bénéfices actualisés. Or, cette propriété n'est pas toujours vérifiée, comme le

montre le contre-exemple suivant (tableau 1), concernant deux projets dont la durée de vie est la même (2 ans)

et qui dégagent tous les deux des EBE positifs : le critère du bénéfice actualisé conduit à retenir le projet n° 1

(choix correct), alors que le critère de TRI conduirait à retenir le projet n° 2 (ce qui serait erroné).

Tableau 1 Projet n° Duré de vie Investissement EBE1 EBE2 B pour r = 10% TRI

1 2 ans 100 MF 30 MF 112 MF 19,8 MF 22 %

2 2 ans 100 MF 100 MF 33 MF 18,2 MF 26 %

Conclusion : Le TRI peut être un "faux ami" dans la comparaison des projets. Il est recommandé d'utiliser le critère du bénéfice actualisé (ou valeur nette actualisée). • Durée de retour (DR)

Par définition, c'est la durée au bout de laquelle le coût de l'investissement 0I est récupéré par le cumul des

excédents bruts d'exploitation (hors inflation). Ce cumul est le plus souvent calculé sans actualisation (critère

TR) : ( )0

TR

0

0 IEBEIt

t∑=

= (23)

Ce critère indique à partir de quand l'entrepreneur pourrait lancer un second projet analogue au premier, mais

entièrement autofinancé par lui. Il conduit implicitement à considérer qu'un projet est d'autant plus rentable que

sa durée de retour est plus faible. Il est aisé de montrer des contre-exemples (certains projets peuvent atteindre

une forte rentabilité, mais sur une longue période). Ce critère peut donc aussi être un "faux-ami". Il se justifie

davantage en cas d'avenir incertain (voir § 3).

Remarque : On utilise parfois une variante : la durée de retour avec actualisation (critère TR )

Critère TR : ( )

( )∑= +

=RT

0tt

0t0

r1

IEBEI (24)

2.5. Projets indépendants

2.5.1. Si les projets sont indépendants les uns des autres, c'est-à-dire s'ils ne se nuisent ni ne se favorisent

mutuellement, alors le critère fondamental conduit à un résultat simple : il faut réaliser tous les projets dont le bénéfice actualisé est "non négatif" (chacun d'eux étant en outre optimisé, au sens du paragraphe précédent). 2.5.2. En fait, il interviendra certainement des conditions qui viendront, sinon obliger à choisir un seul projet

comme au § 2.4., du moins limiter le nombre des projets réalisables ou obliger à les étaler dans le temps. Parmi

ces limitations figurent non seulement la "capacité de mise en oeuvre" du consommateur-entrepreneur, mais

aussi souvent des contraintes de financement.

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Logiquement, si les marchés financiers sont parfaits comme nous l'avons supposé, le taux d'intérêt devrait

refléter l'équilibre entre l'offre et la demande de fonds prétables. On peut toutefois imaginer qu'en sus de la

limitation provenant du "coût de l'argent" interviennent d'autres restrictions. Ainsi, l’entrepreneur-consommateur

peut souhaiter ne pas dépasser tel plafond pour le total de ses investissements dans un secteur donné. Ou encore,

dans le cas où l'investisseur est l'Etat-actionnaire, il se peut qu'il doive limiter ses concours industriels pour ne

pas accroître son endettement, etc.

Le décideur est alors confronté au problème suivant : il a une collection de n projets indépendants, qui

respectivement coûtent In et procurent un bénéfice actualisé Bn (non négatif). Mais le montant total investi ne doit pas dépasser une limite J. Quels projets retenir ? On présentera ci-après une méthode aisée à comprendre

intuitivement2 :

- On classe des projets par ordre décroissant de rapport B

I

n

n

(figure 1).

- On coupe ensuite par l'horizontale de cote θ , ce qui permet de repérer les ( )N θ projets tels que : B

I

n

n

> θ .

- On calcule le montant ( )( )

J In

N

θθ

= ∑1

- Partant de θ grand, on diminue θ tant que J J( )θ ≤ .

- Enfin, on retient la plus petite valeur de θ vérifiant cette inégalité.

Autrement dit, on a ici un nouveau critère de rentabilité, qui est le bénéfice actualisé par euro investi3, à utiliser pour classer les projets lorsque le montant des financements disponibles est limité4

.

3. Choix des investissements en présences de risques

Nous avons supposé jusqu'ici que l’entrepreneur-consommateur connaissait exactement, sans risque d'erreur,

toutes les caractéristiques du projet, concernant tant l'investissement que le programme des excédents bruts

d'exploitation que ce dernier procurerait.

Il est bien rare qu'il en soit ainsi ! Dans la pratique, l'entrepreneur doit la plupart du temps prendre ses décisions

en devant faire sur l’avenir des hypothèses, plus au moins étayées, avec des risques d’autant plus importants

d’erreurs ou d’imprévus que cet avenir est plus lointain.

2 La démonstration rigoureuse fait appel au théorème de Kühn et Tücker, qui étend la méthode de Lagrange au

cas où les contraintes sont des inégalités (ex : h (x,y,z) ≥0) au lieu d'égalités (ex : h (x,y,z) = 0). 3 Il s’agit de la somme actualisée de tous les euros dépensés, non seulement pour l’investissement, mais aussi (le

cas échéant) pendant toute la durée de b vie du projet. Pour plus de détail, voir cours d’économie publique de

deuxième année. 4 Il se peut aussi qu’il existe une contrainte de dépense annuelle. C’est souvent le cas pour les dépenses

publiques, plafonnées par une enveloppe budgétaire. On peut alors associer à cette contrainte un « prix fictif »

(multiplicateur de Lagrange ), parfois appelé « coût d’opportunité des fonds publics ». Cela revient, dans le

calcul du bénéfice actualisé, à compter les dépenses publiques non pour leur valeur réelle, mais pour cette valeur

majorée (par exemple) de 20%.

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12

La question de la décision en avenir incertain ou en information incomplète alimente un très important

courant de réflexions et de recherches, dont on ne donnera ci-après qu’un très sommaire aperçu (pour une

approche moins superficielle, voir les cours de théorie de la décision, de micro 2 et d’économie industrielle).

Dans ce qui suit, on évoquera successivement le choix des investissements en avenir probabilisable, le rôle des

assurances, le cas du choix en avenir non probabilisable5, enfin (très brièvement) le rôle de l’information.

3.1. Etats de la nature probabilisables : maximiser l'espérance d'utilité Les résultats d’un projet sont fréquemment tributaires d’événements difficilement maîtrisables affectant

l’environnement naturel, économique, social, politique, voire psychologique ou relationnel dans lequel il se

déroule. On désigne ces circonstances extérieures, dont les aléas climatiques fournissent un exemple parlant,

sous le terme d’"états de la nature" (ou "états du monde"). On va supposer pour commencer que l’on peut

attacher à chacun de ces états de la nature une probabilité, objective (par exemple lois statistiques de la

météorologie6) ou, à défaut, subjective.

Prenons un exemple extrêmement simplifié, couvrant deux périodes notées 0 et 1. L’entrepreneur-

consommateur est un agriculteur qui dispose (sans projet) d’un revenu actualisé certain spR et qui étudie un

projet d’emblavement. Il se demande quelle quantité ( )I0 du blé il va semer (investissement) en période 0,

sachant que la quantité de blé qu’il récoltera en période 1 dépendra non seulement de ( )I0 , mais aussi des

conditions climatiques qui se produiront entre les semailles et la moisson.

On suppose ici que ces conditions climatiques suivent une loi de probabilité, qui a pu être estimée (avec un

intervalle de confiance plus ou moins étroit) à partir d'observations enregistrées dans le passé, et que l’agriculteur

connaît cette loi. Toujours pour simplifier7, on supposera :

- que l'état de la nature est favorable avec la probabilité (p) ( )1p0 ≤≤ et que dans ce cas la récolte en

période 1 vaut ( )1 0EBE I

- que l'état de la nature est défavorable avec la probabilité (1-p) et que dans ce cas la récolte en période 1 est nulle (hypothèse extrême !).

En fait l’agriculteur doit déterminer en période 0 deux variables de commande inconnues : son investissement

( )I0 mais aussi sa consommation C0 . Il disposera donc en période 0 d’un reliquat ( )00 ICRsp −− , dont

l'équivalent capitalisé en période 1 sera ( )( )00.1 ICRr sp −−+ . A cela s'ajouterait la récolte de la période 1.

La consommation en période 1 sera alors (on suppose toujours le marché financier parfait) :

5 Les asymétries d’information et les mécanismes pour y remédier jouent un rôle de plus en plus important dans

les développements de l’analyse économique contemporaine (voir chapitre 7). 6 Ex: loi de Gumbel pour les crues d’un fleuve.

7 On pourrait aisément généraliser.

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- si l'état de la nature est favorable : ( ) ( ) ( )010011 .1 IEBEICRrC sp +−−+=

( )r

IEBEIR

r

CC sp +

+−=+

+⇔11

010

110 Probabilité = p (25)

- si l'état de la nature est défavorable :

( ) ( )0012 .1 ICRrC sp −−+= 012

01

IRr

CC sp −=

++⇔ Probabilité = 1-p (26)

Le niveau d'utilité du entrepreneur-consommateur sera donc :

U(C0, C11) avec la probabilité p (27)

U(C0, C12) avec la probabilité (1-p) (28)

Précisons sa fonction d'objectif. Il est classique de supposer que, en choisissant 0C et 0I , l’entrepreneur-

consommateur va chercher à maximiser l'espérance mathématique de son niveau d'utilité8, sous les contraintes (25) et (26) :

( ) ( ) ( ) ( )120110 C,CU.p1C,CU.pUEMax −+= (29)

Le Lagrangien s’écrit : (30)

( ) ( ) ( ) ( )[ ] ( ) ( ) ( ) ( )[ ] 12002120

1101001110

CICR.r1.C,CU.p1

CIEBEICR.r1.C,CU.p

−−−++−+

−+−−++=

λ

λΛ

Supposons comme habituellement que la fonction d'utilité soit additive-séparable à aversion par le risque

constante :

( )εε

εε

++

−=

−−

1

1C.

a1

1

1

1CC,CU

11

10

10 (31)

Conditions du premier ordre (annulation des dérivées partielles du Lagrangien) :

( ) ( )[ ] ( ) ( ) 0r1..p1IEEBr1..p0I

20110

=+−−′++−⇔= λλ∂

Λ∂

( ) ( ) ( ) ( )0

0101

1

201 =où .

11.1

dI

IdEBEIEEB

p

prIEEB ′

−++=′⇔

λλ

(32)

( )( ) ( )

r1..p1.p

C

10

C21

00

+−+=⇔= λλ∂

Λ∂ε

(33)

. +

1

1111 C

1

a1

10

∂Λ∂

ε=⇔= (34)

2

1212 C

1

a1

10

∂Λ∂

ε=.

+

⇔= (35)

( ) ( ) ( )

010011

1

IEBEICR.r1C0 +−−+=⇔=λ∂Λ∂

(36)

( ) ( )

20012 ICR.r1C0 −−+=⇔=

λ∂Λ∂

(37)

8 Ce critère de l’espérance mathématique de l’utilité préconisé par Von Neumann et Morgenstern peut en fait se

déduire d’un ensemble d’axiomes sur les fonctions d’utilité (voir cours de micro-économie approfondie).

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De (36) et (37) ou de (25) et (26), on tire la relation suivante : ( )011211 IEBECC += (38)

Eliminons 2et λλ1 . On obtient aisément :

( ) ( ) ( )[ ] ( ) ( )[ ]

−−+

−+

+−−+++

=εεε

0001000ICR.r1

p1

IEBEICR.r1

p.

a1

r1

C

1 (40)

Le système des équations (39) et (40) détermine les deux inconnues I0 et C0 . Pour le résoudre

complètement, il faudrait spécifier la fonction ( )01 IEBE , ce que nous ne ferons pas ici9. On se limitera aux

observations suivantes.

On retrouve bien entendu le cas "sans risque" en supposant p = 1. Désignons les solutions correspondantes

par 100 CC,I et : (41)

( ) rIEEB +=′ 1ˆ01 et

$

$

C

C

r

a

1

0

1

1

=

++

ε

Nota : $I0 est alors indépendant de a et de ε

Si 1 <≤ p0 , on ne peut plus calculer I0 indépendamment de a et de ε . L’équation (39) montre que le

crochet est supérieur10

à 1 . Il en résulte que )ˆ()( 0101 IEEBIEEB ′>′ , ce qui entraîne, si l’on suppose

que la fonction ( )01 IEBE est à rendement décroissant (voir figure 2) :

I I0 0< $ (42)

Ainsi, la prise en compte du risque conduit à décider un investissement de productivité marginale plus élevée, donc de moindre volume que dans la solution "sans risque". Ce résultat est général.

Il en découle en outre une règle de prudence. En effet, s'il surestimait ( )01 IEBE ou p, volontairement ou

involontairement, l’agriculteur n'aurait pas de revenus suffisants en période 1 pour avoir une consommation C12

> 0 tout en remboursant ses emprunts... Il pourrait donc alors être tenté de ne pas assurer (totalement) le service

de sa dette ! Pour prévenir ce risque "d'erreur", les banques demandent souvent que l'investisseur autofinance une partie suffisante (de 30 à 40 % couramment) de l'investissement total ; elles demandent en outre des garanties mobilisables en cas de non-remboursement du prêt consenti.

9 Vous pourrez par exemple examiner le cas ( ) 10avec0I.A0IEBE <<= β

β

10 Si l’agriculteur n’est pas averse au risque ( )ε = 0 , alors ( ) rIEEBp +=′ 101. : l’espérance du gain doit

permettre de rembourser l’investissement marginal plus le taux d’intérêt.

( ) ( ) ( ) ( ) ( )( ) ( )

−−+

+−−+−++=′

ε

00

010001

ICR.r1

IEBEICR.r1.

p

p11.r1IEEB (39)

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3.2 Assurance Revenons à notre agriculteur et, faisant désormais abstraction du choix de l’investissement, concentrons-nous

sur la consommation prévisible en période 1, qui peut prendre deux valeurs éventuelles, C11 avec la probabilité

p et C12 avec la probabilité ( )1− p ; l’espérance de la consommation en période 1 est :

( ) ( ) 12111 C.p1C.pCE −+= . (43)

Aux deux valeurs possibles de la consommation correspondent respectivement les utilités

( ) ( )U C U C11 12et , dont l’espérance est : ( ) ( ) ( ) ( )1211 CU.p1CU.pUE −+= (44)

L’aversion pour le risque se traduit par la forme concave de la fonction d’utilité, qui signifie :

( )[ ] ( ) ( ) ( )12111211 CU.p1CU.pC.p1C.pU −+≥−+ (voir figure 3) (45)

Autrement dit : le consommateur averse au risque préfère une consommation certaine (la même quel que soit

l’état de la nature) à une consommation variable de même moyenne. Le passage de la variabilité à la stabilisation

lui procure un gain d’utilité. Il en résulte qu’il va rechercher à diminuer la variabilité de sa consommation (ou

de ses revenus), quitte à sacrifier pour cela une partie de son gain, c’est-à-dire quitte à payer une prime d’assurance.

Considérons alors deux agents A Aet * (consommateurs ou entrepreneurs) qui sont soumis aux mêmes états

de la nature (l’état 1 et l’état 2 dans notre exemple), mais qui diffèrent par les consommations qu’ils prévoient

et/ou par leur aversion à l’égard du risque : ils peuvent être amenés à s’assurer mutuellement en passant un

contrat établi selon le principe suivant. Tout se passe comme si chaque agent distinguait deux produits différents

: le blé B1 dans l’état de la nature 1 et le blé B2 dans l’état de la nature 2 ; ils peuvent alors chercher à

échanger ces deux biens, exactement comme dans le cas décrit au chapitre 1.

Considérons tout d’abord l’agent A . Supposons qu’il consomme la quantité de blé x (au lieu de C11 ) dans

l’état de la nature 1 et la quantité de blé y (au leu de C12 ) dans l’état de la nature 2. Dans le plan ( )X ,Y , on

peut tracer (voir figure 4) la courbe d’indifférence correspondant à l’utilité

( )εε

εε

−−

−+−

−=

−−

1

1y.p1

1

1x.pU

11

0 de la solution sans échange ; elle tourne sa concavité vers le nord-

est (si ε > 0 ) et passe par le point M0 de coordonnées ( )x y, , représentant les consommations de l’agent A

en l’absence d’échange : il consommerait alors ( )0Mx kg de blé dans l’état de la nature 1 et ( )0My kg de

blé dans l’état de la nature 2. On trace aisément la courbe d’indifférence correspondant à une utilité U U> 0 .

Propriété commune à chacune de ces courbes d’indifférence ( )∀U : à son intersection avec la première

bissectrice, la pente de la courbe (taux marginal de substitution TMS) vaut11

: p

p1

dx

dy

yx,U

−−=

=

(46)

On peut effectuer les mêmes opérations pour l’agent A*.

Une présentation commode est celle de la boîte d’Edgeworth (voir chapitre 1, annexe 1). On ne discutera pas ici

toutes les possibilités d’échange ; on se bornera à la procédure concurrentielle, qui passe par l’utilisation de prix

d’échange, en situation de « price taker ». Le mécanisme d’offre et de demande détermine alors l’échange

11 En effet, en différentiant à U constant on obtient : ( ) ( ) ( )p x dx p y dy. . . . . .1 1 1 0−

−+ − −

−=ε

εε

ε.

Or à l’intersection avec la première bissectrice, x y= . Donc: ( )p dx p dy. .+ − =1 0 , cqfd.

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concurrentiel optimal (représenté par le point Ω ) qui fournit simultanément le prix d’équilibre et les quantités

échangées. Ainsi, s’il se réalisait l’état de la nature 1, l’agent A devrait livrer à l’agent A* la quantité de blé

( ) ( )0x M x− Ω ; s’il réalisant l’état de la nature 2, l’agent A* devrait livrer à l’agent A la quantité de blé

( ) ( )0y y MΩ − .

Cette procédure est décentralisable, c’est-à-dire applicable quel que soit le nombre des demandeurs et des

offreurs.

Un cas particulier notable est celui où l’agent A* (par exemple) a une aversion nulle à l’égard du risque (son

utilité dépend alors seulement de la moyenne de ses consommations et est indifférente à leur variabilité12

). Ses

courbes d’indifférence sont alors des droites, d’équation ( ). * . *p x l p y U+ − = (on suppose toujours dans

cet exemple simplifié que les états de la nature ont la même probabilité pour les deux consommateurs). Le point

d’échange concurrentiel optimal se trouve alors à l’intersection de la droite d’indifférence de l’agent A* avec la

première bissectrice relative à l’agent A qui se trouve ainsi totalement assuré contre les aléas : sa consommation

(après a change) est la même dans les deux états de la nature.

3.3. États de la nature non-probabilisables

Il est fréquent que l’on ne dispose ni de « loi de probabilité objective », ni de dire d’expert pour apprécier les

risques qui pèsent sur un projet, et qu’il ne soit pas possible de souscrire une assurance.

On peut alors avoir recours à des critères de choix discret, en envisageant un certain nombre (M) de décisions

d’investissement ( ),... ,...l m MI I I et en imaginant par exemple un certain nombre (N) de scénarios

( ),... ,...l n NS S S .

On présentera ci-après sommairement les deux critères les plus courants de choix en avenir incertain (non

probabilisable). Pour une présentation plus approfondie, voir le cours de théorie de la décision et des jeux. On se

limitera ici (sans perte de généralité) à l’hypothèse de deux décisions et de trois scénarios (M=2, N=3).

• Critère « maximum du minimum de profit » (ou « maximin ») :

Faisant l’hypothèse qu’il est dans le scénario nS et qu’il décide de réaliser l’investissement mI ,

l’investissement peut (on le suppose) calculer le bénéfice actualisé (ou valeur nette actualisée) par euro investi,

que nous appellerons mnB . Considérons alors le tableau de ces valeurs dans l’exemple suivant :

Tableau 3 Bénéfice actualisé mnB

m \ n S1 S2 S3

I1 - 3 4 10

I2 1 3 5

12

C’est le cas par exemple d’une compagnie d’assurance qui agrège les revenus d’un grand nombre d’assurés

soumis à des aléas indépendants.

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Si l’investisseur choisissait l’investissement 1I , son bénéfice pourrait être important (10 dans le scénario 3S ). Il

risquerait de se transformer en perte non négligeable (-3 dans le scénario 1S ). S’il choisissait l’investissement

2I , son bénéfice ne pourrait être que modéré (5 dans le scénario 1S ), mais il n’aurait jamais de perte.

Le critère « maximin » consiste à procéder en deux étapes :

a) Pour chaque investissement mI , on cherche la plus petite valeur mX des bénéfices actualisés mnB en

passant les N scénarios en revue : inf mnm nX B= pour 1,..., .n N=

Dans notre exemple : pour 1I 1 3X = −

pour 2I 2 1X =

b) On choisit ensuite l’investissement qui donne le plus grand nombre des mX , en passant en revue les M

décisions. Dans notre exemple, ce critère conduit donc à choisir l’investissement 2I .

• Critère « minimum du maximum de regret » (ou « minimax »)

L’application de ce critère comporte trois étapes.

a) On construit d’abord le tableau des regrets, de la façon suivante :

Supposons que l’investisseur ait choisi 1I . S’il se produit le scénario S2 ou S3 , il n’aura aucun regret. Mais s’il

se produit le scénario S1, en choisissant I2, il aurait obtenu 1 au lieu de perdre 3 ; il éprouve donc un regret qui

peut se chiffrer à : 1-(-3) = 4.

Supposons maintenant qu’il ait choisit l’investissement I2. Sil el scénario qui se réalise est S1, il n’aura aucun

regret. Mais si c’est S3, en choisissant I1, il aurait obtenu 10 au lieu de 5 ; il éprouvera donc un « regret », qui

peut se chiffrer à : 10-5 = 5.

D’où le tableau de ses regrets : ( )sup mn mnmn mR B B= −

Tableau 4 Regrets mnR

m \ n S1 S2 S3

I1 4 0 0

I2 0 1 5

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On détermine ensuite pour chaque investissement mI la plus grande valeur mY du regret mnR , en passant les

N scénarios en revue : supm n mnY R= pour 1,...,n N=

Dans notre exemple : pour 1I 1 4Y =

pour 2I 2 5Y =

On choisit ensuite l’investissement qui donne le plus petit mY , en passant en revue les M décisions. Dans notre

exemple, ce critère conduit à retenir l’investissement 1I .

3.4. Information imparfaite

Tout ce qui précède suppose que tous les agents soient au même niveau d’information. En particulier, chacun est

censé connaître non seulement ses propres caractéristiques, mais aussi celles des autres agents.

Dans la réalité, l’information est asymétrique : par exemple, un entrepreneur ne connaît pas nécessairement

toutes les caractéristiques de ses clients. Il peut, par exemple avoir deux « types » de clients, l’une des

caractéristiques par un paramètre θ , l’autre par un paramètre θ ; mais lorsqu’un client se présente,

l’entrepreneur peut être dans l’incapacité d’en deviner le type, voire être dans l’obligation légale de ne pas « faire

de discrimination ». On y reviendra au chapitre 7.

4. Fiscalité et choix des investissements

On a jusqu’ici fait abstraction de la fiscalité. En fait, elle intervient de multiples façons, qui ne peuvent être

évoquées que sommairement dans un cours d’initiation.

• L’impôt sur les sociétés frappe les résultats (positifs) des entreprises, au taux τ . Le résulta s’obtient en

retranchant de l’excédent brut d’exploitation tEBE :

- les frais financiers tFF (payés par l’entreprise sur ses dettes à court, moyen, long terme)

- l’amortissement tA (fraction de la valeur d’achat de l’investissement) et diverses provisions.

L’impôt sur les sociétés et sur les résultats de l’année ( )t est donc :

( ).t t t tIS EBE FF Aτ= − − (47)

Il est payé l’année ( )1t + . De sorte que le flux net d’encaisse *

tE de l’entreprise l’année ( )t est :

( )*

1 1 1.t t t t tE EBE EBE FF Aτ − − −= − − − (48)

En toute rigueur, l’optimisation du § (2.2.2.) devrait donc tenir compte de l’impôt, qui introduit ainsi une

incitation à financer l’investissement par emprunt plutôt que par autofinancement, puisque les frais financiers

tFF sont déductibles de l’assiette imposable.

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• Le problème est plus complexe encore puisque, par le biais de l’avoir fiscal, le

consommateur propriétaire peut déduire de son impôt sur le revenu l’impôt sur les sociétés

qui a été retiré sur les bénéfices avant distribution des dividendes.

• Ajoutons que la TVA grevant le coût des investissements est déductible par les

entreprises.

Au total, les critères de choix des investissements présentés aux §§ 2 et 3 sont donc très

simplificateurs : la complexité de la fiscalité des entreprises conduit à affiner les études en

recourant à des simulations beaucoup plus sophistiquées.

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